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CCCCXIII.

Testament écrit et signé de la main du testateur est bon et valable, ores que les solennitez prescrites au precedent Article n’ayent été observées et gardées.

En cet Article la Coûtume autorise une seconde espèce de testamens, qu’elle appelle holopraphes, c’est à l’imitation de ce qui est dit dans la l. Lucius Titius : 3. Lucius Titius de leg. 2.

Boc meum testamentum scripfi, sine ullo juriéperito, rationem animi mei potius secutus, quam nimiam & miseram diligentiam.

Le testateur qui écrit et signe de sa main ses dernieres intentions n’a point besoin du conseil des Jurisconsultes, ny du ministere de toutes les personnes que la Coûtume autorise dans l’Article precedent, pour recevoir les tostamens ; il peut mépriser impunément toutés fortes de solennitez, pourvû qu’il n’excede point les formes qui luy sont prescrites pour la disposition de ses biens, son écriture et sa signature rendent ses volontez authentiques et valables Il est d’autant plus juste de faire valoir les testamens holographes, que par iceux nous expliquons nos plus secretes intentions que nous ne voulions découvrir à personne, et cette efpèce de testament étant la plus seure et la plus facile pour faire connoître la volonté du testateur on fa doit approuver, parce que c’est un moyen asseuré pour éviter les suggestions. et la surprise, celuy qui veut ainsi tester écrivant luy-même sa volonté, l’on peut dire que sson osprit et fa main travaillent de concert, et comme il se nomme à luy-même son testament au moment qu’il l’écrit, il n’a pas besoin qu’il luy soit lù et relû, parce qu’il en sçait parfaitement la teneur.

L’on peut alléguer toutefois qu’il y auroit eu raison de ne les approuver pas en Normansie, à cause de la disposition contenuë en l’Article CCCCXXII. par laquelle la donation du tiers des acquests n’est pas valable si elle n’a été faite trois mois avant le decez du testateur ; car l’antidatte étant facile dans les testamens holographes, l’on peut aisément éluder la prohibition que la Coûtume fait en l’Article 422.

Il peut encore en arriver cet mconvenient : Ceux qui n’ont plus la liberté de tester, comme par exemple, les Resgieux aprés leur Profession pourroient encore disposer de leurs biens par un testament antidatté ; mais ces inconveniens n’ont point été trouvez assez considérables par la plus grande partie des Coûtumes de France, pour abolir l’usage des testamens holooraphes ; et nos Reformateurs qui ont pû les prévoir n’y ayans point eu d’égard, l’on ne peut douter que tout ce qui est permis par un testament fait en la forme prescrite en l’Article precedent ne le soit aussi par un testament holographe.

De toutes les formes de testamens connuës dans le Droit Romain, il n’y en a que deux pratiquées dans les païs du Droit écrit ; le testament qui se fait devant Notaires et témoins que l’on appelle vulgairement nuncupatif quoy qu’improprement, parce que le véritable testament nuncupatif est celuy qui se fait de vive voix, et quoy que celuy-cy soit rédigé par écrit on ne laisse pas de le nommer nuncupatif, quia palam nuncupatur heres coram testibus.

L’autre espèce de testament est le secret, ou mystique, qui se fait hors la presence des témoins, et en la forme prescrite par la Loy ; Hac consultissima, c. de testament. Quand le corps du testament est écrit de la main du testateur ou d’une personne confidente, signé de luys et la feüille pliée et par luy scellée est signée et cachetée de sept témoins, ausquels il a declaré sa volonté, et cette espèce de testament est aussi appellé solennel ; car encore que tout testament où toutes les formalitez du Droit écrit ont été gardées puisse être appellé solennell neanmoins par le langage commun et vulgaire des païs du Droit écrit, le testament secret est appellé speciali nota solennel, parce qu’il y a plus de solennitez qu’au testament qui se fait en presence de témoins.

Pour les testamens holographes ils n’étoient point au goust des Romains ; car bien qu’ils eussent été approuvez par une Novelle de Valentinien, néanmoins ils ne furent pas longtemps en usage. MrCujas , ad Tit. de testament. C. parlant de cette Novelle, dit hoc jure non utimur, nam in testamentis holographis requiruntur testium septem signa, et subscriptio testatoris remittitur tantùm vel octavi subscriptoris : Et c’est le sentiment des plus celebres Docteurs, que Justinien cette Novelle n’est d’aucun poids, Justinien ne l’ayant point inserée dans son Code, quoy Theodose qu’elle fût employée plans celuy de Theodose, aussi dans le païs de Droit écrit elle n’y est point suivie,Herald . quest. quotid. l. 1. c. 17.Boniface , l. 1. t. 3. c. 1.Ricard , des Donat. p.. Fresne c. 5. sect. 5. LePrêtre , Cent. 12. c. 66. Journal de du Fresne, l. 1. c. 114. de l’impression de 1652. Henrys. l. 5. quest. 2.

Mais l’on a mû cette question dans le païs de Droit écrit, et dans cette Coûtume, si un testament doit être reputé holographe, quoy qu’il ait été reconnu devant un Notaire, ou que dans l’acte de clôture et souscription d’iceluy l’on ait appellé un Notaire et des témoins, mais non au nombre requis par le Droit écrit :

On allégue pour l’affirmative, que celuy qui choisit une forme de tester, s’engage à garder toutes les solennitez de la forme de testament qu’il a choisie, autrement s’il y manque, ce qu’il a fait ne peut valoir, encore que ce testament eût pû valoir avec moins de solennités. mais ayant choisi une manière de tester plus solennelle il se doit imputer la faute de n’avoit pas suivi exactement le choix qu’il a fait, que cette regle, que abundant non vitiant, n’a point sieu pour les testamens où le mélange de solennitez les corrompt entièrement, de sorte que celuy qui a mélé les formes d’un testament solennel à une écriture holographe renonce au simple testament holographe, et l’Acte ne pouvant plus être considéré qu’avec toutes les qualitez d’un testament solennel, si elles ne sont pas completes il ne peut valoir, ny comme olennel ny comme holographe : ainsi le testateur fait ce qu’il ne pouvoit faire, un testament solennel imparfait que la Loy declare nul, et quoy qu’il eur pû faire un testament holographe sans témoins il ne l’a pas voulu faire, puis qu’il y a appellé des témoins, et par cette raison censes tur magis testamentum voluisse facere quam fecisse, l. Si quis testament. D. de testament.

Au coûtraire l’on dit pour l’affirmative que l’on ne peut douter que le testateur n’ait en intention de faire un testament holographe puis qu’il l’a écrit et signé de sa main, et quoy qu’il l’ait reconou devant un Notaire, et que pour une plus grande precaution il ait recherché cette solennité, que cela ne détruit point ce qui étoit parfait, parce que supersiua non nocent, et la reconnoiffance n’en a été faite par le testateur que pour en faciliter l’execution aprés sa mort, c’est pourquoy l’on ne doit pas presumer que pour y avoir apporté quelque plus grande solennité, quoy qu’elle ne s et pas entieroment complete, il ait eu le dessein de détruire son premier ouvrage qui étoit parfait et accompli ; l’on en trouve un exemple en la l. 3. D. de testament. milit. où un soldat ayant intention de tester en la forme ordinaire n’y observa pas neanmoins toutes les formes requises, sur quoy Ulpian répondant aux difficultez que Pomponins luy proposoit, refoud que le testament étoit bon comme testament militaire. quoy que le testateur eût voulu tester selon le Droit commun, nec enim, dit-il, qui voluit jure communi testari, statim beneficio militari renuntiavit, nec crodendus est quisquam genus testandi eligere ad impugnanda sua judicia, sed magis atroque genere voluisse propter fortuitos casus.

Il en faut dire de même en cette espèce, le testareur ayant choisi la forme du testament nolographe, l’on ne doit pas s’imaginer qu’il ait voulu détruire son ouvrage et condamner son premier sentiment, pour y avoir depuis ajoûté quelqu’autre folennité qui n’étoit point necesfaire pour le faire subsister.

Me Claude Henrys ayant traité cette matière, l. 5. d. 3. estime que lors qu’il n’y a point d’incompatibilité pour les espèces de testamens, et que la forme d’iceux n’est pas si diverse que l’une ne puisse subsister avec les autres, comme celle du testament militaire, qui peut revétir toutes les autres, et le testament holographe qui peut être accompagné de plus grande folennité, l’augmentation de quelques folennitez non nécessaires ne détruit point la validité de l’acte qui étoit parfait et qui pouvoit subsister sans cela, et conformément à cette doctrine par Arrest du 17. Janvier 16t6. un testament fous signature privée reconnu devant Notaires et témoins fut déclaré valable. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 27. Aoust 1618. pour le testament de Mr Quesnel Avocat du Roy à Caen Mais si le testament n’étoit écrit qu’en partie de la main du testateur, il seroit nul. Un Curé avoit fait écrire son testament par son Vicaire, les six dernieres lignes par lesquelles àe approuvoit toutes les dispositions precedentes étoieno écrites de sa main et signées de luy et de deux témoins, mais le Vicaire n’y avoit point signé, les legataires avoient fait insinuer ce testament, et pretendoient que le tessateur ayant écrit les six dernieres lignes et les ayant signées avec deux témoins c’étoit assez pour le rendre bon, sur tout étant fait en faveur de mineurs qui n’étoient exclus de la succession que parce que leur pere étoit predécedé, mais on maintenoit le testament nul pour être entièrement informe, le Vicaire qui l’avoit reçû ne l’ayant point signé, et même ne pouvant pas le recevoir étant legataire : Pat Arrest du 8. de May 1657. en infirmant la Senunce qui jugeoit le restament valable, la Cour mit sur le principal hors de Cour

Dans les regles ordinaires les faits de démence, d’imbecislité et de suggestion alléguez conre un testament holographe ne sont point recevables ; car quand le testateur auroie été im-becille d’esprit, il se pouvoit faire qu’il eût écrit son testament dans un temps auquel il étoit dans son bon sens, cette imbecillité pouvant ne pas être continuelle en ceux qui en sont atreints, lesquels peuvent avoir de bons intervalles, dilucida intervalla, dans lesquels agissans comme les personnes bien sensées, ils sont aussi capables de faire un testament ; de sorte que quand le testateur n’a rien employé dans son testament que de judicieux et de raisonnable, on ne dom pas tant s’arrêter à la capacité de celuy qui l’a fait qu’à ce qui est contenu en iceluy, comme Il fut autrefois jugé à Rome, où le testament fait par un insensé fut confirmé, magis enim centumviri quod scriptum effet in tabulis, quam quis scripsisset, confiderandum existimaverunt, Valer.

Maxim. l. 7. c. 8.

Pour la suggestion regulierement le testament holographe n’en peut être accusé, commé étant l’acte le plus libre et le plus exempt de suspicion qu’un homme puisse faire, puis que dans iceluy il consigne ses plus importantes pensées qu’il n’avoit voulu découvrir à personne : Il poutroit neanmoins, comme Ricard l’a remarqué, y avoir telles circonstances qui pourroient faire admettre cette preuve, mais les exemples en sont si rates, et tant d’Arrests qui sont intervenus à ce sujet en ont debouté ceux qui en ont demandé la permission, que l’on peut établir comme une maxime indubitable au Palais, que les faits de suggestion ne sont pas recevables contre un testament holographe ;Ricard , des Donat. part. 3. c. 1. n. 49.

Tous testamens doivent être portez par écrit, Brodeau surLoüet , 1. T. n. 8. et c’est pourquoy les testamens nuncupatifs ne sont point approuvez en France à cause de l’Ordonnance ne Moulins, et la preuve par témoins n’en est pas récevable, les testamens militaires même ne sont point valables, s’ils ne sont portez par écrit. a Tolose les testamens nuneupatifs y sont reçûs, et suivant le témoignage de Mr d’Olive , l. 5. c. 5. ils y sont le plus en usage parmy eux, mais toutefois redigez par écrit, dautant que les testateurs pour exempter les heritiers et legataires de la peine de faire oüit aprés leur mort les témoins numéraires, font rédiges par écrit ce que publiquement et par nuncupation ils déclarent aux témoins en nombre competent être leur derniere volonté, ainsi l’écriture est employée non comme une solennité necessaire, mais pour la preuve de l’acte, l’écriture n’étant point de l’essence de ces testamens nuncupatifs, qui ne changent et ne perdent point leur nature pour être rédigez par écrit.

Mais bien que la preuve du testament nuncupatif non écrit ne soit pas récevable par témoins, néanmoins il a été jugé au Parlement de Paris par un Arrest rapporté parBrodeau , I. T. n. 8. sur MrLoüet , que l’on peut prouver et témoins que l’heritier presomptif a empesché le défunt de tester à l’effet de le faire déclarer indigne de la succession ; et dans le ournal des Audiences on trouve un Arrest contraire, par lequel des neveux et niéces plus habiles à succeder à leurs tantes aprés la seeur de la défunte, qui étoit pareillement leur tante, ne furent point reçûs à informer des faits de violence et de force qu’ils disoient avoir été pportez pour empescher la défunte de tester. Par Arrest de ce Parlement du 29. de Janvier 1630. deux filles naturelles ayant mis en fait de preuve que leur pere avoit été empesché de ester, et que s’en étant plaint il avoit declaté que son intention étoit de leur donner à chacune cinq cens livres pour les marier, elles y furent reçûës, bien qu’on alléguât que c’étoit dmettre la preuve d’un testament nuncupatif, et que la somme excedoit l’Ordonnance, mais ces questions se doivent decider par les circonstances particulières, et par la qualité des faits dont on demande à faire la preuve.

Dans les lieux où les testamens nuncupatifs sont autorisez et peuvent être prouvez par émoins on admet aisément cette maxime, qu’un testament peut être prouvé par témoins, mais en ce Parlement on n’a point reçû ce fait de preuve, qu’un testament holographe avoit été soustrait. Aprés la mort d’un Gentilhomme nommé du Bose on proceda à l’inventaire de ses écritures, et l’on y trouva un modelle de donation entre vifs, écrit de la main d’un nommé Merez, qui se faisoit donner cent cinquante livres de rente, et un autré modelle de testament pareillement écrit de la main dudit Metez, mais nonobstant toutes les suggestions de Metez le défunt n’avoit point voulu signer ces Actes : se voyant frustré de ses espèrances, et sans attendre que l’inventaire fût clos et parfait, il presenta une Requête au Bailly de S. Sauveur le Vicomte, contenant qu’on avoit soustrait le testament holographe du défunt lors qu’il vivoit encore, et pour en faire la preuve il demandoit qu’il luy fût permis de publier des Censures Ecclesiastiques ; Jacques du Bosc, heriger du défunt, se porta appellant de cette procedure, soûtenant que Metez n’étoit pas recevable à cette preuve : Pour cet effet je difois pour luy que si la Coûtume laisse aux hommes quelque liberté de tester, c’est à condition d’observer les formes qu’elle prescrit avec un soin si exact, que le moindre défaut rend inutiles toutes leurs dispositions et les annulle d’une nullité si precise, que la personne et la Cause du monde a plus favorable ne les peut faire subsister ; il ne suffit point d’avoir fait un testament, si en même temps il n’est accompli de toutes les solennitez necessaires pour sa validité, d’où il resulte que ny les testamens, ny la soustraction pretenduë &ceux, ne se peuvent prouver par témoins. Par le Droit Civil les testamens nuncupatifs étoient valables, d’où l’on peut nduiré que puis qu’on est reçû à prouver par témoins un testament de vive voix et sans écrit, on est oucore plus admissible à la preuve de la perte ou de la suppression du testament : Cette question est traitée par la Glose et par les Docteurs, sur la l. 2. C. De bonorum possessione feundùm tabulas, et parBartole , sur la l. Heredis palam, ff. de testament. et tous conviennen que celuy qui pretend qu’un défunt a fait un testament doit prouver absolument deux choses à sçavoir qu’il ait fait un testament, et qu’il fait fait solennellementa et avec toutes les formes rescrites par la Loy ; car la seule volonté du testateur ne fait pas la preuve du testament c’est la forme qui le fait vivre et qui le fait subsister, s’il étoit autrement ce seroit en vain u’on auroit établi tant de solennitez, si c’étoit assez de prouver qu’un homme auroit fait un restament, qu’il l’auroit dit, et qu’on l’autoit vû ; par cette voye un legataire n’auroit plusà craindre qu’on luy objectât les manquemens et les nullitez de ce testament, et c’est pourquoy lors que l’on est reçû à prouver qu’un testament a été fait, il faut en même temps. prouver qu’il a été fait solennellement, nusquam heredis testamentarii ratio habenda est, priusquam testium, qui testamento intersuerint, testationes proferantur ; Illi autem testes herede legitimè vocato debent exprimere annum, mensem, diem, & locum : C’est la pensée du President President Fabri en son Code, l. 6. t. 5. defin. 8. Agnatus proximus non prius urgendus, ut defensiones ullas proferat quam actor non annum duntaxat & mensem, sed etiam diem addiderit & locum in quo testamen tum conditum dicitur, propterea quod non aliter sciri posset an testamentum illud valeat, hoc est an posterior alia ulla voluntas secuta sit, aut an falsi testes sint, qui asserant intersuisse testamento, aut an alibi testator fuerit eo ipso die

Cela nous apprend que parmy les Romains la preuve des testamens ne se faisoit qu’avec beaucoup de circonspection, avant que d’y être adois il falloit marquer précisément l’an, le mois, le jour, et le lieu où le testament devoit avoir été fait ; on ne pouvoit appeller pour émoins que ceux qui avoient assisté à la confection de ce testament, il en falloit jusqu’au nombre de sept, ils devoient être exempts de tout soupçon, omni exceptione majores ; il falloir que le testateur les eût appellez et priez pour cet effet, et qu’il testât en leur presence, et fontinuo actu, sans aucune interruption, et on y étoit scrupuleux jusques à ce point, que si e testateur avoit seulement forti de sa chambre pour la moindre nécessité naturelle, on doutoit si ce n’étoit pas une nullité, et il falut en faire une décision exptesse, l. Cosus majoris, Cod. de testament. On ne peut douter que suivant cela la preuve de la perte ou de la suppresfion d’un testament étoit impossible ; car dans le Droit Romain les testamens hologiaphes n’étoient point valables sans témoins.

La preuve que l’lntimé veut faire est bien differente, au lieu de se servir de témoins instrumentaires et de témoins de certain, et d’y appeller l’heritier legitime, il la commencée par un procez criminel et par des Censures Ecclesiastiques ; cette manière de preuve est fort éloignée de celle qui se pratiquoit par le Droit Romain, elle est encore moins conforme à l’esprit de la Coûtume et à nôtre Usage, nous avons banny les testamens nuncuparifs, et ce seroit neanmoins en tamener l’usage, bien qu’on les ait condamnez par la seule consideration de la falsité et de la supposition des témoins que la corruption du siècle a rendu si commune : on tomberoit dans ce même inconvenient en admettant la preuve de la perte ou supposition du testament, la consequence en seroit perilleuse, et l’Ordonnance de Moulins a sagement prevenu tous ces abus en rejéttant toute preuve vocale au dessus de cent livres, si par la disposition des Articles CCCCexXVII. et CCCCeXXVIII. de la Coûtume nul n’est tenu d’attendre la preuve de son héritage par témoins, il y a bien moins d’appaience de la recevoir pour les testamens que pour les Contrats ; les testamens n’ont foice et vertu que par l’observation de plusieurs solennitez, il suffit pour la validité d’un Contrat de vente ou d’échange qu’il soit signé des contractans : Les testamens ne dépendent pas de la seule volonté du testateur, et c’est pourquoy tout ce qui consiste en solennitez ne peut tomber en preuves ; on peut bien prouver par témoins qu’un Contrat a été vû, tenu et lû ; cetie preuve seroit imparfaite pour les testamens, parce que ce ne seroit pas assez que le testateur l’eûr signé, il faudroit encore sçavoir s’il seroit accompli en toutes ses formes ; s’il auroit été recû par le curé et Notaire du lieu ; si les témoins qui l’auroient signé étoient idoines et non legataires ; fi le testateur l’avoit dicté ; s’il luy avoit été lù en la presence des Notaires et des témoins si on y avoit apposé la datre pour connoître si le testateur avoit survécu le temps prescrit par la Coûtume s Et comment des témoins qui n’autoient point été presens au testament pourroient-ils parler de toutes ces choses : comment des témoins dont il s’en rencontre si peu qui soient instruits des formes que la Coûtume désire pour la perfection des testamens poutroientils asseurer qu’un testament qu’on auroit soustrait ou supprimé étoit accompli en toutes ses formes : pour parvenir à une preuve de cette qualité il ne faudroit appeller que des Jurisconsultes ; aprés tout cette preuve ne pourroit avoir lieu que pour les testamens qui auroient été passez devant des personnes publiques, et non point pour les testamens holographes, la Coûtume ne permettant pas de prouver par témoins qu’un Contrat sous signature privée a été vû, tenu et lû, il seroit trop aisé de contrefaire le fait d’un défunt ; et si lors qu’il est question de verifier un fait privé par comparaison d’écritures, il n’y a rien de plus trompeur ny de plus incertain, en quel desordre ne tomberoit-on pas, si on étoit recevable à prouver par toutes sortes de personnes qu’un testament auroit été vû, tenu et lû : on ne manqueroit pas de Diofantes et d’Emicenes : le premier, au rapport de Josephe, étoit Secrétaire d’Herode, il sçavoit contrefaire toutes sortes de mains, d. vèc auu ra ai roore rdobe vpauuar : le second étoit Priscus Emicenus.

Un Mamianus avoit laissé tous ses biens à l’Eglise, et quoy que sa succession fût opulente, les Administrateurs de cette Eglise ne s’en contentans point, ils se servirent de ce Priscus pour contrefaire l’écriture de tous les tiches habitans d’Emice, en fabriquant des promesses pour argent que Mamianus leur avoit prété ; mais il se trouva que ces gens-là étoient morts longtemps auparavant, et que par consequent ces cedules étoient prescrstes ; pour avoir le moyen de Justinien a’en faire payer ils cortompirent Tribonien, et obtintent une Loy de Justinien, par laquelle il ordonnoit que la prescription centenaire ne courroit point contre l’Eglise : mais enfin ces fausserez Justinien furent découvertes, et Justinien revoqua sa Constitution. De l’Epiney pour l’Intimé opposoit à ées raisons, que si cette preuve n’étoit pas recevable il n’y a point d’heritier qui ne supprimât le testament d’un défunt, que par le Droit Romain il y avoit action contre ceux qui supprimoient bu receloient les testamens, et que comme cette suppression est criminelle, il devoit être permis d’en informer extraordinairement : Sur cette plaidoirie la Cour appointa les parties au Conseil, au Rapport de MrBrinon, et par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 13. de Février 1664. en infirmant la Sentence, ledit Merez fut declarté non recevable à sa preuve. Il y avoit des circonstances particulieres qui fottifioient la fin de non recevoir, et j’appris de Mr le Rapporteur qu’on ne lût point les informations qui avoient été faites, et on fit droit sur la fin de non recevoir.

Une pareille question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 19. d’Aoust 1677.

Messire Jean Courtin Mirquis de Givri, Conseiller au Parlement de Paris, comme heritien à cause de la Dame sa femmé de Dame Magdeleine Ribaut, veuve de Mr Lamy, Conseiller en la Cour, étoit demandeur contre le sieur du Ménil Ribaut pour une somme de se sens cinquante livres ; aprés plusieurs refuites ledit sieur du Ménil allégua que la feue Dame Lamy luy avoit légué par son testament une somme considérable, et que ce testament avoit été supprimé par M de saivri ; Par Sentence donnée aux Requêtes du Palais le sieur du Ménil Ribaut fut condamné au payement de la somme demandée, et on luy permit de faire publier des Censures Ecclesiastiques pour avoir connoissance de ceux qui detenoient ce testament : Sur l’appel de cette Sentence, le Févre son Avocat demandoit à faire preuve que ce testament avoit été vû, tenu et lû, que cette preuve étoit admissible suivant la disposition du Droit Romain, qu’on luy avoit permis inutilement de faire preuve contre ceux qui detenoient ce restament, puis qu’ils ne seroient pas obligez de s’accuser eux-mêmes, et qu’il falloit encore luy permettre de faire publier des Censures d’Eglise pour obliger ceux qui connoissoient les personnes qui detenoient ce testament à le déclarer. Je défendis pour le sieur de Givri par les mêmes raisons que j’ay rapportées cu-dessus, et j’ajoûtay que quand même on pourroit admettre ces preuves, lors que les faits que l’on avançoit étoient soûtenus par quelques adminicules, il n’y avoit point d’apparence de les recevoir en la Cause dont il s’agissoit, puis que l’allegation de la suppression de ce pretendu testament n’étoit appuyée sur aucune circonstance ui pût en faire presumer la vérité, néanmoins par l’Arrest on luy permit de faire publier des Censures contre ceux qui detenoient ce testament, et contre. ceux qui connoissoient les personnes qui le detenoient ; mais on n’eut point d’égard à tous les autres faits qu’il avoit avancez, et il ne fut pas admis à en faire la preuve.

Il seroit perilleux d’admettre ces sortes de preuves, l’Ordonnance qui a défendu la preuve par témoins est generale et sans distinction de personnes, et depuis l’Ordonnance on n’a jamais êté reçû à prouver un testament par témoins : que si l’on ne reçoit point de faits de suggetion de tacite fideicommis, et de revocation de testamens, il y a beaucoup moins d’apparence de recevoir la preuve d’un testament tout entier pour en faire subsister la foy dans la bouche les témoins. Il est vray que par le Droit Romain la suppression de testament est un crime, et par consequent on peut s’en pourvoir criminellemeut ; mais il y a beaucoup d’autres choses dans le Droit qui passent pour crimes, dont neanmoins l’Ordonnance n’a point reçû la preuve, comme l’interversion d’un depost, la Simonie, la Confidence, et plusieurs autres semblables ; que si l’on recevoit la preuve d’un fait de suppression de pleces, il n’y auroit personne qui se pût asseurer d’avoir rien vaillant, ce qui seroit encore plus important à l’égard des testamens, parce que l’on pourroit faire des heritiers et des légataires à qui l’on voudroit : aprés tout quand les témoins diroient qu’ils auroient vâ le testament, on ne pourroit pas sçavoir ce qu’il contient et s’il est en bonne forme, et quand ils en déposeroient particulierement l’on ne pourroit pas leur ajoûter foy, il pourroit arriver qu’une personne feroit voir un testament faux, ou que l’heritier institué ou les legataires le supprimeroient pour en cacher la nullité et quant à ce que l’on objecte qu’il seroit permis aux heritiers de supprimer impunément tous les testamens qui leur feroient prejudice, et que toutes les intentions des défunts seroient frustrées, l’on répond que la consequence en seroit moins dangereuse, que de recevoir la preuve par témoins de la suppression d’un testament. Ce fut sur ces principes que par Arrest du Parlement de Paris, du 25. de Février 1650. donné au profit de Dame Adniane de Maupeou, veuve de Mr Marescot, Maître des Requêtes, l’on ne reçût point la preuve d’un fait touchant la suppression d’un pretendu testament, quoy que les témoins que l’on vouloit faire entendre sur ce fait et qui avoient même été nommez fussent des personnes de grande condition et de probité reconnuë.

Me Jean Ricard en son Traité des Donat. p. 3. c. 1. n. 6. dit que cette question, sçavoit si le fait de suppression ou de revocation d’un testament peut être prouvé par témoins, est à rEsent fort problematique dans les esprits du Palais à Paris, à cause de la diversité des Arrest que lon pretend être intervenus sur ce sujet ;. ses raisons pour soûtenir l’affirmative sont, que cette preuve n’est point contraire à l’Ordonnance de Moulins, qui n’a point lieu lors que les faits articulez n’ont pas été susceptibles de conventions, et qu’au contraire ils sont arrivez contre la volonté de l’une des parties : que la resolution de cette question doit dépendre de cette reflexion, de voir s’il est plus à propos de laisser toutes les suppositions impunies, que de se mettre au hazard de condamner injustement quelques-uns ausquels on aura temerairement imputé une action de cette qualité, que l’ordre et le bien publie nous persuadent l’un bien plûtost que l’autre, et qu’un heritier poutroit impunément même à la face de tout le monde se décharger d’un testament qui luy ôte une partie de la succession à laquelle il est appellé en e mettant au feu, et pour ce qui est de la facilité des témoins on y peut apporter les remedes necessaires ; qu’à l’égard des Arrests outre la question generale de droit, si la preuve par Emoins en étoit recevable, il falloit voir si les faits articulez étoient pertinens et probatifs, et qu’en effet il arrive souvent que les faits de suppression ne sont pas admissibles : comme c’a été auparavant, il se peut faire qu’il a depuis donné charge à celuy chez lequel il l’avoir par exemple, encore que l’on articule que le testament a été vû et lû, le fait n’en sera pas recevable, si l’on n’offre de prouver qu’il a été vû depuis le decez du testateur, parce que si mis en depost, de le supprimer ; et même bien que le testament ait été vâ depuis le decez du testateur, il faut encore verifier qu’il a été supprimé par l’heritier ab intestat, ou par son ordre, que dans l’Arrest de la Dame de Marescot on la vouloit faire responsable d’un testament que l’on pretendoit luy avoit été baillé en depost, et les faits de suppression n’alloient qu’à verifier que ce testament avoit été vù entre ses mains du vivant du testateur, et c’est pourquoy ils furent justement rejettez ; mais que lors que la question de droit s’est presentée avec des faits considérables, on n’a point fait de difficulté d’en admettre la preuve suivant les Arrests qu’il en a remarquez, et que le Parlement de Tolose avoit suivi la même doctrine ; M deCambolas , l. 5. c. 41. et que Me Charles Févret fait aussi mention de quelques Arrests du Parlement de Bourgogne, qui conviennent à cette espèce, Traité de l’Abus, 1. 7. c. 12. n. 28.

Par un Arrest rapporté dans la troisième partie du Journal des Audiences, l. 8. c. 18. la preuve par témoins a été reçûë pour la suppression et laceration d’un testament, quoy que l’on soûtint qu’il étoit imparfait et non signé. a quoy l’on répond que Me Jean Ricard a bien prévû qu’il eût été trop perilleux d’admêttre sans distinction la preuve des faits de suppression, puis qu’il avouë que le fait n’en seroit pas recevable, si lon n’offroit de verifier que le testament auroit été vù depuis le decez du testateur, et qu’il auroit été supprimé par l’heritier ab intestat, et par son ordre ; mais cette restriction n’apporte pas de remede à la facilité des témoins, qui est si grande et si ordinaire, que l’on peut dire véritablement qu’il seroit aujourd’huy plus utile pour le bien public de n’admettre aucune preuve par témoins que de la recevoir, quelques admissibles que pûssent être les faits que l’on offriroit de prouver ; car pourroit-on man-quer de témoins pour venir à bout d’une preuve qui seroit si utile à celuy qui l’entreprendroit, et qui luy fourniroit les moyens de les recompenser ; de sorte que l’ordre et le bien publig persuadent bien plûtost qu’il les faut rejetter que de les admettre, et il seroit moins perilleuss qu’un heritier pûst se décharger d’un testament que de l’exposer à l’avarice d’un pretendu legataire et à la corruption des témoins, les heritiers ab intestat étant beaucoup plus favorables par nos Coûtumes que les legataires, et il est moins dangereux que cent testamens soient supprimez, que d’en supposer un à celuy qui n’a jamais eu la volonté d’en faire. On convient que la fin de non recevoir fondée sur l’Ordonnance ne seroit pas assez forte ; mais ce qui doit faire absolument rejetter ces preuves, est qu’il ne suffit pas de prouver que l’on auroit vû un testament depuis la mort du testateur, car ce testament pourroit être nul pour n’avoir pas étéj fait dans les formes, et par consequent ce ne seroit pas assez de prouver que le défunt avoit fait un testament, il faudroit y ajoûter cet autre fait, que ce testament étoit fait selon les solennitez prescrites par la Coûtume, autrement la preuve de la suppression du testament de-meureroit inutile.

La suggestion est une espèce de fausseté ; car lors que le testament a été suggeré, ce qui paroit écrit n’est pas la volonté ny l’intentlon du défunt, mais de celuy qui l’a induit à parler en cette manière, ainsi substituant sa volonté à celle du défunt, l’on peut dire que le testament est faux : D’où il s’ensuivroit que la preuve des faits de suggestion seroit admissible, mais comme les heritiers ne souffrent qu’avec regret l’execution des dernieres volontez des défunts, ils ne manquent pas d’alléguer des faits de suggestions, lors qu’ils ne peuvent les contester autrement. On a souvent gité cette question, si les preuves des faits et des moyens de suggestion étoient recevables L’on tient pour Maxime que les faits de suggestion ne sont point recevables contre un testament holographe : En effet il n’y a pas de vray-semblance qu’un testament que le testateur a pris la peine d’écrire luy-même, n’ait point été fait de son propre mouvement et sans aucune induction, sur tout s’il l’a écrit étant seul et en son particulier Pour les autres testamens, il faudroit que les circonstances en fussent fort avantageuses pour en faire recevoir la preuve, et qu’il y en eût même quelque commencement de preuve par écrit ; mais, à mon avis, comme la facilité des témoins est toûjours fort à craindre, il est plus seur de n’avoir point d’égard aux moyens de suggestion si les presomptions n’en étoient violentes.

Que si les legs avoient été extorquez par de mauvais moyens et qui seroient contraires aux bonnes moeurs, ils seaeoient de nul effet suivant la Loy Captatorias 64. de leg. 1. Captatoriae scriprurae simili modo, neque in hereditatibus, neque in legatis volunt ; mais les Docteurs ne convien-nent pas comment un legs doit être reputé captatoire, car l’on ne doit pas donner ce nom ny reputer un legs suggeré pour avoir été provoqué par les services et par les soins du legaaire, Captatorias institutiones non eus Senatus improbavit, que mutuis affectionibus judicia provoca-verint, l. Captatorias, D. de hered. institut. On trouve un exemple dans la loy derniere D. Si qui aliq. test. prohibit. C. l. ult. C. eod. en la personne du mary que l’on ne blame point pour avoit obtenu par sa complaisance quelque bien-fait de sa femme, judicium uxoris postremum in se provocare maritali sermone non est criminosum.

Quelques-uns neanmoins les comprennent dans le nombre des dispositions captatoires, qui patroissent avoir été extorquées par des moyens deshonnêtes et des services abjets et mal-seants à la condition de ceux qui les rendent, mais cela seul ne suffiroit pas si l’on n’y avoit employé des artifices et des moyens contraires à l’honnêteté et aux bonnes moeurs ; ainsi ces questions sont souvent plus de droit que de fait

Dans les Provinces où les testamens sont de plus grande importance que parmy nous, pour empescher les suggestions, l’on a taché d’introduire l’usage des clauses dérogatoires qui se conçoivens en cette maniere, lors que le testateur déclare par son testament que sa volonté est gue les testamens qu’il fera par aprés soient de nul effet, s’ils ne contiennent cette clause Deus nobiscum, ou autre semblable ; de sorte que venant dans la suite à en faire un où cette clause ne soit pas employée, on n’y ait point d’égard comme luy ayant été suggeré ou extorqué de luy par contrainte.

Plusieurs tiennent que par la disposition du Droit Civil, les clauses dérogatoires n’ont point sieu dans les testamens, parce qu’elles caprivent la liberté de tester qui ne doit jamais recevoir aucune arteinte, et le testateur ne peut pas se soûmettre tellement à sa memoire qu’il affoiblisse le pouvoir qu’il a de changer de volonté jusqu’au dernier soûpir de sa vie. La faculté de revoquer un testament est tellement de son essence, que le testateur ne peut y renoncer quelque loy qu’il impose à sa volonté, parce qu’il peut aussi-bien changer dans son esprit cette loy qu’il s’étoit imposée dans sa première disposition, que les autres qu’il y avoit établies ; VoyezCovarr . Rub. 2. de testam. n. 58. que d’ailleurs il pourroit en arriver cet inconvenient, que les clauses dérogatoites seroient si mal-aisées à retenir que le testateur en perdroit : aisément la mémoire, ce qui luy ôteroit tout moyen de revoquer son teftament s’il étoit necessaire d’employer dans le second testament une dérogation speciale, et qu’aprés tout un testament est suffisamment revoqué quand le testateur le revoque expressément, quando sciens et prudens primum testamentum revocavit, videCujac . l. 14. Obser. c. 7.Ferrer . ad quast. 122.

Papé Guid. Pap. Hentys, volum. 1. l. 5. c. 2. d. 13.

Les clauses dérogatoires paroissent favorables par ces raisons, que tant s’en faut qu’elles Uent la liberté de tester, qu’elles la conservent ; car leur fin unique et leur principal usage. consiste à empescher les suggestions, afin qu’on ne suppose pas au testateur une disposition contraire à ses véritables intentions ; que la liberté de tester n’étoit point ôtée ny diminuée par ces sortes de clauses, puis que le testateur pouvoit toûjours se dégager de la loy qu’il s’étoit donnée, et que l’on ne pouvoit presumer qu’il eût revoqué en pleine liberté, et sciens prudensque, son premier testament, lors qu’il n’avoit point fait mention de la clause dérogatoire, que n’étant as vray-semblable que le testateur ne s’en souvint pas, c’est l’unique moyen pour empescher les suggestions si frequentes en matière de testamens, et dont la preuve est neanmoins si difficile, et c’est une précaution pour se défendre des souplesses et des artifices de ces corbeaux péans aprés les successions, sic cortum eludit hiantem, les clauses dérogatoires sont fondées sur l’autorité de la Loy Si quis in principio, 22. de leg. 3. Si specialiter dixerit prioris voluntatis se senituisse.

Tous les Parlemens de France ont favorablement reçû les clauses dérogatoires ;Brodeau , sur MrLoüet , 1. T. n. 9. mais on y a apporté ces deux limitations ; la premiere, lors que le testateur revoquant les testamens precedens fait mention qu’en iceux il y a clause dérogatoire, nonobstant qu’il ne l’exprime et ne la designe specialement pour ne s’en pouvoir sou-venir, ce qui opere une suffisante revocation de la dérogation ; la seconde limitation est lors que le testament contenant la clause dérogatoire, est fait en faveur d’un étranger institué heritier par iceluy, et le posterieur en faveur des enfans, auquel cas il n’est point besoin de faire mention de la clause dérogatoire, et le second testament vaut favore liberorum En Normandie iil y a beaucoup moins de difficulté à recevoir les clauses dérogatoires, car a raison pour laquelle on les veut rejetter, en ce qu’elles ôtent la liberté de tester, n’étant d’aucune consideration parmy nous, où il est permis de s’intérdire absolument la disposition le ses biens, et d’asseurer par un Contrat entre vifs sa succession à son heritier presompuil contre la disposition du Droit Civil ; et quoy que l’on ne puisse disposer par testament que de peu de chose, néanmoins si quelqu’un pour se défaire des importunitez de sa femme ou des sollicitations de quelque flateur, employoit dans un premier testament une clause détogatoire, le second seroit nul, si la revocation de la clause dérogatoire n’y étoit pas employée Par cet Article et par le precedent la Coûtume n’admet que deux sortes de testamens ; il y faut toutefois ajoûter une troifième espèce, à sçavoir les Testamens Militaires, qui sont aptrouvez par l’Ordonnance de Henry III. de l’an 1576. Article 31. pourvû qu’il soit rédigé par écrit, autrement il n’a point lieu, quand même il auroit été fait en expedition et faction. militaire ; Mr le Bret en ses Decis. l. 3. Decis. 4.Loüet , et son Commentat. I. T. n. 8. qui dit qu’il faut tenir pour maxime que le privilege militaire déroge seulement aux solennitez des Coûtumes, et que quand il est par écrit encore qu’il manque quelque chose aux formalitez, e privilege militaire supplée à ce défaut : neanmoins par Arrest du 18. de Janvier 1638. en l’Audience de la Grand. Chambre, entre de Garabi sieur de la Luzerne, heritier, à cause de a femme, du sieur de Coulombiers Querville, et Pouchin valet de chambre dudit sieur de Coulombiers, on confirma le testament militaire dudit sieur de Coulombiers, par lequel lors qu’il étoit à Lyon-le-Saunier en la Franche-Comté, qui étoit assiegé par Mr le Duc de Longueville, il laissa de parole seulement témoignée par d’autres Capitaines, et par l’Aumônier de Mr le Duc de Longueville, à son valet de chambre son équipage ; on jugea ce testament militaire valable, et l’argent qui restoit luy fut aussi ajugé comme compris sous le terme general d’équipage, plaidans Guerin, et Danisi. Il y avoit moins de difficulté à confirmer ce testament militaire nuncupatif, parce qu’il avoit été fait dans la Franche-Comté où le Drois Romain est gardé.

Le testament de Charles de S. Simon, sieur du Bois, Capitaine au Regiment de Canisiavoit été fait en Piedmont et reçû par un Cordelier en la presence de deux soldats, et non signé du testateur à cause de sa debilité ; René de Vauborel qui avoit épousé la niéce et heritière dudit sieur du Bois, soûtint que le testament étoit nul ayant été reçû par un Religieux incapable de tester et de recevoir des testamens, qu’il étoit même legataire ayant fait donner à son Convent, sibi adscripserat, et n’étant point signé du testateur suivant qu’il est requis par le Droit et par la Coûtume : Toutes ces nullitez ne pouvoient être excusées par le pretexte de la Milice, ce testament n’ayant point été fait in procinctu aut in expeditione, mais en Garnison où il avoit été trois mois malade pouvant appeller des Notaires. Les legataires maintenoient que ce testament devoit être reputé militaire, et fait in expeditione, puis qu’alors l’Armée étoit en Garnison ; que ces testamens étoient dispensez de l’observation des formes, qu’un soldat pouvoit même écrire sur le foutreau de son épée ses dernieres intentions ; c’étoit assez que la volonté du testateur fût constante par le témoignage de personnes dignes de foy Par Arrest du 6. d’Avril 1628. le testament fut déclaré valable.

Les privileges du testament militaire ne dérogent aux Coûtumes que pour les formalitez, et non pour la disposition des biens, soit meubles et immeubles, dont on ne pourroit disposer par un testament militaire au delâ de ce qu’il est permis par les Coûtumes.