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CCCCX.

Mariez ne se peuvent avantager.

Gens mariez ne se peuvent ceder, donner, ou transporter l’un à l’autre quelque chose que ce soit, ny faire contrats ou concessions par lesquels les biens de l’un viennent à l’autre, en tout ou partie, directement ou indirectement.

Cette prohibition si generale et si absolué que la Coûtume fait au mary et à la femme de l’avantager l’un l’autre en quelque maniere que ce puisse être paroit rigoureuse : Bien qu’un amour pur et desinteressé doive être le principe et la cause de leur union, il ne falloit pas neanmoins leur interdire si absolument tous les moyens d’exercer la remuneration et la gratitude, les raisons qui ont servy de pretexte et de fondement à ces défenses generales ne sont pas assez solides pour être suivies et pour y avoir eu de si grands égards : Il étoit veritablement juste de ne leur permettre pas de se dépoüiller de tous leurs biens par des dona-tions universelles, de crainte que par un amour excessif et aveugle ils ne fussent reduits pans la necessité, sur tout le maniage venant à être dissous par un divorce ; mais outre que l’on ne doit plus apprehender les inconveniens qui pouvoient proceder d’un divorce, les mariages étans indissolubles que par la mort, il étoit aisé d’y apporter le même temperament que l’on a fait pour les autres personnes, en leur accordant seulement la liberté de disposer d’une certaine portion de leurs biens ; ou si l’on craignoit que celuy des conjoints qui seroit le plus amoureux ou le plus liberal ne se vit dépoüillé par les artifices, les. flateries, et les importunitez de l’autre qui n’auroit qu’une amitié mercenaire, on pouvoit n’approuver que les donations à cause de mort et testamentaires, qui n’auroient fait prejudice qu’à des heritiers, pour lesquels l’on ne doit pas avoir des sentimens si tendres que pour une femme ou pour un mary.

Les Loix Romaines ont suivy cette équité, quoy qu’elles eussent interdit les donations entre vifs, entre les conjoints par mariage, afin que l’excez d’un amour reciproque ne les portât pas à se faire des donations immenses, et à se dépoüiller de leurs biens sans mettre aucunes bornes à leurs liberalitez ; neanmoins elles approuvoient les donations à cause de mort et testamentaires, parce qu’elles n’avoient leur execution qu’en un temps où la necessité n’étoit plus à crain-dre, et où la qualité de mary et de femme venant à cesser, la cause de la prohibition n’avoit plus de lieu ; et comme ces mêmes Loix avoient principalement pour but que l’on ne s’enichit pas aux dépens de l’autre, elle ne desapprouvoient pas même entre vifs ces espèces de donations qui ne rendoient pas le donataire plus riche : que et donantem pauperiorem, et accipientem non faciet locupletiorem, l. 5. 5. D. de Donat. inter vir. & uxor. D. ce qui étoit même donné pour aider à obtenir quelque Dignité ne passoit pas pour donation, l. 40. eod.

Quelques Coûtumes de France ont imité cet exemple, elles ont permis aux Gens Mariez de se donner par Testament ; Amiens, Article 106. Mantes, Article 26. Rheims, Article 291.

Noyon, Article S. Lodunois, Ch. 25. Article S. Les autres prohibent toutes donations entre e mary et la femme, soit entre vifs ou testamentaires ; Paris, 282. Orléans, 280. Clermont, 124. Celle de Bourgogne, titre des Droits appartenans à Gens Mariez, Article 7. les pprouve, pourvû qu’elles soient faites du consentement des heritiers ; mais la pluspart ont autorisé les donations mutuelles : Nôtre Coûtume plus rigoureuse, les condamne toutes sant distinction : Il est vray que dans cet Article, elle ne fait point mention de la donâtion testay mentaire, mais elle s’en est expliquée nettement dans l’Article CCCCXXII.

Pour l’éclaircissement de cet Article, il faut distinguer trois sortes de donations qui se font ordinairement pour éluder la disposition de la Coûtume ; la premiere, auparavant les époufailles ; la seconde, par le Contrat de mariage ; et la troisiéme, constant le mariage par des voyes indirectes et obliques, et par interposition de personnes.

La prohibition faite aux conjoints de se donner n’est pas fondée seulement sur les princiles du Droit Romain, que les Jurisconsultes ont rapportées dans les Loix 1. 2. et 3. du titre De Donat. inter vir. & uxor. D. Le Droit François a eu particulièrement cette vûë de conserver les biens dans les familles, et c’est pourquoy il n’est pas permis, comme par le Droit Romain, de rendre cette prohibition illusoire par une infinité de manières ; la donation entre vifs ne seroit pas confirmée par le mort, si le donataire ne l’avoit pas revoquée, puis qu’il est défendu de donner par Testament, et l’on n’examine point si la donation est profitable au donataire, et s’il en est devenu plus riche, il suffit que les biens du donateur en soient diminuez, et c’est pourquoy la Coûtume employe tant de clauses et de termes differens pour rempescher les fraudes, et pour condamner tous les déguisemens et les voyes obliques dont l’on pourroit se servir : Gens mariez ne se peuvent ceder, donner, ou transporter l’un à l’autre quelque chose que ce soit, et faire Contrats ou Confessions, par lesquels les biens de l’un viennent à l’autre en tout ou partie, directement ou indirectement.

Mais quoy que les témoignages et les marques du véritable amour conjugal doivent consister uniquement en une amitié pure et desinteressée, néanmoins l’avarice a trouvé des moyens ài subrils et si ingenieux pour éluder les Loix, que nonobstant toutes leurs precautions il est souvent fort mal aisé de découvrir la fraude et l’obliquité des Contrats.

Premierement on a douté si la Coûtume défendant simplement de donner sans prononcer la nullité des Contrats faits contre sa prohibition, ils ne laissoient pas de subsister ; mais cette difficulté est facile à refoudre ; car la disposition étant conçûë en termes negatifs, suffit-elle pas pour annuller tout ce qui est fait contre sa prohibition, licet consuetudo non procedat ultrâ annullando tamen actus est nullus,Boërius , sur la Coûtume de Berry, titre S. 5. 1.

On a taché de confirmer ces donations en imposant une peine à l’heritier qui les contrediroit, mais la cause et le fondement de cette peine n’étant pas. legitime, l’heritier peut y Chassanée contrevenir impunément ; Chassanée titre des Droits appartenans à Gens Mariez, 5. 7. Verbo, ne peuvent, n. 6. sicut non valet, ita nec pona apposita. te consentement que l’on exigeroit de l’heritier ne les rendroit pas valables ; car ce n’est pas son feul interest, mais celuy de toute la famille, que les biens soient conservez et qu’ils ne passent pas d’une ligne à une autre ; le Grand, sur la Coûtume de Troyes, Art. 104. gli La Coûtume de Bourgogne approuve ces donations lors qu’elles ont été faites du consentement de l’heritier, mais cessant une disposition expresse son consentement seroit inutile, noc seulement parce que l’on presumeroit qu’il n’auroit pas été volontaire mais principa lement à cause que la Coûtume défend expressément les donations entre Gens Mariez : Je parleray sur l’Article CCCexXXI. de l’effer que le consentement de l’heritier peut produire.

On n’attend pas toûjours l’accomplissement du mariage pour se faire avantage ; comme il est difficile en ce temps-là de faire fraude à la Loy, on tache à s’asseurer en deux manieres, ou avant les fiançailles, et avant que les pactions du mariage soient arrétées et fignées, ou dans intervalle des fiançailles et du mariage. Il est certain que les donations qui ne sont point faites dans la vûë du mariage ne sont point défenduës ; mais si les rechenhes étoient déja faites et les conventions arrétées en quelque sorte, bien qu’elles ne fussent point encore rédigées. par écrit, les mêmes raisons pour lesquelles les donations faites entre les fiancez pourroient être rimprouvées se rencontreroient aussi à l’égard de celles-là.

On pourroit induire de ces paroles Gens Mariez, que la Coûtume n’a reprouvé que les donations qui se font constant le mariage, de forte que l’on ne doit pas étendre plus loin sa prohibition, ny presumer qu’elle ait ôté la liberté de donner à ceux qui ne sont encore conjoints que par esperance ; car si plusieurs ont estimé que la prohibition de donner entre vifs ne comprend point la donation testamentaire, dautant que la Coûtume ayant introduit les donations et les testamens par une disposition generale, en laquelle toutes sottes de personnes sont aussi genera-ement comprises, il faut dire aussi qu’il n’y a que ceux que la même Coûtume, l’Ordonaance et les Loix en ont excluses qui en soient interdits, et sur ce principe l’on peut con-plure que la Coûtume n’ayant défendu les donations qu’entre Gens Mariez, elle les a permises entre ceux qui ne sont point encore parfaitement engagez dans cette condition.

Le Droit Romain n’a point improuvé ces donations, l. Si sponsus. 5. l. cum hic status, 3â.

S. Si servus, D. de Donat. inter vir. & uxor. Il est vray que l’on y faisoit cette distinction, que si l’on y mettoit cette condition que la donation ne seroit parfaite qu’aprés le mariage contracté, elle n’étoit point valable, Si eâ lege donabatur ut post, contractas nuptias persiceretur, lonatio non valebat. D. l. Si fponsus : mais elle ne laissoit pas de subsister, bien qu’elle eût été faite le jour même des nopces, pourvû que la femme n’eût point encore été conduite en la maison du mary, Si die nuptiarum facta sit donatio, cum in ambiguum venire possit utrùm à pponso vel à marito donatum sit, distinguendum est, ut si in tua domo donum acceptum est, aute ouptias videatur facta effe donatio, l. cum in te. C. de Donat. ante Nupt Ricard en son Traité de Donat. Parc. 1. c. 3. Sect. 6. dit que ces Loix ne distinguent pas si les donations dont elles parlent avoient été faites separément du Contrat de mariage et hors la presence des parens qui y avoient assisté, de forte qu’elles ne peuvent pas regler la questions mais parmy les Romains il ne se pratiquoit gueres que les parens fussent presens ou appellez à la fignature des Contrats de mariage, ou que les pactions en fussent arrétées en leur presence, et c’est pourquoy cet Auteur n’a pû douter que par le Droit Romain les donations ne ussent permises entre fiancez, puis qu’elles pouvoient être faites le jour même du mariage, pourvû seulement que la femme fût encore en sa maison, quod si penes se dedit sponsus retrahi potest, uxor enim fuisti. D. l. cum in re ; ce qui montre évidemment que l’on ne faisoit aucune distinction si la donation étoit faite dans le Contrat de mariage ou separément, et par quelque acte qu’elle eût été faite elle subsistoit toûjours, pourvû que la femme fût encore chez elle.

Il est vray que Mr de Cambolas témoigne que sur cette question les Juges furent partis en opinions au Parlement de Tolose, et que l’Arrest ne termina pas la difficulté, les Juges s’étant trrétez particulièrement à cette circonstance, que le donateur étoit decedé sans revoquer la donation, au moyen dequoy supposé même qu’elle eût été faite durant le mariage, elle auroit soûjours été confirmée par la mort

Quelques Docteurs François font distinction entre les fiançailles par paroles de present ou Chassa par paroles de futur ; au premier cas la donation est nulle, parce que les fiancailles par paroles de present sont un véritable mariage, mais en l’autre cas la donation est bonne ; Chassa-née, titre des Droits appartenans à Gens Mariez, 5. 7.

Cette difficulté ne peut naître parmy nous qu’à l’égard de la fiancée, car pour le fiancé il ne peut en quelque temps que ce soit donner de ses immeubles à sa fiancée, elle peut seules ment avoir doüaire qui luy appartient sans stipulation ; mais à l’égard de la fiancée elle peut véritablement donner à son futur époux ses meubles et le tiers de ses immeubles, et toutefois cette donation ne peut valoir si elle n’est faite par le Contrat de mariage ; de sorte que celle qui seroit faite separément, soit avant la signature du Contrat ou aprés, seroit considerée comme une contre-lettre qui est reprouvée par la Coûtume, ainsi quoy que la fiancée eût oû donner à son fiancé par le Contrat de mariage le tiers de ses immeubles, si elle ne l’a point fait elle n’est plus capable de le faire par un acte posterieur et separé, et pour le faire valoit il seroit hecessaire que les mêmes personnes qui auroient assisté au Contrat de mariage fussent appellez à cette donation, et qu’ils y fussent presens, en ce cas on la considereroit comme un appen-dice et une addition du Contrat de mariage, pour reparer l’obmission d’une paction legitime, favorable et ordinaire, et la femme ne faisant que ce qui est permis, on ne considereroit point cette donation comme l’effet d’un amour dereglé, ou comme une contre-lettre, n’ayant point été faite en secret et au prejudice des conventions solennellement arrétées par le Cons trat de mariage ; mais cessant ces conditions toutes donations entre fiancez seroient nulles, bien qu’ils n’eussent donné que les choses que la Coûtume leur permettoit de donner par un Contrat de mariage.

La Coûtume nouvelle de Bretagne, Article 205. s’en est expliquée fort nettement en ces termes : Homme peut donner à sa future épouse, on la femme à son futur époux au Traité de leur mariage faisant leurs fiançailles, et par le Contrat d’icelles là tierce partie de son héritage : Ce n’est donc que lors des fiançailles et par le Contrat de mariage que ces donations sont permises ; et quoy que cet Article semble ne parler que des donations faites par Gens Matiez, on l’a neanmoins étendu avec beaucoup de raison aux fiancez et à ceux qui ont déja quelque enagement pour le mariage, les mêmes considerations se rencontrans pour les fiancez que pour ses Gens Mariez ; et l’on peut même dire qu’elles sont encore plus fortes, l’amour pour les choses que hous desirons ardemment, et que nous ne possedons pas encote, étant incomparablement plus violent que pour celles dont la joüissance a pû ralentir nos desirs Pour faire fraude à la Coûtume, et pour donner plus qu’il n’est permis, on pratique des Contrats de vente, et l’on use d’autres déguisemens avant les promesses et le Contrat de mariage : lors qu’il paroit qu’ils ont été faits dans la vûé do mariage, et dans un temps où les parties s’étoient déja engagées par des promesses fecretes, si jam fides futuri matrimonii interveniffet, il est sans difficulié que ces actes sont d’autant moins valables que l’on y a employé la fraude pour les soûtenir. La décision de ces questions dépend ordinairement des circonstances particulieres du fait : si la donation peut avoir quelqu’autre motif ou quelqu’autre cause que le mariage, elle ne sera pas détruite par le mariage qui s’ensuivra, l. 1. l. Si filia. l. Si tibi C. de Donat. ante Nupt. le peu d’intervalle entre la donation ou quelqu’autre Contrat, Argentré et le mariage fait presumer la donation, ex brevitate temporis inter matrimonium & donationem, dijudicandum est an ex ea causa factum sit, Argent. Art. 2. 20. gl. 5. n. 11. Une femme nommée Brigeant, deux jours avant son mariage vendit son héritage pour en donner les doniets à son mary ; Depuis ayant poursuivi contre l’acquereur pour rentrer en possession de son biens elle obrint Sentence à son benefice, par Arrest en la Chambre de l’Edit du premier de Juillet 1639. si mieux l’acquereur ne vouloit payer encore une fois la valeur de l’héritage ; ma il faut supposer que cet acquereur étoit participant de la fraude, et que le Contrat de maria ge étoit signé, autrement cette femme ayant vendu dans un temps où elle étoit capable de contracter, elle n’auroit pû deposseder un acquereur de bonne foy. Autre Arrest du mois de Mars 1620. au Rapport de Mr Duval Coupeauville, par lequel une femme ayant cédé et vendu une rente à son mary le jour de son mariage, aprés sa mort elle se pourvût par Lettres de récision qui furent entérinées.

Une donation testamentaire faite par une femme à celuy qu’elle épouseroit quelque temps. aprés deviendroit nulle, car le Testament n’ayant effet que par la mort, la donation arriveroit dans un temps où la femme seroit incapable de donner ; Ricard des Donat. 1. p. c. 3. sect. 6.

Quant aux donations faites par le Contrat de mariage, j’ay déja remarqué que le mary ne peut donner de ses immeubles, mais pour éluder cette prohibition on se sert ordinairement de ces deux moyens.

Le premier, que le mary confesse avoir reçû des sommes considérables pour la don de sa femme ; cette fraude est la plus ordinaire et la plus difficile à découvrir, et l’on a souvent agité cette question, si la confession et la quitance baillée par le mary étoient uffisantes pour obliger les heritiers à la restitution de la dot que le mary déclaroit avoir reçûë La Coûtume n’a pas seulement défendu les donations, mais aussi tous les Contrats qui produisent quelque utilité à l’un des conjoints, d’où l’on conclud que quand la liberté n’est pas entière de disposer en faveur d’un autre, la confession feule ou la déclaration ne suffisent pas, li d’ailleurs la vérité n’en est établie par d’autres voyes, qui testamentum, de Probat. D. c’est en vain que pour faire valoir un legs fait à un incapable on le colore d’une cause onéreuse ; toutes ces déclarations passent pour des illusions qu’on veut faire à la Loy ; par la même raison Castre la seule quitance du mary ne fait point de foy, si la vérité n’est d’ailleurs justifiée par les heitiers, c’est le sentiment des anciens Auteurs, de Paul de Castre, deBalde , deBarthole , que ejusmodi confessio facta inter personas, inter quas prohibita est donatio, ut. titulus lucrativus, prasumitur facta in fraudem legis, et sic animo donandi, sur tout quand les deniers se trouvent yez par la femme, et non point par pere, mere, frere, ou autre parent,Coquil . quest. 120.

Neanmoins comme il seroit injuste d’obliger une femme à verifier qu’elle ou les parens ont actuellement payé les deniers dont son mary a baillé la quitance, sur tout lors qu’elle a été ssée devant des personnes publiques, non seulement on dispense les femmes de faire ces preuves, mais même on ne reçoit pas la preuve des faits contraires : cette question a été plaiée plusieurs fois en des especes où toutes les circonstances fournissoient de grandes presom-ptions de la fraude et de l’impossibilité que les deniers eussent été payez. Ouo Blancart ayant quatre filles d’un premier mariage épousa en secondes nopces Jeanne Miseray, qui promit de luy porter lors de la celebration du mariage tous ses meubles et ustensiles de ménage, avec toutes les levées étans sur ses héritages non encore ameublies, et pour recompense de ces meubles estimez entr’eux à huit cens livres en la presence des parens, il s’obligea de payer les dettes de cette femme, et de remplacer en rente ou héritage huit cens livres pour tenit son nom, côté et ligne, à faute dequoy il la remplaçoit dés à present sur ses héritages : ce mariage ne dura que deux ans, et il n’en resta aucuns enfans : la veuve par la Coûtume d’Evreux prit la moitié aux meubles : les filles heritieres de leur pere soûtinrent que les huit cens livres n’avoient point été payées par la femme, que ses meubles ne valoient pas la somme de deux rens livres, dos cauta, sed non numerata, qu’il n’avoit point été fait d’inventaire ny d’estimation des meubles, qu’il seroit aisé par cette voye de faire avantage à la femme, qu’aprés tout cette constitution de huit cens livres n’avoit pû être faite des ustensiles de ménage, de levées étans encore en herbes qu’on n’avoit pû estimer, et qui depuis le mariage avoient été consunées dans le ménage, et prenant la moitié aux meubles elle reprenoit la moitié de ce qu’elle avoit apporté, et la pluspart étant encore en essence elle devoit les reprendre, et le surplus être partagé ; que si elle emportoit la moitié des meubles et huit cens livres sur le bien, elle auroit presque tout le bien de son mary, qui ne valoit pas cinquante livres de rente, pou voir passé deux ans avec un vieillard âgé de soixante et dix ans. La veuve répondoit qu’elle avoit porté tous ses meubles, que le mary s’étoit contenté de la livraison et de l’estimation, et son Contrat de mariage ayant été passé en presence de deux des gendres, ils n’étoient pa recevables à le contester, que la consignation ayant été faite suivant la Coûtume, à faute par son mary d’avoir remplacé les huit cens livres elle pouvoit reprendre sa dot sur les immeuples : Le Bailly Haut-Justicier de Garentieres avoit jugé que les huit cens livres seroient levées sur les meubles avant le partage, dont la veuve ayant appellé devant le Bailly de Gisors il avoit cassé la Sentence, et ordonné que les huit cens livres comme consignées seroient prises sur les immeubles, ce qui fut confirmé par Arrest du 4. de Mars 1634. l’ay plaidé deux fois une pareille question pour une même femme : En 1637. Bon Thomas Ecuyer, sieur d’Auberville, épousa Demoiselle Marie Senot, fille du sieur de la Peinterie, qui luy promit pour sa dot trente et une mille livres, dont il y en avoit dix mille pour don mobil, et le surplus constitué en quinze cens livres de rente : En 1652. le sieur de la Peinperie, frère de cette Dame, fit le rachapt de cette rente devant les Tabellions ; le sieur d’Au-berville étant mort en 1657. Catherine Thomas, veuve du sieur de Creteville sa seur et son heritiere, s’imaginant que le Contrat étoit simulé elle se fit permettre de publier des Censures Ecclesiastiques pour en faire la preuve, et elle déclara former inscription contre la nu-meration des deniers, à quoy le Juge l’ayant reçûë le sieur de la Peinterie en appella ; et je difois pour luy et pour la Dame sa soeur, que la Dame de Creteville n’étoit pas recevable à faire une preuve par témoins contre un Contrat passé devant des personnes publiques, ny à former inscription contre la numeration des deniers, suivant le Droit Romain et François, que TEmpereut en la Loy in contractibus au S. Sed quoniam, Cod. De non numer. Pecun. ayant remarqué que les chicaneurs ne manquoient jamais à opposer cette exception De non numeratâ pecuniâ, avoit trouvé juste de retrancher en certains cas cette exception, et particulierement pour la dot, lors qu’avec le Contrat de mariage il se trouvoit encore une quitance de la dot ; de sorte que suivant cette Loy, et l’explication de MrCujas , eraet quidem locus exceptioaei non numeratae pecuniae, aut non traditae dotis cum tabulae nuptiales confecte sunt, quibus dicitur dotem datam, 3. 1. de dote cautâ non numer. sed si praterea apocha caveat maritus se dotem accepisse, contra eum bec exceptio non opponitur dotium favore : ils estimoient que hec geminata confessio plus operabatur quam una, et que in geminatâ confessione non praesumitur animus donandi, et en la Loy der-niere, De dote cauta, in dotibus quas datas esse dotalibus instrumentis conscribi moris est, cûm adhuc aulla datio, sed pollicitatio, tantùm liceat non numeratae pecuniae exceptionem opponere sententia Imveratoris, aeitFachaenaus , l. 8. Controver. c. 81. Exceptioni non numeratae pecuniae dotis locum esses si prater instrumentum dotale etiam apochâ caverit maritus se dotem accepisse, arque hinc nostri colligunt receptionem dotis à marito factam constante matrimonio omni suspicione carere. EtCovarr . l. 1. c. 7. num. 6. variar. resolut. non existimat esse locum exceptioni non numeratae pecuniae, si confessionem precesserit dotale instrumentum : Or quand on s’attacheroit à cette jurisprudence, elle seroit avantageuse au sieur de la Peinterie, puis que la dot avoit été promise par le Contrat de mariage, et qu’il n’en avoit fait le rachapt que quatorze ans aprés le mariage, ce qui détruisoit toute la presomption que le mary eût voulu faire un avantage à sa femme.

Mais j’ajoûtois que par un Usage general de la France on ne faisoit point cette distinctions.

Masuer Masuer. Tit. 9. De except. dit que l’exception de dot non payée, et de deniers non nombrez, n’est point recevable, si on ne fait apparoir du contraire par des Actes autentiques : Et Bacquet des Droits de Just. c. 15. num. 85. dit que le titre De dote cautâ, et non numer. n’est point gardé en France, non plus que lexception De non numeratâ pecuniâ, quia statur instrumento et et creditur : Toutes les circonstances du fait faisoient la preuve de la vérité de ce rachapr ; on n’avoit payé aucun argent comptant par le Contrat de mariage, le rachapt n’avoit été fait que quatorze ans aprés, et on ne pouvoit pas presumer que le sieur de la Peinterie n’eûr pû faire ce rachapt, puis que l’on confessoit qu’il étoit fort riche. Theroude pour la Dame de Creteville, n’apportoit d’autre preuve de la fraude que l’âge du sieur d’Auberville, par Arrest an la Grand-Chambre du 10 de Decembre 1660. on cassa la Sentence, et on permit à la Dame de Creteville de publier des Censures Ecclesiastiques, à la réserve de ce qui concernoit la numeration de la dot, et le Contrat de rachapt. cette Dame avoit dés-lors épousé Messire Antoine de la Luzerne, Seigneur de Brevant, et par le Contrat de mariage il avoit reconnu avoir reçû en argent la somme de quatre-vingts mille livres, et en même temps le fils du sieur de Brevant épousa la fille du sieur de la Peinterie, niéce de cette Dame, à laquelle elle donna cinquante mille livres comptant. Aprés la mort du sieur de Brevant, ses enfans firent une Transaction avec la Dame leur belle-mere pour tous ses droits ; mais quelque temps aprés ils prirent des Lettres de récision, alléguant qu’ils avoient été deçûs, ne sçachant pas l’état des choses, et remontroient qu’il étoit absolument impossible que cette Dame eût pû apporter cette somme au sieur de Brevant leur pere, et pour le prouver ils alléguoient qu’elle n’avoit eu en dot que quinze cens livres de rente, qu’elle avoit renoncé à la succession de son mary, que son doüaire étoit de cinq mille livres de rente, mais qu’elle n’étoit demeurée en viduité que pendant dix-huit mois : d’où il resultoit qu’il étoit contre toute vray-semblance qu’elle eût pû apporter cette fomme, que c’étoit pour cette raison qu’elle avoit été passer son Contrat de mariage en la Vicomté de Bayeux, quoy u’elle fût domiciliée dans le Bailliage de Costentin, devant des Tabellions qui étoient à sa devotion, et qu’enfin elle s’étoit épuisée par la donation de cinquante mille livres qu’elle avoir actuel. lement payée à sa niéce. Je difois pour cette Dame que si l’on avoit égard à cette pretenduë impossipilité, elle prouveroit plus que lon ne pretendoit, car suivant leur discours elle n’autoit pû donner à sa niéce cinquante mille livres, et cependant ils convenoient que le payement en avoit été fait, or il n’étoit pas vray-semblable que cette Dame étant sur le point de contracter un second mariage. eût fait un present si considérable à sa niéce, et qu’elle se fût dépoüillée de tout son bien, au lieu de le conserver aux enfans qui pouvoient naître de son matiage : Le Bailly de Carenten avoit debouté les sieurs de Brevant de leur Lettres de récision, et par Arrest donné en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr Voisin, le mois de Mars 1671. la Sentence fut confirmée.

Un des Arresis les plus considérables est celuy de la Biche. Un Gentilhomme âgé de soixame et douzt ans épousa une jeune fille, et reconnût avoir reçû la somme de cent cinquante mille livres, il moutut quinze jours aprés, et on ne luy trouva aucuns deniers ; les heritiers vouloient prouver qu’il n’avoit rien reçû, et que la fraude étoit apparonte, vû qu’un vieillard épousoit une jeune Demoiselle dont le pere n’avoit point de biens, et qui n’avoit pû donner une somme si considérable ; les heritiers furent declarez non recevables.

Autre Arrest sur ce fait. Le sieur le Noble âgé de soixante ans épousa la fille du sieur Forétier, Ecuyer sieur des Roques, il donna quitance de quatre mille livres, du nombre de six constituées pour la dot ; Depuis la celebration du mariage cette jeune femme mourut avant fon mary, lequel étant prest de mourir passa un Acte devant les Notaires où il jura et protesta de n’avoir point reçû les quatre mille livres, et s’en rapporta au serment du sieur des Roques prés la mort du sieur le Noble son heritier contesta les quatre mille livres qui étoient demandées par une autre fille du sieur des Roques, héritière de sa soeur, et il fit juger que le sieur des Roques seroit ouy ; sur l’appel la Demoiselle le Forétier soûtenoit qu’il avoit été mal jugé d’avoir ordonné que son pere seroit ouy en une Cause où il n’avoit point d’interest, que le feu sieur le Noble ayant donné sa quitance, il, n’étoit pas recevable à prouver le contraire, que l’excepuion Non numerata pecuniae par le Droit Civil se prescrivoit au commencement, par dix ans, depuis par cinq, et enfin par deux, d’où il s’ensuivoit qu’aprés douze ans cette exception n’étoit pas admissible, in quibus non permittitur exceptionem non numeratae pecunia pponere, vel ab initio, vel post tempus elapsum, in his nec jusjurandum offerre licet, l. 14. c. De non numer. pecun. que d’ailleurs la declaration de son pere ne devoit point être reçûë à cause de la haine qu’il loy portoit pour avoir changé de Religion. L’heritier répondoit qu’il falloir toûiours reconnoître la vérité, et qu’il s’en rapportoit au serment du pere pour décision, qu’il ne s’agissoit plus de la dot d’une femme laquelle est toûjours favorable, c’étoit un heritier qui vouloit profiter d’une fraude : Par Arrest du 26. de Janvier 1655. la Cout ordonna qu’il en seroit deliberé, et depuis par Arrest la Sontence fut castée, et executoire accordé pour les quatre mille livres ; mais alors il y avoit une cedule evocatoire signifiée.

On a jugé par un autre Arrest du mois de Janvier 1658. entre Nicole Droüet, vouve l’Antoinn Saquepée, contre Jacques Saquepée, Tuteur des enfans d’Antoine, qu’une quitance le déniers doraux baillée par le mary moyemant une vente de levées, étoit suffisante pour voir remplacement sur les biens du mary, nonobstant les allegations de confidence.

Autre Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rappont de Mr de Toufreville, du 12. de Juin 1646. sur ce fait. Il étoit dû à un Officier de la Maison du Roy de Navarre des ponsions et des appointemens montans à mille livros, il épousa en 1602. la miéce du Tresorier de petie Maison, à laquelle il constibua quatre cons livres pour fa dot, on cas que son oncle le fist payer desdites mille livres ; quelque temps aprés le Tresorier les fit payer à l’Officier, Quntante ans aprés son mariage, et un an avant sa mort il dossa son Contrat de moriage de la neception des mille livres, et constitua les quatre cens livres en dot qu’il assigna sur une fienne maison size à Alençon ; la femme pretendoit avoir cette maison pour su dot, ou du moms se faire payer des quatre cens livres : le Juge luy avoit accordé sa demande, mais par l’Arrest a Sentence fut cassée, et l’on jugea que c’étoit un avancement indirect, dautant que cette somme de mille livres appartenoit au mary, et bien qu’elle eût été payée par le credit de l’oncle de la femme, elle ne laissoit pas d’être ddé au mary.

Dos confessa à marito quando presumatur aumerata in ejus et suogum heredum detrimentum, Consule Menochium l3. De prasumpt. prefumpt. 14. quando aucem prasumatur numerata in prajuvoium creditorum : idem presumpt. 13.

Pour faire valoir la confession et la quitance du mary, il est necessaire que le Contrat de mariage ait été reconnu avant le mariage, autrement on n’y auroit point d’égard, comme il a été jugé sur ce fait en la Chambre des Enquêtes le 5. de Juiller 167 y. au Rapport de Mr Auber de Tremanville, ontre Thomas Bloüset, sieur des Vallées, appellant, et Barbe Roussin, intimée : Me Marguerin Bloüet Avocat, par son Contrat de mariage avoc Barbe Roussin, veuve d’un nommé Cartier, en datte sous signature privée de l’année 1652. reconnu foulemont en 1682. dix ans aprés la celebration de ce mariage, confessa qu’il avoit reçû de cette veuve plusieurs meubles d’une valeus considérable, pour lesquels il se constitua envers elle en cent cinquante livres de rente pour ley temir nature de dor, et pour en joüir sa vie durant, et en cas que ses heritiers luy conrestassent cette rente qu’elle en auroit la proprieté. Aprés la mort dudit Bloüet, Thomas Bloüet son frère et son heritier beneficiaire, pretendit que cette fomme n’avoit tion apporté à son fèère ; la veuve fut reçûë par le Juge de Coûtance à faire preuve que fon mary avoit été faist par elle de tous ses meubles, qu’elle declara particulièrement par ue Requête, dont ledit Bhoüiet ayant appellé, il allégnoit pour moyens d’appel que l’intimée ne pouvoit demander la dot qu’elle avoit stipulée par son Contrat de mariage, n’ayant tion apporté à son mary, étant veuvo d’un miférable dont le métier et l’employ consistoit à chanter des Chanfons par les Carfours, que de son côté elle n’avoit que douze livres de rente, et son mary étoit mort fi pauvre que l’on n’avoit fait aucun inventaire de fos meubles, que par l’Article CCCCX. toutes donations et Contrats par lesquels les biens de l’un passant à fautre directement ou indirectement sont nuls, et ce dessein se prouve par les circonstances particulieres du fait, l. si stipulatus D. de verb. obligat. que ce dessein de faire avantage à l’insimée paroissoit visiblement par la pauvreté notoire de son premier mary, par le miserable état où il avoit laissé sa femme, et qu’il n’étoit pas vray-semblable que la veuve d’un chanteur de Chansons par les Carfours eût pû avoir le capital de cent cinquante livres de rente, que ledit Bloüer luy avoit constituées en dot ; aussi la preuve de la fraude se faisoit par les termes même du Contrat de mariage, car son mary ne luy donnoit que l’usufruit de cette rente, et la proprieté ne luy en étoit laissée qu’en cas que les heritiers du mary luy contetassent ses droits : or aprés des presomptions si fortes lon ne pouvoit avoir égard à la decla-ration du mary, et la preuve qu’elle offroit de faire n’étoit pas admissible, au contraire cette veuve disoit que son mary tenoit une maison garnie, dans laquelle il y avoit plusieurs meuples, qu’il y logeoit plusieurs personnes de condition avec lesquels il faisoit un profit consi-dérable, que pour cet effet il luy étoit necessaire de fe fournir de plusieurs provisions, ce qui ne se pouvoit faire sans biens ; aussi elle offroit de prouver qu’elle avoit apporté des meubles à son second mary, dont la valeur excedoit le prix de la rente qu’il avoit constituée ; quelque notoire que fût la pauvreté de cette femme, si son Contrat de mariage avoit été reconnu avant la celebration du mariage, on auroit tenu la déclatation du mary suffisante ; mais n’ayant été reconnu que depuis, son n’eut point d’égard à la déclaration du mary, et elle fut deboutée de la preuve qu’elle vouloit faire, en quoy faisant la Sentence qui ly admettoit fut cassée.

Toutes les circonstances particulieres du fait étoient fort desavantageuses à cette veuve, elle n’avoit aucuns biens, la reconnoissance du Contrat de mariage étoit posterieure de dix années à la celebration du mariage, et les clauses de ce Contrat marquoient visiblement le dessein du mary de faire avantage à sa femme.

I en est autrement à légard de la femme, la donation qu’elle feroit à son mary de ce que la Coûtume luy permet de donner ne seroit pas nulle, bien que le Contrat de mariage n’eûr été reconnu que depuis la celebration du mariage, et même qu’il n’y eût point de parens de la femme qui y eussent signé. La nommée Turgis donna à Saquepée son mary le tiers de ses immeubles pour son don mobil : ce Contrat de mariage ne fut reconnu que depuis les époufailles en labsence des parens de ladite Turgis, laquelle même ne sçavoit faire qu’une mar-que ; aprés sa mort ses heritiers contesterent cette donation, pretendant que le Contrat n’ayant été reconnu que depuis le mariage res devenerat ad eum casum, à quo incipere non poterat, et qu’il seroit fort aisé d’exiger de pareilles donations en faisant un nouveau Contrat de mariage, et d’obtenir d’une femme durant le mariage ce qu’elle n’auroit pas voulu consentir auparavant, sur tout n’y appellant aucun parent de son côté, ce qui seroit aneantir cet Article, que la surprise avoit été d’autant plus aisée que cette femme ne sçavoit écrire et ne faisoit qu’une marque, et le record ne pouvant être fait par les parens presents, parce qu’ils n’étoient point parens de la femme : On representoit pour le mary que cette donation ne pouvoit être suspecte, dautant qu’elle est ordinaire dans les Contrats de mariage qui se passent en Nor-mandie, et qu’elle étoit conforme à la Coûtume en quoy elle étoit differente de celle qui se fait par le mary à la femme ; car n’étant pas permise on n’a point d’égard aux déclatations que le mary passe pour faire un avantage indirect à sa femme, si elles ne sont portées par un Acte autentique, que la reconnoissance du Contrat de mariage n’étoit necesfaire que pour lhypotheque, et bien que la femme n’eût fait qu’une marque cela étoit suffi-sant, puis que lon ne desavoüoit pas que ce ne fût son fait ; que s’il étoit necessaire d’appeller les parens de la femme ce seroit la reduire à la condition des mineurs, et les parens ne voudroient jamais consentir à une donation qui se feroit à leur prejudice ; par Sentence du Juge de Caudebec la donation avoit été confirmée ; la Cour sur l’appel mit les parties hors de Cour, par Arrest donné en la Grand. Chambre le 12. de Janvier 1651. plaidans Lesdos et Maurry. Cette question avoit été déja decidée le 18. de May 1648. au profit de Bucaille, quoy que le Contrat de mariage n’eût été reconnu que quatre mois aprés le mariage. Autre Arrest pareil du 27. de Juillet 1658. Par le Contrat de mariage de Delaunay avec la nommée Durand, fait sous signature privée en l’absence de tous leurs parens et amis, et où l’on n’avoit ppellé pour témoins que deux païsans, dont l’un ne sçavoit signer, cette femme luy donna en faveur de mariage tous ses meubles, et lusufruit de la moitié de ses immeubles sa vie durant, auit jours aprés le mariage fut célèbré, mais le Contrat ne fut reconnu qu’un mois aprés, et sinsinuation n’en fut faite qu’aprés la mort de la femme : Nonobstant le contredit de l’heritière de la donatrice, la donation ayant été jugée valable par le Juge du Pontlevéque, sur l’appel de Court son Avocat fondoit la nullité de la donation, sur ce que le Contrat de mariage étoit sous signature privée, qu’il avoit été fait en l’absence des parens, et reconnu un nois aprés le mariage, et par consequent dans un temps où le mary et la femme ne pouservoient plus se faire aucun avantage, que si ces donations étoient valables il n’y avoit point de mary qui par autorité ou par complaisance n’exigeât quelque don de sa femme : Dailleurs toutes les suspicions d’un antidate se rencontroient en ce Contrat, il étoit sous signature privée, l’on n’y avoit appellé aucuns parens, il n’étoit pas même signé d’aucuns témoins qui fussent dignes de foy : Aussi sur ces considerations la Cour avoit improuvé une pareille donation par un Arrest célèbre du 9. de Septembre 1629. qui fut confirmé par un autre Arress du Parlement de Paris, au profit du sieur de Mathan, contre le sieur du Tronc, qui pour un Contrat de mariage sous signature privée avec la Demoiselle de Bapaulme, reconnu depuis le mariage, s’étoit fait donner une somme de vingt mille livres ; le sieur du Tronc s’étant pourvû contre cet Arrest par Lettres de Requête Civile, il en fut debouté par Arrest du Parlement de Paris ; l’Appellante ajoûtoit que quand même la donation seroit valable elle étoit reductible, la femme n’ayant pû donner que le tiers de l’usufruit de ses immeubles. Cavelande défendoit pour le mary, disant que la femme n’avoit donné que ce que la Coûtume luy permettoit de donner, et ce qui se donnoit ordinairement par la femme en se mariant, que le défaut de reconnoissance n’étoit considérable que pour l’hypotheque, pour la reduction il n’y avoit pas lieu de la demander ny pour les meubles ny pour les immeubles, car pour les meubles la femme n’ayant qu’une fille qu’elle avoit mariée et dont elle avoit payé le mariage, elle étoit en pouvoir de disposer de tous ses meubles ; il n’y avoit point aussi d’excez en la donation de la moitié de l’usufruit de ses immeubles, parce que la Coûtume permettant de donner la proprieté du tiers, cette moitié de l’usufruit étoit moindre, consentant de prendre e tiers en proprieté si l’Appellante vouloit le luy abandonner ; par l’Arrest l’on mit sur l’appel les parties hors de Cour

Le second moyen dont l’on se sert pour faire avantage à la femme, est de luy accorder qu’elle remporte ses bagues et joyaux, ou une somme qui excede beaucoup la valeur de ses pagues et joyaux, et celle des meubles que l’on reconnoit qu’elle a apportez : lors que ce remort n’est à prendre que sur les meubles il ne peut être disputé ; mais la jurisprudence a été long-temps incertaine, pour sçavoir si l’on pouvoit l’etendre aussi sur les immeubles.

Cette question s’offrit entre le Forétier, Ecuyer sieur d’Ozeville, et la Demoiselle d’Arreville, et Dame le Hericy, veuve du sieur de S. Germain Grosparmy ; par le Contrat de mariage de Hericy, sieur de Creulet, donnoit à ladite Dame de S. Germain sa fille la somme de 17000. livres en attendant sa succession ; il ne fut rien donné au mary pour don mobils et par le Contrat de mariage il n’étoit point dit qu’elle apportât aucuns meubles, il fut neanmoins stipulé qu’en cas que son mary la predecedât elle remporteroit son carosse, ses bagues et joyaux, ou la somme de 15000. livres à son choix ; aprés la mort de son mary cette somme ne pouvant être payée sur les meubles, elle la demanda sur les immeubles : les soeurs ou leurs enfans heritiers du sieur de S. Germain y formerent oppofition, soûtenant que ces stipulationt n’étoient point valables, autrement on donneroit ouverture à faire fraude à la Coûtume, que le dessein de faire un avantage à la Dame de S. Germain étoit apparent ; car quoy que ce remport ne soit dû que quand la femme apporte des meubles à son mary, neanmoins on luy accordoit un remport de 15000. livres, nonobstant que son mary n’eût reçû d’elle aucuns meubles, et que même elle ne luy eût fait aucun don mobil, qu’en tout cas cette somme ne pouvoit être prise que sur les meubles aprés le payement des dettes : La Dame de S. Germair pretendoit que cette somme n’étoit pas excessive, vù la condition des parties et la valeur de son bien, qu’on ne pouvoit luy rendre cette stipulation inutile, que c’étoit une dette à laquelle tout le bien du mary, meuble et immeuble étoit obligé, qu’il falloir presumer que le mary avoit reçû des meubles, bien que le Contrat de mariage n’en fist point mention, puis qu’il avoit consenti que sa femme les pûst remporter, n’étant pas vray-semblable qu’une fille de qualité n’eût aucuns meubles, que si les heritiers du mary ne sont point admis à contrédire a quitance de la dot baillée par le mary, à plus forte raison on ne les doit pas écouter quand ils veulent empescher le remport que la femme a stipulé : Le Juge de Carentan avoit ordonné que la Dame de S. Germain seroit payée sur les meubles seulement, dont ayant appellé, par Arrest du 10. de Juin 1654. au Rapport de Mr de Vigneral en la Grand. Chambre, la Sensence fut cassée, et il fut ordonné qu’au défaut de meubles la somme de 15000. livres seroit payée sur les immeubles. J’avois écrit au procez pour les heritiers On se seroit asseurément écarté de l’esprit de nôtre Coûtume, si cet Arrest avoit servi de Reglement ; car cette femme n’ayant fait aucun don mobil à son mary, ne paroissant pas même qu’elle luy eût apporté aucuns meubles, et ne laissant pas neanmoins de prendre 15000. livres sur ses immeubles, n’étoit-ce pas une pure liberalité de la part du mary, et une véritable donation, quoy qu’elle soit si étroitement défenduë par la Coûtume Aussi depuis l’on a étably cette Maxime au Palais, que quand la femme n’a fait aucun don mobil à son mary, elle ne peut être payée du remport qu’elle a stipulé que sur les meubles, et non sur les immeubles, autrement le mary pourroit donner à sa femme de ses immeubles ; Arrest du 13. de Janvier 1667. entre Dame Anne de Thiesse, veuve de Charles-Philippes de a Barre, sieur de Bonneville, appellante d’une part ; et Messire Claude de la Barre, President en la Chambre des Comptes, intimé d’autre part.

La question fut nettement decidée en l’Audience de la Grand. Chambre le 8. d’Aoust 167s Dame Catherine de Paris, par son Contrat de mariage avec Jean de la Vouë, Ecuyer sieur de Bosroger, avoit stipulé un remport de six mille livres, son mary ayant fait mauvais ménage et s’étant fait separer de biens d’avec luy, il luy ceda tout son bien pour son doüaire, pour ses deniers dotaux et pour trois mille cinq cens livres qui luy restoient dûs de son remport, le surplus ayant été payé sur les meubles : Jean de la Varde Ecuyer, Receveur des Tailles à Bernay, creancier posterieur du mariage du sieur de Bosroger, luy contredit ce remloy de trois mille cinq cens livres, pretendant qu’elle n’avoit pû le prendre sur les immeu-bles de son mary, ny même sur les meubles, à cause qu’elle n’avoit rien donné à son mary : De Cahagnes pour la Dame de Bosroger, soûtenoit que cette stipulation n’étoit point contraire à la Coûtume, qu’il est vray qu’il n’y avoit point eu de don mobil, mais elle luy avoit d pporté plusieurs meubles, que c’étoit une stipulation de son Contrat de mariage, que le mary ar son mauvais ménage et par la dissipation de ses meubles n’avoit pû rendre inutile ; par l’Arrest ladite Dame de Bosroger fut condamnée de rapporter les trois mille cinq cens livres au profit des créanciers avec les interests, et pour les deux mille cinq cens livres dont elle avoit été payée sur les meubles, ils luy furent ajugez. Durand plaidoit pour le sieur de la Varde.

Quoy que la femme ait fait un don mobil à son mary, le remport qu’elle a stipulé ne peut être pris sur les immeubles de son mary, que jusqu’à la concurrence de la valeur du don mobils cela a été jugé de cette manière en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr du Plessis-Puchot, le 27. de Janvier 1677. sur ce fait. En l’année 1662. Demoiselle Charlote de Normanville contracta mariage avec Robert Capelet, et luy apporta une somme de six mille livres, dont elle donna à son mary deux mille livres pour son don mobil, et le surplus fut constitué en lot, avec stipulation qu’elle remporteroit sa chambre garnie, meubles à son usage, ses bagues et joyaux, ou la somme de trois mille livres en cas que son mary la predecedât sans enfans, et s’il y avoit des enfans qu’elle remporteroit seulement mille livres : En l’année 1675. le mary étant mort sans enfans, elle demanda à Marin Capelet, frère et héritier de son mary, lesdites trois mille livres, il luy offrit la somme de deux mille livres qu’elle avoit donnée à son mary, sur le refus de la veuve les parties ayant procedé devant le Juge de Caudebec il intervint Sentence, par laquelle les offres furent declarées insuffisantes, et l’heritier fut condamné au payement des trois mille livres, dont ayant appellé il soûtenoit ses offres raisonnables, et que n’ayant donné que deux mille livres à son mary, les meubles étant absorbez par les dettes. elle ne pouvoit avoir sur les immeubles qu’une pareille somme de deux mille livres, le mary n’ayant pû luy donner de ses immeubles : La femme pretendoit que son mary avoit pû luy faire cet avantage, que le mariage n’avoit été fait qu’à cette condition, et qu’au défaut de meubles les trois mille livres devoient être payées sur les immeubles, qu’elle n’avoit pas donné à son mary deux mille livres seulement, elle luy avoit encore apporté plusieurs meubles par l’Arrest la Sentence fut cassée, et en reformant ledit Capelet fut déchargé de la demande de ladite de Normanville, en luy payant les deux mille livres qu’il luy avoit offertes.

C’est donc maintenant une jurisprudence établie par les Arrests, que quand la femme n’a rien donné à son mary, le remport qu’elle a stipulé ne peut être pris sur les immeubles, et d lors qu’elle luy a fait un don mobil, elle ne peut être payée de son remport sur les immeuples que jusques à la concurrence de la somme qu’elle a donnée à son mary.

L’amour conjugal devenant souvent plus fort par le mariage, et redoublant l’union des consoints, ils tachent à se faire des avantages et des graces, à quoy ils n’auroient pas consenti avant leurs époufailles ; mais les Loix ont rétranché les moyens de le faire, quelque favorable qu’en soit la cause ou le pretexte : L’on se moqueroit aujourd’huy de lopinion de ces Auteurs qui estimoient valable la donation faite par un mary de basse extraction à une fille de qualité, pour la recompenser de l’honneur qu’elle luy auroit fait : On ne permettroit pas non plus ouvertement à un vieillard languissant d’adoucir les ennuis et les dégoûts d’une belle et jeune personne qui l’auroit accepté pour mary par les liberalitez dont il useroit onvers elle, quoy que plusieurs Auteurs ayent approuvé ces remunerations : Ricard en son Traité des Donat. p. 1. c. 3. sect. 6. asseure néanmoins qu’il y a des exemples par lesquels le Parlement de Paris a quelquefois approuvé ces donations comme remunératoires, mais parmy nous il est inoûy que l’on ait autorisé des donations de cette nature ; et toute la grace que l’on pourroit faire dans un sujet fort favorable, seroit de dissimuler et de fermer en quelque sorte les yeux, lors que la fraude ne paroitroit pas trop grossiere

La donation remunératoire a beaucoup plus de faveur et d’apparence, et c’est pourquoy Chassanée l’on a douté avec raison s’il falloit la comprendre sous la prohibition generale. Chassanée, sur l’Art. 7. in verbo Donat. du titre des Droits appartenans à Gens Mariez, de la Coûtume de Bourgogne, qui est conforme à la nôtre, a traité cette question ; pour la faire valoir l’on dit qu’elle n’est point défenduë par le droit commun, et qu’au contraire elle est approuvée par plusieurs Chassanée Coûtumes, de sorte qu’il ne la faut rejetter que dans les Coûtumes qui la défendent expresément ; Chassanée qui la repute valable se fonde sur cette raison, que la Coûtume permet les donations entre Gens Mariez, pourvû qu’elles soient faites du consentement de l’heritiers d’où il conclud que sa Coûtume ayant plus d’égard à l’interest d’un tiers qu’aux raisons exprinées par les Loix Romaines, elles doivent subsister, si elles ne sont expressément défen-duës. Nous disons au contraire, que le but principal de nôtre Coûtume étant de conserver le droit les heritiers, on ne peut revoquer en doute qu’elle n’ait défendu tout ce qui leur fait prejudice, et s’est inutilement qu’on leur donne pour motit la gratitude et la reconnoissance des offices extraordinaires que l’on pretend avoir été reçûs : car quelle recompense le mary ou la femme se peuvent-ils devoir l’un à l’autre, puis que ce facré lien du mariage les oblige si étroitement à se rendre reciproquement tout le service et le secours dont ils ont besoin C’est une Maxime certaine et une Jurisprudence établie par les Arrests, que les donations. mutuelles n’ont point lieu en Normandie.

Et cela a même été jugé au Parlement de Paris en explication de cet Article, entre M des Hameaux d’une part, et la veuve de Mr de Miroménil, Maître des Requêtes ; le mariage avoit été contracté à Paris, et durant iceluy ils s’étoient fait une donation mutuelle, la question étoit de sçavoir sur quels biens la donation mutuelle auroit son effet : Il y avoit en Nor-mandie des conquests d’héritages, des rentes foncieres, et des rentes constituées : la Dame de Miroménil soûtenoit que suivant l’Article 280. de la Coûtume de Paris, elle devoit avoir l’usufruit de tous les conquests en quelque lieu qu’ils fussent assis, la donation ayant été faite à Paris : Au contraire Mr des Hameaux répondoit que les donations mutuelles entre le mary et la femme étoient nulles suivant la Coûtume de Normandie en cet Article, et que c’étoit la jurisprudence des Arrests qui étoient rapportez par Bérault, et c’est pourquoy l’on ne pouoit étendre la Coûtume de Paris en Normandie. Il fut dit par un Arrest rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 5. c. 4. que la donation mutuelle n’auroit aucun effet sur les immeubles situez en Normandie, mais seulement sur les rentes qui se trouveroient constituées à prix d’argent sur des particuliers de la Province de Normandie.

On confirma néanmoins une espèce de donation mutuelle, par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 10. de May 1642. sur ces circonstances particulieres. Par le Contrat de mariage du sieur de Launay Villarmois sa femme luy donnoit sept mille livres, et le sixième d’une Terre qui y appartenoit, et le mary de son côté luy donnoit deux cens livres de rente en cas qu’il mourût sans enfans ; il n’eut point d’enfans de ce premier mariage, mais il en eut d’une seconde femme les heritiers de la premiere femme ayant demandé les deux cens livres de rente, les enfans lu sieur de Villarmois refuserent de la leur payer, comme étant contre la Coûtume, et la femme ne pouvant avoir que son doüaire ; que d’ailleurs la condition n’étoit point avenuë, de sieur de Villarmois ayant laissé des enfans. On leur répondoit que prenans à leur profit les avantages faits à leur pere, ils avoient mauvaise grace de contester ce qu’il avoit donné, que ce n’étoit pas une donation, mais une remuneration, et il falloit presumer qu’elle auroit moins donné si son mary ne l’avoit recompensée, ce qui fut jugé par l’Arrest, plaidans Coquerel, et Heroüet.

Nos Docteurs ont traité cette question, si la femme se reservant de donner à son mary, ette reserve deviendra nulle aprés le mariage : Pour montrer que cette faculté qu’elle a retenuë luy est inutile, l’on dit que la reserve de donner n’est pas une donation, et qu’étant différée en un emps prohibé elle est nulle, nam paria sunt aliquid fieri tempore prohibitionis, aut conferri in tempus prohibitum. La Loy quod Sponsus C. de Donat. ante Nupt. le decide expressément de la sorte, quod cponse ea lege donatur, ut tunc dominium ejus adipiscatur, cum nuptiae fuerint secute sine effectu est : a quoy la Loy Donationes quas parentes C. de Donat. inter vir. & uxor. n’est point contraire, car cela se faisoit entre les Romains, par cette raison qu’encore que les donations entre vifs faites entre Gens Mariez ne fussent pas valables, néanmoins elles étoient confirmées par la Boerius mort, si elles n’avoient pas été revoquées : Voyez Boêtius sur la Coûtume de Berry, Tit. 8.

S. 1. Le Grand, sur la Coûtume de Troyes, Article 84.

Il est certain que dans les Coûtumes qui défendent aux conjoints de se donner, ils ne pourroient pas valablement se reserver la liberté de contrevenir à cette prohibition, et de se faire avantage durant le mariage, parce que les particuliers ne peuvent pas déroger au droit public ; mais quand une temme a la faculté et le pouvoir de donner à son mary par son Contrat de mariage, cette réserve de luy pouvoir donner durant iceluy ce que la Coûtume luy permettoit de donner avant les époulailles, n’est pas une convention qui soit contraire à la pro-hibition de la Coûtume, parce qu’elle ne défend que les donations qui se font durant le mariage, et sans s’en être réservez la liberté de les pouvoir faire ; mais lors que la donation est faire en vertu d’une stipulation qui ne fait que differer et reserver ce que l’on pouvoit faire alors, bien que la chose soit venuë en un point où elle ne pourroit plus valablement commencer cessant la stipulation, elle peut valoir par la force de la convention : la réserve n’est pas une donation, mais elle donne et conserve une aptitude de la pouvoir faire, ce que l’on n’auroit pû autrement ; de sorte que cette reserve ne peut être inutile et de nul effet que dans les Coûtumes qui défendent absolument toutes donations entre conjoints, et même par le Contrat de mariage. Par la Coûtume de Bourgogne au titre des Droits appartenans à Gens Mariez, Article 7. il est dit que Gens Mariez ne peuvent durant leur mariage faire aucune donation au profit l’un de l’autre, si autrement par le mariage n’étoit entr’eux convenu : En effet cette stipulation n’a rien de mauvais. Une femme est loüable de n’user pas sans connoissance de cause de la faculté qui luy est donnée par la Loy ; elle peut avec prudence se la reserver pour s’ea servir durant son mariage, si fon mary se tend digne de cette faveur : Ce que du Moulin dit en son Apostille, sur cet Article de la Coûtume de Bourgogne, n’est point considérable, hoc isse yalde captiosum ad excludendam difpositionem juris communis ; car en vertu de cetté convention, la femme ne fait que ce qu’elle auroit pû faire par son Gontrat de mariage.

Ce seroit un moyen inutile aux conjoints de se feparer de corps et de biens pour pouvoir fe donner, par cette separation ne feroit pas que les conjoints pûssent se donner avec plus d’effes, et elle ne rompt pas le noeud du mariage ; il y a beancoup de difference entre cet separations et les divorces des Romains, qui emportoient la dissolution du mariage, et c’est pourquoy ils pouvoient valablement se donner aprés le divorce, l. Sed in crim. cum sed. D. de Donat. iuter vir. & uxor.

Bien que la Coûtume ait employé plusieurs clauses en cet Article pour empesther les conjoines de se faire avantage l’un à l’autre, et qu’elle ait rendu sa prohibition generale en défendant de céder, donner ou transporter, ny faire aucuns Contrats, par lefquels les biens de l’un viennent à l’autre en tout ou partie, directement ou indirectement, néanmoins il semble que sa isposition n’est point parfaite, et qu’elle laisse indécisds deux grandes questions ; la première, si elle a interdit aux conjoints l’usage des donations entre vifs seulement, ou si elle est censée seur avoir aussi défendu les donations testamentaires ; et la seconde, si elle a prohibé de donner aux parens de la femme

La premiere question reçoit plus de difficulté dans les Coûtumes qui prohibent expressé. ment les donations entre vifs, mais qui ne parlent point des donations testamentaires ; car encore qu’il semble que la raison foit pareille en un cas comme en l’autre, néanmoins chatun sçait la difference que le Droit Civil y avoit établie ; il défendoit étroitement les dona-tions entre vifs, mais il permettoit les testamentaires, quoy qu’il y eût plus de danger par la raison que les Jurisconsultes Romains en rendent, que nous donnons plus volontiers ce que la mort nous force d’abandonner en bref, facilius morientes donamus, et que d’ailleurs nous nous aimons davantage que nos heritiers : Et dans les Coûtumes qui défendent expressément les donations entre vifs, sans parler des testamentaires, l’on presume que n’ayant excepté que celles-là, et n’y ayant point compris celle-cy ; elle a voulu les laisser dans la disposition du Droit commun, qui est le Droit Romain.

On peut dire que dans nôtre Coûtume l’on ne pouvois faire cette difficulté, parce que sa disposition est generale, et qu’elle défend indistinctement aux conjoints de s’avantager l’un l’autre, sans parler de donations entre vifs ny des testamentaires, de forte que sa prohibition nomprend les unes et les auvres ; mals nos Reformateurs ont éclairer eelie ambiguité, lors que par l’Artiele CCCeXXII. ils ont défendu au mary de donner à sa femme par testament.

La seconde question recevoi plus de difficulté ; car encore que fous ces paroles directement m indirectement, l’on pûst comprendre les donations faites sous le nom de persomnes inter posées, on pouvoit encore restreindre ces paroles aux donations faites pour tourner au profît de la femme, mais cela n’empottoit pas une prohibition de donnes à ses parens, quanc elle n’en profitoit point ; et l’Article CCCCXXII. qui défend au mary de donner à sa femme. ny à ses parens ne docide pas la difficulté, parce que la prohibition n’est faite que pour les uestamons, de sorte qu’on pouvoit en tirer cette confequence, que la Coûtume ne l’ayant défendu que pour les testamens, il y a apparence qu’elle l’a permis pour les donatioms entre vifs.

Le Droit Civil aprés avoir prohibé les donations entre conjoints, comme on no laiffoit pas d’éluder cette prohibition par l’interposition de personnes, on fut oblipé d’ajoûter une autre disposition, ut quod conjux iis qui in potestate conjugis sunt, iis-ve quorûm conjux in potestate est lonarit, non valeat, quippe eum earum donationum vel lucrum vel damnum in alterutrum redunder,Hotoman , in tractatu de Donat. et cet Autour en ce mêmé lien explique garilcuherement toutes les personnes ausquelles il est défendu de donners Cette jurisprudence Romaine étoit neanmoins imparfaite en ce poifit, qu’il étoit bien détendu ab uxoris nurus-ve patre donari viro vel genero, l. 3. 5. 3. D. de Donat. inier vir. & uxor ou pour parler plus clairement, comme Hotoman a remarqué, probibitum est ne vel uxor viro. der ; vel socer genero, et par parité de raison le gendre ne devoit pas avoir la lberté d’instituer son beaupere hernier, quia sola institutio soceri justa erat prefumptio taciti fidei commissi à Papinien socero uxori relicti ae cependant Papiman répond au contraire en la Loy penuttième, De his quae ut indig. D. que si le gendre instituë son beaupere heritier, la seule raison de Paffection patornelle ne suffit point pour en induire un tacite fideicommis, fi gener socerum heredem reliquerit taciti fideioommissi suppicionem sola ratio affectionis paterna non admittit ; et la Glose fut les paroles de dette Loy Taciti fideicommissi, dit qu’en ce cas le fideicommis doit être prouvé apertisfimis probationibus, alléguant pour ce sujet la l. 3. De Jure Fisci, dant laquelle cette matiere est mplément traitée, naturâ difficile est tacitum fideicommissum probare, dit Qumlil. Declam. 37 5.

Si toutefois il y a des prefomptions fortes d’un fideicommis au profit de la personde qui étoit d’ailleurs incapable de la liberalité qui luy a été faite, il est juste d’admettre la preuve par témoins de la confidence ; or en cette Loy Si gener, le soupcon étoit tres-violont, le mary Papin ne pouvoit pas instituer sa femme héritiere contre la difposition de la Loy Julia et Papiu uxorem ex testansentoviri, et è contra virum ex testamento uxoris solidum eapere vetat ; mais pour faire fraude à la Loy il avoit choisi la personne de son beaupere, que si cette presomption que l’on fondoit sur la personne du beaupere ne suffisoit pas, il n’étoit rien plus aisé que de faire illusion à la Loy ; car n’étoit-il pas vray-semblable que l’affection du pere pour sa fille Cujas l’avoit porté à prêter son nom, et à engager sa foy de restituer la succession à sa filles : Mi Gujas Papinien en son Commentaire sur cette Loy, lib. 14. Refpons. Papiniani, dit que si probaretur manifestis Papinianus gationibus socerum tacitam fidem interposuisse, Fiscus hereditatem auferret, verum rectè ait Papimianus, ex eo solo non duci justam presumptionem fideicommissi : mais il faut remarquer que la raison pour laquelle en cette occasion là il falloir des preuves cettaines, étoit que s’il y avoit un tacite fideicommis la succession appartenoit au Fisc ; et c’est pourquoy lors qu’il s’agit de punir et le confisquer, on doit se fonder sur des preuves liquides et manifestes ; mais comme par nos Usages la fraude commise en la donation n’emporteroit pas la perte et la confiscation de la chose donnée, et qu’au contraire l’heritier profiteroit de la nullité, on fait valoir en sa faveur les presomptions et les preuves qui sont apparentes.

Pour éviter toutes les difficultez et les questions pour sçavoir jusques où peut s’étendre la prohibition de donner à la femme, il eût été soit à propos d’ajoûter les paroles de l’Article CCCCXXII. et aux parens d’icelle, par ces deux considerations ; la première, dautant que ton a revoqué en doute si la disposition de l’Article 422. devoit être appliquée à cet Article ; car il ne s’ensuit pas, comme je l’ay déja remarqué, que ce qui est défendu pour les donations testamentaires le soit pareillement pour les donations entre vifs ; la raison de douter est que par la Coûtume en cet Article défendant aux Gens Mariez de se donner, n’érend point sa prohibition plus loin qu’aux personnes des conjoints, et non à leurs parens, au-trement si c’eût été son intention elle n’auroit pas manqué de s’en expliquer, comme elle a fait dans l’Article 422.

Il étoit encore nécessaire d’employer ces paroles, ny aux parens d’icelle, par cette autre ronsideration qu’en plusieurs lieux où les donations sont prohibées entre les conjoints, le mary peut donner aux parens de sa femme, et la seule raison de la proximité n’est pas suffisante, comme il fut jugé en l’Audience de, la Grand. Chambre du Parlement de Paris, le 19. de Février 1641. et par l’Arrest l’on confirma une donation entre vifs, faite par un mary conpointement avec sa femme de tous ses biens au pere de ladite femme, quoy que l’heritier du mary qui contestoit la donation alléguât que c’étoit un fideicommis tacite fait en faveur de la semme par l’interposition d’une personne, s’étant servi pour cet effet du nom du frère de ladite femme, ce qu’il offroit prouver. Le donataire répondoit que ce ne pouvoit êtne un fideicommis tacite, puis que la femme avoit donné conjointement avec son mary, que la feule proximité, et particulierement en ligne collaterale, n’est pas une presomption assez forte pour l’établir, et qu’il étoit inouy jusqu’alors de vouloir avoir la preuve d’un fideicommis par témoins, sur quoy eintervint l’Arrest cu-dessus.

C’est une jurisprudence certaine en Normandie, et qui est établie par plusieurs Arrests, que la prohibition de donner aux parens de la femme a lieu pour les donations entre vifs, comme pour les testamentaires. Le sieur de Caux en matiant la nièce de sa femme luy donna deux mille livres à prendre sur son bien ; aprés sa mort ses heritiers firent juger par Sentence qui cette donation ne pouvoit valoir que sur les meubles, qui n’étoient pas suffisans de la payerSur l’appel de la donataire, Lyout son Avocat pour soûtenir cette donation pretendoit qui par ce terme de parens, il ne falloit entendre que les heritiers presomptifs de la femme, et non pas toute sa parenté, que d’ailleurs l’Article CCCexXII. étant sous le titre des testamens, on ne pouvoit l’entendre des donations entre vifs, qui se regloient par l’Art. CCCCXXXI. qui permet de donner le tiers de son bien, pourvû que le donataire ne soit point heritier mmediat du donateur ou descendant de luy en droite ligne. Morlet pour les heritiers répondoit, que lors que la Coûtume veut étendre sa prohibition plus loin qu’à la personne de l’he-ritier, elle ne se sert jamais du mot de parent, et quand elle use du mot de parentelle, elles comprend tous ceux qui appartiennent à la femme, et la même raison fe rencontre pour les. uns comme pour les autres, bien qu’il puisse arriver que l’empressement et les inductions d’une femme envers son mary seront plus fortes pour son heritier que pour un parent plus éloigné. Il n’y avoit pas aussi d’apparence de n’entendre l’Article CCCCXXII. que des donations testamentaires, et que la Coûtume s’en étoit assez nettement expliquée par ces paroles, directement ou indirectement, qui comprennent tons les moyens dont un mary pourroit faire avantage à sa femme, soit en sa personne ou en celle de ses parens ; cette Cause ayant été plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 4. d’Aoust 1643. la Cour ordonna qu’à n seroit deliberé, et le lendemain il y eut Arrest par lequel la Sentence fut confirmée ; les Parties étoient les heritiers du sieur de Caux, et Guenon sieur de Marivaut. Autre Arrest du 26. deNovembre 1665. par lequel il fut jugé qu’un mary n’avoit pû donner entre vifs. un immeuble au fils de sa femme, ny luy remettre une rente dont il luy étoit redevable.

Pau ayant épousé en secondes nopces Jeanne Anquetil, veuve de Jean Lagnel, bailla à Lagnel, ils de sa femme, trois cens cinquante livres, constituées en vingt-cind livres de rente, et depuis par le Contrat de mariage dudit Lagnel il luy remit cette rente, et luy rendit le Contrat, aprés sa mort ses enfans ayant obtenu des Lettres de récision soûtinrent que la remise de cette rente étoit une donation puis qu’il n’y avoit point d’argent déboursé : Lagnel répondoit que la quitance de cette rente n’étoit pas une donation, mais une liberation et une extinction de dette, et que l’heritier même avoit donné son consentement à la donation, et qu’il l’avoit confirmée : La Cour mit l’appellation et ce dont de la Sentence qui jugeoit la donation bonne, et ayant égard aux Lettres de restitution obtenuës par l’heritier, le maintint en la possession de la rente sans restitution des arrérages.

Aprés tant d’Arrests l’on ne peut plus douter que la donation entre vifs faite par le mary aux parens de sa femme est prohibée, et que pour annuller ces donations la seule qualité de parent est suffisante, sans être obligé d’en alléguer d’autre preuve ny d’autre raison ; et quoy qu’il ne soit pas ajoûté que la femme ne peut donner aux parens de son mary, la même prodibition a lieu, cet Article défendant aux Gens Mariez de se donner directement ou indires ctement.

L’on confirma néanmoins une donation faite par un mary à la niéce de sa femme, sur ces confiderations particulieres. Adtian Gosset n’ayant point d’enfans, donna à Catherine Hermel niéce de sa femme, en la mariant cinq cens livres à prendre sur ses immeubles aprés son decez, et sans en pouvoir rien prendre sur ses meubles, et à condition que cette somme retourneroit à ses heritiers en cas que ladite Hermel mourut sans enfans : Le donateur avoit gatifié cette donation durant la vie de sa premiere femme ; s’étant remarié avec une autre femme, il avoit vécu dix années sans faire aucune déclaration contraire à cette donation, et par son testament il donna tous ses meubles à sa seconde femme : Barbé son heritier contredit la donation sur les immeubles, elle fut declarée valable par le Vicomte et par le Bailly ; sur l’apel de Barbé, d’Orville son Avocat s’aidoit de l’Arrest de de Crux rapporté cu-dessus, et consentoit que la donation fût prise sur les meubles. De Fréville pour la femme representoit que l’intention du donateur étoit expresse, et que la donation de de Crux étoit sur les meubles et immeubles : Everard pour le Pelé disoit aussi que la raison de la prohibition cessoit en ce cas, ces donations n’étant défenduës qu’afin qu’elles ne tournent point au benefice de la femme ; or la femme ny ses heritiers n’en pouvoient profiter, puis qu’en cas de mort sans enfans de la donataire, la donation retournoit aux heritiers du donateur, lequel ayant vécu dix ans depuis la mort de sa premiere femme sans revoquer la donation, son heritier n’y étoit point recévable : Par Arrest du 7. de May 1665. la donation fut confirmée ; l’Atrest fondé sur ces motifs, que le donateur avoit stipulé le retour de la chose donnée, en cas que la donataire mourût sans enfans, et qu’ayant vécu long-temps depuis le decez de sa femme, il n’avoit point revoqué ny protesté conctre cette donation.

C’est en vain qu’on colore ces donations par des pretextes et des motifs de recompense et de remuneration, comme il fut jugé sur ce fait. Dame Marguerite de Briroy, femme de René de Hennot, Ecuyer sieur de Teville, n’ayant point d’enfans fit une donation à la Demoiselle l’Aillier niéce de son mary, et pour la faire valoir elle déclara que c’étoit pour la recompenser des services qu’elle luy avoit rendus ; les heritiers presomptifs de la donatrice s’opposerent à l’insinuation ; et aprés son decez, Marguerie, sieur de Colleville, qui avoit épousé la Demoiselle l’Aillier, ayant voulu prendre possession des choses données, sur le contredit des heritiers la donation fut cassée : Sur l’appel de Marguerie, Greard son Avocat disoit qu’il y avoit deux questions à decider ; la première, si une femme étant en la puissance de son mary pouvoit donner étant autorisée par luy ; et la seconde, si une femme avoit pû donner à la niéce de son maty : Pour la premiere question, il soûtenoit que les femmes n’étoient pas naturellement incapables de donner, que le mariage seul leur pouvoit ôter cette liberté, parce que les maris étans les maîtres de leurs actions, elles ne pouvoient contracter sans leur aveus mais quand cet obstacle étoit levé par le consentement du mary, et que la femme retournoit en sa première liberté, en ce cas la donation étoit bonne, suivant l’Atrest de Hennot rapporté par Berault sur l’Article CCCexXXI. Pour la seconde question, que la Coûtume en cet Article défendoit bien aux conjoints de se donner directement ou indirectement, mais que cela n’avoit lieu que lors que la donation étoit faite sous des noms interposez, pour retourner au profit de l’un ou de l’autre, ce qui n’étoit pas en cette rencontre, et qu’enfin cette donation étant remunératoire et causée pour recompense de services elle devoit subsister. Maurry pour Messire Jacques de Harcour, Baron d’Olonde, intimé, et pour la Demoiselle de Valun, neritière de la Dame de Teville, répondoit que la premiere question avoit été decidée par l’Arrest de Ruette, par lequel on avoit declaré nulle une donation de propres faite par une femme du consentement de son mary, que l’Arrest de Hennot n’étoit que pour des acquests, qu’il n’y avoit nulle cause, nulle necessité d’approuver ces donations, et qu’au contraire la tonsequence en étoit perilleuse, tous les maris qui n’avoient point d’enfans obtiendroient aisément de leurs femmes des donations en faveur de leurs parens ; et à l’égard de la seconde question que la Coûtume y étoit si formelle, et la Cour l’avoit jugé tant de fois, qu’il n’y avoit pas d’apparence de revoquer en doute que les donations entre vifs, faites par les conjoints aux parens de l’un ou de l’autre, ne fussent entièrement nulles ; car si la Coûtume ne permet pas seulement au mary de donner à sa femme le tiers de ses acquests, elle lay permet neaucoup moins de donner de ses propres qu’elle prend tant de soin de conserver dans les familles. Pour les services dont on avoit taché de colorer cette donation, ils n’étoient point prouvez ; la Cause fut appointée au Conseil, et depuis par Arrest donné au Rapport de Mr d’Anviray le 29. de Mars 1659. la Sentence fut confirmée.

Cette prohibition faite au mary de donner aux parens de sa femme ne seroit plus considerable, si le mary aprés la mort de sa femme confirmoit la donation, nam res decrniret ad eum casum à quo incipere poterat. Le sieur de Tontuit se voyant sans enfans donna à la niéce de sa femme, qui demeuroit chez luy, quatorze cens livres à prendre aprés sa mort sur tous ses piens, et ou ses heritiers dans l’année de son decez ne payeroient pas cette somme, il ordonna qu’elle demeureroit constituée en rente ; cette donation étoit causée pour recompense de services : aprés le décez de sa femme il ratifia cette donation, et la fit infinier : le sieur de Tontuit étant decedé et ses heritiers n’étant point connus, les Officiers de Mademoiselle d’Orléans firent saisir tous ses biens-meubles et immeubles à droit de deshérance ; mais les heritiers s’étant presentez ils contesterent la donation en vertu de cet Article et de l’Article CCCCXXII. que la clause de recompense de services ne pouvoit faire subsister cet Acte, puis que ces services n’étoient point constans : la donataire pretendoit que ses services étoient justifiez par les attestations de maladie du donateur qu’elle avoit assisté jusques à son decez, et qu’aprés tout le donateur l’ayant ratifiée aprés le décez de fa femme, en un temps où la cause de la prohibition avoit cessé, elle ne tomboit plus dans le cas de cet Article ; par Arrest du 9. de Janvier 1664. la donation fut confirmée, plaidans Caruë, et Greard On se fert encore d’un moyen oblique et indirect, en empruntant le nom de quelque confident, qui engage sa foy de restituer les choses données ; ce moyen n’est pas moins défendu ue les autres, quippe interdictum est conjugibus sibi donare, tam per se, quam per interpositas personas, l. Hac ratio 3. S. 9. et l. Si sponsus. 8. generaliter, ff. de Donat. inter vir. & uxor. mais la difficulté consiste ordinairement dans la preuve, étant mal-aisé de découvrir ces tacites ideicommis, dont le plus souvent il n’y a que des presomptions et des conjictures.

Il y a neanmoins quelques cas qui sont remarquez par Berault où le mary peut faire avantage. à sa femme, il n’est pas reputé luy donner lors qu’il rachete les rentes qui sont dûës sur son bien, car il en tire du profit, la joüissance qui luy en appartient étant augmentée par cette liberation : Mais sur cette question, si un mary ayant déboursé des deniers pour maintenir sa femme en la possession du fief de Lisore qui luy appartenoit, ce supplément pouvoit être repeté par les heritiers du mary, par Arrest du 27. de Mars 1630. donné en l’Audience de la Grand-Chambre au profit du Tuteur des enfans du sieur de Marescot, les heritiers de la femme furent condamnez à rendre ce supplément

La question si les impenses faites sur les héritages de la femme par le mary peuvent être epetez, est decidée fort differemment : Par le Droit Romain elles se peuvent repeter, l. Sed t vir. 5. Si vir uxori aream donat, ff. de Donat. inter vir. & uxor. Et par la Coûtume de Bretagne, Article 60z. si le maty fait maisons et édifices sur l’héritage de sa femme, le mary ou ses hoirs n’y prendront rien

semble que le mary pourroit repeter ces impenses-là ; car si le mary retire li

des héritages au nom de sa femme, le mary ou ses heritiers peuvent repeter la monié des deniers déboursez, si donc il a fait des bâtimens par le moyen desquels le revenu des héritages soit augmenté, pourquoy n’aura-t’il point le même droit que s’il les avoit employez à un retrait d’héritages : Les Gens Mariez ne se peuvent donner ny faire en sorte que les biens des uns passent aux autres directement ou indirectement ; ce seroit toutefois une espece de donation et un avancement de conquests, de faire de grands bâtimens sur le fonds de la femme, sans en pouvoir demander aucune recompense.

Chassanée Nôtre Usage est certain au contraire, comme Bérault l’a remarqué, et outre Chassanée Boërius u’il cite, Boëtius sur la Coûtume de Berry, titre des Mariages, 5. 2. témoigne que nonobstant la décision du Droit Romain contrarium de consuetudine servatur. La Coûtume de Ni-vernois, titre des Communautez, Article S. y est expresse ; voyez Coquille en ses Questions, question 9. Nous nous sommes fondez sur cette raison, que le mary joüit du revenu du bien de sa femme, ses meubles luy appartiennent, quand il luy échet une succession mobiiaire, il n’est sujet au remploy d’iceux que quand ils excedent la moitié du don mobil ; il n’es pas juste de donner une repetition au mary ou à ses heritiers des bâtimens qu’il a faits, sur tout puis que la Coûtume ne l’ordonne point : ce qui a été dépensé constant le mariage procede de l’industrie et du bon ménage de l’un et de l’autre ; et comme si le mary avoit bâty sor on fonds, la femme ne pourroit demander part aux deniers que l’on auroit employez ; aussi le mary ne, peut demander l’augmentation qu’il a faite sur le bien de sa femme, elle le reprend en l’état qu’elle le trouve, et quidquid adificatum est solo cedit, et le mary est d’autant moins avorable en cette repetition, qu’il a cet avantage de jouir encore du bien de sa femme aprée fa mort s’il en a eu des enfans.

Par le Droit Civil le mary pouvoit demander impensas in res dotales factas, mais en ce cas il falloir qu’elles fussent considérables, omnino & in adificandis adibus et propagandis vineis modicas impensas non debet Arbiter curare, l. Omnino D. de impens. in reb. dotal. fact. quod enim maritus facit propter tutelam necessariam in res dotales quas suo sumptu tueri debet, modicam adificiorum refectionem non repetit et non tam impendifse quam ex his rebus minus percepisse videtur, ista enim x genere et magnitudine impendiorum astimari debere, 1. Quod dicitur D. eod Pour les frais du procez que le maty auroit soûtenu pour la conservation du bien de sa femme, on peut douter s’il peut les repeter ; car on peut dire d’un côté que ce seroit un avancement s’il avoit plus coûté au mary que le revenu du bien de la femme ne luy auroiti produit, les frais d’un procez pour la défense de la proprieté du fonds ad perpetuam agri atilitatem pertinent non ad presentem temporis fructum, l. 3. de impens. in res dotal. factis. On allégue au contraire, que le mary est obligé à la conservation du bien de sa femme, qu’il ne peut le diminuer pour des frais de procez qu’il pourroit entreprendre mal à propos, nam tueri res dotales vir suo sumptu debet, l. Quod dicitur Cod. eodem, et par la Loy dernière du même titre Si impense non solum ad percipiendos fructus, sed etiam ad conseruandam ipsam rem speciemque ejus necessariae sint, eas vir ex suo facit, nullam habet eo nomine ex dote deductionem.