Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCCCXXVII.

Disposition d’héritage comment est permise par testament.

Nul ne peut disposer de son héritage et biens immeubles ou tenans nature d’iceux, par donation à cause de mort ne par testament, ne en son testament,

encore que ce soit par forme de donation, ou autre disposition entre vifs ou que ce fût en faveur des pauvres où autre cas pitoyable : Si ce n’est au Bailgage de Caux en faveur des puisnez, ou du tiers des acquests comme dit est cy-dessus.

La Coûtume pouvoit s’expliquer encore plus nettement, en disant que nul ne peut disposei le son propre par testament, mais son intention paroit assez par la suite. Pourquoy la Coûtume défend-elle plûtost la donation des propres que celle des acquests : car ce que nous avons de mos predécesseurs ne nous est pas ordinairement si cher ny si agreable que ce qui provient de nos peines et de nos soins, et nous avons plus d’amour pour nos propres ouvrages que pour ceux de nos peres. On peut répondre que la liberté de donner ayant si peu d’étenduë, il étoit juste de laisser à un chacun le pouvoir de donner ce qu’il avoit acquis et qui luy appartenoit absolument plûtost que ses propres, dont il semble que la Coûtume ne le fait que de depositaire, et qu’elle ne les luy donne qu’avec cette condition tacite de les conserver à sa famille ; et comme on auroit eu plus d’inclination à conserver ses acquests que ses propres, la Loy nous force à reverer la mémoire de nos ancêtres en conservant les biens qu’ils nous ont laissez.

Dans le Royaume de Pologne par l’Ordonnance des deux Sigismonds conforme aux anciennes Coûtumes, il est défendu de disposer par testament de ses immeubles de quelque nature qu’ils soient. La Coûtume d’Amiens, et presque toutes les Coûtumes des Païs-Bas, défendent aux Nobles d’aliener leurs fiefs, si ce n’est aprés avoir juré solemnellement pauvreté, ce qui s’observe aussi en Espagne.

Toutes les paroles de cet Article méritent de l’explication : Cette prohibition de donner par testament est fort ancienne en cette Province,Benedicti , in verbo, et axorem Adelariam, Dec. 5. n. 477. en a fait mention, et quelque déguisement qu’on puisse apporter, on ne peut disposer de ses propres par testament. De l’Empetière Curé de Vaux avoit fait son testament en ces termes ; Je donne à mes petits neveux cent livres de rente à prendre sur trois pieces de terre, qu’il designoit et qui étoient de son propre : Il eut divers heritiers, ses neveux sortis d’un frère heritiers de la moitié de ses propres et de tous ses meubles et acquests ; et ses petits neveux, heritiers de l’autre moitié des propres. Les neveux maintenoient que la donation étoit nulle par deux raisons ; la premiere fondée sur cet Article, qui défend de donner de son propre par testament ; et la seconde parce qu’ils étoient heritiers immediats du testateur pour la moitié des propres ; et le legs ne sieur avoit été fait que sous cette condition, qu’ils ne fussent point heritiers du défunt : Il fut répondu par les petits neveux que les acquests étant plus que suffisans pour porter cette donation de cent livres de rente, elle devoit être prise sur les acquests, les heritiers aux propres étant capables de donation sur les acquests, quand ils n’y succedent point ; qu’aprés tout il n’avoit donné qu’une rente, et bien qu’il l’eûr assignée sur ses propres, cette assignation ne leur acqueroit pas la proprieté de la chose, et ne changeoit point la nature de la rente ; cette donation produisoit une obligation personnelle contre les heritiers, qui les engageoit à la payer, et qui affectoit tous les autres biens du défunt ; qu’il étoit juste de la faire valoir sur les autres biens dont le testateur avoit pû disposer : quant à cette clause, en cas qu’ils ne soient mes heritiers, elle ne pouvoit s’entendre que de la succession aux meubles et acquests, ne doutant pas qu’ils ne le fussent aux propres, mais étant incertain s’ils l’étoient aux meubles et acquests : Il fut répondu par les neveux que le testateur n’avoit pû disposer de son propre par testament, que c’étoit la même chose de donner du propre ou donner une rente à prendre sur le propre, la proprieté du fonds demeurant inutile semper abscedente usufructu ; car abandonnant les trois pieces de terre, on ne pouvoit les obliger à suppléer ce qu’elles vaudroient moins que la rente, ce qui montroit que c’étoit disposer de la chose même, que la rente étoit véritablement fonciere, que les Arrests qui avoient quelquefois rejetté de semblables donations sur les meubles et le tiers des acquests et la premiere année du revenu n’étoient que dans l’espèce des legs pieux, et à charge de Services, et par cette raison ce n’étoient pas tant des donations que des Contrats synallagmatiques dono, ut des, facio, ut facias, et qu’enfin en cette oecasion il falloit dire que le testateur quod potuit noluit, & quod non potuit voluit, et même la donation contenant cette clause, en cas qu’ils ne soient mes heritiers, ils ne pouvoient en deman-der l’execution puis qu’ils succedoient au propre pour une moitié, et vraysemblablement le testateur ne leur avoit donné de son propre que dans la creance qu’ils n’y pouvoient prendre part : Par Arrest du 17. de Février 1660. on confirma la Sentence qui déclaroit la donation nulle, plaidant Lyout, Maurry, et Theroude. Autre Arrest, par lequel Jean-Bapriste Langlois ayant légué à Marie Vbert douze cens livres à prendre sur ses immeubles pour être em-ployées en rente au nom de ladlte Vbert, sur l’action par elle formée contre Guillaume Langlois elle en fut deboutée, et la donation declarée nulle, par Arrest du S. d’Aoust 1647.

On ne doit pas comprendre sous la disposition de cet Article la donation par testament d’un pere à sa fille de son propre, soit pour la matier ou bien par augmentation de dot, parce que ce n’est pas ue donation, mais une liquidation de mariage avenant ou supplémout de legitime, et ce fut un des points jugez par un Arrest du mois de Decembre 1618. entre Pierre de Breton Tuteur de Marie Aubin, et Pierre Raimbourg. On pretendoit qu’un pere n’avoit où par son testament limiter et delivrer le mariage de sa fille en fonds ou la reserver à partage, et par l’Arrest on ajugea à la fille la terre que son pere luy avoit assignée pour son ma-riage. Jay remarqué sur l’Article CCLII. un Arrest par lequel on déclara nulle la donation de propre faite par un pere à sa fille par son testament pour augmentation de dot, mais on n’estima pas qu’il y eût nullité en la donation pour être faite d’un propre par testament, la motif de l’Arrest fut qu’elle n’étoit point insinuée, et que c’étoit une augmentation de dot que le pere avoit faite par son testament, et comme on n’avoit approuvé ces sortes de donations que par une explication favorable, il ne falloit pas les dispenser de la rigueur de l’Or-donnance pour les insinuations. Il me semble neanmoins que cet Arrest ne doit point être suivi, étant fondé sur deux mauvais principes. L’opinion de ceux qui reprouvent les donations les peres à leurs filles hors l’acte de mariage, n’a pour appuy qu’une pointille. Les paroles n de l’Article 252. quand ils la marierent, n’étant point limitatives, mais demonstratives, comme I paroit nettement par ces autres paroles de l’Article CCLIV. soit en faveur de mariage ou autrement, et pour l’insinuation par la même raison que l’on repute que ce n’est point une donation, mais un supplément de legitime, l’insinuation n’y est point necessaire.

On a taché plusieurs fois d’éluder la disposition de cet Article par des confessions que le testateur faisoit dans son testament, d’être redevable à celuy auquel il vouloit donner à cause d’argent prété ou pour recompense de services dûs. Un particulier remettoit par son testament à une Demoiselle cent cinquante livres de rente qu’elle luy devoit, alléguant que sa conscience l’obligeoit à luy faire cette remise, et prioit son heritier qu’encore que son testanent ne pûst valoir suivant la Coûtume, il consentit cette décharge pour le repos de son ame, et pour les causes qu’il en avoit plus amplement déduites dans un papier qu’il laissoit dans son cofre : Cet homme étant mort, un an aprés cette Demoiselle poursuivit les heritiers pour luy remettre cette rente, et representer l’écrit qu’ils avoient par devers eux qui justifioit les causes pour lesquelles le testateur avoit remis cette rente, qui étoiont, qu’il avoit eu cette ente pour sept cens livres, s’étant prevalu de sa nécessité et du besoin qu’elle avoit d’argent pour la poursuite d’un procez dont il étoit solliciteur : Il fut dit par les heritiers que ce legs excedoit le tiers des acquests du défunt ; mais il fut reparty par cette Demoiselle qu’elle ne lemandoit pas cette rente par donation, mais par restitution, ayant été acquise injustement’elle : Par Arrest du mois de May 1620. au Rapport de Mr Coupauville, on n’eut point d’égard à la déclaration du testateur, et on jugea que c’étoit une donation, qui fut reduiteu tiers des acquests.

Ce fut aussi un des points jugez par l’Arrest de Michel et François Turgis contre Robert Guilmette, dont j’ay parlé sur l’Article CCCeXII. Leur frere, dont ils étoient heritiers, avoit donné par son testament à Robert Guilmette son parent vingt livres de rente fonciere à prendre sur une maison et sur un héritage designé par le testament, ou la maison, ou bien l’héritage, au choix du donataire, ajoûtant que c’étoit pour services qu’il luy avoit rendus par Sentence du Juge de Carentan le testament avoit été déclaré valable : Sur l’appel desdits Turgis, je difois pour eux que toute la question fe reduisoit à ce point, de sçavoir de quelle force et de quel effet pouvoient être les confessions portées par un testament ; outre qu’elles sont toûjours suspectes dans un testament, on examine principalement si ces declarations et reconnoissances sont faites purement et simplement, ou dans cette véé et par ce motif de donner une cause et un fondement à une donation défenduë par la Loy. Au premier car uand par un testament on auroit reconnu devoir une somme, cette confession ne seroit par même obligatoire contre celuy qui l’auroit faite ;Papon , t. des Oblig. sans cause, l. 10. t. 3. On en allégue pour preuve ce fameux Jugement d’Aquilius rapporté par Valere Maxime, de Privatis Jjudiciis. Un Gentilhomme Romain nommé Varon, voulant faire une donation à Octacilia qu’il entretenoit, declara par son testament qu’il luy devoit soixante mille écus ; étant revenu en convalescence Octacilia voulut profiter de cette declaration, et demanda à Varon les soixante mille écus, mais le Preteur Aquilius la debouta de son action : Ces confessions faites hort Jugement quand elles n’ont point de causes solides et valables n’induisent aucune obligation, I. Publia Mevia, S. Finali, ff. depositi : GuiPapé , quest. 176. Il n’y a que celles qui sont passées en Jugement qui engagent ; mais quand ces confessions ne sont faites que pour faire valoir un acte ou une donation, qui sans cela ne pourroit subsister, alors on considere toutes ces déclarations comme une couleur et un pretexte mandié pour éluder la disposition de la Loy. Les autoritez qui prouvent cette vérité sont vulgaires : la Loy Cum quis decedens, 8. 6. de legat. 3. et la l. Qui testament. D. de probationibus y sont expresses, ce qui a fait dire à Mornac sur cette Loy, Qui testamentum, que c’est une regle que qui non potest donare, non potest coniteri, nempe cum is cui debere se testator dicit, suspectam adeb personam sustinet ut obliqua dona-tione habere eum aliquid voluerit, quod aliâs recto sermone per leges capere non posset. Et Decius Bartole en son Conseil 32. Cum prohibita sit donatio, assertio bene meritorum suspecta redditur : Bartolt sur le S. Titiâ, 1. Cum quis decedens ; semper confessio in ultimâ voluntate factâ in favorem non capacis intelligitur in fraudem legis facta : quelque liberté que la Coûtume nous accorde, nos passions ou les interests de ceux qui nous approchent nous sollicitent toûjours à passer les bornes qu’elle nous a prescrites, c’est pourquoy l’on invente tant de fraudes et l’on pratique sant de déguisement. Greard répondoit pour le donataire, que si la donation ne pouvoit vaoir sur les propres, il la falloit transferer sur les acquests : que la confession faite par le dé-funt étoit suffisante, et qu’au moins elle devoit servir d’adminicule. Il s’aidoit d’un Arrest ra pporté dans le Journal des Audiences, l. 2. c. 85. de l’Edition de 1652. par lequel on jugea que l’usufruit d’un propre donné par un testament ne pouvant valoir sur les propres, il avoit été transféré sur les acquests : ce qu’il fondoit sur la decision precise de Papinien en la 1. Cum pauter, 5. Titio fratri de legat. 2. suivant laquelle quand un testateur charge son heritier de restituer par fideicommis des choses qu’il étoit obligé de luy laisser purement et simplement, et sans aucune charge de restitution ou substitution, l’heritier ne s’en doit point plaindre ny de mander la reduction de la disposition du testateur à ce qu’il luy étoit loisible seulement de disposer, fi tant est qu’il luy ait laissé d’autrs biens d’aussi grande valeur : Quoniam, dit-ils carione compensationis percepisse debitum videatur, & ideo nihil aris alieni loco deducendum esse.

L’espèce de la l. 12. 8. Si uxore, ff. de fundo dotal. est ayssi singulière, si uxore herede institutâ fundus dotalis fuerit legatus, si quidem deductis legatis mulier quantitatem dotis in hereditate habitura est, valer legatum, sin minus & aliqua pars ad dotem supplendam defit, id dumtaxat ex eo remanere apud mulierem ait, quod quantitati dotis deest. Jopposois à cet Arrest du Parlement de Paris on autre Arrest posterieur du même Parlement rapporté dans le même Journal, l. 4. c. 45. qui avoit jugé le contraire : cette recompense d’un bien qu’on ne pouvoit donner sur un autre dont il étoit permis au testateur de disposer, ne peut être admise en cette Province où nous avons des principes fort opposez à ceux du Droit Civil ; les Jurisconsultes Romains. se rendoient ingenieux à faire subsister les dernieres volontez des mourans, ut magis actus valeret, quam periret, et par cette raison ils les interpretoient toûjours favorablement ; au contraire nôtre Coûtume a peu d’égard pour les testamens. Les Loix Romaines ne connoisfoient point cette distinction de propres et d’acquests ; unicum erat hominis patrimonium : Nôtre ri Coûtume y a mis une tres-grande différence, et elle regle fort diversement la manière et la hberté d’en disposer, soit entre vifs ou par testament, et les Coûtumes étant de droit étroit, re il ne se fait point d’extension d’une espèce à une autre, on considere seulement ce qu’il a fait, d et non point ce qu’il a pû faire, et quand il a voulu ce qu’il ne pouvoit, on ne s’arrête plus à chercher ce qu’il pouvoit faire : qu’au surplus la confession du testateur ne pouvoit servir d’adminicule, la Loy ayant rejetté ces déclarations comme faites pour éluder sa dispofition, Il seroit, absurde qu’elles pûssent servir d’adminicule pour autoriser une fraude, et que ce qui étoit nul pûst produire une action : Par Arrest du 14. de Mars 1664. en l’Audience de la Grand-Chambre en émendant les Sentences, sans avoir égard au testament, on mit sur l’action les Parties hors de Cour.

Sur cette question si la donation d’un propre peut être transferée sur les acquests ou sur les meubles, quand il y en a ; il faut remarquer que l’affirmative a été jugée pour les donations à la charge de dire des Messes et de faire des Services ; mais on n’a pas considéré ces do-mations comme des liberalitez pures, mais comme des Contrats synallagmatiques, comme une dette et une charge de la succession : Cela fut jugé de la sorte le 10. de Juillet 1637. entre n Robert et Richard Lucas, Appellans, pour lesquels je plaidois, et le Procureur du Tresor de l’Eglise de S. Hilaire ; on fit valoir sur les meubles une rente de trente livres qui étoit du propre du testateur : Pareillement si le testateur a donné des acquests et qu’il soit mort avant les trois mois, la recompense en est donnée sur les meubles quand ils le peuvent orter. Arrest en la Grand. Chambre du 24. de Novembre 1642. entre Gedeon de Livraye, Ecuyer sieur de Lessey, légataire universel du Curé de Carentan son oncle, Appellant, et les Tresoriers de l’Eglise de Carentan ; plaidans Cardel, et Lesdos. Autre Arrest du 24. de May 1650. pour Fondimare, contre les Tresoriers du Havre ; la donation du tiers des acquests fut déclarée nulle, et on ordonna qu’elle seroit portée sur les meubles, et sur la premiere année du revenu, deduction faite des frais funeraux. Autre Arrest du 19. d’Avril 1652. Autre du 15. d’Avril 1655. Autre du 26. de Janvier 1672. De Roquigni riche de six mille livres de rente qu’il avoit acquises pour la pluspart, aprés plusieurs autres legs donna cent livres de rente à sa Paroisse à la charge de dire des Services, et que ceux de sa famille auroient un Banc dans l’Eglise : le testateur étant mort avant les trois mois, ses heritiers contesterent le legs ; le Curé le soûtenoit valable, comme fait pour cause pie, ce qui fut jugé devant le premier Juge.

Sur l’appel on cassa la Sentence, sauf aux Paroissiens à se faire payer sur les meubles, et permis aux heritiers de racheter la rente en consequence au denier vingt ; plaidans Vion, et Theroude le jeune.

En consequence de cette jurisprudence que les donations pour causes pies du tiers ou de partie des acquests doivent être prises sur les meubles, lors que le testateur n’a pas survécu le temps ordonné par cet Article, les heritiers doivent avoir cette preeaution de ne prendre pas les meubles sans inventaire, autrement ils ne sont pas recevables à soûtenir que les meubles ne peuvent porter la donation

On a formé en suite cette question, si un particulier ayant donné par donation entra vifs ou par testament des héritages ou des maisons pour faire une Fondation, et les heritiers soûtenant que les éhoses données excedoient le tiers des biens du domteur, on leur pouvoit op-poser pour empeschor cette reduction qu’ils n’avoient point fait mventaire des meubles. Un nommé Lohier Serturier à Roüen donna aux Curé et Treforiers de Sainte Croix S. Oüen deux maisons à la charge de plusieurs Services : les frères du donateur demanderent la redution de cette donation, pretendans que ces deux maisons excedoient la valeur du tiers, et pour cet effet ils demandoient l’estimation de tout le bien, ou que les Treforiers fissent des partages, et qu’ils leur abandonneroient un lot : Le Bailly de Roüen les avoit deboutez de leurs demandes par ces deux raisons ; la première, que la reduction au tiers ne pouvoit être demandée pour les donations à la charge de Services ; et la seconde, qu’ils n’avoient point fait d’inventaire : Sur l’appel l’on abandonna la premiere raison, et l’on convint que les donations pour causes pies pouvoient être reduites lors qu’elles excedoient le tiers. Pour le défaut d’inventaire, Greard Avocat des heritiers Appellans, soûtenoit que n’y ayant point de mineurs ils n’avoient point eu befoin de faire d’inventarre, que la Coûtume ne prescrivoit cette formalité que lors qu’il y avoit des mineurs ou des soeurs à qui il étoit dû un mariage avenant, ou que l’on vouloit rappeller à partage, ou faire réduire les dons qui leur avoient été faits, que cela ne se rencontrant point en cette Cause il n’y avoit eu aucune nécessité de faire nventaire, que si par les Arrests l’on avoit étendu sor les meubles les donations pour causes pies lors qu’elles ne pouvoient valoir sur les acquests, et fi les heritiers avoient été condamnez de les payer lors qu’ils n’avoient point fait d’inventaire, cela s’étoit fait afin que les Fondatiom ordonnées par le testateur fussent accomplies et execurées ; mais qu’il n’en étoit pas de même au fait de la Cause où les heritiers ne prerendoient pas annuller la donation ; mais la reduiré suivant la disposition de la Coûtume, de forte que les donataires ne pouvant jamais rien pretendre sur les meubles, et les Appellans ne pouvans jamais être obligez de leur en tenir com-pte, ils n’avoient point en besoin de faire inventaire. Régnaud pour les Intimez pretendoit que les choses données n’excedoient point la valeur du tiers, qu’ils n’étoient point admissibles à demander la reduction de la donation puis qu’ils n’avoient point fait d’inventaire ; car le revenu des maisons n’excedant point ce qu’il falloit pour accomplir les Services ordonnez par le testateur, s la reduction avoit lieu le surplus devoit être repris sur les meubles : Par Arrest du 5. d’Avrs 1680. la Sentence fut cassée, et l’on ordonna qu’estimation feroit faite des bieus pour connoître si la donation excedoit le tiers.

Les paroles de cet Article, de donation à cause de mort, ny par testament, ny en son restament, semblent établir une troisième espèce de donation distincte des donations entre vifs et des testamentaires.

C’est une question difficile, si dans les païs Coûtumiers les donations à cause de mort sont admises, comme par le Droit Civil : Plusieurs estiment que l’on n’y connoit point de donation à cause de mort distinctes des testamens, parce que si les Coûtumes avoient voulu l’au-toriser, elles n’auroient pas manqué d’en prescrire les formalitez, comme elles ont fait pour les donations entre vifs, et pour les restamens. Il y a même des Coûtumes qui les ont abfolument rejettées, Bretagne, Article 209. et ne vaudra la donation faite pendant la maladié de laquelle mourra le donateur ; et par l’Article 170. de la Coûtume de Blois, donation pous cause de mort ne vant rien. Du Moulin en son Apostille sur cet Article, dit qu’on ne peut la faire valoir comme un legs, si elle n’est revétuë des solemnitez requises pour la validité des testamens, nec ut legatum quidem, nisi fiat in forma testamenti quod autem donatio causâ mortis nulla modo valet, quando est in forma contractùs recté institutum est odio suggestionum. Or puis que pour la faire subsister elle doit être accomplie de toutes les formes requises pour les testamens, elle ne constituë pas une troisième espèce de donations. Il est vray que le Droit Romain. faisoit différence entre les donations à cause de mort et les testamens, qui sont remarquées par Aceurse sur le Paragraphe 1. des Donat. aux Instit.

Au contraire plusieurs Coûtumes reçoivent les donations à cause de mort ; Nivernois, 27. Art. 4. 5. et 6. Anjou, Art. 339. Mayne, Art. 351. Orléans, Art. 257. Celle de Paris, Art. 277. convertit les donations entre vifs faites par personnes malades de la maladie dont elles decedent en donations à cause de mort : Or puis qu’elle fait mention de cette espèce de donation separément de celle que l’on appelle entre vifs, et ne l’ayant pas qualifiée testamenfaire, on en peut induire que la donation à cause de mort est un Contrat qui est connû et di-stingué par la Coûtume, et qui n’a rien de testamentaire, bien que l’effet en soit tout semblable, pour ne pouvoir être disposé par cette voye de plus grande partie de biens que de ce qui est permis de disposer par testament.

Cet Article semble encore avoir établi plus expressément la donation à cause de mort en ces termes, par donation à cause de mort, ny par testament, ny en son testament ; Car la Coûtume ayant fait mention dans un même Article de la donation à cause de mort et des testamens, elle a suffisamment distingué ces deux espèces de donations, et par ce moyen elle a laissé en la liberté d’un chacun de disposer de son bien en ces trois manieres, entre vifs, par donation à cause de mort, et par testament ; autrement ces paroles, par donation à cause de mort ny par testament, seroient superstuës, ce que l’on ne doit pas presumer, la Coûtume ayant parlé des donations à cause de mort et par testament, comme de deux actes separez et distincts, sans les conjoindre comme synonimes et ne signifians qu’une même chose.

L’on peut dire au contraire qu’en examinant l’Article CCCCXLVII. il paroitra que la Coûtume n’admet d’autre donation à cause de mort que cette espèce de donation conçuë par termes de donations entre vifs, qu’elle repute donation à cause de mort et testamentaires cette copulative et, montre que ces deux mots sont synonimes et signifient la même chose. et par consequent que la donation testamentaire et à cause de mort ne sont qu’une même espece de donation : Aussi il est certain que par la Coûtume de Normandie, comme par celle de Paris, toute donation est entre vifs, ou à cause de mort et testamentaire : La Coûtume de Paris dans les Articles 172. et 183. ne parle que de donations entre vifs et de donations à rause de mort.

L’on ne peut douter qu’un homme, soit qu’il se porte bien ou qu’il soit malade, ne puisse disposer particusierement de son bien par Contrat en forme de donation conditionnée et limitée au cas de son predecez, pourvû toutefois que sa donation n’excede point la portion de son bien que la Coûtume luy permet de donner par testament, ainsi l’on peut dire que nous avons deux espèces de donations à cause de mort ; la premiere est celle qui est qualifiée telle, par le Contrat de donation, et qui l’est en effet, le donateur s’étant réservé expressément la faculté de la revoquer ; la seconde est une donation entre vifs, mais reputée testamentaire et à cause de mort par l’Article 447. de la Coûtume ; la premiere est une donation à cause de mort par la disposition et la volonté de l’homme, et la seconde est à cause de mort par la disposition de la Loy.

Toute la difficulté consiste à sçavoir quelles formalitez sont necessaires pour rendre ces donations valables, soit qu’elles soient donations à cause de mort par la disposition de l’homme, c’est à dire par la qualité du Contrat, ou qu’elles le soient par la disposition de la Loys mais je toucheray cette matière sur l’Article 447. où la Coûtume convertit les donations entre vifs faites par personnes malades en donations à cause de mort.

Quoy qu’il y ait grande différence entre les donations entre vifs et à cause de mort, néanmoins il est quelquefois fort malaisé de les distinguer ; car il ne s’enfuit pas qu’une donation soit à cause de mort, parce qu’il y est fait mention de mort ; sed quando fit mentio mortis per modum causa finalis, quasi quod mols ipsa inducat ad donandum, l. Seia. in princip. ff. de mort. can don. on peut bien conclure qu’une donation n’est point à cause de mort, quand il n’y est fait aucune mention de mort. Mantica, l. 1. c. 13. de conject. ust. vol. a remarqué six moyens pour distinguer la donation entre vifs d’avec la donation à cause de mort ; mais la màrque là plus essentielle de la donation entre vifs est qu’elle soit irrevocable. Pour l’éclaircissement de cette matière je rapporteray un Arrest donné sur une question, de sçavoir li une donation étoit entre vifs ou testamentaire ; Charles du Toupin, Ecuyer sieur de Bolleville par un Contrat passé devant Notaires donna à Henry Lesperon, Ecuyer sieur d’Anfreville son neveu present et acceptant, la somme de quatre mille livres pour une fois payer, à prendre sur tous et un chacun les biens immeubles, terres et héritages qui se trouveroient lors de son decez et sans aucune reservation, pour en joüir et s’en faire payer par ledit donataire aprés le decez dudit sieur du Toupin, et non plûtost sur ses biens immeubles et héritages presens et avenirs en exemption de toutes dettes et charges quelconques. Aprés la mott du sieur de Bolleville ledit sieur d’Anfreville demanda la delivrance de la donâtion ; elle luy fut contestée par Adrian du Toupin, Ecuyer sieur de Dorival, heritier au propre du donateur : L’affaire portée en la Cour, la question fut de sçavoir si cette donation de quatre mille livres pouvoit valoir tant sur les propres que sur les acquests du donateur, comme étant une donation entre vifs, ou à elle ne devoit être considerée que comme une donation à cause de mort qui ne pouvoit avoir son execution que sur le tiers des acquests ; Greard pour Henry Lesperon, Ecuyer sieur d’Anfreville légataire, disoit qu’il y avoit grande différence entre la perfection et l’execution de la donation ; car encore que l’execution de la donation soit remise et conférée au temps du decez, neanmoins quand le donateur donne irrevocablement c’est une donation entre vifs laquelle est parfaite dés l’instant du Contrat. Certum. est hoc caly donationem ab initio perectam esse et difpositionem statim ligare nec in suspenso esse, sed executio habet tractum in diem mortis, et fit tantum mentio mortis per modum dilationis, quia nempe difertur exactio ; sicet disositio ab initio valeat. l. Juliani 18. de jure dot. Ce queBrodeau , 1. D. 10. sur MsLoüet , con-irme par l’autorité de du Moulin en son Commentaire manuscrit sur la Coût. de Parls où il propose cette question ; je donne les meubles et conquests dont je seray joüissant à mon trépas entre vifs, et non revocablement ; et en suite il ajoûte que quelques-uns disoient que c’étoit une lonation à cause de mort, quia interim potest alienare, remittere, tranfferre, et per obliquum exhaurire quod non potest facere qui donat inter vivos ; ego contra quia satis est quod sub conditione possit commodum adferre : Ce n’étoit point donner et retenir, parce qu’il y a difference entre la donation certa rei et un legs universel ; car quoy que le testateur ne se fût pas lié les mains. la donation ne laissoit de vasoir sur les biens qui resteroient aprés son decez ; que le Parlement de Paris l’avoit jugé de la forte, et avoit même déclaré valable une donation, quoy que e donataire eût expressément reservé la disposition des choses données jusqu’au jour de ion decez, ce qui donna sujet aux heritiers de l’arguer de nullité, et que c’étoit en effet donner et retenir : à quoy l’on répondoit que cette reserve n’empeschoit pas que la donation ne fû çalable pour les biens qui se trouveroient, soit meubles ou acquests au jour du décez de la donatrice, jusqu’au quel temps l’effet et la consommation de la donation bien que parfaite de soy dés le commencement étoit différée : Au contraire je representay pour Adrian du Toupin, Ecuyer sieur de Dorival, que dans les Provinces qui sont encore soûmises à l’autorité du Droit Romain les testamens sont la matière la plus ordinaire des procez ; mais dans les païs Coûtumiers les donations forment souvent des contestations, leurs qualitez, leurs conditions, leur execution, et la difference des biens dont l’on dispose rendent cette matiere aussi difficile et embarrassée que celle des ubstitutions et du droit d’accroissement parmy les Jurisconsultes Romains. Le discernement et la discution entre les donations entre vifs et à cause de mon est si malaisée, qu’un même Parlement a souvent donné des Arrests contraires sur ce sujet.

Pour juger de la qualité d’une donation, on doit plûtost considèrer sa cause et son effet, que les paroles où elle est conçûë. La mention de mort dans une donation entre vifs n’en change point la nature, et ce terme d’irrevocable qui n’appartient qu’aux donations entre vifs employé dans une donation testamentaire ne la fait point cesser d’être une donation à cause de mort,Cuj . Consult. 30. ut quod donatur causâ mortis, ut nullo casu revocetur non est mortis ausâ donatio, sic quod donatur inter vivos ut morte demum secutâ confirmetur non est donatio inter vivos.

Pour faire un discernement asseuré de ces donations et ne se tromper point en leurs definitions, il faut en établir les differences specifiques, et les conditions essentielles.

La donation à cause de mort a perpétuellement ces deux conditions inherentes, qu’elle st revocable toutefois qu’il plaist au donateur de changer de volonté, et qu’elle n’a son effet qu’aprés son decez, si quid mumanitus contigerit : cependant il demeure toûjours le maître absolu des choses données.

Au contraire la donation entre vifs est irrevocable, elle dépoüille le donateur de tous ses droits et les transfere irrevocablement au donataire. Ce sont les vrais caracteres qui déterminent sa substance et la qualité, et non point l’execution de la chose : et quoy que la tradi-tion et la joüissance en soit remise aprés la mort, si toutefois la donation est irrevocable on la doit estimer une donation entre vifs : si cette condition d’irrevocable ne s’y rencontre point, elle degenere et passe en la nature de la donation à cause de mort, quando vis et effectus dogationis pendet â morte donantis, et que rien n’est acquis incommutablement au donataire que par la mort du donateur, c’est une véritable donation à cause de mort : Mais pour connoître si une donation est de cette espèce, il faut remarquer particulierement l’endroit où il est parle de la mort, s’il en est fait mention dans le dispositif ; par exemple si je donne à quelqu’un dans la pensée et contemplation de ma mort une certaine terre, cette donation est pour cause de mort ; que s’il est parlé de la mort seulement dans la clause de l’execution, comme si aprés avoir donné purement et simplement, il est ajoûté que le docataire ne joüira qu’aprés le décez du donateur, cetté donation doit être reputée entre vifs, parce qu’elle est pure en sa substance, et qu’il n’y a que la joüissance et l’execution qui soit différée au jour du decez du donateur, non inspiciuntur verba executiva, sed dispositiva, inquitBoer . Decis. 353. n. 12. quando in verbis importantibus substantiam donationis facta est obitùs mentio, haec liberalitas pro donatione mortis causâ accipitur, sed cûm in verbis ad executionem spectantibus donator de morte meminit, donatio intelligitur facta inter vivos. De laLande , sur le Titre des Testat. de la Coûtume d’Orléans, ajoûte qu’il y a certaines donations qui ont des marques et des caracteres de l’une et de l’autre espèce, ce qui en rend le discernement fort malaisé, parce qu’il ne aroit pas assez certainement si la perfection et l’accomplissement seul de la donation est différé au jour de la mort, ou si le donataire a dés à present un droit irrevocable aux choses données, ou s’il ne luy est rien acquis incommutablement qu’aprés la mort du donateur, incertum est an habitus donationis, vel sola executio â morte pendeat : cette distinction est si obscure et si difficile, que comme cet Auteur le remarque, etBrodeau , sur MiLoüet , 1. D. n. 10. a Jurisprudence du Parlement de Paris a changé plusieurs fois. Magdeleine le Quesne avoit donné trois livres de rente avec retention d’usufruit à l’Eglise d’Infreville, à la charge de dire quelques Messes : Elle donna depuis cette même rente à l’Eglise de Bosroger : Les Tresoriers pretendoient que la premiere donation étoit à cause de mort, et que par consequent elle étoit revocable : Par Arrest du 27. d’Avril elle fut ajugée aux Tresoriers de la Paroisse d’Infreville.

Les Jurisconsultes Romains ont estimé que quand une donation n’étoit point revocable, elle n’étoit point à cause de mort, l. ubi ita donatur, ff. de donat. causâ mortis. Ils estimoient encore que les donations faites par une personne mourante ne laissoient pas d’être entre vifs, quand elles étoient conçûës en ces termes, si quis in extremis constitutus sine ullâ conditione redhibendi donasset omni Spe retinendi remotâ, non tam mortis causâ qudm morientem donare : Ce qui est contraire à nôtre Coûtume, qui repute donations à cause de mort celles qui sont faites par des personnes malades, quoy qu’elles foient conçûës entre vifs.

La tradition actuelle des choses étoit si necessaire par le Droit du Digeste, que la donation sembloit n’être parfaite avant la tradition, et antequam donator in vacuam fundi possessionem induxisset, l. ult. 8.Lucius , ff. de donat. et ils étoient si scrupuleux qu’encore qu’il y eût retention d’usufruit, il falloit neanmoins mettre le donataire en possession ; fic enim, aitPapin .

I. Seia de donat. mort. causâ, Seia cum bonis suis traditionibus factis cessisset donationis causâ, deinde msomfructum sibi recepisset ; sic utrumque intervenit quasi sola ususfructâs retentio ad tranfferendan possessionem & dominium non sufficeret similiter, cum donator litteris declaravit se tradidisse possessio nem seroorum ; tamen eorum apprehensio ab eo qui donum acceperat fuit necessaria, l. Pradia, ff. le acquir. possess. pradictis non obstat. l. Ex hac scripturâ, ff. de donat. cûm patronus dixisset, sciant baredes mei me rem meam universam ac res cateras quafcumque in diem mortis mea mecum habuisse, illas & illis libertis me vivum don asse : quia hec verba in testamento aut alia ultimâ voluntate scripta érant, quod satis collivitur ex eo quod hac scriptura vel epistola ad heredes dirigitur. Cette solution est plus aisée que celle deBrodeau , lequel en son Commentaire sur MLoüet , l. D. n. 10 pour sauver cette objection, dit qu’en cette donation il n’y avoit aucune tradition réelle ny chose aequipolente à tradition translative de possession, sçavoir retention d’usufruit ou cause de constitution ou precaire supposé et feint, que la clause de precaire tacité inest per consequentias.

Justinien Mais Justinien semble l’avoir décldée en la l. Si quis argentum. 35. 5. ult. et que la tradition n’est point necessaire, et plus expressément encore au S. 3. aux Instit. de donat. Mais cette Jurisprudenoe a été reprouvée par la pluspart des Coûtumes de France, dont quelques-unes requierent tellement la tradition que la retention d’usufruit n’est pas suffisante ; car il faut dessaisine, et que le donateur soit dessaisi de la chose donnée, et le donataire saisi, et qu’il ait pris possession, Valla, ibid. Amiens, Bourbonnois, Senlis. C’est ce que nos Coûtumes appellent donner et retenir ; la Coûtume de Paris en l’Article 274. définit ce que c’est que de donner et retenir : mais on se contente aujourd’huy que la proprieté et la possession de droit soient transferez.Ricard , des Donat. part. 1. c. 4. sect. 2. dist. 1. a pleinement traité cette matière.

Dans le Contrat qui fait le procez il ne paroit aucune marque de la donation entre vifs : de donateur ne parle point de donner entre vifs, il n’est point dit qu’il donne irrevocable. meut, au contraire il demeure le maître absolu de son bien, il stipule qu’on ne pourra luy demander ce qu’il donne qu’aprés son decez, et sur les biens qui se trouveront aprés sa mort, ce sont là toutes les marques d’une donation à cause de mort par ces paroles, qui se trouveront aprés son decez : le donateur a donné et retenu, car elles contiennent cette condition ta-cite, s’il luy restoit quelque chose de ce dont il pouvoit disposer, vendre et engager. Or uis qu’il retenoit la pleine disposition de son bien, et qu’il pouvoit rendre la donation inuvile, c’étoit véritablement donner et retenir ; car encore que la donation de tous les biens qu’on aura au temps de sa mort soit valable, parce que le testateur est presumé n’avoir donné que ce qu’il laisse aprés son decez, et que l’effet de cette donation pendeat ab eventu, néanmoins on demeure d’accord qu’il n’en est pas de même in donatione certa rei, comme celle dont il s’agit où le donateur ne donne pas laes immeubles qu’il aura au temps de sa mort, sed tertam pecuniae quantitatem, pour l’assurance de laquelle si son intention eût été de donner entre vifs, il falloit dés lors du Contrat en assurer la proprieté sur quelque portion de se mmeubles, et se lier les mains en sorte qu’il n’en pût disposer. Pour les Arrests du Parlement de Paris on ne peut en titer une décision certaine puis que les derniers sont contraires aux premiers, et que depuis ceux remarquez par Brodeau dont le demandeur vouloit prendre avantage, on a jugé par les derniers Arrests que les donations de tous biens ou simplement de meubles et acquests que le donateur a ou aura au jour de son decez ont été déclarez à cause de mort, et comme telles reductibles. Voyez là-dessus Brodeau sur MLoüet , etRicard , des Donat. part. 1. c. 4. sect. 2. dist. 1. n. 985. et la 2. part. du Journ. des Audienc. l. 1. c. 35. où il se trouve un Arrest par lequel une donation de tous biens presens et avenir, meubles et immeubles, n’est point estimée donation entre vifs à l’égard des meubles que quand il y nventaire fait lors de la donation par la difference qu’il y a d’avec les immeubles, qui onf une assietre et une consistence de leur nature ; mais pour les meubles comme ils peuvent auge menter et diminuer la donation, elle ne peut valoir que comme une disposition de derniere olonté, Par Arrest du 21. de Mars 1664. la donation fut déclarée à cause de mort et reduite au tiers des acquests.

Lors de la plaidoirie de cette Cause Ms Loüis Greard soûtenoit que l’espece en étoit paseille à celle qu’il avoit plaidée pour Dame Marie de Brisard, femme de Mr Meusnier Con-seiller au Parlement de Paris, et Dame de Brisard veuve de Mr Here aussi Conseiller au Parlement de Paris, appellant de Sentence renduë aux Requêtes du Palais à Paris contre M’Brisard Conseiller au Parlement de Paris, Intimé : Le Sieur de Brisard frère desdites Dames et oncle de l’Intimé, avoit fait donation à l’Intimé son neveu de tous ses biens plopres, acquests et meubles qu’il avoit de present et qu’il auroit au temps de sa mort, à retent ion d’usufruit durant sa vie, et d’une fomme de 18000. livres, laquelle en cas qu’il n’en disposast point demeureroit comprise en la donation, dont l’Acte avoit été passé devant deux No-taires, en l’Etude desquels le donateur s’étoit fait porter, et depuis par un Acte posterieur il avoit encore confirmé cotte donation : Il avoit même passé Procuration au donataire pour prendre possession de l’une des Terres données ; étant mort âgé de soixante et dix ans, vinge et un mois aprés la donation les Appellantes comme coheritieres avec l’Intimé luy demanderent partage en la succession, mais elles en furent refusées en consequence de la donation : treard pour les Appellans la soûtenoit testamontaire, parce qu’il donnoit ses biens à venir et qu’il possederoit au temps de son decez, et que par cette raison elle étoit reductible au quint des propres : Il ajoûtoit qu’elle avoit été extorquée d’un homme imbecille, qui par l’âge et par les longues maladies avoit perdu entièrement l’usage de la raison. De Sets pour M’Brisard répondoit que la donation étoit entre vifs, parce qu’elle étoit parfaite, le donateur s’étoit dépoüillé de la proprieté, et l’execution seulement de la donation étoit différée aprés sa mort ; que d’ailleurs elle étoit tres-favorable et judicieuse étant faite à son neveu qui portoit son nom, et par ce moyen il avoit voulu conserver ses biens dans sa famille : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 23. de Juin 1662. la Cour mit sur l’appel les Parties hors de Cour. On trouve un Arrest du 14. de Février 1633. dans le Journal des Audiences, par lequel il a été jugé qu’une donation mutuelle entre vifs faite par deux freres de tous les biens qu’ils auront lors de leur decez a été jugée entre vifs, et non à cause de mort. Autre Arrest pareil dans le même Auteur du 17. de Février 1642. on dit que la condition de survie ne suspend point l’effot de la donation qui est parfaite en soy, le donataire étant saisi et rendu proprietaire dés le temps de la donation, l. Senatus 35. 8. 4. verbo & sic donari D. de mortis causa donat. mais qu’elle limite l’execution au cas de survivance. On allégue au contraire que la condition étant in diem mortis, et le donateur ne donnant que sur les biens qu’il aura au temps de son decez, cela ne suspend pas seulement l’effer et l’execution de la donation, elle suspend la disposition même et la rend incertaine le donateur n’étant asseuré d’aucune chose, n’étant saisi ny rendu propriétaire d’aucun bien ; car le donateur demeure le maître de tout son bien, il le peut vendre et engager, et l’on demeure d’accord que ces donations n’ont leur effet et leur execution que sur les biens qui restent au donateur aprés sa mort : D’où il resulte que ces donations n’ont point la véritable marque des donations entre vifs, d’être irrevocables ; car bien qu’il soit véritable qu’elles ne puissent être revoquées directement, elles peuvent l’être indirectement, et renduës entièrement illusoires, puis que le donateur peut librement disposer de ses biens, que le donateur est contraint de prendre ce qu’il trouve sans pouvoir Sattaquer aux biens que le donateur auroit alienez ou engagez depuis sa donation : que si suivant la doctrine de du Moulin sur l’Article 291. de la Coûtume de Bourbonnois, qui est citée par ceux qui sont de ce sentiment, que ces sortes de donations doivent être reputées entre vifs in donatione duo sunt dispositio & executio, que la disposition statim ligat nec suspendit ; mais que l’execution habet tractum in diem mortis. Il s’ensuit évidemment que ces donations ne sont point entre vifs, quia dispositio non ligat, au contraire le donateur à si peu les mains diées qu’il peut aliener tout son bien. Elle n’est donc pas irrevocable, et c’est proprement donner et retenir, ce que du Moulin a écrit en son Commentaire manuscrit ne paroit pas aussi decisif ; car combatant l’opinion de ceux qui disoient que c’étoit une donation à cause de mort, quia interim donator potest alienare, remitere, transferre & per obliquum exhaurire, quod non potest facere qui donat inter vivos ; il répond que satis est quod possi sub conditione commodum adferre cette réponse ne resoud pas la difficulté, car la donation à cause de mort sous condition potest etiam commodum adferre : cela ne decide donc pas que la donation doive être reputée entre vifs, parce qu’il en peut revenir du profit au donataire ; mais on soûtient que la donation qui ne lie point les mains au donateur et qui peut être renduë inutile, et qui ne peut être executée que sur ce qui reste aprés son decez, n’a point les conditions necessaires et essentielles à la véritable donation entre vifs.

Ricard en son Traité des Donations, part. l. c. 4. sect. 2. distin. 2. n. 1036. propose cet exemple, si une donation de mille livres de rente à prendre sur les biens du donateur pour commencer à en joüir aprés son decez peut valoir en qualité de donation entre vifs n’estime pas, dit cet Auteur, que l’affirmative soit susceptible de difficulté, dautant qu’à l’égard de la tradition du droit elle étoit suffisamment faite, au moyen de ce que les biens du donateur sont affectez à la rente dés le moment que la donation a été faite, de sorte qu’il ne peut plus les aliener qu’à la charge de la rente : mais cet exemple est fort dissemblable, car en la donation faite sur les biens que le donateur laisse lors de son decez, il n’y a que ces biens-là lesquels y soient sujets ; et dans l’exemple precedent tous les biens du donateur y sont affectez dés le moment que la donation a été faite, car elle étoit parfaite, et la seule joüissance en étoit différée aprés la mort.

Touchant la tradition tant de fait que de droit pour la validité des donations, voyez Ricard ibid

On a demandé, si lors que l’on donne une somme d’argent à prendre sur les biens du donareur aprés sa mort sans retention d’usufruit ny constitut de précaire, cette donation est valable ; La Dame de Gravieres donna à deux filles de Moniot Procureur au Parlement de Paris, lors qu’il les maria, à chacune trois mille livres à prendre sur ses biens aprés son decez, lequel étant arrivé M. Henty Fremin et Mr Gastier Procureurs audit Parlement qui avoient épousé lesdites filles, firent assigner la fille de la Dame de Gravieres pour leur faire delivrance de trois mille livres chacun, à quoy la fille pour défences dit que ces donations étoient nulles par le défaut de dessaisissement des choses données, n’y ayant aucune retention d’usufruit ny constitut de précaire ; ainsi la Dame de Gravieres avoit donné et retenu, puis qu’elle étoit demeurée en possession des choses données, que suivant la regle de droit non vodentur data que, eo tempore quo dantur, accipientis non fiunt, l. 167. de Regl. jur. Il fut repliqué par les Demandeurs que les donations ne laissoient pas d’être valables quoy qu’il n’y eût point de tradition réelle des choses données par deux raisons ; l’une, que ce qui étoit donné consistoit en une somme mobiliaire, qu’en donation de meubles que le donateur aura au jour de son decez, il ne falloit point de dessaisissement, et qu’il avoit été ainsi jugé par plusieurs Arrests rapportez par le Commentateur de Mr Loüet ; L’autre raison étoit que la donation ayant été faite par Contrat et en faveur de mariage, la tradition réelle ou chose equipollente, comme la retennon d’usufruit ou constitut de précaire, n’y étoit point necessaire, suivant l’Apostille de du Moulin sur l’Article 273. de la Coûtume de Paris, ce qui avoit été pareillement jugé par les Arrests rapportez par Mr Loüet et son Commentateur : La retention d’usufruit ou constitut de precaire n’a régulierement lieu qu’en donation d’héritages, Art. 275. de la même Coûtume de Paris, qui distingue les choses mobiliaires d’avec les immobiliaires. La Défenderesse répondoit à ces raisons qu’il falloit distinguer entre la donation certae rei mobilis, et celle que est univensalis puta juris successorii nondum delati ; au premier cas la chose donnée et retenue rend la donation nulle ; au second cas la donation est bonne sans qu’il soit besoin pour la vadidité d’icelle que le donateur se dessaisisse, ny qu’il y ait retention d’usufruit : qu’au fait par-ticulier il ne s’agissoit pas de la donation omnium bonorum, sed certa rei ; Sur quoy Messieurs des Requêtes du Palais à Paris ayant condamné la Défenderesse, la Sentence fut confirmée par Arrest du 3. de Decembre 1643.

Bouguier Par Arrest du Parlement de Paris rapporté par Bouguler, 1. D. n. 12. une donation entre vifs faite perpetuellement et irrevocablement, sous cette condition néanmoins au cas que l’on mourût sans enfans étoit à cause de mort, parce que l’intention de la donatrice avoit été de la suspendre jusqu’au jour de sa mort, tractum habebat usque ad tempus mortis, M.Loüet , l. D. n. 11. de sorte que ut mentio mortis non facit donationem causâ mortis ; de même ce mot d’irrevocable ne fait pas la donation entre vifs, si d’ailleurs Il paroit que le donateur a voulu suspendre l’effet de sa donation jusqu’au temps de son decez,Bouguier , 1. D. n. 13. que si l’on dit que ces termes, aprés ma mort, suspendent bien l’effet et l’execution de la donation, mais non pas la convention dont le droit est acquis à l’instant de la passassion de l’Acte qui étoit itrevocable, encore qu’il ne pûst produire son effet qu’aprés la mort, néanmoins ce temps étant avenu il avoit un effet retroactif au temps du Contrat ; on répond qu’il y a différence entre les Conrats et les dispositions testamentaires, par les Contrats nous ne contractons pas seulement pour nous, mais aussi pour nos heritiers, plerumque tam haredibus nostris quâm nobis cavemus l. Si pactum de probationibus. Dans les testamens on ne considere que les personnes lesquelles le testateur a voulu gratifier, et au profit desquelles il a voulu disposer, et non de ses heritiers, et c’est pourquoy les conditions étant accomplies elles n’ont aucun effet retroactif, elles se reglent seulement au temps de leur existence.

Chopin , l. 3. p. 3. c. 4. n. 2. de privilegiis rusticorum, ajoûte que celuy qui donnant entre l vifs se reserve le tout pour l’execution de sa derniere volonté par le donataire ; il s’enfuit de a deux choses l’une, ou que cette espèce de donation entre vifs passe en donation à cause de mort qui est revocable, ou bien qu’elle demeure du tout sans effet comme étant donner et retenir, donari non potest nisi id quod ejus fit cui donatur, l. In adibus, p. donari de donat Il faut prendre garde si la mention de mort faite dans la donation est per modum dilationis.

En ce cas elle est reputée donation entre vifs, potest autem intelligi causa dilationis factam esse mentionem mortis, quando in verbis importantibus executionem donationis factâ est mentio mortis,Boërius , Decis. 353. et non in verbis importantibus substantiam donationis, nam tunc mentio mortis non facit presumi illam donationem esse causa mortis.

Deux Gentilshommes nommez Imbert, sieur de Sibeville, et des Monts, sieur de S.Loüet , illant à l’armée se donnerent reciproquement la somme de quatre mille deux cens livres, qui seroit payée par l’heritier du premier mourant au survivant lur les immeubles, sans que les heritiers aux meubles en fussent aucunement tenus, laquelle donation n’auroit lieu que le decez arrivant du premier mourant sans enfans ; le Contrat fut passé devant Notaires le premier d’Aoust 1641. insinué le 5. d’Avril 1642. Imbert, sieur de Sibeville étant mort en Catalone en 1645. des Monts demanda les quatre mille deux cens livres à de Pierre, sieur du Ma-noir, heritier du sieur de Sibevilla, Sur des recusations proposées contre le Juge de Vallognes, la Cour évoqua le principal ; Des Monts soûtenoit la validité de la donation, qu’elle étoit entre vifs, et l’execution feule collata erat in diem mortis, qu’elle étoit irrevocable, qui est la véritable marque de la donation entre vifs, et que par consequent elle ne pouvoit être contredite, puis qu’il étoit permis de donner entre vifs le tiers de son propre. Au contraire l’heritier disoit que c’étoit une donation à cause de mort, la proprieté en étoit in pen-senti, et differée au temps de la mort, qu’aux donations entre vifs nonobstant la retention d’usufruit la proprieté ne laissoit pas d’être transferée au donataire, de laquelle il pouvoit disposer : En celle-cy rien ne luy étoit acquis, il étoit même incertain qui seroit le donateur ou le donataire, la proprieté étoit transferée in diem mortis, ce qui rendoit la donation à cause de mort, par lesquelles donations on ne peut disposer de ses propres, ce qui fut ainsi jugé e 5. de May 1646. au Rapport de Mr Lamy, et la Cour mit sur l’action hors de Cour et de procez. Le raisonnement de l’heritier ne paroit pas decisif, car il n’est pas véritable que la proprieté n’en fût pas acquise irrevocablement au donataire, par cette raison qu’il étoit incertain qui seroit le donateur ou le donataire ; car la donation étoit conditionnelle, ce qui n’em-reschoit pas que le cas arrivant la donation ne fût parfaitement acquise à celuy qui auroit survécu, et bien qu’il fût incertain lequel des deux mourroit le premier, la donation ne laissoit pas d’être certaine et asseurée au survivant ; c’est le vray cas où l’on pouvoit dire que sola executio dilata erat in tempus mortis, et la proprieté en étoit tellement transferée qu’il en pouvoit disposer, quoy que revocablement toutefois en cas que la donation ne fût pas avenuë.

Quand ces termes se rencontrent en une donation, les biens qui m’appartiendront au tempi de ma mort, le donataire ne peut demander que ce qui reste suivant la Loy Stichum de legatis primo, qui meus erit cûm moriar hares meus dato, magis conditionem legato injecisse, ut si totun alienaverit legatum extinguatur, si partem pro eà parte debeatur que testatoris mortis tempore fuerit.

Cette prohibition de donner de ses immeubles par testament est si rigoureuse, que même la faveur de la cause pie ne les peut faire subsister : Toute la grace qu’on a pû faire à ces sortes de liberalitez a été de leur donner effet sur les meubles et sur le tiers des acquests, quand elles ont été passées trois mois avant le decez du testateur, et qu’elles sont causées pour services. s’Ainsi cette question sur laquelle les Docteurs, et principalement les Canonistes, se sont si fort étendus, sçavoir si les legs pieux contenus en un testament informe sont dûs, est decidée par cet Article, qui prohibe les donations d’immeubles par testament même pour causes pitoyables : Aussi Bérault asseure que la Maxime que les legs ad causas pias ex irrito testamento sont dus n’est point suivie en Normandie. Pontanus sur l’Article 173. de la Coûtume de Blois approuve par plusieurs raisons que les legs pieux sont compris sous la prohibition generale de donner uivant les Loix d’Ecosse, de hereditate in ultima voluntate nemp difponere potest, Skenaeus ad leg.

Scor. l. 2. c. 37. Par la Coûtume de Bourgogne, 8. 1. 1. des Success. il est permis de dispoler de ses biens par testament en laissant à ses vrais heritiers le tiers pour leur legitime. Nôtre Coûtume plus fage ne permet que la donation du tiers des acquests.