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CCCCXVII.

Femme mariée ne peut tester d’aucune chose, s’il ne luy est permis par son mary, ou que par son traité de mariage il soit ainsi convenu.

Skenaeus Cet Article est conforme aux anciennes Loix d’Ecosse, Skengus ad leges Scor. l. 2. c. 36. Art. 6. mais il ajoûte que maintenant l’usage a prevalu au contraire, et que les femmes peuvent faire estament.

Il semble que le mariage ne devoit point priver la femme mariée de la liberté de testeri pourvû que ce ne fût point en faveur de son mary, ou de ses parens, par cette raison que seffet et l’execution des dispofitions testamentaires tombe dans un temps où le mariage ne sobsiste plus, in id tempus excurrit, quo vir & uxor esse desinunt, l. 9. 5. ult. et l. 16. de Donat. inter vir. & uxor. Aussi par la dispofition du Droit Civil les femmes pouvoient tester, l. lu testamentis. C. de testament. l’autorité du mary ne leur étoit point necessaire, et sur tout à l’égard de ces biens qu’elle se reservoit, et dont elle avoit l’entière disposition durant le mariage ; et dans les Provinces qui ont retenu l’usage du Droit Civil, il s’observe que la femme peut tester sans qu’elle soit assistée de l’autorité de son mary, ny de qui que ce soit.

La pluspart des Coûtumes de France contiennent une pareille disposition, et qu’il n’est point necessaire que la femme soit autorisée par son mary pour faire testament ; et Ricard dit qu’elle passe pour le Droit commun du Royaume, et que dans les Coûtumes qui sont demeurées dans le silence, comme celle de Paris, la femme y peut valablement faire testament sans l’autorité ny le consentement de son mary ; donc la raison est que la puissance que de mary a sut sa femme est particulierement pour l’mterest du mary, de sorte que le testament n’étant executé qu’aprés la mort, et par cette consideration le mary n’y ayant plus l’interest, son autorisation est inutile.Ricard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 4. et quelques Docteurs ont été si fort persuadez que le droit de tester ne peut être rétranché à la femme, qu’ils ont tenu que le Statut ou la Coûtume qui disposoit au contraire ne pouvoit valoir ; Alexand. l. 2. Consil. 155. n. 6. Mais du Moulin en ses Notes sur les Conseils de ce Docteur, a combattu son opinion et soûtenu le contraire

Nôtre Coûtume n’est pas la seule qui désire qu’à l’effer qu’une femme mariée puisse vat lablement tester de ses biens, elle soit valablement autorisée par son mary. La Coûtume de Bourgogne dit la même chose, c. 4. sect. 1. Berty, Art. 168. Nivernois, t. des Droits apparrenans à Gens Mariez, Art. 1. VoyezCoquille .

Il eût été plus à propos, à mon avis, d’ôter à la femme mariée l’usage du testament que de ne luy permettre que par l’autorité de son mary, puis que pour la validité d’un testament la volonté de celuy qui le fait doit être entièrement libre et independante d’aucune personne, l. Illa, l. Captatorias, D. de heredib. instit. L’on ne peut pas dire que la femme mariée soit dans cette independance absolué de sa volonté, lors que pour avoir la liberté de tester elle est obligée de requerir le consentement et l’autorité de son mary, de sorte que l’on peut dire que c’est beaucoup moins le testament de la femme que celuy du mary : En effet le mary n’accorde rarement cette liberté que pour son avantage, et pour obliger sa femme à faire des dispositions dont il puisse profiter indirectement, cette permission que la Coûtume donne à la temme de faire testament de l’autorité de son mary n’est pas de grande consequence ; car de quels biens peut-elle disposer ; tous ses meubles appartiennent à son mary, à moins qu’elle ne les ait reservez par son Contrat de mariage ; elle ne peut disposer de ses propres, elle n’a qu’en certains cas part aux conquests, mais son mary en est le maître, de sorte que lors qu’il est vivant il peut rendre le testament illusoire : Il est vray que si le mary n’alienoit pas les conquests et qu’elle le predecedat son testament pourroit valoir pour la part qui luy auroit appartenu ; elle pourroit encore léguer les conquests qui luy appartiendroient d’un premier mariage, ou qu’elle auroit faits durant sa viduité.

Cet Article permettant en termes generaux à la femme mariée de faire testament du confentement de son mary, on a demandé si cette autorité du mary est necessaire à la femme separée de biens ; Cette question s’offrit en la Chambre de l’Edit entre Mr de la Basoge, Conseiller en la Cour, et Gabriel Gosselin, Ecuyer sieur de Martigni, Appellant, et Jean raucon, ayant épousé Judith Tranchepain, Intimez. Un Marchand nommé Tranchepain iyant mal fait ses affaires, Judith Lexpers sa femme se fit sepater de biens, et continua le même négoce que son mary faisoit auparavant ; comme elle n’avoit point d’enfans elle fit un restament, par lequel elle donna tous ses meubles à Judith Tranchepain, fille de son mary, à condition que la moitié du prix d’iceux seroit employée à la nourriture de son mary, pour retourner aprés sa moit à ladite Tranchepain ; ses meubles valoient plus de trente mille livres.

Aprés la mort de cette femme son testament fut contredit par Mr de la Basoge et par le sieur de Martigni creanciers de son défunt mary pour des sommes considérables, par Sentence duSailly de Roüen le testament fut declaré valable : Sur l’appel je difois pour Mr de la Basoge. et pour le sieur de Martigni, que la Coûtume parlant en termes generaux, et ne permettant à la femme mariée de tester qu’avec l’autorité de son mary, il ne faut point mettre de différence entre la femme separée et celle qui ne l’est point ; quand on veut étendre les termes d’un ôtatut il faut que ce soit en un cas favorable, et qui soit conforme à l’esprit de la Loy : Or les restamens ne sont point favorables dans la Coûtume de Normandie, n’y ayant jamais eu aucune Loy qui ait donné des bornes plus étroites aux dernieres volontez des hommes, ny qui ait plus rétranché aux femmes la liberté de disposer de leurs biens ; ainsi par ces principes au lieu d’étendre la Coûtume en faveur des femmes separées, il faut ôter indistinctement aux femmes. nariées le pouvoir de tester sans l’autorité de leurs maris : la separation ne détruit point la uissance maritale, la femme nonobstant icelle demeure toûjours soûmise à l’autorité de son mary, la separation n’a d’autre effet que d’ôter au mary l’administration des biens de sa femmes y a bien de la difference entre les testamens et les donations entre vifs ; un fils de famille, un esclave qui avoit l’administration de son pecule, en pouvoient disposer entre vifs, et neannoins ils ne le pouvoient par testament ; ce n’est donc pas un argument valable que la femme separée peut donner ses meubles par testament, parce qu’elle peut en disposer durant sa vie et tant s’en faut que la separation donne aux femmes plus de liberté qu’elles n’en avoient auparavant, elles sont reduites au contraire dans une servitude plus rigoureuse : avant la separation elles peuvent vendre leurs immeubles du consentement de leurs maris, aprés leur separation toute alienation leur est interdite. Par l’Article CCCXCI. les meubles de la femme separée appartiennent à ses enfans, et si elle n’en a point ils doivent être employez à la nourriture du mary et à l’acquit de ses dettes, d’où il paroit que la Coûtume reserve aux enfans et au mary les meubles de la femme separée, elle n’y apporte aucune limitation, et elle n’ajoûre point que ses meubles leur appartiennent en cas qu’elle n’en ait point disposé par testament.

On peut répondre sans peme aux raisons contraires ; on allégue que par le Reglement fait pour la separation des femmes on ne leur défend que l’alienation de leurs immeubles, d’oû l’on conclud qu’on leur abandonne la disposition de leurs meubles, et puis que durant leur vie elles peuvent par Acte entre vifs user comme il leur plaist de leurs meubles par ventes ou par donations, et qu’elles peuvent faire aussi la même chose des immeubles qu’elles auroient cquis depuis leur separation, on ne leur peut interdire l’usage des testamens sans la permission de leurs maris : Mais il faut remarquer que ce Reglement n’a été fait que pour leurs biens, et non pour leurs personnes qui demeurent toûjours engagées et soûmises à l’autorité maritale : La capacité de tester regarde la personne et celle dont les volontez ne sont point libres, non habent testamenti factionem. On a montré cu-devant que tout ce qui se peut faire entre vifs n’est pas toûjours permis par testament : un Etranger de son vivant peut disposer de tous ses biens, il ne le peut neanmoins par testament. Theroude pour l’lntimé répondoit que les meubles appartenant à la femme en vertu de la separation, il ne luy étoit pas moins permis d’en disposer par Testament que par un Acte entre vifs ; qu’elle joüissoit d’une pleine liberté pour pouvoir disposer par toutes sortes d’Actes de toutes les choses dont la Coûtume a rendoit la maîtresse absolue, et il alléguoit en sa faveur les sentimens de Bérault et de Godefroy : La Cause fut appointée au Conseil, et depuis les Parties s’étant accommodées elles firent donner Arrest, au Rapport de Mr de Vigneral, en 1667. par lequel la Sentence fut confirméé. Ainsi la question n’a point été decidée, néanmoins l’opinion la plus commune est que ces sortes de testamens sont valables.

Il n’est pas nouveau que les femmes se reservent la liberté de tester, cet usage étoit fort commun entre les Romains ;Hotoman . de Dotib. in princip. car les femmes avoient trois sortes aede biens, res dotales, praterdotales, et receptitias : receptitiae que extra dominium & possessionem etiam naturalem mariti mulier sibi reservabat, de quibus vide Aulum Gell. l. 17. c. 6. quando Loyseau mulier dotem marito dabat, tum que ex suis bonis retinebat, neque ad virum transmittebat, recevtitiae dicebantur ;Loyseau , du Deguerp. l. 2. c. 4. n. 4.

On ne doit pas conclure de l’Arrest de Blosseville rapporté par Berault sur cet Article, que la femme peut faire testament pour causes pies sans le consentement de son mary : Godefroy qui l’a crû de la sorte n’a pas fait de reflexion que le motif de l’Arrest fut, que le mary ayant été assigné comme executeur du testament de sa femme, il l’avoit ratifié volontairement, ce qui le rendoit non recevable aux Lettres de récision qu’il avoit obtenuës.