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CCCCXIV.

Quelles personnes peuvent tester de meuble et comment.

Homme non marié, ou n’ayant enfans aprés l’aage de vingt ans accomplis, peut disposer de ses meubles par testament à qui bon luy semble.

La Coûtume aprés avoir achevé de regler les solennitez des testamens, commence en cet Article et dans les suivans, de traiter des personnes qui peuvent faire testament en tout ou en partie des biens dont on peut disposer par testament, comme aussi de ceux qu’elle défend de donner, sous quelles conditions on le peut, et en faveur de quelles personnes on en peut disposer.

La personne capable de tester est l’homme âgé de vingt ans accomplis ; l’on ne doute point que ce mot homme ne comprenne le mâle et la femelle. La Coûtume d’Orléans, Art. 275. pour éviter cette ambiguité a mis les mots d’homme et de femme ; et de la Lande a remarqué que ces deux mots n’étoient pas employez inutilement, parce que l’on observoit autrefois en plusieurs Coûtumes de France que la femme n’avoit que le bail de son héritage si elle avoir un hoir mâle, et ne le pouvoit donner. Cette question an masculinum concipiat femininum, est amplement traitée de part et d’autre par MTiraqueau , de Retr. gentilit. 5. 1. gl. 9. n. 162. et sequen. et suivant son avis dans les Coûtumes, les Sentences, les Privileges et les lTestamens, la femme est toûjours comprise fous le terme d’homme : la chose est plus douteuse pour les Contrats, à caufse que les contractans ont pû et dù s’expliquer clairement ; mais, comme a dit Alciat sur la l. 1. De verb. signific. c’est parler clairement quand on parle dans les regles, et c’est une regle de Droit que masculinum concipit femininum.

Il ne faut pas neanmoins s’imaginer que toutes les femmes sans distinction ayent la liberté de tester, il n’y a que celles qui sont de condition libre qui le puissent faire, celles qui sont mariées en sont incapables, si leurs maris ne leur en donnent la permission ; la Coûtume s’e est expliquée nettement en l’Article CCCCXVII

Il semble que la Coûtume ne désire d’autre qualité en celuy qui veut faire un testament que l’âge de vingt ans accomplis, et que pourvû que l’on ait achevé ce nombre d’années, de quelque condition que l’on soit la liberté de tester ne peut être ôtée à personne : Ce n’est pas toutefois l’intention de la Coûtume, et sa disposition si largement étenduë ne seroit pas veritable, ce qu’il faut expliquer plus particulièrement.

La permission de tester ne devoit pas être accordée en tous âges et à toutes sortes de personnes : Par le Droit Romain l’on étoit capable de tester aprés douze ans pour les femelles, et quatorze pour les mâles, I. Quâ atate, D. qui testament. facere poss. Plusieurs Coûtumes de rance n’ont accordé cette faculté qu’aprés la pleine puberté, qui est à dix-huit ans selon le Droit Civil, l. Adrogati, D. de adopt. l. Mela de alim. leg. D. Quelques-uns ont prolongé ce terme jusqu’à vingt-cinq ans, d’autres n’ont point déterminé l’âge ; ce qui a donné lieu à cette question, sçavoir quel âge est requis dans les Coûtumes qui n’en disposent rien, et qui sont demeurées dans le silence sur ce sujet : Mais par la jurisprudence du Parlement de Paris. tion doit suivre la disposition du Droit Civil ;Ricard , sur l’Article 293. de la Coûtume de Paris, et en son Traité des Donat. p. 1. c. 3. sect. 3. De laLande , sur l’Article 294. de la Coûtume d’Orléans ; Joumal du Palais, Tome premier : Mais comme en Normandie l’on est majeur à vingt ans accomplis, on n’a point le pouvoir de tester avant cet âge Cependant quoy qu’une trop grande jeunesse empesche la liberté de tester, il n’en est pas de meme de la vieillesse pour avancée qu’elle puisse être ; les Loix ont decidé que la seule caducité de l’âge ne retranchoit point la capacité de tester, l. Senium, C. qui testament. facere poss. et l. Senectus, C. de Donat. s’il ne paroissoit que le testateur fût tombé dans un delire, ou que son esprit et son jugement fussent si véritablement diminuez qu’il ne luy restât plus assez le capacité pour entreprendre un Acte de cette consequence, Senectus ad testamentum faciendum sola non est impedimento.

Il ne suffit pas neanmoins toûjours d’être âgé de vingt ans accomplis pour se servir de la faculté de tester, plusieurs personnes en sont privées par diverses considerations, en quoy l’on ne fuit pas toûjours les regles établies par le Droit Civil pour la capacité de tester.

Car à l’égard des enfans de famille, quoy qu’ils vivent encore sous la puissance de leurs peres, et qu’ils fassent partie de sa famille, ils ont la liberté de disposer de leurs biens, pourvû u’ils ayent vingt ans accomplis, ce qui ne leur étoit pas permis par le Droit Civil, l. Qus in potestate, D. qui testament. facere poss-

Pour être habile à tester il faut avoir les facultez naturelles, exterieures et interieures, reaises pour cet effet : C’est par cette raison que les sourds et muets de nature conjointement ont absolument incapables de tester, puis qu’ils n’ont pû se rendre capables de témoigner leurs volontez par écrit ; mais si les défauts naturels d’une personne ne l’empeschent point d’exprimer ses sentimens, soit par parole, soit par écrit, elle est capable de tester ; et même l a été jugé en ce Parlement qu’un aveugle pouvoit faire son testament sans y employer plus de formalitez que les autres, contre la disposition de la Loy Hac consultissima C. qui testament. facere poss. par Arrest donné en la Chambre de l’Edit le 27. d’Aoust 1638. contre les nommez du Hamel : Cette Loy neanmoins est gardée au Parlement de Tolose, d’Olive , l. 5. c. 6.

Les capacitez interieures ne sont pas moins necessaires que celles du corps ; sur ce fondement les furieux et insensez sont interdits de faire aucunes dispositions testamentaires, bien qu’ils y eussent gardé toutes les solennitez prescrites, parce que l’on suppofe que la volonté qui donne l’être aux testamens ne s’y rencontre point : Si toutefois le furieux ou l’insensé avoit quelques bons intervalles dans lesquels il auroit declaré ou rédigé par écrit ses intentions, la fureur precedente n’y donneroit pas d’atteinte, qui testament. facere poss. mais il y a souvent de la difficulté pour sçavoir si le testateur étoit travaillé de sa fureur, ou s’il joüissoit de quelques bons intervalles lors qu’il a fait son testament : Mantica de Conject. ult. volunt, l. 2. 1. 5. etMenoch . de Presumpt. Presumpt. 45. ont enseigné par quelles marques l’on peut prouver ou presumer la fureur

Il faut mêttre au nombre des incapables le prodigue, aprés que la disposition de ses biens luy a été interdite ; car il y a cette différence entre le furieux et le prodigue, que le premies est rendu de plein droit incapable de disposer dés le moment que son esprit commence à être roublé ; mais l’inhabilité du prodigue ne commence que du jour qu’elle a été renduë publiue et notoire, et c’est pourquoy personne n’est interdit de disposer de ses biens par testament ou autrement, qu’aprés qu’il a été déclaré prodigue en Justice avec les solennitez accoûtumées.

Les Religieux sont aussi du nombre des personnes qui n’ont point la capacité de tester, bien même qu’ils eussent obtenu Dispense pour posseder des Benefices Arrest du 20. d’Avril 1617. entre les Religieux Carmes du Ponteaudemer, Appellans et retendans la succession de défunt 1. Gontier, Religieux de leur Ordre, lequel avoit obtenu Dispense du Pape pour posseder une Cure : Les Tresoriers et les Paroissiens demandoient vexecution du testament, par lequel il avoit legué à l’Eglise et au Tresor de ladite Eglise plusieurs meubles et obligations : Les Religieux Carmes loûtenoient le testament nul par la disposition du Droit Canonique, Monachi testamenti factionem non habent, et encore que le défunt eût été dispensé pour tenir une Cure, sa Dispense n’avoit effet que pour le rendre caable de joüir du Benefice, et non pas pour le dispenser du Voeu et de la Regle dont le Ca ractere est ineffaçable, la dignité de Curé ne le dispensoit pas du Voeu et de la qualité de Religieux, et par le Droit commun tout ce que le Religieux acquiert il l’acquiert au Monastere. : Les Religieux sont comparez aux serfs et aux enfans de famille qui sont incapables de tester, et tout ce qu’ils acquierent appartient à leurs maîtres ou à leurs peres. Le Curé, les Tresoriers, et les Paroissiens soûtenoient le testament valable, disant que tous les biens du défunt provenoient de son Benefice, et en les rendant à la même Eglise il faisoit un acte de justice : La Cour cassa la Sentence dont étoit appellé, et en reformant declara le testament nul, et ajugea les biens du défunt au Monastere des Carmes du Ponteaudemer.

On a fait différence entre les Chanoines Réguliers et les autres Moynes. Guerout, Relisieux de S. Augustin et Curé, avoit donné par son testament six vingr livres de rente à l’E-lise dont il étoit pourvû : Les Religieux de sa Maison contesterent cette donation, néanmoins elle fut confirmée par Arrest du 12. de Janvier 1629. M du Viquet, Avocat General, ayant fait remarquer la difference entre les Chanoines Réguliers et les autres Moynes, les premiers étant instituez pour remplir les Benefices de leur Ordre, et n’ayant point besoin de Dispense pour les desservir.

Les Chevaliers de Malthe participent à l’incapacité des autres Religieux, l’engagement qu’ils contractent par les trois Veeux qu’ils font les rendant Religieux, aussi-bien que les autres ; et Chopin cite un Arrest du Parlement de Paris, par lequel le testament d’un Chevalier de Malthe, quoy que fait pour causes pies et qu’il n’eûr donné que ses acquests, fut déclaré nulsChopin , Monasticon, l. 2. t. M6.Mainard , l. 1. c. 17.Ricard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 5.

Févret, Traité de l’Abus, l. 4. c. 6. et quelque Dispense que les Religieux pourroient obtenir à l’effet de pouvoir rester, elle seroit de nul effet en ce Royaume, parce que le Pape n’y a aucun pouvoir sur les choses temporelles.

C’est une doctrine constante par tout le Royaume, que les Etrangers ne peuvent sous quelque pretexte que ce soit disposer des biens qu’ils y possedent, quoy qu’ils le puissent par do-nations entre vifs, comme je l’ay remarqué sur l’Article CXLVIII. cela neanmoins ne s’entend que des Etrangers non naturalisez ; car à l’égard de ceux qui ont obtenu des Lettres du Roy, ils peuvent disposer de leurs biens avec la même liberté que les naturels FrançoisBacquet , des Droits d’Aubeine, c. 3.Ricard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 4.

Nous renfermons dans le nombre des incapables de tester tous ceux qui sont morts civisement, et qui ont été condamnez à une peine capitale, mais qui est demeurée sans execu-tion. Il faut neanmoins remarquer que si l’accusé décedoit avant la condamnation, et même avant le Jugement de l’appel ou la prononciation de l’Arrest, son testament seroit valable. suivant la disposition de la Loy Quia latronibus, i3 5. ult. D. de testament. Si quis capitali crimine damnatus appellaverit, & medio tempore pendente appellatione fecerit testamentum, & ita decesserit, valet ejus testûmentum.

Pour sçavoir en quel temps la capacité est requise lors qu’il s’agit de testamens, voyezRicard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 18.

L’on ne met point de différence entre le testament d’un homme sans lettres et le testament de celuy qui sçait lire et écrire, ou de celuy qui sçait lire seulement, et il n’importe de quelle maniere Lon doit entendre le S. Quod si literas ignoret, l. Huc consultissima, C. de testament. si le imperito scribendi, aut de imperito legendi. Le testament d’un homme qui ne sçait lire et écrire n’est pas moins valable que celuy d’un Docteur de Droit, quoy qu’il n’y ait observé que les formalitez ordinaires.

La personne capable de tester peut donner tous ses meubles. L’ancienne Coûtume de Bretagne étoit conforme à la nôtre, et un homme pouvoit donner tous ses meubles par testamenti mais quand elle fut reformée, Art. 203. on y apporta ce temperament suivant l’avis de Mr d’Argentré , que si un homme n’avoit point d’immeubles, ou que son propre et ses acquests ne valussent pas autant que ses meubles, il n’en pourroit donner que le tiers : Intolerandum est vreter mobilia nihil habentem omnium donationem permitti effusâ liberalitate.

Pour empescher ce desordre nôtre Coûtume ne permet cette donation universelle des meubles qu’à celuy qui n’est point marié et qui n’a point d’enfans, et même à l’égard des dona-tions de meubles des maris à leurs femmes, la Coûtume, Article CCCCXXIz. a quelque f chose de semblable à celle de Bretagne, en ce que le mary qui n’a point d’enfans ne peut e donner de ses meubles à sa femme que jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur de ses immeubles. Il n’y a donc que les parens collateraux à qui l’on fasse prejudice par cet Article ; cela les engage à meriter par leurs services les bienfaits de leur parent. trois difficultez naissent ordinairement sur l’explication et sur l’étenduë que l’on doit donner à la donation des meubles : La première, si certaines choses doivent être censées meubles ou immeubles ; Cette matière aura dans la suite son titre particulier. La seconde, si tout ce qui est véritablement meuble est compns dans la donation des meubles : Et la troisième, si la chose léguée ayant changé de nature depuis le testament, ou si le testateur y ayant fait quelque b augmentation, cela emporte la, perte ou la revocation du legs : La décision de ces difficultez dépend le plus souvent des termes du testament : par exemple une donation étoit conçûë. en ces termes, à sçavoir qu’un homme donnolt tous ses meubles meublans, linges ; tapisseries, nabits et argenterie, et tous ses autres meubles qui se trouveroient au jour de son decez, et ses livres. Le légataire pretendoit que par ces mots, et tous ses autres meubles, l’argent monnoyé, les obligations, et les arrerages de rente luy devoient appartenir : les raisons de douter étoient grandes, le donateur aprés avoir donné ses meubles meublans sans aucune reserve, avoit en suite déclaré qu’il donnoit tous ses biens-meubles indistinctement, sans aucune relation aux meubles meublans, par consequent il sembloit que dans cette disposition generale toutes les choses qui de leur nature sont meubles y étoient comprises, nominâ, jura et actiones, autrement la clause auroit été supersluë contre la nature des testamens, dans lesquels pour toutes les choses douteuses on fait valoir la volonté du testateur : On opposoit au contraire que suivant la Loy Si mihi Mevia, 5. His verbis, de legat. 3. sous le nom de meubles l’on et l’argent monnoyé n’est point compris, et que sous la clause cum omni instrumento, & repositis omnibin nullo omino excepto non videri testatorem de pecuniâ numeratâ, aut instrumenti debitorum sensisse. Or la volonté du testateur paroissoit contraire, ayant depuis par son testament légué à un fien parent la remise d’une rente et des arrerages : Par Arrest du Parlement de Paris il fut jugé que les promesses, les obligations, et les arrerages des rentes n’étoient point comprises dans le legs. 2. partie du Journal des Audiences, l. 1. c. 7. Dans le premier.

Journal des Audiences, l. 1. c. 14. de l’impression de 1652. l’Auteur traite la question oppodée, si en un legs de tout l’argent que j’ay en ma maison, les autres meubles, tableaux, taplis-veries, vaisselle d’argent peuvent y être compris è La raison de douter procede de la I. Pecuniae, c. 78. de verb. fignif. pecuniae verbum non solûm numeratam pecuniam complectitur, verim omnem omnino pecuniam ; hoc est omnia conpora, nam corpora quaeque pecuniae nomine contineri nemo est qui ambiget ; cet Auteur refoud fort bien, à mon avis, que comme en matière de legs il faut principalement avoir égard à la façon de parler qui donne nom aux choses, et que selon nôtre commun usage, sous le nom d’argent il n’y a que l’or et l’argent monnoyé qui y soit entendu, la vaisselle et les autres meubles de prix n’y peuvent être compris ; mais, comme ay déja dit, toutes ces questions se doivent plûtost juger par la vraysemblable intention du testateur, que par aucune autre interpretation ; et c’est une regle en Droit, rl. 69. de legat. 3. que non aliter à significatione verborum recedere oportet, quam cum manifestum est aliud sensisse testatorem. Nous en avons un exemple dans la l. Librorum 54. de legat. 3. où le JurisconsulteUl -oien resoud que librorum appellatione continentur omnia volumina sive in chartâ, sive in membranâ sint. En suite il demande si sous ce nom de livres les tabletes où l’on place les livres sont aussi comprises : et il répond, S. 3. que Sabinus & Cassius avoient écrit, libris legatis bibliothecas non contineri, neque armaria, neque scrinia, neque catera in quibus libri conduntur con-rmeri ; cependant dans le S. 7. de cette même Loy il ajoûte, que ce que Sabinus a écrit libros pibliothecam non sequi, non per omnia verum effe. Sur quoy la Glose pour concilier ces deux Jurisconsultes, dit que l’opinion de Sabinus n’est poiut véritable, scilicet cum mens testatoris est in contrarium. Il faut donc dans les choses douteuses avoir égard à l’intention vraysemblable du testateur.

La troisième difficulté procede quand la chose léguée a changé de nature depuis le testament, ou que le testateur y a fait quelque augmentation ; ces mutations en la forme, oulen a matière de la chole l. guée, font douter si le testateur a point changé de sentiment ; Les Jueisconsultes Romains, l. Servum filii sui 44. 8. 2. de legat. 1. en proposent plusieurs especes : Si pocula quis legavit et mossa facta est, vel contra item si lana ligetur, et vestimentum ex ea dar, legatum in omnibus suprascriptis consistit, et debeiur quod extat, si modo non mutaverit testavor voluntatem ; de même, 5. 3. Si lancem legaoit et massam fecit, mox poculum, si areae le-gatae domus imposita sit, debebitur legatario ; mais c’est toûjours à cette condition durante scilicet voluntate testatoris.

La Coûtume ne permet de donner tous ses meubles que sous cette condition, que le testateur ne soit point matié, et qu’il n’ait point d’enfans : elle restreint beaucoup ce pouvoit lors que ces deux conditions manquent, comme on le verra dans la suite. cet Article n’est pas generalement vray, quoy que la Coûtume permette sans aucune exception à celuy qui n’est point marié, ou qui n’a point d’enfans, de donner a qui bon luy semble, il n’est pas vray neanmoins qu’il puisse choisir toutes soites de personnes pour en faire le sujet de sa liberalité Il ne pourroit pas donner à une personne infame, et il ne seroit pas permis de faire un legs dans la vûë de deshonorer aeSPERLUETTE de faire injure à celuy auquel il est fait ; Turpia legata quae denotandi magis legatarii gratiâ scribuniur, odio scribentis pro non scriptis habentur, parce que, dit MrCujas . in Comment. ad dictam legem, legatum est honor sicut, hereditas : Le testaieur pourroit encore bien moins faire un legs qui le deshonoreroit luy-même, en découvrant la licence de fes moeurs et le déreglement de sa vie, et il seroit encore honteux que la personne qui a été le sujet du scandale et la complice de sa débauche en pût profiter.

Quelques Coûtumes se sont expliquées avec plus de prudence et de precaution ; caru lieu de donner un pouvoir si vague et si general, en permettant au testateur. de donner à qui bon luy semble, elles ont ajoûté à personnes capables ; mais quelque indefinie que soit la permission de donner à qui bon nous semble, l’on doit toûjours presupposer cette condition, pouroû que le legataire soit capable de recevoir le legs. Ceux qui ne peuvent recevoir de legs ont les Etrangers, qui ne profitent point des dispositions testamentaires des Regnicoles, qui non habent testamenti factionem passi-am nec activam. Or un testament ne peut être fait tant activement que passivement qu’entre ceux qui sont soûmis à un même Droit Civil, Civis Roma-nanus Civi Romano, l. 1. D. Ad l. Falcid.

Les condamnez aux Galeres à perpetuité ou à un bannissement perpetuel sont pareillement incapables de lege, comparantur deportatis et damnatis ad meiallum, quibus legata relicta non valent, l. l. 8. His quibus, D. de legat. 3. Il faut encore mettre dans la caregorie des incapables de legs les Religieux Profez, non seulement parce qu’ils ont fait voeu de pauvreté, mais aussi parce qu’ils sont morts au monde ; on peut toutefois leur donner par foime d’alimens une pension

Quoy que Brrault cite un Arrest par lequel la donation faite à une concubine fut confirmée, la pureté du Christianisme ne souffre point qu’on approuve ces sortes de donations ; la Loy Affectionis de Donat. a donné lieu à la faite valoir ; mais Tribonien n’est point excusable d’avoir conservé cette Loy qui ressentoit l’impureté du Paganisme : aussi la Glose a dit que valet tantùm ad exceptionem, non etiam ad actionem ; c’est à dire qu’on ne peut repeter ce quia été donné, mais qu’où ne donne point d’action pour le demander. Mr Connan a sfott approuvé la distinction de la Glose

Justinien L’Empereur Justinien par sa Novelle 14. ayant aboli tout ce sale commerce et chassé de toutes les villes les femmes publiques, on ne doit plus souffrir que ces débauchées tirent aucun profit de leur vice, si la Coûtume imppouve les donations d’entre les maris et les femmes, à plus forte raison elles ne doivent pas être permises en faveur de ces impudiques, que olent esse blandiores, et rapaciores, c’est le raisonnement de du Moulin sur Decius Cons. 196. in verb. et ppoliet ; et afin aussi, comme dit l’Empereur, nequid amplius habeat castitate luxuPa : Ce qui doit recevoir d’autant moins de difficulté que le divorce et le concubinage qui’étoient maintenus long-temps dans le Christianisme furent enfin abolis par les Novelles Constantin les Empereurs Leon et Conftantin Porphyrogenete. r le Bret en sa Decision 12. fait cette distinction, que si la donation est faite à une personne publique, que pudorem suum prostravit alienis libidinibus, elle ne peut en demander l’e-xecution, la Loy Civile la traitant avec tant d’infamie qu’elle luy dénie l’action ex stupre i mais quant à la fille qui est débauchée par quelqu’un, comme la Loy de Dieu, Deuter. c. 22 oblige celuy qui humiliavit eam ut aut uxorem habeat, aut dotet, et que la Loy Civile luy donne l’action de stupro illato, licet nulla sit vis adhibita, on ne doit point improuver ces donations ; ce qu’il dit avbir été jugé par Arrest du Parlement de Paris, cela luy tient lieu d’interest et de reparation, plûtost que de donation

Cette distinction ne doit avoir lieu que quand la fille n’a point continué dans le vice n vécu avec son cortupteur en concubinage ; mais quand elle a perseveré dans sa débauche la donation ne peut valoir ; le motif et la cause en étant infames et honteuses, elles ne peuvent donner ouverture à aucune action que l’on puisse introduire en la face de la Justice, nonobtant l’Arrest de Croville rapporté par Berault sur cet Article L’honnêteté publique a prevalu au Parlement de Paris ;Brodeau , I. D. n. 43. fut MiLoüet , a remarqué les Arrests qui ont annullé ces donations, non seulement entre ceux qui étoient coupables du crime d’inceste et d’adultere, mais aussi contre les simples concobinaires. Ritard, des Donat. p. 1. c. 3. sect. 8. a traité cette matière dans une Section entière, et il se range du côté de ceux qui estiment ces donations non valables.

La Loy doit donner tout à l’honneur et à la pureté, et condamner tout re qui les peut blesser. Et dans la seconde partie du Journal des Audiences, 1. 7. c. 9. on trouve n Arrest par lequel un Contrat de donation en forme de vente, au profit d’une fille avec qui le vendeur vivoit mal, fut declaré nul. On a voulu fermer la porte à ces profusions infames par toutes sortes de voyes pour arrêter ces déreglemens ; et par un Arrest rapporté dans la troisième partie du même Journal, l. 8. c. 15. les Contrats et acquisitions qu’une concubine avoit faits en son nom ont été déclarez nuls et frauduleux, et estimez être un don indirect et prohibé fait par celuy qui l’entretenoit, et qui s’étoit declaré être debiteur par lesdits Contrats de constitntion ; presumitur confessio debiti in persouas donationis incapaces fraudulenta.

On a même porté la chose plus loin au Parlement de Paris,Brodeau , sur Mr Loüer, l. Dn. 43. a observé que l’on declara nulle une donation testamentaire faite au profit de la fille de la concubine, encore qu’il n’y eût point de preuve qu’elle eût été née dans le concubinage du fait d’un Prêtre testateur, le legs étant fait en consideration de la mere En cette Province le legs fait par un pere à son fils naturel de tous ses meubles seroit valable, Article CCCCXXVI. les bâtards n’étans point incapables de ces sortes de donations, et n’ayans rien en leurs personnes qui soit defavorable que le vice de leur propre pere Quoy que la Coûtume permette à celuy qui fait son testament de donner ses meubles à qui bon luy semble, il faut neanmoins que ce soit non seulement une personne capable comme il vient d’être dit, mais aussi que ce legs ne soit pas fait à une personne incertaine ; car lors que l’on ne peut découvrir quelle personne a été l’objet de la liberalité du testateur, le legs ne peut valoir, incertis personis legari concessum non est, instit. de legat. 6. 24. par exemple si un legs étoit fait en cette maniere, quiconque dounera sa fille en mariage à mon fils, mon herivier luy donne un fonds on une telle somme.

Il y a neanmoins certains cas où ces dispositions peuvent être valables, comme lors qu’avec une cettaine demonstration on légue à une personne incertaine du nombre de personnes certaines, cum sub certâ demonstratione ex certis personis interta persona legatur, 8. 26. ood. par exemple, ex cognatis meis qui nunt sunt, si quis filiam meam uxorem duxerit, mon heritier luy lonne une telle somme ; car encore que la personne qui doit épouser cette fille soit incertaine, il doit être néanmoins du nombre des parens du testateur, qui vivoient lors qu’il faisoit son cestament

Il en est encore de même lors que cette incertitude n’est pas indefinie, comme en la I. Duidam 8. D. de rob. dub. dans l’espèce de laquelle un legs étoit fait en cette sorte : Je legue mille éous au profit de celuy d’entre ceux que j’ay instituez mes heritiers, ou de mes parens qui an’obtiendra des Lettres de grace du Prince, ce legs est valable, parce qu’il a légué à tous ses heritiers ou à tous ses parens sous condition, dit Mr Cujas en ses Notes fut cette Loy

Personâ ex certis incertâ erat ; et suivant la l. Paulus respondit. 2 eod. la condition de donner peuae être conférée sur une personne, certaine ou incertaine, id quod conditionis implendae causa dundum est, sine dubio certis & incertis personis dari debet.

La Glose sur le S. Incertis aux Instit. de legat. fait cette distinction, que l’incettitude du légataire peut être manifestée et le legataire connu par quelque évenement, en ce cas le legs est bon, comme en la l. Si quis ita scripserit, D. de reb. dub. mon heritier donnera cent écus aux témoins qui signeront mon testament, utile legatum est, quia ipsum testamentum confirmatur testibus adhibitis, ou bien l’incertitude ne peut être levée par aucune voye, et en ce cas il est vray de dire que ie legs fait à une personne incertaine est nul. Il faut seulement xcepter de cette regle le legs qui est fait aux Pauvres et aux Caprifs qui ne laisse pas de valoir, quoy qu’il soit fait à des personnes absolument incertaines, l. Id quod pauperib. C. de Epist. et Cler. VoyezRicard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 11.

Enfin lors que le testateur veut donner à des personnes capables et certaines il ne doit pas faire dépendre son don de la volonté d’autruy ; nam in alienam voluntatem conferri legatum non potest, l. Nonnunquam, 54. D. de condit. et demonst. Par exemple, si Titius le veut je donne oent écus à Mevius ; comme ce legs est laissé en la pure volonté de Titim il est de nul effet C’est donc une Maxime qu’un legs laissé à la pure volonté d’autruy ne peut valoir ; or il est seputé laissé à la volonté d’autruy, lors qu’il n’a pour condition et pour fondement que la volonté d’un tiers et d’un étranger ; car l’on pourroit fort bien donner à quelqu’un, pourvû qu’il veüille accepter le legs, fi volet, parce que c’est une condition qui est valable par le consentement universel de tous les Docteurs.

Cependant cette proposition dans son application rencontre beaucoup de difficultez à cause se plusieurs loix qui paroissent contraires, j’en ay déja dit quelque chose sur l’Article CCCCXII. et j’ay remarqué qu’encore que dans cette Loy Nonnunquam il soit expressément decidé qu’un legs laissé à la volonté d’autruy ne peut être valable, et que les Loix Si illa institutio 32. et Si quis 6S. D. de hered. institut. déclarent vicieuses les institutions d’heritiers qui sont mises à la volonté d’autruy ; neanmoins la Loy Senatus, S. Legatum, de leg. 1. et dans plusieurs autres, Legatum in aliena voluntate poni potest

Me Jean Ricard en son Traité des Donat. p. 1. c. 3. sect. 11. avoué que l’irresolution en aquelle les Docteurs sont tombez en cette occasion, l’avoit souvent détourné de travailler ur cette matière, et qu’enfin aprés y avoir donné quelques veilles pour faire bien entendre cette proposition, il se servoit de trois exemples pour concilier toutes les contrarietez que l’on remarque ordinairement dans les Loix qui sont à ce sujet, en les rangeant chacunes sous eurs especes, ne pouvant neanmoins approuver cette autre façon de concilier ces Loix que Mr Cujas nous a donnée dans le second Livre de ses Observations, Chap. 2. et dont j’ay fait mention sur l’Article CCCeXII.

Il est certain que les distinctions proposées par Me Jean Ricard donnent beaucoup d’éclaircissement à cette matière, quoy que toutefois il soit malaisé d’accorder toutes les Loix si l’on né se sert pas en quelques endroits de la doctrine de Mr Cujas Mais sans repeter ce que cet Auteur enseigne, il me semble que l’on y peut ajoûter que le testateur a laissé le legs en la volonté du legataire même, ou en celle d’un tiers et d’un étranger : au premier cas le legs doit avoir son effet, parce que tous les Docteurs conviennent, comme je l’ay dit cy-devant, qu’un legs peut être laissé à la volonté du legataire, parce que personne ne peut être contraint d’accepter un don contre son gré, et suivant cela il est aisé de concilier le S. Legatum de la l. Senatus de legat. 1. avec la Loy Nonnunquam, D. de condit. et demonst. car entendant ces mots in aliena voluntate, comme la Glose a fait du legataire, arce qu’il est comme étranger à l’égard de : l’heritier, il ne restera plus aucune contradiction. en expliquant ces paroles de la Loy Nonnunquam, que legatum in alienum arbitrium conferri non potest, d’un tiers et d’une personne étrangere, et non point du legataire comme u S. Legatum.

Accurse Il est vray que Mr Cujas a écrit qu’Accurse a trouvé cet échapatoire pour se débarrasser de la contradiction manifeste de ce S. Legatum avec la Loy Nonnunquam, et il explique ces Loix en cette manière, que si le testateur a voulu que le legs dépendit absolument de la volonté d’un tiers ; il est inutile, et c’est l’espèce de la Loy Nonnunquam, que s’il y a quelque condition. sous-entenduë, comme en la l. 1. De legat. 2. où le Jurisconsulte dit que in arbitrium alterius conferri legatum veluti conditio, ou comme lit MrCujas , conditionem, potest ; quid enim interesti si Titius in Capitolium ascenderit mihi legetur, an si voluerit ; quoy qu’il en soit tous conviennent de ce principe, que le legs peut etre laissé à la volonté du legataire, et par cette raison l’explication que la Glose donne au S. Legatum, paroit plus raisonnable ; mais lors qu’il est remis à la volonté d’un tiers l’on y doit faire ces quatre differences : quand le legs est laissé à la pure volonté d’un tiers, totum testator in voluntate ejus posuit, le legs ne peut valoir, nous en avons un exemple en la l. 32. de hered. institut. D. illa institutio, quos Titius voluerit, vitiosa st, quod alieno arbitrio permissa sit, et c’est le véritable cas de cette Maxime, que legatum in ailienum arbitrium conferri non potest lors qu’il n’y a pas moyen de faire valoir autrement les termes dont le testateur s’est servi, et que toutes les circonstances et les conjectures du testament font presumer que son intention a été de laisser le legs à la pure volonté d’un autre.

La seconde différence est lors que le legs est laissé à la volonté d’autruy sous quelque condition, ou même en forme de condition, comme en la l. 1. D. de legat. 2. in arbitrium ulterius conferri legatum potest, veluti conditio, si Titius Capitolum ascenderit ; et régulierement un legs fait sous condition est valable.

La troisième différence consiste à remarquer les paroles dont le testateur s’est servi ; car si le testateur n’a pas remis le legs absolument en la pure volonté d’autruy, mais qu’il use de ces termes, si Titius le trouve juste, s’il approuve mon dessein ; en ce cas le legs est bons parce que in arbitrium heredis tanquam in bonum virum collatum est ; c’est le cas de la Loy Si sic’ : legatum 75. de legat. 1. Si sic legatum vel fideicommissum relictum est, si estimaverit heres, si comprobaverit, si jussum putaverit legatum & fideicommissum debebitur, quoniam viro bono potins ti commissum est, non in meram voluntatem heredis collatum La quatrième différence est plus considérable, parce que la question s’en presente souvent, et c’est comme Bartole la remarqué sur la I. Utrùm. 5. Cum quidam, D. de reb. dub. cum substantia legari in alterius voluntatem non committitur, sed electio persona tantùm committitur ; lors que l’élection qui est laissée par le testateur à un tiers ou à l’heritier institué, ne régarde point la substance du legs qui est certain et fait au profit de quelqu’un, mais seulement le choix de la personne entre un certain nombre, ou de la chose léguée entre plusieurs choses qui sont designées, pour lors le legs est valable. Le Jurisconsulte la fort bien expliqué dans le S. Cum quidam de la l. Utrum de reb. dub. en ces termes ; Cum quidam pluribus heredibus institutis unius fidei commisisset, ut cum moreretur, uni ex coheredibus cui ipse vellet restitueret eam partem hereditatis, que ad eum pervenisset, verissimum est utile esse fideicommissum ; et en suite il en rend cette raison, Nec enim in arbitrio ejus qui rogatus est, positum est, an omnimodo velit restituere, sed cui potius restituat, plurimum enim interest utrùm in potestate ejus quem testator obligari cogitat, faciat si velit dare, an post necessitatem dandi solius distribuendi liberum arbitrium concedit.

Le sens et l’explication de cette Loy sont beaucoup plus aisées que celles des autres Loix qui traitent de cette matière, car l’on y a remarqué clairement que la substance du legs n’est pas laissée à la volonté de l’heritier institué, mais qu’il a seulement la faculté de choisir la personne à laquelle il fera la distribution ; et c’est aussi sur cette Loy que l’on s’est fondé pour decider ces questions qui se sont souvent presentées, lors qu’un testateur avoit déposé entre es mains de son Curé ou de quelque personne confidente certaines sommes pour être distribuées selon ses intentions qu’il luy avoit declarées ; car dans ces sortes de dispofitions le legs n’est pas remis à la volonté d’un tiers puis qu’il est obligé de s’en defsaisir, mais il a seulement l’élection de celuy ou de ceux ausquels il en poutra faire la distribution.

Pour les autres Loix, quelques efforts que les Interpretes ayent fait pour en ôter la contradiction, c’est plûtost un jeu de paroles et des imaginations qu’une véritable conciliation car on ne peut rien lire de plus. opposé que ces deux décisions : Ulpien dans la l. 1. de legar. 2. dit qu’il n’importe pas si le legs est fait en ces termes, si Caius Capitolium ascenderit, aut Modestinus si voluerit, et que le legs est bon, et au contraire Modestinus répond qu’un legs fait en ces termes, si Caius voluerit est nul, l. Nonnunquam D. de condit. et demonst. car de vouloir que dans l’espece proposée par Ulpien il y ait une condition, et que dans l’autre il nes’y en trouve point, c’est une pure imagination, puis que ce sont les mêmes paroles, et que la condition. de pourroit trouver en l’une et l’autre espèce.

Il est donc plus utile de ne s’arréter point à ces subtiles distinctions, et de poser pour une regle generale, que quand le legs est laissé à la pure volonté d’autruy, et qu’il n’y a point d’autre condition, il soit de nul effet ; mais que quand la chose est donnée à une personne que l’on peut choisir en un certain nombre, et que par consequent il n’y a que la distribution qui en soit remise à l’arbitrage d’autruy, ce legs soit bon.

Si le testateur avoit exprimé la cause qui l’avoit mù à faire un legs, deviendroit-il nul, si cette cause ne se trouvoit pas véritable ; La Dame de Blanque fit un legs par son testament en ces termes : Je donne tous mes meubles à Mademoiselle de Bellefosse, à qui je croy qu’ils appartiennent par la Coûtume, et suivant qu’il est permis d’en disposer ; et pour mes immeubles je les laisse à ceux ausquels ils appartiennent par la Coûtume. Cette Demoiselle de Bellefosse ne s’étant pas trouvée la plus proche et la plus habile à succeder, l’heritier luy contesta ce legs, alleant que la testatrice ne luy avoit fait ce legs que dans la pensée qu’elle luy pouvoit succe-der aux meubles suivant la Coûtume : Le Juge avoit ajugé la delivrance du legs à la Demoiselle de Bellefosse : Sur l’appel de l’heritier, Heroüet son Avocat remontra que s’il étoit que-stion d’expliquer les paroles du testateur, on considereroit sur tout son intention, sed ubi verba clara sunt, non debet admitti voluntatis questio, l. Illo aut illo de legat. 3. et par la l. 19. de usu et usufruct. et interdum plus valet scriptura quâm peractum est : Sur quoy Mi Cujas en son Commentaire sur cette Loy dit, quod et si potior equidem sit voluntas testatoris, que contraria it scripturae perspiaeuae et certa, probatio difficillima est : Ea quae ipso testamento oriuntur, quae ex ipfsis testamenti verbis pendent, debere fecundùm juris scripti rationem secundùm scriptum expediri, & mitti quastionem voluntatis : En cette Cause il n’étoit pas besoin de faire combattre l’écriture oontre le xestament, l’écriture et la volonté de la testatrice étoient claires à son avan-gage ; elle donnoit ses meubles à l’Intimée, parce qu’elle croyoit qu’ils luy appartenoient par da disposition de la Loy : La volonté de la testatrice donc est manifeste, elle ne donnoit à Intimée que ce qu’elle croyoit luy apportenir de droit, c’est-là la cause et le motif de sa donation nettement exprimée par ces paroles, et qui je croy qu’ils appartiennent par la Coûtume : Donc si elle avoit sçû le contraire, et que l’Intimée n’étoit point son heritiere, elle ne luy eût pas lonné, fi aliter scivisset, non donasset : Si l’on objecte que falsa causa, sicut nec falsa demonstratio non vitiant legatum, on tépond que cela n’est pas toûjours véritable en Droit. Il y a deux sortes de demonstrations, l’une est supersluë quand elle est employée pour designer une chole, aquelle d’ailleurs est assez certaine et assez connuë : igitur que frustra additur, sive vera sit, ive falsa fit, legato non obstat ; mais il y a des demonstrations necefsaires, sans lesquelles on ne pourroit connoître ce qui a été légué, hac vim causamque legati omnem continet : et c’est pourquoy elle doit être véritable, autrement le legs est nul. M Cujas en son Commentaire, sur la l. 7 3. 8. 1. de condit. et demonstr. propose des exemples de l’un et de l’autre, lego vestem illam meam purpuream : Ce legs est assez desmné, et bien que le testateur ait ajoûté que uxoris causâ parata est, cette adjection quoy qu’elle soit fausse n’empesche point que le legs ne soit boae ; mais s’il étoit fait en ces termes, lego uxori vestom quae ejus causâ parata est, si quae sit ejus causâ parata, prastabitur, si nulla sit, nihil debebitur. Il y a’aussi deux sortes de causes, l. Cum tale, S. Fulsam de condit. et demonstr. régulierement falsa causa legato non obest, quia legandi ratio lerato non coharet, sed plerumque doli exceptio locum habebit, fi probetur aliâs non legaturus fuisse. Par la l. 4. C. de hered. institut. si le pere instituë heritier celuy qu’il croyoit être son fils, faisa opinione deceptus ; les Empereurs répondent que cette institution ne peut valoir ; par la même raison ce qui est légué à l’heritier comme heritier, n’est point dû quand le legataire n’a point cette qualité : On ne peut douter que la testatrice n’ait donné à la Demoiselle de Bellefosse comme à son heritiere, elle s’en est expliquée clairement ; cette cause étant fausse la véritable heritière haber exeptionem doli. Castel pour la Demoiselle de Bellefosse opposoit une fin de non recévoir, l’Appellante ayant accepté le legs particulier qui luy étoit fait par Je testament, l. 8. 3. 1. De inoffic. testameut. il ajoûtoit que ces paroles ne valoient que de demonstration, et non point de condition : inter demonstrationem & conditionem hoc interest, quôd demonstratio plerumque rem factam ostendit, conditio futuram, l. Nominatim de condit. G demonstr. la demonstration bien que fausse non vitiat legatum. Titio do, lego, quia negotia mes curavit ; item filius meus fundum pracipito, quia frater ejus rot aureos ex arca subrepsit, lices frater ejus non sumpsit, valer legatum, quia ratio legandi legato non coharet, l. 17. 8. Huic pret. de condit. et demonstr. l. 7 2. 5. 6. 16. Il suffit donc que la testatrice ait voulu leguer à la Demoiselle de Bellefosse, quoy qu’elle se soit trompée en sa qualité : Par Arrest du 15. de May 1653. on mit sur l’appel hors de Cour-