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DES TESTAMENS.

ES Testamens qui sont le chef-d’oeuvre de la Jurisprudence Romaine, ne tiennent lieu parmy nous que de codicilles, parce que nous n’avons point d’institution d’heritier, qui est leur fondement et leur objet principal ; Institutio heredis caput & fundamentum testamenti.

La Coûtume a reduit les Testamens à leur premier usage : Ils n’étoient dans leur origine que de simples dispositions des peres envers leurs enfans, ou au défaut d’enfans on ne prenoit la liberté de tester que pour reconnoître quelque bien-fait ou quelque service : Solon ne les approuva par ses Loix qu’à ces conditions ; et si Platon et Aristote Aristote, qui ont tant crié contre ce déreglement que les hommes faisoient paroître en leurs dernieres volontez, avoient connû la moderation de nôtre Coûtume et le peu d’étenduë. qu’elle donne aux Testamens, ils l’auroient sans doute reçûë dans leurs Republiques.

L’ambition, la hayne, la vengeance à qui nous devons attribuer la source et l’invention de toutes ces dispositions que le Droit Romain a si fort favorisées, n’ont plus de part dans nos Testamens ; car la Coûtume ne laissant aux hommes la puissance de disposer de leurs biens que pour un tiers des acquests, il ne leur reste plus de moyens de flater leur ambition en dominant aprés leur mort, ny d’exercer leurs passions, leurs vengeances et leurs haynes. en privant de leurs successions leurs legitimes heritiers.

C’est par cette raison qu’il n’a pas été nécessaire d’apporter tant de solennitez pour la confection de nos Testamens : Il seroit fort superslu d’en tenir les dispositions cachées et secre-res, et nous ne connoissons point ces Testamens mystiques qui sont encore en usage en quel. ques Provinces de France

L’avarice des Gens d’Eglise avoit introduit un étrange abus, qui étoit de forcer les mourans à faire des Testamens. Bodin en sa Rep. l. 5. c. 2. écrit que de son temps il n’y avoit pas cent ans que dans ce Royaume on auroit refusé la sepulture en lieu Saint, si le défunt n’eûr laissé quelque chose à l’Eglise par son Testament ; de sorte qu’on prenoit une Commission de l’Official adressée au premier Prêtre, lequel selon l’état des biens du défunt décedé intestat, laissoit à l’Eglise ce qu’il vouloit au nom du défunt, ce qui fut enfin défendu par les Arrests Parlement de Paris ; cela est aussi remarqué par du Luc en ses Arrests, l. 1. c. 5.

Nos Legislateurs ont commencé la matière des Testamens en traitant de leurs formes et de leurs solennitez, ils declarent en suite quelles personnes sont capables de rester, et enfin ils marquent et limitent les choses dont ils permettent la disposition par Testament. Les Jurisconsultes Romains commencent par les personnes, et cet ordre eût été meilleur ; car une personne incapable de tester feroit inutilement un Testament solennel, qui Testamentum facere possunt, & quemadmodum Testamenta fiant, l. 23. 1. ff.


CCCCXII.

Forme et solennité de Testament.

Tout Testament doit être passé par devant le Curé ou Vicaire, Notaire, ou Tabellion, en la presence de deux témoins idoines, aagez de vingt ans accomplis et non légataires : presence desquels le Testateur doit declarer sa volonté, et s’il est possible le dicter : et aprés luy doit être lù le Testament presence de tous les dessusdits, signé du Testateur, s’il le peut faire, et si faire ne le peut, sera fait mention de l’occasion pourquoy il ne l’a pû signer : même sera signé desdits Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, et témoins.

Les solennitez prescrites pour les Testamens sont en petit nombre, il suffit qu’un Testament soit passé devant le Curé ou Vicaire, Notaire, ou Tabellion, en la presence de deux témoins, pourvû qu’ils soient idoines, âgez de vingt ans accomplis, et non légataires, et que le Testateur déclare sa volonté en leur presence, et qu’il l’a dicte s’il est possible ; il faut en suite que le Testament luy soit lù en la presence de tous les dessusdits, qu’il le signe, s’il le peut faire, E s’il ne le peut faire, il sera fait mention pourquoy il ne l’a pû signer ; mais il doit être signé desdits Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, et témoins.

Avant que d’expliquer les paroles de cet Article, je proposeray cette question, si un Testament fait en France par un François en une autre Langue que la Françoise seroit bons Ce fut un des points traitez en la Cause renvoyée en ce Parlement, entre Messires Gabriel et Jacques-Auguste de Thou, appellants de Sentence renduë au Châtelet, et pour lesquels plaidoit le Quesne ; et Messire Estienne d’Aligre, Chancelier de France ; Messire Henry de Fourcy Chevalier, President aux Enquêtes du Parlement de Paris ; Messire Denis Feydeau, Maître des Requêtes de son Hôtel ; et Messire Louis-Henry Faye d’Espesses, Abbé de S. Pierre de Vienne, creancier et Directeur des autres creanciers de Messire Jacques-Auguste de Thou, President au Parlement de Paris ; il s’agissoit de sçavoir si la Bibliotheque de feu Mr le President de Thou pouvoit être venduë ; Les enfans de Mr de Thou étoient appellans de la Sentence du Châtelet de Paris qui en ordonnoit la vente, pretendans que par le Testament en Latin de feu Mr le President de Thou leur ayeul, il y avoit une substitution de cette Bibliotheque faite à leur profit. Les créanciers pour lesquels je plaidois, soûtenoient qu’on ne pouvoit induire aucune substitution des termes du Testament, ils contestoient même la vérité et la validité d’iceluy, et objectoient comme un défaut qu’il étoit conçû en langue Latine. cette manière de tester ayant été justement reprouvée par les Ordonnances ; il importe à la gloire et à la grandeur d’un Etat, que dans tous les actes publics on ne se serve que de la langue aaturelle, c’est une marque de sujetion que d’emprunter le langage d’un autre païs : Les Grecs si delicats sur le point de la gloire, ont dit soit à propos que leur Apollon refusoit de rendre ses Oracles en Latin, quoy que ce fût alors le langage d’un peuple qui commandoit tous les Dieux comme à tous les peuples du monde, aussi les Romains sçûrent bien leur rendre la pareille ; Gracis nunquam nisi Latinè respondebant, Valerius Max. l. 2. c. 2. quo scili cer Latinae vocis honos per omnes gentes venerabilior efficeretur. Rome qui vouloit remplir toutt la Terre de la grandeur de son nom et de sa langue, ne souffroit point que dans tou te l’étenduë de sa domination on usast d’une autre langue que de la sienne dans tous les Ulpian actes publies, non pas même dans les Testamens, l. Decreta a8. D. de re Judic. Et Ulpiun en ses Instit. t. 25. 6. 9. Tibere ce grand Politique ne permit point qu’un soldat que l’on interrogeoit répondit en Grec, et il sçavoit si bien maintenir la majesté de IEmpire, quil s’excusa dans le Senat pour s’être servi du mot Grec uoroxdRor.

Il est vray que cet Empire étant devenu en quelque sorte Grec par la translation du Siege de lEmpire de Rome à Constantinople, et la langue Grecque étant aussi presque devenue la Justinien langue de l’Etat, Justinien approuva que les institutions d’heritier pûssent être faites en Greci mais outre que lon favorisoit extraordinairement la liberté de tester, on peut dire qu’en ce temps-là les Romains avoient beaucoup perdu de leur ancienne generosité. Les anciens Romains quoy qu’ils connussent fort bien la delicatesse et les graces de la langue Grecque, l’en permirent point neanmoins l’usage public, nulla non in re pallium toge subfici non arbitrabantur indignum esse, existimantes illecebris, & suavitate linguarum imperii pondus et autori-tatem domari, Valer. Max. ibid.

Il est mal-aisé de comprendre comment ce mauvais usage d’expedier en Latin tous les Actes ublics ait pû durer si long-temps parmy nous : On pouvoit avoir ce respect pour la langue Latine lors qu’elle conservoit encore ses charmes et ses beautez, mais il étoit ridicule de la preferer. à la sienne, quand elle n’avoit plus rien que de barbare : On fe détrompa enfin d et erreur, et François I. pour la raison que chacun sçait, ordonna d’abolir ce mauvais usages voicy les termes de lArticle 111. de IOrdonnance de 1539. Et parce qu’incertitude et ambituité sont souvent avenuës sur d’intelligence des mots Latins conçùs aux Arrests et aux autres Actes, nous voulons d’oresnavant que tous Arrests, ensemble toutes autres procedures, soit de nos Cours souveraines ou inferieures, soit des Registres, Enquêtes, Contrats, Commissions, Testamens, et autres quelconques, Actes et Exploits de Justice qui en dépendent, soient prononcez, registrez et delivrez aux parties en langage maternel, François et non autrement.

Si l’observation de cette Ordonnance est raisonnable et necessaire pour tous Actes publies. elle lest beaucoup davantage pour les Testamens qui sont de Droit public, et dont la forme et la solennité ne dépend pas de la seule volonté de celuy qui les fait ; de sorte que comme Il y a des solennitez qui consistent précisément en l’expression de certains mots solennels et mysterieux, il n’est pas possible de changer ces termes, ny de les suppléer par aucune equi pollence, parce qu’étant désirez pour la forme specifique de l’Acte, ils doivent necessairement S’y rencontrer. Par exemple, dans la Coûtume de Poitou un Testament pour être valable doit contenir qu’il a été dicté, nommé et reli sans suggestion d’aucune personne : On avoit emloyé dans un Testament sans induction, au lieu de ces paroles sans suggestion, et on soûtint que c’étoit une nullité, et cela fut jugé de la sorte, par Arrest du Parlement de Paris. La

Coûtume d’Orléans désire specifiquement ces mots de dicte et nommé, au lieu d’iceux les mots de profèré de sa bouche, ayant été employez dans un Testament il fut declaré nul, ce qui prouve qu’il est impossible de tester en une autre langue dans les Coûtumes qui désirent que l’on employe cettains termes qui ne peuvent être suppléez par aucune equipollence ou identité.

La Cause ne fut pas jugée sur ce point ; mais pour decider cette question il me semble que dans les Coûtumes qui ordonnent précisément de se servir de certains mots solennels, un Testament conçù en langue Latine ne seroit point valable ; cessant quoy la question seroit douteuse, si lon pourroit arguer un Testament de nullité pour être composé en Latin, pourvû gue les formes y fussent gardées : Mais en tout cas dans les Testamens passez devant Notaires, il faudroit qu’ils entendissent la langue en laquelle le Testateur dicteroit son Testament, et les té moins pareillement, ce qui se rencontreroit difficilement en France, de sorte que la question ne pourroit gueres arriver que pour les Testamens holographes ; mais comme pour leur validité il suffit qu’ils soient écrits de la main du testateur, on doit laisser en la liberté du testateur d’expliquer ses intentions en telle langue qu’il luy plaira. Suivant le sentiment deRicard , des Donat. p. 1. t. 5. sect. 7. le Testament peut être fait en une langue étrangere Les personnes que la Coûtume établit pour recevoir les Testamens sont le Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion : Cette forme de tester en la presence du Curé ou du Vicaire est imitée du Droit Canon, l. C. cum esses extrav. de Testament. et cet usage fut introduit apparemment en France depuis que les Juges d’Eglise eurent entrepris de connoître des Testamens.

Loyseau L’origine de cette Coûtume nous est enseignée par Loyseau des Seigneuries, c. 15. n. 64.

Les Ecclesiastiques maintenoient autrefois que la connoissance des Testamens leur appartenoit, et qu’ils en étoient les naturels et legitimes executeurs, parce que le corps du Testa-teur étant laissé à l’Eglise pour luy donner la sepulture, l’Eglise aussi devoit être saisie de ses meubles pour acquiter sa conscience et executer son Testament : Ce qui s’est observé longtemps en Angleterre, où l’Evéque et ses Officiers se saisissoient des meubles, si les heritiers ne composoient avec eux ; et j’ay remarqué cy-devant qu’en France les Eoiesiastiques en foient de cette manière, et qu’ils contraignoient les heritiers à convenir de preud’hommes pour estimer ce que le défunt avoit dû leguer ; et quoy que ces abus ayent été réttanchez, Loyseau neanmoins, ditLoyseau , cette entreprise des Ecclesiastiques est demeurée jusqu’à nôtre temps, et les Curez et Vlcaires par la disposition de plusieurs Coûtumes sont déclarez capables de recevoir les Testamens.

C’est tout ce qui reste aux Ecclesiastiques en cette Province de leurs anciennes usurpations touchant la connoissance des Testamens ; mals par la Coûtume de Bretagne ils se sont conservez en cette possession : Par l’Article 614. de la Coûtume Reformée de Bretagne lors qu’il s’agit de la solennité d’un Testament, la connoissance en appartient au Juge d’Eglise ; Argentré sur l’Article 2. de l’ancienne Coûtume de Bretagne ; Févret en son Traité de l’Abus, l. 4. c. 6 Mais dautant que les Curez, lors que leur ministere devenoit necessaire, soit à faute de Notaires ou autrement, profitoient souvent de l’occasion pour exiger des legs et des presens de ceux qui les appelloient pour faire leurs Testamens, il leur fut défendu par l’Article 27. de l’Ordonnance d’Orléans, de recevoir aucuns Testamens ou dispositions de derniere volonté, par lesquels il leur seroit fait quelque legs ou don En consequence de cette Ordonnance l’on revoqua en doute, si les Curez pouvoient recevoir des Testamens, par lesquels l’on faisoit des legs à leurs Eglises ou Paroisses : Cette dif-ficulté fut décidée par l’Article S3. de l’Ordonnance de Blois, qui contient ces termes ; Pourront les Curez ou Vicaires recevoir les Testamens et difpositions de derniere volonté, encore que par l. iceux il y ait legs à oeuvres pies, pouroû que les legs ne soient faits en faveur d’eux ou de leurs parens.

En l’absence ou au défaut du Curé le pouvoir de recevoir un Testament est donné au Vicaire : Et bien que la Coûtume de Paris en l’Article 290. désire que le Vicaire ait des Lettres de Vicariat, qui soient enrégistrées au Greffe de la Justice ordinaire, cela n’est pas necessaire dans les Coûtumes qui ne prescrivent point cette formalité, il suffit que celuy qui a reçû le Testament ait été étably par le Curé pour en faire les fonctions, et qu’il en ait fait notoire. ment l’exercice ; De laLande , Article 189. de la Coûtume d’Orléans. Ricard est aussi de ce sentiment, et qu’encore bien que ceux ausquels la Coûtume permet de recevoir les Testamens n’ayent pas les véritables qualitez qu’elle désire en eux, mais seulement en apparence et dans la croyance publique : les Testamens faits devant eux ne laissent pas de sortir leur effet, dautant que l’on ne peut pas demander plus de citconspection et de reconnoissance en un particulier qu’il ne s’en rencontre en tout un public ; et suivant cette Maxime Ricard rapporte un Arrest du Parlement de Paris, par lequel un Testament fait par devant un Prêtre de la Paroisse de S. Severin, qui y faisoit les fonctions de Vicaire il y avoit dix ans, fut declaré valable, bien que par la Coûtume de Paris les Curez soient tenus de bailler des Lettres de Vicariat ; Ricard des Donat. p. 1. c. 5. sect. 8. Nous n’avons pas neanmoins entierement fuivi cette Maxime, comme on le remarquera par l’Arrest donné pour le Testament du Curé de Couterne, dont je parleray dans la suite

Il faut que le Vicaire ait été instalé par le Curé pour en faire toutes les fonctions, autrement il ne seroit pas au pouvoir d’un Curé d’instituer un Vicaire à l’effet de cet Acte seulement, suivant un Arrest du Parlement de Paris rapporté par Ricard en ce même lieu.

Cette puissance de recevoir un Testament est tellement attachée au Curé ou Vicaire, que oute autre personne Ecclesiastique n’en pourroit user ; les accidens extraordinaires de peste, de guerre ou d’absence ne la pourroient donner à ceux ausquels la Coûtume ne l’attribue point. Un Gentilhomme malade voulant faire son Testament, pria le Vicaire deportuaire de permettre à un Curé voisin de l’assister, ce qu’il luy permit, et ce Curé aprés luy avoir administré les Sacremens reçut son Testament : On soûtint que ce Testament étoit nul, n’ayant pas été reçû par le Curé du lieu ; on disoit au contraire, qu’il n’étoit pas juste qu’un Testament ne pût être reçû que par le Cuté du lieu, il pouvoit en être empesché par plusieurs causes legitimes, comme en un temps de peste ou de guerre, ou parce qu’il sera malade, ou absent, ou ennemy : la Coûtume le permettant au Vicaire, elle semble le permettre à ceux qui sont approuvez du Curé, comme celuy-cy à qui l’on en avoit donné la permission : On pliquoit que les formes prescrites par la Coûtume doivent être gardées exactement, la Coûume donnant particulierement ce pouvoir au Curé, il ne pouvoit commettre d’autres per-sonnes que son Vicaire, qui luy est designé par la Coûtume, il n’en est pas de même comme des Sacremens, dont il peut permettre l’administration à un autre ; il semble même que le Vicaire n’en est capable, et qu’il n’y doit être appellé qu’au défaut du Cuté : Ce même Curé qui avoit reçû le Testament étoit Notaire Apostolique ; mais on tint pour constant qu’en cette qualité il étoit incapable de recevoir un Testament : Par un Arrest donné sur un partage le Testament fut déclaré nul.

Ricard , des Donat. n. 1. c. 5. sect. 8. n. 1588. traite la question, si le Prêtre commis par l’Archidiacre pour faire les fonctions de la Cure pendant qu’elle demeure vacante, peut recevoir un Testament : Et son sentiment est qu’il doit être du moins considéré comme un Vicaire, et qu’en cette qualité il peut valablement recevoir les Testamens qui se font durant le temps de soa Exercice. Dans l’espèce de l’Arrest precedent l’on ne revoquoit pas en doute que le Vicaire deportuaire n’eût pû recevoir le Testament.

Les Curez ou Vicaires n’ont pas ce pouvoir de recevoir des Testamens par un droit primitif et qui soit attaché à leur Caractere, mais en vertu de la Coûtume, cessant laquelle ils n’auroient aucune qualité non plus que les Notaires Apostoliques, dautant que les Testamens ne dépendent point de la Jurisdiction Ecclesiastique, comme le prouve fort bien le Commentateur de MLoüet , l. n. 5. de forte que ce pouvoir étant attaché à la personne du Curé on Vicaire, leur expression speciale est une exclusion de toute autre personne Ecclesiastique.

Par ce même principe que les accidens extraordinaires ne peuvent attribuer de qualité à ceux qui ne l’ont point, le Testament d’une femme nommée Pinchon malade de la peste, reçû par un Capucin commis à la garde des malades, et signé de quelques Marqueurs, avec quelque apparence de la signature de cette femme, fut declaré nul, par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 18. de Juin 1638. Arrest pareil rapporté par Brodeau sur MrLoüet , 1. T. n. 8. Un Testament reçû en temps de peste par un Prêtre de l’Hôtel. Dieu fut déclaré nul.

Il n’y avoit pas de difficulté à annuller ce Testament de la nommée Pinchon, dautant qu’il en paroissoit un autre qu’elle avoit fait en pleine santé ; mais la question genetale fut decidée par un utre Arrest du 17. de Février 1650. Le Testament de Basire Procureut en la Cour fut déclaré nul, tayant été reçû par le Capucin de la Santé ; l’on disoit qu’ayant été commis par les Echevins de la ville de Roüen-il étoit comme le Curé ; les Parties étoient Me Clement le Tanneur Procureur en la Cour, Jacques Basire, et Marie Perrot, veuve de Thomas Basire. Autre Arrest du 4. d’Aoust 1650. au profit de la tante des nommez Lagenois, lesquels par un Testament reçû par un Capucin avoient légué cinq cens livres à l’Hopital, et aux Capucins de Gournay une autre somme ; le Testament fut déclaré nul, et neanmoins l’on ajugea quatre cens livres à lHopital, parce qu’il avoit assisté les Testateurs, la necessité publique porta la Cour à faire cette aumône.

La même chose a été jugée par plusieurs Arrests du Parlement de Paris, rapportez dans le Journal des Audiences de l’impression de 1652. l. 3. c. 1. et l. 4. c. 46.

La seconde espèce de personnes ausquelles la Coûtume donne le pouvoir de recevoir les Testamens, sont les Notaires ou Tabellions : sous ce mot de Notaires il ne faut pas comprendre les Notaires de Cour d’Eglise, quoy que Berault soit de sentiment contraire : Il s’est fondé sur l’autorité de deux Arrests du Parlement de Paris rapportez par Papon et par Mr Loüer, l. N. n. 5. mais il n’a pas pris garde que ces Arrests furent donnez avant l’Ordonnance de 1539. qui retrancha si heureusement toutes les entreprises de la Jurisdiction Ecclesiastique, de sorte que depuis ce temps la Jurisprudence a changé, et le Parlement de Paris a donné des Arrests contraiges ; et le public ( ditRicard , des Donat. p. 1. c. 5. sect. 8. n. 1576. 3 s’étant desabusé de lausssperstition qui avoit fait souffrir l’entreprise des Ecclesiastiques sur la Jurisdiction Laique, l’on n’a plus douté que les Coûtumes parlans indefiniment des Notaires, comprenoient seulement ceux qui leur sont soûmis, et qui sont les executeurs de leurs dispositions.

C’est aussi la doctrine des Arrests de ce Parlement ; la question s’en offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le 19. de Janvier 1657. le Testament du Curé de Saint Leonard de récamp avoit été reçû par un autre Curé qui étoit Notaire Apostolique, et par ce Testament il leguoit tous ses meubles et ses immeubles au Tresor de sa Paroisse pour faire quelques Fondations ; ce Testament ayant été jugé valable nonobstant le contredit de l’heritier, sur son appel le Testament fut declaré nul, et faisant droit sur les Conclusions de Mr le Procureur vieneral, défenses furent faites aux Notaires Apostoliques de recevoir aucuns Testamens ; et neanmoins la Cour ordonna qu’il seroit pris sur les meubles une somme de trois cens livres pour faire une Fondation, en acquitant auparavant toutes les charges de droit, plaidans Maurry pour Pierre Martin, Appellant, et Lyout pour les Tresoriers de S. Leonard. La même chose avoit été jugée par un Arrest du 6. de Juillet 1632. mais l’Arrest contre les Tresoriers de S. Leonard décide ces deux questions ; la premiere, que les Notaires de Cour d’Eglise sont incapables de recevoir des Testamens ; et la seconde, qu’ils ne le peuvent pas même, bien que le Testateur fût une personne Ecclesiastique.

L’obmission d’un mot en cet Article a donné lieu à plusieurs procez : La Coûtume ayant dit en termes generaux, que le Testament doit être passe devant le Curé ou Vicaire, le Notaire ou Tabellion, l’on a douté si ce Curé ou Notaire devoit être celuy du lieu où le Testament étoit passé, ou si c’étoit assez que ce fût un Curé ou Notaire sans distinction du lieu : LaS Coûtume de Paris, Article 189. a sagement prévû cette difficulté, ayant disposé que le Testament doit être passé devant Notaires, ou par devant le Curé de la Paroisse du Testateur.

Mais ces paroles, le Curé ou Notaire, marquent évidemment que ce doit être le Curé ou de Notaire du lieu du domicile du Testateur. Argum. l. extra territorium, D. de Jurisdict. Nous apprenons de Mornac sur cette Loy, que Testamenta prorsus nulla sunt atque irrita, nisi intra prefinitos muneris sui limites Tabellio conscripserit, non enim versatur in iis jus gentium, sed mera ex jure sive Civili, sive Gallico formularum necessitas, ce qu’il confirme par l’autorité de plusieurs Arrests du Parlement de Paris. C’est aussi le sentiment deRicard , que les Notaires le la Cour-Laye, comme ils empruntent leur pouvoir des Puissances superieures, les Royaux du Roy, les Subalternes des Seigneurs qui les ont commis, et qui en ont le pouvoir, il s’enfuit que leur autorité est bornée, suivant les termes de leurs Commissions, lesquelles étant ordinairement limitées au dedans de certains territoires, ils ne sont hors de ces limites que personnes pures privées.Ricard , des Donat. p. 1. c. 8. sect. 8. n. 578.

Suivant ces Maximes l’on a donné Arrest sur ce fait. De Guillerme Curé de Couterne, qui est une Paroisse de Normandie située sur les confins du Mayne, fit recevoit son Testament par un Notaire du Mans qui instrumentoit ordinairement en cette Paroisse, comme s’il ût été le Tabellion du lieu. Les heritiers ayant fait juger la nullité du Testament, sur l’appel des legataires on le soûtenoit valable par cette raison, que la Coûtume ne prescrivoit pas expressément que le Testament fût reçû par le Curé ou Noraire du lieu, elle disposoit simplement qu’il devoit être passé devant le Curé ou Notaire, et que par éonsequent on avoit xecuté sa disposition, lors que l’on s’étoit servi d’un Curé ou d’un Tabellion, qu’aprés tout le Tabellion qui avoit reçû ce Testament devoit être reputé le Tabellion du lieu, puis qu’il y exerçoit publiquement comme en ayant le pouvoir, et sans aucun contredit de personne ny même du Tabellion du lieu ; sie agebat, sic munere fungebatur, et ille publicus error jus facit, l. Barbarus Philippus. D. de Offic. Pret. de sorte que tout ce que ce Tabellion avoit geré en cette qualité devoit valoir, quoy qu’il n’eût pas la véritable qualité mais seulement en apparence, et dans la croyance publique : Lyout pour les heritiers répondoit que les termes de la Coûtume étoient clairs, que le Testament devoit être passé devant le Curé ou Tabellion, et que comme l’on ne revoquoit point en doute que par ces paroles le Curé, il falloit entens dre le Guré du lieu ; suivant le sens et la signification naturelle de l’Article, l’on ne pouvoit faire de différence entre le Curé et le Tabellion, que la croyance publique n’effaçoit point la nullité à l’égard des Testamens, qui ne subsistent que quand les formalitez prescrites par la Coûtume ont été exactement gardées, et en ce cas l’erreur publique est un mauvais garandi par Arrest donné en l’Audience de la Grand-Chambre le 15. de Mars 1652. la Cour mit sur l’appel les Parties hors de Cour. La nullité de ce Testament étoit d’autant plus essentielle que ce Notaire étoit d’une autre Province, ce qui vray-semblablement ne pouvoit être ignoré par le Testateur, qui étoit le Curé de la Paroisse. La même chose avoit été jugée en l’Audience de la Grand-Chambre ; le Testament de Boulard fait en l’Abbaye de Ronport, Vi-comté du Pontdelarche, fut cassé pour avoir été reçû par Denis Tabellion à Roüen, qui pour cet effet s’étoit transporté dans cette Abbaye Il y eut neanmoins Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Fermanels le 17. de Juillet 1656. entre Richard Granduit, Catherine le Verdier, et Pierre Marie, qui avoit épousé Catherine, et Anne le Verdier, par lequel l’on confirma le Testament de Mr Pierre le Verdier, Curé de Mainsoncelles, nonobstant qu’il eût été passé devant d’autres l’abellions que ceux de Mainsoncelles ; l’Arrest fondé sur ce que les Tabellions qui avoient seçû ce Testament étoient Tabellions Royaux : Cette raison n’est pas considerable lors qu’il s’agit de testamens, car leur validité ne confiste pas en la seule volonté du testateur, mais en l’observation des formes requises, en quoy ils different des Contrats qui ne laissent pas de raloir, bien qu’ils ayent été passez devant un autre Notaire que celuy des parties contratantes, parce que leur consentement seul les oblige : Ce n’est donc pas assez pour la validité d’un testament que le Notaire soit Royal, comme il fut jugé par l’Arrest de Boulard dont le testament fut déclaré nul, quoy que Denis qu’il l’avoit reçû fût un Tabellion Royal, mais il faut que ce foit le Tabellion du domicile du testateur.

Il n’est pas necessaire toutefois que le testament soit toûjours reçû par le Curé ou par le Notaire du domicile du testateur, il suffit qu’il le soit par le Curé ou Notaire du lieu où il a été passé, de forte que si quelqu’un étant en voyage ou hors de sa maison faisoit son testament en quelque lieu où il se seroit arrété, pourvû que ce testament fût fait selon les solen-nitez requises par la Coûtume du lieu où il auroit été reçû, les heritiers ne pourroient en empescher l’execution, quoy que le restareur fût depuis retourné dans le lieu de son domioile ; cela fut jugé de cette manière le 9. d’Aoust 1635. entre les Canivets, heritiers de feuë Canivet, veuve de Pitreson leur tante, et les neveux de cette femme ; par l’Arrest l’on confirma le testament qu’elle avoit fait à Paris devant deux Notaires sans témoins, lors qu’elle y étoit à la poursuite d’un procez, et depuis elle étoit morte à Roüen qui étoit le lieu de son domicile : L’heritier alléguoit pour moyens de nullité qu’il n’y avoit point de témoins, ce qui étoit necessaire par la Coûtume de Normandie ; les legataires répondoient que cette solentité n’étoit point requise par la Coûtume de Paris, où ce testament avoit été passé, étant une Maxime generale que pour la forme des testamens il faut suivre la Coûtume du lieu où ls ont été reçûs, licet ibi testator larem fixum non haberet, Brodeau sur MrLoüet , l. C. n. 42.

C’est l’opinion commune des Docteurs tondée sur la l. Si fundus, D. de Evict. l. ult. de testament. milit. D. Et Bartole sur la l. Cunctos populos. C. de summa trin. dit que semper infpicimus locum ubi res agitur tam circa contractus quam circa ultimas voluntates. Et c’est enfin la Jurisrudence du Parlement de Paris, Henry Vol. 2. l. 5. d. 32. Journal des Audiences l. 1. c. 82.

De laLande , titre des Testamens de la Coûtume d’Otléans. Ainsi les paroles de cet Article, le Curé ou Tabellion, se doivent entendre du Curé ou Notaire du lieu où le testament a été reçû, quoy que le testateur n’y fût point domicilié.

C’étoit une question diversement jugée au Parlement de Paris, comme Me Jean Ricard l’a remarqué, des Donat. p. 1. c. 5. sect. 8. n. 1579. pour les Notaires Subalternes, de sçavoir sils ont puissance d’instrumenter dans leurs ressorts entre personnes qui n’y ont pas leurs domiciles ordinaires, et pour des biens qui n’y sont pas situez. Les differens Arrests qui sont intervenus sur cette matière, sont rapportez par Mr Loüet et par son Commentateur, l. N. n. 10 nais enfin le Parlement de Paris en a fait un Reglement general, par lequel il a été jugé que les Actes passez par devant les Notaires non Royaux dans l’etenduë de leur Jurisdiction. entre parties demeurantes hors leur ressort, ne laissoient pas d’avoir effet et d’emporter hypotheque sur les biens des parties en quelque lieu du Royaume qu’ils soient situez, ce qui ermine la question pour les testamens, et fait qu’ils peuvent être valablement passez par qui ue ce soit par devant les Notaires Subalternes ou Royaux, pourvû que ce soit dans les limises de leur ressort : En effet la Coûtume n’oblige pas les restateurs à passer necessairement sieurs testamens devant le Curé ou le Notaire de leur domicile, ils ont la liberté de tester en quelque lieu qu’ils se trouvent, et par tout où il leur plaist, et ils peuvent même être faits en païs étrangers, et quand ils testent en la Province de Normandie il suffit que leur volonté soit reçûë par le Curé ou le Notaire du lieu, qui l’a rédigée par écrit.

Il a même été jugé le 21. de May 1647. entre Jacques de Roquigni appellant et Pierre et Jacques de Roquigni freres intimez, qu’un testament passé par devant les Tabellions de Sergenterie d’Ofrainville, encore que le testateur fût domicilié dans la Sergenterie du Bourdun, étoit valable, parce que ces deux Sergenteries étoient dans le détroit d’une même Vicomté. Baudri Avocat de l’Appellant disoit que le testament ayant été reçû par le Tabel. tion d’une autre Sergenterie, il n’étoit pas fait suivant les formes prescrites par la Coûtume, et il demandoit à prouver que l’Ajoint ne l’avoit signé que six jours aprés la mort du testaeur, et en consequence il concluoit que les Intimez devoient rapporter les meubles du dé-funt qu’ils avoient emportez. Le Févre soûtenoit que c’étoit une donation entre vifs, laquelle avoit été acceptée, et que quand ce seroit une donation testamentaire le Tabellion qui l’avoit reçûë étant de la même Vicomté du domicile du testateur, il avoit eu qualité pour cet effets a Cour sur l’appel de la Sentence qui confirmoit le testament, mit les Parties hors de Cour.

C’est par cette distinction que l’on concilie l’Arrest donné pour le testament du Curé de Mainsoncelles avec celuy de Boulard ; car quoy que ce ne fût pas le Tabellion du lieu, il étoit de la même Vicomté ; mais le testament de Boulard avoit été reçû par un Tabellion d’une autre Vicomté.

C’est encore une question, si un testament passé par un Tabellion Royal dans l’etenduë. d’une Haute-Justice, peut être bon ; Le testament d’un homme demeurant dans la HauteJustice de Briosne fut reçû par un Tabellion du Pontautou, que l’on pretendoit même être

Interdit, et par ce testament le testateur leguoit tous ses meubles à sa femme ; l’heritier concluoit à la nullité par plusieurs moyens, il accusoit la veuve de l’avoir suggéré à son mary qui étoit grabataire, qu’il avoit été reçû par un Tabellion interdit et hors de son térritoire, un Tabellion Royal ne pouvant exercer dans une Haute-Justice ; enfin il demandoit à prouver qu’elle avoir vécu impudiquement dans l’an de deüil avec un homme que depuis elle avoir épousé : La femme fe justifioit par ces raisons, que la suggestion ne pouvoit être presumée, la donation étant la moindre recompense qu’elle pouvoit esperer de son mary aprés les assitances qu’elle luy avoit renduës ; pour l’interdiction du Tabellion que ce n’étoit pas une chose assez notoire pour rendre nuls les Actes qu’il avoit passez entre des personnes qui l’ignoroient, et bien que les Tabellions Subalternes ne puissent exercer hors de leur térritoire, on ne peut dire la même chose à l’égard des Tabellions Royaux qui peuvent exercer par tout, sauf à restituer les emolumens aux Tabellions du lieu ; pour l’incontinence la preuve n’en êtoit pas admissible par témoins, car il seroit perilleux d’exposer l’honneur d’une femme à la discretion de témoins mercenaires : Le Juge avoit reçû l’heritier à faire preuve des faits d’incontinence, et cependant que les meubles seroient partagez également ; par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 3. de Decembre 1652. en reformant la Sentence l’on déclara l’heritier non recevable à sa preuve, et le testament fut confirmé.

Cet Arrest ne doit point être tité en consequence, quand même un Tabellion Royal pourroit exercer dans le térritoire d’un Haut-Justicier, il ne pourroit pas y recevoir un testament ; car suivant cet Article il ne peut être reçû que par le Curé ou Tabellion du lieu où il est passé, la Coûtume ayant expressément étably ces personnes, l’on ne peut en employer d’autres.

Le droit de pouvoir tester étant un benefice de la Coûtume, il faut suivre exactement ce qu’elle ordonne pour ne déchoir pas de la grace qu’elle fait, factio testamenti est juris publici, non privati, dit le grand Papinien en la l. 3. D. de Testament. et c’est pourquoy la Coûtume nous ayant designé et nommé certaines personnes pour les recevoir, il n’est pas permis d’en choisir d’autres, quoy qu’en apparence ils ayent autant ou plus de pouvoir, quoy que les Secrétaires du Roy donnent une foy publique à tous les Actes qui sont signez d’eux, et qu’ils surpassent les Notaires en dignité, ils ne sont pas neanmoins capables de recevoir un testament en une Coûtume qui donne seulement ce pouvoir à un Notaire, ce qui a été jugé par un Arrest du Parlement de Paris sur une Requête Civile obtenuë contre un Arrest du Parlement de Bourgogne, qui avoit decidé la même chose, Ricard des Donat. p. 1. c. 5. sect. 8.

Les Juges mêmes, soit Subalternes, soit Royaux, n’en sont point capables, et n’ont point cette autorité. Olivier Nicole avoit donné par son testament tous ses meubles à une fille qui le servoit et qui étoit sa parente ; Marguerite Paulmier sa mere sur le soupçon qu’elle eur que le Curé de S. Martin de Caen qui avoit reçû le testament n’avoit pas écrit fidellement l’intention de son oncle, fit venir un Tabellion pour luy faire déclarer precisément sa volonté ; mais cette fille et ses freres qui étoient les maîtres de la maison leur ayant refusé la porte, cette niéce fut aussi-tost presenter sa Requête au Vicomte de Casn, à ce qu’il luy plûst se transporter en la maison de son oncle, sur quoy le Vicomte ordonna que le Tabellion iroit accompagné d’un Huissier ; mais l’entrée leur ayant été refusée, le Juge et le Procureur du Roy y étans venus en personne ils s’informerent du malade, quelle étoit sa rolonté, sa réponse fut que son intention étoit que sa servante eût tous ses meubles durant sa vie seulement ; le Juge en dressa son Procez verbal signé de luy, du Procureur du Roy, et de deux Prêtres qui étoient dans la chambre : le testateur étant decedé quelques jours aprés cette servante demanda l’execution du testament, sans avoir égard à la déclaration reçûë par le Juge ; le Vicomte et le Bailly avoient ordonné qu’elle jjoüiroit de son legs con-formément à cette déclaration : Sur l’appel, Du Quesne soûtenoit qu’un testament parfait ne pouvoit être revoqué par un testament imparfait, que cette déclaration reçûë par le Juge étoit nulle, les Juges n’étans point des personnes capables pour recevoir un testament, et la Coûtume ayant marqué les personnes qu’elle autorise pour cet effet, les particuliers’avoient pas le pouvoir d’en choisir d’autres, que si l’on pretendoit que le testateur n’étoit pas en liberté, le Juge pouvoit faire cesser les empeschemens qui luy étoient donnez, et le nettre en état de pouvoir déclarer librement ses intentions, mais il n’avoit pas l’autorité de ecevoir une déclaration qui revoquoit un premier testament parfait, et si le Juge avoit sçû son devoir il auroit appellé un Tabellion pour recevoir cette déclaration. Greard pour ladite e Paulmier répondoit qu’il ne falloit pas considerer cette déclaration comme un nouveau testament, mais comme une simple explication de sa véritable intention, que le Juge avoit pû a recevoir en consequence du refus que l’on avoit fait au Tabellion de luy ouvrir la porte, et même que par la disposition du Droit un testament imparfait étoit bon en faveur des heritiers ab intestat, au prejudice d’un testament parfait où des étrangers étoient instituez heri-tiers : Par Arrest en la Grand-Chambre du 13. de Mars 1673. les Sentences furent cassées, et sans avoir égard à la déclaration, il fut dit que le testament seroit executé : cet Arrest jugea favorablement pour la legataire. Il est sans doute que les Juges n’ont pas le pouvoir de recevoir un testament ; aussi le Vicomte de Caen ne s’étoit pas ingéré de le faire ; mais d’autre parten étoit constant que la legataire avoit tenu la maison fermée, et que par consequent elle tomboit dans la peine du Drost, si quis aliquem testari prohibuerit, ayant empesché que le Notaire que l’heritier avoit amené ne luy parlât, et ce n’étoit pas une raison considérable de dire que le Juge avoit manqué ; et qu’il devoit appeller un Notaire ; car le legataire ne devoit pas trofiter de l’empeschement qu’il avoit apporté, ny sa violence demeurer impunie, il ne falloit pas régarder à ce que le Juge pouvoit faire, il demeuroit toûjours constant que la légataire avoit tenu la maison fermée, et qu’elle en avoit empesché l’entrée à l’heritier ab intestat, et paroissant par la réponse que le testateur avoit faire devant le Juge, que son insention n’étoit pas conforme à ce qui étoit écrit dans le testament, on ne pouvoit au plus faire valoir le legs que conformément à la déclaration du testateur Par le. Droit Romain la peine de ceux qui avoient empesché aux défunts la liberté de tester, toit la privation entière de ce qu’ils eussent pû esperer aux biens du défunt, qui étoient deferez au Fisc jusqu’à cette concurrence ; ce qui s’observe encore au Parlement de Tolose,Mainard , l. 8. c. 74. mais dans les païs Coûtumiers cette peine est remise à l’arbitrage du uge, et si l’empeschement est formé à la revocation d’un testament par un legataire, il doit ttre privé de tout ce que le testateur avoit disposé en sa faveur : que si au contraire l’heritier ab intestat s’est opposé au dessein que le défunt avoit de faire un testament, comme il est incertain au profit de qui le défunt auroit disposé s’il avoit eu la liberté de faire son testament, et quelles choses il auroit voulu donner, on ne peut châtier la violence de l’heritier ab intestat que par une peine qu’il seroit juste d’appliquer aux pauvres parens, car vray-semblablement le testateur ne les auroit pas oubliez.

Un testament reçû par le Clerc d’un Tabellion, bien que le tuteur de l’heritier et le Vit caire de la Paroisse y eussent signé comme témoins, fut déclaré nul, par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 22. de Novembre 1667. en confirmant la Sentence du Bailly de taen qui avoit jugé nul le legs fait par François Angot à Marie Duval, de tous ses meubles, pour recompense de services, et qui ordonnoit qu’elle apporteroit memoire du falaire qu’elle pretendoit. Le Févre disoit pour l’Appellant que c’étoit l’usage commun en la ville de Caens que tous les Contrats et les Testamens fussent reçûs par un ancien Clerc du Tabellionnage. qu’on vivoit dans cette erreur, et que les Actes étoient bons, et pour preuve de cette croyance publique, le tuteur même avoit appellé ce Clere et avoit signé au testament qu’il avoit reçû, qu’en toût cas la presence et la signature du Vicaire reparoient ce défaut, et rendoient ce estament valable. On répondoit que les solennitez prescrites pour les testamens devoient s’accomplir exactement, qu’il y avoit nullité en ce testament, ayant été reçû par une personne qui n’avoit aucune qualité, et que le Vicaire n’y avoit signé que comme témoin et non point en qualité de personne publique, la signature du tuteur de l’heritier ne blessoit point les droits de celuy qui n’étoit point encore heritier.

On a jugé au Parlement de Paris, suivant l’Arrest rapporté dans le Journal des Audiences de t l’impression de 1652. l. 2. c. 81. qu’un testament écrit de la main du Clerc d’un Notaire en la presence dudit Notaire, et par iceluy lû à la testatrice, et en le relisant corrigé et augmenté de la main du Notaire étoit bon, quoy qu’on remontrat que la Coûtume defirant que les testamens fussent dictez aux Notaires, et que cette formalité étant de l’essence des testamens, devoit être accomplie in formâ specifici ; mais on répondoit que la Coûtume ne restreignoit point le Notaire à fcrire le testament de sa main, qu’il suffisoit qu’il y fût present.

Puis que le testament doit être reçû par le Cuté ou Notaire du lieu, il semble necessaire que le lieu où le testament a été fait doit être marqué, afin que l’on puisse connoître s’il a été réçû par le Curé ou Notaire du lieu : Par l’Article 67. de l’Ordonnance de 1539. tous Notaires et Tabellions sont tenus de mettre dans les Contrats qu’ils passent, les lieux des demeurances des Contractans ; et par l’Article 107. de l’Ordonnance de Blois, tous Notaires sont tenus de déclarer par les Contrats, Testamens et Actes la qualité, demeurance et Paroisses des parties. Mt Mr Boyer dans sa Question 33. t. 23. en rend cette raison, quia circum-criptione loci et temporis res longè certior efficitur, aliâs enim et nisi hoc fiat, nullae unquam patebunt viae, quibus vitium, nullitatem, aut etiam falsitatem deprehendere possimus ; que s’il est ne-cessaire en tous Actes de marquer le lieu où ils ont été passez, il y a une necessité precise de le pratiquer de la sorte pour les testamens faits en Normandie, parce que toutes personnes ne sont pas capables de les recevoir, et que l’on ne peut se servir que du Curé on No-faire du lieu où est le testateur lors qu’il veut declarer fa derniere volonté. Cela ne peut avoir sieu pour les testamens holographes, puis que pour les faire valoir il ne faut point d’autre sosennité, sinon d’être écrits et signez par lles testateurs ; on peut neanmoins objecter que les restamens holographes pouvans avoir été faits en des lieux où les Loix et les Coûtumes prescriyent d’autres formalirez que d’être écrits et signez par les testateurs, comme aux Provinces qui se gouvernent par le Droit écrit, il ne seroit pas moins necessaire pour leur validité que e lieu fût designé pour connoître si ce testament seroit valable, parce que tous testamens doivent être faits selon les solennitez prescrites par la Loy du païs où ils ont été passez.

On répond que le défait de la designation du lieu seroit considérable, s’il y avoit apparence que le testament holographe eût été fait et écrit dans un lieu où il ne suffiroit pas pour sa validité qu’il eût été écrit et signé de la main du testateur ; mais cela n’étant pas prouvé, l’on doit, presumer qu’il a été fait au domicile ordinaire du testateur, et juger de sa Salidité par la Coûtume qui y est gardée.

Outre la presence du Curé ou Vicaire, Notaire ou Tabellion, la Coûtume requiert encore celle de deux témoins idoines âgez de vingt ans accomplis, et non legataires. Le nombre de deux témoins ne peut être diminué, quoy que le testament ait été fait en temps de peste, on en peut voir les raisons et les autoritez dans le. Commentateur de MrLoüet , l. T. n. 8.

Les témoins qu’il faut appeller pour faire foy dans un testament doivent être sans reproche : Le S. Testes Instit. de Testament. ordin. fait une enumeration des personnes qui ont été rejettées, et dont les témoignages ne sont point reçûs en cette occalion. Nous excluons en gene-tal tous ceux qui ne peuvent pas. être témoins en Jugement, et ausquels l’on peut reprocher non seulement linfamie de droit, mais aussi celle de fait, et generalement tous ceux que les Loix pour leur mauvaise vie déclarent intestables ; les Religieux en sont aussi incapables, le Parlement de Paris l’a jugé par plusieurs Arrests rapportez parRicard , des Donat. p. 1. c. 5. 1. sect. 8. La Jurisprudence du Parlement de Tolose est contraire, Cambolas l. 5. c. 37.

Mais lors que les Religieux sont faits Curez, suivant le sentiment de Ricard au lieu preallegué, cette nouvelle qualité les rend habiles, comme les autres Curez à recevoir les testamens, parce que les Loix de l’Etat souffrans qu’ils possedent des Benefices, ils doivent être admis à faire toutes les fonctions qui en dépendent : En effet il suffit qu’ils ayent la qualité de Curez pour être mis au nombre des personnes ausquelles la Coûtume donne ce pouvoir, et en consequence l’on peut les reputer capables d’être témoins en un testament. Les proches parens des dégataires ne peuvent être employez pour témoins, parce qu’ils ne pourroient déposer en Jugement en leur faveur ; mais rien n’empesche que plusieurs témoins ne soient pris d’une même famille.

La Coûtume de Bretagne, Article 573. de l’ancienne Coûtume est contraire ; et par l’Article S18. de la nouvelle des choses, dit cet Article, qui sont faites par testament ou derniere volonté, tous preud’hommes doivent être reçûs témoins, nonobstant le lignage du legataire, car il a’importe pas que les témoins soient parens du testateur, lors qu’ils ne sont point legataires.

Mais si un témoin desavoioit sa signature, sa declaration seroit-elle valable ; Par Arrest du Parlement de Paris l’on n’a point admis la preuve de ce fait, qu’un des témoins avoit dit qu’il n’avoit point signé, et que l’autre avoit signé en labsence du testateur ; mais les Experts ayant rapporté que c’étoit le fait du témoin, on ajoûta plus de foy à ce que les Experts avolent dit qu’à la deposition du premier témoin ; et pour le second qui avoit dit n’y avoir point été present, on n’y eut point d’égard à cause de la consequence, et qu’il dependroit d’un témoin de ruiner un testament, 2. part. du Journal des Audiences, l. 12. c. 9. on peut bien être reçû inscrivant en faux contre la signature du testateur, mais son n’est pas recevable à prouver que les témoins qui ont signé étoient absens, les faits même de suggestion ne sont pas recevables ordinairement que pour les testamens faits in extremis. Ogi prohibeantur testes esse in testamento latissimè in Cau. 44. 4. 2. et 3. et perBartholum , Tract. 3. de Testib.

La seconde condition que la Coûtume requierr pour la qualité des témoins, est qu’ils Soient âgez de vingt ans acoomplis, outre cet âge de vingt ans accomplis, il est requis par quelques Coûtumes que les témoins soient des mâles ; Paris, Article 289. Orléans, Article 289. en quoy elles sont conformes à la disposition du Droit Civil, I. Gui testamento, S. Mulier, D. de Testament.

Mr d’Argentré sur l’Article 573. de sa Coûtume approuve que les femmes y soient reçûes etRicard , des Donat. p. 1. c. 5. sect. 8. n. 1596. fait difficulté de les en exclure dans les Coûtumes qui n’en disposent point ; mais il est sans exemple que les femmes soient appellées pour témoins dans les testamens ; et cet Article parlant de témoins âgez de vingt ans, fait te assez connoître que ces témoins doivent être des mâles, et non des femelles. L’executeur testamentaire peut être témoin, pourvû qu’il ne luy soit laissé aucune chose par le testament Pour juger de la capacité des témoins lon considere seulement le temps auquel le testament été tait, l. Ad testium à2. 5. 1. D. de Testament. et l. 1. c. eod.

Ce n’est pas assez que les témoins soient sans reproche et exemprs de tout soupçon, le Coûtume désire encote cette autre condition, qu’ils ne soient point legataires. Le Droit Romain permettoit de léguer aux témoins, et même par l’ancien Droit Romain l’heritier insti-Justinien tué pouvoit être témoin, ce qui fut change par Justinien, 5. Sed néque hares instituius de tetament. ordinand. mais à l’égard des legataires et des fideicommissaires, il leur a toûjours été vermis de pouvoir servir de témoins dans les testamens qui contenoient des dispositions en leur faveur, S. Legatariis institut. eod. mais de la maniere que les Romains composoient leurs restamens, il n’y avoit pas d’inconvenient de leur donner cette liberté ; car dans leurs testamens solennels et mystiques le corps du testament demeuroit secret, et les témoins n’avoient aucune connoissance de ce qu’il contenoit.

Mais c’est un ancien usage en France que les témoins ne peuvent être legataires, plusieurs autres Coûtumes sont conformes à la nôtre ; Senlis, Article 173. Troye, Article 97. Nivernois, Chapitre 33. Article 12. Orléans, Article 289. Vitri, Article 102.

Il est vray que Ricard en son Traité des Donat. p. 1. c. 3. sect. 10. n. 550. a écrit que Moulin Mr Charles du Mouli en son Commentaire sur la Coûtume de Paris, Article 96. y apporte une exception, à sçavoir que la foy d’un témoin ne doit point être suspecte, lors que le legs n’est que d’une somme modique, et qui n’a aucune proportion avec les biens et la fortune du degataire, et que suivant cette doctrine il a été jugé au Parlement de Paris qu’un testament lont les témoins étoient legataires de sommes modiques ne laissoit pas d’être valable dans une Coûtume qui prohiboit expressément que les témoins fussent legataires ; mais la prohibition portée par cet Article étant generale et sans aucune restriction, il n’y a pas d’apparence d’y donner atteinte : ainsi le testament où l’un des témoins legataires auroit signé ne seroit pas nul seulement à l’égard de leur legs, mais en toute sa substance, ne pouvant pas être reputé solennel lors qu’il n’y a que des témoins reprochables qui ne peuvent faire foy ; Godefroy a proposé cette difficulté sans la refoudre

J’ay remarqué cu-devant que suivant l’Ordonnance d’Orléans, le Curé ne pourroit recevoir un testament qui contiendroit quelque disposition en sa faveur.

Une veuve nommée Déloges aprés avoir reçû l’Extrême. Onction manda Me Avice, Vicaire de S. Godard son Confesseur, et quelque temps aprés ayant aussi appellé le Curé de S. Godard, elle luy declara qu’elle vouloit faire un testament, et donner quatorze cens livres pour une fondation et une robe audit Avice : son testament fut reçû par le Curé, où elle ne fit que marquer, et on y employa pour témoins ledit Avice, Arnaud valet du Curé, et Tilais qui ne vint qu’aprés le testament écrit et signé ; en même temps cette malade s’étant levée entra dans une autre chambre où elle saisit le Cuté d’une caissette qu’il emporta sans en rien dire aux deux niéces de la testatrice, quoy qu’en sortant il eût parlé à elles : cette femme étant morte quelques heures aprés, ses deux soeurs demanderent cette caisserte ; M’Ameline, Cuté de S. Godard s’en défendit, il y fut condamné par Sentence des Requêtes du Palais : sur l’appel, Morlet pour le Curé, et Castel pour les Tresoriers de S. Godard, disoient que la testatrice avoit executé les intentions de son défunt mary, et pour marque qu’elle n’avoit point testé par uggestion quand le Vicaire avoit été mandé par elle il n avoit usé d’aucune induction, quoy que cela ne fût pas défendu, l’induction étant bien differente de la suggestion ; l’induction. n’est qu’une simple exhortation, et par cette raison le mary qui sollicite et persuade à sa femme de luy donner quelque chose n’est point coupable, judicium uxoris in se provocare maritali sermone non est criminosum, l. Finali C. si quis aliquem testari prohib. l’exhortation d’un Curé à sa Paroissienne our faire des legs pieux à son Eglise n’est point blamable, la seule suggestion seroit criminelle : on ppelle suggestion quand les dispositions sont écrites contre l’intention du testateur, quarum conditio confertur ad secretum aliena voluntatis, l. Captat. ff. de hered. institut. Quant au défaut de solenni-tez on objecta que les témoins n’étoient point idoines, l’un étant legataire, l’autre valet du Curé, et le troisième n’ayant point été present lors que le testament fut écrit et signé ; mais ces reproches n’étoient point valables, le legs fait audit Avice étant plûtost un payement d’une dette qu’une donation, ce Vicaire ayant été son Confesseur ; et l’autre témoin pour être valet du Curé n’étoit point reprochable, le legs n’étant point fait au Curé, mais à son Eglise ; et pour e dernier témoin il opposoit à la Loy Hac consultissima, Cod. de Testament. la Loy Cum antiquitas eodem : la tradition du legs ayant été faite de manu ad manum, ce n’étoit plus un legs, mais une donation entre vifs. La donation est parfaite par la tradition, traditionibus rerun dominia transferuntur ; on a vû confirmer le don d’une somme notable qu’on avoit mise entre les mains du Curé pour être employée à des legs pieux, quoy qu’il n’y eût qu’une simple tradition de la chose. Baudry pour les soeurs heritieres representoit ce testament comme louvrage du Curé, et non comme la derniere volonté de la défunte, qu’alors elle étoit mou-rante ayant reçû l’Extrême-Onction, et que durant toute sa maladie elle n’avoit fait paroître aucune volonté de tester, mais seulement le matin aprés avoir été entretenuë toute la nuit ar. ce Vicaire, ce qui devoit être régardé comme une véritable suggestion, qu’il étoit perilleux d’autoriser des dispositions de cette qualité, où l’on n’avoit fait signer aucun témoin qui ût idoine, l’un étant legataire, l’autre valet du Curé, et ce reproche ne pouvoit être détruit en disant que le Curé n’y avoit point d’interest, car il profitera de cette donation luy seul lus que tous les autres : le troisième témoin n’étoit point considérable suivant la Loy Hoc consultissima C. de Testament. on ne pouvoit se prevaloir de la tradition, la testatrice ayant voulu que son legs prit la force du testament il falloit se tenir à ce testament, et examiner s’il étoit dans les formes, et qu’à vray dire c’étoit plûtost une substraction qu’une tradition, ce Curé ayant fait lever cette femme mourante, et qui ne véeut que cinq ou six heures aprés, pour se faire bailler cette caissette, étant considérable d’ailleurs que ce legs consumoit la meilleure partie de la succession ; par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 18. de Jan-tier 1652. on mit sur l’appel hors de Cour et de procez. Par Arrest du Parlement de Paris. il a été jugé qu’un legs universel, fait au profit d’un Convent, dont un Religieux étoit Confesseur et Directeur de la testatrice, étoit nul, 2. part. du Journal des Audiences l. 1. c. 19. il en roit autrement si le Religieux avoit simplement assisté le malade ; par Arrest du 18. de May 1659. au Rapport de Mr Vigneral, un legs fait aux Minimes fut confirmé, quoy qu’un desdits Religieux eût assisté le malade

Bien qu’un legs fait à l’Eglise par un testament reçû par un Curé ne soit pas reputé fait à sa personne, parce que la proprieté ne luy en demeure pas, il est véritable neanmoins qu’il ne laisse point d’en profiter quand ce legs produit quelque fruit, comie il arrive lors qu’on donne un héritage ou une rente, d’où il s’ensuit que ces donations sont nulles le Curé étant un véritable legataire, on les confirme néanmoins par une favorable explication, parce qu’autrement les Curez seroient presque toûjours exclus de recevoir des testamens.

Il y a plus de difficulté pour ces dispositions, par lesquelles les testateurs rendent les Curez depositaires de certains deniers sans declarer leurs intentions, touchant l’usage et l’em-ploy de ces deniers. On a souvent agité la question touchant la validité de ces espèces de fideicommis, les heritiers y presupposans toûjours de la fraude, et que ce n’étoit qu’un déguisement de la part du Curé pour en profiter, ou pour faire tomber ces deniers au profit des personnes prohibées et incapables de donation ; on les a néanmoins confirmées aprés la declaration du Curé, que le testateur n’avoit fait ce depost que pour la décharge de sa conscience. Outre l’Arrest si solennel du Parlement de Paris remarqué par les Arestographes, la même chose a été jugée plusieurs fois en ce Parlement. Mr Philippes le Marchand Procureur en la Cour, par un écrit de sa main et signé de luy, ordonna qu’il seroit mis entre les mains de Me Pierre Chrêtien, Curé de S. Pattice, une somme de dix-huit cens livres pour les distribuer aux personnes qu’il luy avoit designées sans les avoir nommées : Les enfans conteste. rent le testament de leur pere, disans que le legs, quod in alienum arbitrium confertur, étoit nul, 1. Nonnumquam, D. de Cond. et dem. nam in alienam voluntatem legatum conferri non potest, que c’étoit un artifice pour faire fraude à la Coûtume, et que celuy qui ne pourra donner à une personne prohibée se servira de cette voye. On répondoit pour le Curé qu’il n’avoit point d’in-terest à la chose, que le défunt n’avoit fait ce depost entre ses mains que pour la décharge de sa conscience, que le testament holographe ne pouvoit être argué de suggestion, et qu’il seroit contre son devoir de rendre raison de la Confession du défunt, qu’il n’étoit pas toûjours vray que legatum in alienam voluntatem conferri non potest, Can. suivant le 5. 2. de la l. Senatus de leg. 1. legatum in aliena voluntate poni potest : Mr Cujas pour concilier ces deux loix fait cette distinction dans le 2. l. de ses Obser. c. 2. où le testateur a voulu que le legs dépendit entieèrement de la volonté d’autruy, et en ce cas il est nul, ou bien il ne l’a remis à la vosonté d’autruy que par forme de condition, et en ce cas le legs est bon, mais que l’on n’étoit pas en ces termes, car le testateur luy avoit expressément déclaré ses intentions, de sorte que l’execution n’en dépendoit pas de la volonté du Curé, il avoit des ordres précis qu’il étoit obligé de suivre et d’executer ponctuellement, de sorte que l’execution du legs pour être secrete n’étoit pas neanmoins arbitraire : le Curé fut ouy, qui declara n’y avoir rien contre la Coûtume ; par Arrest du 7. d’Aoust 1637. le testament fut confirmé. Il n’y avoit nulle pparence de fraude, au contraire toute la presomption étoit qu’il n’avoit voulu faire aucun rejudice à ses enfans ; par un Arrest precedent du 7. d’Aoust 1635. il avoit été jugé pour le même sieur Chrêtien, Curé de S. Patrice, et ses freres, que le testament de leur cousine nommée Oüin âgée de vingt et un an étoit valable, sans s’arrêter à la suggestion alléguée, et que les legs residuaires faits pour oeuvres pieuses et remises à la volonté et conscience dudit sieur Curé étoient bons. Pareil Arrest du 22. de Février 1658. pour le Curé de Juganville qui avoit reçû trois mille cinq cens livres de défunt Bon Thomas, Ecuyer sieur d’Auberville, pour employer suivant ses secretes intentions qu’il luy avoit declarées par un écrit non signé de sa main, mais qu’il avoit fait écrire en la presence de la Dame sa femme et de plusieurs Gentilshommes voisins.

autre Arrest du a1. de Juin 1661. sur ce fait. Le sieur de Boisjugan aprés avoir fait plusieurs legs par son testament, ordonna qu’il seroit mis aux mains de son Cuté la somme de cinq cens livres pour être employée aux choses qu’il luy avoit declarées par le secret de sa Confession ; le Curé ayant fait saisir quelques fermages pour le payement des cinq cens livres, le sieur le Peinteur heritier du testateur s’opposa à la delivrance de cette somme de cinq cens livres, demandant que le Curé eût à faire foy si cette donation étoit pour luy et les siens ; Le Curé uyant déclaré que ny luy ny les siens n’y avoient aucun interest, cet heritier luy fit une seconde interpellation, si cette donation n’étoit pas pour retourner au profit de Frere Hervé Cordelier : sur le refus du Curé de répondre la donation fut déclarée nulle. Mabire pour le Curé Appellant soûtenoit que ces interpellations étoient inciviles, n’étant pas obligé de reveler ce qui luy avoit été confié sous le sceau de la Confession, ce qui arriveroit s’il étoit obligé de répondre à toutes les interpellations qui luy seroient faites, l’Intimé pouvant luy nommer tant de personnes qu’enfin il découvriroit le secret du défunt, qu’il ne s’agissoit que d’une petite somme sur une succession tres-opulente, et quand même ce legs seroit fait à une personne Religieuse, dont Il ne demeuroit pas d’accord, il ne seroit pas défendu de luy léguer pour ses alimens. Everard pour l’heritier pretendoit que toute la question de la Cause consistoit, à sçavoir si l’Appellant étoit obligé de luy répondre sur l’interpellation qu’on luy faisoit, non pour sçavoir à qui la donation étoit faite, mais si c’étoit pour ce Cordelier, pour l’exclure luy seul de l’effet de cette donation dont il étoit incapable par son voeu qui étoit strictissimae paupertatis : et comme le Curé rvoit déja répondu sur la première mterpellation, il ne pouvoit se dispenser de faire la même chose sur la seconde ; par l’Arrest en infirmant la Sentence on ordonna que la somme de cind cens livres seroit mise aux mains du Curé pour être employée suivant l’intention du défunt.

Il est raisonnable d’étendre aux Notaires et Tabellions l’Ordonnance d’Orléans, qui défend aux Curez de recevoir des testamens qui contiennent des dispositions en leur faveur, quoy que leur fonction ne leur donne pas tant d’autorité, et que l’induction et la suggestion ne soient pas tant à craindre de leur part que de celle des Curez, qui profitent souvent du pouvoir qu’ils exercent sur les consciences ; néanmoms il seroit injuste que de tous ceux qui assistent à la confection d’un testament ils fussent les seuls qui ne fussent point interdits d’être legataires.

Plusieurs sont dans cette erreur, qu’un executeur testamentaire ne peut être légataire ; mais. sa nomination ne contribuant rien à la solennité du testament, et étant en la liberté des testateurs de n’en nommer point, n’étant choisis que pour en faciliter l’execution, puis que l’executeur testamentaire veut bien se charger de la peine et du soin de faire executer les volontez du testateur, il ne seroit pas raisonnable qu’il ne pûst profiter d’aucune chose, et que e bon office qu’il rend au défunt le rendit incapable de recevoir quelque marque de son sourenir et de son amitié. Par l’Article 575. de lancienne Coûtume de Bretagne l’on ne pou-voit leguer à l’executeur testamentaire, mais la nouvelle a aboli cet Article.

La Coûtume aprés avoir déclaré les personnes qu’elle rend capables de recevoir un testament, le nombre et la qualité des témoins qui doivent y signer, elle dispose en suite que le testateur, en la presence de toutes ces personnes, doit déclarer sa volonté et la dicter s’il est possibles

L’on peut douter s’il est necessaire que le testament fasse mention que le testateur non seulement a déclaré sa volonté, mais aussi qu’il l’a dictée, et si lobmission du mot de dicté em-porteroit une nullité : Quoy que ces paroles dont les Coûtumes veulent que l’on se serve ne soient le plus souvent que des pieges pour rendre inutiles et de nul effet des dispositions fort favorables, néanmoins comme les formalitez qu’elles désirent n’admettent point d’équipollence si elle n’est identifique, ce ne seroit pas assez qu’il fût dit que le testateur a déclaré sa volonté, s’il n’étoit ajoûté qu’il l’a dictée ou fait dicter, afin qu’il paroisse que c’est un Acte pur et libre de sa volonté : le testament qu’il apporteroit au Notaire signé de luy seroit nul, quoy qu’il déclarât qu’il contenoit ses intentions, parce qu’il faut qu’il le dicte au Notaire, ou qu’il le fasse dicter en sa presence, et qu’elle soit reçûë de luy. Nôtre Coûtume n’a pas été si scrupuleufe que plusieurs autres, qui désirent que le testateur ait dicté et nommé son testament, il suffit d’avoir employé le mot de dicter, parce que personne ne peut nommer qu’il ne dicte en même temps ; elle n’impose pas même au testateur une nesessité précise de le dicter, ce n’est qu’en cas que cela luy soit possible, conformément à la Loy Dictantibus 22. C. de Testament. suivant laquelle il est permis de léguer à celuy qui a dicté le testament, ce qui prouve que le testateur n’est pas toûjours obligé de le dicter luy-même.

En second lieu, le testament doit être lû au testateur en la presence des témoins et des Notaires ; la Coûtume n’ajoûte point comme celle de Paris qu’il doit être lû et relû, ce qui se fait afin que le testateur puisse faire plus de reflexion sur ce qui a été rédigé par écrit ; mais la lecture du testament aprés avoir été dicté doit être faite indispensablement, et par Arres du 13. de Mars 16t4. un testament fut déclaré nul, parce qu’il n’étoit pas fait mention qu’il eûit été lû au testateur. François Turgis étant moribond, on luy fit signer un testament qu commençoit en ces termes, que le testament a été li au testateur, et qu’il l’a signé en la maniere qui enfuit ; et aprés ces paroles on luy faisoit faire des legs pieux et donner vingt livres de rente fonciere à prendre sur ses propres à Robert Guilmette pour recompense des services qu’il luy avoit rendus, et de l’argent qu’il luy avoit prété : ce légataire ne pouvant soû-tenir la donation d’un propre par testament, il fut reçû à faire preuve par témoins de ses services et de fargent qu’il avoit prété : sur l’appel je remontray à la Cour qu’en cette Cause il y avoit deux questions ; la premiere, touchant la forme de ce testament ; et la seconde, touchant la matiere : quant à la forme, que la nullité en étoit apparente, on avoit commencé ce testament par où il devoit finir, on avoit employé qu’il avoit été lû au testateur et signé de luy avant même qu’on eût commencé de l’écrire ; or il étoit impossible qu’on luy eût fait lecture et qu’il eûr signé un testament qu’on n’avoit pas encore commencé de rédiger par écrit : pour excuser une nullité si grossiere et si palpable, on tachoit de persuader que l’on n’avoit mis ces paroles au haut du testament, qu’aprés avoir été écrit, mais l’inspection de l’original aisoit connoître qu’il avoit été écrit tout d’une suite, qu’on l’avoit véritablement commencé de cette manière, et qu’on n’y avoit point laissé de place en blanc pour y ajoûter les clauses cy-dessus aprés la confection d’iceluy ; aprés tout que cela ne repareroit pas la nullité, les testamens ne sont pas des pièces d’applique et d’assemblage, ils doivent être composez uno con-textu, et non point de pieces rapportées, ce n’étoit pas accomplir l’intention de la Coûtume qui désire que le testateur dicte sa volonté, et qu’aprés le testament luy soit lù, et qu’il le signe, il faut que le testateur sçache ce qu’il a fait, qu’il y pense serieusement, et que par la ecture qui luy en est faite il reconnoisse si ce qu’on a écrit est conforme à sa volonté ; c’est aeourquoy quelques Coûtumes y ajoûtent encore la relection, quia relectio est maguae premeditationis.

Il n’est pas des Testamens comme des Contrats ; dans ces derniers la seule volonté des contractans leur donne l’être, elle en fait toute l’essence et la force, et c’est pourquoy un Contrat qui seroit conçù en la même manière que re Testament seroit valable, il n’y auroit point d’absurdité pour avoir dit que les parties ont signé et contracté en la manière qui ensuit.

Mais pour les testamens la seule volonté de tester ne forme pas un testament, c’est l’observation exacte et scrupuleuse des formes prescrites qui luy donne l’être, et qui luy inspire la vie legale et civile, les solennitez requises ne peuvent être fuppleées ny accomplies par des équipollences, elles doivent être gardées in formâ specificâ, ita ut qui cadit a sollabâ, cadat à totoi pjusques-là même que par un Arrest rapporté dans le Journal des Audiences, l. 2. c. 4. et l. 6. c. 5. un testament auquel il étoit fait mention qu’il avoit été dicté, nommé et &elû sans induction d’aucune personne, au lieu du mot sans suggestion, étoit nul, parce que les mots or-donnez par la Coûtume sont essentiels dans les testamens, sans avoir égard au sentiment dePapinien , que licet subtilitas juris refragari videatur, aitamen voluntas ex aequo & bono ruebitur. l. 17. de Injusto rupto. Ce n’est pas assez d’accomplir l’intention de la Coûtume en sa cause finale et impulsive, il faut considerer la raison et la fin pour laquelle elle a prescrit les solennitez des testamens, c’est pour éviter les surprises, les inductions, les suppofitions qui ne sont que trop frequentes et ordinaires dans les testamens, et qui sont faciles à l’endroit d’une personne malade dont l’esprs étonné par les affreuses pensées de la mort ne conserve plus aucun usage de la raison, alia sunt vitia testatoris, alia testamenti vitia ; testatoris non infirmant testamentum, quia menda sunt potius errata testatoris, vitia persona non rei ; sed vitia testamenti testamentum infirmant.Cuj . in Comment. Ad defin.Papin . l. 1. l. 34. de Hered. institut.

L’autre question du procez étoit de sçavoir si la Confession portée par testament pouvoit au moins servir d’adminicule pour donner lieu à la preuve par témoins : Je remets à traites cette question sur l’Article CCCCXXVII. Par Arrest en infirmant les Sentences, sans avoir égard au testament, on mit sur l’action du legataire les parties hors de Cour et de procez : Je plaidois pour Michel et François Turgis, appellans du Bailly de Côtentin à Carenten, et Greard pour Robert Guilmette, intimé.

Si le testamenthe fait point mention qu’il a été lû au testateur, on ne sera pas recevable à le prouver par témoins ; les solennitez prescrites par les Coûtumes desquelles dépend la Argentré persection et l’essence des testamens ne peuvent être prouvez par témoins, Argent. Art. 570. l. 2. VoyezLoüet , 1. T. n. 12. ainsi jugé par Arrest du 17. de Decembre 183t. en l’Audience de la Grand-Chambre, le testament ne faisant point mention qu’il ait été lù, on re-tusa la preuve qu’il avoit été lû, sauf le recours contre le Tabellion. Dans l’espèce de cet Arress on offroit encore de prouver qu’il avoit été obmis à faire mention de la lecture, par intelligence avec lheritier.

Enfin le testament doit être signé du testateur, ou s’il ne le peut faire on doit faire mention de l’occasion pour laquelle il ne l’a pû signer ; car suivant les Ordonnances d’Orléans et de Blois, les Notaires sont tenus de faire signer les Contrats et les Testamens, pourvû que les parties puissent le faire : Par Arrest du 8. de May 1659. au Rapport de Mr de Vigneral, un testament qui contenoit qu’il avoit été lû, et que le testateur avoit declaré être sa volonté, ce qu’il n’avoit pû signer pour être tombé en syncope et en suite mort, fut declaré valable.

Le Jurisconsulte Paulus en la l. 10. Qui testament. facere poss. refoud que qui manus amisit testamentum facere potest. Il n’y a pas d’inconvenient à faire subsister un testament quoy qu’il ne soit pas signé du testateur, parce que le defaut de la signature peut être reparé par la lecture qui luy en doit être faite ou qu’il peut faire luy-même, et par ce moyen il est asseuré de la teneur de son testament, et que ce qui y est écrit est conforme à sa volonté.

Mais la difficulté est grande entre les Interpretes du Droit Romain, si celuy qui ne sçait tire ny écrire peut faire un testament mystique et secret : Car encore que par l’Authentique Hac consultissima, C. de testament. si literas ignoret testator vel subscribere nequeat, octavo subscriptore adhibito testari possit, néanmoins l’on pretend que cela s’entend de perito legendi, imperita amen scribendi, vel non valenti scribere ; de sorte que celuy qui ne sçait lire ne peut tester que de la même manière qu’il est permis à un aveugle, en la l. Hac consultissima, C. qui testament. facere poss. vel non : qui doit declarer aux témoins sa volonté.

En Normandie comme nous n’approuvons point ces testamens secrets, et qu’au contraire le testament doit être lû au testateur en la presence du Cuté ou Notaire et des témoins, on ne peut douter que celuy qui ne sçait lire et écrire ne soit capable de faire un testament, parce que la Coûtume en ordonnant que le testament sera lû au testateur par la personne publique qu’elle autorise pour recevoir les testamens, et en la presence de témoins, elle empesche les suppositions que lon pourroit faire à celuy qui ne sçait lire ny écrire.

Toutes ces solennitez sont de Droit public auquel les particuliers ne peuvent déroger quelquit favorable qu’en soit le pretexte, c’est pourquoy on n’en dispense pas même les testamens faits en temps de peste, non subvenitur enim et qui se in necessitate posuit et arctavit, et comme Tertullien dis Teruilien, nulla necessitas excusatur quae potust non esse necessitas, c’est la jurisprudence du Parlement de Paris,Loüet , l. T. n. 8.Ricard , des Donat. comme aussi du Parlement de Provence,Boniface , 2 partie, l. 1. 1. 7. mais à Tolose on juge le contraire,Mainard , tom. 1.

L 5. c. 16. Mr d’Olive , l. 5. c. 2. MrCambolas , l. 6. c. 9. mais en Normandie on ne relache queune formalité nonobstant la l. Cosus S. c. de restament. Casus majoris ac novi contingentis ratione adversus timorem contagionis, que testes deterret, licet aliquid de jure relaxatum est, non tamen relique prorsus testamentorum solennitas perempta est.

Les Legs pioux sont même soûmis à une exacte observation des formes, et la demande n’en peut être faite en vertu d’un testament imparfait. Charles le Duc, sieur de Chiche-Bouville, Tresorier de France en la Genéralité de Caen, étant mort sans enfans, comme on procedoit à l’inventaire de ses écritures, on trouva fut sa table un papier en forme de testament, par lequel il faisoit pûsieurs legs à des Moynes et à divers particuliers, inais cette piece étoit imparfaite ne fayant point achevée ny signée, et étant sans datte ; Ces legataires, et principalement les Moynes, demanderent leur legs à Gabriel le Duc et à ses freres heritiers du feu sieur de Chiche-Bouville ; la Cause ayant été portée au Parlement sur un incident, et toutrs les partienayant demandé l’évocation du principal, Greard pour les legataires soûtenoit que le feu sieur de Chiche-Bouville avoit pû faire ces legs, étant un homme riche qui n’avoit point d’enfans, et qui laissoit à des parens collateraux d’une Religion contraire à la sienne une succession tres-opulente : sa volonté étoit certaine, il favoit rédigée par écrit de sa propre main, que s’il n’avoit pas consumé cet Acte en luy donnant toute la persection necessaire, il favoit fait par inadvertance, ou bien il en avoit été empesché par quelque accident qui luy étoit survenu, mais ce défaut de solennitez ne rendoit pas l’Acte nul à l’égard des legs pieux qui sont dûs ex impersecto testamento, sur tout quand le testament n’est defectueux que ratione solennitatis, non ratione voluntatis ; il ajoûta tout ce qui pouvoit rendre la demande de ces legs favorable. Je répondois pour les heritiers que cette pretention seroit apparente si nous vivions encore dans ces siecles de tenebres et d’erreur, où mourit sans donner aux gens d’Egllse étoit un crime qui rendoit le défant indigne de la sepulture, mais depuis que leur opulente étoit venuë jusqu’à l’excez, on avoit trouvé plus à propos de restraindre les liberalitez qui leur étoient faites que de les étendre, et c’est pourquoy nos Coûtumes n’aroient point dispensé les donations pieuses de l’observation des solennitez, Ce testament imaginaire dont on poursuivoit l’execution étoit tellement informe, pleln de ratures et de gloses, qu’on ne pouvoit le considerer comme la derniere volonté du défunt, c’étoit l’ébauche tres-imparfaite d’un testament, un simple projet que le testateur avoit commencé, mais que depuis il avoit entierement negligé et abandonné ; on ne pouvoit donc le confiderer comme sa derniere volonté, il ne l’auroit pas laissée dans ce desordre, et s’il avoir versevéré dans ses premiers sentimens il luy auroit donné un être parfait : le Droit Romain. si favorable aux testamens a rejetté les Actes de cette qualité comme indignes de porter le nom de testament, ex ea scriptura que ad testamentum faciendum parabatur, si nullo jure testamentum persectum effet, nec ea que fideicommissorum verba habent peti posse, l. ex ea scriptura, D. qui testament. facere poss. l. Si is qui eod. l. Fideicommissa, 5. Quoties de leg. 3.

Cet Acte ne peut être soûtenu par aucune autorité, les Docteurs qui ont entrepris de faire valoir les testamens imparfaits pour les donations pieuses ont fait cette distinction entre les nullitez, ratione sobennitatis, et les nullitez, ratione voluntatis ; et ils conviennent que etiamsi Covarr pietatis causa valeat testamentum impersectum ratione solennitatis, non tamen valeat ratione voluntatis, Couarr. i. 7. intell. in C. Relatum de testament. Menochius en son Conseil 224. 2 fait valoir les testamens imparfaits en l’un et l’autre cas en faveur de la Cause pie, sed authoritatibus magis quâm rationibus suam sontentaeam confirmat, dit M.Tiraqueau , de Privideg. piae cause, privileg. 1.Covarruvias , ibid. intell. 8. propose un exemple d’un testament par-fait, ratione voluntatis pour les legs pieux, bien qu’à l’égard des autres legs la volonté soit demeurée impatfaite, si, dit-il ae le testateur de propos deliberé devant des témoins idoines ae commence de faire son testament, et aprés avoir fait quelques legs pieux il meurt subitement, on consequence de cette simple volonté les legs pieux sont dus ex hac voluntate de bentur pia.Bartol . in l. In testamento de fideicom. lib. D. et Decius Cons. 159.Julius Clar . en sa question 7. 5. Testamentum, soûtient que ces Docteurs ont erté, et que suivant l’opinion commune toutes les fois que le testateur decede avant que d’avoir pleinement expliqué ses intentlons un testament de cette qualité est reputé nul, non ratione polennitatis, sed ratione voluntatis, et qu’il ne peut valoit même en faveur de la Cause pie : Hoc casu tenendum est quod talis schedula non sustinetur in vim testamenti neque alterius ultima voluntatis propter favovem ipfius piae cause non videtur testator de bonis suis dipposuisse, sed tantum praparavisse id quod difponare volobat. C’est encore le sentiment universel qu’il est de nul effet, tant à l’égard des enfans que de la Cause pie, la raison et l’experience montre tous les jours que les testateurs même en faisant leurs testamens changent, effacent ce qu’ils ont écrit et revoquent ce qu’ils ont donné, mérito igitur non potest dici persecta voluntas, donec testator omnia integré explicaverit. C’est aussi le sentiment de Barry, l. 14. n. 9.

Fachineus , l. 4. c. 3. aprés avoir traité la question de part et d’autre, conclud qu’encore que l’opinion, quae religioni favebat, luy paroisse plus soûtenable, que neanmoins pour faire valoir un testament pour causes pies il falloit, ut adhiberentur quae in testamentis inter liberos impersectis leges requirunt. Le President duFaure , de Erro. pragmat. Dec. 3. err. 10 ne repute pas les legs pieux plus favorables que les autres, lors qu’ils ne sont point soûtenus par la volonté du testateur, cum destituuntur non juris solennitate, sed testatoris voluntate. Et Mantica de Conject. ultim. volunt. est de cet avis, solam sententiam defuncti à testibus non subscriptam non sufficere, si in controversiam deducatur, quia nullum testamentum absque duobus testibus in jure recipitur, vide plura.

quelque party qu’on puisse prendre, on ne peut faire subsister cette piece informe, le testateur ne la point commencé de propos deliberé, puis qu’il ne luy a point donné la derniere main, bien qu’il n’en ait point été empesché par la mort ny par aucun autre accident, il paroit par les ratures et par les gloses dont elle est remplie qu’il n’avoit point encore fixé ses dernieres volontez et qu’il ne s’étoit point determiné, ce qui la rend entierement nulle, puis que la seule écriture du défunt n’est pas suffisante, si elle n’est soûtenue par la foy de deux témoins qui sont necessaires dans tous les testamens, non point par une solennité du Droit, Civil, mais du Droit des Gens ; Mantica, ibid. et qu’enfin ce testateur a bien témoigné que ce n’étoit pas sa derniere volonté, fayant laissée sans signature et sans datte.

Cette question est beaucoup moins douteuse dans les païs Coûtumiers, où les testamens. sont si peu favorables ; Par Arrest en la Chambre de l’Edit de l’11. Juillet 1663. on mit sur l’action des legataires hors de Cour et de procez, et neanmoins on condamna les heritiers à donner deux mille cinq cens livres aux Moynes et aux Pauvres. Ainsi la Cour jugea la question generale, mais elle se porta à faire cette liberalité par des considerations étrangeres en la Cause ; Voyez le Journal des Audiences du Parlement de Paris de lEdition de 1652. l. 5. c. 27. La Coûtume d’Anjou, Article 266. ne dispense les testamens faits pour causes pies, que quand la disposition n’est que d’une chose modique, comme pour la somme de six livres, ce qui témoigne que par l’esprit de cette Coûtume les dispositions faites en faveur de la cause pie ne sont point privilegiées pour être dispensées des regles ordonnées par les Coûtumes pour toutes sortes d’autres donations ou legs testamentaires ; Bretagne, Article 199.

Paris, Article 292. Nôtre Coûtume y est expresse en l’Article CCCCXXVII.

On demande si la nullité d’un testament peut être couverte par le consentement de l’heritier ; Le consentement que le testateur même exige de son heritier n’est point considera-ble, parce que l’on presume qu’il n’est point volontaire, et qu’il n’a pû luy refuser cette saris faction. Cependant un Curé qui laissoit beaucoup de meubles à ses freres, ayant donné une rente de vingt livres aux enfans de sa seur, et cette donation ayant été agréée par les heritiers presens et qui signerent au testament, elle fut confirmée par Arrest du 18. de Janvier 1639. Le fondement de l’Arrest fut que les meubles étoient de grande valeur, que le défun eûr pû donner à sa soeur, cessant cette consideration la donation eût été cassée Il en iroit autrement si l’heritier avoit agreé le testament, ou qu’il en eût demandé l’exe cution, electo judicio defuncti repudiatum Pratoris beneficium existimatur, l. Filius. de Minor.Loüet .

I. L. n. 6. Encore qu’un testament defectueux ne soit pas rendu valable par les Actes approbatifs de l’heritier ab intestat, toutefois celuy qui l’a accepté ne peut plus l’impugner ; ainsi jugé en la Cause de Nobert Cauchis, heritier de Me Adrian Cauchis, Cuté d’Auberménil, appellant, et Me Adrian Talbor, Curé de Boisrobert. L’heritier de Me Adtian Cauchis blàmoit le testament par deux moyens ; 10 parce qu’il avoit été reçû par le Curé d’une Paroisse voisine ; 20. que les legs ne pouvoient être payez sur les dixmes, parce que le Curé étoit mott avant la S. Jean. On luy objectoit l’approbation qu’il avoit faite du testament, en ayant luymême poursuivi l’execution par la demande du legs qui luy étoit fait, et pour les dixmes que le testateur en avoie pû disposer étant mort aprés Paques ; Par l’Arrest on mit sur lappel hots de Cour. J’expliqueray sur l’Article CCCCXXXI. ce que le consentement de l’heritier peut operer.

La ratification d’un testament nul faite par l’heritier ne serviroit pas aux legataires à l’effet qu’ils fussent payez sur les biens du testateur au prejudice des creanciers de cet heritier, cette question fut decidée en l’Audience de la Grand. Chambre le 21. de Novembre 1656. Toussaint Loyse du Hamel, fils de Pierre, fut institué Tuteur aux enfans mineurs de Loysel, mais son mauvais ménage ayant obligé les parens de le destituer, il demeura reliquataire envers les mineurs de la somme de six mille livres. Pierre du Hamel pere étant malade fit un testament par lequel il donna aux Celestins de Roüen cinquante livres, à la charge de dire quelques Messes, et vingt-quatre livres de rente ; ce testament fut approuvé et signé par Toussaint du Hamel son fils, lequel le ratifia derechef aprés la mort de son pere : Les Celestins ayant fait saisir les loyers de quelques maisons de la succession du testateur, les parens nominateurs de Toussaint du Hamel en demanderent la main-levée au prejudice de ces legataires, foûtenans que leur legs ne pouvoit valoir qu’en vertu de la ratification, parce que le testateur n’ayant vécu que huit jours aprés son testament, la donation des immeubles étoit nulle ; par Sentence du Bailly. de Roüen les parens nominateuts furent preferez, et il fut dit que les legataires seroiont mis en ordre du jour seulement des ratifications faites par le fils. Sur l’appel des Gelestins, de Cahaigne leur Avocat difoit que le fils presomptif heritier ayent approuvé le testament du vivant même de fon pere, nul autre personne n’étoit recevable à contredire et à proposer des ullitez contre iceluy, la prohibition de donner dés immeubles par testament n’est faite qu’en faveur des heritiers du sang, et non point de leurs creanciers ; de forte que quand ils ont reloncé à se prevaloir de ce qui étoit introduit en leur faveur, le restateut n’a plus les mains hées, et la Loy le laisse en une pleine liberté pour disposer de ses brens à sa volonté, c’est en ce cas qu’on peut dire uti rei suae quisque legassit, ita jus esto : on ne pouvoit alléguer que cette donation fût faite en fraude des créanciers, le testateur n’en ayant aucons, et d’ailleurs la presomption ne peut avoir lieu en une dispositron si modique, mhis bien pour unt donation des biens universels, l. 17. Dux in fraudem creditorum, et l. 19. Cod. eodem.

La qualité de la donation en ôtoit aussi tout le soupçon, étant faite pietatis iutuitu ; il s’aidoit de l’Arrest du sieur Lormier, donné au Parlement de Paris, confirmé en ce Parlement fut une Requête Civile, au Rapport de Mr de la Vache, par lequel le fils ainé du Bieur Lormier ayant dissipé ses biens du vivant de son père, le pere fit donation à ses autres enfans, et ne domna à cet ainé qu’une pension à vie, et tous les freres partagerent la succession de la mere, en sorte qu’il n’échût au lot de l’ainé qu’un reliqua de compte, qui ne poûvant avoir de furte par hypotheque comme étant une chose mobiliaire, il en fit aussi-tost cession pour en frustrer es créanciers, ce qui fut confirmé par les deux Arrests. Les legataires opposoient encore cetta fin de non recevoir aux créanciers, qu’ils ne contestoient le testament que cinq ans aprés la nort du restateur, et en un temps où les meubles du défunt n’étant plus en essence ils avoient perdu le moyen de se faire payer de leur legs sur ces meubles, que le consentement donné par le fils étoit plûtost un effet de sa pieté qu’one fraude, et que l’ayant signé du vivant du pere à avoû été par ce moyen accompsi et executé, et le legs acquis eux legataires avant qu’ils appartinssent au fils. Theroude pour les créanciers intimez répondoit que le restament étant hul, il ne subsistoit que par la rarification du ffs, que la faveur de la donation ne pouvoit prevaloir sur la faveur des creanciers ; Par Arrest la Cour mit sur l’appel les parties hors de Cour, et orlonna néanmoins que les legataires feroient payez des cinquante livres, et des arrerages échûs de la rente, et pour le principal renvoyez se pourvoir sur les meubles, comme ils aviseroient bien.

Comme il est de l’essencé des restamens qu’ils puissent être perpetuellement revoquez il ne sera pas inutile de dire un mot de la revocation des restamens. Là revocation d’un rectanent se fait ou par le testareur même, ou contre sa volonté, par la disposition de la Loy et de la Coûtume

Le ressament est revoqué par le Droit Civil pour quatre causes, par le défaut de solenntté, our cause d’exheredation et de preterition des enfans, par le changement d’état du testareur depuis la confection de son testament, veluti per capitis drminutionem, et par le refus de l’heritier institué de prendre la fuccession ; et par nôtre Coûtume le restament est revoqué par le défaut de solennitez, ou lors que le testateur n’est pas capable de tester, ou qu’il dispose de choses dont il n’a pas le pouvoir de disposer

Le testateur peut revoquer son restament par plusieurs moyens, dont le ples commun et le plus ordinaire est par la confection d’un autre testament ; Testamento posteriore prius rumpitur. S. Posteriore. Instit. quib. modis infirm. alors lon distingue ces trois cas ; le premier, si demier testament est parfait ; le second, s’il est imparfait ; et le troifiéme, si la revocation n’est pas faire par un testament, mais par une simple déclatation que le testateur a passée ESPERLUETTEe revoquer son testament

Aù premier cas, si le dernier testament est solennel le premier est annuhé, l. Sancimue C. de testament. sans qu’il soit besoin que le testateur declare qu’il revoque son premier restament ; et quoy que ce dernier testament soit inutile il ne laisse pas de luy donner attemte, arce que la revocation fe peut faire par le témoignage d’une volonté contraire, nous en avont un exemple en la I. Cum quidam, où le testateur ayant fait deux testamens, et par le dernier d’iceux institué des heritiers incapables de l’être, on demandoit si leur institution n’étant pas valable, et par consequent nulle, le testament n’étant pas rompu, les heritiers instituez par iceluy ne devoient pas emporter la succession è car l’institution d’heritier qui est la base de restament n’étant pas valable, le premier n’étoit point rompu, néanmoins Papinien répond Justi que, quamois institutio non valeret, neque superius testamentum ruptum effet, heredibus tamen ut inlignis, qui non habuerunt supremam voluntatem, Senatum jampridem abstulisse hereditatem. Et Justr-nien dans la Constit. 1. Quib. mod. testament. infirm. S. licet ex posteriore, dit que le premter testament ne laisse pas d’être revoqué, mais de telle sorre que la fuccession est deférée ab intesta, nam & prius testamentum non valet ruptum à posteriore, & posterius aeque nullas vires habet cum ex eo nemo heres extiterit ; Mantica, l. 3. t. 14. n. p. PerrusPetrus Gregor . l. 24. c. 1. n. 10. Il y a neanmoins quelques cas par le Droit Civil où le premier testament n’est pas revoqué par le dernier ; par exemple, si le dernier a été fait pour une fausse cause, sur quoy lon peut voir Mantica 64. t. 14. n. la. ou lors que le premier contient une clause dérogatoire, qui n’a point été révoquée par le second ; j’en parleray dans la suite : VideMenoch . de Prasumpt. l. 4. c. 166.

Que fi le second testament est imparfait le premier testament n’est point revoqué ny annullé par iceluy, non pas même à l’égard des legs, quoy qu’ordinairement ils puissent être revoquez par la nué et simple volonté du testateur, l. 3. 5. ult. de adimpl. leg. la raison est qu’en ce cas le testateur n’a eu dessein de revoquer son premier testament que pour en faire un seconde qui pût avoir effet ; de sorte que l’on presome que les legs contenus dans le premier testament ne sont revoques qu’à cette condition.

Il y a deux exceptions à cette regle, que le premier testament parfait n’est point revoqué par le second testament imparfait ; la première, s’il a été fait par un homme de guerre, jure militari ; et la seconde, lors que les heritiers ab imnestat sont instituez par le second testament mparfait, l. 2 de Min. rup. testament.

Au dernier cas, lors que le testament étoit revoqué par une simple volonté du testateur, comme s’il avoit dit, je veux que mon premier testament n’ait point lieu ; cette revocation étoit nulle par la Droit Romain, parce qu’un teftament solennel ne pouvoit être revo-qué que par un autre testament solonnel ; mais parmy nous la revocation se peut faire par a’ample Acte, et il suffit qu’il paroisse que le testâteor ait changé de volonté.

Le Droit Romain contient plusieurs autres moyens de revoquer un testament, mais li connoissance ne nous en étant pas necessaire je les passeray sous silence ; je remarqueray seurement que le restament n’est pas revoqué parmy nous par le laps de dix ans, comme il l’étoit par le Droit Romain, l. Sancimus. C. de testament. Voyes Batry, de Resolutione testament.

En l’année 1645. de lErable Curé de Meré donna par son testament tous ses meubles à ses petits neveux sortis de son neveu, fils de son frere, et il se reserva à choisir le lieu de a sepulture. En 1650. par un autre testament il donna ses livres à son neveu, Cuté d’Epies, et il choifit sa sepulture dans cetto Paroisse. Il eut pour heritiers au propre ses neveux et arrière-nevoux, et aux acquests ses neveux seulement. Un de ses neveux fut institué Tutent aux arrière-neveux qui étoient legataires aux meubles, suivant le testament de 1645. et en cette qualité il en fit la vente comme s’ils eussent appartenu aux mineurs ses neveux : depuis ayant connu fon erreur il obtint des Lettres de restitution fondées sur ce qu’il n’avoit pas eu connoissance de ce second testament, Sur l’appel de la Sentence qui le deboutoit de l’enteripement de ses Lettres, Glot son Avocat soûtenoit que se trouvant un dernier testament le pre-smnier ne pouvoit subsister, 5. 2. Qgib. mod. testament. infirm. aux Instit. l. 4. de Ru9. tustament. l. S1 jure de legat. et fideicom. Il est vray que cette derniere Loy ne parle que des fideicommis, mais sa dispolition a lieu en certains cas pour les testamens quand le dernier testament est fait en faveur de l’heritier ab intestat, ou quand c’est un testament militaire ; Testamentum, dit MrCujas , mutatione rumpitur, si postea aliud testumentum jure persectum sit, nec enim non jure facto corrumpi jure persectum potest. Il n’y a que deux exoeptions à cette regle ; la première, si le der-nier testament a été fait par un homme de guerre ; la seconde, si dans le premier un étranger est institué, et dans le second l’heritier ab intestat, l. Hac consultissima, 2. 3. 3. C. de testa-ment. Bien que dans le dernier testament il n’y ait point de clause revocatoire, il l’a suffisamment revoqué par la donation des mêmes meubles qu’il avoit donnez par son premier testa-ment, de adimol. et transf. legat. et quoy que la revocation du legs ne soit pas entière, cela suffit pour presumer sa volonté de revoquer son premior testament, 5. Sed et si muis institut. quemadm, testument. infirm. Maurry pour le Toteur actionnaire des petits neveux conve-noit de la regle, que posteriori testamento prius rumpitur, mais que l’on pouvoit faire des Codicilles avec le testament, et qu’en Normandie l’institution d’heritier n’étant point permise, quod caput est et fundamentum testamenti, nos testamens ne sont que des Codicilles ; mais que et oncle n’étoit pas recevable à contester un testament qu’il avoit ratifié et executé tant de fois, l. 23. 8. 1. de inoffic. testament. Par Arrest du premier de Février 16çâ. la Cour mit sur l’appel hors de Cour-


CCCCXIII.

Testament écrit et signé de la main du testateur est bon et valable, ores que les solennitez prescrites au precedent Article n’ayent été observées et gardées.

En cet Article la Coûtume autorise une seconde espèce de testamens, qu’elle appelle holopraphes, c’est à l’imitation de ce qui est dit dans la l. Lucius Titius : 3. Lucius Titius de leg. 2.

Boc meum testamentum scripfi, sine ullo juriéperito, rationem animi mei potius secutus, quam nimiam & miseram diligentiam.

Le testateur qui écrit et signe de sa main ses dernieres intentions n’a point besoin du conseil des Jurisconsultes, ny du ministere de toutes les personnes que la Coûtume autorise dans l’Article precedent, pour recevoir les tostamens ; il peut mépriser impunément toutés fortes de solennitez, pourvû qu’il n’excede point les formes qui luy sont prescrites pour la disposition de ses biens, son écriture et sa signature rendent ses volontez authentiques et valables Il est d’autant plus juste de faire valoir les testamens holographes, que par iceux nous expliquons nos plus secretes intentions que nous ne voulions découvrir à personne, et cette efpèce de testament étant la plus seure et la plus facile pour faire connoître la volonté du testateur on fa doit approuver, parce que c’est un moyen asseuré pour éviter les suggestions. et la surprise, celuy qui veut ainsi tester écrivant luy-même sa volonté, l’on peut dire que sson osprit et fa main travaillent de concert, et comme il se nomme à luy-même son testament au moment qu’il l’écrit, il n’a pas besoin qu’il luy soit lù et relû, parce qu’il en sçait parfaitement la teneur.

L’on peut alléguer toutefois qu’il y auroit eu raison de ne les approuver pas en Normansie, à cause de la disposition contenuë en l’Article CCCCXXII. par laquelle la donation du tiers des acquests n’est pas valable si elle n’a été faite trois mois avant le decez du testateur ; car l’antidatte étant facile dans les testamens holographes, l’on peut aisément éluder la prohibition que la Coûtume fait en l’Article 422.

Il peut encore en arriver cet mconvenient : Ceux qui n’ont plus la liberté de tester, comme par exemple, les Resgieux aprés leur Profession pourroient encore disposer de leurs biens par un testament antidatté ; mais ces inconveniens n’ont point été trouvez assez considérables par la plus grande partie des Coûtumes de France, pour abolir l’usage des testamens holooraphes ; et nos Reformateurs qui ont pû les prévoir n’y ayans point eu d’égard, l’on ne peut douter que tout ce qui est permis par un testament fait en la forme prescrite en l’Article precedent ne le soit aussi par un testament holographe.

De toutes les formes de testamens connuës dans le Droit Romain, il n’y en a que deux pratiquées dans les païs du Droit écrit ; le testament qui se fait devant Notaires et témoins que l’on appelle vulgairement nuncupatif quoy qu’improprement, parce que le véritable testament nuncupatif est celuy qui se fait de vive voix, et quoy que celuy-cy soit rédigé par écrit on ne laisse pas de le nommer nuncupatif, quia palam nuncupatur heres coram testibus.

L’autre espèce de testament est le secret, ou mystique, qui se fait hors la presence des témoins, et en la forme prescrite par la Loy ; Hac consultissima, c. de testament. Quand le corps du testament est écrit de la main du testateur ou d’une personne confidente, signé de luys et la feüille pliée et par luy scellée est signée et cachetée de sept témoins, ausquels il a declaré sa volonté, et cette espèce de testament est aussi appellé solennel ; car encore que tout testament où toutes les formalitez du Droit écrit ont été gardées puisse être appellé solennell neanmoins par le langage commun et vulgaire des païs du Droit écrit, le testament secret est appellé speciali nota solennel, parce qu’il y a plus de solennitez qu’au testament qui se fait en presence de témoins.

Pour les testamens holographes ils n’étoient point au goust des Romains ; car bien qu’ils eussent été approuvez par une Novelle de Valentinien, néanmoins ils ne furent pas longtemps en usage. MrCujas , ad Tit. de testament. C. parlant de cette Novelle, dit hoc jure non utimur, nam in testamentis holographis requiruntur testium septem signa, et subscriptio testatoris remittitur tantùm vel octavi subscriptoris : Et c’est le sentiment des plus celebres Docteurs, que Justinien cette Novelle n’est d’aucun poids, Justinien ne l’ayant point inserée dans son Code, quoy Theodose qu’elle fût employée plans celuy de Theodose, aussi dans le païs de Droit écrit elle n’y est point suivie,Herald . quest. quotid. l. 1. c. 17.Boniface , l. 1. t. 3. c. 1.Ricard , des Donat. p.. Fresne c. 5. sect. 5. LePrêtre , Cent. 12. c. 66. Journal de du Fresne, l. 1. c. 114. de l’impression de 1652. Henrys. l. 5. quest. 2.

Mais l’on a mû cette question dans le païs de Droit écrit, et dans cette Coûtume, si un testament doit être reputé holographe, quoy qu’il ait été reconnu devant un Notaire, ou que dans l’acte de clôture et souscription d’iceluy l’on ait appellé un Notaire et des témoins, mais non au nombre requis par le Droit écrit :

On allégue pour l’affirmative, que celuy qui choisit une forme de tester, s’engage à garder toutes les solennitez de la forme de testament qu’il a choisie, autrement s’il y manque, ce qu’il a fait ne peut valoir, encore que ce testament eût pû valoir avec moins de solennités. mais ayant choisi une manière de tester plus solennelle il se doit imputer la faute de n’avoit pas suivi exactement le choix qu’il a fait, que cette regle, que abundant non vitiant, n’a point sieu pour les testamens où le mélange de solennitez les corrompt entièrement, de sorte que celuy qui a mélé les formes d’un testament solennel à une écriture holographe renonce au simple testament holographe, et l’Acte ne pouvant plus être considéré qu’avec toutes les qualitez d’un testament solennel, si elles ne sont pas completes il ne peut valoir, ny comme olennel ny comme holographe : ainsi le testateur fait ce qu’il ne pouvoit faire, un testament solennel imparfait que la Loy declare nul, et quoy qu’il eur pû faire un testament holographe sans témoins il ne l’a pas voulu faire, puis qu’il y a appellé des témoins, et par cette raison censes tur magis testamentum voluisse facere quam fecisse, l. Si quis testament. D. de testament.

Au coûtraire l’on dit pour l’affirmative que l’on ne peut douter que le testateur n’ait en intention de faire un testament holographe puis qu’il l’a écrit et signé de sa main, et quoy qu’il l’ait reconou devant un Notaire, et que pour une plus grande precaution il ait recherché cette solennité, que cela ne détruit point ce qui étoit parfait, parce que supersiua non nocent, et la reconnoiffance n’en a été faite par le testateur que pour en faciliter l’execution aprés sa mort, c’est pourquoy l’on ne doit pas presumer que pour y avoir apporté quelque plus grande solennité, quoy qu’elle ne s et pas entieroment complete, il ait eu le dessein de détruire son premier ouvrage qui étoit parfait et accompli ; l’on en trouve un exemple en la l. 3. D. de testament. milit. où un soldat ayant intention de tester en la forme ordinaire n’y observa pas neanmoins toutes les formes requises, sur quoy Ulpian répondant aux difficultez que Pomponins luy proposoit, refoud que le testament étoit bon comme testament militaire. quoy que le testateur eût voulu tester selon le Droit commun, nec enim, dit-il, qui voluit jure communi testari, statim beneficio militari renuntiavit, nec crodendus est quisquam genus testandi eligere ad impugnanda sua judicia, sed magis atroque genere voluisse propter fortuitos casus.

Il en faut dire de même en cette espèce, le testareur ayant choisi la forme du testament nolographe, l’on ne doit pas s’imaginer qu’il ait voulu détruire son ouvrage et condamner son premier sentiment, pour y avoir depuis ajoûté quelqu’autre folennité qui n’étoit point necesfaire pour le faire subsister.

Me Claude Henrys ayant traité cette matière, l. 5. d. 3. estime que lors qu’il n’y a point d’incompatibilité pour les espèces de testamens, et que la forme d’iceux n’est pas si diverse que l’une ne puisse subsister avec les autres, comme celle du testament militaire, qui peut revétir toutes les autres, et le testament holographe qui peut être accompagné de plus grande folennité, l’augmentation de quelques folennitez non nécessaires ne détruit point la validité de l’acte qui étoit parfait et qui pouvoit subsister sans cela, et conformément à cette doctrine par Arrest du 17. Janvier 16t6. un testament fous signature privée reconnu devant Notaires et témoins fut déclaré valable. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit du 27. Aoust 1618. pour le testament de Mr Quesnel Avocat du Roy à Caen Mais si le testament n’étoit écrit qu’en partie de la main du testateur, il seroit nul. Un Curé avoit fait écrire son testament par son Vicaire, les six dernieres lignes par lesquelles àe approuvoit toutes les dispositions precedentes étoieno écrites de sa main et signées de luy et de deux témoins, mais le Vicaire n’y avoit point signé, les legataires avoient fait insinuer ce testament, et pretendoient que le tessateur ayant écrit les six dernieres lignes et les ayant signées avec deux témoins c’étoit assez pour le rendre bon, sur tout étant fait en faveur de mineurs qui n’étoient exclus de la succession que parce que leur pere étoit predécedé, mais on maintenoit le testament nul pour être entièrement informe, le Vicaire qui l’avoit reçû ne l’ayant point signé, et même ne pouvant pas le recevoir étant legataire : Pat Arrest du 8. de May 1657. en infirmant la Senunce qui jugeoit le restament valable, la Cour mit sur le principal hors de Cour

Dans les regles ordinaires les faits de démence, d’imbecislité et de suggestion alléguez conre un testament holographe ne sont point recevables ; car quand le testateur auroie été im-becille d’esprit, il se pouvoit faire qu’il eût écrit son testament dans un temps auquel il étoit dans son bon sens, cette imbecillité pouvant ne pas être continuelle en ceux qui en sont atreints, lesquels peuvent avoir de bons intervalles, dilucida intervalla, dans lesquels agissans comme les personnes bien sensées, ils sont aussi capables de faire un testament ; de sorte que quand le testateur n’a rien employé dans son testament que de judicieux et de raisonnable, on ne dom pas tant s’arrêter à la capacité de celuy qui l’a fait qu’à ce qui est contenu en iceluy, comme Il fut autrefois jugé à Rome, où le testament fait par un insensé fut confirmé, magis enim centumviri quod scriptum effet in tabulis, quam quis scripsisset, confiderandum existimaverunt, Valer.

Maxim. l. 7. c. 8.

Pour la suggestion regulierement le testament holographe n’en peut être accusé, commé étant l’acte le plus libre et le plus exempt de suspicion qu’un homme puisse faire, puis que dans iceluy il consigne ses plus importantes pensées qu’il n’avoit voulu découvrir à personne : Il poutroit neanmoins, comme Ricard l’a remarqué, y avoir telles circonstances qui pourroient faire admettre cette preuve, mais les exemples en sont si rates, et tant d’Arrests qui sont intervenus à ce sujet en ont debouté ceux qui en ont demandé la permission, que l’on peut établir comme une maxime indubitable au Palais, que les faits de suggestion ne sont pas recevables contre un testament holographe ;Ricard , des Donat. part. 3. c. 1. n. 49.

Tous testamens doivent être portez par écrit, Brodeau surLoüet , 1. T. n. 8. et c’est pourquoy les testamens nuncupatifs ne sont point approuvez en France à cause de l’Ordonnance ne Moulins, et la preuve par témoins n’en est pas récevable, les testamens militaires même ne sont point valables, s’ils ne sont portez par écrit. a Tolose les testamens nuneupatifs y sont reçûs, et suivant le témoignage de Mr d’Olive , l. 5. c. 5. ils y sont le plus en usage parmy eux, mais toutefois redigez par écrit, dautant que les testateurs pour exempter les heritiers et legataires de la peine de faire oüit aprés leur mort les témoins numéraires, font rédiges par écrit ce que publiquement et par nuncupation ils déclarent aux témoins en nombre competent être leur derniere volonté, ainsi l’écriture est employée non comme une solennité necessaire, mais pour la preuve de l’acte, l’écriture n’étant point de l’essence de ces testamens nuncupatifs, qui ne changent et ne perdent point leur nature pour être rédigez par écrit.

Mais bien que la preuve du testament nuncupatif non écrit ne soit pas récevable par témoins, néanmoins il a été jugé au Parlement de Paris par un Arrest rapporté parBrodeau , I. T. n. 8. sur MrLoüet , que l’on peut prouver et témoins que l’heritier presomptif a empesché le défunt de tester à l’effet de le faire déclarer indigne de la succession ; et dans le ournal des Audiences on trouve un Arrest contraire, par lequel des neveux et niéces plus habiles à succeder à leurs tantes aprés la seeur de la défunte, qui étoit pareillement leur tante, ne furent point reçûs à informer des faits de violence et de force qu’ils disoient avoir été pportez pour empescher la défunte de tester. Par Arrest de ce Parlement du 29. de Janvier 1630. deux filles naturelles ayant mis en fait de preuve que leur pere avoit été empesché de ester, et que s’en étant plaint il avoit declaté que son intention étoit de leur donner à chacune cinq cens livres pour les marier, elles y furent reçûës, bien qu’on alléguât que c’étoit dmettre la preuve d’un testament nuncupatif, et que la somme excedoit l’Ordonnance, mais ces questions se doivent decider par les circonstances particulières, et par la qualité des faits dont on demande à faire la preuve.

Dans les lieux où les testamens nuncupatifs sont autorisez et peuvent être prouvez par émoins on admet aisément cette maxime, qu’un testament peut être prouvé par témoins, mais en ce Parlement on n’a point reçû ce fait de preuve, qu’un testament holographe avoit été soustrait. Aprés la mort d’un Gentilhomme nommé du Bose on proceda à l’inventaire de ses écritures, et l’on y trouva un modelle de donation entre vifs, écrit de la main d’un nommé Merez, qui se faisoit donner cent cinquante livres de rente, et un autré modelle de testament pareillement écrit de la main dudit Metez, mais nonobstant toutes les suggestions de Metez le défunt n’avoit point voulu signer ces Actes : se voyant frustré de ses espèrances, et sans attendre que l’inventaire fût clos et parfait, il presenta une Requête au Bailly de S. Sauveur le Vicomte, contenant qu’on avoit soustrait le testament holographe du défunt lors qu’il vivoit encore, et pour en faire la preuve il demandoit qu’il luy fût permis de publier des Censures Ecclesiastiques ; Jacques du Bosc, heriger du défunt, se porta appellant de cette procedure, soûtenant que Metez n’étoit pas recevable à cette preuve : Pour cet effet je difois pour luy que si la Coûtume laisse aux hommes quelque liberté de tester, c’est à condition d’observer les formes qu’elle prescrit avec un soin si exact, que le moindre défaut rend inutiles toutes leurs dispositions et les annulle d’une nullité si precise, que la personne et la Cause du monde a plus favorable ne les peut faire subsister ; il ne suffit point d’avoir fait un testament, si en même temps il n’est accompli de toutes les solennitez necessaires pour sa validité, d’où il resulte que ny les testamens, ny la soustraction pretenduë &ceux, ne se peuvent prouver par témoins. Par le Droit Civil les testamens nuncupatifs étoient valables, d’où l’on peut nduiré que puis qu’on est reçû à prouver par témoins un testament de vive voix et sans écrit, on est oucore plus admissible à la preuve de la perte ou de la suppression du testament : Cette question est traitée par la Glose et par les Docteurs, sur la l. 2. C. De bonorum possessione feundùm tabulas, et parBartole , sur la l. Heredis palam, ff. de testament. et tous conviennen que celuy qui pretend qu’un défunt a fait un testament doit prouver absolument deux choses à sçavoir qu’il ait fait un testament, et qu’il fait fait solennellementa et avec toutes les formes rescrites par la Loy ; car la seule volonté du testateur ne fait pas la preuve du testament c’est la forme qui le fait vivre et qui le fait subsister, s’il étoit autrement ce seroit en vain u’on auroit établi tant de solennitez, si c’étoit assez de prouver qu’un homme auroit fait un restament, qu’il l’auroit dit, et qu’on l’autoit vû ; par cette voye un legataire n’auroit plusà craindre qu’on luy objectât les manquemens et les nullitez de ce testament, et c’est pourquoy lors que l’on est reçû à prouver qu’un testament a été fait, il faut en même temps. prouver qu’il a été fait solennellement, nusquam heredis testamentarii ratio habenda est, priusquam testium, qui testamento intersuerint, testationes proferantur ; Illi autem testes herede legitimè vocato debent exprimere annum, mensem, diem, & locum : C’est la pensée du President President Fabri en son Code, l. 6. t. 5. defin. 8. Agnatus proximus non prius urgendus, ut defensiones ullas proferat quam actor non annum duntaxat & mensem, sed etiam diem addiderit & locum in quo testamen tum conditum dicitur, propterea quod non aliter sciri posset an testamentum illud valeat, hoc est an posterior alia ulla voluntas secuta sit, aut an falsi testes sint, qui asserant intersuisse testamento, aut an alibi testator fuerit eo ipso die

Cela nous apprend que parmy les Romains la preuve des testamens ne se faisoit qu’avec beaucoup de circonspection, avant que d’y être adois il falloit marquer précisément l’an, le mois, le jour, et le lieu où le testament devoit avoir été fait ; on ne pouvoit appeller pour émoins que ceux qui avoient assisté à la confection de ce testament, il en falloit jusqu’au nombre de sept, ils devoient être exempts de tout soupçon, omni exceptione majores ; il falloir que le testateur les eût appellez et priez pour cet effet, et qu’il testât en leur presence, et fontinuo actu, sans aucune interruption, et on y étoit scrupuleux jusques à ce point, que si e testateur avoit seulement forti de sa chambre pour la moindre nécessité naturelle, on doutoit si ce n’étoit pas une nullité, et il falut en faire une décision exptesse, l. Cosus majoris, Cod. de testament. On ne peut douter que suivant cela la preuve de la perte ou de la suppresfion d’un testament étoit impossible ; car dans le Droit Romain les testamens hologiaphes n’étoient point valables sans témoins.

La preuve que l’lntimé veut faire est bien differente, au lieu de se servir de témoins instrumentaires et de témoins de certain, et d’y appeller l’heritier legitime, il la commencée par un procez criminel et par des Censures Ecclesiastiques ; cette manière de preuve est fort éloignée de celle qui se pratiquoit par le Droit Romain, elle est encore moins conforme à l’esprit de la Coûtume et à nôtre Usage, nous avons banny les testamens nuncuparifs, et ce seroit neanmoins en tamener l’usage, bien qu’on les ait condamnez par la seule consideration de la falsité et de la supposition des témoins que la corruption du siècle a rendu si commune : on tomberoit dans ce même inconvenient en admettant la preuve de la perte ou supposition du testament, la consequence en seroit perilleuse, et l’Ordonnance de Moulins a sagement prevenu tous ces abus en rejéttant toute preuve vocale au dessus de cent livres, si par la disposition des Articles CCCCexXVII. et CCCCeXXVIII. de la Coûtume nul n’est tenu d’attendre la preuve de son héritage par témoins, il y a bien moins d’appaience de la recevoir pour les testamens que pour les Contrats ; les testamens n’ont foice et vertu que par l’observation de plusieurs solennitez, il suffit pour la validité d’un Contrat de vente ou d’échange qu’il soit signé des contractans : Les testamens ne dépendent pas de la seule volonté du testateur, et c’est pourquoy tout ce qui consiste en solennitez ne peut tomber en preuves ; on peut bien prouver par témoins qu’un Contrat a été vû, tenu et lû ; cetie preuve seroit imparfaite pour les testamens, parce que ce ne seroit pas assez que le testateur l’eûr signé, il faudroit encore sçavoir s’il seroit accompli en toutes ses formes ; s’il auroit été recû par le curé et Notaire du lieu ; si les témoins qui l’auroient signé étoient idoines et non legataires ; fi le testateur l’avoit dicté ; s’il luy avoit été lù en la presence des Notaires et des témoins si on y avoit apposé la datre pour connoître si le testateur avoit survécu le temps prescrit par la Coûtume s Et comment des témoins qui n’autoient point été presens au testament pourroient-ils parler de toutes ces choses : comment des témoins dont il s’en rencontre si peu qui soient instruits des formes que la Coûtume désire pour la perfection des testamens poutroientils asseurer qu’un testament qu’on auroit soustrait ou supprimé étoit accompli en toutes ses formes : pour parvenir à une preuve de cette qualité il ne faudroit appeller que des Jurisconsultes ; aprés tout cette preuve ne pourroit avoir lieu que pour les testamens qui auroient été passez devant des personnes publiques, et non point pour les testamens holographes, la Coûtume ne permettant pas de prouver par témoins qu’un Contrat sous signature privée a été vû, tenu et lû, il seroit trop aisé de contrefaire le fait d’un défunt ; et si lors qu’il est question de verifier un fait privé par comparaison d’écritures, il n’y a rien de plus trompeur ny de plus incertain, en quel desordre ne tomberoit-on pas, si on étoit recevable à prouver par toutes sortes de personnes qu’un testament auroit été vû, tenu et lû : on ne manqueroit pas de Diofantes et d’Emicenes : le premier, au rapport de Josephe, étoit Secrétaire d’Herode, il sçavoit contrefaire toutes sortes de mains, d. vèc auu ra ai roore rdobe vpauuar : le second étoit Priscus Emicenus.

Un Mamianus avoit laissé tous ses biens à l’Eglise, et quoy que sa succession fût opulente, les Administrateurs de cette Eglise ne s’en contentans point, ils se servirent de ce Priscus pour contrefaire l’écriture de tous les tiches habitans d’Emice, en fabriquant des promesses pour argent que Mamianus leur avoit prété ; mais il se trouva que ces gens-là étoient morts longtemps auparavant, et que par consequent ces cedules étoient prescrstes ; pour avoir le moyen de Justinien a’en faire payer ils cortompirent Tribonien, et obtintent une Loy de Justinien, par laquelle il ordonnoit que la prescription centenaire ne courroit point contre l’Eglise : mais enfin ces fausserez Justinien furent découvertes, et Justinien revoqua sa Constitution. De l’Epiney pour l’Intimé opposoit à ées raisons, que si cette preuve n’étoit pas recevable il n’y a point d’heritier qui ne supprimât le testament d’un défunt, que par le Droit Romain il y avoit action contre ceux qui supprimoient bu receloient les testamens, et que comme cette suppression est criminelle, il devoit être permis d’en informer extraordinairement : Sur cette plaidoirie la Cour appointa les parties au Conseil, au Rapport de MrBrinon, et par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 13. de Février 1664. en infirmant la Sentence, ledit Merez fut declarté non recevable à sa preuve. Il y avoit des circonstances particulieres qui fottifioient la fin de non recevoir, et j’appris de Mr le Rapporteur qu’on ne lût point les informations qui avoient été faites, et on fit droit sur la fin de non recevoir.

Une pareille question s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 19. d’Aoust 1677.

Messire Jean Courtin Mirquis de Givri, Conseiller au Parlement de Paris, comme heritien à cause de la Dame sa femmé de Dame Magdeleine Ribaut, veuve de Mr Lamy, Conseiller en la Cour, étoit demandeur contre le sieur du Ménil Ribaut pour une somme de se sens cinquante livres ; aprés plusieurs refuites ledit sieur du Ménil allégua que la feue Dame Lamy luy avoit légué par son testament une somme considérable, et que ce testament avoit été supprimé par M de saivri ; Par Sentence donnée aux Requêtes du Palais le sieur du Ménil Ribaut fut condamné au payement de la somme demandée, et on luy permit de faire publier des Censures Ecclesiastiques pour avoir connoissance de ceux qui detenoient ce testament : Sur l’appel de cette Sentence, le Févre son Avocat demandoit à faire preuve que ce testament avoit été vû, tenu et lû, que cette preuve étoit admissible suivant la disposition du Droit Romain, qu’on luy avoit permis inutilement de faire preuve contre ceux qui detenoient ce restament, puis qu’ils ne seroient pas obligez de s’accuser eux-mêmes, et qu’il falloit encore luy permettre de faire publier des Censures d’Eglise pour obliger ceux qui connoissoient les personnes qui detenoient ce testament à le déclarer. Je défendis pour le sieur de Givri par les mêmes raisons que j’ay rapportées cu-dessus, et j’ajoûtay que quand même on pourroit admettre ces preuves, lors que les faits que l’on avançoit étoient soûtenus par quelques adminicules, il n’y avoit point d’apparence de les recevoir en la Cause dont il s’agissoit, puis que l’allegation de la suppression de ce pretendu testament n’étoit appuyée sur aucune circonstance ui pût en faire presumer la vérité, néanmoins par l’Arrest on luy permit de faire publier des Censures contre ceux qui detenoient ce testament, et contre. ceux qui connoissoient les personnes qui le detenoient ; mais on n’eut point d’égard à tous les autres faits qu’il avoit avancez, et il ne fut pas admis à en faire la preuve.

Il seroit perilleux d’admettre ces sortes de preuves, l’Ordonnance qui a défendu la preuve par témoins est generale et sans distinction de personnes, et depuis l’Ordonnance on n’a jamais êté reçû à prouver un testament par témoins : que si l’on ne reçoit point de faits de suggetion de tacite fideicommis, et de revocation de testamens, il y a beaucoup moins d’apparence de recevoir la preuve d’un testament tout entier pour en faire subsister la foy dans la bouche les témoins. Il est vray que par le Droit Romain la suppression de testament est un crime, et par consequent on peut s’en pourvoir criminellemeut ; mais il y a beaucoup d’autres choses dans le Droit qui passent pour crimes, dont neanmoins l’Ordonnance n’a point reçû la preuve, comme l’interversion d’un depost, la Simonie, la Confidence, et plusieurs autres semblables ; que si l’on recevoit la preuve d’un fait de suppression de pleces, il n’y auroit personne qui se pût asseurer d’avoir rien vaillant, ce qui seroit encore plus important à l’égard des testamens, parce que l’on pourroit faire des heritiers et des légataires à qui l’on voudroit : aprés tout quand les témoins diroient qu’ils auroient vâ le testament, on ne pourroit pas sçavoir ce qu’il contient et s’il est en bonne forme, et quand ils en déposeroient particulierement l’on ne pourroit pas leur ajoûter foy, il pourroit arriver qu’une personne feroit voir un testament faux, ou que l’heritier institué ou les legataires le supprimeroient pour en cacher la nullité et quant à ce que l’on objecte qu’il seroit permis aux heritiers de supprimer impunément tous les testamens qui leur feroient prejudice, et que toutes les intentions des défunts seroient frustrées, l’on répond que la consequence en seroit moins dangereuse, que de recevoir la preuve par témoins de la suppression d’un testament. Ce fut sur ces principes que par Arrest du Parlement de Paris, du 25. de Février 1650. donné au profit de Dame Adniane de Maupeou, veuve de Mr Marescot, Maître des Requêtes, l’on ne reçût point la preuve d’un fait touchant la suppression d’un pretendu testament, quoy que les témoins que l’on vouloit faire entendre sur ce fait et qui avoient même été nommez fussent des personnes de grande condition et de probité reconnuë.

Me Jean Ricard en son Traité des Donat. p. 3. c. 1. n. 6. dit que cette question, sçavoit si le fait de suppression ou de revocation d’un testament peut être prouvé par témoins, est à rEsent fort problematique dans les esprits du Palais à Paris, à cause de la diversité des Arrest que lon pretend être intervenus sur ce sujet ;. ses raisons pour soûtenir l’affirmative sont, que cette preuve n’est point contraire à l’Ordonnance de Moulins, qui n’a point lieu lors que les faits articulez n’ont pas été susceptibles de conventions, et qu’au contraire ils sont arrivez contre la volonté de l’une des parties : que la resolution de cette question doit dépendre de cette reflexion, de voir s’il est plus à propos de laisser toutes les suppositions impunies, que de se mettre au hazard de condamner injustement quelques-uns ausquels on aura temerairement imputé une action de cette qualité, que l’ordre et le bien publie nous persuadent l’un bien plûtost que l’autre, et qu’un heritier poutroit impunément même à la face de tout le monde se décharger d’un testament qui luy ôte une partie de la succession à laquelle il est appellé en e mettant au feu, et pour ce qui est de la facilité des témoins on y peut apporter les remedes necessaires ; qu’à l’égard des Arrests outre la question generale de droit, si la preuve par Emoins en étoit recevable, il falloit voir si les faits articulez étoient pertinens et probatifs, et qu’en effet il arrive souvent que les faits de suppression ne sont pas admissibles : comme c’a été auparavant, il se peut faire qu’il a depuis donné charge à celuy chez lequel il l’avoir par exemple, encore que l’on articule que le testament a été vû et lû, le fait n’en sera pas recevable, si l’on n’offre de prouver qu’il a été vû depuis le decez du testateur, parce que si mis en depost, de le supprimer ; et même bien que le testament ait été vâ depuis le decez du testateur, il faut encore verifier qu’il a été supprimé par l’heritier ab intestat, ou par son ordre, que dans l’Arrest de la Dame de Marescot on la vouloit faire responsable d’un testament que l’on pretendoit luy avoit été baillé en depost, et les faits de suppression n’alloient qu’à verifier que ce testament avoit été vù entre ses mains du vivant du testateur, et c’est pourquoy ils furent justement rejettez ; mais que lors que la question de droit s’est presentée avec des faits considérables, on n’a point fait de difficulté d’en admettre la preuve suivant les Arrests qu’il en a remarquez, et que le Parlement de Tolose avoit suivi la même doctrine ; M deCambolas , l. 5. c. 41. et que Me Charles Févret fait aussi mention de quelques Arrests du Parlement de Bourgogne, qui conviennent à cette espèce, Traité de l’Abus, 1. 7. c. 12. n. 28.

Par un Arrest rapporté dans la troisième partie du Journal des Audiences, l. 8. c. 18. la preuve par témoins a été reçûë pour la suppression et laceration d’un testament, quoy que l’on soûtint qu’il étoit imparfait et non signé. a quoy l’on répond que Me Jean Ricard a bien prévû qu’il eût été trop perilleux d’admêttre sans distinction la preuve des faits de suppression, puis qu’il avouë que le fait n’en seroit pas recevable, si lon n’offroit de verifier que le testament auroit été vù depuis le decez du testateur, et qu’il auroit été supprimé par l’heritier ab intestat, et par son ordre ; mais cette restriction n’apporte pas de remede à la facilité des témoins, qui est si grande et si ordinaire, que l’on peut dire véritablement qu’il seroit aujourd’huy plus utile pour le bien public de n’admettre aucune preuve par témoins que de la recevoir, quelques admissibles que pûssent être les faits que l’on offriroit de prouver ; car pourroit-on man-quer de témoins pour venir à bout d’une preuve qui seroit si utile à celuy qui l’entreprendroit, et qui luy fourniroit les moyens de les recompenser ; de sorte que l’ordre et le bien publig persuadent bien plûtost qu’il les faut rejetter que de les admettre, et il seroit moins perilleuss qu’un heritier pûst se décharger d’un testament que de l’exposer à l’avarice d’un pretendu legataire et à la corruption des témoins, les heritiers ab intestat étant beaucoup plus favorables par nos Coûtumes que les legataires, et il est moins dangereux que cent testamens soient supprimez, que d’en supposer un à celuy qui n’a jamais eu la volonté d’en faire. On convient que la fin de non recevoir fondée sur l’Ordonnance ne seroit pas assez forte ; mais ce qui doit faire absolument rejetter ces preuves, est qu’il ne suffit pas de prouver que l’on auroit vû un testament depuis la mort du testateur, car ce testament pourroit être nul pour n’avoir pas étéj fait dans les formes, et par consequent ce ne seroit pas assez de prouver que le défunt avoit fait un testament, il faudroit y ajoûter cet autre fait, que ce testament étoit fait selon les solennitez prescrites par la Coûtume, autrement la preuve de la suppression du testament de-meureroit inutile.

La suggestion est une espèce de fausseté ; car lors que le testament a été suggeré, ce qui paroit écrit n’est pas la volonté ny l’intentlon du défunt, mais de celuy qui l’a induit à parler en cette manière, ainsi substituant sa volonté à celle du défunt, l’on peut dire que le testament est faux : D’où il s’ensuivroit que la preuve des faits de suggestion seroit admissible, mais comme les heritiers ne souffrent qu’avec regret l’execution des dernieres volontez des défunts, ils ne manquent pas d’alléguer des faits de suggestions, lors qu’ils ne peuvent les contester autrement. On a souvent gité cette question, si les preuves des faits et des moyens de suggestion étoient recevables L’on tient pour Maxime que les faits de suggestion ne sont point recevables contre un testament holographe : En effet il n’y a pas de vray-semblance qu’un testament que le testateur a pris la peine d’écrire luy-même, n’ait point été fait de son propre mouvement et sans aucune induction, sur tout s’il l’a écrit étant seul et en son particulier Pour les autres testamens, il faudroit que les circonstances en fussent fort avantageuses pour en faire recevoir la preuve, et qu’il y en eût même quelque commencement de preuve par écrit ; mais, à mon avis, comme la facilité des témoins est toûjours fort à craindre, il est plus seur de n’avoir point d’égard aux moyens de suggestion si les presomptions n’en étoient violentes.

Que si les legs avoient été extorquez par de mauvais moyens et qui seroient contraires aux bonnes moeurs, ils seaeoient de nul effet suivant la Loy Captatorias 64. de leg. 1. Captatoriae scriprurae simili modo, neque in hereditatibus, neque in legatis volunt ; mais les Docteurs ne convien-nent pas comment un legs doit être reputé captatoire, car l’on ne doit pas donner ce nom ny reputer un legs suggeré pour avoir été provoqué par les services et par les soins du legaaire, Captatorias institutiones non eus Senatus improbavit, que mutuis affectionibus judicia provoca-verint, l. Captatorias, D. de hered. institut. On trouve un exemple dans la loy derniere D. Si qui aliq. test. prohibit. C. l. ult. C. eod. en la personne du mary que l’on ne blame point pour avoit obtenu par sa complaisance quelque bien-fait de sa femme, judicium uxoris postremum in se provocare maritali sermone non est criminosum.

Quelques-uns neanmoins les comprennent dans le nombre des dispositions captatoires, qui patroissent avoir été extorquées par des moyens deshonnêtes et des services abjets et mal-seants à la condition de ceux qui les rendent, mais cela seul ne suffiroit pas si l’on n’y avoit employé des artifices et des moyens contraires à l’honnêteté et aux bonnes moeurs ; ainsi ces questions sont souvent plus de droit que de fait

Dans les Provinces où les testamens sont de plus grande importance que parmy nous, pour empescher les suggestions, l’on a taché d’introduire l’usage des clauses dérogatoires qui se conçoivens en cette maniere, lors que le testateur déclare par son testament que sa volonté est gue les testamens qu’il fera par aprés soient de nul effet, s’ils ne contiennent cette clause Deus nobiscum, ou autre semblable ; de sorte que venant dans la suite à en faire un où cette clause ne soit pas employée, on n’y ait point d’égard comme luy ayant été suggeré ou extorqué de luy par contrainte.

Plusieurs tiennent que par la disposition du Droit Civil, les clauses dérogatoires n’ont point sieu dans les testamens, parce qu’elles caprivent la liberté de tester qui ne doit jamais recevoir aucune arteinte, et le testateur ne peut pas se soûmettre tellement à sa memoire qu’il affoiblisse le pouvoir qu’il a de changer de volonté jusqu’au dernier soûpir de sa vie. La faculté de revoquer un testament est tellement de son essence, que le testateur ne peut y renoncer quelque loy qu’il impose à sa volonté, parce qu’il peut aussi-bien changer dans son esprit cette loy qu’il s’étoit imposée dans sa première disposition, que les autres qu’il y avoit établies ; VoyezCovarr . Rub. 2. de testam. n. 58. que d’ailleurs il pourroit en arriver cet inconvenient, que les clauses dérogatoites seroient si mal-aisées à retenir que le testateur en perdroit : aisément la mémoire, ce qui luy ôteroit tout moyen de revoquer son teftament s’il étoit necessaire d’employer dans le second testament une dérogation speciale, et qu’aprés tout un testament est suffisamment revoqué quand le testateur le revoque expressément, quando sciens et prudens primum testamentum revocavit, videCujac . l. 14. Obser. c. 7.Ferrer . ad quast. 122.

Papé Guid. Pap. Hentys, volum. 1. l. 5. c. 2. d. 13.

Les clauses dérogatoires paroissent favorables par ces raisons, que tant s’en faut qu’elles Uent la liberté de tester, qu’elles la conservent ; car leur fin unique et leur principal usage. consiste à empescher les suggestions, afin qu’on ne suppose pas au testateur une disposition contraire à ses véritables intentions ; que la liberté de tester n’étoit point ôtée ny diminuée par ces sortes de clauses, puis que le testateur pouvoit toûjours se dégager de la loy qu’il s’étoit donnée, et que l’on ne pouvoit presumer qu’il eût revoqué en pleine liberté, et sciens prudensque, son premier testament, lors qu’il n’avoit point fait mention de la clause dérogatoire, que n’étant as vray-semblable que le testateur ne s’en souvint pas, c’est l’unique moyen pour empescher les suggestions si frequentes en matière de testamens, et dont la preuve est neanmoins si difficile, et c’est une précaution pour se défendre des souplesses et des artifices de ces corbeaux péans aprés les successions, sic cortum eludit hiantem, les clauses dérogatoires sont fondées sur l’autorité de la Loy Si quis in principio, 22. de leg. 3. Si specialiter dixerit prioris voluntatis se senituisse.

Tous les Parlemens de France ont favorablement reçû les clauses dérogatoires ;Brodeau , sur MrLoüet , 1. T. n. 9. mais on y a apporté ces deux limitations ; la premiere, lors que le testateur revoquant les testamens precedens fait mention qu’en iceux il y a clause dérogatoire, nonobstant qu’il ne l’exprime et ne la designe specialement pour ne s’en pouvoir sou-venir, ce qui opere une suffisante revocation de la dérogation ; la seconde limitation est lors que le testament contenant la clause dérogatoire, est fait en faveur d’un étranger institué heritier par iceluy, et le posterieur en faveur des enfans, auquel cas il n’est point besoin de faire mention de la clause dérogatoire, et le second testament vaut favore liberorum En Normandie iil y a beaucoup moins de difficulté à recevoir les clauses dérogatoires, car a raison pour laquelle on les veut rejetter, en ce qu’elles ôtent la liberté de tester, n’étant d’aucune consideration parmy nous, où il est permis de s’intérdire absolument la disposition le ses biens, et d’asseurer par un Contrat entre vifs sa succession à son heritier presompuil contre la disposition du Droit Civil ; et quoy que l’on ne puisse disposer par testament que de peu de chose, néanmoins si quelqu’un pour se défaire des importunitez de sa femme ou des sollicitations de quelque flateur, employoit dans un premier testament une clause détogatoire, le second seroit nul, si la revocation de la clause dérogatoire n’y étoit pas employée Par cet Article et par le precedent la Coûtume n’admet que deux sortes de testamens ; il y faut toutefois ajoûter une troifième espèce, à sçavoir les Testamens Militaires, qui sont aptrouvez par l’Ordonnance de Henry III. de l’an 1576. Article 31. pourvû qu’il soit rédigé par écrit, autrement il n’a point lieu, quand même il auroit été fait en expedition et faction. militaire ; Mr le Bret en ses Decis. l. 3. Decis. 4.Loüet , et son Commentat. I. T. n. 8. qui dit qu’il faut tenir pour maxime que le privilege militaire déroge seulement aux solennitez des Coûtumes, et que quand il est par écrit encore qu’il manque quelque chose aux formalitez, e privilege militaire supplée à ce défaut : neanmoins par Arrest du 18. de Janvier 1638. en l’Audience de la Grand. Chambre, entre de Garabi sieur de la Luzerne, heritier, à cause de a femme, du sieur de Coulombiers Querville, et Pouchin valet de chambre dudit sieur de Coulombiers, on confirma le testament militaire dudit sieur de Coulombiers, par lequel lors qu’il étoit à Lyon-le-Saunier en la Franche-Comté, qui étoit assiegé par Mr le Duc de Longueville, il laissa de parole seulement témoignée par d’autres Capitaines, et par l’Aumônier de Mr le Duc de Longueville, à son valet de chambre son équipage ; on jugea ce testament militaire valable, et l’argent qui restoit luy fut aussi ajugé comme compris sous le terme general d’équipage, plaidans Guerin, et Danisi. Il y avoit moins de difficulté à confirmer ce testament militaire nuncupatif, parce qu’il avoit été fait dans la Franche-Comté où le Drois Romain est gardé.

Le testament de Charles de S. Simon, sieur du Bois, Capitaine au Regiment de Canisiavoit été fait en Piedmont et reçû par un Cordelier en la presence de deux soldats, et non signé du testateur à cause de sa debilité ; René de Vauborel qui avoit épousé la niéce et heritière dudit sieur du Bois, soûtint que le testament étoit nul ayant été reçû par un Religieux incapable de tester et de recevoir des testamens, qu’il étoit même legataire ayant fait donner à son Convent, sibi adscripserat, et n’étant point signé du testateur suivant qu’il est requis par le Droit et par la Coûtume : Toutes ces nullitez ne pouvoient être excusées par le pretexte de la Milice, ce testament n’ayant point été fait in procinctu aut in expeditione, mais en Garnison où il avoit été trois mois malade pouvant appeller des Notaires. Les legataires maintenoient que ce testament devoit être reputé militaire, et fait in expeditione, puis qu’alors l’Armée étoit en Garnison ; que ces testamens étoient dispensez de l’observation des formes, qu’un soldat pouvoit même écrire sur le foutreau de son épée ses dernieres intentions ; c’étoit assez que la volonté du testateur fût constante par le témoignage de personnes dignes de foy Par Arrest du 6. d’Avril 1628. le testament fut déclaré valable.

Les privileges du testament militaire ne dérogent aux Coûtumes que pour les formalitez, et non pour la disposition des biens, soit meubles et immeubles, dont on ne pourroit disposer par un testament militaire au delâ de ce qu’il est permis par les Coûtumes.


CCCCXIV.

Quelles personnes peuvent tester de meuble et comment.

Homme non marié, ou n’ayant enfans aprés l’aage de vingt ans accomplis, peut disposer de ses meubles par testament à qui bon luy semble.

La Coûtume aprés avoir achevé de regler les solennitez des testamens, commence en cet Article et dans les suivans, de traiter des personnes qui peuvent faire testament en tout ou en partie des biens dont on peut disposer par testament, comme aussi de ceux qu’elle défend de donner, sous quelles conditions on le peut, et en faveur de quelles personnes on en peut disposer.

La personne capable de tester est l’homme âgé de vingt ans accomplis ; l’on ne doute point que ce mot homme ne comprenne le mâle et la femelle. La Coûtume d’Orléans, Art. 275. pour éviter cette ambiguité a mis les mots d’homme et de femme ; et de la Lande a remarqué que ces deux mots n’étoient pas employez inutilement, parce que l’on observoit autrefois en plusieurs Coûtumes de France que la femme n’avoit que le bail de son héritage si elle avoir un hoir mâle, et ne le pouvoit donner. Cette question an masculinum concipiat femininum, est amplement traitée de part et d’autre par MTiraqueau , de Retr. gentilit. 5. 1. gl. 9. n. 162. et sequen. et suivant son avis dans les Coûtumes, les Sentences, les Privileges et les lTestamens, la femme est toûjours comprise fous le terme d’homme : la chose est plus douteuse pour les Contrats, à caufse que les contractans ont pû et dù s’expliquer clairement ; mais, comme a dit Alciat sur la l. 1. De verb. signific. c’est parler clairement quand on parle dans les regles, et c’est une regle de Droit que masculinum concipit femininum.

Il ne faut pas neanmoins s’imaginer que toutes les femmes sans distinction ayent la liberté de tester, il n’y a que celles qui sont de condition libre qui le puissent faire, celles qui sont mariées en sont incapables, si leurs maris ne leur en donnent la permission ; la Coûtume s’e est expliquée nettement en l’Article CCCCXVII

Il semble que la Coûtume ne désire d’autre qualité en celuy qui veut faire un testament que l’âge de vingt ans accomplis, et que pourvû que l’on ait achevé ce nombre d’années, de quelque condition que l’on soit la liberté de tester ne peut être ôtée à personne : Ce n’est pas toutefois l’intention de la Coûtume, et sa disposition si largement étenduë ne seroit pas veritable, ce qu’il faut expliquer plus particulièrement.

La permission de tester ne devoit pas être accordée en tous âges et à toutes sortes de personnes : Par le Droit Romain l’on étoit capable de tester aprés douze ans pour les femelles, et quatorze pour les mâles, I. Quâ atate, D. qui testament. facere poss. Plusieurs Coûtumes de rance n’ont accordé cette faculté qu’aprés la pleine puberté, qui est à dix-huit ans selon le Droit Civil, l. Adrogati, D. de adopt. l. Mela de alim. leg. D. Quelques-uns ont prolongé ce terme jusqu’à vingt-cinq ans, d’autres n’ont point déterminé l’âge ; ce qui a donné lieu à cette question, sçavoir quel âge est requis dans les Coûtumes qui n’en disposent rien, et qui sont demeurées dans le silence sur ce sujet : Mais par la jurisprudence du Parlement de Paris. tion doit suivre la disposition du Droit Civil ;Ricard , sur l’Article 293. de la Coûtume de Paris, et en son Traité des Donat. p. 1. c. 3. sect. 3. De laLande , sur l’Article 294. de la Coûtume d’Orléans ; Joumal du Palais, Tome premier : Mais comme en Normandie l’on est majeur à vingt ans accomplis, on n’a point le pouvoir de tester avant cet âge Cependant quoy qu’une trop grande jeunesse empesche la liberté de tester, il n’en est pas de meme de la vieillesse pour avancée qu’elle puisse être ; les Loix ont decidé que la seule caducité de l’âge ne retranchoit point la capacité de tester, l. Senium, C. qui testament. facere poss. et l. Senectus, C. de Donat. s’il ne paroissoit que le testateur fût tombé dans un delire, ou que son esprit et son jugement fussent si véritablement diminuez qu’il ne luy restât plus assez le capacité pour entreprendre un Acte de cette consequence, Senectus ad testamentum faciendum sola non est impedimento.

Il ne suffit pas neanmoins toûjours d’être âgé de vingt ans accomplis pour se servir de la faculté de tester, plusieurs personnes en sont privées par diverses considerations, en quoy l’on ne fuit pas toûjours les regles établies par le Droit Civil pour la capacité de tester.

Car à l’égard des enfans de famille, quoy qu’ils vivent encore sous la puissance de leurs peres, et qu’ils fassent partie de sa famille, ils ont la liberté de disposer de leurs biens, pourvû u’ils ayent vingt ans accomplis, ce qui ne leur étoit pas permis par le Droit Civil, l. Qus in potestate, D. qui testament. facere poss-

Pour être habile à tester il faut avoir les facultez naturelles, exterieures et interieures, reaises pour cet effet : C’est par cette raison que les sourds et muets de nature conjointement ont absolument incapables de tester, puis qu’ils n’ont pû se rendre capables de témoigner leurs volontez par écrit ; mais si les défauts naturels d’une personne ne l’empeschent point d’exprimer ses sentimens, soit par parole, soit par écrit, elle est capable de tester ; et même l a été jugé en ce Parlement qu’un aveugle pouvoit faire son testament sans y employer plus de formalitez que les autres, contre la disposition de la Loy Hac consultissima C. qui testament. facere poss. par Arrest donné en la Chambre de l’Edit le 27. d’Aoust 1638. contre les nommez du Hamel : Cette Loy neanmoins est gardée au Parlement de Tolose, d’Olive , l. 5. c. 6.

Les capacitez interieures ne sont pas moins necessaires que celles du corps ; sur ce fondement les furieux et insensez sont interdits de faire aucunes dispositions testamentaires, bien qu’ils y eussent gardé toutes les solennitez prescrites, parce que l’on suppofe que la volonté qui donne l’être aux testamens ne s’y rencontre point : Si toutefois le furieux ou l’insensé avoit quelques bons intervalles dans lesquels il auroit declaré ou rédigé par écrit ses intentions, la fureur precedente n’y donneroit pas d’atteinte, qui testament. facere poss. mais il y a souvent de la difficulté pour sçavoir si le testateur étoit travaillé de sa fureur, ou s’il joüissoit de quelques bons intervalles lors qu’il a fait son testament : Mantica de Conject. ult. volunt, l. 2. 1. 5. etMenoch . de Presumpt. Presumpt. 45. ont enseigné par quelles marques l’on peut prouver ou presumer la fureur

Il faut mêttre au nombre des incapables le prodigue, aprés que la disposition de ses biens luy a été interdite ; car il y a cette différence entre le furieux et le prodigue, que le premies est rendu de plein droit incapable de disposer dés le moment que son esprit commence à être roublé ; mais l’inhabilité du prodigue ne commence que du jour qu’elle a été renduë publiue et notoire, et c’est pourquoy personne n’est interdit de disposer de ses biens par testament ou autrement, qu’aprés qu’il a été déclaré prodigue en Justice avec les solennitez accoûtumées.

Les Religieux sont aussi du nombre des personnes qui n’ont point la capacité de tester, bien même qu’ils eussent obtenu Dispense pour posseder des Benefices Arrest du 20. d’Avril 1617. entre les Religieux Carmes du Ponteaudemer, Appellans et retendans la succession de défunt 1. Gontier, Religieux de leur Ordre, lequel avoit obtenu Dispense du Pape pour posseder une Cure : Les Tresoriers et les Paroissiens demandoient vexecution du testament, par lequel il avoit legué à l’Eglise et au Tresor de ladite Eglise plusieurs meubles et obligations : Les Religieux Carmes loûtenoient le testament nul par la disposition du Droit Canonique, Monachi testamenti factionem non habent, et encore que le défunt eût été dispensé pour tenir une Cure, sa Dispense n’avoit effet que pour le rendre caable de joüir du Benefice, et non pas pour le dispenser du Voeu et de la Regle dont le Ca ractere est ineffaçable, la dignité de Curé ne le dispensoit pas du Voeu et de la qualité de Religieux, et par le Droit commun tout ce que le Religieux acquiert il l’acquiert au Monastere. : Les Religieux sont comparez aux serfs et aux enfans de famille qui sont incapables de tester, et tout ce qu’ils acquierent appartient à leurs maîtres ou à leurs peres. Le Curé, les Tresoriers, et les Paroissiens soûtenoient le testament valable, disant que tous les biens du défunt provenoient de son Benefice, et en les rendant à la même Eglise il faisoit un acte de justice : La Cour cassa la Sentence dont étoit appellé, et en reformant declara le testament nul, et ajugea les biens du défunt au Monastere des Carmes du Ponteaudemer.

On a fait différence entre les Chanoines Réguliers et les autres Moynes. Guerout, Relisieux de S. Augustin et Curé, avoit donné par son testament six vingr livres de rente à l’E-lise dont il étoit pourvû : Les Religieux de sa Maison contesterent cette donation, néanmoins elle fut confirmée par Arrest du 12. de Janvier 1629. M du Viquet, Avocat General, ayant fait remarquer la difference entre les Chanoines Réguliers et les autres Moynes, les premiers étant instituez pour remplir les Benefices de leur Ordre, et n’ayant point besoin de Dispense pour les desservir.

Les Chevaliers de Malthe participent à l’incapacité des autres Religieux, l’engagement qu’ils contractent par les trois Veeux qu’ils font les rendant Religieux, aussi-bien que les autres ; et Chopin cite un Arrest du Parlement de Paris, par lequel le testament d’un Chevalier de Malthe, quoy que fait pour causes pies et qu’il n’eûr donné que ses acquests, fut déclaré nulsChopin , Monasticon, l. 2. t. M6.Mainard , l. 1. c. 17.Ricard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 5.

Févret, Traité de l’Abus, l. 4. c. 6. et quelque Dispense que les Religieux pourroient obtenir à l’effet de pouvoir rester, elle seroit de nul effet en ce Royaume, parce que le Pape n’y a aucun pouvoir sur les choses temporelles.

C’est une doctrine constante par tout le Royaume, que les Etrangers ne peuvent sous quelque pretexte que ce soit disposer des biens qu’ils y possedent, quoy qu’ils le puissent par do-nations entre vifs, comme je l’ay remarqué sur l’Article CXLVIII. cela neanmoins ne s’entend que des Etrangers non naturalisez ; car à l’égard de ceux qui ont obtenu des Lettres du Roy, ils peuvent disposer de leurs biens avec la même liberté que les naturels FrançoisBacquet , des Droits d’Aubeine, c. 3.Ricard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 4.

Nous renfermons dans le nombre des incapables de tester tous ceux qui sont morts civisement, et qui ont été condamnez à une peine capitale, mais qui est demeurée sans execu-tion. Il faut neanmoins remarquer que si l’accusé décedoit avant la condamnation, et même avant le Jugement de l’appel ou la prononciation de l’Arrest, son testament seroit valable. suivant la disposition de la Loy Quia latronibus, i3 5. ult. D. de testament. Si quis capitali crimine damnatus appellaverit, & medio tempore pendente appellatione fecerit testamentum, & ita decesserit, valet ejus testûmentum.

Pour sçavoir en quel temps la capacité est requise lors qu’il s’agit de testamens, voyezRicard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 18.

L’on ne met point de différence entre le testament d’un homme sans lettres et le testament de celuy qui sçait lire et écrire, ou de celuy qui sçait lire seulement, et il n’importe de quelle maniere Lon doit entendre le S. Quod si literas ignoret, l. Huc consultissima, C. de testament. si le imperito scribendi, aut de imperito legendi. Le testament d’un homme qui ne sçait lire et écrire n’est pas moins valable que celuy d’un Docteur de Droit, quoy qu’il n’y ait observé que les formalitez ordinaires.

La personne capable de tester peut donner tous ses meubles. L’ancienne Coûtume de Bretagne étoit conforme à la nôtre, et un homme pouvoit donner tous ses meubles par testamenti mais quand elle fut reformée, Art. 203. on y apporta ce temperament suivant l’avis de Mr d’Argentré , que si un homme n’avoit point d’immeubles, ou que son propre et ses acquests ne valussent pas autant que ses meubles, il n’en pourroit donner que le tiers : Intolerandum est vreter mobilia nihil habentem omnium donationem permitti effusâ liberalitate.

Pour empescher ce desordre nôtre Coûtume ne permet cette donation universelle des meubles qu’à celuy qui n’est point marié et qui n’a point d’enfans, et même à l’égard des dona-tions de meubles des maris à leurs femmes, la Coûtume, Article CCCCXXIz. a quelque f chose de semblable à celle de Bretagne, en ce que le mary qui n’a point d’enfans ne peut e donner de ses meubles à sa femme que jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur de ses immeubles. Il n’y a donc que les parens collateraux à qui l’on fasse prejudice par cet Article ; cela les engage à meriter par leurs services les bienfaits de leur parent. trois difficultez naissent ordinairement sur l’explication et sur l’étenduë que l’on doit donner à la donation des meubles : La première, si certaines choses doivent être censées meubles ou immeubles ; Cette matière aura dans la suite son titre particulier. La seconde, si tout ce qui est véritablement meuble est compns dans la donation des meubles : Et la troisième, si la chose léguée ayant changé de nature depuis le testament, ou si le testateur y ayant fait quelque b augmentation, cela emporte la, perte ou la revocation du legs : La décision de ces difficultez dépend le plus souvent des termes du testament : par exemple une donation étoit conçûë. en ces termes, à sçavoir qu’un homme donnolt tous ses meubles meublans, linges ; tapisseries, nabits et argenterie, et tous ses autres meubles qui se trouveroient au jour de son decez, et ses livres. Le légataire pretendoit que par ces mots, et tous ses autres meubles, l’argent monnoyé, les obligations, et les arrerages de rente luy devoient appartenir : les raisons de douter étoient grandes, le donateur aprés avoir donné ses meubles meublans sans aucune reserve, avoit en suite déclaré qu’il donnoit tous ses biens-meubles indistinctement, sans aucune relation aux meubles meublans, par consequent il sembloit que dans cette disposition generale toutes les choses qui de leur nature sont meubles y étoient comprises, nominâ, jura et actiones, autrement la clause auroit été supersluë contre la nature des testamens, dans lesquels pour toutes les choses douteuses on fait valoir la volonté du testateur : On opposoit au contraire que suivant la Loy Si mihi Mevia, 5. His verbis, de legat. 3. sous le nom de meubles l’on et l’argent monnoyé n’est point compris, et que sous la clause cum omni instrumento, & repositis omnibin nullo omino excepto non videri testatorem de pecuniâ numeratâ, aut instrumenti debitorum sensisse. Or la volonté du testateur paroissoit contraire, ayant depuis par son testament légué à un fien parent la remise d’une rente et des arrerages : Par Arrest du Parlement de Paris il fut jugé que les promesses, les obligations, et les arrerages des rentes n’étoient point comprises dans le legs. 2. partie du Journal des Audiences, l. 1. c. 7. Dans le premier.

Journal des Audiences, l. 1. c. 14. de l’impression de 1652. l’Auteur traite la question oppodée, si en un legs de tout l’argent que j’ay en ma maison, les autres meubles, tableaux, taplis-veries, vaisselle d’argent peuvent y être compris è La raison de douter procede de la I. Pecuniae, c. 78. de verb. fignif. pecuniae verbum non solûm numeratam pecuniam complectitur, verim omnem omnino pecuniam ; hoc est omnia conpora, nam corpora quaeque pecuniae nomine contineri nemo est qui ambiget ; cet Auteur refoud fort bien, à mon avis, que comme en matière de legs il faut principalement avoir égard à la façon de parler qui donne nom aux choses, et que selon nôtre commun usage, sous le nom d’argent il n’y a que l’or et l’argent monnoyé qui y soit entendu, la vaisselle et les autres meubles de prix n’y peuvent être compris ; mais, comme ay déja dit, toutes ces questions se doivent plûtost juger par la vraysemblable intention du testateur, que par aucune autre interpretation ; et c’est une regle en Droit, rl. 69. de legat. 3. que non aliter à significatione verborum recedere oportet, quam cum manifestum est aliud sensisse testatorem. Nous en avons un exemple dans la l. Librorum 54. de legat. 3. où le JurisconsulteUl -oien resoud que librorum appellatione continentur omnia volumina sive in chartâ, sive in membranâ sint. En suite il demande si sous ce nom de livres les tabletes où l’on place les livres sont aussi comprises : et il répond, S. 3. que Sabinus & Cassius avoient écrit, libris legatis bibliothecas non contineri, neque armaria, neque scrinia, neque catera in quibus libri conduntur con-rmeri ; cependant dans le S. 7. de cette même Loy il ajoûte, que ce que Sabinus a écrit libros pibliothecam non sequi, non per omnia verum effe. Sur quoy la Glose pour concilier ces deux Jurisconsultes, dit que l’opinion de Sabinus n’est poiut véritable, scilicet cum mens testatoris est in contrarium. Il faut donc dans les choses douteuses avoir égard à l’intention vraysemblable du testateur.

La troisième difficulté procede quand la chose léguée a changé de nature depuis le testament, ou que le testateur y a fait quelque augmentation ; ces mutations en la forme, oulen a matière de la chole l. guée, font douter si le testateur a point changé de sentiment ; Les Jueisconsultes Romains, l. Servum filii sui 44. 8. 2. de legat. 1. en proposent plusieurs especes : Si pocula quis legavit et mossa facta est, vel contra item si lana ligetur, et vestimentum ex ea dar, legatum in omnibus suprascriptis consistit, et debeiur quod extat, si modo non mutaverit testavor voluntatem ; de même, 5. 3. Si lancem legaoit et massam fecit, mox poculum, si areae le-gatae domus imposita sit, debebitur legatario ; mais c’est toûjours à cette condition durante scilicet voluntate testatoris.

La Coûtume ne permet de donner tous ses meubles que sous cette condition, que le testateur ne soit point matié, et qu’il n’ait point d’enfans : elle restreint beaucoup ce pouvoit lors que ces deux conditions manquent, comme on le verra dans la suite. cet Article n’est pas generalement vray, quoy que la Coûtume permette sans aucune exception à celuy qui n’est point marié, ou qui n’a point d’enfans, de donner a qui bon luy semble, il n’est pas vray neanmoins qu’il puisse choisir toutes soites de personnes pour en faire le sujet de sa liberalité Il ne pourroit pas donner à une personne infame, et il ne seroit pas permis de faire un legs dans la vûë de deshonorer aeSPERLUETTE de faire injure à celuy auquel il est fait ; Turpia legata quae denotandi magis legatarii gratiâ scribuniur, odio scribentis pro non scriptis habentur, parce que, dit MrCujas . in Comment. ad dictam legem, legatum est honor sicut, hereditas : Le testaieur pourroit encore bien moins faire un legs qui le deshonoreroit luy-même, en découvrant la licence de fes moeurs et le déreglement de sa vie, et il seroit encore honteux que la personne qui a été le sujet du scandale et la complice de sa débauche en pût profiter.

Quelques Coûtumes se sont expliquées avec plus de prudence et de precaution ; caru lieu de donner un pouvoir si vague et si general, en permettant au testateur. de donner à qui bon luy semble, elles ont ajoûté à personnes capables ; mais quelque indefinie que soit la permission de donner à qui bon nous semble, l’on doit toûjours presupposer cette condition, pouroû que le legataire soit capable de recevoir le legs. Ceux qui ne peuvent recevoir de legs ont les Etrangers, qui ne profitent point des dispositions testamentaires des Regnicoles, qui non habent testamenti factionem passi-am nec activam. Or un testament ne peut être fait tant activement que passivement qu’entre ceux qui sont soûmis à un même Droit Civil, Civis Roma-nanus Civi Romano, l. 1. D. Ad l. Falcid.

Les condamnez aux Galeres à perpetuité ou à un bannissement perpetuel sont pareillement incapables de lege, comparantur deportatis et damnatis ad meiallum, quibus legata relicta non valent, l. l. 8. His quibus, D. de legat. 3. Il faut encore mettre dans la caregorie des incapables de legs les Religieux Profez, non seulement parce qu’ils ont fait voeu de pauvreté, mais aussi parce qu’ils sont morts au monde ; on peut toutefois leur donner par foime d’alimens une pension

Quoy que Brrault cite un Arrest par lequel la donation faite à une concubine fut confirmée, la pureté du Christianisme ne souffre point qu’on approuve ces sortes de donations ; la Loy Affectionis de Donat. a donné lieu à la faite valoir ; mais Tribonien n’est point excusable d’avoir conservé cette Loy qui ressentoit l’impureté du Paganisme : aussi la Glose a dit que valet tantùm ad exceptionem, non etiam ad actionem ; c’est à dire qu’on ne peut repeter ce quia été donné, mais qu’où ne donne point d’action pour le demander. Mr Connan a sfott approuvé la distinction de la Glose

Justinien L’Empereur Justinien par sa Novelle 14. ayant aboli tout ce sale commerce et chassé de toutes les villes les femmes publiques, on ne doit plus souffrir que ces débauchées tirent aucun profit de leur vice, si la Coûtume imppouve les donations d’entre les maris et les femmes, à plus forte raison elles ne doivent pas être permises en faveur de ces impudiques, que olent esse blandiores, et rapaciores, c’est le raisonnement de du Moulin sur Decius Cons. 196. in verb. et ppoliet ; et afin aussi, comme dit l’Empereur, nequid amplius habeat castitate luxuPa : Ce qui doit recevoir d’autant moins de difficulté que le divorce et le concubinage qui’étoient maintenus long-temps dans le Christianisme furent enfin abolis par les Novelles Constantin les Empereurs Leon et Conftantin Porphyrogenete. r le Bret en sa Decision 12. fait cette distinction, que si la donation est faite à une personne publique, que pudorem suum prostravit alienis libidinibus, elle ne peut en demander l’e-xecution, la Loy Civile la traitant avec tant d’infamie qu’elle luy dénie l’action ex stupre i mais quant à la fille qui est débauchée par quelqu’un, comme la Loy de Dieu, Deuter. c. 22 oblige celuy qui humiliavit eam ut aut uxorem habeat, aut dotet, et que la Loy Civile luy donne l’action de stupro illato, licet nulla sit vis adhibita, on ne doit point improuver ces donations ; ce qu’il dit avbir été jugé par Arrest du Parlement de Paris, cela luy tient lieu d’interest et de reparation, plûtost que de donation

Cette distinction ne doit avoir lieu que quand la fille n’a point continué dans le vice n vécu avec son cortupteur en concubinage ; mais quand elle a perseveré dans sa débauche la donation ne peut valoir ; le motif et la cause en étant infames et honteuses, elles ne peuvent donner ouverture à aucune action que l’on puisse introduire en la face de la Justice, nonobtant l’Arrest de Croville rapporté par Berault sur cet Article L’honnêteté publique a prevalu au Parlement de Paris ;Brodeau , I. D. n. 43. fut MiLoüet , a remarqué les Arrests qui ont annullé ces donations, non seulement entre ceux qui étoient coupables du crime d’inceste et d’adultere, mais aussi contre les simples concobinaires. Ritard, des Donat. p. 1. c. 3. sect. 8. a traité cette matière dans une Section entière, et il se range du côté de ceux qui estiment ces donations non valables.

La Loy doit donner tout à l’honneur et à la pureté, et condamner tout re qui les peut blesser. Et dans la seconde partie du Journal des Audiences, 1. 7. c. 9. on trouve n Arrest par lequel un Contrat de donation en forme de vente, au profit d’une fille avec qui le vendeur vivoit mal, fut declaré nul. On a voulu fermer la porte à ces profusions infames par toutes sortes de voyes pour arrêter ces déreglemens ; et par un Arrest rapporté dans la troisième partie du même Journal, l. 8. c. 15. les Contrats et acquisitions qu’une concubine avoit faits en son nom ont été déclarez nuls et frauduleux, et estimez être un don indirect et prohibé fait par celuy qui l’entretenoit, et qui s’étoit declaré être debiteur par lesdits Contrats de constitntion ; presumitur confessio debiti in persouas donationis incapaces fraudulenta.

On a même porté la chose plus loin au Parlement de Paris,Brodeau , sur Mr Loüer, l. Dn. 43. a observé que l’on declara nulle une donation testamentaire faite au profit de la fille de la concubine, encore qu’il n’y eût point de preuve qu’elle eût été née dans le concubinage du fait d’un Prêtre testateur, le legs étant fait en consideration de la mere En cette Province le legs fait par un pere à son fils naturel de tous ses meubles seroit valable, Article CCCCXXVI. les bâtards n’étans point incapables de ces sortes de donations, et n’ayans rien en leurs personnes qui soit defavorable que le vice de leur propre pere Quoy que la Coûtume permette à celuy qui fait son testament de donner ses meubles à qui bon luy semble, il faut neanmoins que ce soit non seulement une personne capable comme il vient d’être dit, mais aussi que ce legs ne soit pas fait à une personne incertaine ; car lors que l’on ne peut découvrir quelle personne a été l’objet de la liberalité du testateur, le legs ne peut valoir, incertis personis legari concessum non est, instit. de legat. 6. 24. par exemple si un legs étoit fait en cette maniere, quiconque dounera sa fille en mariage à mon fils, mon herivier luy donne un fonds on une telle somme.

Il y a neanmoins certains cas où ces dispositions peuvent être valables, comme lors qu’avec une cettaine demonstration on légue à une personne incertaine du nombre de personnes certaines, cum sub certâ demonstratione ex certis personis interta persona legatur, 8. 26. ood. par exemple, ex cognatis meis qui nunt sunt, si quis filiam meam uxorem duxerit, mon heritier luy lonne une telle somme ; car encore que la personne qui doit épouser cette fille soit incertaine, il doit être néanmoins du nombre des parens du testateur, qui vivoient lors qu’il faisoit son cestament

Il en est encore de même lors que cette incertitude n’est pas indefinie, comme en la I. Duidam 8. D. de rob. dub. dans l’espèce de laquelle un legs étoit fait en cette sorte : Je legue mille éous au profit de celuy d’entre ceux que j’ay instituez mes heritiers, ou de mes parens qui an’obtiendra des Lettres de grace du Prince, ce legs est valable, parce qu’il a légué à tous ses heritiers ou à tous ses parens sous condition, dit Mr Cujas en ses Notes fut cette Loy

Personâ ex certis incertâ erat ; et suivant la l. Paulus respondit. 2 eod. la condition de donner peuae être conférée sur une personne, certaine ou incertaine, id quod conditionis implendae causa dundum est, sine dubio certis & incertis personis dari debet.

La Glose sur le S. Incertis aux Instit. de legat. fait cette distinction, que l’incettitude du légataire peut être manifestée et le legataire connu par quelque évenement, en ce cas le legs est bon, comme en la l. Si quis ita scripserit, D. de reb. dub. mon heritier donnera cent écus aux témoins qui signeront mon testament, utile legatum est, quia ipsum testamentum confirmatur testibus adhibitis, ou bien l’incertitude ne peut être levée par aucune voye, et en ce cas il est vray de dire que ie legs fait à une personne incertaine est nul. Il faut seulement xcepter de cette regle le legs qui est fait aux Pauvres et aux Caprifs qui ne laisse pas de valoir, quoy qu’il soit fait à des personnes absolument incertaines, l. Id quod pauperib. C. de Epist. et Cler. VoyezRicard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 11.

Enfin lors que le testateur veut donner à des personnes capables et certaines il ne doit pas faire dépendre son don de la volonté d’autruy ; nam in alienam voluntatem conferri legatum non potest, l. Nonnunquam, 54. D. de condit. et demonst. Par exemple, si Titius le veut je donne oent écus à Mevius ; comme ce legs est laissé en la pure volonté de Titim il est de nul effet C’est donc une Maxime qu’un legs laissé à la pure volonté d’autruy ne peut valoir ; or il est seputé laissé à la volonté d’autruy, lors qu’il n’a pour condition et pour fondement que la volonté d’un tiers et d’un étranger ; car l’on pourroit fort bien donner à quelqu’un, pourvû qu’il veüille accepter le legs, fi volet, parce que c’est une condition qui est valable par le consentement universel de tous les Docteurs.

Cependant cette proposition dans son application rencontre beaucoup de difficultez à cause se plusieurs loix qui paroissent contraires, j’en ay déja dit quelque chose sur l’Article CCCCXII. et j’ay remarqué qu’encore que dans cette Loy Nonnunquam il soit expressément decidé qu’un legs laissé à la volonté d’autruy ne peut être valable, et que les Loix Si illa institutio 32. et Si quis 6S. D. de hered. institut. déclarent vicieuses les institutions d’heritiers qui sont mises à la volonté d’autruy ; neanmoins la Loy Senatus, S. Legatum, de leg. 1. et dans plusieurs autres, Legatum in aliena voluntate poni potest

Me Jean Ricard en son Traité des Donat. p. 1. c. 3. sect. 11. avoué que l’irresolution en aquelle les Docteurs sont tombez en cette occasion, l’avoit souvent détourné de travailler ur cette matière, et qu’enfin aprés y avoir donné quelques veilles pour faire bien entendre cette proposition, il se servoit de trois exemples pour concilier toutes les contrarietez que l’on remarque ordinairement dans les Loix qui sont à ce sujet, en les rangeant chacunes sous eurs especes, ne pouvant neanmoins approuver cette autre façon de concilier ces Loix que Mr Cujas nous a donnée dans le second Livre de ses Observations, Chap. 2. et dont j’ay fait mention sur l’Article CCCeXII.

Il est certain que les distinctions proposées par Me Jean Ricard donnent beaucoup d’éclaircissement à cette matière, quoy que toutefois il soit malaisé d’accorder toutes les Loix si l’on né se sert pas en quelques endroits de la doctrine de Mr Cujas Mais sans repeter ce que cet Auteur enseigne, il me semble que l’on y peut ajoûter que le testateur a laissé le legs en la volonté du legataire même, ou en celle d’un tiers et d’un étranger : au premier cas le legs doit avoir son effet, parce que tous les Docteurs conviennent, comme je l’ay dit cy-devant, qu’un legs peut être laissé à la volonté du legataire, parce que personne ne peut être contraint d’accepter un don contre son gré, et suivant cela il est aisé de concilier le S. Legatum de la l. Senatus de legat. 1. avec la Loy Nonnunquam, D. de condit. et demonst. car entendant ces mots in aliena voluntate, comme la Glose a fait du legataire, arce qu’il est comme étranger à l’égard de : l’heritier, il ne restera plus aucune contradiction. en expliquant ces paroles de la Loy Nonnunquam, que legatum in alienum arbitrium conferri non potest, d’un tiers et d’une personne étrangere, et non point du legataire comme u S. Legatum.

Accurse Il est vray que Mr Cujas a écrit qu’Accurse a trouvé cet échapatoire pour se débarrasser de la contradiction manifeste de ce S. Legatum avec la Loy Nonnunquam, et il explique ces Loix en cette manière, que si le testateur a voulu que le legs dépendit absolument de la volonté d’un tiers ; il est inutile, et c’est l’espèce de la Loy Nonnunquam, que s’il y a quelque condition. sous-entenduë, comme en la l. 1. De legat. 2. où le Jurisconsulte dit que in arbitrium alterius conferri legatum veluti conditio, ou comme lit MrCujas , conditionem, potest ; quid enim interesti si Titius in Capitolium ascenderit mihi legetur, an si voluerit ; quoy qu’il en soit tous conviennent de ce principe, que le legs peut etre laissé à la volonté du legataire, et par cette raison l’explication que la Glose donne au S. Legatum, paroit plus raisonnable ; mais lors qu’il est remis à la volonté d’un tiers l’on y doit faire ces quatre differences : quand le legs est laissé à la pure volonté d’un tiers, totum testator in voluntate ejus posuit, le legs ne peut valoir, nous en avons un exemple en la l. 32. de hered. institut. D. illa institutio, quos Titius voluerit, vitiosa st, quod alieno arbitrio permissa sit, et c’est le véritable cas de cette Maxime, que legatum in ailienum arbitrium conferri non potest lors qu’il n’y a pas moyen de faire valoir autrement les termes dont le testateur s’est servi, et que toutes les circonstances et les conjectures du testament font presumer que son intention a été de laisser le legs à la pure volonté d’un autre.

La seconde différence est lors que le legs est laissé à la volonté d’autruy sous quelque condition, ou même en forme de condition, comme en la l. 1. D. de legat. 2. in arbitrium ulterius conferri legatum potest, veluti conditio, si Titius Capitolum ascenderit ; et régulierement un legs fait sous condition est valable.

La troisième différence consiste à remarquer les paroles dont le testateur s’est servi ; car si le testateur n’a pas remis le legs absolument en la pure volonté d’autruy, mais qu’il use de ces termes, si Titius le trouve juste, s’il approuve mon dessein ; en ce cas le legs est bons parce que in arbitrium heredis tanquam in bonum virum collatum est ; c’est le cas de la Loy Si sic’ : legatum 75. de legat. 1. Si sic legatum vel fideicommissum relictum est, si estimaverit heres, si comprobaverit, si jussum putaverit legatum & fideicommissum debebitur, quoniam viro bono potins ti commissum est, non in meram voluntatem heredis collatum La quatrième différence est plus considérable, parce que la question s’en presente souvent, et c’est comme Bartole la remarqué sur la I. Utrùm. 5. Cum quidam, D. de reb. dub. cum substantia legari in alterius voluntatem non committitur, sed electio persona tantùm committitur ; lors que l’élection qui est laissée par le testateur à un tiers ou à l’heritier institué, ne régarde point la substance du legs qui est certain et fait au profit de quelqu’un, mais seulement le choix de la personne entre un certain nombre, ou de la chose léguée entre plusieurs choses qui sont designées, pour lors le legs est valable. Le Jurisconsulte la fort bien expliqué dans le S. Cum quidam de la l. Utrum de reb. dub. en ces termes ; Cum quidam pluribus heredibus institutis unius fidei commisisset, ut cum moreretur, uni ex coheredibus cui ipse vellet restitueret eam partem hereditatis, que ad eum pervenisset, verissimum est utile esse fideicommissum ; et en suite il en rend cette raison, Nec enim in arbitrio ejus qui rogatus est, positum est, an omnimodo velit restituere, sed cui potius restituat, plurimum enim interest utrùm in potestate ejus quem testator obligari cogitat, faciat si velit dare, an post necessitatem dandi solius distribuendi liberum arbitrium concedit.

Le sens et l’explication de cette Loy sont beaucoup plus aisées que celles des autres Loix qui traitent de cette matière, car l’on y a remarqué clairement que la substance du legs n’est pas laissée à la volonté de l’heritier institué, mais qu’il a seulement la faculté de choisir la personne à laquelle il fera la distribution ; et c’est aussi sur cette Loy que l’on s’est fondé pour decider ces questions qui se sont souvent presentées, lors qu’un testateur avoit déposé entre es mains de son Curé ou de quelque personne confidente certaines sommes pour être distribuées selon ses intentions qu’il luy avoit declarées ; car dans ces sortes de dispofitions le legs n’est pas remis à la volonté d’un tiers puis qu’il est obligé de s’en defsaisir, mais il a seulement l’élection de celuy ou de ceux ausquels il en poutra faire la distribution.

Pour les autres Loix, quelques efforts que les Interpretes ayent fait pour en ôter la contradiction, c’est plûtost un jeu de paroles et des imaginations qu’une véritable conciliation car on ne peut rien lire de plus. opposé que ces deux décisions : Ulpien dans la l. 1. de legar. 2. dit qu’il n’importe pas si le legs est fait en ces termes, si Caius Capitolium ascenderit, aut Modestinus si voluerit, et que le legs est bon, et au contraire Modestinus répond qu’un legs fait en ces termes, si Caius voluerit est nul, l. Nonnunquam D. de condit. et demonst. car de vouloir que dans l’espece proposée par Ulpien il y ait une condition, et que dans l’autre il nes’y en trouve point, c’est une pure imagination, puis que ce sont les mêmes paroles, et que la condition. de pourroit trouver en l’une et l’autre espèce.

Il est donc plus utile de ne s’arréter point à ces subtiles distinctions, et de poser pour une regle generale, que quand le legs est laissé à la pure volonté d’autruy, et qu’il n’y a point d’autre condition, il soit de nul effet ; mais que quand la chose est donnée à une personne que l’on peut choisir en un certain nombre, et que par consequent il n’y a que la distribution qui en soit remise à l’arbitrage d’autruy, ce legs soit bon.

Si le testateur avoit exprimé la cause qui l’avoit mù à faire un legs, deviendroit-il nul, si cette cause ne se trouvoit pas véritable ; La Dame de Blanque fit un legs par son testament en ces termes : Je donne tous mes meubles à Mademoiselle de Bellefosse, à qui je croy qu’ils appartiennent par la Coûtume, et suivant qu’il est permis d’en disposer ; et pour mes immeubles je les laisse à ceux ausquels ils appartiennent par la Coûtume. Cette Demoiselle de Bellefosse ne s’étant pas trouvée la plus proche et la plus habile à succeder, l’heritier luy contesta ce legs, alleant que la testatrice ne luy avoit fait ce legs que dans la pensée qu’elle luy pouvoit succe-der aux meubles suivant la Coûtume : Le Juge avoit ajugé la delivrance du legs à la Demoiselle de Bellefosse : Sur l’appel de l’heritier, Heroüet son Avocat remontra que s’il étoit que-stion d’expliquer les paroles du testateur, on considereroit sur tout son intention, sed ubi verba clara sunt, non debet admitti voluntatis questio, l. Illo aut illo de legat. 3. et par la l. 19. de usu et usufruct. et interdum plus valet scriptura quâm peractum est : Sur quoy Mi Cujas en son Commentaire sur cette Loy dit, quod et si potior equidem sit voluntas testatoris, que contraria it scripturae perspiaeuae et certa, probatio difficillima est : Ea quae ipso testamento oriuntur, quae ex ipfsis testamenti verbis pendent, debere fecundùm juris scripti rationem secundùm scriptum expediri, & mitti quastionem voluntatis : En cette Cause il n’étoit pas besoin de faire combattre l’écriture oontre le xestament, l’écriture et la volonté de la testatrice étoient claires à son avan-gage ; elle donnoit ses meubles à l’Intimée, parce qu’elle croyoit qu’ils luy appartenoient par da disposition de la Loy : La volonté de la testatrice donc est manifeste, elle ne donnoit à Intimée que ce qu’elle croyoit luy apportenir de droit, c’est-là la cause et le motif de sa donation nettement exprimée par ces paroles, et qui je croy qu’ils appartiennent par la Coûtume : Donc si elle avoit sçû le contraire, et que l’Intimée n’étoit point son heritiere, elle ne luy eût pas lonné, fi aliter scivisset, non donasset : Si l’on objecte que falsa causa, sicut nec falsa demonstratio non vitiant legatum, on tépond que cela n’est pas toûjours véritable en Droit. Il y a deux sortes de demonstrations, l’une est supersluë quand elle est employée pour designer une chole, aquelle d’ailleurs est assez certaine et assez connuë : igitur que frustra additur, sive vera sit, ive falsa fit, legato non obstat ; mais il y a des demonstrations necefsaires, sans lesquelles on ne pourroit connoître ce qui a été légué, hac vim causamque legati omnem continet : et c’est pourquoy elle doit être véritable, autrement le legs est nul. M Cujas en son Commentaire, sur la l. 7 3. 8. 1. de condit. et demonstr. propose des exemples de l’un et de l’autre, lego vestem illam meam purpuream : Ce legs est assez desmné, et bien que le testateur ait ajoûté que uxoris causâ parata est, cette adjection quoy qu’elle soit fausse n’empesche point que le legs ne soit boae ; mais s’il étoit fait en ces termes, lego uxori vestom quae ejus causâ parata est, si quae sit ejus causâ parata, prastabitur, si nulla sit, nihil debebitur. Il y a’aussi deux sortes de causes, l. Cum tale, S. Fulsam de condit. et demonstr. régulierement falsa causa legato non obest, quia legandi ratio lerato non coharet, sed plerumque doli exceptio locum habebit, fi probetur aliâs non legaturus fuisse. Par la l. 4. C. de hered. institut. si le pere instituë heritier celuy qu’il croyoit être son fils, faisa opinione deceptus ; les Empereurs répondent que cette institution ne peut valoir ; par la même raison ce qui est légué à l’heritier comme heritier, n’est point dû quand le legataire n’a point cette qualité : On ne peut douter que la testatrice n’ait donné à la Demoiselle de Bellefosse comme à son heritiere, elle s’en est expliquée clairement ; cette cause étant fausse la véritable heritière haber exeptionem doli. Castel pour la Demoiselle de Bellefosse opposoit une fin de non recévoir, l’Appellante ayant accepté le legs particulier qui luy étoit fait par Je testament, l. 8. 3. 1. De inoffic. testameut. il ajoûtoit que ces paroles ne valoient que de demonstration, et non point de condition : inter demonstrationem & conditionem hoc interest, quôd demonstratio plerumque rem factam ostendit, conditio futuram, l. Nominatim de condit. G demonstr. la demonstration bien que fausse non vitiat legatum. Titio do, lego, quia negotia mes curavit ; item filius meus fundum pracipito, quia frater ejus rot aureos ex arca subrepsit, lices frater ejus non sumpsit, valer legatum, quia ratio legandi legato non coharet, l. 17. 8. Huic pret. de condit. et demonstr. l. 7 2. 5. 6. 16. Il suffit donc que la testatrice ait voulu leguer à la Demoiselle de Bellefosse, quoy qu’elle se soit trompée en sa qualité : Par Arrest du 15. de May 1653. on mit sur l’appel hors de Cour-


CCCCXV.

Ceux qui auront accomply seize ans, soit fils ou fille, pourront disposer par testament du tiers du meuble à eux appartenant.

Beaucoup de Coûtumes permettent de tester avant une parfaite majorité ; la Coûtume en a usé de même, mais en même temps elle a restreint cette liberté de tester qu’elle accorde aux personnes âgées de seize ans, à la seule disposition du tiers des meubles.

Godefroy Bérault. et Godefioy sur cet Article proposent cette question, si l’on doit considerer la vaseur des meubles au temps du décez du testateur, ou au temps que le testament a été fait : C’est le fentiment deBerault , que l’on doit se regler au temps de la mort : Godefroy estime au contraire qu’il faut considerer le temps auquel le testament a été fait, sa raison est que la donation de tous biens ad presentia tantùm refertur, mais il faut distinguer entre les donations entre vifs et les donations testamentaires ; en celles-là le droit est acquis au donataire du jour du Contrat, et l’on presume que le donateur n’a eu l’intention de donner que les biens qu’il possedoit alors, quand il n’a point ajoûté que la donation étoit des biens presens et à venir. Il n’en est pas de même des legs testamentaires ; comme ils n’ont leur execution qu’aprés la mort du testateur, et qu’il ne donne que ce qu’il aura en ce temps-là, et que par consequent il en demeure toûjours le maître jusqu’à sa mort, on ne peut regler la quantité de ce qu’il a pû donner qu’aprés son decez, et l’excez de la donation ne se peut connoître que de ce moment là, le testament ne peut avoir un effet retroactif au temps qu’il a été fait, puis qu’alors il n’y a rien acquis au legataire.


CCCCXVI.

Les bastards peuvent tester de leur meuble, ne plus ne moins que font les legitimes.

On doutoit autrefois en France si le Bâtard pouvoit tester, comme on l’apprend de Joannes Dalli, et la question en fut encore agitée en l’Audience du Parlement de Paris, le 24. de anvier 1642. entre un donataire du Roy, qui pretendoit les biens d’un batard à droit de oâtardise, et les legaraires d’iceluy : Le donataire fut declaté non recevable, et il fut jugé qu’un baâtard n’ayant aucuns enfans pouvoit disposer librement par testament ou autre disposition de derniere volonté de tous ses meubles et acquests. Le bâtard habet jura civitatis, et par consequent il est capable de tester, et c’est une Maxime en Droit que omnes testari possunt, nisi prohibeantur. Or il ne se trouve point de Loy ny de Coûtume qui défende au ba-gard de tester, la Glose sur le S. dernier Qui testament. facere poss. aux Institutes, fait un dénombrement des personnes qui n’ont pas cette capacité, inter quas nec naturalis, nec BJurius, nec adulterinus, nec incestuosus reperiuntur.

La Coûtume de Bretagne fait distinction de batards ; ceux qu’elle appelle simplement Batards peuvent disposer de leurs meubles, pourvû qu’ils ne le fassent point en haine de leur seigneur ; mais elle n’accorde pas cette liberté à ceux qu’elle appelle Avouetres. Les avoüetres ; suivant l’interpretation de Mr d’Argentré sur l’Article 444. sont ceux qui ex adulterio, sacratis, aut injustâ consuetudine vel nefariâ nati sunt ; mais plusieurs Coûtumes conformes à la nôtre ne sont point cette distinction, et permettent generalement aux batards de tester : Berry, des Testam. 3. 7. Bourgogne ; t. des Bâtards. Anjou et le Mayne ; ces dernieres ne leur permetent de léguer tous leurs meubles qu’en cas qu’ils ayent des héritages, autrement ils ne peuvent donner que la moitié de leurs meubles.

La disposition de cet Article étoit en quelque sorte necessaire ; la Coûtume ayant dit en l’Article CCLXXVI. que le batard peut disposer de ses héritages comme personne libre, si elle ne s’étoit point expliquée à l’égard des meubles, on auroit pû induire de son filence qu’elle n’en permettoit pas la disposition aux bâtards, quiâ inclusio unius est exclufio altevius, l. Cum Praetor 12 in princip. D. de judic. L’argument dont use Bérault ne seroit pas suf-fisant ; puis que la Coûtume, dit-il, avoit permis aux batards de disposer entre vifs de ses mmeubles, à plus forte raison elle abandonnoit les meubles à sa discretion : Car pourquoy la Coûtume auroit-elle fait une disposition expresse pour permettre aux bâtards la disposition. entre vifs de leurs immeubles, si elle n’avoit point pensé que cessant cette disposition il n’auroit pû le faire : or il y avoit plus de sujet de douter pour les donations à cause de mort.

Plusieurs dispositions sont permises entre vils qui sont prohibées par testament : on peut donner entre vifs certaines choses, qu’on ne pourroit donner par une donation à cause de mort.

L’Affranchi pouvoit donner entre vifs, il ne pouvoit toutefois leguer par testament, l. Vious 9. D. si quid in fraud. credit. L’Aubain peut aussi donner entre vifs, mais il ne le peut par testament.


CCCCXVII.

Femme mariée ne peut tester d’aucune chose, s’il ne luy est permis par son mary, ou que par son traité de mariage il soit ainsi convenu.

Skenaeus Cet Article est conforme aux anciennes Loix d’Ecosse, Skengus ad leges Scor. l. 2. c. 36. Art. 6. mais il ajoûte que maintenant l’usage a prevalu au contraire, et que les femmes peuvent faire estament.

Il semble que le mariage ne devoit point priver la femme mariée de la liberté de testeri pourvû que ce ne fût point en faveur de son mary, ou de ses parens, par cette raison que seffet et l’execution des dispofitions testamentaires tombe dans un temps où le mariage ne sobsiste plus, in id tempus excurrit, quo vir & uxor esse desinunt, l. 9. 5. ult. et l. 16. de Donat. inter vir. & uxor. Aussi par la dispofition du Droit Civil les femmes pouvoient tester, l. lu testamentis. C. de testament. l’autorité du mary ne leur étoit point necessaire, et sur tout à l’égard de ces biens qu’elle se reservoit, et dont elle avoit l’entière disposition durant le mariage ; et dans les Provinces qui ont retenu l’usage du Droit Civil, il s’observe que la femme peut tester sans qu’elle soit assistée de l’autorité de son mary, ny de qui que ce soit.

La pluspart des Coûtumes de France contiennent une pareille disposition, et qu’il n’est point necessaire que la femme soit autorisée par son mary pour faire testament ; et Ricard dit qu’elle passe pour le Droit commun du Royaume, et que dans les Coûtumes qui sont demeurées dans le silence, comme celle de Paris, la femme y peut valablement faire testament sans l’autorité ny le consentement de son mary ; donc la raison est que la puissance que de mary a sut sa femme est particulierement pour l’mterest du mary, de sorte que le testament n’étant executé qu’aprés la mort, et par cette consideration le mary n’y ayant plus l’interest, son autorisation est inutile.Ricard , des Donat. p. 1. c. 3. sect. 4. et quelques Docteurs ont été si fort persuadez que le droit de tester ne peut être rétranché à la femme, qu’ils ont tenu que le Statut ou la Coûtume qui disposoit au contraire ne pouvoit valoir ; Alexand. l. 2. Consil. 155. n. 6. Mais du Moulin en ses Notes sur les Conseils de ce Docteur, a combattu son opinion et soûtenu le contraire

Nôtre Coûtume n’est pas la seule qui désire qu’à l’effer qu’une femme mariée puisse vat lablement tester de ses biens, elle soit valablement autorisée par son mary. La Coûtume de Bourgogne dit la même chose, c. 4. sect. 1. Berty, Art. 168. Nivernois, t. des Droits apparrenans à Gens Mariez, Art. 1. VoyezCoquille .

Il eût été plus à propos, à mon avis, d’ôter à la femme mariée l’usage du testament que de ne luy permettre que par l’autorité de son mary, puis que pour la validité d’un testament la volonté de celuy qui le fait doit être entièrement libre et independante d’aucune personne, l. Illa, l. Captatorias, D. de heredib. instit. L’on ne peut pas dire que la femme mariée soit dans cette independance absolué de sa volonté, lors que pour avoir la liberté de tester elle est obligée de requerir le consentement et l’autorité de son mary, de sorte que l’on peut dire que c’est beaucoup moins le testament de la femme que celuy du mary : En effet le mary n’accorde rarement cette liberté que pour son avantage, et pour obliger sa femme à faire des dispositions dont il puisse profiter indirectement, cette permission que la Coûtume donne à la temme de faire testament de l’autorité de son mary n’est pas de grande consequence ; car de quels biens peut-elle disposer ; tous ses meubles appartiennent à son mary, à moins qu’elle ne les ait reservez par son Contrat de mariage ; elle ne peut disposer de ses propres, elle n’a qu’en certains cas part aux conquests, mais son mary en est le maître, de sorte que lors qu’il est vivant il peut rendre le testament illusoire : Il est vray que si le mary n’alienoit pas les conquests et qu’elle le predecedat son testament pourroit valoir pour la part qui luy auroit appartenu ; elle pourroit encore léguer les conquests qui luy appartiendroient d’un premier mariage, ou qu’elle auroit faits durant sa viduité.

Cet Article permettant en termes generaux à la femme mariée de faire testament du confentement de son mary, on a demandé si cette autorité du mary est necessaire à la femme separée de biens ; Cette question s’offrit en la Chambre de l’Edit entre Mr de la Basoge, Conseiller en la Cour, et Gabriel Gosselin, Ecuyer sieur de Martigni, Appellant, et Jean raucon, ayant épousé Judith Tranchepain, Intimez. Un Marchand nommé Tranchepain iyant mal fait ses affaires, Judith Lexpers sa femme se fit sepater de biens, et continua le même négoce que son mary faisoit auparavant ; comme elle n’avoit point d’enfans elle fit un restament, par lequel elle donna tous ses meubles à Judith Tranchepain, fille de son mary, à condition que la moitié du prix d’iceux seroit employée à la nourriture de son mary, pour retourner aprés sa moit à ladite Tranchepain ; ses meubles valoient plus de trente mille livres.

Aprés la mort de cette femme son testament fut contredit par Mr de la Basoge et par le sieur de Martigni creanciers de son défunt mary pour des sommes considérables, par Sentence duSailly de Roüen le testament fut declaré valable : Sur l’appel je difois pour Mr de la Basoge. et pour le sieur de Martigni, que la Coûtume parlant en termes generaux, et ne permettant à la femme mariée de tester qu’avec l’autorité de son mary, il ne faut point mettre de différence entre la femme separée et celle qui ne l’est point ; quand on veut étendre les termes d’un ôtatut il faut que ce soit en un cas favorable, et qui soit conforme à l’esprit de la Loy : Or les restamens ne sont point favorables dans la Coûtume de Normandie, n’y ayant jamais eu aucune Loy qui ait donné des bornes plus étroites aux dernieres volontez des hommes, ny qui ait plus rétranché aux femmes la liberté de disposer de leurs biens ; ainsi par ces principes au lieu d’étendre la Coûtume en faveur des femmes separées, il faut ôter indistinctement aux femmes. nariées le pouvoir de tester sans l’autorité de leurs maris : la separation ne détruit point la uissance maritale, la femme nonobstant icelle demeure toûjours soûmise à l’autorité de son mary, la separation n’a d’autre effet que d’ôter au mary l’administration des biens de sa femmes y a bien de la difference entre les testamens et les donations entre vifs ; un fils de famille, un esclave qui avoit l’administration de son pecule, en pouvoient disposer entre vifs, et neannoins ils ne le pouvoient par testament ; ce n’est donc pas un argument valable que la femme separée peut donner ses meubles par testament, parce qu’elle peut en disposer durant sa vie et tant s’en faut que la separation donne aux femmes plus de liberté qu’elles n’en avoient auparavant, elles sont reduites au contraire dans une servitude plus rigoureuse : avant la separation elles peuvent vendre leurs immeubles du consentement de leurs maris, aprés leur separation toute alienation leur est interdite. Par l’Article CCCXCI. les meubles de la femme separée appartiennent à ses enfans, et si elle n’en a point ils doivent être employez à la nourriture du mary et à l’acquit de ses dettes, d’où il paroit que la Coûtume reserve aux enfans et au mary les meubles de la femme separée, elle n’y apporte aucune limitation, et elle n’ajoûre point que ses meubles leur appartiennent en cas qu’elle n’en ait point disposé par testament.

On peut répondre sans peme aux raisons contraires ; on allégue que par le Reglement fait pour la separation des femmes on ne leur défend que l’alienation de leurs immeubles, d’oû l’on conclud qu’on leur abandonne la disposition de leurs meubles, et puis que durant leur vie elles peuvent par Acte entre vifs user comme il leur plaist de leurs meubles par ventes ou par donations, et qu’elles peuvent faire aussi la même chose des immeubles qu’elles auroient cquis depuis leur separation, on ne leur peut interdire l’usage des testamens sans la permission de leurs maris : Mais il faut remarquer que ce Reglement n’a été fait que pour leurs biens, et non pour leurs personnes qui demeurent toûjours engagées et soûmises à l’autorité maritale : La capacité de tester regarde la personne et celle dont les volontez ne sont point libres, non habent testamenti factionem. On a montré cu-devant que tout ce qui se peut faire entre vifs n’est pas toûjours permis par testament : un Etranger de son vivant peut disposer de tous ses biens, il ne le peut neanmoins par testament. Theroude pour l’lntimé répondoit que les meubles appartenant à la femme en vertu de la separation, il ne luy étoit pas moins permis d’en disposer par Testament que par un Acte entre vifs ; qu’elle joüissoit d’une pleine liberté pour pouvoir disposer par toutes sortes d’Actes de toutes les choses dont la Coûtume a rendoit la maîtresse absolue, et il alléguoit en sa faveur les sentimens de Bérault et de Godefroy : La Cause fut appointée au Conseil, et depuis les Parties s’étant accommodées elles firent donner Arrest, au Rapport de Mr de Vigneral, en 1667. par lequel la Sentence fut confirméé. Ainsi la question n’a point été decidée, néanmoins l’opinion la plus commune est que ces sortes de testamens sont valables.

Il n’est pas nouveau que les femmes se reservent la liberté de tester, cet usage étoit fort commun entre les Romains ;Hotoman . de Dotib. in princip. car les femmes avoient trois sortes aede biens, res dotales, praterdotales, et receptitias : receptitiae que extra dominium & possessionem etiam naturalem mariti mulier sibi reservabat, de quibus vide Aulum Gell. l. 17. c. 6. quando Loyseau mulier dotem marito dabat, tum que ex suis bonis retinebat, neque ad virum transmittebat, recevtitiae dicebantur ;Loyseau , du Deguerp. l. 2. c. 4. n. 4.

On ne doit pas conclure de l’Arrest de Blosseville rapporté par Berault sur cet Article, que la femme peut faire testament pour causes pies sans le consentement de son mary : Godefroy qui l’a crû de la sorte n’a pas fait de reflexion que le motif de l’Arrest fut, que le mary ayant été assigné comme executeur du testament de sa femme, il l’avoit ratifié volontairement, ce qui le rendoit non recevable aux Lettres de récision qu’il avoit obtenuës.


CCCCXVIII.

Le testateur ayant enfans vivans ou descendans d’eux, habiles à luy succeder lors de son decez, ne peut disposer de ses meubles par testament en plus avant que d’un tiers, sur lequel tiers sont portez les frais des sunerailles et legs testamentaires.

La Coûtume témoigne en cet Article combien elle considere l’interest des enfans, ne laissant aux peres la liberté de tester que du tiers de leurs meubles chargé des frais funeraux et des legs restamentaires. Cette Coûtume a paru si raisonnable aux Etrangers que les Ecossois l’ont empruntée des Anglois, lesquels auparavant l’avoient apprise et reçûë des Normands ;Skenaeus , l. 2. c. 37. ad leg. Scor. res mobiles dividuntur in tres partes aequales, quarum una debetur heredi, a. uxori, 3. réservatur testatori, de quâ tertiâ parte liberam disponendi facultatem habebit, si non habeat liberos de toto difponere potest : Et Glanville Jurisconsulte Anglois, 1. 7. c. 5. Cum quis in infirmitate positus testamentum facere voluerit, res ejus mobiles in tres dividuntur partes aequales, quarum una debetur heredi, a. uxori, de 3. liberam habebit dispositionem ; verum si sine uxore decesserit mediotas ipsi servatur.

Comme ce mot meubles comprend beaucoup de choses differentes, on demande si l’erreur qui se commet au nom de la chose léguée fait prejudice au legataire : Mr Cujas pour concidier la 1. 7. c. de legat. avec la l. 4. de legat. 1. qui paroissent contraires, dit sur cette loy 4. qu’il y a deux sortes de noms, les uns signifient et dénotent la substance de la chose, ut homos fundus, un homme, une terre ; les autres en marquent la difference, ut Titius, Cornelianus des premiers sont communs et publics, les autres sont particuliers : par exemple ; ce terme Homme est employé par un usage public pour signifier la substance de l’homme, mais il dépend de la volonté des particuliers d’appeller un homme Titius ou Sempronius : les noms qui signifient et qui expriment la substance des choses sont immuables, et l’usage n’en peut être changé à la fantaisse des particuliers : vous ne nommerez pas un habit une maison, ny un cheval une vache ; mais les noms qui ne servent que pour distinguer les choses peuvent être changez, et je puis appeller Antoine celuy que j’appellois auparavant Cesar : cela posé, si par non testament je légue à quelqu’un un esclave que je nommois ordinairement Stichus, et que le l’appelle Pamphile, pourvû qu’il soit constant que j’aye entendu parler de luy, cela ne rend point le legs inutile, hec enim vocabula sunt mutabilia ; mais si ayant dessein de léguer un

Homme je l’appelle un arbre, ce legs n’a point d’effet ; rerum eim vocubula fant immumbilia ; vide plura. Et c’est pourquoy lors que les noms causent quelque ambiguité pour les cho-les léguées, il faut penetrer dans l’intention vraysemblable du testateur.


CCCCXIX.

Neanmoins s’il n’a que des filles ja mariées, et qu’il soit quitte de leurs mariages, il peut disposer de la moitié, et l’autre moitié appartient à sa femme.

J’ay remarqué sur l’Article CCCXCIII. la raison de la difference de cet Article avec celuylà : suivant cet Article pour rendre la femme capable du legs de la moitié des meubles, il ne uy suffit pas que le mary soit quitte des menbles qu’il avoit promis à ses filles en les mariant, Il faut aussi qu’il soit quitte de leurs mariages

C’est une question si la disposition de cet Article peut être étenduë à la femme, et si comne le mary qui n’a que des filles mariées et qui est quitte de leurs mariages peut donner la moitié de ses meubles à sa femme, de même la femme veuve qui n’a que des filles mariées dont le mariage est payé, peut donner tous ses meubles ; Elle peut disposer de tout, car l’Article CCCCXVIII. n’est qu’une exception de l’Article CCCexIV. et l’Article CCCexIx. est une exception de l’Article CCCCXVIII. Cet Article permettant au mary de disposer de sa part entière des meubles qui est seulement la moitié, l’autre moitié appartenant à sa femme, il s’ennit que s’il n’avoit point de femme il pourroit disposer de tout ; par la même raison la femme qui la point de mary a l’entière disposition de ses meubles, au cas de cet Article On a pareillement douté si ce qui étoit permis par testament dans cet Article l’étoit aussi par donation entre vifs ; Du Prey et Marie Trugard sa femme n’ayant point d’enfans se donnerent mutuellement tous leurs meubles au plus vivant par un Contrat de donation entre vifs : aprés la mort du mary sur la delivrance de tous les meubles demandez par la veuve, du Prey frère du défunt l’empescha et l’accusa de recelement, le Bailly prit ce pretexte pour frustrer la veuve de l’effet de la donation : Sur l’appel on traita cette feule question, si ce qui étoit permis par testament l’étoit aussi par un Contrat entre vifs : On ne se fondoit point lur la donation méruelle, parce qu’elle n’est point valable en cette Province, le mary n’ayant pas besoin que sa femme luy donne sa part des meubles, parce qu’il n’y a point de communauté, et que tous les meubles appartiennent au mary : On disoit pour la femme que les donations. ntre vifs étoient plus favorables que les testamentaires, elles sont faites avec une libre et serieuse deliberation ; les teftamens le plus souvent sont suggerez et surpris d’un homme mourant dans une extrême foiblesse d’esprit par une femme qui veut profiter de la nécessité qu’il a de son assistance : l’heritier s’aidoit de l’Article CCCex. et de cet Article qui ne parle point de donner entre vifs : La Coûtume a voulu sans doute exciter par cette voye les femmes à bien vivre avec leurs maris, dans l’espèrance de recevoir quelque recompense de leurs soins et de leur amitié ; mais il ne seroit pas juste qu’un mary se liât les mains par une donation irrevocable, qui luy ôteroit la liberté de disposer de la moindre chose et le rendroit selave de fa femme ; on exposeroit les maris à une continuelle peisecution ; cet inconvenient a été prevû par le Droit Romain, il ne permettoit point aux maris de donner entre vifs, mais à cause de mort, de crainte que le meilleur et le plus patient des conjoints ne devint le plus pauvre, aut ne mutuo amore sese Spoliarent. La Cour appointa la Cause au Conseil, depuis les Parties s’accommoderent. Il semble favorable de permettre au mary de donner entre vifa à la femme, ce que la Coûtume luy permet de donner par testament. Un mary n’ayant point s d’enfans donna par son testament la moitié de ses meubles à sa femme ; l’heritier pretendoit ue n’ayant donné que la moitié, puis que l’autre moitié apparrenoit à sa femme, cela ne devoit s’entendre que de la moitié de la moitié qui appartenoit à son mary ; mais on n’eut point d’égard à cette subrilité, et par Arrest du 20. de Juillet 1638. tous les meubles furent ajugez à la femme, plaidans le Boulenger et Baudry.

La femme ne peut avoir ces meubles qu’à condition du remploy ou de la décharge des prores. Un mary ayant vendu la dot de sa femme, et par son testament luy ayant donné tous s meubles, elle demandoit encore aux heritiers du maty le remploy de ses deniers doianx : our cet effet elle soûtenoit qu’étant legataire universelle des meubles elle n’étoit obligée l’aux dettes mobiliaires, que son mary ayant vendu sa dot dont ses freres luy étoient redevables, elle étoit dans la même condition que si l’on en avoit reçû le rachapr, ce qui valoit de onsignation actuelle suivant les Articles 365. et 366. à l’effet de luy conserver sa part aux meobles et acquests, et de pouvoir demander recompense sur les autres biens de son mary.

Les heritiers alléguoient pour leur défenfe que ces Articles de la Coûtume n’ont lieu que quand la consignation actuelle est faite sur les biens du mary par le Contrat de mariage, ou doms qu’il reçoit le rachapt des rentes appartenantes à sa fem me : la constitution faite par le pert ou les freres des deniers promis pour la dot de leur fille et de leur loeur ne font point une conaignation actuelle sans stipulation, en cas de raquit le ma1y recevant les deniers dotaux de fa femme, elle pourroit trouver ces mêmes deniers en essence qu’elle emporteroit comme meubles, et neanmoins elle voudroit en avoir recompense sur les biens du mary, et quand les deniers ne se trouveroient plus parmy les meubles ayant été consumez par le mary, la femme en seroit d’autant plus riche les revenus du mary ayant été épargnez par ce moyen : ce seroit une ouverture pour faire passer tous les biens du mary à la femme et faire fraude à la Coûtume, dautant qu’un mary donnant tous ses meubles à fa femme aprés avoir aliené sa dor elle en auroit recompense sur ses immeubles, dont les legitimes heritiers demeureroient privez : Par Arrest donné le 10. de Janvier 1635. entre les nommez Michel Appellans, et Al-phonse Belier, veuve de J. Martin, sieur de Grainville, legataire aux meubles de son défunt mary, Intimée, on cassa la Sentence qui ajugeoit à la femme la recompense de ses biens dotaux alienez par son mary sur les autres biens, et en reformant les heritiers du mary furent déchargez de cette demande. J’ay traité cette question sur l’Article CCCCVIII.

Le 26. d’Avril 1619. cette question s’offrit en l’Audience entre Demoiselle Marthe de Focq, veuve de Jacques Dauxais, Ecuyer sieur du Breüil, Intimée ; Jacques et Guillaume Dauxais Appellans, sçavoir si une veuve legataire des meubles de son défunt mary peut faire compre et ouvrir les murailles de la maison pour y trouver l’or et l’argent lequel y étoit caché Ce feu sieur Dauxais par son testament donna tous ses meubles à sa femme, l’or et l’argent monnoyé, et generalement tout ce qui étoit meoble en quelque lieu qu’ils pûssent être en sa maison du Breüil et ailleurs. Durant les guerres civiles defirant asseurer son argent il le cacha en divers lieux qu’il indiqua à sa femme avant que de mourir ; aprés sa mort elle déclara aux heritiers de son mary qu’il y avoit de l’argent caché, et qu’elle étoit prête d’en indiquer de lieu afin d’en faire ouverture ; nonobstant le contredit des heritiers, il fut dit par Sentence qu’il seroit fait ouverture du lieu indiqué par la veuve, à condition de le reparer ; dont les heritiers ayant appellé, ils alléguoient pour moyens d’appel qu’ils étoient proprietaires des maisons, que ce qui étoit enclos et enfermé dans les murailles leur appartenoit comme tenant dieu d’immeuble, et que par consequent la veuve n’y pouvoit avoir part : Il fut répondu par Aristophane la veuve, que Pluru dans Aristophane se plaint que les avares le tiennent toûjours enfermé et le dérobent aux yeux des hommes, mais que si on luy redonnoit la vûë il n’entichiroit : plus que les gens de bien, et me se mettroit plus en la main des méchans ; c’est ce que l’Intimée vouloit faire, elle entreprenoit de tirer Plutus de sa captivité, et employer ce tresoi caché à des usages legitimes : Les Appellans posoient un mauvair fondement en appellant un immeuble et un trefor cet argent que le défunt sieur du Breüil n’avoit caché que pour en Thesaurus empescher le pillage : Thesaurus est vetus pecunia depositio, cujus memoria non extat, et jam Dominum non habeat, ut sic fiat ejus qui invenerit, cûm non sit alterius, I. Unquam, ff. de acquir. ver. domin. L’or et l’argent que l’Intimée pretendoit n’avoit point été deposé par des inconnus, et la mémoire n’en étoit point perduë, puis qu’il avoit été caché par son mary, et qu’elle en avoit connoissance ; la I. Unquam, aprés avoir donné la definition du tresor en fait la distinction d’avec l’argent caché qui ne peut être reputé tresor, si quis aliquid vel lucri causâ vel metâs condiderit sub terrâ, non est thesaurus ; et par la l. 44 du même titre, celuy qui a caché son argent en terre, encore qu’il ait perdu la mémoire du lieu et de la chose, ne perd pas fa possession. Les Appellans opposoient qu’il est nouveau qu’on rompe les murailles de la maison d’un homme pour y chercher des tresors, mais on en trouve un exemple en Droit en laThesaurus Thesaurus . Thesaurus, ff. ad exhibendum ; Thesaurus meus in tuo fundo est, nec eum pateris me effodere, cûm cum loco non moveris furti quidem aut ad exhibendum eo nomine agere rectè noae posse me ; non est autem iniquum juranti mihi non calumniae causâ id postulare, vel interdictum, vel judicium ita dari, ut si per me non stetit, quominus damni infecti tibi operis nomine conventus, ne vim facias mihi, quominus cum thesaurum effodiam, tollam, exportem : le défunt n’a pas abbatu sa maison pour mettre son argent, il ne sera pas pesoin de rompre ny de faire plus de bruit pour le retirer : Par Arrest la Sentence fut confirmée.

Sous ce mot de Filles mariées, il faut comprendre les enfans sortis de ces filles, de sorte que bien que leurs meres soient mortes, ils font obstacle à la donation de tous les meubles, si le mariage de leurs meres n’a pas été entièrement payé : Mais nos deux Commentateurs, Bérault etGodefroy , ont mal appliqué à ce sujet l’Arrest de Sotevast et de S. Pierre-Eglise ; car Berault a écrit que cet Article n’a lieu que quand les filles étant decedées n’auroient point laissée l’enfans : Il n’y a pas d’apparence que ç’ait été le motif de l’Arrest ; car pourquoy les enfans auroient-ils plus de privilege que leur mere, et puis que lors qu’elles sont vivantes, si leur pere est quitre de leurs mariages, il peut donner la moitié de ses meubles à sa femme ; pourquoy seroit-il privé de cette faculté par les enfans de ses filles ; on ne doit point faire de di-stinction entre les filles mariées et leurs enfans, pourvû que le pere soit quitte de leurs mariages ; mais il est aisé de penetrer dans le véritable motif de l’Arrest, qui fut que l’ayeul n’avoit pû donner à sa petite-fille au prejudice de son petit-fils, tous deux enfans de sa fille, que jusqu’à la concurrence de la part qui pouvoit appartenir à sa petite-fille en sa succession qui étoit le tiers, et pour son mariage avenant, et c est pourquoy la donation des meubles fut reduite au tiers

Mais comment le pere est-il reputé quitte du mariage de sa fille ? suffit-il qu’il ait acquitté

sa promesse, quoy qu’il se soit obligé et constitué en rente pour cet effet : J’ay rapporté sur l’Article CCCXCIII. l’Arrest du heur de Parfontaines, par lequel on reputa le pere quitre du don mobil promis à sa fille, quoy que dans le même temps il eût pris de l’argent en rentes l’on pourroit faire consequence de cet Arrest, pour dire que le pere seroit reputé quitte du mariage de sa fille s’il l’avoit payé, bien qu’il eût emprunté des deniers pour cet effet ; car suivant cet Article il suffit que le pere soit quitte du mariage, et il n’importe pas que le pere le doive à d’autres ; ce que l’on objecte que quand la Coûtume a permis au mary de donner la moitié de ses meubles à sa femme, pourvû qu’il soit quitte du mariage de ses filles, et que ce n’est pas être quitte que d’avoir engagé et hypothequé son bien pour cet effet, n’est point plus fort pour les rentes que le mary a constituées que pour les meubles, suivant l’Article 393. y ayant identité de raison en l’un et en l’autre cas. L’intention de la Coû-tume ayant été de recompenser les femmes du bon ménage qu’elles auroient fait avec leurs maris lors qu’elles se seroient acquittées des dons faits à leurs filles : que si une rente constrtuée par le pere n’a pas empesché que la femme n’eût la moitié aux meubles, il n’y a pas lieu de soûtenir que la rente constituée par le mary serve d’obstacle à la donation de la moitié des meubles, mais il y a grande différence entre l’Article 303. et celuy-cy ; par celuylà il rsuffit que le mary soit quitte du meuble, et ne paroissant point que la rente constituée par le mary eût été prise pour payer le don mobil, la femme étoit fondée sur la disposition expresse de la Coûtume qui donne la moitié des meubles à la femme, pourvû que son mary soit quitte du mariage promis à ses filles, en quoy faisant la Coûtume remet seulement les choses dans le Droit commun, suivant lequel la moitié des meubles appartient à la femme ; mais on cet Artide comme il s’agit de faire un avantage à la femme, la Coûtume s’explique d’une autre manière ; il ne suffit pas que le mary soit quitte du meuble promis à leurs filles il ffaut aussi qu’il soit quitte de leurs mariages ; mais ce n’est pas être quitte que de s’être engagé ; ainsi les conjoints ne s’étant pas acquittez par leur bon ménage, mais le mary ayant nyporhequé fon bien pour cet effet, il ne peut être censé quitte : la question seroit sans difficulté s’il étoit fait montion par les Contrats de constitution en rente que les deniers eussent été pris pour ce sujet-là ; mais en tout cas il faudroit toûjours suivant nos Maximes pour le remploy les propres que ces rentes fussent levées sur la moitié des meubles qui appartient au mary, es en quoy faisant le mariage se trouveroit acquitté : cependant la difficulté resteroit toûjours, parce qu’il ne se trouveroit pas quitte lors du decez du mary.


CCCCXX.

Et où sa femme seroit predecedée, il peut disposer du tout.

Il ne faut pas entendre cet Article comme si le mary aprés la mort de sa femme pouvoit disposer de tous ses meubles bien qu’il eût des enfans, car il seroit contraire à l’Article CCCeXIV. mais il le faut considerer comme une partie de l’Article precedent, et le sens est que si la femme est decédée et que le mary soit quitte du mariage de ses filles, il pourra disposer de tous ses meubles.


CCCCXXI.

Enfans émancipez comment succedent.

Les enfans émancipez succedent avec les autres non émancipez, en rapportant par les émancipez ce qui leur a été donné.

Cet Article est fort inutile, l’usage des émancipations est inconnu et aboly depuis longtemps ; c’étoit une dépendance de l’autorité paternelle, laquelle n’étant pas si grande parmy nous que parmy les Romains, l’émancipation est devenuë supersluë. Il étoit encore hors de propos de parler en cet endroit du droit de succeder entre les émancipez et non émancipez, et des rapports qu’ils doivent faire ; mais au temps de la Reformation de la Coûtume les Accurs émancipations n’étoient pas encore entièrement abolies, patriam potestatem in Galliâ non observari notavit Accurs. S. fin. aux Institut. de parr. potest. Voyez Bodin en sa Rep. l. 1. c. 4.


CCCCXXII.

Disposition par testament du tiers des acquests comment permise, à qui, et au profit de qui.

Homme n’ayant enfans, peut disposer par testament ou donation à cause de mort du tiers de ses acquests et conquests immeubles à qui bon luy semble, autre toutefois qu’à sa femme et parens d’icelle : pourvû que le testament ou donation. soit faite trois mois avant le decez, et qu’il n’ait disposé dudit tiers entre vifs.

Cet Araicle est contraire à la disposition du Droit Romain, quoy qu’un mary ne pûst donner à sa femme par donation entre vifs, il pouvoit neanmoins l’instituer heritière, l. Fin. C. de rinstitut. et substitut. sub condit. fact. et l. Fin. C. si quis ali4. testar. prohib. il luy pouvoit aussi déguer par testament, l. Vxori osumfructum, et l. Vxori mea, D. de usufr. legat.

Mais la Coûtume a fait prudemment en improuvant ces donations testamentaires ; les femmes se rendroient importunes envers leurs maris par leurs sollicitations, et prenant l’occasio de quelque maladie ou de quelque infirmité, un mary dans la crainte d’être abandonné ou ma assisté, se laisseroit aisément vaincre à leurs menaces ou à leur importunite La différence de nôtre Coûtume avec le Droit Romain, et la pluspart des Coûtumes de France, donne souvent lieu d’agiter cette question, si ces prohibitions sont personnelles et si elles n’ont d’empire et d’autorité que sur les personnes qui sont dans l’etenduë de leur détroit : Chassanée Chassanée, Titre des Droits appartenans à Gens Mariez, Article 7. qui est conforme à cet Article et à l’Article CCCex. lur ces paroles ny par testament, propose cette difficulté, si le mary qui n’est pas domicilié dans l’etenduë de la Coûtume qui défend au maty de donner à sa femme ny entre vifs ny par testament, peut luy donner les biens qu’il possede sous cette Coûtume-là ; Le raisonnement de ceux qui tiennent l’affirmative est que la prohibition est faite à la personne, c’est donc la personne feule qu’il faut considerer, et non la chose dont on dispose ; car lors que le Statut ou la Loy s’adresse directement à la personne, et que la prohibition la régarde principalement, en ce cas quoy que ses biens soient assis sous cette Coûtume-là, toutefois sa personne ne luy étant point soûmise, elle n’a point d’empire sur luy ; mais il en est autrement, lors que la disposition de la Loy concerne seulement la chose, et pradicta sunt vera, non solum quoad bona existentia extra territorium statuentium, Mrùm etiam quoad bona sita in territorio ; quia bona veniunt accessoriè ad personas ubicunque sint, & Justinien bona accedunt personae, non persona rebus, S. Si quis ancillas instit. de legat. l. Justissimé, D. de Chassanée Edil. Ed. et accessorium regulatur fecundùm naturam sui principalis, non autem principale regulatur ab accessorio ; et Chassanée témoigne qu’il fut jugé de la sorte à Rome pour le seigneur de Vergey, mais que pour le même fujet l’on jugea le contraire dans le Grand Conseil de Flandre, et que la femme dudit Seigneur de Vergey n’avoit pû l’instituer heritier de sa Terre de Bourbonjency, parce que cela ne luy étoit pas permis par la Coûtume de Bourgogne, sons daquelle cette Terre est située, et que le Parlement de Dijon suit cette Jurisprudence et pro Chassanée certo bone, dit Chassanée, propter illa verba generalia, au profit l’un de l’autre.

Il est sans doute que dans toutes les dispositions prohibitives de vendre ou de donner, cette prohibition doit être nécessairement faite à quelque personne, dautant que les choses ne de peuvent pas vendre ou donner elles-mêmes, mais cela n’empesche pas que la prohibition ne soit plus réelle que personnelle, lors qu’elle concerne principalement la chose, et qu’elle est la cause impulsive et finale de la Loy : Or quand la Coûtume défend au mary de donner à sa femme, elle se propose pour fin la conservation du bien dans les familles, et afin que par les flateries et par les artifices d’une femme ils ne passent point d’une famille à l’autre. Il est vray que la Loy considere aussi l’interest de la personne, et qu’elle veut empescher en luy défendant de donner entre vifs, qu’il ne soit dépoüillé de son bien ; mais outre que cette raison cesseroit pour les donations testamentaires, qui n’ont effet qu’aprés la mort, la Loy ne considere pas seulement l’interest du mary, mais principalement celuy des heritiers et de la famille, et encore que les biens soient accessoires à la personne, et non la personne aux biens. Il faut s’attacher à l’intention de la Loy, laquelle défendant l’alienation de la chose, a prohibition devient réelle, en sorte qu’elle ne peut jamais être enfreinte : que si le fait de la personne suffit pour faire céder la realité des Coûtumes à la personalité, il s’ensuivra que les Coûtumes sont illusoires, et qu’elles défendent inutilement de vendre ou de donner, puis qu’il ne faut que contracter hors son térritoire pour rendre sa disposition sans effet, comme je l’ay prouvé sur l’Article CCCLXXXIx. Il ne suffit donc pas que la personne puisse faire une chose suivant la Coûtume du lieu où elle contracte, il est absolument necessaire que la disposition de la chose dont il contracte luy soit permise par la Coûtume du lieu de sa situation, car la disposition de la Loy doit être plus forte que celle de l’homme pour les choses qui luy sont soûmises ; et comme elle n’a point de pouvoir sur la personne qui n’est point domiciliée dans son détroit, aussi la personne à laquelle elle ne peut commander ne luy peut faire la Loy dans son territoire

Mr Jean Ricard sur l’Article 182. de la Coûtume de Paris, par lequel homme et femme conjoints par mariage ne peuvent s’avantager l’un l’autre par donations, &c. rapporte un Arrest du Parlement de Paris, par lequel il a été jugé que les conjoints ne peuvent pas même par e Contrat de mariage stipuler qu’il leur sera permis de contrevenir à la disposition de la Coûtume, ce qui montre que la disposition de l’homme ne l’emporte pas toûjours sur la realité de la Coûtume.

De laLande , sur le Titre des Donations, pose pour un principe certain que pour ce qui concerne la quantité du bien dont l’on peut disposer, et les personnes ausquelles il est licite de donner, on se doit regler par la Coûtume de l’assiette des héritages, dautant qu’ils sont sujets aux Loit du térritoire. Faber, sur la l. 1. C. de testament. quando testator disponit de rebus alibi sitis, non inspicitur consuetudo loci ubi testatur, sed ubi res site sunt, quia hec emnia concer nunt rem non personam ; de sorte qu’un Normand qui fait son testament à Paris ne peut pas disposer de ses biens assis en Normandie en la même quantité que s’ils étoient à Paris, et il ne peut outrepasser la regle qui luy est prescrite par la Coûtume de Normandie ; comme paseillement un Parisien qui testeroit en Normandie ne seroit pas privé de disposer de ses biens suivant qu’il luy est permis par sa Coûtume.

Dans les Articles precedens la Coûtume a réglé quand et comment on peut disposer de ses meubles par restament. Elle traite en cet Article de la disposition des immeubles ; cette pronibition de disposer des immeubles par testament est prise d’un ancien Arrest de l’Echiquier, de l’année 1246. rapporté parChopin , l. 1. t. 1. n. 21. de Morib. Paris. pour le testament du Comte d’Auge en l’Echiquier de Paque tenu à Caen.

Cet Article contient quatre décisions remarquables ; la premiere, touchant les immeubles dont on peut faire donation par testament, et jusqu’à quelle portion on en peut donner ; la seconde, touchant les personnes ausquelles le testateur peut donner ; la troisième, touchant e temps dans lequel la donation doit être faite pour être valable ; et enfin il est ajoûté que la donation du tiers des acquests ne peut subsister, si le testateur en a déja disposé par donation. entre vifs.

La Coûtume ne permettant de donner que le tiers des acquests, son intention étoit assez apparente qu’elle défendoit la donation des propres, inclusio unius est exclusio alterius : pour ter néanmoins toute ambiguité, elle s’est encore expliquée plus nettement par l’Article CCCCXXVII. On peut connoître par cet Article que la Coûtume est peu favorable aux testamens, puis qu’elle ne permet de donner que le tiers des acquests, toutes les autres Coûtumes en laissant l’entière et libre disposition à toutes personnes, même au pere au prejudice de ses enfans, pourvû que les quatre quints soient suffisans pour leur legitime, les acquests étant le labeur de nos mains, les fruits de nôtre travail, une chose proprement et véritable. ment nôtre, et nôtre propre richesse, il semble rude de nous en ôter la disposition ; cependant comme nous ne devons gueres avoir de predilection que pour nos proches, la Coûtume nous impose cette favorable necessité de leur conserver nos immeubles, nous en laissant neanmoins une portion pour en disposer en faveur de ceux dont les services ou l’amitié ont me-rité cette recompense. VoyezLoüet , 1. L. n. 1.

La Coûtume a parlé trop generalement, en disant qu’un homme peut donner le tiers de ses acquests à qui bon luy semble ; car n’exceptant que la femme du donateur et les parens d’icelle, la regle semble ne pouvoir plus recevoir d’autre exception, exceptio firmat regulam in ousibus non reservatis ; cependant il n’est pas véritable que l’on puisse donner le tiers des acquests à toutes sortes de personnes sans distinction, car l’on a étendu la prohibition de don-ner entre vifs à l’heritier immediat, aux donations d’immeubles par testament, et ainsi l’heritier aux acquests ne peut être donataire du tiers des acquests. Pour faire cesser cette ambi-guité il falloit ajoûter encore cette exception, autre que son heritier immediat aux acquests ; car Pheritier au propre qui ne le seroit pas aux acquests ne seroit pas incapable de cette donation, comme je le remarqueray sur l’Article CCCCXXXI.

Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre sur l’explication de la clause l’un testament, pour sçavoir si des soeurs étoient comprises dans la donation : Le sieur de Dromme avoit cinq enfans, un fils et quatre filles, le sieur de Chaulieu leur oncle donna par son testament à l’ainée et à la cadette à chacune cinquante livres de rente, et qu’en cas que l’une mourût sans enfans l’autre heriteroit de sa part, sans que le frère ny les soeurs y pûssent rien demander qu’aprés leur mort sans enfans : Les deux soeurs legataires étant decedées, les deux autres soeurs demanderent part aux cent livres de rente, pretendans les partaget avec leur frere, comme étant substituées avec luy par le testament de leur oncle ; le Juge de Vire yant prononcé en leur faveur, le frère en appella à la Cour. Basnage le jeune son Avocat soûtenoit pour luy que cette Sentence n’étoit pas juridique, et que ses soeeurs ne pouvoient voir aucune part en cette rente, parce qu’elles n’étoient point comprises dans la donation, et qu’il n’y avoit aucune substitution en leur faveur, et pour le prouver il n’étoit befoin que de tonsiderer exactement les clauses du testament ; par la première, le testateur s’étoit expliqué en ces termes, je donne à mes deux nièces, lainée et la derniere, à chacune cinquante livres da rente : comme cette donation étoit faite à chacune separément, et qu’elles n’étoient conjointes nec re, nec verbis, il est certain qu’aprés la mort de l’une des donataires sans enfans, le frere luy auroit succedé au prejudice de celle qui auroit survécu ; mais le testateur dont l’intention étoit que ces deux soeurs succedassent l’une à l’autre fit une substitution vulgaire par cette autre clause, qu’en cas que l’une predecedat saus anfans l’autre luy succedera, et comme s’il avoit craint que cette substitution ne fût pas assez nettement expliquée il y ajoûta ces paroMs, sans que le frere ny les fours y puissent rien demander qu’aprés la mort des donataires sans anfans.

Or bien loin que ces dernieres paroles contiennent une nouvelle disposition en faveur des oeurs, qu’elles font même leur exclusion ; le terme sans que étant exclusif dans sa signification.

naturelle et commune : l’on en trouve un exemple en l’Article CCXLV. qui contient ces paroles, les héritages venus du côté paternel retournent toûjours par succession aux parens paternels, comme aussi font ceux du côtè maternel aux maternels, sans que les bient d’un côté puissent succeder à l’autre : D’où il resulte que ces termes sans que ne disposent pas, mais qu’ils excluent, et que par consequent le donateur faisoit plûtost la confirmation d’une substitution en faveur de celles à qui il donnoit, qu’une nouvelle disposition ou substitution en faveur du frère et des soeeurs. Il faut donc considerer ces paroles non comme une dispofition particulière, mais comme la liaison et la suite, ou pour mieux dire la confirmation de la subftitution que le testa-teur ordonnoit en faveur des deux donataires.

En effet si le testateur avoit eu la pensée d’étendre sa lberalité au frere et aux deux autres seurs des donataires, il ne se seroit pas expliqué de cette manière ; aprés avoir substitué les deux soeeurs l’une à l’autre, s’il avoit voulu faire passer la donation au frere et aux seuts, et les rendre également donataires, il auroit continué de dire, et en cus de decez des deux seurt sans enfans, je veux que les cent livres de rente retournent ou soient partagées entre le frère et les seurs, et alors ayant fait une substitution graduelle la rente leur eût appartenu également, mais le testateur s’est expliqué en des termes contraires, car aprés avoir exclus le frère et les soeurs d’y rien demander qu’aprés le decez des legataires sans enfans, il finit là sa disposition, I ne donne plus rien, et il ne se met point en peine de ce que les choses données deviendront, et aprés avoir dit en termes exclusifs que le frere et les seurs ne pourroient y de-mander part qu’aprés le décez des donataires, il laisse les choses dans le droit commun, il veut bien qu’elles prennent le cours ordinaire, et qu’elles soient partagées suivant la Coûtume.

L’on ne peut objecter que le testateur ayant fait mention des foeuts, son intention appasente a été qu’elles pûssent avoir quelque part à cette donation : car on répond que comme au temps de la donation il y avoit un frere, et qu’il pouvoit mourit avant ses soeurs donataires, il étoit necessaire de parler des soeurs par cette raison que les heritiers ab intestat du restateur auroient pretendu que le frere seul auroit pû demander la rente, et que n’étant point fait mention des sours la rente leur seroit retournée, et c’est pourquoy comme son intention étoit que cette rente ne retournât point à ses heritiers aprés avoit substitué ses deux niéces legataires l’une à l’autre, il ordonne encore que leur frere et leurs soeurs n’y pourront demander part qu’aprés leur decez, ce qui veut dire seulement qu’ils pourront leur succeder selon la part qu’ils y pourront avoir à droit successif.

Car il est impossible que quelqu’un puisse être reputé donataire, qu’en vertu de quelque disposition qui contienne une donation : Or tant s’en faut que le frere et les surs fussent compris dans la clause dispositive de la donation, qu’ils en sont expressément exclus par cette d clause, sans qu’ils y puissent demander part : d’où il resulte qu’ils ne peuvent avoir droit en la donation que selon le droit de succeder étably par la Coûtume, puis qu’ils n’y pouvoient rien pretendre que conditionnellement aprés la mort sans enfans des deux soeurs legataires : C’est un principe en droit que conditio nunquam difponit, nec donationem nec difpofitionem inducit ; lors qu’on reserve quelqu’un à demander sa part l’on ne luy donne rien, mais on le laisse dans le Droit commun, pour y venir dans l’ordre qu’il y est appellé par la Coûtume.

C’est une question célèbre an filii in conditione positi sint in difpositione ; Par exemple, je donni vons mes biens à Titius, et Sil decede sans enfans je luy substituë Sempronius. Titius vend tout les biens qu’on luy avoit donnez, puis il meurt et laisse des enfans, il est certain que la substitution faite en faveur de Sempronius est caduque ; mais il y a grande difficulté sur ce pointi à sçavoir si les enfans de Titius ausquels ces biens pouvoient venir conditionnellement étoient compris dans la disposition, et s’il y avoit quelque substitution pour eux 1 Car s’ils étoient subsstituez en vertu de cette condition, si Titius decede sans enfans, ils viendroient à la succession de leur pere de leur chef, jure suo, et non de celuy de leur pere, et par consequent ils ourroient revoquer les alienations qu’il avoit faites des biens de Titius, parce que suivant l’Authent. Res que C. commun. de legat. res que restitutioni subjacent prohibentur alienari ; mui suivant les Arrests du Parlement de Paris et l’opinion commune des Docteurs, les enfans mis en condition ne sont point compris dans la disposition, et ils n’y peuvent rien pretendre, qu’ab intestat, parce que conditionalia non difponunt.

Il faut refoudre la même chose dans l’espece dont il s’agit, les soeurs ne sont point conte nuës dans la disposition, mais dans la condition, sans qu’elles puissent y rien demander qu’apres leur decez sans enfans, c’est à dite ab intestat ; or n’étant point capables de succeder il ne leur est rien echû

Sil y avoit eu une substitution les soeurs donataires n’auroient pû aliener cette rente cependant l’on ne pourroit pas soûtenir qu’elles n’en eussent la pleine disposition, puis qui seurs heritiers ab intestat n’y pouvoient rien demander qu’aprés leur decez Le Fevre pour les soeurs lntimées répondoit que si elles demandoient part à cette rente à droit successif qu’elles y seroient mal fondées, parce que les mâles excluent les femelles, mais que le titre de leur demande est pro donato : qu’il étoit vray que le testateur leur oncle avoit eu de la predilection pour leurs deux autres soeeurs, mais en suite il avoit voulu qu’en car de predecez la rente passât à l’Appellant et aux Intimées, et pour cet effet il ordonna dans son testament une substitution graduelle, voulant que si les deux personnes les premieres nommées dans sa disposition décedoient sans enfans, la rente appartint à leur frere et à leurs seurs, de sorte que l’on ne peut pas dire qu’elles ne soient point comprises dans la disposition, quoy qu’il soit vray neanmoins qu’elles ne soient substituées que conditionnellement, et c’est la même chose que s’il avoit dit, je donne â mes deux nièces cent livres, et en cas qu’elles meurent sans enfans, je les donne à leur frere et â leurs seurs : l’on ne peut contester que s’il avoit parlé de la sorte, elles ne fussent substituées aussi-bien que leur frère, le testateur ayant pû imposer à sa liberalité telle condition qu’il luy a plû : Or il n’y a aucune différence entre cette façon de parler et celle dont il s’est servi, et s’il n’avoit pas eu la volonté de leur donner il n’auroit pas fait mention d’elles, car il n’ignoroit pas que par la Coûtume elles n’auroient pû suc-ceder à leurs seurs : Par Arrest du 12. Mars 1680. la Sentence fut cassée, et la rente ajugée au frere. Les Parties étoient Jacques de Bures, Ecuyer sieur de la Morandière, Appellant, et Nicolas de Berolles, ayant épousé Jaqueline de Bures, et le sieur du Boullot, Tuteur des enfans de feuë Demoiselle de Bures, Intimez

Ce tiers des acquests ne peut être donné à la femme par le testament de son mary : Pour éluder la rigueur de cet Article, Pierre Pequet fit son testament le premier d’Aoust 1629. et le 15. de Septembre ensuivant il vendit une ferme qu’il avoit acquise au nommé Housser moyennant six mille livres qui luy furent payées : Etant mort huit jours aprés sans enfans, laissant divers heritiers au propre et aux acquests, Centurion de Beauvais soûtenoit que cette vente de partie des acquests huit jours avant la mort du mary avoit été faite en fraude de l’heritier, et contre la Coûtume qui défend de donner des acquests par testament, s’il n’est fait trois nois auparavant, pour en faire tomber les deniers au profit de la geuve légataire universelle ses meubles. Marie Cavelier, veuve de Pecquet répondoit que son maty avoit vendu un acquest non sujet à remploy, comme il avoit acquis il pouvoit revendre et reduire en argent ce qu’il avoit acquis par argent, que l’on pouvoit vendre en tout temps n’y ayant point de Loy qui restreigne la liberté des hommes pour la vente de leurs biens, il falloit prendre les choses en l’état qu’elles se trouvent au temps que la succession est ouverte, et l’on ne pouvoit reputer immeubles les deniers procedans de cette vente : Par Arrest en la Chambre de l’Edit t du 6. de Mars 1630. les deniers du prix de cette vente furent ajugez à la veuve, et l’acquereur maintenu en son acquest

Si le mary avoit donné à sa femme l’usufruit d’un héritage et la proprieté à un autre, on demande si la donation de cet usufruit étant nulle la pleine proprieté-du fonds appartiendroit à ce legataire ; L’on soûtient l’affirmative, par ces raisons que le legs fait à la femme étant inutile et caduque l’usufruit est consolidé à la proprieté, et il retourne au legataire jure accrescendi, l. Si alii de usufr. legat. ususfructus finitus consolidatur cum proprietate.

L’heritier répond que la femme est legataire, non erant conjuncti re aut verbis, et partant non st locus juri accrescendi, et le legs qui est inutile en la personne de la femme doit demeurer à l’heritier, l. Conjuncti, a1. de legat. 2. à quoy la Loy Si alii n’est point contraire, car dans l’espèce de cette Loy, Vni fundus, alteri ususfructus fundi erat legatus, & apparet legatarios concurrere conjunctosque esse in usufructu ; mais dans le cas proposé la proprieté seule étoit donnée à l’un, et l’usufruit à la femme, sic disjuncti érant re et verbis, et pour la consolidation on. ne peut dire que l’usufruit ait fini, parce qu’il n’a jamais commencé, la femme ne le pouvant voir, l. Mulier de condit. et demonstr. et il est demeuré entre les biens de la succession. Mi Duval a traité cette question, de reb. dub. tract. 3. 4. 1. et il estime que l’heritier doit joüir de cet usufruit tant que la femme vivra, l. Codicillis de annu. legat. ce qui paroit raisonnable, n’étant pas juste que le legs de la proprieté demeurât inutile, puis que le legataire étoit capablende le recevoir

Le mary n’est pas seulement interdit de donner à sa femme le tiers de ses acquests, cette trohibition s’étend jusqu’aux parens d’icelle, soit qu’il le fasse ouvertement ou indirectement, et ces paroles, aux parens d’icelle, ont été prudemment et utilement ajoûtées. Dans les Coûtumes où elles n’ont pas été employées, comme en celle de Paris on a fort agité la question si le mary pouvoit donner aux parens de sa femme ; On trouve un Arrest dans le Journal des Audiences, l. 5. c. 9. par lequel il a été jugé qu’un mary peut déguer à la mère de sa femme quoy qu’elle fût decedée peu de temps aprés, et que sa fille temme du testateur eût recueilli sa succession, si cela est permis on peut éluder aisément la Coûtume qui prohibe aux conjoints de se faire aucun avantage, la décision en est précise en la l. Si pponsus, 8. generaliter, ff. de Donat. inter vir. & uxor. La l. Cum hic status. 5.Grat . au même titre. On alléguoit au contraire la l. Si verb 64. au commencement, et au S. dernier, D. Solut. Matrim. maritus servum dotalem manumittit, omne quod ad eum tanquam ad Pa-tronum aut ad heredem ejus pergenerit, ad mulierem pertinet. Le Jurisconsulte demande, cum de viro heredeque ejus lex tantùm loquatur, de socero autem ejusque heredibus nihil dictum sit, an eo casu quo deficit lex utilis, actio danda sit mulieri adversus socerum, cum sit eadem ratio, et respondet ex sententia Labeonis non esse supplendum, cum sit omissum ; mais ce qui pouvoit faire la décision, c’est que par l’Article 183. de la Coûtume de Paris il est permii aux conjoints de donher aux enfans de l’un d’eux d’un precedent mariage, au cas que le donnant n’ait enfans ; mais comme ces donadons ne feroient point valables païmy nous, il est prohibé de donner aux parens de la femme ; et quand la Coûtume n’auroit pas ajoûté une prohibition formelle de donner aux parens de sa femme, elle auroit dû être suppleée de droit, nam ex pensonarum conjunctione prasumitur tacitè accommodata fides de restituendo incapaci, l. Fraus et contra legem, D. de legibusi plusieurs ont été de ce sentiment que la seule proximité ne suffisoit pas, si elle n’étoit soûteque par d’autres presomptions.

Par Arrest du 24. de Juillet 1665. il fut jugé que la donation faite par le maty de tous ses meûbles au fils de sa femme étoit sujette au remploy des acquests faits par le mary avant son second mariage avec la mère de ce fils legataire, parce qu’il les avoit alienez durant ce second mariage, en cas toutefois que les acquests faits durant ce seconn mariage ne fussent pas suffisans de porter-ce remploy

Il n’est pas neanmoins défendu an mary de donnel de ses meubles aux parens de sa femme.

Riquet avoit épousé une veuve qui avoit une fille sortie de son premier mariage avec le nommé Plainpel, le bien de cette veuve consistoit tout en menbles, dont il ne fut constitué aucune partie en dot, mais elle devoit rempotter tout en cas que son mary mourût avant elle, et si elle le predecedoit tout restoit à son profit : Ce mary quelque temps aprés donna à ladite Plainpel fille de sa femme deux bâteaux qui luy appartenoient, cette donation fut contestée par ses heritiers comme ayant été faite par un mary à la fille de sa femme contre la teneur de cet Article : Jourdan mary de ladite Plainpel remontroit que cet Article ne défendoit que la donation des immeubles, et non point celle des meubles, et puis que le mary qui n’a point d’enfans peut donner la moitié de ses meubles à sa femme, rien ne l’empesche de les donner aux parens d’icelle ; le Vicomte et le Bailly confirmerent la donation : Par Arrest, au Rapport de Mr Busquet, du 20. Novembre 1669. la Sentence fut cassée, et en reformant sedit Riquet fut déchargé de l’action de Jacques Jourdan : Le motif de l’Arrest fut que le mary n’avoit aucuns immeubles, cessant quoy la donation eût été confirmée : Les Parties étoient Nicolas Riquet, Appellant, et Jacques Jourdan, et Marie Plainpel, Intimez, Catherine Druel n’avoit fait aucune mention par son testament de Christophle, Guillaume et Pierre Fruel ses neveux, et heritiers au propre maternel, parce qu’elle les croyoit ses heritiers aux meubles et acquests, mais ayant sçû qu’ils étoient exclus par un autre parent, elle ajoûta à son testament qu’elle léguoit le reste de ses meubles et le tiers de ses acquests depuis étant avertie que cette donation du tiers des acquests par testament n’auroit point d’effet si elle ne vivoit trois mois aprés, elle vendit au sieur Adelin un héritage qui ne faisoit pas neanmoins le tiers de ses acquests, afin’que les deniers de cette vente comme étant un meuble tombassent au profit de ses neveux. Le nommé le Grefier heritier aux meubles et acquests fut reçû à faire preuve de quelques faits de suggestion, dont lesdits Druel ayant appellé devant le Bailly, il debouta le Grefier de l’appointement en preuve, et ajugea tous les meublos aux legataires, à la réserve des deniers provenant de la vente de l’héritage ; Les Parties ayant respectivement appellé de cette Sentence, le Grefier se plaignoit qu’on ne l’avoit pas reçû à la preuve de ses faits de suggestion, et les legataires disoient qu’on leur avoit fait gries en leur retranchant les six mille quatre cens livres qui faisoient le prix de l’héritage vendu : les faits de suggestion n’étoient pas éonsidérables, on contesta principalement sur la validité de la ventei on la faisoit passer comme une fraude contre cet Article, dont on avoit voulu rendre la disposition illusoire en faisant vendre ce qu’on ne pouvoit avoir par donation, voyant que la te-statrice ne pouvoit survivre les trois mois aprés son testament : Les légataires remontroient qu’on n’avoit rien fait contre la disposition de la Loy, le pere ne peut faire on avantage à l’un de ses enfans au prejudice des autres, et toutefois il peut changer la nature de son bien, le maty ne peut donner à sa femme ; il est neanmoins en sa liberté de vendre les acquests qu’il a faits hors bourgage pour les remplacer en bourgage où sa femme aura la moitié : La défunte ne devoit pas avoir moins de liberté, elle pouvoit n’acquerir pas, elle a donc pû revendre ce qu’elle avoit acquis : Par Arrest du premier d’Aoust 1651. la Cour sur l’appel du Grefier mit les Parties hors de Cour, et faisant droit sur l’appel des legataires en infirmant la Senrence, on ajugea aux legataires les six mille quatre cens livres provenant de la vente faite au sieur Adelin.

Le temps de trois mois que le testateur doit survivre pour faire subsister la donation du tiers des acquests, semble induire necessairement que le testament doit être datté, autrement Il seroit impossible de connoître si le testateur seroit mort avant ou depuis le temps ordonnt par la Loy.

C’est une question fort problematique, si la datte est requise pour la validité des testamens Nous ne trouvons rien d’exprés ny de decisif dans les Coûtumes de France, c’est pourquoy les Auteurs qui ont traité cette question ont eu recours au Droit Civil pour la decider, quoy que les autontez qu’on en tire ne soient pas claires et precises.

L’on ne voit point de testamens des Anciens qui ne fussent dattez, Suetone en rapports plusieurs dans la vie d’Auguste : le Testament de Saint Grégoine de Naziante, et : celuy de Baint Remy nous en font encore foy : Outre cet usage on cite plusieurs Loix qui paroissent en établir la necossité ; la première est la l. 2. 3. Diem D. quemadm. testament. aperaM Cujas se sert de cotte Loy pour prouver que la datte étoit necessaire, voicy comme il parle : Vt in l. 2. S. Diem, non valet testamentum jure Civili, jure solenni, in quo non effet adjectus dies G Consul, la l. Sancimus 27. C. de testament. est encore précise pour la datte, si autem testator tanaum dixerit non voluisse prius testamentum stare, vel aliis verbis utendo contrariam aperuerit vo-luntatem ; et hoc per testes idoneos non minus tribus vel inter acta manifestaverit, et decennium elapsum fuerit, tunc irritum est testamentum tam ex contrariâ voluntate quam ex cursu temporali : Il falloit donc que le testament fût datté pour sçavoir s’il y avoit dix ans qu’il eût été fait, que si la datte n’eût point été nécessaire au testament, cette Loy eût été inutile.

On se sert encore de la Loy Hac consultissima, du même Tit. quo facto, parlant du testament mystique et secret, et testibus uno eodemque tempore conscribentibus et conssnantibus testa-mentum non valore : Ces termes donnéht à connoître qu’il falloir que les teffamens fussent datrez

Mais aprés la I. Hac consultissima, S. Qupd si C. de testament. on ne peut plus douter que la Justinien t datte ne fût de l’essence des testamens ; car quoy que Justinien eût dispensé le testament holographe du pere entre ses enfans de toutes formalitez, il le laisse neanmoins assujeti à la nécessité de la datte qu’il est obligé de mettre tout au long, et non point en abregé, nisi qui tquivalens quod sine subscriptione ita procedit, fi pares literas edoctus manu propriâ, non fignis, sed literarum consequentia declaret & tempus, &c.

Pour confirmer pleinement la vérité de cette doctrine, on allégue ordinairement un Passage de Saint Chrysostome dans son Homelie 3. In verba Isaiae, vidi Dominum Testamentun abulasque de nuptiis de debitis deque liberis contractibus nisi in frontispicio Consulum annos habeaut prescriptos, nullam ex se vim habent.

L’Ordonnance d’Orléans, Article 167. est encore formelle pour la nécessité de la datte, elle oblige nommément les Notaires de la mettre aux testamens : Or les raisons qui ont servi de motif à cette Ordonnance pour obliger les Notaires à datter les testamens se rencontrent pour les testamens holographes ; voyez les 8. 9. et 10. Art. du Chap. 18. de la Coûtume de Berry.

La necessité de la datte se trouve établie sur cinq raisons principales ; la premiere, pour obvier aux faussetez ; la seconde se tire de la multiplicité des testamens, car il n’y a que le dernier qui soit valable, il faut donc qu’ils soient dattez pour le connoître ; la troisième, es que cela sert pour connoître la volonté du défunt, voluntas defuncti qualis fuerit infbici debet, dum testamentum ordinat, & fecundum tempus testamenti, l. in delictis, 5. Si extraneus, de noxal. act. la quatrième se tire des inconveniens qui arriveroient si les testamens n’étoient point dattez, on seroit presque toûjours dans l’incertitude si un testament est valable ou non, parce qu’il n’y a que la datte qui nous fasse connoître si le testateur avoit les qualitez requises pour ester ; la cinquiéme, qu’un testament n’est point reputé solennel si le testateur n’y a mis li dernière main, et qu’il ne paroisse avoir été fait avec meure deliberation, ce qui ne peut être presumé en une personne qui obmet la datte, parce que l’obmission d’une chose ordinaire et accoûtumée fait croire ou que le testament est imparfait, ou qu’il a été fait sans application d’esprit, ou avec mépris, nam que notabiliter fiunt, nisi fpecialiter notentur, videntur quasi neglecta, l. apudLabeonem , 5. ait Pretor, ff. de injuriis.

Pour les Docteurs plusieurs ont parlé de cette question, mais pas un ne l’a traitée à fondsBalde ,Panorme , Alexandre, GuiPapé , Cornaens, Richardus,Rebuffe ,Viger Buridan :Ricard , p. 1. c. 5. sect. 7. et de laLande , Article 189. de la Coûtume d’Orléans, ont estimé que la Modestin datte étoit necessaire. Pour l’opinion contraire on allégue un Fragment de Modestin, cum, nquit, in testamento dies et Consul adjecti non sunt, nihil nocet quominus valeat testamentum : ur quoy Mr Cujas a dit que suivant le sentiment d’Ulpien en la l. 2. in Comment. Ad l. qui testamento, quemadmodum testamenta aperiantur dies et Consul adscribi solebant, sed si non fuerit adscriptus, non ideo minus testamentum valet : On s’aide aussi de la l. cûm tabernam, 8. Idem quesiit, ff. de pignoribus, non idem pignus cessare, quod dies et Consules additi non sunt. On ne manque pas aussi de Docteurs qui ont tenu cette opinion,Alciat ,Ragueau ,Charondas , DeLommeau , Tronçon et Guerin, et sur tout MrCujas .

Modestin Mais on peut repartir que le Fragment de Modestin ne peut faire de décision, n’étant point compris dans la compilation du Digeste, on a même sujet de croire qu’il en a été rejetté comme étant contraire au sentiment d’Ulpien , qui est inséré tout au long dans la l. 2. ff. quemadmodum testamenta aperiantur

Quant à la I. Cum Tabernam, elle ne peut s’appliquer à cette question, parce qu’il ne s’agit que de sçavoir si une obligation qui étoit déja valablement contractée se pouvoit annuller par une lettre écrite en suite où il n’y avoit point de datte ; Le Jurisconsulte répond que non, et il dit même que la signature n’étoit pas necessaire, respondit, cum convenisse de pignoribus videatur, non idcirco pignoam obligationem cessare, quod dies et Consul additi et tabula signata Modestin non sint ; ce Fragment de Modestin et cette l. Cum tabernam avoient fait rejetter à Mr Cujas la

DES TESTAMENS. 422

nécessité de la datte, comme je l’ay déja remarqué ; mais dans son Commentaire sur le Titre du Cod. Quemadmodum testamenta aperiantur, il semble en quelque façon avoir changé d’avis ; et tenu que la datte étoit necessaire jure civili, sed non jure Pratorio. Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre pour Dame Claude de Nets, femme de Messire Gilles de uelan, Baron du Tiercant, et la Dame de Bourgon, Appellantes de Sentence des Requêtes du Palais à Paris, et renvoyées en ce Parlement par Arrest du Conseil, et Messire Paul de la Barre Ecuyer, tant en son nom qu’en celuy des enfans de Nicolas de la Barre ; et Claude de Nets, Intimez : Il s’agissoit de la validité d’un Codicille holographe du feu sieur Martin que l’on arguoit de nullité par ces trois moyens ; le premier, par le manquement de datte ; le second, parce qu’il étoit annullé tant par le testament du 13. d’Octobre 1657. que par la reconnoissance d’iceluy faite devant Notaires le 17. de Novembre ensuivant ; le troisiéme, que c’étoit un Acte imparfait et abandonné : La Cause ayant été plaidée par Greard pour la Dame de Bourgon, et par moy pour la Dame du Tiercant, et par Maurry pour les Sieurs de la Batre et de Nets, elle fut appointée au Conseil, et depuis par Arrest, au Rapport de M’Fermanel, du mois de May 1666. on n’eut point d’égard au manquement de datre, parce que le temps du Codicille étoit prouvé d’ailleurs, et l’on confirma le Codicille. La plus commune opinion est que pour les testamens passez devant Notaires, ils doivent être dattez en consequence de l’Ordonnance d’Orléans qui l’enjoint aux Notaires. Pour les testamens hologra-phes, Tronçon dit que le Parlement de Paris a jugé que le jour et l’année n’y sont point necessaires : La Coûtume de Paris, Article 289. n’ordonne point que les testamens doivent avoir une datte : Mais la Coûtume en cet Article semble prescrire la nécessité de la datte, car n’approuvant la donation du tiers des acquests qu’à condition que le testament soit fait trois mois avant la mort du testateur, il faut necessairement que le testament soit datté pour connoître s’il y a trois mois écoulez depuis la confection du testament, soit que le testament soit holographe ou passé devant Notaires.

Il me semble donc pour la resolution de cette question que la datte n’est point necessaire quand le testateur ne donne que les choses dont il peut disposer dans tous les momens de sa vie, et sans aucune limitation de temps ; mais quand il s’agit d’une donation d’acquests, qui ne peut valoir si le testateur n’a survécu un certain temps limité par la Coûtume, le manquement de datte emporte la nullité de la donation, et le donataire n’est pas recevable à prouver autrement que par écrit que le testateur avoit fait son testament trois mois avant sa mort.

On éviteroit beaucoup de surprises et de suggestions, si ce que la Coûtume a disposé pour la donation du tiers des acquests étoit étendu à toutes sortes de dispositions testamentaires, à sçavoir qu’un restament ne pourroit valoir s’il n’étoit fait quelque temps avant la mort du testareur, et qu’il ne fût point permis de faire un testament lors que l’on est prest de rendre le dernier soûpir.

On n’est pas recevable à prouver que le testateur a antidatté son testament holographe, ce seroit faire une injure au défunt, ce qui n’est pas recevable de la part d’un heritier : par la disposition du Droit les parens collateraux ne pouvoient accuser un testament d’inofficiosité, fratris vel sororis filii, patrui vel avunculi, amita etiam & materterae testamentum inofficiosum frnstra dicunt, cum nemo eorum qui ex transversali lineâ veniunt, excepris fratre & sorore ad inoffi-z ciosi querelam admittatur. l. Fratris Cod. ad inofficiosi querelam. Cette question s’offrit en l’Audience de la Cour entre les heritiers de Nicolas du Chemin, Ecuyer sieur de la Vaucelle, Appellant, et les legataires du défunt, qui avoit donné par son testament cent cinquante livres de rente faisant partie de ses acquests ; le testament étoit écrit et signé dudit défunt ; les heritiers vouloient prouver que le défunt l’avoit antidatté, et encore qu’il eût été fait u mois de May un mois avant sa mort, qu’il l’avoit datté du 20. de Mars 1620. ce que les legataires soûtenoient n’être pas rècevable, le Juge de S. Lo avoit ordonné que le testament seroit executé tant sur les meubles que sur les acquests ; la Cour par Arrest du 21. de Juin 1622. confirma la Sentence, et condamna les heritiers aux dépens pour avoir injustement disputé Je testament du défunt.

Il suffit que la Coûtume permette les testamens holographes, et quand on use de la liberté qu’elle a donnée, l’on ne doit point aller plus loin que sa prevoyance, et l’on ne doit pas être admis à dire qu’un testament de cette nature a été antidatté : enfin la Coûtume n’autorise la do-nation du tiers des acquests que quand le testateur n’en a point disposé entre vifs : si les donations sont excessives la reduction se doit faire sur les dernieres, et non pas sur les premieres, que enim priùs ritè facte sunt, non possunt à consecutis infirmari jure semel quesito, cela est sans difficulté pour les donations entre vifs, en vertu desquelles le droit est pleinement acquis au donataire. Il n’en est pas de même pour les donations testamentaires, quarum effectus post mortem collatus est ; en ce cas, dit Mr d’Argentré , si elles ont été faites en divers temps, et que T’effet en soit différé aprés la mort, tous les legataires concurrent in puncto mortis et ejusdem. remporis fiunt, ideo de singulis distrahendum citra considerationem data, et rationem habet à juaee, qui a cum effectus omnium concurrat in puncto ejusdem temporis habendae sunt omnes.

Par cette même raison pour reduire l’excez d’une donation testamentaire, on ne considere

Tome Il.

Gg

Godefroy pas les biens que le testateur possedoit au temps du testament, mais ceux qu’il laisse en moutrant, et Bérault a justement repris Godofroy qui tenoit le contraire.

Aprés avoir expliqué ce que l’on peut donner par testament, il faut connoître aussi comment le testateur peut revoquer ce qu’il a donné.

La revocation des legs est beaucoup plus aisée que celle des testamens ; car nôtre Jurisprudence et la Romaine conviennent en ce point, qu’il n’est pas necessaire que la revocation soit folennelle, comme celle d’un testament qui ne peut être revoqué que par un Acte de pareille qualité : Le testateur le peut faire par toutes sortes d’Actes, c’est assez qu’il paroisse qu’il l’a voulu et qu’il ait changé de volonté, et comme il étoit le maître de la liberalité il a pû la revoquer en tout ou partie, ôter l’usufruit et laisser la proprieté, ou au contraire revoquer la proprieté et donner seulement l’usufruit, et d’un legs pur et simple en faire un conditionel, l. 7. D. de adimen. legan mais par la revocation ou par la diminution d’un legs Sarticulier, le legs general n’est pas revoqué : Cum Titro quis centum legasset, & Codicillis ita idem legasset. Titio quinquaginta hec amplius beres meus dato, non amplius quinquaginta legatarium petiturum, l. 3. 5. 10. D. de adimen. legat. il peut donner une chose pour une autre, qui bominem legat et Stichum adimit, non perimit legatum, sed extenuat, l. 11. eod. Enfin pour la revocation d’un legs, c’est assez qu’il soit constant que le testateur l’a voulu revoquer.

La revocation se peut faire en deux manieres, par adomption, et par transtation : par ademption, lors que le testateur ôte ce qu’il avoit légué ; par translation, lors qu’il transfere à Titius ce qu’il avoit légué à Seius.

L’ademption d’un legs peut être expresse ou tacite, lors que le testateur declare expressé. ment revoquer ce qu’il avoit donné, il ne reste aucune action au legataire pour le demanderi car c’est une maxime indubitable que la derniere volonté des testateurs prévaut toûjours à la remiere lors qu’elles sont contraires et opposées, l. 6. de adimen. legnt. et quoy que le testateur n’ait pas expressément déclaré qu’il revoque le legs, si neanmoins il se trouve raturé et effacé dans son teftament, il est suffisamment revoqué, nihil interest inducatur quod scriptum est, an adimatur, l. Nihil D. de adimen. lagat

L’ademption tacite se fait lors que le legs n’est pas expressément revoqué, mais l’on presume par ce que le testateur a fait depuis son testament que son intention a été de le revon uer ; le Titre du Digeste De adimendis legat. en contient plusieurs moyens, et cette matiere l été nouvellement traitée par M Jean Ricard en son Traité des Donat. p. 3. Chap. 3. sect. 3 et suivans ; mais comme ces revocations tacites sont ordinairement fondées sur des confectu res et des prefomptions appuyées sur l’intention vraysemblable du testateur, il y a souvent de la peine à concevoir son intention, et à interpreter les tormes dont il s’est servi, ut pluri. mùm, dit MrCujas , in comm. Ad l. 19. de usu et ufufr. occurrit volimtatis questio, et la-dessus l donne des regles pour sy conduire ; les moyens et les conjectures dont on pretend se sertir pour connoître les véritables sentimens des testateurs sont en si grand nombre, que le Cardinal Mantica en a composé un Livre entier, et cependant aprés tout cela il refte encore an nombre infini de difficultez

La regle la plus generale que l’on propose sur ce sujet, est qu’il faut sur tout avoir égard à la volonté du testateur, in testamentis pleniùs voluntates testantium meurpretamurt, l. in testament. ff. de regul. jur. mais lors que les paroles sont claires et qu’elles n’ont point besoin d’in-terpretation, on ne doit point faire de questions sur la volonté presumée du testateur, ubi verba clara sunt, non debet admitti voluntatis questio : lors que son mtention n’est pas pleine ment éclaircie, l’on fait valoir toutes les presomptions et les circonstances qui se rencontrent et l’on a plus d’égard à cette volonté pour la soûtenir, qu’aux parples et aux termes. dont il s’est servi pour la rédiger par écrit : in conditionibus testamentorum voluntatem potius quam verba considerari oportet, l. Pater sever. 1o1. de condit. et demonst. ff. et au conuraire on a quelquefois plus d’égard à ce qui est écrit qu’à ce qu’on a pensé faire, inierdum plus valet scriptura qudn quod peractum est, ut patet ex l. 19. de usi et usufr. M Cujas remarque quod et fi potior sit quidem voluntas testatoris subtilitate juris, tamen potior est scriptura certa et indubitatu, quia & voluntatis quae contraria sit scripturae difficillima est probatin, et c’est pourquoy l’on ne doit pas’éloigner de la véritable et naturelle signification des mots pour expliquer les dispositions du estateur, si ce n’est qu’il paroisse tres-clairement que sa pensée n’étoit pas conforme à ses paroles, non aliter à significatione verborum recedere oportet, quam cûm manifestum est aliud sensisse testatorem, l. Non aliter 89. de legat. 3. autrement l’explication qui en sera fane doit avoit quelque vraysemblance et quelque rapport aux termes : que s’ils ne sont susceptibles d’aucunt nterpretation raisonnable, il est plus à propos de la saisser sans effer que de l’intenpreter contre toute apparence.

Lors que l’obscurité ne régarde que l’interest de l’hetitier et du legataire dans le doute on tache à l’éelaircir en faveur de l’heritier, et l’explication se fait au prejudice du legar taire, c’est ce qui a donné lieu à cette autre regle qu’in legatis id quod minimum est sequimur la Cause de l’héritier étant toûjours plus favorable que celle du legataire ; la Coûtume le favorise en toutes rencontres, et il n’a pas besoin d’un titre pour se maintenir en la possession des biens hereditaires, parce qu’ils luy appartiennent par la disposition de la Loy ; mais legataire appuyant sa pretention sur la volonté du testateur, il a besoin qu’elle soit expresse, et que l’on n’en puisse douter

e proposeray quelques-uns de ces moyens par lesquels l’ademption du legs est faite par la Tolonté presumée du testateur ; l’alienation de la chose léguée est un moyen puissant pour faire presumer l’extinction et l’ademption d’un legs, lors que le legataire ne justifie point que le testateur ne l’a point faite volontairement ny par un changement de la bonne volonté qu’il luy avoit témoignée par cette liberalité ; car l’on ne doute point qu’il n’y ait lieu au repentir, et comme le legs n’est point rétranché si l’on ne fait paroître que le testateur a changé de sentiment, aussi il ne peut être demandé si le testateur na point continuéë fa bonne volonté envers le legataire. Cette distinction est faite par la I. Fideicommissa 11.

S. Si rem, de legat. 3. Si rem suam testator alicui legaverit, eamque necessitate urgente alienaverit, Metianus putat fideicommissum peti posse, nisi probetur adimere testatorem voluisse, probatio-mem autem ab heredibus exigendam ; car l’alienation feule n’est pas la cause de l’extinction du legs, mais l’on presume un changement precedent de la volonté du testateur par l’alienation. tubsequente

L’alienation est presumée faite par necessité, soit que le testareur ait vendu volontairement pour acquiter ses dettes, et par la necessité de ses affaires, ou que ses biens ayent été saisis réellement, cette distinction d’alienation volontaire ou forcée n’a point lieu pour les donations, parce qu’elles sont purement volontaires, bien que le donateur parût avoir été obligé en quelque façon d’exercer cette liberalité, la Loy Rem legatam, 18. de adimen. legat. y est expresse, Rem legatam si testator alii vrous donaverit, omnimodo extinguitur legatum, nec distinguimus utrùm propter necessitatem rei familiaris, an merâ voluntate donaverit, ut si necessitate. debeatur legatum, si merâ voluntate, non debeatar. Hec enim distinctio in donantis munificentiâ non cadit, nemo enim in necessitatibus liberalis existit : Quelques Docteurs en exceptent la donation remunératoire ; mais si le donataire n’avoit point d’action pour demander cette recom-pense, la donation étant volontaire le legs est revoqué.

Que s’il est incertain si la donation a été volontaire ou forcée, suivant l’opinion commune des Docteurs l’heritier demeure chargé de la preuve que le testateur a aliené volontairement, autrement le legs n’est point censé révoqué : Menochius de Presumpt. Presumpt. 167. Batry, de Legat. t. 30. Mantica de conject. ultim. volunt. l. 12. t. 6. n. 13. Au contraire du Moulin en ses Nores sur les Conseils d’Alexandre, 1. 7. Cons. 167. soûtient que toute alienation doit être presumée volontaire, et par consequent que le legs est revoqué, si le legataire ne prouve la ne-cessité d’aliener. IlI est certain que l’opinion commune est fondée lur la Loy Fideicommissa que je viens de citer ; mais comme nous ne favorisons pas si fort les testamens, il suffit que se testateur ait aliené la chose qu’il avoit léguée, pour faire presumer qu’il a changé de sentiment.

Quoy que l’alienation ne subsiste point, et qu’elle ne soit pas valable, le legs une fois éteint ne revivra pas pour cela : Mantica, l. 12. t. 6. Menochius de Presumpt. l. 4. Presumpt. 167. Batry, de legat. 1. 9. et l’on n’en excepte pas même la cause pie, nonobstant que Me Tiraqueau en ait fait un des privileges de la cause pie, Privil. 41. Il en seroit de même, quoy que par aprés le testateur rachetât et remit dans ses biens ce qu’il avoit vendu ; car le legs ayant été une fois supprimé, il seroit besoin d’une nouvelle disposition pour le faire revivre : nous en trouvons un exemple en la Loy Cum serbus, 15. de adimend. légat. D. Cum serous legatus à testa-tore, et alienatus rursus redemptus sit à testatore, non debetur legatario opposita exceptione doli mali.

Ce qui me semble devoir êue suivi à l’égard de l’échange d’un fonds légué avec un autre fonds ; car le testateur ayant mis hors de ses mains l’héritage qu’il avoit légué, celuy qui l’a reçû en contr’échange n’est point de plein droit subrogé en sa place sans une déclaration expresse du testateur, quoy queRicard , des Donat. p. 3. c. 3. sect. 3. rapporte un Arrest du Parlement de Paris qui a decidé le contraite, distinct. v. car ayant échangé le fonds qu’il avoit expressément légué, et qui peut être ne luy étoit pas commode pour en avoir un autre à sa bienseance, on ne doit pas presumer qu’il ait pareillement eu l’intention de le donner, et ce n’est point en ce cas qu’il faut appliquer la regle subrogatum sapit naturam subrogati, la raison est que le legataire ne peut demander que ce qui luy a été expressément donné ; on cela ne se trouvant plus en la possession du donateur, sa pretention est sans fondement lors qu’il demande une chose que le testateur n’a jamais témoigné luy vouloir donner : Et il y a bien moins de doute en cette espèce qu’en la precedente ; car le fonds ou l’esclave que le testateur avoit légué et qu’il avoit racheté aprés l’avoir vendu, étoit le même fonds et le même esclave qui se trouvoient en la possession du testateur lors de son decez, de sorte que l’on pouvoit dire que le legs étoit toûjours demeuré dans un même état ; mais l’héritage que le testateur a pris en contr’échange, ne peut jamais devenir le même héritage qu’il avoit légué.

On cite au contraire le Paragraphe dernier de la Loy Imperator, 7o. de legat. 2. cum rogatus effet quidquid ex hereditate supererit post mortem suam restituere, de pretio rerum venditarum alias comparat, deminuisse que vendidit non videtur ; mais outre que cette Loy parle d’un fideicommis, comme l’a remarquéRicard , la Loy Alteri decide expressément le contraire, etiam si pretium in corpus patrimonii redissset, non effe prastandas actiones. Il est vray que par la Loy gater au même titre, si le legs consistoit en une somme d’argent et que le testateur l’eur employée en l’acquisition d’un fonds, le legs ne seroit pas presumé revoqué, et l’héritage acquis appartiendroit au légataire ; les Docteurs pour concilier cette Loy avec la Loy Alteri, disent que la raison de la difference consiste en ce que les deniers se trouvent toûjours en la succession du testateur, non point en mêmes efpèces, mais en la même quantité, pecania semper bereditati inest, non quidem eadem speciea pecunia, fed quantitas ; mais l’héritage que B testateur a vendu n’est plus de sa succession, nec videtur inesse, litet protium ejux redactum fis n corpus patrimonii, comme M’Cujas l’enseigne en ses Commentaires sur ces mêmes Loix. bi pareillement le testateur exige ou reçoit le payement de l’obligation qu’il avoit léguée, e legs demeure sans effet, quoy que ce soit en quelque façon une ademption et extinction. forcée, et bien que le legs ne soit point revoqué par une alienation forcée ; mais le Jurisconsulte en rend cette raison en la l. 11. 8. Si rem, de legat. 3. que mie exringurturipfa substantras nais dans l’alienation forcée res durat, rametsi alienata Jit ; les Docteurs neanmoins ont apporté plusieurs exceptions à cette regle que l’on peut voir dans Baury, de legat. t. 30.

Si l’amitié et la bonne intelligence n’ont point continué entre le testateur et le legaraite, et qu’il soit survenu entr’eux des inimutez capitales, on prefume aisément que le testareur a changé de dessein, l. 3. 5. ultim. de adimend. legat. D. Mais pour sçavoir quelles font les limitiez capitales, on considère la qualité du fait qui a causé leur delunion, la dignité des person-nes, le lieu, le temps, et les autres circonsiances qui peuvent rendre une offense plus auroces car une legere querelle ne suffiroit pas, verba altercatoria non sufficimnt ut legatum videatur ademptum : Mantica, l. l. 5. n. 14. Il faut donc que l’injure soit atrote, et de telle conséqpence que l’on ne puisse douter que le testateur n’en ait conçû un restentiment capable d’effaces toute fa bonne volonté qu’il avoit pour le legataire On a agité cette question, si le legs fait par une personne malade est rensé revoqué par sa convalescence : car les legs et les donations à cause de mort sont de pareille condition : Marcellus, S. Paulus de mort. caus. donat. or la dogation à cause de mort est revoquée, si le testa-reur revient en santé, l. 1. et l. Sematus de mort. caus. donas. Cela neanmoine n’est véritable que quand le legs est fait en ces termes, que le testateur donno en eas qu’il decede de la malaabiae dont il est attaqué ; mais si le legs n’est point fait sous cette condition, comme le testanrent l’est point revoqué quoy que le testateur retourne en santé, les hgs ne le sont point aussisi le testateur aprés sa convalestence laisse les choses au mâme étai.

Ce n’est pas une question probremarique que quand la chose leguée est détruite, soit naturellement ou par cas fortuin, et sur tout pas le fait du testaieur, le legs est absolumens gevoqué ; mais lors qu’il arrive seulement quelque changement en la chose léguée, soit par diminution ou par augmencation, il y a plus de difficulté pour sçavoit si le legs est enecors dû, soit que cette mutation arrive par cas fontuit, ou par la volouté expuesse du testaeur Si par exemple il avoin redifié la maison qu’il avoit léguée, bien qu’il n’y restât plus tien de l’ancien batiment, le legs ne laifferoit pas d’être dû, parce qu’il ne paroit pas qu’en ce faisant le testateur ait changé de volonté : si au contraire la maison avoin été entièremeno ruinée bien que c’eût été par le testateur même, et qu’il l’eûr rebûtie, le legs ne subsisteroit plus, si le legataire ne prouvoit que le testateur avoit perseveré dans son premier dessein, l 8i na legatum, 6. 1. de logat. 1

La mutation d’une espèce en une autre fait presumer un changement de volonté, l. Sual ab horede, D. de aur. et agent. legat. mais si le changement ne touche ny à la foume py à la substance de la chose leguée, le legs ne laisse point d’être dû ; que si le changement dimos nuë seulement le legs, le legataire sera obligé de se contenter de ce qui resse en la possession du testateur, que si au contraire il y a de l’augmentation, elle demeurera au legataire en fou entier, pourvû que le teftateur ait eu dessein de le joindre et de l’unin à ce qu’il possednit auparavant, si modo restator eam partem non separatim possedie, sad uniniersitati prioris fundi adonxit, l. 1o. de legat. 1.

La transtation d’un legs se fait en quatre manieres, l. tnostanis, de adimend. lagas. la premiere, d’une personne a une autre, comme je donne à Titius de que j’avois legué auparavant à Seius ; la seconde, lors que l’un des heritiers qui étoit thargé de payer un legs, est liberé de cette obligation par le testateur qui ordonne à un autre héritier de le payer, quod Titium lare damnavi, Seius dare damnas esto ; la troisième, lors que le testateun legue une chose au leu d’une autre ; la dernière, lors que ce qui étoit légué purement n’est par aprés donné que sous condition.

pour la translation comme pour l’ademption d’un legs, on considere quel a été vraysenm plablement le motif du testateur : Si par exemple un testateur voyant son parent ou sonamy en extremité de maladie et en peril de mort, revoquoit par cotte consideration ce qu’il luy avoit donné pour le laisser à un autre, cette translation suivant la volonté uraysemblable de iestateur ne pourroit subsister si ce premier legataire revenoit en convalescence, parce que le testateur avoit assez marqué son intention de ne revoquer le legs que dans l’apprehenfion de

la moaet du legataire, c’est la disposition expresse du Paragraphe dernlur de la Loy Alumnae, de adimen. legat.

Si pareillement le testateur avoit revoqué ou transferé le legs dans la croyance qu’il avoit que le legataire avoit manqué à quelque chose, et que cela ne se trouvàt point véritable, le premier lega ne haisseroit pas d’avoir son effet, Argum. l. 8ancimuis, C. de penis.

Aprés avoir parlé de la maniere que les legs peuvent être éteints et revoqvez, il faut examiner deux questions importantes : La première, si quand le legs davient caduque foit par l’incapacité ou l’indignité du legataire, soit par son refus ou par sa mort avant le testateur, si portion retourne à l’heritier ou accroit au collegataire, et si le droit d’actroissement a lieu en tootes sortes de donations testamentaires et entre vifs ; Et la seconde, si les legs sont transmissibles à l’heritier du legaçaite, et comment ils pouvent luy appartenir : L’heritier ne profite pas toûjours de l’extinction du legs qui demeure caduque par la considenation de la personne du legatalre, il en peut être exclus par deun moyeno, par le substi-gué lors qu’il y a substitution, ou par le collégataire lors que la chose a été léguée conjointemens à deux personnes.

Le substitué marche avant l’heritier, lors que le testateur au défaut du legataire luy en a sobstitué un autre ; car bien que les substitutions d’heritier foient inconguës en Normandie, il est permis neanmoins de substituer en matière de donations testamentaires ou entre vifs, et chacun a la liberté d’apposer telles conditions qu’il luy plaist aux choses dont la Coûtume luy accorde la disposition, pourvû qu’elles ne foient point contre les bonnes moeurs, comme il demeura tonstant en la Cause plaldée en la Chambre de l’Edit l’11. Mars 1648. entre Jean le Quesnc sieur du Bocage, Appellant, et Ifaac le Bourg, Intimé. Il s’agissoit d’une donation testamentaire faite par Antoine le Quesne à Demoiselle Françoise le Quesne son arrière-niéce, de tous ses meubles et du tiers de ses acquests pour en joüir et les posseder hereditairement et propriétairement, et en cas qu’elle decedat sans enfans, il entendoit que le tout retournat à Jean du Quesne frère de cette Demoiselle : Cette legataire ayant contracté des dettes et étant morte sans vnfans, Isaac du Bourg son creancier ayant faisi ses meubles et ses fermages, Jean du Quesne pretendit que la donation contenant une substitution faite à son profit, la legataire n’avoit pû hypothequer les biens contenus en la substitution, suivant l’Authent. Res. quae, et que l’on ne pouvoit objecter que ces sortes de substitutions étoient prohibées par la Coûtume ; car puis qu’elle permettoit de donnes une certaine portion de son bien, elle laissoit par consequent la liberté aux donateurs d’en disposer à leur volonté. Je répondois pour le Bourg, Intimé, que la question ne consistoit pas à sçavoir si la substitution étoit permise en Normandie en cas de donation, ce qui n’étoit pas revoqué en doute, il s’agissoit leuloment de sçavoir fi les tegmes de la donailon contenoient une substitution, mais qu’en tout cas quand elle y seroit expressément établie, elle seroit nulle par le défaut d’insinuation ; car quoy que l’insinuation ne soit point requise pour les donations testamentaires, il étoit neanmoins necessaire de les insinuer, lors qu’elles contenoient une substitution, ce qui fut juge de la forte, et en ce faisant la saisie requise par le Bourg fut decharée valable ; Lyout plaidoit pour le siour le Quesne.

Cheritier est encore exclus, lors qu’une même chose à été léguée à deux ou plusieurs indivisément et solifairement, et que le partage et la division ne s’en doit faire que par le concours des legataires ; de sorte que si l’un des collégataires ne prend point sa part, le legs sentier demeure à celuy qui recueille le legs, et c’est ce que l’on appelle drois d’accroissement.

Pour counoître quand le droit d’accroissement peut avoir son effat, il faut sçavoir premiorement sa nature, et en second lieu comment les collégataires sont reputez conjoints, pour-entrer en la place de celuy qui ne prend point sa part. On définit en vette manlere le droit d’accroissement, jus conjunctiom, quo quis vocantam, seu defioientom portionem onsequitur ; un voir de conionction en vortu duquel l’un des conjoints prend la portion caduque du collegataire qui ne la prend point

Cette conjonction se fait en trois monberes, I. Triplici, 142. de verb. sagnific. D. les legataires peuvent être conpoints par la chose leguée seulement, l. Re conjuncti, de legat. 3. ce qui se faio en cette manière, fe doune à Jacques ma verra de Rochefort, je donne à Jean ma terre de Rochefors : Pierre et Jean ne sont point conjoints par les paroles, dan on leur donne par une expression et une clause separée, mais on leur donne à tous deux une même chose indiviémens et solidairement, dons la division ne fe doit faire que par le concours des legacaires ; que si le partage ne s’en fait point, soit par le refus du logataire d’aeceptez le logs, ou pour tre décedé avant le testateur, ou pour quolqu’autre cause, le tous demeure au oollegataire.

S. Si eadem res instit. de legat. l. Conjunctim, de legac. 3.

Les lagataires sont conpoints par parolo senlament, lors que le legs est fait en ces termes ; la donne à Piorre ma terro de Rocheforo, je donne à Joun ma maison de Roüen. Ces légataires sont conjoints par parole, mais ils sont entièremeno disjoints et separez par la chose ; or dans le lgs des choses diffierentes. le droit d’aacroissemono ne peut avoir lieu, 1. Egujusmodi, 3. Drbus lo legat. 1.

Mais le droit d’accroissement produit son effet entre les légataires qui sont conjoints, et par la chose et par la parole, comme lors que le legs est conçû en ces termes ; fe donne à Pierre et à Jean ma terre de Rochefort, dict. 5. Si eadem res instit. de legat.

La Glose sur le S. Si eadem res instit. de legat. in verbo defecerit, dit qu’un legs accroit au collegataire en cinq manieres. 1. Si le collégataire n’est point au monde lors de la confection du testament, et qu’il ne soit point né. 2. Si le legs est fait à Titius et au postume qui naiera. 3. Sil legue à son heritier et à Titius. 4. Si le légataire meurt avant le testateur. 5. S’il refuse d’accopter le legs, car on légue inutilement à son heritier. Au contraire en trois autres cas le legs n’accroit point au collégataire. 1. Quand le testateut a donné à son esclave et à rempronius. 2. S’il me dome et à Titius une chose qui luy appartient, nemini enim res sua legari potest, l. Proprias, C. de legat. 3. Quand il me legue et à un incapable, Vid. Glos. in verbo efecerit

Il faut neanmoins remarquer que regulierement le droit d’accroissement cesse, lors que chaque collegataire s’est mis en possession de la part qui luy étoit léguée, l. Aquam, 5. ult. quemadmodum servit. amitt. l. 1. 5. penult. de usufr. accresc. la raison est que la volonté du testateur ayant été pleinement executée, et le partage fait entre les collegataires, il n’y a plus le concours entr’eux, et leurs parts étant separées on excepte de cette regle le legs d’un usufruit, quoy qu’il ait été divisé entre les legataires : neque enim dicitur futuri temporis respectu acquifitus, eum quotidie per patientiam constituitur & adquiritur, l. 1. 8. Interdum de ujufr. iccresc.

Ce droit d’accroissement n’a pas son effet seulement à l’égard des legataires, les institutions d’heritier, les fideicommis tant universels que particuliers y sont sujets aussi-bien que les egs : Il n’y a que la donation entre vifs qui n’en soit point susceptible, la raison est qu’aussitost que le donataire a accepté la donation il devient proprietaire de la chose donnée ; la E tradition luy en est transferée si actuellement, que la chose donnée ne luy appartient pas noins que ses auvres biens, et passe à ses heritiers comme le surplus de sa succession ; de sorte que ce droit d’accroissement ne pouvant avoir lieu que quand la chose demeure indivise, chaque donaraire étant saisi dés aussi-tost que la donation est parfaite, il ne peut plus rien accroi-tre aux autres codonataires.

Mr deCambolas , l. 1. c. 17. a remarqué que les donations entre vifs et les Contrats n’étoient point susceptibles du droit d’accroissement, suivant la l. Si mihi & Titio, D. de Ver-bor. signific. oblig. qu’on l’avoit admis aux donations à cause de mort quoy qu’il y eût de la difficulté, dautant qu’elles tiennent de la nature des Contrats, et sont reputées des liberalitez, comme dit la Glose sur le Paragraphe 1. de Donat. aux Instit. et par consequent éloignées de la nature de testamens ausquels le droit d’accroissement est admis, et neanmoins ces donations à cause de mort n’étant parfaites qu’aprés le decez du testateur, elles sont comparées aux legs.

Cette question touchant le droit d’accroissement aux donations entre vifs s’offrit en l’Ausience de la Grand. Chambre le mois de Janvier 1677. entre les heritiers du sieur du Ménil, sean, Appellans, et Jaqueline le Noir, femme civilement separée d’avec Jean Belaais son mary, lntimée. En 1633. Charles le Chevalier, sieur du Ménil-Jean, donna à Guillaume et Jaqueline le Noir ses enfans naturels par donation entre vifs, la Terre de la Touche ; le sieur de Sainte-Marie heritier du donateur fit déclarer la donation nulle, mais il donna deux cens cinquante livres à la fille en la mariant à Jean Belzais : les choses demeurerent en cet état jusqu’en l’année 1659. que Guillaume le Noir appella de la Sentence qui annulloit la donation, et ayant fait connoître que le sieur de Sainte-Marie même avoit obligé son frère à don-ner cette Terre à ses deux enfans naturels au lieu de ses meubles qu’il pouvoit leur donner, et qui étoient de plus grande valeur : Par Arrest la donation fut confirmée ; à l’égard de la fille elle n’avoit point voulu se joindre au procez, mais Guillaume le Noir son frere étant mort sans enfans en 1674. les heritiers du donateur se mirent en possession de la Terre de la Touche en vertu de la clause de reversion portée par le Contrat de donation : Ce fut alom que Jaqueline le Noir se pourvût par Lettres de restitution contre tous les Actes qu’elle avoit passez, et par Sentence du Juge de Falaise elle fut envoyée en possession de la Terre de la Touche en son integrité. De Meherent pour les heritiers du donateur Appellans, se fonda sur deux moyens ; il pretendit en premier lieu que la donation d’immeubles faite par un pere à ses enfans naturels étoit nulle, suivant l’Article CCCCXXXVII. de la Coûtume, et qu’ayant été jugée telle par Sentence elle l’avoit executée volontairement par son Contrat de mariage, s’étant contentée à la somme de deux cens cinquante livres ; et pour l’Arrest par cquel son frere avoit fait confirmer la donation qu’elle n’en pouvoit tiret avantage, parce qu’elle n’avoit pas voulu se joindre au procez.

Mais il s’arrétoit principalement sur ce second moyen, que quand la donation pourroit subsister il ne luy appartiendroit que la moitié de la Terre, l’autre moitié revenant aux heritiers du donateur à droit de reversion, puis que Guillaume le Noir étoit mort sans enfans, lle ne pouvoit pas pretendre cette moitié par droit d’heredité, les bâtards étans incapables de successions, Article CCLXXV. elle ne la pourroit demander qu’à droit d’accroissement, comme étant conjoints par la chose et par la parole, mais en l’état où sont les choses le droit d’accroissement ne peut produire aucon effet en faveur de l’Intimée ; car quand ce seroit même un legs et une donation à cause de mort de la proprieté d’un immeuble, lors qu’une fois tous les collégataires ont accepté la portion qui leur étoit laissée conjointement, il n’y a plus lieu an droit d’accroissement, on n’excepte de cette regle que la donation d’usufruit, l. 1. 8. Interdum de ususr. acc. in usufructu altero repudiante ; alter totum fundum habet ; l’usufruit ne se con-serve que par la possession, ainfi chaque acte de possession est un nouvel usufruit : Mais on n’a jamais douté que les donations entre vifs n’étoient point susceptibles du droit d’accroissement, parce que dés le moment que la donation est parfaite par l’acceptation elle faisit le donataire, et ses colégataires cessent de luy être conpoints, de sorte que la cause du droit d’accroissement manquant il ne peut plus avoit d’effet. MrMainard , l. 8. c. 72. rapporte un Arrest du Parlement de Tolofe qui l’a jugé de la sorte. Or au fait dont il s’agit la donation avoit été pleinement consommée, et le défunt joüissoit de sa part plusieurs années avant fon decez, et l’Intimée de son côté avoit ranoncé à sa part et lavoit entièrement abantonnée, de sorte qu’au temps de la mort de son colégataire elle ne pretendoit aucun droit à cette Terre. Duaren en son Traité du Droit d’Accroissement, c. 21. In principio, confirme la Maxime que l’on a avancée : Si quis rem sibi adquisitam postea habere noluerit aut amiserit, ea non accrescit conjuncto, et plerumque tanquam derelicta occupanti conceditur ; mais il fait la même exception pour l’usufruit, sed hoc do proprietata inteltigendum est, quia ususfructus constitutus postea amissos nihilominus jus accrescendi admittit. Gomes a dit la même chose dans son Traité, De Jure accrescendi, adde quod licet in proprietate non habeas locum jus accrescendi, quando portio semel fuit : adquisita, secus est in usufructu, quia in eo benè tocum habet jus accroscendi etiam post adquisuionem.

Theroude et Greard pour la mere et les enfans soûtenoient que la donation étoit bonne dans son principe par trois moyens ; le premier fondé sur un premier testament, par lequel le donateur avoit donné tous ses meubles à ses enfans naturels ; le deuxiéme, sur le consentement que le feu sieur de Sainte : Marie Frère du donateur et son heritier y avoit donné ; et le troisiéme, que quand la donation eût été nulles, elle auroit dû être revoquée dans l’an et jour suivant l’Article CCCexXXVII. et à l’égard du droit d’accroissement ils alleguoient qu’il n’y avoit point eu de partage de la Terre de la Touche, et que ce n’étoit qu’en cas de partage des legs que l’acceptation exclud le droit d’accroissement : Par l’Arrest la Cour, suivant les Conclufions de Mr le Guerchois Avocat Genoral, envoya les enfans de Juquelint e Noir en possession de la Terre de la Touche pour la moitié seulement ; ains il fut lugé qu’en donation entre vifs le droit d’accroissement n’a point lieuC’est une Maxime certaine que les legs demeurent caduques lors que les logataies dece-dent avant le testateur ; mais il ne s’enfuit pas necessairement qu’ils soient transmissibles et passent aux heritiers, lors que le legataire a survécu le testateur ; Toutes sortes de legs ne sont point transmissibles, et il faut faire distinction entre le legs pur et simple et le legs conditionnel, le legs pur se divise en réel et personnels Lors que le legs réel est pur et simple, il est acquis au legataire dés le moment de la mort du testateur ; et bien que la demande ne puisse en être formée qu’aprés l’adition d’heredité, toutefois il n’est pas necessaire que l’heritier l’ait acceptée pour asseurer le droit du légataire car quand il viendroit à mourir auparavant, le legs seroit transmis à son heritier : Le Droit Civil a fait difference inter delationem et cesstonem legati, le legs est déféré lors qu’il peut être demandé ; or ne pouvant être demandé qu’à l’heritier, il n est point deféré avant qu’il y en ait un ; mais il est pleinement acquis au legataire par le décez du testateur, cedit à morte testatoris, et l’effet de cette cession est que le legs est tranfmis aux heritiers du legataire s’il meurt avant que de l’avoir reçû, tot. Tit. ss. D. et C. quando dres legat. ced.

Comme l’adition d’heredité n’est pas necessaire pour acquerir le legs et pour le faire passet au legataire, il n’est pas aussi requis qu’il l’accepte, ny mênre qu’il en ait connoissance, suivant le sentiment de Mr Cujas sur la Rubrique quando dies legat. te4t Le legs personnel ne paffe point à l’heritier du legataire, legatum quod persona cohaerer legatarii, ad heredem legatarii non transit, ut legatum libertatis et serbiium personale, l. 8. 5. Tale, D. de liberat. legat. Et nous en avons encore un exemple en la l. sdem julianus de legat. où il secide que la faculté que l’on avoit donnée à un particulier de tirer de la pierre en une certaine carrtère n’appartenoit pas à son heritier, à moins que ce droit n’esst été accorde à ce parti-oulier à canse de sa terre, ce qui rendroit la servitude réedle.

Les legs conditionnels ne sont point transmissibles aux hentiers du lenataire, s’il vient à mourir avant que la condition ait eu son effet, l. 12. 3. Fundo de lecat. 2. l. 1. 8. Cum autemc D. de caduc. toll. la raison est que l’on presume que la condition est toûjours apostée plûtost en faveur de l’heritier que du legataire, Bartolus in l. Illis libertis, D. de condit. et demonstr. de sorte qu’il n’est rien dû au legataire jusqu’à ce que la condition ait eu son effet.


CCCCXXIII.

Femme veuve ayant enfans de quoy peut tester.

La femme veuve ayant enfans vivans habiles à luy succeder lors de son decez, ne peut disposer par testament, ou donation à cause de mort, que d’un tiers de ses meubles.

Cet Article est entièrement fuperslu, la femme étant assez comprise dans l’Art. CCCCXVIII.


CCCCXXIV.

Avantage de meubles à l’un des enfans, défendu.

Pere et mere par leur testament ne peuvent donner de leurs meubles à l’un de leurs enfans plus qu’à l’autre.

La Coûtume a voulu conserver une parfaite égalité entre les enfans, ne permettant pas aux peres et meres de faire aucun legs en faveur de l’un au prejudice de l’autre, il ne seroit pas au pouvoir d’un fils de se tenir à son don et de renoncer pour s’exempter de rapporter ce qui luy auroit été donné contre la Coûtume.


CCCCXXV.

Ceux qui n’ont enfans comment disposent de leurs meubles.

Et quant aux autres personnes qui n’ont enfans ils pourront donner à leurs heritiers ou autres personnes, telle part de leurs meubles que bon leur semblera.

Voicy un cas où l’on peut être heritier et légataire en une même succession : La Coûtume n’a pas jugé à propos d’ôter à celuy qui n’avoit point d’enfans le droit de predilection, elle luy permet de donner tous ses meubles à celuy de ses heritiers que bon luy semblera ; Il n’y a qu’en la ligne directe où l’on ne peut être heritier et donataire en quelque cas que ce soit, mais en la collaterale l’on peut être donataire aux meubles et heritier aux immeubles : Pour les immeubles c’est une Maxime generale que dans une même succession, soit de propre ou d’acquests, l’on ne peut être heritier et donataire, soit en ligne directe ou collaterale : Par la Coûtume de Paris, Article 301. on peut être heritier et donataire entre vifs en la ligne collaterale.


CCCCXXVI.

Pere naturel de quoy peut tester au profit de son fils.

Le pere peut donner par son testament à son fils naturel avoüé, telle part de son meuble que la Coûtume luy permet donner à un étranger.

. Cet Article est conforme à la Loy Divine, suivant laquelle les bâtards ne pouvoient recevoir d’autres presens que de meubles et autres choses semblables ; Genese, Chap. 25. 8. 6.

Parmy les Grecs les bâtards n’étoient capables d’aucune donation de la part de leurs peres, si ce n’étoit d’argent ou de meubles, jusqu’à la concurrence de mille dracmes, mais ils ne pouvoient avoir aucune part en l’héritage.

Par cet Article il n’est pas permis generalement à un pere naturel de donner tous ses meubles à son fils naturel, il ne luy en peut donner qu’autant qu’à un étranger, de sorte que s’il a une femme et des enfans son fils naturel ne peut en avoir que le tiers : Si toutefois cette portion de meubles ne suffisoit pas pour ses alimens, le pere ou ses heritiers seroient obligez de les luy fournir, comme je l’ay remarqué sur l’Article CCLXXV.


CCCCXXVII.

Disposition d’héritage comment est permise par testament.

Nul ne peut disposer de son héritage et biens immeubles ou tenans nature d’iceux, par donation à cause de mort ne par testament, ne en son testament,

encore que ce soit par forme de donation, ou autre disposition entre vifs ou que ce fût en faveur des pauvres où autre cas pitoyable : Si ce n’est au Bailgage de Caux en faveur des puisnez, ou du tiers des acquests comme dit est cy-dessus.

La Coûtume pouvoit s’expliquer encore plus nettement, en disant que nul ne peut disposei le son propre par testament, mais son intention paroit assez par la suite. Pourquoy la Coûtume défend-elle plûtost la donation des propres que celle des acquests : car ce que nous avons de mos predécesseurs ne nous est pas ordinairement si cher ny si agreable que ce qui provient de nos peines et de nos soins, et nous avons plus d’amour pour nos propres ouvrages que pour ceux de nos peres. On peut répondre que la liberté de donner ayant si peu d’étenduë, il étoit juste de laisser à un chacun le pouvoir de donner ce qu’il avoit acquis et qui luy appartenoit absolument plûtost que ses propres, dont il semble que la Coûtume ne le fait que de depositaire, et qu’elle ne les luy donne qu’avec cette condition tacite de les conserver à sa famille ; et comme on auroit eu plus d’inclination à conserver ses acquests que ses propres, la Loy nous force à reverer la mémoire de nos ancêtres en conservant les biens qu’ils nous ont laissez.

Dans le Royaume de Pologne par l’Ordonnance des deux Sigismonds conforme aux anciennes Coûtumes, il est défendu de disposer par testament de ses immeubles de quelque nature qu’ils soient. La Coûtume d’Amiens, et presque toutes les Coûtumes des Païs-Bas, défendent aux Nobles d’aliener leurs fiefs, si ce n’est aprés avoir juré solemnellement pauvreté, ce qui s’observe aussi en Espagne.

Toutes les paroles de cet Article méritent de l’explication : Cette prohibition de donner par testament est fort ancienne en cette Province,Benedicti , in verbo, et axorem Adelariam, Dec. 5. n. 477. en a fait mention, et quelque déguisement qu’on puisse apporter, on ne peut disposer de ses propres par testament. De l’Empetière Curé de Vaux avoit fait son testament en ces termes ; Je donne à mes petits neveux cent livres de rente à prendre sur trois pieces de terre, qu’il designoit et qui étoient de son propre : Il eut divers heritiers, ses neveux sortis d’un frère heritiers de la moitié de ses propres et de tous ses meubles et acquests ; et ses petits neveux, heritiers de l’autre moitié des propres. Les neveux maintenoient que la donation étoit nulle par deux raisons ; la premiere fondée sur cet Article, qui défend de donner de son propre par testament ; et la seconde parce qu’ils étoient heritiers immediats du testateur pour la moitié des propres ; et le legs ne sieur avoit été fait que sous cette condition, qu’ils ne fussent point heritiers du défunt : Il fut répondu par les petits neveux que les acquests étant plus que suffisans pour porter cette donation de cent livres de rente, elle devoit être prise sur les acquests, les heritiers aux propres étant capables de donation sur les acquests, quand ils n’y succedent point ; qu’aprés tout il n’avoit donné qu’une rente, et bien qu’il l’eûr assignée sur ses propres, cette assignation ne leur acqueroit pas la proprieté de la chose, et ne changeoit point la nature de la rente ; cette donation produisoit une obligation personnelle contre les heritiers, qui les engageoit à la payer, et qui affectoit tous les autres biens du défunt ; qu’il étoit juste de la faire valoir sur les autres biens dont le testateur avoit pû disposer : quant à cette clause, en cas qu’ils ne soient mes heritiers, elle ne pouvoit s’entendre que de la succession aux meubles et acquests, ne doutant pas qu’ils ne le fussent aux propres, mais étant incertain s’ils l’étoient aux meubles et acquests : Il fut répondu par les neveux que le testateur n’avoit pû disposer de son propre par testament, que c’étoit la même chose de donner du propre ou donner une rente à prendre sur le propre, la proprieté du fonds demeurant inutile semper abscedente usufructu ; car abandonnant les trois pieces de terre, on ne pouvoit les obliger à suppléer ce qu’elles vaudroient moins que la rente, ce qui montroit que c’étoit disposer de la chose même, que la rente étoit véritablement fonciere, que les Arrests qui avoient quelquefois rejetté de semblables donations sur les meubles et le tiers des acquests et la premiere année du revenu n’étoient que dans l’espèce des legs pieux, et à charge de Services, et par cette raison ce n’étoient pas tant des donations que des Contrats synallagmatiques dono, ut des, facio, ut facias, et qu’enfin en cette oecasion il falloit dire que le testateur quod potuit noluit, & quod non potuit voluit, et même la donation contenant cette clause, en cas qu’ils ne soient mes heritiers, ils ne pouvoient en deman-der l’execution puis qu’ils succedoient au propre pour une moitié, et vraysemblablement le testateur ne leur avoit donné de son propre que dans la creance qu’ils n’y pouvoient prendre part : Par Arrest du 17. de Février 1660. on confirma la Sentence qui déclaroit la donation nulle, plaidant Lyout, Maurry, et Theroude. Autre Arrest, par lequel Jean-Bapriste Langlois ayant légué à Marie Vbert douze cens livres à prendre sur ses immeubles pour être em-ployées en rente au nom de ladlte Vbert, sur l’action par elle formée contre Guillaume Langlois elle en fut deboutée, et la donation declarée nulle, par Arrest du S. d’Aoust 1647.

On ne doit pas comprendre sous la disposition de cet Article la donation par testament d’un pere à sa fille de son propre, soit pour la matier ou bien par augmentation de dot, parce que ce n’est pas ue donation, mais une liquidation de mariage avenant ou supplémout de legitime, et ce fut un des points jugez par un Arrest du mois de Decembre 1618. entre Pierre de Breton Tuteur de Marie Aubin, et Pierre Raimbourg. On pretendoit qu’un pere n’avoit où par son testament limiter et delivrer le mariage de sa fille en fonds ou la reserver à partage, et par l’Arrest on ajugea à la fille la terre que son pere luy avoit assignée pour son ma-riage. Jay remarqué sur l’Article CCLII. un Arrest par lequel on déclara nulle la donation de propre faite par un pere à sa fille par son testament pour augmentation de dot, mais on n’estima pas qu’il y eût nullité en la donation pour être faite d’un propre par testament, la motif de l’Arrest fut qu’elle n’étoit point insinuée, et que c’étoit une augmentation de dot que le pere avoit faite par son testament, et comme on n’avoit approuvé ces sortes de donations que par une explication favorable, il ne falloit pas les dispenser de la rigueur de l’Or-donnance pour les insinuations. Il me semble neanmoins que cet Arrest ne doit point être suivi, étant fondé sur deux mauvais principes. L’opinion de ceux qui reprouvent les donations les peres à leurs filles hors l’acte de mariage, n’a pour appuy qu’une pointille. Les paroles n de l’Article 252. quand ils la marierent, n’étant point limitatives, mais demonstratives, comme I paroit nettement par ces autres paroles de l’Article CCLIV. soit en faveur de mariage ou autrement, et pour l’insinuation par la même raison que l’on repute que ce n’est point une donation, mais un supplément de legitime, l’insinuation n’y est point necessaire.

On a taché plusieurs fois d’éluder la disposition de cet Article par des confessions que le testateur faisoit dans son testament, d’être redevable à celuy auquel il vouloit donner à cause d’argent prété ou pour recompense de services dûs. Un particulier remettoit par son testament à une Demoiselle cent cinquante livres de rente qu’elle luy devoit, alléguant que sa conscience l’obligeoit à luy faire cette remise, et prioit son heritier qu’encore que son testanent ne pûst valoir suivant la Coûtume, il consentit cette décharge pour le repos de son ame, et pour les causes qu’il en avoit plus amplement déduites dans un papier qu’il laissoit dans son cofre : Cet homme étant mort, un an aprés cette Demoiselle poursuivit les heritiers pour luy remettre cette rente, et representer l’écrit qu’ils avoient par devers eux qui justifioit les causes pour lesquelles le testateur avoit remis cette rente, qui étoiont, qu’il avoit eu cette ente pour sept cens livres, s’étant prevalu de sa nécessité et du besoin qu’elle avoit d’argent pour la poursuite d’un procez dont il étoit solliciteur : Il fut dit par les heritiers que ce legs excedoit le tiers des acquests du défunt ; mais il fut reparty par cette Demoiselle qu’elle ne lemandoit pas cette rente par donation, mais par restitution, ayant été acquise injustement’elle : Par Arrest du mois de May 1620. au Rapport de Mr Coupauville, on n’eut point d’égard à la déclaration du testateur, et on jugea que c’étoit une donation, qui fut reduiteu tiers des acquests.

Ce fut aussi un des points jugez par l’Arrest de Michel et François Turgis contre Robert Guilmette, dont j’ay parlé sur l’Article CCCeXII. Leur frere, dont ils étoient heritiers, avoit donné par son testament à Robert Guilmette son parent vingt livres de rente fonciere à prendre sur une maison et sur un héritage designé par le testament, ou la maison, ou bien l’héritage, au choix du donataire, ajoûtant que c’étoit pour services qu’il luy avoit rendus par Sentence du Juge de Carentan le testament avoit été déclaré valable : Sur l’appel desdits Turgis, je difois pour eux que toute la question fe reduisoit à ce point, de sçavoir de quelle force et de quel effet pouvoient être les confessions portées par un testament ; outre qu’elles sont toûjours suspectes dans un testament, on examine principalement si ces declarations et reconnoissances sont faites purement et simplement, ou dans cette véé et par ce motif de donner une cause et un fondement à une donation défenduë par la Loy. Au premier car uand par un testament on auroit reconnu devoir une somme, cette confession ne seroit par même obligatoire contre celuy qui l’auroit faite ;Papon , t. des Oblig. sans cause, l. 10. t. 3. On en allégue pour preuve ce fameux Jugement d’Aquilius rapporté par Valere Maxime, de Privatis Jjudiciis. Un Gentilhomme Romain nommé Varon, voulant faire une donation à Octacilia qu’il entretenoit, declara par son testament qu’il luy devoit soixante mille écus ; étant revenu en convalescence Octacilia voulut profiter de cette declaration, et demanda à Varon les soixante mille écus, mais le Preteur Aquilius la debouta de son action : Ces confessions faites hort Jugement quand elles n’ont point de causes solides et valables n’induisent aucune obligation, I. Publia Mevia, S. Finali, ff. depositi : GuiPapé , quest. 176. Il n’y a que celles qui sont passées en Jugement qui engagent ; mais quand ces confessions ne sont faites que pour faire valoir un acte ou une donation, qui sans cela ne pourroit subsister, alors on considere toutes ces déclarations comme une couleur et un pretexte mandié pour éluder la disposition de la Loy. Les autoritez qui prouvent cette vérité sont vulgaires : la Loy Cum quis decedens, 8. 6. de legat. 3. et la l. Qui testament. D. de probationibus y sont expresses, ce qui a fait dire à Mornac sur cette Loy, Qui testamentum, que c’est une regle que qui non potest donare, non potest coniteri, nempe cum is cui debere se testator dicit, suspectam adeb personam sustinet ut obliqua dona-tione habere eum aliquid voluerit, quod aliâs recto sermone per leges capere non posset. Et Decius Bartole en son Conseil 32. Cum prohibita sit donatio, assertio bene meritorum suspecta redditur : Bartolt sur le S. Titiâ, 1. Cum quis decedens ; semper confessio in ultimâ voluntate factâ in favorem non capacis intelligitur in fraudem legis facta : quelque liberté que la Coûtume nous accorde, nos passions ou les interests de ceux qui nous approchent nous sollicitent toûjours à passer les bornes qu’elle nous a prescrites, c’est pourquoy l’on invente tant de fraudes et l’on pratique sant de déguisement. Greard répondoit pour le donataire, que si la donation ne pouvoit vaoir sur les propres, il la falloit transferer sur les acquests : que la confession faite par le dé-funt étoit suffisante, et qu’au moins elle devoit servir d’adminicule. Il s’aidoit d’un Arrest ra pporté dans le Journal des Audiences, l. 2. c. 85. de l’Edition de 1652. par lequel on jugea que l’usufruit d’un propre donné par un testament ne pouvant valoir sur les propres, il avoit été transféré sur les acquests : ce qu’il fondoit sur la decision precise de Papinien en la 1. Cum pauter, 5. Titio fratri de legat. 2. suivant laquelle quand un testateur charge son heritier de restituer par fideicommis des choses qu’il étoit obligé de luy laisser purement et simplement, et sans aucune charge de restitution ou substitution, l’heritier ne s’en doit point plaindre ny de mander la reduction de la disposition du testateur à ce qu’il luy étoit loisible seulement de disposer, fi tant est qu’il luy ait laissé d’autrs biens d’aussi grande valeur : Quoniam, dit-ils carione compensationis percepisse debitum videatur, & ideo nihil aris alieni loco deducendum esse.

L’espèce de la l. 12. 8. Si uxore, ff. de fundo dotal. est ayssi singulière, si uxore herede institutâ fundus dotalis fuerit legatus, si quidem deductis legatis mulier quantitatem dotis in hereditate habitura est, valer legatum, sin minus & aliqua pars ad dotem supplendam defit, id dumtaxat ex eo remanere apud mulierem ait, quod quantitati dotis deest. Jopposois à cet Arrest du Parlement de Paris on autre Arrest posterieur du même Parlement rapporté dans le même Journal, l. 4. c. 45. qui avoit jugé le contraire : cette recompense d’un bien qu’on ne pouvoit donner sur un autre dont il étoit permis au testateur de disposer, ne peut être admise en cette Province où nous avons des principes fort opposez à ceux du Droit Civil ; les Jurisconsultes Romains. se rendoient ingenieux à faire subsister les dernieres volontez des mourans, ut magis actus valeret, quam periret, et par cette raison ils les interpretoient toûjours favorablement ; au contraire nôtre Coûtume a peu d’égard pour les testamens. Les Loix Romaines ne connoisfoient point cette distinction de propres et d’acquests ; unicum erat hominis patrimonium : Nôtre ri Coûtume y a mis une tres-grande différence, et elle regle fort diversement la manière et la hberté d’en disposer, soit entre vifs ou par testament, et les Coûtumes étant de droit étroit, re il ne se fait point d’extension d’une espèce à une autre, on considere seulement ce qu’il a fait, d et non point ce qu’il a pû faire, et quand il a voulu ce qu’il ne pouvoit, on ne s’arrête plus à chercher ce qu’il pouvoit faire : qu’au surplus la confession du testateur ne pouvoit servir d’adminicule, la Loy ayant rejetté ces déclarations comme faites pour éluder sa dispofition, Il seroit, absurde qu’elles pûssent servir d’adminicule pour autoriser une fraude, et que ce qui étoit nul pûst produire une action : Par Arrest du 14. de Mars 1664. en l’Audience de la Grand-Chambre en émendant les Sentences, sans avoir égard au testament, on mit sur l’action les Parties hors de Cour.

Sur cette question si la donation d’un propre peut être transferée sur les acquests ou sur les meubles, quand il y en a ; il faut remarquer que l’affirmative a été jugée pour les donations à la charge de dire des Messes et de faire des Services ; mais on n’a pas considéré ces do-mations comme des liberalitez pures, mais comme des Contrats synallagmatiques, comme une dette et une charge de la succession : Cela fut jugé de la sorte le 10. de Juillet 1637. entre n Robert et Richard Lucas, Appellans, pour lesquels je plaidois, et le Procureur du Tresor de l’Eglise de S. Hilaire ; on fit valoir sur les meubles une rente de trente livres qui étoit du propre du testateur : Pareillement si le testateur a donné des acquests et qu’il soit mort avant les trois mois, la recompense en est donnée sur les meubles quand ils le peuvent orter. Arrest en la Grand. Chambre du 24. de Novembre 1642. entre Gedeon de Livraye, Ecuyer sieur de Lessey, légataire universel du Curé de Carentan son oncle, Appellant, et les Tresoriers de l’Eglise de Carentan ; plaidans Cardel, et Lesdos. Autre Arrest du 24. de May 1650. pour Fondimare, contre les Tresoriers du Havre ; la donation du tiers des acquests fut déclarée nulle, et on ordonna qu’elle seroit portée sur les meubles, et sur la premiere année du revenu, deduction faite des frais funeraux. Autre Arrest du 19. d’Avril 1652. Autre du 15. d’Avril 1655. Autre du 26. de Janvier 1672. De Roquigni riche de six mille livres de rente qu’il avoit acquises pour la pluspart, aprés plusieurs autres legs donna cent livres de rente à sa Paroisse à la charge de dire des Services, et que ceux de sa famille auroient un Banc dans l’Eglise : le testateur étant mort avant les trois mois, ses heritiers contesterent le legs ; le Curé le soûtenoit valable, comme fait pour cause pie, ce qui fut jugé devant le premier Juge.

Sur l’appel on cassa la Sentence, sauf aux Paroissiens à se faire payer sur les meubles, et permis aux heritiers de racheter la rente en consequence au denier vingt ; plaidans Vion, et Theroude le jeune.

En consequence de cette jurisprudence que les donations pour causes pies du tiers ou de partie des acquests doivent être prises sur les meubles, lors que le testateur n’a pas survécu le temps ordonné par cet Article, les heritiers doivent avoir cette preeaution de ne prendre pas les meubles sans inventaire, autrement ils ne sont pas recevables à soûtenir que les meubles ne peuvent porter la donation

On a formé en suite cette question, si un particulier ayant donné par donation entra vifs ou par testament des héritages ou des maisons pour faire une Fondation, et les heritiers soûtenant que les éhoses données excedoient le tiers des biens du domteur, on leur pouvoit op-poser pour empeschor cette reduction qu’ils n’avoient point fait mventaire des meubles. Un nommé Lohier Serturier à Roüen donna aux Curé et Treforiers de Sainte Croix S. Oüen deux maisons à la charge de plusieurs Services : les frères du donateur demanderent la redution de cette donation, pretendans que ces deux maisons excedoient la valeur du tiers, et pour cet effet ils demandoient l’estimation de tout le bien, ou que les Treforiers fissent des partages, et qu’ils leur abandonneroient un lot : Le Bailly de Roüen les avoit deboutez de leurs demandes par ces deux raisons ; la première, que la reduction au tiers ne pouvoit être demandée pour les donations à la charge de Services ; et la seconde, qu’ils n’avoient point fait d’inventaire : Sur l’appel l’on abandonna la premiere raison, et l’on convint que les donations pour causes pies pouvoient être reduites lors qu’elles excedoient le tiers. Pour le défaut d’inventaire, Greard Avocat des heritiers Appellans, soûtenoit que n’y ayant point de mineurs ils n’avoient point eu befoin de faire d’inventarre, que la Coûtume ne prescrivoit cette formalité que lors qu’il y avoit des mineurs ou des soeurs à qui il étoit dû un mariage avenant, ou que l’on vouloit rappeller à partage, ou faire réduire les dons qui leur avoient été faits, que cela ne se rencontrant point en cette Cause il n’y avoit eu aucune nécessité de faire nventaire, que si par les Arrests l’on avoit étendu sor les meubles les donations pour causes pies lors qu’elles ne pouvoient valoir sur les acquests, et fi les heritiers avoient été condamnez de les payer lors qu’ils n’avoient point fait d’inventaire, cela s’étoit fait afin que les Fondatiom ordonnées par le testateur fussent accomplies et execurées ; mais qu’il n’en étoit pas de même au fait de la Cause où les heritiers ne prerendoient pas annuller la donation ; mais la reduiré suivant la disposition de la Coûtume, de forte que les donataires ne pouvant jamais rien pretendre sur les meubles, et les Appellans ne pouvans jamais être obligez de leur en tenir com-pte, ils n’avoient point en besoin de faire inventaire. Régnaud pour les Intimez pretendoit que les choses données n’excedoient point la valeur du tiers, qu’ils n’étoient point admissibles à demander la reduction de la donation puis qu’ils n’avoient point fait d’inventaire ; car le revenu des maisons n’excedant point ce qu’il falloit pour accomplir les Services ordonnez par le testateur, s la reduction avoit lieu le surplus devoit être repris sur les meubles : Par Arrest du 5. d’Avrs 1680. la Sentence fut cassée, et l’on ordonna qu’estimation feroit faite des bieus pour connoître si la donation excedoit le tiers.

Les paroles de cet Article, de donation à cause de mort, ny par testament, ny en son restament, semblent établir une troisième espèce de donation distincte des donations entre vifs et des testamentaires.

C’est une question difficile, si dans les païs Coûtumiers les donations à cause de mort sont admises, comme par le Droit Civil : Plusieurs estiment que l’on n’y connoit point de donation à cause de mort distinctes des testamens, parce que si les Coûtumes avoient voulu l’au-toriser, elles n’auroient pas manqué d’en prescrire les formalitez, comme elles ont fait pour les donations entre vifs, et pour les restamens. Il y a même des Coûtumes qui les ont abfolument rejettées, Bretagne, Article 209. et ne vaudra la donation faite pendant la maladié de laquelle mourra le donateur ; et par l’Article 170. de la Coûtume de Blois, donation pous cause de mort ne vant rien. Du Moulin en son Apostille sur cet Article, dit qu’on ne peut la faire valoir comme un legs, si elle n’est revétuë des solemnitez requises pour la validité des testamens, nec ut legatum quidem, nisi fiat in forma testamenti quod autem donatio causâ mortis nulla modo valet, quando est in forma contractùs recté institutum est odio suggestionum. Or puis que pour la faire subsister elle doit être accomplie de toutes les formes requises pour les testamens, elle ne constituë pas une troisième espèce de donations. Il est vray que le Droit Romain. faisoit différence entre les donations à cause de mort et les testamens, qui sont remarquées par Aceurse sur le Paragraphe 1. des Donat. aux Instit.

Au contraire plusieurs Coûtumes reçoivent les donations à cause de mort ; Nivernois, 27. Art. 4. 5. et 6. Anjou, Art. 339. Mayne, Art. 351. Orléans, Art. 257. Celle de Paris, Art. 277. convertit les donations entre vifs faites par personnes malades de la maladie dont elles decedent en donations à cause de mort : Or puis qu’elle fait mention de cette espèce de donation separément de celle que l’on appelle entre vifs, et ne l’ayant pas qualifiée testamenfaire, on en peut induire que la donation à cause de mort est un Contrat qui est connû et di-stingué par la Coûtume, et qui n’a rien de testamentaire, bien que l’effet en soit tout semblable, pour ne pouvoir être disposé par cette voye de plus grande partie de biens que de ce qui est permis de disposer par testament.

Cet Article semble encore avoir établi plus expressément la donation à cause de mort en ces termes, par donation à cause de mort, ny par testament, ny en son testament ; Car la Coûtume ayant fait mention dans un même Article de la donation à cause de mort et des testamens, elle a suffisamment distingué ces deux espèces de donations, et par ce moyen elle a laissé en la liberté d’un chacun de disposer de son bien en ces trois manieres, entre vifs, par donation à cause de mort, et par testament ; autrement ces paroles, par donation à cause de mort ny par testament, seroient superstuës, ce que l’on ne doit pas presumer, la Coûtume ayant parlé des donations à cause de mort et par testament, comme de deux actes separez et distincts, sans les conjoindre comme synonimes et ne signifians qu’une même chose.

L’on peut dire au contraire qu’en examinant l’Article CCCCXLVII. il paroitra que la Coûtume n’admet d’autre donation à cause de mort que cette espèce de donation conçuë par termes de donations entre vifs, qu’elle repute donation à cause de mort et testamentaires cette copulative et, montre que ces deux mots sont synonimes et signifient la même chose. et par consequent que la donation testamentaire et à cause de mort ne sont qu’une même espece de donation : Aussi il est certain que par la Coûtume de Normandie, comme par celle de Paris, toute donation est entre vifs, ou à cause de mort et testamentaire : La Coûtume de Paris dans les Articles 172. et 183. ne parle que de donations entre vifs et de donations à rause de mort.

L’on ne peut douter qu’un homme, soit qu’il se porte bien ou qu’il soit malade, ne puisse disposer particusierement de son bien par Contrat en forme de donation conditionnée et limitée au cas de son predecez, pourvû toutefois que sa donation n’excede point la portion de son bien que la Coûtume luy permet de donner par testament, ainsi l’on peut dire que nous avons deux espèces de donations à cause de mort ; la premiere est celle qui est qualifiée telle, par le Contrat de donation, et qui l’est en effet, le donateur s’étant réservé expressément la faculté de la revoquer ; la seconde est une donation entre vifs, mais reputée testamentaire et à cause de mort par l’Article 447. de la Coûtume ; la premiere est une donation à cause de mort par la disposition et la volonté de l’homme, et la seconde est à cause de mort par la disposition de la Loy.

Toute la difficulté consiste à sçavoir quelles formalitez sont necessaires pour rendre ces donations valables, soit qu’elles soient donations à cause de mort par la disposition de l’homme, c’est à dire par la qualité du Contrat, ou qu’elles le soient par la disposition de la Loys mais je toucheray cette matière sur l’Article 447. où la Coûtume convertit les donations entre vifs faites par personnes malades en donations à cause de mort.

Quoy qu’il y ait grande différence entre les donations entre vifs et à cause de mort, néanmoins il est quelquefois fort malaisé de les distinguer ; car il ne s’enfuit pas qu’une donation soit à cause de mort, parce qu’il y est fait mention de mort ; sed quando fit mentio mortis per modum causa finalis, quasi quod mols ipsa inducat ad donandum, l. Seia. in princip. ff. de mort. can don. on peut bien conclure qu’une donation n’est point à cause de mort, quand il n’y est fait aucune mention de mort. Mantica, l. 1. c. 13. de conject. ust. vol. a remarqué six moyens pour distinguer la donation entre vifs d’avec la donation à cause de mort ; mais la màrque là plus essentielle de la donation entre vifs est qu’elle soit irrevocable. Pour l’éclaircissement de cette matière je rapporteray un Arrest donné sur une question, de sçavoir li une donation étoit entre vifs ou testamentaire ; Charles du Toupin, Ecuyer sieur de Bolleville par un Contrat passé devant Notaires donna à Henry Lesperon, Ecuyer sieur d’Anfreville son neveu present et acceptant, la somme de quatre mille livres pour une fois payer, à prendre sur tous et un chacun les biens immeubles, terres et héritages qui se trouveroient lors de son decez et sans aucune reservation, pour en joüir et s’en faire payer par ledit donataire aprés le decez dudit sieur du Toupin, et non plûtost sur ses biens immeubles et héritages presens et avenirs en exemption de toutes dettes et charges quelconques. Aprés la mott du sieur de Bolleville ledit sieur d’Anfreville demanda la delivrance de la donâtion ; elle luy fut contestée par Adrian du Toupin, Ecuyer sieur de Dorival, heritier au propre du donateur : L’affaire portée en la Cour, la question fut de sçavoir si cette donation de quatre mille livres pouvoit valoir tant sur les propres que sur les acquests du donateur, comme étant une donation entre vifs, ou à elle ne devoit être considerée que comme une donation à cause de mort qui ne pouvoit avoir son execution que sur le tiers des acquests ; Greard pour Henry Lesperon, Ecuyer sieur d’Anfreville légataire, disoit qu’il y avoit grande différence entre la perfection et l’execution de la donation ; car encore que l’execution de la donation soit remise et conférée au temps du decez, neanmoins quand le donateur donne irrevocablement c’est une donation entre vifs laquelle est parfaite dés l’instant du Contrat. Certum. est hoc caly donationem ab initio perectam esse et difpositionem statim ligare nec in suspenso esse, sed executio habet tractum in diem mortis, et fit tantum mentio mortis per modum dilationis, quia nempe difertur exactio ; sicet disositio ab initio valeat. l. Juliani 18. de jure dot. Ce queBrodeau , 1. D. 10. sur MsLoüet , con-irme par l’autorité de du Moulin en son Commentaire manuscrit sur la Coût. de Parls où il propose cette question ; je donne les meubles et conquests dont je seray joüissant à mon trépas entre vifs, et non revocablement ; et en suite il ajoûte que quelques-uns disoient que c’étoit une lonation à cause de mort, quia interim potest alienare, remittere, tranfferre, et per obliquum exhaurire quod non potest facere qui donat inter vivos ; ego contra quia satis est quod sub conditione possit commodum adferre : Ce n’étoit point donner et retenir, parce qu’il y a difference entre la donation certa rei et un legs universel ; car quoy que le testateur ne se fût pas lié les mains. la donation ne laissoit de vasoir sur les biens qui resteroient aprés son decez ; que le Parlement de Paris l’avoit jugé de la forte, et avoit même déclaré valable une donation, quoy que e donataire eût expressément reservé la disposition des choses données jusqu’au jour de ion decez, ce qui donna sujet aux heritiers de l’arguer de nullité, et que c’étoit en effet donner et retenir : à quoy l’on répondoit que cette reserve n’empeschoit pas que la donation ne fû çalable pour les biens qui se trouveroient, soit meubles ou acquests au jour du décez de la donatrice, jusqu’au quel temps l’effet et la consommation de la donation bien que parfaite de soy dés le commencement étoit différée : Au contraire je representay pour Adrian du Toupin, Ecuyer sieur de Dorival, que dans les Provinces qui sont encore soûmises à l’autorité du Droit Romain les testamens sont la matière la plus ordinaire des procez ; mais dans les païs Coûtumiers les donations forment souvent des contestations, leurs qualitez, leurs conditions, leur execution, et la difference des biens dont l’on dispose rendent cette matiere aussi difficile et embarrassée que celle des ubstitutions et du droit d’accroissement parmy les Jurisconsultes Romains. Le discernement et la discution entre les donations entre vifs et à cause de mon est si malaisée, qu’un même Parlement a souvent donné des Arrests contraires sur ce sujet.

Pour juger de la qualité d’une donation, on doit plûtost considèrer sa cause et son effet, que les paroles où elle est conçûë. La mention de mort dans une donation entre vifs n’en change point la nature, et ce terme d’irrevocable qui n’appartient qu’aux donations entre vifs employé dans une donation testamentaire ne la fait point cesser d’être une donation à cause de mort,Cuj . Consult. 30. ut quod donatur causâ mortis, ut nullo casu revocetur non est mortis ausâ donatio, sic quod donatur inter vivos ut morte demum secutâ confirmetur non est donatio inter vivos.

Pour faire un discernement asseuré de ces donations et ne se tromper point en leurs definitions, il faut en établir les differences specifiques, et les conditions essentielles.

La donation à cause de mort a perpétuellement ces deux conditions inherentes, qu’elle st revocable toutefois qu’il plaist au donateur de changer de volonté, et qu’elle n’a son effet qu’aprés son decez, si quid mumanitus contigerit : cependant il demeure toûjours le maître absolu des choses données.

Au contraire la donation entre vifs est irrevocable, elle dépoüille le donateur de tous ses droits et les transfere irrevocablement au donataire. Ce sont les vrais caracteres qui déterminent sa substance et la qualité, et non point l’execution de la chose : et quoy que la tradi-tion et la joüissance en soit remise aprés la mort, si toutefois la donation est irrevocable on la doit estimer une donation entre vifs : si cette condition d’irrevocable ne s’y rencontre point, elle degenere et passe en la nature de la donation à cause de mort, quando vis et effectus dogationis pendet â morte donantis, et que rien n’est acquis incommutablement au donataire que par la mort du donateur, c’est une véritable donation à cause de mort : Mais pour connoître si une donation est de cette espèce, il faut remarquer particulierement l’endroit où il est parle de la mort, s’il en est fait mention dans le dispositif ; par exemple si je donne à quelqu’un dans la pensée et contemplation de ma mort une certaine terre, cette donation est pour cause de mort ; que s’il est parlé de la mort seulement dans la clause de l’execution, comme si aprés avoir donné purement et simplement, il est ajoûté que le docataire ne joüira qu’aprés le décez du donateur, cetté donation doit être reputée entre vifs, parce qu’elle est pure en sa substance, et qu’il n’y a que la joüissance et l’execution qui soit différée au jour du decez du donateur, non inspiciuntur verba executiva, sed dispositiva, inquitBoer . Decis. 353. n. 12. quando in verbis importantibus substantiam donationis facta est obitùs mentio, haec liberalitas pro donatione mortis causâ accipitur, sed cûm in verbis ad executionem spectantibus donator de morte meminit, donatio intelligitur facta inter vivos. De laLande , sur le Titre des Testat. de la Coûtume d’Orléans, ajoûte qu’il y a certaines donations qui ont des marques et des caracteres de l’une et de l’autre espèce, ce qui en rend le discernement fort malaisé, parce qu’il ne aroit pas assez certainement si la perfection et l’accomplissement seul de la donation est différé au jour de la mort, ou si le donataire a dés à present un droit irrevocable aux choses données, ou s’il ne luy est rien acquis incommutablement qu’aprés la mort du donateur, incertum est an habitus donationis, vel sola executio â morte pendeat : cette distinction est si obscure et si difficile, que comme cet Auteur le remarque, etBrodeau , sur MiLoüet , 1. D. n. 10. a Jurisprudence du Parlement de Paris a changé plusieurs fois. Magdeleine le Quesne avoit donné trois livres de rente avec retention d’usufruit à l’Eglise d’Infreville, à la charge de dire quelques Messes : Elle donna depuis cette même rente à l’Eglise de Bosroger : Les Tresoriers pretendoient que la premiere donation étoit à cause de mort, et que par consequent elle étoit revocable : Par Arrest du 27. d’Avril elle fut ajugée aux Tresoriers de la Paroisse d’Infreville.

Les Jurisconsultes Romains ont estimé que quand une donation n’étoit point revocable, elle n’étoit point à cause de mort, l. ubi ita donatur, ff. de donat. causâ mortis. Ils estimoient encore que les donations faites par une personne mourante ne laissoient pas d’être entre vifs, quand elles étoient conçûës en ces termes, si quis in extremis constitutus sine ullâ conditione redhibendi donasset omni Spe retinendi remotâ, non tam mortis causâ qudm morientem donare : Ce qui est contraire à nôtre Coûtume, qui repute donations à cause de mort celles qui sont faites par des personnes malades, quoy qu’elles foient conçûës entre vifs.

La tradition actuelle des choses étoit si necessaire par le Droit du Digeste, que la donation sembloit n’être parfaite avant la tradition, et antequam donator in vacuam fundi possessionem induxisset, l. ult. 8.Lucius , ff. de donat. et ils étoient si scrupuleux qu’encore qu’il y eût retention d’usufruit, il falloit neanmoins mettre le donataire en possession ; fic enim, aitPapin .

I. Seia de donat. mort. causâ, Seia cum bonis suis traditionibus factis cessisset donationis causâ, deinde msomfructum sibi recepisset ; sic utrumque intervenit quasi sola ususfructâs retentio ad tranfferendan possessionem & dominium non sufficeret similiter, cum donator litteris declaravit se tradidisse possessio nem seroorum ; tamen eorum apprehensio ab eo qui donum acceperat fuit necessaria, l. Pradia, ff. le acquir. possess. pradictis non obstat. l. Ex hac scripturâ, ff. de donat. cûm patronus dixisset, sciant baredes mei me rem meam universam ac res cateras quafcumque in diem mortis mea mecum habuisse, illas & illis libertis me vivum don asse : quia hec verba in testamento aut alia ultimâ voluntate scripta érant, quod satis collivitur ex eo quod hac scriptura vel epistola ad heredes dirigitur. Cette solution est plus aisée que celle deBrodeau , lequel en son Commentaire sur MLoüet , l. D. n. 10 pour sauver cette objection, dit qu’en cette donation il n’y avoit aucune tradition réelle ny chose aequipolente à tradition translative de possession, sçavoir retention d’usufruit ou cause de constitution ou precaire supposé et feint, que la clause de precaire tacité inest per consequentias.

Justinien Mais Justinien semble l’avoir décldée en la l. Si quis argentum. 35. 5. ult. et que la tradition n’est point necessaire, et plus expressément encore au S. 3. aux Instit. de donat. Mais cette Jurisprudenoe a été reprouvée par la pluspart des Coûtumes de France, dont quelques-unes requierent tellement la tradition que la retention d’usufruit n’est pas suffisante ; car il faut dessaisine, et que le donateur soit dessaisi de la chose donnée, et le donataire saisi, et qu’il ait pris possession, Valla, ibid. Amiens, Bourbonnois, Senlis. C’est ce que nos Coûtumes appellent donner et retenir ; la Coûtume de Paris en l’Article 274. définit ce que c’est que de donner et retenir : mais on se contente aujourd’huy que la proprieté et la possession de droit soient transferez.Ricard , des Donat. part. 1. c. 4. sect. 2. dist. 1. a pleinement traité cette matière.

Dans le Contrat qui fait le procez il ne paroit aucune marque de la donation entre vifs : de donateur ne parle point de donner entre vifs, il n’est point dit qu’il donne irrevocable. meut, au contraire il demeure le maître absolu de son bien, il stipule qu’on ne pourra luy demander ce qu’il donne qu’aprés son decez, et sur les biens qui se trouveront aprés sa mort, ce sont là toutes les marques d’une donation à cause de mort par ces paroles, qui se trouveront aprés son decez : le donateur a donné et retenu, car elles contiennent cette condition ta-cite, s’il luy restoit quelque chose de ce dont il pouvoit disposer, vendre et engager. Or uis qu’il retenoit la pleine disposition de son bien, et qu’il pouvoit rendre la donation inuvile, c’étoit véritablement donner et retenir ; car encore que la donation de tous les biens qu’on aura au temps de sa mort soit valable, parce que le testateur est presumé n’avoir donné que ce qu’il laisse aprés son decez, et que l’effet de cette donation pendeat ab eventu, néanmoins on demeure d’accord qu’il n’en est pas de même in donatione certa rei, comme celle dont il s’agit où le donateur ne donne pas laes immeubles qu’il aura au temps de sa mort, sed tertam pecuniae quantitatem, pour l’assurance de laquelle si son intention eût été de donner entre vifs, il falloit dés lors du Contrat en assurer la proprieté sur quelque portion de se mmeubles, et se lier les mains en sorte qu’il n’en pût disposer. Pour les Arrests du Parlement de Paris on ne peut en titer une décision certaine puis que les derniers sont contraires aux premiers, et que depuis ceux remarquez par Brodeau dont le demandeur vouloit prendre avantage, on a jugé par les derniers Arrests que les donations de tous biens ou simplement de meubles et acquests que le donateur a ou aura au jour de son decez ont été déclarez à cause de mort, et comme telles reductibles. Voyez là-dessus Brodeau sur MLoüet , etRicard , des Donat. part. 1. c. 4. sect. 2. dist. 1. n. 985. et la 2. part. du Journ. des Audienc. l. 1. c. 35. où il se trouve un Arrest par lequel une donation de tous biens presens et avenir, meubles et immeubles, n’est point estimée donation entre vifs à l’égard des meubles que quand il y nventaire fait lors de la donation par la difference qu’il y a d’avec les immeubles, qui onf une assietre et une consistence de leur nature ; mais pour les meubles comme ils peuvent auge menter et diminuer la donation, elle ne peut valoir que comme une disposition de derniere olonté, Par Arrest du 21. de Mars 1664. la donation fut déclarée à cause de mort et reduite au tiers des acquests.

Lors de la plaidoirie de cette Cause Ms Loüis Greard soûtenoit que l’espece en étoit paseille à celle qu’il avoit plaidée pour Dame Marie de Brisard, femme de Mr Meusnier Con-seiller au Parlement de Paris, et Dame de Brisard veuve de Mr Here aussi Conseiller au Parlement de Paris, appellant de Sentence renduë aux Requêtes du Palais à Paris contre M’Brisard Conseiller au Parlement de Paris, Intimé : Le Sieur de Brisard frère desdites Dames et oncle de l’Intimé, avoit fait donation à l’Intimé son neveu de tous ses biens plopres, acquests et meubles qu’il avoit de present et qu’il auroit au temps de sa mort, à retent ion d’usufruit durant sa vie, et d’une fomme de 18000. livres, laquelle en cas qu’il n’en disposast point demeureroit comprise en la donation, dont l’Acte avoit été passé devant deux No-taires, en l’Etude desquels le donateur s’étoit fait porter, et depuis par un Acte posterieur il avoit encore confirmé cotte donation : Il avoit même passé Procuration au donataire pour prendre possession de l’une des Terres données ; étant mort âgé de soixante et dix ans, vinge et un mois aprés la donation les Appellantes comme coheritieres avec l’Intimé luy demanderent partage en la succession, mais elles en furent refusées en consequence de la donation : treard pour les Appellans la soûtenoit testamontaire, parce qu’il donnoit ses biens à venir et qu’il possederoit au temps de son decez, et que par cette raison elle étoit reductible au quint des propres : Il ajoûtoit qu’elle avoit été extorquée d’un homme imbecille, qui par l’âge et par les longues maladies avoit perdu entièrement l’usage de la raison. De Sets pour M’Brisard répondoit que la donation étoit entre vifs, parce qu’elle étoit parfaite, le donateur s’étoit dépoüillé de la proprieté, et l’execution seulement de la donation étoit différée aprés sa mort ; que d’ailleurs elle étoit tres-favorable et judicieuse étant faite à son neveu qui portoit son nom, et par ce moyen il avoit voulu conserver ses biens dans sa famille : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 23. de Juin 1662. la Cour mit sur l’appel les Parties hors de Cour. On trouve un Arrest du 14. de Février 1633. dans le Journal des Audiences, par lequel il a été jugé qu’une donation mutuelle entre vifs faite par deux freres de tous les biens qu’ils auront lors de leur decez a été jugée entre vifs, et non à cause de mort. Autre Arrest pareil dans le même Auteur du 17. de Février 1642. on dit que la condition de survie ne suspend point l’effot de la donation qui est parfaite en soy, le donataire étant saisi et rendu proprietaire dés le temps de la donation, l. Senatus 35. 8. 4. verbo & sic donari D. de mortis causa donat. mais qu’elle limite l’execution au cas de survivance. On allégue au contraire que la condition étant in diem mortis, et le donateur ne donnant que sur les biens qu’il aura au temps de son decez, cela ne suspend pas seulement l’effer et l’execution de la donation, elle suspend la disposition même et la rend incertaine le donateur n’étant asseuré d’aucune chose, n’étant saisi ny rendu propriétaire d’aucun bien ; car le donateur demeure le maître de tout son bien, il le peut vendre et engager, et l’on demeure d’accord que ces donations n’ont leur effet et leur execution que sur les biens qui restent au donateur aprés sa mort : D’où il resulte que ces donations n’ont point la véritable marque des donations entre vifs, d’être irrevocables ; car bien qu’il soit véritable qu’elles ne puissent être revoquées directement, elles peuvent l’être indirectement, et renduës entièrement illusoires, puis que le donateur peut librement disposer de ses biens, que le donateur est contraint de prendre ce qu’il trouve sans pouvoir Sattaquer aux biens que le donateur auroit alienez ou engagez depuis sa donation : que si suivant la doctrine de du Moulin sur l’Article 291. de la Coûtume de Bourbonnois, qui est citée par ceux qui sont de ce sentiment, que ces sortes de donations doivent être reputées entre vifs in donatione duo sunt dispositio & executio, que la disposition statim ligat nec suspendit ; mais que l’execution habet tractum in diem mortis. Il s’ensuit évidemment que ces donations ne sont point entre vifs, quia dispositio non ligat, au contraire le donateur à si peu les mains diées qu’il peut aliener tout son bien. Elle n’est donc pas irrevocable, et c’est proprement donner et retenir, ce que du Moulin a écrit en son Commentaire manuscrit ne paroit pas aussi decisif ; car combatant l’opinion de ceux qui disoient que c’étoit une donation à cause de mort, quia interim donator potest alienare, remitere, transferre & per obliquum exhaurire, quod non potest facere qui donat inter vivos ; il répond que satis est quod possi sub conditione commodum adferre cette réponse ne resoud pas la difficulté, car la donation à cause de mort sous condition potest etiam commodum adferre : cela ne decide donc pas que la donation doive être reputée entre vifs, parce qu’il en peut revenir du profit au donataire ; mais on soûtient que la donation qui ne lie point les mains au donateur et qui peut être renduë inutile, et qui ne peut être executée que sur ce qui reste aprés son decez, n’a point les conditions necessaires et essentielles à la véritable donation entre vifs.

Ricard en son Traité des Donations, part. l. c. 4. sect. 2. distin. 2. n. 1036. propose cet exemple, si une donation de mille livres de rente à prendre sur les biens du donateur pour commencer à en joüir aprés son decez peut valoir en qualité de donation entre vifs n’estime pas, dit cet Auteur, que l’affirmative soit susceptible de difficulté, dautant qu’à l’égard de la tradition du droit elle étoit suffisamment faite, au moyen de ce que les biens du donateur sont affectez à la rente dés le moment que la donation a été faite, de sorte qu’il ne peut plus les aliener qu’à la charge de la rente : mais cet exemple est fort dissemblable, car en la donation faite sur les biens que le donateur laisse lors de son decez, il n’y a que ces biens-là lesquels y soient sujets ; et dans l’exemple precedent tous les biens du donateur y sont affectez dés le moment que la donation a été faite, car elle étoit parfaite, et la seule joüissance en étoit différée aprés la mort.

Touchant la tradition tant de fait que de droit pour la validité des donations, voyez Ricard ibid

On a demandé, si lors que l’on donne une somme d’argent à prendre sur les biens du donareur aprés sa mort sans retention d’usufruit ny constitut de précaire, cette donation est valable ; La Dame de Gravieres donna à deux filles de Moniot Procureur au Parlement de Paris, lors qu’il les maria, à chacune trois mille livres à prendre sur ses biens aprés son decez, lequel étant arrivé M. Henty Fremin et Mr Gastier Procureurs audit Parlement qui avoient épousé lesdites filles, firent assigner la fille de la Dame de Gravieres pour leur faire delivrance de trois mille livres chacun, à quoy la fille pour défences dit que ces donations étoient nulles par le défaut de dessaisissement des choses données, n’y ayant aucune retention d’usufruit ny constitut de précaire ; ainsi la Dame de Gravieres avoit donné et retenu, puis qu’elle étoit demeurée en possession des choses données, que suivant la regle de droit non vodentur data que, eo tempore quo dantur, accipientis non fiunt, l. 167. de Regl. jur. Il fut repliqué par les Demandeurs que les donations ne laissoient pas d’être valables quoy qu’il n’y eût point de tradition réelle des choses données par deux raisons ; l’une, que ce qui étoit donné consistoit en une somme mobiliaire, qu’en donation de meubles que le donateur aura au jour de son decez, il ne falloit point de dessaisissement, et qu’il avoit été ainsi jugé par plusieurs Arrests rapportez par le Commentateur de Mr Loüet ; L’autre raison étoit que la donation ayant été faite par Contrat et en faveur de mariage, la tradition réelle ou chose equipollente, comme la retennon d’usufruit ou constitut de précaire, n’y étoit point necessaire, suivant l’Apostille de du Moulin sur l’Article 273. de la Coûtume de Paris, ce qui avoit été pareillement jugé par les Arrests rapportez par Mr Loüet et son Commentateur : La retention d’usufruit ou constitut de precaire n’a régulierement lieu qu’en donation d’héritages, Art. 275. de la même Coûtume de Paris, qui distingue les choses mobiliaires d’avec les immobiliaires. La Défenderesse répondoit à ces raisons qu’il falloit distinguer entre la donation certae rei mobilis, et celle que est univensalis puta juris successorii nondum delati ; au premier cas la chose donnée et retenue rend la donation nulle ; au second cas la donation est bonne sans qu’il soit besoin pour la vadidité d’icelle que le donateur se dessaisisse, ny qu’il y ait retention d’usufruit : qu’au fait par-ticulier il ne s’agissoit pas de la donation omnium bonorum, sed certa rei ; Sur quoy Messieurs des Requêtes du Palais à Paris ayant condamné la Défenderesse, la Sentence fut confirmée par Arrest du 3. de Decembre 1643.

Bouguier Par Arrest du Parlement de Paris rapporté par Bouguler, 1. D. n. 12. une donation entre vifs faite perpetuellement et irrevocablement, sous cette condition néanmoins au cas que l’on mourût sans enfans étoit à cause de mort, parce que l’intention de la donatrice avoit été de la suspendre jusqu’au jour de sa mort, tractum habebat usque ad tempus mortis, M.Loüet , l. D. n. 11. de sorte que ut mentio mortis non facit donationem causâ mortis ; de même ce mot d’irrevocable ne fait pas la donation entre vifs, si d’ailleurs Il paroit que le donateur a voulu suspendre l’effet de sa donation jusqu’au temps de son decez,Bouguier , 1. D. n. 13. que si l’on dit que ces termes, aprés ma mort, suspendent bien l’effet et l’execution de la donation, mais non pas la convention dont le droit est acquis à l’instant de la passassion de l’Acte qui étoit itrevocable, encore qu’il ne pûst produire son effet qu’aprés la mort, néanmoins ce temps étant avenu il avoit un effet retroactif au temps du Contrat ; on répond qu’il y a différence entre les Conrats et les dispositions testamentaires, par les Contrats nous ne contractons pas seulement pour nous, mais aussi pour nos heritiers, plerumque tam haredibus nostris quâm nobis cavemus l. Si pactum de probationibus. Dans les testamens on ne considere que les personnes lesquelles le testateur a voulu gratifier, et au profit desquelles il a voulu disposer, et non de ses heritiers, et c’est pourquoy les conditions étant accomplies elles n’ont aucun effet retroactif, elles se reglent seulement au temps de leur existence.

Chopin , l. 3. p. 3. c. 4. n. 2. de privilegiis rusticorum, ajoûte que celuy qui donnant entre l vifs se reserve le tout pour l’execution de sa derniere volonté par le donataire ; il s’enfuit de a deux choses l’une, ou que cette espèce de donation entre vifs passe en donation à cause de mort qui est revocable, ou bien qu’elle demeure du tout sans effet comme étant donner et retenir, donari non potest nisi id quod ejus fit cui donatur, l. In adibus, p. donari de donat Il faut prendre garde si la mention de mort faite dans la donation est per modum dilationis.

En ce cas elle est reputée donation entre vifs, potest autem intelligi causa dilationis factam esse mentionem mortis, quando in verbis importantibus executionem donationis factâ est mentio mortis,Boërius , Decis. 353. et non in verbis importantibus substantiam donationis, nam tunc mentio mortis non facit presumi illam donationem esse causa mortis.

Deux Gentilshommes nommez Imbert, sieur de Sibeville, et des Monts, sieur de S.Loüet , illant à l’armée se donnerent reciproquement la somme de quatre mille deux cens livres, qui seroit payée par l’heritier du premier mourant au survivant lur les immeubles, sans que les heritiers aux meubles en fussent aucunement tenus, laquelle donation n’auroit lieu que le decez arrivant du premier mourant sans enfans ; le Contrat fut passé devant Notaires le premier d’Aoust 1641. insinué le 5. d’Avril 1642. Imbert, sieur de Sibeville étant mort en Catalone en 1645. des Monts demanda les quatre mille deux cens livres à de Pierre, sieur du Ma-noir, heritier du sieur de Sibevilla, Sur des recusations proposées contre le Juge de Vallognes, la Cour évoqua le principal ; Des Monts soûtenoit la validité de la donation, qu’elle étoit entre vifs, et l’execution feule collata erat in diem mortis, qu’elle étoit irrevocable, qui est la véritable marque de la donation entre vifs, et que par consequent elle ne pouvoit être contredite, puis qu’il étoit permis de donner entre vifs le tiers de son propre. Au contraire l’heritier disoit que c’étoit une donation à cause de mort, la proprieté en étoit in pen-senti, et differée au temps de la mort, qu’aux donations entre vifs nonobstant la retention d’usufruit la proprieté ne laissoit pas d’être transferée au donataire, de laquelle il pouvoit disposer : En celle-cy rien ne luy étoit acquis, il étoit même incertain qui seroit le donateur ou le donataire, la proprieté étoit transferée in diem mortis, ce qui rendoit la donation à cause de mort, par lesquelles donations on ne peut disposer de ses propres, ce qui fut ainsi jugé e 5. de May 1646. au Rapport de Mr Lamy, et la Cour mit sur l’action hors de Cour et de procez. Le raisonnement de l’heritier ne paroit pas decisif, car il n’est pas véritable que la proprieté n’en fût pas acquise irrevocablement au donataire, par cette raison qu’il étoit incertain qui seroit le donateur ou le donataire ; car la donation étoit conditionnelle, ce qui n’em-reschoit pas que le cas arrivant la donation ne fût parfaitement acquise à celuy qui auroit survécu, et bien qu’il fût incertain lequel des deux mourroit le premier, la donation ne laissoit pas d’être certaine et asseurée au survivant ; c’est le vray cas où l’on pouvoit dire que sola executio dilata erat in tempus mortis, et la proprieté en étoit tellement transferée qu’il en pouvoit disposer, quoy que revocablement toutefois en cas que la donation ne fût pas avenuë.

Quand ces termes se rencontrent en une donation, les biens qui m’appartiendront au tempi de ma mort, le donataire ne peut demander que ce qui reste suivant la Loy Stichum de legatis primo, qui meus erit cûm moriar hares meus dato, magis conditionem legato injecisse, ut si totun alienaverit legatum extinguatur, si partem pro eà parte debeatur que testatoris mortis tempore fuerit.

Cette prohibition de donner de ses immeubles par testament est si rigoureuse, que même la faveur de la cause pie ne les peut faire subsister : Toute la grace qu’on a pû faire à ces sortes de liberalitez a été de leur donner effet sur les meubles et sur le tiers des acquests, quand elles ont été passées trois mois avant le decez du testateur, et qu’elles sont causées pour services. s’Ainsi cette question sur laquelle les Docteurs, et principalement les Canonistes, se sont si fort étendus, sçavoir si les legs pieux contenus en un testament informe sont dûs, est decidée par cet Article, qui prohibe les donations d’immeubles par testament même pour causes pitoyables : Aussi Bérault asseure que la Maxime que les legs ad causas pias ex irrito testamento sont dus n’est point suivie en Normandie. Pontanus sur l’Article 173. de la Coûtume de Blois approuve par plusieurs raisons que les legs pieux sont compris sous la prohibition generale de donner uivant les Loix d’Ecosse, de hereditate in ultima voluntate nemp difponere potest, Skenaeus ad leg.

Scor. l. 2. c. 37. Par la Coûtume de Bourgogne, 8. 1. 1. des Success. il est permis de dispoler de ses biens par testament en laissant à ses vrais heritiers le tiers pour leur legitime. Nôtre Coûtume plus fage ne permet que la donation du tiers des acquests.


CCCCXXVIII.

D’usufruit d’immeuble quand on en peut tester.

Nul ne peut disposer par testament de l’usufruit de ses héritages ou d’autres biens reputez immeubles non plus que de son héritage : toutefois il en pourra disposer en recompense de ses serviteurs ou autres causes pitoyables, pourvû que l’usufruit n’excede le revenu d’une année.

On auroit éludé la disposition de l’Article precedent si la donation de l’usufruit eût été permise, et il ne fût resté aux heritiers qu’une proprieté inutile pendant plusieurs années, sed in alienatione prohibitâ continetur, etiam constitutio ususfructus, l. Fin. in verb. sed & ususfructus dationem, C. de reb. alien. non alien.

Suivant les regles ordinaires les dettes du testateur doivent être payées avant les legs ; mais cette question s’offrit en la Chambre des Enquêtes, si les legs que le testateur a assignez sur la première année de son revenu doivent être acquitées au prejudice des dettes mobiliaires Par Arrest, au Rapport de Mr le Roux, du 22. de Février 1652. il fut jugé que le revenu de la première année étant immeuble les dettes mobiliaires devoient être premierement payées sur les meubles ; mais il fut dit aussi que sur cette première année du revenu les arrerages des rentes échûës en cette année seroient payez sur le revenu pour une année seulement.

Si le testateur n’a point usé de la faculté qui luy est donnée par cet Article, et qu’il n’ait point étendu le payement de ce legs sur la première année de son revenu, les legataires ne le pourront pas avoir, le testateur peut bien en disposer, mais quand il n’a pas eu cette voonté son testament ne peut être executé que sur les meubles, quelque favorable que puisse être la cause des legs qu’il a faits, à la reserve toutefois des donations faites à la charge de services, quoy qu’elles parussent comprises sous ces paroles, pour causes pitoyables. Le sieur dé Civile fit plusieurs dispositions par son testament en faveur de ses domestiques pour les recompenser de leurs services : Il donna aussi une somme à l’Eglise de S. Patrice, et sept cent livres de rente rachétables par dix mille livres aux Augustins déchaussez, le tout à prendre ut ses biens : Tous ces legataires pretendoient que les meubles et le revenu de la premiere année leur devoient être delanssez pour le payement de leurs legs, la Cour ayant toûjours observé de faire porter les legs pieux sur tont ce dont le testateur pouvoit disposer par son testament : à quoy il fut reparty par les Demoiselles de Civile, que le testateur n’ayant pas eu l’intention de donner la première année de son revenu, on ne pouvoit l’appliquer à l’ac quit des legs : la Coûtume luy permettoit bien de le faire, mais ne l’ayant pas fait il falloit s’en tenir à sa volonté : Par Arrest en la Grand-Chambre du 30. d’Avril 1655. il fut dit que les legs seroient portez sur les meubles seulement, parce que les legs faits aux domestiques pour recompense de leurs services seroient pris en privilege, et les autres legs au sol la livre.

On a pareillement demandé si le testateur pouvoit appliquer la première année de son revenu pour la recompense de ses serviteurs, et pour autres cas pitoyables pour en décharger ses meubles qu’il vouloit laisser entièrement à sa femme : Un homme ayant des meubles de grande valeur les donna tons à sa femme, et la première année de son revenu à ses serviteurs ; l’herttier remontra que quand un homme n’a point de meubles suffisants pour recom-penser ses serviteurs et faire des aumônes, la Coûtume luy donne la faculté de disposer de la première année de son revenu ; mais quand il a plus de revenu qu’il ne faut pour sarisfaire à toutes ces charges, elle n’a point entendu luy donner cette liberté pour faire un avantage si extraordinaire à sa femme au prejudice de ses heritiers legitimes que la Coûtume favorise en toutes rencontres ; la femme répondoit que la moitié des meubles luy appartient jure suoi qu’elle ne profite que de l’autre moitié par la liberalité de son mary, et la Coûtume permettant à un homme de disposer de la première année de son revenu sans distinction s’il a des meubles ou s’il n’en a pomnt, on ne doit pas restreindre sa liberté n’étant pas moins obligé à sa femme et aux serviteurs qui l’assistent pendant sa vie, qu’à des heritiers collateraux dont il n’avoit reçû aucun secours : Par Arrest du 7. de Mars 1634. la Cour ordonna que les legataires seroient payez sur les fruits de la première année suivant la volonté du testareur, et que tous les meubles seroient delivrez à la veuve legataire des meubles, en baillant caution de rapporter à cause des remplacemens pretendus sur les meubles par les heritiers des propres alienez.


CCCCXXIX.

Donation de meubles comment permise au profit de la femme.

Le mary n’ayant enfans, ne peut donner de ses meubles à sa femme sinon jusques à la concurrence de la moitié de la valeur des héritages et biens immeubles qu’il possede lors de son decez : et s’il a enfans, il ne luy en peut donner qu’à l’avenant du tiers de ses immeubles.

Cet Article se pratique à la rigueur : Par Arrest, au Rapport de M Buquet, du 20. de Novembre 1669. entre Riquier Jourdain, une donation à cause de mort de deux bâteaux faite par un mary au gendre de sa femme et son presomptif heritier fut declarée nulle, parce qu’il n’avoit point d’immeubles, et que par un Contrat precedent il avoit tenté de les donner à sa femme, à laquelle il en avoit donné la joüissance par son Contrat de mariage ; mais cessant ces considerations cette donation de meubles n’eût pas été nulle pour être faite par le mary aux parens de sa femme. Jay remarqué cet Arrest sur l’Article CCCeXXII.

On a souvent agité cette question, si cet Article doit être gardé pour les donations entre vifs : Un Vivandier d’armée par fon Contrat de mariage avec la nommée de Sens passé à Abbeville luy avoit donné tous ses meubles, reconnoissant qu’elle les luy avoit apportez ; cet homme qui n’avoit point de domicile certain ayant été tué en cette Province, ses heritiers collateraux contesterent à sa femme la delivrance de ses meubles par ces raisons, que ce Contrat avoit été fait depuis la celebration du mariage, et qu’il n’avoit aucus immeubles, et que par consequent suivant cet Article la donation devoit être reduite à la moitié : il fut dit pour la veuve que le mary auroit pû luy donner tous ses meubles par testament, que ce Vivandier n’ayant point de domicile certain cette donation devoit être reglée par la Coûtume du lieu où elle avoit été passée : Par Arrest du premier de Juillet 1659. la donation fut confirmée, plaidan de Sets, et de Cahaignes.

On ne peut pas asseurer que la question generale ait été deoidée par cet Arrest, à cause que le Contrat de mariage n’avoit point été passé en Normandie, et que les conjoints n’en étoient point originaires.

Mais pour montrer que l’on ne doutoit point que cet Article ne devoit être gardé que pour des dispositions testamentaires, il fut jugé en la Grand. Chambre le 16. de May 1653. que pour donner effet à la donation de meubles faite par le mary à la femme par leur Contrat de mariage, il n’étoit pas necessaire qu’il eût été reconnu, et que c’étoit assez que la volonté du mary fût certaine

Cependant cette même question, si la donation faite par le mary à sa femme de tous ses sieubles par leur Contrat de mariage pouvoit valoir, ayant été plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre le 14. de Decembre 1677. entre Cecile Langlois heritière de Langlois son frère, et Anne Bouquet veuve dudit Langlois, on cassa la Sentence du Bailly qui avoit confirmé la donation, et en reformant on ajugea la moitié des meubles à la femme et le tiers de l’autre moitié ; mais il me semble que l’on ne devoit pas considerer cette paction du mariage comme une donation, c’étoit une clause sans laquelle le mariage n’eûr peut-être pas été fait, et l’intention de la Coûtume n’a pas été d’empescher les avantages que le mary pourroit faire par une pure liberalité et sans aucun engagement ny obligation, et sur tout par un tetament, parce que nous donnons beaucoup plus volontairement les choses que nous pre-voyons devoir bien-tost abandonner ; néanmoins on a si peu de disposition en Normandie à voriser la condition des femmes, que l’on n’étend jamais la Coûtume à leur avantage.

Mais le mary poutroit par donation entre vifs donner à sa femme telle part de ses meubles qu’il pourroit luy laisser par testament, ce qui a été jugé par Arrest en la Chambre des Enquêtes, au Rapport de Mr de Montaigu, le 23. de Decembre 1644. Une donation faite par un mary qui n’avoit point d’enfans de tous ses meubles à sa femme fut declarée valable fuivant cet Article, qui permet au mary de donner à sa femme jusqu’à la concurrence de la valeur de la moitié de ses immeubles, ce qui est d’autant plus juste que la donation entre vifs est moins suspecte de suggestion que la testamentaire.

Il faut remarquer que cet Article n’a point lieu au profit du Fise, mais seulement pour les heritiers du mary. La donation d’un bâtard à sa femme de tous ses meubles portée par son Contrat de mariage et par son testament fut confirmée, quoy que les meubles excedassent la valeur de la moitié des immeubles, et que le donataire du Roy en demandât la redu-ction. La Coûtume vraysemblablement n’ayant considéré que l’interest des heritiers, en ce cas il n’eût pas été juste qu’une femme eût eu toute la dépoüille de son mary, quand il ne aissoit que des immeubles d’une valeur au dessous des meubles : Arrest, au Rapport de Mrde Caradas, du 23. d’Aoust 1632. entre Marguerite Angerville veuve d’Alexandre de Harcour, légataire universelle des meubles demeurez aprés son decez, prenant le fait de Henry, Pierte, et Alexandre, dits Angerville pere et fils, et Suzanne Bunel femme dudit Henry, appeldans de Sentence renduë par le Vicomte de Falaise au Siege de S. Pierre sur Dive, le 22. de Septembre 1631. Ordonnance de prise de corps, et de tout ce qui fait avoit été contre lesdits d’Angerville et Bunel par le Bailly de Caen au Siege de Falaise, d’une part, et Me Marin.

Samin Receveur du Domaine de Falaise, en la presence de Laurens Renard Foutrier de la Maison du Roy, intervenant en Cause en qualité de donataire du Roy des biens dudit de Harcour à luy échûs à droit de Bâtardise, et Mr le Procureur General prenant le fait de son Substitut à Falaise, d’autre part : Il étoit porté par le Contrat de mariage desdits Harcour et Angerville qu’en cas de predecez dudit de Harcour sans hoirs issus de leur mariage, ladite Angerville emporteroit generalement tous les meubles qui seroient laissez par ledit de Harcour, lequel par son testament avoit aussi fait sa femme legataire universelle de ses meubles : le Receveur du Domaine et le donataire des droits du Roy pretendoient que cette donation devoit être reduite aux termes de cet Article, les meubles excedant la moitié de la valeur les héritages que ce bâtard possedoit au temps de son decez : par la Sentence dont il y avoit appel il étoit ordonné qu’avant de faire droit sur la validité ou invalidité du Contrat de maiage et testament, le Repertoire fait par le Bailly des Lettres et Ecritures de la succession, ensemble les pieces mises par inventaire, et autres dont elle voudroit s’aider seroient representées et mises aux mains du Rapporteur pour être ordonné ce qu’il appartiendroit, et que pour la conservation des biens le Sergent en feroit inventaire, et permis au Substitut et Receveur du Domaine de faire informer de la soustraction et enlevement des meubles : Par l’Arrest en infirmant la Sentence et faisant droit au principal, on accorda main-levée à ladite d’Angerville de tous les meubles laissez par son mary, ensemble de toutes les cedules et obliga-tions ayant appartenu audit de Harcour : Le Fisc n’étoit pas si favorable que la femme qu reclamoit des meubles qui provenoient de la mutuelle collaboration de son mary et d’elle, ce qui la rendoit beaucoup plus favorable qu’aucun autre legataire : D’autre part on peut dire que les termes de cet Artide étant negatifs et prohibitifs, excludunt omnem potentiam juri et facti : On disoit pour le Fisc qu’encore que l’on ait permis au bâtard de tester, c’est à ondition de garder les Loix de la Province, il ne seroit pas raisonnable de frustrer le Roy des successions qui luy sont deférées par la Coûtume : Or la Coûtume défendant indistin. ctement à celuy qui a la meilleure partie de son bien en meubles de les donner que jusqu’à la concurrence de la valeur de la moitié de son immeuble, le bâtard ne doit pas faire fraude aux droits du Roy.

On peut dire au contraire que pour rencontrer le véritable sens de la Loy il faut découvrir et connoître le mal auquel elle a voulu apporter du remede ; par cet Article la Coûtume n’a eu d’autre but que de conserver le bien aux heritiers, et pour cette raison elle n’a point permis que celuy qui n’avoit que des immeubles les en pûst priver entièrement : Elle marque son intention en plusieurs endroits, s’il y a deae enfans elle ne permet d’en donner que le tiers, ae’il n’y en a point elle donne une plus grande liberté : en cet Article elle ménage l’interest des autres heritiers, mais elle n’a jamais pensé à borner la liberté des hommes en faveur du Fise : Par l’Article CCCCXXXV. les heritiers peuvent revoquer les donations, mais elle ne donne pas ce pouvoir au Fisc, et par le Droit Romain la complainte d’inofficiosité contre le testament qui appartient aux enfans, et la detraction de la legitime n’appartient point au Fisc, qui est un heritier anomal et itregulier : Aussi Bacquet et Chopin ont tenu que la reduction des legs et des donations n’appartient qu’aux heritiers, en al-déguant pour preuve un Arrest prononcé en Robes rouges le 8. de Juin 1576. entre l’Amitaut et la Reyne d’Ecosse, donatrice et usufruitière de la Touraine, par lequel il fut jugé que la Coûtume de Touraine qui reduit la liberté de tester à une certaine somme, n’a lieu qu’en faveur des heritiers et non pour le Fisc succedant au donateur ;Chopin , de Doman. l. 1. t. 8. in fine ;Bacquet , du Droit de Bâtardise, c. 6.

Il en iroit autrement de la donation de tous les immeobles, comme il sera dit sur l’Article CCcexxXi.


CCCCXXX.

Executeurs de Testamens de quoy saisis et à quoy tenu.

Les executeurs testamentaires sont saisis durant l’an et jour du trépas du défunt des biens meubles demeurez aprés le decez, pour l’accomplissement du te-stament, jusques à la concurrence des legs et autres charges en faisant au prealable inventaire, appellez les heritiers et en leurs absence les plus prochains parens : si mieux l’heritier ne veut saisir l’executeur testamentaire des legs et charges en argent ou en essence.

On a cherché dans le Droit Romain l’origine des executeurs testamentaires ; mais ce qui est dit en la l. Si quis sepulchrum i2. 8. Funus de Roligios. et sumpt. funeb. D. l. quidam p6.

S. 3. et l. à plurib. 1o7. de legat. et en plusieurs autres dont l’on se sert pour le prouver n’y ont pas beaucoup de rapport, la Loy S. D. de alim. legat. y est plus conforme : et suivant l’observation de Mr Cujas sur cette Loy, Bartole à pris occasion d’écrire et d’inventer plusieurs choses touchant les executeurs testamentaires, et sa doctrine et ses traditions. quoy qu’elles fussent de son invention et ne fussent fondées sur aucune Loy, n’ont pas laissé d’être reçûës et suivies par tout : l’usage en a été introduit afin que les dernieres volontez des mourans ne demeurassent pas sans execution, et que le payement des legs ne ût pas retardé par l’avarice et par la longueur affectée des heritiers : Mais nos Coûtumes de France leur ont donné beaucoup plus de pouvoir qu’ils n’en avoient par le Droit Civil ; voyezTronçon , sur l’Article 297. de la Coûtume de Paris ; de laLande , sur l’Article 290. de la Coûtume d’Orléans ;Ricard , des donat. p. 2. c. 2.

Sur cet Article l’on peut traiter ces matières ; 1. Quelles personnes peuvent être nommées pour l’execution d’un testament ; 2. De leur devoir et pouvoir : Et en troisième lieu des actions. qu’elles peuvent exercer :

Toutes personnes peuvent être nommées et employées à cette charge ; les hommes et les femmes, les Laiques et les Ecclesiastiques, et même les mineurs, suivant le sentiment de s plusieurs Docteurs.

Les femmes soit qu’elles soient mariées ou qu’elles ne le soient pas peuvent exercer cettt tharge, parce que ce n’est pas un office public, et même le testateur peut avoir ordonné certaines choses qui conviennent à leur sexe ; l. à filio 15. de alim. legat. D. mais à l’égard de li femme mariée les heritiers ne seront pas tenus d’accepter sa nomination, si son mary ne l’autorise, ne pouvant s’obliger sans son autorité et son consentement.

Non seulement un Ecclesiastique seculier, mais même un Religieux profez peut en faire la fonction pourvû qu’il soit autorisé par son Superieur, Cap. ult. de testament. m 6. c. Guy Papé est d’opinion contraire en sa Decision 563. mais la pluspart des Docteurs sont d’un autre avis.

Pour les mineurs quoy que cela fût autrefois en usage il n’est pas juste de les y recevoir, parce qu’ils s’engageroient à une rendition de compte dont ils poutroient être restituez, et c’est pourquoy les heritlers et les créanciers pourroient s’y opposer La qualité de legataire ne forme point d’empeschement à cette nomination, comme je l’ay remarqué sur l’Artcle CCCeXII.

Le devoir et le pouvoir des executeurs testamentaires est expliqué par cet Article ; Iss doivent être saifis dans l’an et jour du trépas du défunt des biens meubles demeurez aprés le decez du défunt, pour l’accomplissement du testament, jusqu’à la concurrence des legs et autres charges, et leur devoir consiste à faire auparavant toutes choses un inventaire des meubles et d’y appeller les heritiers, ou en leur absence les plus proches parens.

Toutes ces conditions que la Coûtume leur impose sont justes : Ils ne doivent point mettre la main à la chose qu’aprés un inventaire et en la presence des heritiers ; et quoy qu’il soit en leur pouvoir de faire la delivrance des legs, ils ne doivent point yproceder qu’aprés l’avoir déclaré aux heritiers ou les avoir dûëment appellez, afin qu’ils puissent opposer à l’etecution du testament s’ils en ont quelque juste caule ; et c’est leur interest d’y apporter ces precautions, afin que tout ce qu’ils auront fait ne leur soit point contredit lors qu’ils rendront leurs comptes

Les executeurs testamentaires peuvent exercer dans l’an toutes les actions qui tendent à l’execution de leurs charges ; mais comme cet Article ne leur donne que la saisine des meubles du défunt, ils ne pourroient pas faire vendre les immeubles, fous ce mot de meubles il faut entendre largement tout ce qui est mobilier, comme l’argent comptant, les promesses, les obligations, les revenus des terres, et les arrerages des rentes Quant au payement des dettes du défunt, cela ne dépend point de la fonction de l’executeur testamentaire, et si P’heritier pour demeurer saisi de tous les meubles et pour en empes-Echer la vente, offroit de consigner entre les mains de l’executeur testamentaire les sommes à quoy se monteroient les legs, il y seroit recevable, parce que l’execution testamentaire n’a interest qu’à faire executer les volontez du défunt.

Les legataires doivent recevoir leurs legs par les mains de l’executeur testamentaire, ou de vheritier, rem legatam propriâ authoritate occupare non potest, l. Non est dubium C. de legat. Sil en use autrement jure suo. cadit. Cujas en ses Comment. sur cette Loy ; Tiraqueau dans son Traité, le mort saisit le vif ; Jul.Clari . l. 3. sentent. 8. Testamentum, c. 88. Decius Cons. 438. in fine, et Cons. 243. GuyPapé , quest. 609. cum notis. Faber in Cod. Fabriano, l. 3. t. 19. defin. 4. le testateur neanmoins peut ordonner par son testament que le legataire de sa propre autorité prenne possession de la chose qu’il luy a léguée.

L’observation de ces Maximes est particulièrement necessaire en cette Province en consetuence de l’Article precedent, qui ne permet au mary de donner à sa femme que jusqu’à la concurrence de la moitié de la valeur des héritages et biens immeubles qu’il possede au temps. de sa mort. S’il étoit permis à la veuve legataire universelle des meubles de son mary de se saisir de son legs de son autorité privée, on ne pourroit connoître si le legs excederoit la moitié de la valeur des immeubles de son mary. Feu Mr Jeun Basin Procureur en la Cour ayant donné tous ses meubles à Catherine le Duc sa femme, elle n’attendit pas qu’il fût mort, étant malade dans une sienne maison de campagne elle envoya promptement à Roüen pour se saisir de ses meilleurs meubles, et s’étant aussi saisie des clefs, lors que l’on proceda au Repertoire des écritures, elle prit plusieurs papiers qu’elle fit jetter dans un lieu fecret ; la prouve de tous ses faits ayant été faite par le frère du défunt, et elle-même les ayant avoüez par ison interrogatoire, par Sentence des Requêtes du Palais le testament fut declaré nul à son égard ; dont ayant appellé la Sentence fut confirmée ; par Arrest en la Chambre des Enquetes, au Rapport de Mr de la Place, le 13. de Juillet 1660.

Autre Arrest pareil sur ce fait au Rapport de Mr de Tiremois Herqueville, en la Chambre des Enquêtes du 7. Mars 1679. Me Eustache Louvel Huissier au Parlement avoit donné par son testament à Barbe Vauquelin sa femme le tiers de ses meubles outre le tiers qui luy ppartenoit de fon chef : aprés la mort de son mary elle entra dans son cabinet d’où elle en leva plusieurs choses : François Louvel soûtint contre elle et contre Eustache Louvel son frere, que vû-les soustractions par elle commises elle devoit être privée des meubles que son mary luy avoit donnez par son testament : Par Sentence du Vicomte elle fut condamnée en trente mille livres sur lesquelles il luy en fut donné un tiers, et on la priva du tiers à elle donné par le testament de son mary, et ledit Eustache Louvel condamné à payer la moitié des trente mille livres : Toutes les Parties ayant appellé le Bailly condamna ladite Vauquedin en six mille livres envers François Louvel, et la priva du tiers qui luy avoit été donné toutes les Parties appellerent encore de cette Sentence, et par l’Arrest la Cour en infirmant la Sentence condamna ladite Vauquelin à rapporter la somme de six mille cinq cens livres pour les soustractions par elle faites de l’argent, argenterie, et autres meubles de ladite succession, et privée du tiers à elle donné par le testament de son mary, Si l’heritier doit perdre sa part en ce qu’il recele, voyezLoüet , l. R. n. 48. par l’Arrest t de ladite veuve Basire, la veuve ne fut pas privée de prendre part en ce qu’elle avoit recelé, parce que le testament fut déclaré nul ; mais la Cour en a fait un Reglement, Article 84du Reglement de 1666

L’executeur testamentaire ne peut pas demander recompense des peines qu’il a prises pour faire executer les dernieres volontez de. son amy, il luy doit ce service en reconnoissance de l’honneur qu’il luy a fait, mais s’ù a fait des frais il n’est pas exclus de les mettre en compte ; cela fut jugé en la Chambre des Enquêtes le 18. de Mars 1637. au Rapport de Mr de Vigneral, entre le sieur Marquis de Bourry et Jean Gilles : l’executeur testamentaire avoit payé les legs, et les heritiers étant absens il avoit envoyé des persones pour leur donner avis de la mort de leur parent ; sur le remboursement qu’il demandoit de ses frais, il fut dit que son office étant purement gratuit et charitable il ne pouvoit demander ses peines et vacations, mais qu’il seroit remboursé de ses frais : autrement petsonne ne voudroit accepter l’execution d’un testament, c’étoit l’interest des testateurs et des legataires.