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CCCCXIX.

Neanmoins s’il n’a que des filles ja mariées, et qu’il soit quitte de leurs mariages, il peut disposer de la moitié, et l’autre moitié appartient à sa femme.

J’ay remarqué sur l’Article CCCXCIII. la raison de la difference de cet Article avec celuylà : suivant cet Article pour rendre la femme capable du legs de la moitié des meubles, il ne uy suffit pas que le mary soit quitte des menbles qu’il avoit promis à ses filles en les mariant, Il faut aussi qu’il soit quitte de leurs mariages

C’est une question si la disposition de cet Article peut être étenduë à la femme, et si comne le mary qui n’a que des filles mariées et qui est quitte de leurs mariages peut donner la moitié de ses meubles à sa femme, de même la femme veuve qui n’a que des filles mariées dont le mariage est payé, peut donner tous ses meubles ; Elle peut disposer de tout, car l’Article CCCCXVIII. n’est qu’une exception de l’Article CCCexIV. et l’Article CCCexIx. est une exception de l’Article CCCCXVIII. Cet Article permettant au mary de disposer de sa part entière des meubles qui est seulement la moitié, l’autre moitié appartenant à sa femme, il s’ennit que s’il n’avoit point de femme il pourroit disposer de tout ; par la même raison la femme qui la point de mary a l’entière disposition de ses meubles, au cas de cet Article On a pareillement douté si ce qui étoit permis par testament dans cet Article l’étoit aussi par donation entre vifs ; Du Prey et Marie Trugard sa femme n’ayant point d’enfans se donnerent mutuellement tous leurs meubles au plus vivant par un Contrat de donation entre vifs : aprés la mort du mary sur la delivrance de tous les meubles demandez par la veuve, du Prey frère du défunt l’empescha et l’accusa de recelement, le Bailly prit ce pretexte pour frustrer la veuve de l’effet de la donation : Sur l’appel on traita cette feule question, si ce qui étoit permis par testament l’étoit aussi par un Contrat entre vifs : On ne se fondoit point lur la donation méruelle, parce qu’elle n’est point valable en cette Province, le mary n’ayant pas besoin que sa femme luy donne sa part des meubles, parce qu’il n’y a point de communauté, et que tous les meubles appartiennent au mary : On disoit pour la femme que les donations. ntre vifs étoient plus favorables que les testamentaires, elles sont faites avec une libre et serieuse deliberation ; les teftamens le plus souvent sont suggerez et surpris d’un homme mourant dans une extrême foiblesse d’esprit par une femme qui veut profiter de la nécessité qu’il a de son assistance : l’heritier s’aidoit de l’Article CCCex. et de cet Article qui ne parle point de donner entre vifs : La Coûtume a voulu sans doute exciter par cette voye les femmes à bien vivre avec leurs maris, dans l’espèrance de recevoir quelque recompense de leurs soins et de leur amitié ; mais il ne seroit pas juste qu’un mary se liât les mains par une donation irrevocable, qui luy ôteroit la liberté de disposer de la moindre chose et le rendroit selave de fa femme ; on exposeroit les maris à une continuelle peisecution ; cet inconvenient a été prevû par le Droit Romain, il ne permettoit point aux maris de donner entre vifs, mais à cause de mort, de crainte que le meilleur et le plus patient des conjoints ne devint le plus pauvre, aut ne mutuo amore sese Spoliarent. La Cour appointa la Cause au Conseil, depuis les Parties s’accommoderent. Il semble favorable de permettre au mary de donner entre vifa à la femme, ce que la Coûtume luy permet de donner par testament. Un mary n’ayant point s d’enfans donna par son testament la moitié de ses meubles à sa femme ; l’heritier pretendoit ue n’ayant donné que la moitié, puis que l’autre moitié apparrenoit à sa femme, cela ne devoit s’entendre que de la moitié de la moitié qui appartenoit à son mary ; mais on n’eut point d’égard à cette subrilité, et par Arrest du 20. de Juillet 1638. tous les meubles furent ajugez à la femme, plaidans le Boulenger et Baudry.

La femme ne peut avoir ces meubles qu’à condition du remploy ou de la décharge des prores. Un mary ayant vendu la dot de sa femme, et par son testament luy ayant donné tous s meubles, elle demandoit encore aux heritiers du maty le remploy de ses deniers doianx : our cet effet elle soûtenoit qu’étant legataire universelle des meubles elle n’étoit obligée l’aux dettes mobiliaires, que son mary ayant vendu sa dot dont ses freres luy étoient redevables, elle étoit dans la même condition que si l’on en avoit reçû le rachapr, ce qui valoit de onsignation actuelle suivant les Articles 365. et 366. à l’effet de luy conserver sa part aux meobles et acquests, et de pouvoir demander recompense sur les autres biens de son mary.

Les heritiers alléguoient pour leur défenfe que ces Articles de la Coûtume n’ont lieu que quand la consignation actuelle est faite sur les biens du mary par le Contrat de mariage, ou doms qu’il reçoit le rachapt des rentes appartenantes à sa fem me : la constitution faite par le pert ou les freres des deniers promis pour la dot de leur fille et de leur loeur ne font point une conaignation actuelle sans stipulation, en cas de raquit le ma1y recevant les deniers dotaux de fa femme, elle pourroit trouver ces mêmes deniers en essence qu’elle emporteroit comme meubles, et neanmoins elle voudroit en avoir recompense sur les biens du mary, et quand les deniers ne se trouveroient plus parmy les meubles ayant été consumez par le mary, la femme en seroit d’autant plus riche les revenus du mary ayant été épargnez par ce moyen : ce seroit une ouverture pour faire passer tous les biens du mary à la femme et faire fraude à la Coûtume, dautant qu’un mary donnant tous ses meubles à fa femme aprés avoir aliené sa dor elle en auroit recompense sur ses immeubles, dont les legitimes heritiers demeureroient privez : Par Arrest donné le 10. de Janvier 1635. entre les nommez Michel Appellans, et Al-phonse Belier, veuve de J. Martin, sieur de Grainville, legataire aux meubles de son défunt mary, Intimée, on cassa la Sentence qui ajugeoit à la femme la recompense de ses biens dotaux alienez par son mary sur les autres biens, et en reformant les heritiers du mary furent déchargez de cette demande. J’ay traité cette question sur l’Article CCCCVIII.

Le 26. d’Avril 1619. cette question s’offrit en l’Audience entre Demoiselle Marthe de Focq, veuve de Jacques Dauxais, Ecuyer sieur du Breüil, Intimée ; Jacques et Guillaume Dauxais Appellans, sçavoir si une veuve legataire des meubles de son défunt mary peut faire compre et ouvrir les murailles de la maison pour y trouver l’or et l’argent lequel y étoit caché Ce feu sieur Dauxais par son testament donna tous ses meubles à sa femme, l’or et l’argent monnoyé, et generalement tout ce qui étoit meoble en quelque lieu qu’ils pûssent être en sa maison du Breüil et ailleurs. Durant les guerres civiles defirant asseurer son argent il le cacha en divers lieux qu’il indiqua à sa femme avant que de mourir ; aprés sa mort elle déclara aux heritiers de son mary qu’il y avoit de l’argent caché, et qu’elle étoit prête d’en indiquer de lieu afin d’en faire ouverture ; nonobstant le contredit des heritiers, il fut dit par Sentence qu’il seroit fait ouverture du lieu indiqué par la veuve, à condition de le reparer ; dont les heritiers ayant appellé, ils alléguoient pour moyens d’appel qu’ils étoient proprietaires des maisons, que ce qui étoit enclos et enfermé dans les murailles leur appartenoit comme tenant dieu d’immeuble, et que par consequent la veuve n’y pouvoit avoir part : Il fut répondu par Aristophane la veuve, que Pluru dans Aristophane se plaint que les avares le tiennent toûjours enfermé et le dérobent aux yeux des hommes, mais que si on luy redonnoit la vûë il n’entichiroit : plus que les gens de bien, et me se mettroit plus en la main des méchans ; c’est ce que l’Intimée vouloit faire, elle entreprenoit de tirer Plutus de sa captivité, et employer ce tresoi caché à des usages legitimes : Les Appellans posoient un mauvair fondement en appellant un immeuble et un trefor cet argent que le défunt sieur du Breüil n’avoit caché que pour en Thesaurus empescher le pillage : Thesaurus est vetus pecunia depositio, cujus memoria non extat, et jam Dominum non habeat, ut sic fiat ejus qui invenerit, cûm non sit alterius, I. Unquam, ff. de acquir. ver. domin. L’or et l’argent que l’Intimée pretendoit n’avoit point été deposé par des inconnus, et la mémoire n’en étoit point perduë, puis qu’il avoit été caché par son mary, et qu’elle en avoit connoissance ; la I. Unquam, aprés avoir donné la definition du tresor en fait la distinction d’avec l’argent caché qui ne peut être reputé tresor, si quis aliquid vel lucri causâ vel metâs condiderit sub terrâ, non est thesaurus ; et par la l. 44 du même titre, celuy qui a caché son argent en terre, encore qu’il ait perdu la mémoire du lieu et de la chose, ne perd pas fa possession. Les Appellans opposoient qu’il est nouveau qu’on rompe les murailles de la maison d’un homme pour y chercher des tresors, mais on en trouve un exemple en Droit en laThesaurus Thesaurus . Thesaurus, ff. ad exhibendum ; Thesaurus meus in tuo fundo est, nec eum pateris me effodere, cûm cum loco non moveris furti quidem aut ad exhibendum eo nomine agere rectè noae posse me ; non est autem iniquum juranti mihi non calumniae causâ id postulare, vel interdictum, vel judicium ita dari, ut si per me non stetit, quominus damni infecti tibi operis nomine conventus, ne vim facias mihi, quominus cum thesaurum effodiam, tollam, exportem : le défunt n’a pas abbatu sa maison pour mettre son argent, il ne sera pas pesoin de rompre ny de faire plus de bruit pour le retirer : Par Arrest la Sentence fut confirmée.

Sous ce mot de Filles mariées, il faut comprendre les enfans sortis de ces filles, de sorte que bien que leurs meres soient mortes, ils font obstacle à la donation de tous les meubles, si le mariage de leurs meres n’a pas été entièrement payé : Mais nos deux Commentateurs, Bérault etGodefroy , ont mal appliqué à ce sujet l’Arrest de Sotevast et de S. Pierre-Eglise ; car Berault a écrit que cet Article n’a lieu que quand les filles étant decedées n’auroient point laissée l’enfans : Il n’y a pas d’apparence que ç’ait été le motif de l’Arrest ; car pourquoy les enfans auroient-ils plus de privilege que leur mere, et puis que lors qu’elles sont vivantes, si leur pere est quitre de leurs mariages, il peut donner la moitié de ses meubles à sa femme ; pourquoy seroit-il privé de cette faculté par les enfans de ses filles ; on ne doit point faire de di-stinction entre les filles mariées et leurs enfans, pourvû que le pere soit quitte de leurs mariages ; mais il est aisé de penetrer dans le véritable motif de l’Arrest, qui fut que l’ayeul n’avoit pû donner à sa petite-fille au prejudice de son petit-fils, tous deux enfans de sa fille, que jusqu’à la concurrence de la part qui pouvoit appartenir à sa petite-fille en sa succession qui étoit le tiers, et pour son mariage avenant, et c est pourquoy la donation des meubles fut reduite au tiers

Mais comment le pere est-il reputé quitte du mariage de sa fille ? suffit-il qu’il ait acquitté

sa promesse, quoy qu’il se soit obligé et constitué en rente pour cet effet : J’ay rapporté sur l’Article CCCXCIII. l’Arrest du heur de Parfontaines, par lequel on reputa le pere quitre du don mobil promis à sa fille, quoy que dans le même temps il eût pris de l’argent en rentes l’on pourroit faire consequence de cet Arrest, pour dire que le pere seroit reputé quitte du mariage de sa fille s’il l’avoit payé, bien qu’il eût emprunté des deniers pour cet effet ; car suivant cet Article il suffit que le pere soit quitte du mariage, et il n’importe pas que le pere le doive à d’autres ; ce que l’on objecte que quand la Coûtume a permis au mary de donner la moitié de ses meubles à sa femme, pourvû qu’il soit quitte du mariage de ses filles, et que ce n’est pas être quitte que d’avoir engagé et hypothequé son bien pour cet effet, n’est point plus fort pour les rentes que le mary a constituées que pour les meubles, suivant l’Article 393. y ayant identité de raison en l’un et en l’autre cas. L’intention de la Coû-tume ayant été de recompenser les femmes du bon ménage qu’elles auroient fait avec leurs maris lors qu’elles se seroient acquittées des dons faits à leurs filles : que si une rente constrtuée par le pere n’a pas empesché que la femme n’eût la moitié aux meubles, il n’y a pas lieu de soûtenir que la rente constituée par le mary serve d’obstacle à la donation de la moitié des meubles, mais il y a grande différence entre l’Article 303. et celuy-cy ; par celuylà il rsuffit que le mary soit quitte du meuble, et ne paroissant point que la rente constituée par le mary eût été prise pour payer le don mobil, la femme étoit fondée sur la disposition expresse de la Coûtume qui donne la moitié des meubles à la femme, pourvû que son mary soit quitte du mariage promis à ses filles, en quoy faisant la Coûtume remet seulement les choses dans le Droit commun, suivant lequel la moitié des meubles appartient à la femme ; mais on cet Artide comme il s’agit de faire un avantage à la femme, la Coûtume s’explique d’une autre manière ; il ne suffit pas que le mary soit quitte du meuble promis à leurs filles il ffaut aussi qu’il soit quitte de leurs mariages ; mais ce n’est pas être quitte que de s’être engagé ; ainsi les conjoints ne s’étant pas acquittez par leur bon ménage, mais le mary ayant nyporhequé fon bien pour cet effet, il ne peut être censé quitte : la question seroit sans difficulté s’il étoit fait montion par les Contrats de constitution en rente que les deniers eussent été pris pour ce sujet-là ; mais en tout cas il faudroit toûjours suivant nos Maximes pour le remploy les propres que ces rentes fussent levées sur la moitié des meubles qui appartient au mary, es en quoy faisant le mariage se trouveroit acquitté : cependant la difficulté resteroit toûjours, parce qu’il ne se trouveroit pas quitte lors du decez du mary.