Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCCCXXXI.

Quelles personnes peuvent donner entre vifs, quoy, et à qui.

Personne aagée de vingt ans accomplis, peut donner la tierce partie de son heritage et biens immeubles, soient acquests, conquests, ou propre, à qui bon luy semble, par donation entre vifs, à la charge de contribuer à ce que doit le donateur lors de la donation, pourvû que le donataire ne soit heritier immediat du donateur ou descendant de luy en droite ligne.

ET Article peut être divisé en quatre parties : La première fait mention des personnes capables de donner ; la seconde, de ce que l’on peut donner à troisiéme, de la maniere et comment l’on peut donner ; et la quatrième, des personnes à qui il est permis de donner ; et en consequence il y aura lieu de traiter ces matieres, si le donataire peut demander les fruits ou les interests de la chose leguée, et de quel temps ils luy sont dûs L’âge de vingt ans accomplis est la premiere qualité que la Coûtume désire pour rendre une personne capable de donner : elle a fixé à cet âge la majorité de ceux qui sont soûmis à son autorité, ayant retranché celuy de vingt-cinq ans jusqu’où le Droit Romain et plusieurs Coûtumes de France ont étendu la minorité Tous les peuples ne naissent pas sous des climats également heureux ; le Ciel ne répand sur les uns que des glaces et des frimats, tandis qu’il communique aux autres ses plus benignes influences. La Nature aussi ne distribuë pas également les faveurs de l’esprit ; il y a des peuples qui naissent presque tous avec des genies heureux et capables des grandes choses, et nous connoissons au contraire des Nations entieres d’un esprit grossier et indocile : Si l’on en Accurse croit le bon Accorse ad l. Sequitur, S. 2. in verbo, si animum possidendi, les Romains, les Lombards, les Normands naissent avec un genie plus meur et plus avancé que les autres peuples, qualis Lombardia, Normandia parit, et avaritiae caput Roma cunctos tales generans.

Mr d’Argentré a crû que c’étoit la raison pour laquelle la Coûtume a avancé le terme ordinaire de la majorité ; mais sans nous flater de cet avantage il est plus vray de dire que la Coûtume nous ayant mis en une perpétuelle curatelle et nous ayant presque rendus de simples usufruitiers de nos biens, il n’y avoit pas d’inconvenient à nous abandonner à nôtre propre conduite.

Quand il s’agit de la preuve de l’âge on conteste assez souvent par qui elle doit être faite.

aeMenochius a traité fort amplement cette matière, l. 2. de Praes. Praes. 50. et sa distinction me aroit juste, où il s’agit d’un Contrat dont on demande la récision à cause de la minorité, en ce cas celuy qui se fonde sur sa minorité doit la justifier, où l’on pretend que quelque ta chose ne se puisse faire par la raison de la minorité, comme si l’on s’opposoit à la reception à un Office, parce que le recipiendaire n’auroit pas l’age competent, en ce cas celuy qui allégue la minorité doit la prouver ; ou si la Loy désire qu’on ait atteint un certain âge pour être admis à quelque employ il faut justifier que l’on soit parvenu à cet âge, in hac materia optima regula dari potest, ut sive affirmativè sive negative deducatur atas, is probet, qui commodum ex atate sensurus est.

Cette majorité de vingt ans pour les personnes domiciliées en cette Province les rend capables de disposer des biens qu’ils ont dans les Provinces où les Coûtumes ne declarent les personnes majeures qu’à vingt-cinq ans : car quand il s’agit de la capacité de contracter on confidere seulement la Coûtume du domicile, comme il fut jugé en la Grand. Chambre de 4. de Février 1866. entre la Demoiselle Bernard, et Bernard sieur de la Fleuderie : Il fut dit en infirmant la Sentence dont cette Demoiselle étoit appellante, qu’étant majeure à vingi Sans en Normandie où elle étoit domiciliée, elle pouvoir disposer de son bien situé à Paris, parce que la majorité qui donne la liberté de contracter fuit la personne et le domicile, et celuy qui est majeur en Normandie l’est en tous lieux ; plaidans Greard, et du Hecquet. Au contraire par Arrest, au Rapport de M’Deshommets, du 14. d’Aoust 1643. un homme âgé de vingt ans accomplis qui étoit né et demeurant en Bretagne fut restitué contre le Contrat de la vente le ses héritages situez en Normandie ; on jugea que pour la capacité de contracter il falloit uivre la Loy du domicile, et par consequent qu’étant mineur en Bretagne, il n’avoit pû rendre ses biens situez en Normandie.

Quoy qu’en Normandie la majotité ne soit parfaite qu’à vingt ans accomplis, il y a pourtant parmy nous, comme ailleurs, cettaines personnes qui en certaines choses sont reputées majeures et capables de s’engager avant la majorité : Les Titulaites des Benefices sont repuez majeurs aprés quatorze ans pour tout ce qui concerne leurs Benefices ; Loüer, l. 8. n. 7.

Il est de même des Procureurs, Avocats et Officiers pour tout ce qui concerne leurs Charges ;Loüet , c. 5. n. 9.Brodeau , Coûtume de Paris, Article 32. quoy qu’en toutes autres choses ils soient restituables.

à l’égard des donations nous avons un exemple où nonobstant la minorité on est capable de donner, c’est pour la donation d’immeuble faite par une fille à son futur mary par son Contrat de mariage : on en pouvoit douter par cette raison, que les immeubles des mineurs ne peuvent être alienez que pour cause et par les formes introduites par le Droit, l. Praedia, C. de Prad. Min. sine du. C’est mal argumenter à capacitate matrimonii, ad capacitatem conventionum matrimonialium : La capacité du mariage vient de la capacité de la Nature qui rend l’un et l’autre des conjoints capables de conjonction ; mais la capacité des conventions matrimoniales provient non ex potentiâ naturae, sed ex lege civili & capacitate contrahendi : que son pere qui l’avoit mariée et qui avoit donné ce tiers ne luy avoit rien donné du sien, et qu’elle n’en pouvoit esperer aucune chose ayant passé en un deuxième mariage dont il avoit des enfans, qu’il n’étoit point son tuteur et ne pouvoit disposer de son bien. Pour solution à ces objections on répondoit que la prohibition d’aliener les immeubles n’avoit lieu que in venditione & donatione purâ, in quibus minor laeditur, non in donatione favore matrimonii, l. Titia de jure dot. l. 1. Cod. si adversus donationem, ubi donatio ante nuptias obtentu atatis non revocaetur, et l. 8i quando, Cod. si major factus. I. Lex quae pradia, C. de administ. tut. Balde Cons. 99. conclud fort bien a positione habi. ditatis ad matrimonium habilitatem interponendi pacta omnia solita apponi de jure in contractu matri. monii et frequentata in regione. Du Moulin a écrit la même chose en son Apostille, sur l’Article 161. de la Coûtume de Blois. L’Article 220. de l’ancienne Coûtume de Bretagne conforme au 205. de la nouvelle, contient que l’homme peut donner à sa future épouse, ou elle à son futur époux le tiers de son héritage, sed ab hac difpositione, dit Mi d’Argentré , Article 220. gl. 2. excipiendi sunt minores qui ne matrimonii quidem sui causâ possunt donationem facere aeec dotem constituere. Il en allégue pour raison que à capacitate matrimonii quae et naturae & juris est non debuit colligi capacitas donandi, idem actus civilis qui non nisi à consensu proficisci potest, consensus autem non nisi ab habili. Il avoué pourtant que si le party étoit avantageux pour la fille, nulla tanta bonorum consideratio esse debet, que conditionem egregiam & personarum utilem & honestam conjunctionem remoretur, si propinquorum judicium et magistratùs autoritas intercedat Par Arrest en la Grand. Chambre du 23. de Février 1657. entre Joustel tuteur des enfans du mary, et Millet, la donation faite par une fille mineure à son futur époux fut confirmée, quoy qu’elle eût depuis obtenu des Lettres de restitution ; il est vray que son pere y avoit consenti, mais elle disoit qu’il l’avoit surprise. Par l’Article 74. du Reglement de 1666. ces donations sont approuvées, pourvû que la mineure ait été dûëment autorisée par ses parens. Le decret du Juge n’est pas necessaire aquoy que M’d’Argentré soit d’un sentiment contraire

Quoy que cet Article permette à toutes personnes âgées de vingt ans accomplis de disposer du tiers de ses immeubles, on ne doute point que les furieux et les interdits n’en soient exceptez, pourvû que la cause de leur interdiction n’ait point cessé. Jacques Coty Huissier en la Cour ayant reçû mal à propos une caution, Robert Coty son pere par l’avis de Me Richard Coty Procureur en la Cour son frère et de ses autres parens, le fit mettre en curatelle : Aprés la mort du pere Jacques Coty pria les mêmes parens de le restituer conctre cette curatelle, et s’en étant rendu appellant du consentement des mêmes parens la curatelle fut cassée par Arrest du 21. de Février 167t.

Le 20. de Mars ensuivant, se voyant sans enfans il donna le tiers de son bien à Me Richard Coty son oncle avec retention d’usufruit durant sa vie. Bonaventure Benoist dont le fils avoit épousé la seur de Jacques Coty, et les enfans de laquelle étoient ses presomptifs heritiers ayant eu connoissance de cette donation, obligea le donateur de passer une Procuration à sa mere pour la revoquer, et par cette même Procuration il luy donnoit pouvoir de vendre son bien : en vertu de cette Procuration la mere fit signifier une revocation au donataire, mais quelques jours aprés Jacques Coty envoya à son Procureur une déclaration signée de luy qui contenoit qu’on luy avoit fait signer cette revocation par surprise, et qu’il consentoit l’execution de la donation, en consequence dequoy le Procureur aquiesça au Procez. Benoist fit faroître depuis une déclaration contraire, mais on reconnut qu’elle avoit été suggerée par luy au donateur lors qu’il étoit malade : La Cause ayant été derechef portée aux Requêtes du Palais on ordonna que la premiere Sentence seroit executée, dont Benoist ayant appellé et Jacques Coty étant mort, Maunoutry son Avocat reprochoit à Me Richard Coty donataire qu’il avoit extorqué par adresse cette donation de son neveu, et bien que luy-même l’eûr fait mettre en curatelle comme étant un yvrogne et un esprit foible, pour avoir lieu d’exiger ce don et le rendre capable de donner il avoit sollicité les parens de le remettre en liberté, ayant luy seul poursuivi l’Arrest, et l’interdit n’ayant pas même comparu pour demander son rétablissement, et qu’aussi-tost aprés l’interdiction levée il en avoit surpris cette donation, qui ne pouvoit être soûtenue ayant été faite par un interdit, au profit de celuy qui avoit surpris l’Arrest qui le rétablissoit, lequel par consequent n’étoit point considérable puis que c’étoit l’ouvrage seul du donataire, et si la Cour avoit sçû qu’on ne vouloit restituer cet imbeoille que pour le rendre capable de donner, elle n’auroit pas approuvé la surprise qu’on avoit faite à sa religion. se répondois pour Coty donataire que cette curatelle étoit nulle dans son principe, parce qu’elle étoit sans cause, l’interdit n’ayant jamais fait de mauvais ménage ny contracté aucune lette, la seule faute qu’on luy avoit imputée étoit d’avoir reçû une caution dont pourtant il ne recevoit que ce prejudice qu’il falloir avancer de l’argent : L’Appellant avoit mauvaise grace de blamer l’Arrest qui levoit la curatelle puis qu’eux-mêmes s’en étoient servis, ayant pris une Procuration de cet interdit pour aliener et vendre son bien, et pour revoquer cette donation : Il étoit donc capable d’agir par leur propre aveu, que s’ils ne l’euffent pas jugé tel, au lieu de se rendre ses procureurs pour luy faire exercer toutes les actions d’une personne libre et capable, ils auroient dû assembler les parens à l’effet de le remettre en cura-elle, et luy donner un Curateur sous le nom duquel ils auroient poursuivi la cassation de ce don. Aprés tout cette donation étoit si favor able, que quand même il seroit demeuré dans son interdiction elle pourroit subsister. Il n’avoit point d’enfans, il retenoit la joüissance de sos bien, il donnoit au fils de son oncle qui portoit son nom et qui étoit son bienfaicteur, et dont il avoit reçû de grandes assistances. La Coûtume ayant si fort favorisé la conservation les propres dans les familles, on pouvoit dire que le donateur avoit fait une action approuvée et favorisée par la Loy : de forte que quand même la Cour auroit sçû qu’on le remet-toit en liberté dans cette seule vûë de faire un don si favorable et remunératoire, elle n’au roit point desapprouvé son intention, il ne falloit pas tant considerer l’incapacité du donateur que la justice et la faveur de la donation, et comme rapporte Cambol. l. 5. c. 50. sur ce fondement on a jugé au Parlement de Tolofe qu’un testament étoit valable quoy qu’il eût été fait par un prodigue interdit, parce qu’il avoit judicieusement divisé ses biens entre ses enfans, et avoit fait ce que la Nature et les Loix ordonnent. En semblable cas l’Empereur Leon dans sa Novelle 39. a ordonné que les bonnes actions qui se trouveront faites par un prodigne soient autorisées, quid enim, dit-il, si prodigus aut hereditatem suis necessariis relinquere, aut pauperibus sua distribuere, aut denique gravem servitutis torquem servorum cervicibus adimere volet, an ideo quod prodigus est id illi non licere velle dicendum s Nous apprenons de Valere Maxime, 1. 7. c. 8. que le Senat de Rome avoit jugé la même chose dans le cas de la démence, et qu’il s’étoit fondé sur une semblable consideration pour ordonner l’execution d’un testament qui avoit été fait par un insensé, magis enim centumviri quod scriptum effet in tabulis quam qui scripsisser considerandum existimaverunt

Les Docteurs même ne sont pas d’accord sur la question de sçavoir de quelle façon se leve l’interdiction : quelques-uns ont pensé que l’interdiction ne peut être détruite que par les mêmes voyes qu’elle avoit été ordonnée, et que quand elle a été faite par l’autorité du Magistrat, elle ne peut être aneantie que par la même autorité, et par consequent que celuy qui a été déclaré prodigue par une Sentence, a besoin d’une Ordonnance contraire pour être étably dans l’administration de ses biens,Bald . Ad l. 1. in fin. 1. C. qui et ad quos. Ranchin Papé n Comment. ad quest. 260. Guid. Pap.

Les autres, commeBartole , in l. 15. cui n. 5. de verb. oblig. tiennent au contraire, que fi le prodigue devient notoirement sage et que sa conduite soit bonne, l’interdiction cesse de plein droit, parce que la liberté qui est naturelle s’acquiert plus facilement que la servitude, et toules choses retournent facilement à leur principe : ainsi l’interdiction qui constituë l’interdit dans un état violent, s’évanoüit et s’aneantit avec plus de facilité qu’elle n’a été formée ;Ricard , des Donat. part. 1. c. 3. sect. 3. L’interdiction du donateur n’étant fondée sur aucune cause legitime elle étoit levée de plein droit ; mais elle ne pouvoit être opposée en cette rencontre où ce pretendu interdit n’avoit rien fait que de judicieux, et la Loy 8. item prodigus instit. quib. non est permiss. facer. testament. qui défend au prodigue de faire un testament ne peut être appliquée au sujet de cette Cause ; et aprés tout la curatelle avoit été aneantie par Arrest : Par Arrest en la Grand. Chambre du 18. de Mars 1672. la donation fut confirmée.

Il ne suffit pas toûjours d’être âgé de vingt ans pour être capable de donner, ceux qui ont commis un crime capital ne peuvent disposer de leurs biens par donûtion s l’accusation est suivie de la condamnation, comme je l’ay montré sur l’Article CXLIII. mais bien qu’en France l’Etranger ne soit point capable de faire testament, il peut toutefois par donation entre vifs dispoler librement de ses biens ; j’en ay remarqué les Arrests sur l’Art. CXLVIII.

Cet Article permeitant à la personne âgée de vingt ans accomplis de donner la tierce pardie de son bien, on a douté si la femme mariée devoit être comprise fous cette disposition Il n’y avoit pas de question pour celle qui n’étoit point autorisée par son mary : quelques-uns neanmoins ont tenu en ce cas que l’effet du Contrat demeuroit en suspens jusqu’aprés la mort du mary ; car alors la femme étant faite sui juris, ny elle ny ses heritiers ne peuvent empescher l’execution du Contrat, quia res pervenit ad eum casum à quo incipere poterat : L’opinion contraire a prevalu, parce que le Contrat étant nul ab initio par le défaut d’autorté qui est essentiel, il ne pouvoit valoir contre la femme ny contre ses heritiers quoy qu’ils y eussent prété leur consentement ; ce qu’on soûtenoit par l’Argument du Senatus-Consulte Ma-cedonien, suivant lequel ceux qui prétent de l’argent au fils de famille ne peuvent pas le luy demander aprés la mort de son pere, l. 1. in Princ. Ad Senat. Consult. Macedon. Et quand on objecte à la femme qu’elle ne peut venir contre son fait, on répond que cela n’est point veri-table quand le Contrat est contre le droit public et en fraude de la Coûtume, en ce cas celuy. qui l’a fait peut y contrevenir impunément, jure civili uxor habet liberam potestatem bona sua et immobilia donandi arque alienandi, neque requiritur ad hoc presentia vel consensus mariti, l. VelLes Cod. de reN. Don. secus de jure Saxomico uxor absque consensu mariti bona sua donare non potest aut vendere & alienare ; Rheinardus, l. 1. c. 7. differ. jur. Civ. et Saxon.

On a long-temps disputé si une femme sous l’autorité de son mary étoit capable de donner : Bérault a remarqué un Arrest donné sur un procez partagé en la Chambre de l’Edit, par dequel une donation faite par une femme autorisée par son mary à une sienne niéce, du tiers de ses acquests fut déclarée valable

dais cet Arrest n’ayant décidé la question que pour la donation du tiers des acquests, elle étoit encore problematique pour la donation du tiers des propres, lors qu’elle s’offrit en l’Audience de la Grand-Chambre le 30. de May 1653. entre Légues et Ruete, et par l’Arrest la donation faite par une femme autorisée par son mary du tiers de ses propres fut de-dlarée nulle, les Juges ayant fait distinction entre la donation des propres et des acquests.

Cet Arrest a été suivi d’un autre donné en la Chambre des Enquêtes le 27. de Juillet 168s. entre Piel et Neel, au Rapport de Mr de Courvaudon, par lequel une donation des propres faite par une femme mariée a été cassée. Il semble que la Coûtume n’ait permis à la femme mariée de donner qu’en deux cas, ou à fes enfans en les mariant, ou par testament, et la Coûtume ayant exprimé ces deux cas, elle semble avoir exclus tous les autres ; néanmoms en la Grand. Chambre, au Rapport de Mi Auber, le 9. de Novembre 1647. avant les deux Arrests que je viens de citer, la donation faite par la nommée Chaumontel à un de ses parens fut confirmée, quoy qu’elle en eût obtenu des Lettres de recision, et qu’il y eût presomption que le mary avoit reçû un present pour consentir que sa femme fist cette donation Depuis au procez de Messire Henty de Pommereüil, sieur duMoulin -Chapel, et Messire François de Raveton, sieur de Chauvigni, cette question fut encore agitée. Il s’agissoit de sçavoir si Dame Loüife de Pommereüil, femme du sieur de Marigny, avoit pû donner étant dûëment autorisée par son mary par donation entre vifs la tierce partie de la dot au sieur de Raveton son neveu, sorti de Gillonne de Pommereüil la seur ; par Sentence du Juge de Conches la donation avoit été déclarée valable : Sur l’appel le sieur duMoulin -Chapel soûrenoit que par la Coûtume le bien des femmes est inalienable, et si elles en disposent du consentement de leurs maris elles en doivent être recompensées sur leurs biens, parce qu’étant en une perpétuelle tutelle et interdiction elles ne peuvent rien faire ny donner aucun consentement qui leur soit desavantageux, Article CCCCexxXIX. et CCCCeXXI. et bien que ces Articles ne parlent que des Contrats de vente ils ont lieu pareillement pour les Contrats de donation, n’y ayant pas d’apparence de dire que la femme qui ne peut vendre puisse donner, puis que donare est perdere, la femme ne seroit pas moins dépoüillée de son bien par une donation que par une vente, et le mary qui ne peut s’en rendre maître par une vente pourroit le faire indirectement par une donation : On ne peut tirer en consequence les Coûtumes voisines, parce qu’elles permettent aux femmes mariées l’allenation de leurs biens ; mais la prohibition d’aliener étant generale par la Coûtume, elle comprend tous les moyens par lesquels une femme peut être privée de son bien ; et quoy que suivant cet Article la personne âgée de vingt ans accomplis puisse donner, et que sous ce terme de personne la femme soit comprise, on ne doit entendre cette parole que d’une personne capable de contracter et qui ait la liberté de ses actions, que sit sui juris, ce qu’on ne peut dire de la femme mariée ; il faut aussi que la chose que l’on veut donner ne soit pas inalienable, comme sont sles biens dotaux de la femme mariée. Si la Coûtume avoit eu cette intention de laisser à la femme la liberté de donner entre vifs elle s’en seroit expliquée, comme elle a fait pour les testamens, Article CCCCXVII. Mais son filence sur ce sujet marque qu’elle n’a pas eu ce dessein, et on peut en donner cette raison, que la donation testamentaire qu’elle luy permes ne peut être que du tiers des acquests, et dont il est juste de luy abandonner la disposition puis qu’ils proviennent de son bon ménage, et d’ailleurs la donation testamentaire n’a son ffet qu’aprés la mort du testateur ; mais par la donation entre vifs la femme de son vivant se verroit dépoüillée du tiers de ses propres. Il ajoûtoit que la question avoit été decidée par les deux Arrests cu-devant remarquez.

Le sieur de Raveton opposoit à ces raisons que la femme avoit été dûëment auitorisée par son mary, que la donation étoit accomplie en toutes ses formes, qu’elle avoit même été ratifiée par la donatrice depuis sa separation de biens d’avec son mary, et qu’enfin aprés la mort de son mary elle avoit fait ajourner les heritiers de son mary pour faire juger que la donation qu’il avoit faite par le même Contrat au sieur de Raveton seroit executée ; on ne pouvoit pouter qu’aprés la mort de son mary elle n’eût perseveré dans cette même volonté de donner, et cette circonstance seule suffisoit pour rendre la donation valable. Il est vray qu’une femme martée ne peut contracter d’elle-même est in sacris mariti, et les Contrats qu’elle passe en son absence sont nuls de plein droit par le défaut d’autorité, jusques-là que quelques Auteurs ont crû qu’il n’en resulte aucune obligation naturelle ny civile,Bartol . in l. Cum lex. D. de fidejuss. mais quand elle est autorisée par son mary on ne pouvoit alléguer que les Contrats ne fussent pas oons étant approuvez par la Coûtume, Article CCCCCXXXVIII. ce qui est conforme à celle de Paris, Article 223. La distinction qu’on veut faire entre les ventes et les donations n’est point considérable : Il est vray que la femme a la recompense de ses biens vendus sur reux de son mary ; mais on n’a pas fait difficulté de permettre à la femme de donner, parce que la Loy a sagement presumé qu’à cause de son avarice naturelle, elle ne se porréroit à faire des liberalitez que par des considerations tres-fortes, donatio mulieris est cantra naturam, Sed si ego, D. ad Velleiam et ibi glos. in verb. Donet. On ne peut dire que cette incapacité de donner procede originairement de sa personne, elle n’a d’autre fondement que la puissance maritale, qui ne la prive pas absolument de sa liberté naturelle, elle la fuspend seulement, mais quand elle est remise dans son état naturel par l’autorité de son mary, et que ces chaines lont elle étoit liée par la Loy sont rompuës, elle peut comme toute autre personne disposer de son bien suivant cet Article : Elle ne peut véritablement executer cette faculté tant que cette dépendance dure, mais pourtant elle n’est pas éteinte et aneantie ; et il en est de même comme des biens dotaux de la femme, dont l’Empereur dit dlegamment en la l. 30. C. de jure dot. cum eadem res dotalis ab initio uxoris fuerit, naturaliter in ejus permansit dominib, nos onim quod legum subtilitate transitus earum in patrimonium mariti videatur fieri, ideo veritatt delara vel confusa est. La puissance maritale est l’unique cause de la prohibition faite aux femmes d’user de leurs droits durant le temps qu’elles y sont soûmises, ce qui ne produit qu’une nullité causative qui cesse aussi-tost que la cause en cesse ; mais les nullitez essentielles ne se peuvent effacer : Par l’Article CCCCX. Gens Mariez ne peuvent donner, ceder ou trausporter quelque chose que ce soit, &c. Or cet Article eût été fort superdu si la femme n’eût jamais eu le pouvoir de donner à qui que ce soit ; mais puis qu’il ne défend qu’aux Gent Mariez de se donner l’un à l’autre, il s’ensuit que les donations leur sont permises à l’égard de toutes autres ersonnes : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes du 18. d’Aoust 1666, au Rapport de Mr Asselin, la donation fut confirmée. Ce qu’il y avoit de particulier en cette Gaule, c’est que la Dame de Marigny avoit ratifié la donation depuis sa separation ; elle avoir mêmeintenté une action en qualité de tutrice du sieur de Raveton contre les heritiers du sieur de Raveton, lors qu’elle étoit libre. Pour faire subsister ces donations elles doivent être exemptes de toute suspicion qu’elles ayent été faites pour tourner au profit du mary ; car en ce cas elles sont ibsolument nulles.

Dans l’espèce de cet Arrest la Dame de Marigny n’étoit pas separée de biens quand elle fît la donation ; il pouvoit rester cette difficulté, sçavoir si la femme separée de biens, quoy qu’autorisée par son mary, peut donner : Car on peut dire que par la separation civile la femme tombe dans une interdiction generale, et devient absolument incapable d’aliener ses immeubles pour d’autres causes que celles qui sont exprimées par la Coûtume ; avant la separation lle peut vendre du consentement et de l’autorité de son mary ; aprés la separation elle a les mains liées, la separation de biens n’étant reçûë que pour ôter au mary le pouvoir de disposer des biens de sa femme ; que si la vente n’est pas permise la donation luy doit être prohi-bée à plus juste raison, parce qu’il luy en arrive une perte qu’elle ne souffre point par la vente. On a jugé néanmoins pour l’affirmative dans un cas favorable en la Chambre des Enquêtes l’11. de Juillet 1657. au Rapport de Mr Clement, les Juges en ce procez furent partagez sur ces deux questions : La premiere, si la donation faite par une femme separée de biens et autorisée par son mary d’une rente à l’Eglise à la charge de Services étoit valable : Et la seconde, si une donation excessive devoit subsister ayant été ratifiée par l’heritier aprés la mort du testateur ; Le mary et la femme separée dûëment autorisée avoient donné conjointement une rente à l’Eglise à la charge de Services ; aprés la mott de la femme cette donation uut debatuë de nullité par ses heritiers, se fondant fut son incapacité de donner, néanmoins par l’Arrest la donation fut confirmée ; mais comme elle étoit faite à la charge de Bervices, et que par consequent ce n’étoit pas tant une donation qu’un Contrat Iynallagmatique, on pourroit encore douter si la Cour auroit entendu décider la question generale, suivant l’opinion la plus commune ces donations sont reputées valables

Pois que nons sçavons les personnes qui sont capables ou incapables de donner, il faut encore examiner le temps auquel le donateur doit avoir cette capacité, pour la donation entre vifs il n’y a que le temps auquel la donation est faite à considerer, parce qu’elle est parfaite dans le même moment que l’on donne par la tradition qui est de l’essence de la donation entre vifs.

Quant à la quantité que l’on peut donner elle est bornée au tiers de l’héritage et des biens mmeubles, tant propres qu’acquests.

Ce terme peut employé affirmativement dans les Coûtumes, permiffivè conceptum in statutis, n’emporte point la nullité de ce qui est fait au contraire, suivant le sentiment de quelques Auteurs ; Mr d’Argentré , Article 218. gl. 3. Cette disposition eût été plus puissante si elle avoit été conçûë en termes negatifs, quia verbum spotest ) negativè conceptum importat imopotentiam juris & facti, suivant la doctrine de Bartole et de du Moulin : Mais nos Reformateurs ne se sont point attachez à ces subrilitez, et par nos Maximes la donation qui ex-cede le tiers n’est pas nulle mais reductible, suivant l’Arrest que j’en rapporteray dans la suites par il y a de la différence entre les donations qui sont faites contre la disposition de la Loy et celles qui ne pechent que par l’excez, non contra legem, sed preter legem ; les premieres sont absolument nulles, et pour les dernieres on les modere seulement, et on en corrige l’excez : Mr d’Argentré , sur l’Article 218. gl. 1. dit istus donationes non fic nullas evadere, ut revaloscere non poffint tacente scilicet aut probante herede, cui consultum voluit consuerudo.

Il ne faut pas neanmoins se persuader que le consentement de l’heritier efface ou repare tout ce qui est defectueux ou contraire à la Loy dans une donation : Mr d’Argentré , Article 218. gl. 1. fait une distinction entre les prohibitions qui n’ont pour cause et pour fonde-ment que l’interest des particuliers, et les donations qui n’ont que ce défaut peuvent lubsister quand l’heritier les approuve et qu’il remet son interest : Mais la raison n’est pas pareille pour les donations qui sont prohibées pour une raison et pour une cause publique, in quibus perpetua est prohibitiouis causa, cum publicum scilicet refficit principaliter ; par exemple la donation d’une chose qui ne tomberoit point dans le commerce ne seroit pas renduë valable par le consentement de l’heritier du donateur, cum autem solius donationis excessus arguitur dubitari gequit, quin solum heredem respiciat.

Il faut encore pour se prevaloir du consentement de l’heritier distinguer le temps auquel il a prété ce consentement, la ratification que le donateur exigeroit de son heritier ne seroit point considérable, il faut que la liberté s’y trouve toute entière, ce qu’on ne peut presumer en la personne d’un heritier lors qu’il est dans l’esperance prochaine de profiter de la suc-cession de celuy qui exige de luy cette ratification ; la crainte d’en être privé s’il resiste à sa volonté, et l’interest qu’il a de conserver sa bien-veillance luy ôtent toute la liberté de luy pouvoir refuser ce qu’il désire, de sorte que ce qu’il fait n’est pas un mouvement libre, mais une borne et une contrainte qui empesche l’usage de sa volonté, et qui produit consequemment la nullité de l’acte-

Mr d’Argentré a crû que T’heritier étant leul qui ait droit de se plaindre des donations qui sont faites à son prejudice, il est capable d’y donner effet par son consentement ; de sorte qu’il ne peut plus aprés la mort du donateur contester, du chef de l’incapacité du donataire une donation qu’il a acceptée, n’y ayant rien de si naturel qu’une personne puisse tenoncer à un prie vilege qui a été introduit en sa faveur : Cet Auteur étoit si fort prevenu de la vérité de son ppinion, qu’il ne pouvoit se persuader que le Parlement de Paris eût jugé le contraire, et il opposoit à cet Arrest un autre Arrest de ce Parlement qui se trouve dans Lerrien, l. 6. c. 5.

Mais Me JeanRicard , part. 1. c. 3. sect. 17. a fort bien prouvé qu’on ne doit pas se ranger de son avis, et que la donation contre la Coûtume ne pouvoit être confirmée par le consentement que le donateur avoit exigé de son heritier, privatorum cautionem legibus non esse refra-gandam constitit, ce qu’il confirme par la jurisprudence des Arrests du Parlement de Paris, et par l’autorité de deux Loix, l. 8i quaudo C. de inoffic. testament. l. Qod de bonis. 8. Illud cod Bien que l’heritier ne justifie pas qu’il ait été forcé, on ne doit pas presumer qu’il ait consenti volontairement, la presomption de droit est contre le donataire, et la volonté de l’heritier est presumée avoir été forcée par la juste apprehension qu’il a dû avoir que le donateur ne luy fst un plus grand prejudice : MaisRicard , ibid. ajoûte que quoy qu’il ne soit pas absolument necessaire à l’heritier de protester pour la conservation de son droit, il est pourtant tres-à propos de le faire pour témoigner que sa volonté étoit contrainte au consentement qu’il a prété mais quand cette precaution n’auroit pas été gardée, la presomption que son approbation n’a pas été volontaire seroit suffisante

Il n’en est pas de même du consentement qui a été prété par l’heritier aprés la mott du donateur ; l’heritier étant alors dans une pleine liberté de suivre ses sentimens, il ne peut gire que lon approbation a été extorquée de luy dans la crainte de desobliger se donutéur, en ce cas son consentement le rend non recevable à contester la disposition du défunt, quand elle n’est invalide que par le défaut de folemnitez ou par l’excez en sa quantité ; car il s’y rencontre une obligation naturelle qui prend sa foutce dans la volonté du défunt, et qui devient obligatoire contre son heritier par son approbation ; de forte que ce qui étoit capable d’arrétor l’offer de cette volonté n’étant qu’un empeschement civil il a pû valablement y renoncer, ce qui n’auroit pas lieu pour les prohibitions de donner fondées sur des confiderations publiques

Par un Contrat de donation entre vifs une mere donna à Charles de la Haye son fils, Religieux Profez en l’Abbaye de Conches, Ordre de S. Benoist, quarante-cinq livres de rente sa vie durant à la charge de quelques Services, aprés le décez de la mère les heritiers ratifie. rent cette donation et s’obligerent de payer la rente ; depuis ayant obtenu des Lettres de récision contre leur ratification ils contesterent la donation la foûtenant nulle, à cause du Vou de pauvreté du donateur qui l’empeschoit de posseder aucune chose en son particulier ; mais ayant été oondamnez à payer, sur leur appel on disoit pour eux qu’il étoit incapable de posceder du bion en son particulier, C. 2 de statu Monach. les Religieux de S. Benoist étant fon-dez ils devoient vivre de leur revenu, en autorisant ces donations on donneroit ouverture aux Religieux de ne recevoir aucun Moyne s’il n’avoit une penfion, la ratification des heritiers n’étoit point considérable ayant été acceptée par les Religieux sans l’antorité de leur Superieur : On répondoit pour ce Religieux que ceux qui ont commenté l’Authent. Ingressi, ont tonu que les Religieux font incapables de recevoir des biens en proprieté, par deux raisons ; la première, parce que le Monastere étant heritier des Religieux ce qui étoit donné à un Moyne demeureroit au Monastore, et ne tombéroit plus dans le commerce ; et la seconde raison est, que le Religieux accoptant cette donation il contreviendroit à son Vou ; mais ces raisons ceffoient en cette rencontre, la donation n’étant qu’à vie et non point en proprieté, et contre : la soconde raison on disoit queSalvian , l. 2. ad Eccles. Cathol. tronvoit étrange que de son temps en France les enfans entrant en Religion perdissent leurs legitimes aux successions de leurs peres et meres ; et répondant à cette objection que l’on faisoit que les Reli-gieux faisant le Vou de pauvreté n’avoient besoin de biens, opus est, inquit ut donent et targiantur. Ce même Auteur louë la Coûtume qui avoit vogué de son temps, suivant laquelle plusieurs donnoient partage égal à leurs enfans Religieux avec les autres, à condition qu’ustantùm ad Religiosos, proprietas vero ad alios pertineret ; bien que les Religieux n’ayent pas la vie ciri-le, la naturelle leur demeure, pour la necessité de laquelle ils sont capables de recevoir ce qui leur est donné, damnato in metallum aliquid legari poterat alimentorum causâ, l. 3. ff. de iis que pronon scriptis habentur, alimentorum obligatio cum naturalem prestationem habeat capitis diminatione perseverat, l. Las obligationes, ff. de Cap. minutis : Les Religieux de S. François sont ca-pables de donations, ad usus certé necessarios aut ad officiorum sui status executionem. La Cout prés la plaidoirie ayant ordonné qu’il en seroit deliberé : Par Arrest du 13. de Février 16i7. a Sentence fut cassée, et ayant égard aux Lettres de récision le Religieux fut jugé incapable de la donation ; les heritiers néanmoins condamnez à faire célèbrer les Services. Ainsi quand a donation est prohibée pour des considerations publiques, la fatification de l’heritier ne la peut faire subsister

Mais on a revoqué en doute si le donateur pouvoit contraindre son heritier d’executer ses antentions par l’apposition d’une peine en cas de contravention ; Il est certain que le donateut de peut mterdire ny ôter à son heritier la faculté de contredire ce qu’il a fait contre la proibition de la Loy par l’apposition d’une peine, parce qu’en cette occasion la volonté du dé-funt rencontre pour obstacle la Loy à laquelle il n’a pas été en son pouvoir de déroger, ny ur appositions de peines ny autrement, et l’heritier n’a rien à craindre ayant la Loy qui luy lonne sa protection ; voyezRicard , des Donat. part. 3. c. 12.

Si par le Contrat de donation il n’est point exprimé qu’elle. est faite du tiers des biens presens et avenir, on demande si l’estimation du tiers se doit faire selon les biens que le dona-reur possedoit au temps du Contrat ou au temps de sa mort : Pour les Contrats on considere E l’état des choses au temps que l’on a contracté, l. Rutilia, D. de contrah. empr. Pour les donations quelques-uns font cette distinction, ou la donation est faite d’un certain corps ou d’une certaine portion du bien du donateur per modum quota : quand la donation est faite d’une espece certaine et designée par le Contrat, elle ne reçoit en soy aucun accroissement ny dimi-nution, ainsi l’on considere seulement sa valeur au temps du Contrat ; mais quand la donation est faite du tiers ou du quart sans limiter précisément ce tiers ou ce quart aux biens que de donateur possede, ce tiers ou ce quart se reglera selon les biens delaissez par le testateur Argentré u temps de sa mort, hec quota â tempore mortis donatoris metienda erit, dit Mr d’Argentrée drt. 218. gl. 5. n. 18. et sequent. quia nomen quota augmentum et decrementum recipit : La prohibition de donner outre le tiers étant apposée en faveur de l’heritier, il faut consideres de temps où les droits et les actions de l’heritier commencent à naître.

Godefroy sur cet Article n’approuve point la distinction de. M. d’Argentré , et il resoud suivant l’opmion commune qui est véritable, que lors que le donateut a donné simplement de tiers de ses immeubles, ce tiers se regle selon les biens que le donateur possedoit lors de la donation : En effet le donateur ayant donné presentement, la donation doit être reduite an tiers des biens qu’il possedoit alors. La Coûtume s’en est nettement expliquée en cet Article, en obligeant le donataire à contribuer seulement à ce qui étoit dû par le donateur au temps de la donation : D’où il est manifeste que la donation ne peut être étenduë aux biens que le donateur possedoit au jour de son decez, autrement la Coûtume l’auroit assujetti à contribuer à toutes les dettes du donateur.

Mr Jean Ricard dans son. Traité des Donat. part. 1. c. 4. sect. 2. dist. 2. n. 1010. s’est beauCoup étendu pour prouver que la donation des biens presens et à venir ne peut être valable, disant que nos Coûtumes ayant simplement permis de disposer par donations entre vifs de tous ses biens sans ajoûter presens et avenit, elles ne doivent dans les regles s’entendre que des biens presens et qui appartenoient au donateurt au temps de la donation, dautant que dans aôtre commune façon de nous expliquer lors que nous parlons des biens d’une personne, mous n’entendons que ceux qu’il possede presentement Ce raisonnement ne seroit pas convainquant en Normandie ; car bien que la Coûtume en cet Article ne fasse pas mention de. la donation des biens presens et à venit, neanmoins elle marque assez clairement par l’Article CCLIV. qu’elle n’improuve point la donation des biens presens et à venir, lors qu’elle dit que si la donation est faite du tiers des biens presens et à renir, l’estimation s’en fera selon les biens que le donateur a laissez lors de son decez.

Dans la question generale il n’y a rien qui puisse empescher la validité de ces donations, car il est inutile d’objecter qu’il seroit impossible que le donateur pût delivrer au donataire vors du Contrat une chose qu’il ne possederoit pas luy-même, et à laquelle il n’auroit aucun droit, car il n’est pas toûjours necessaire que le donateur possede ce qu’il veut donner entre vifs, c’est assez qu’il veüille faire part des biens qu’il pourra avoir, comme de ceux qu’il possede déja, cette espèrance que le donataire a d’avoir part aux biens à venir du donateur, fait partie de la donation et suffit pour luy acquerir un droit, quoy qu’il ne luy soit pas acquis tirrevocablement, et que le donateur puisse disposer librement des choses qu’il a acquises depuis la donation.

Lors que la donation est faite des biens presens et à venir le donataire ne peut s’en prevaloir qu’en contribuant à tout ce que le donateur doit au temps de sa mort ; mais on de-mande s’il est au pouvoir du donataire de diviser la donation et la faire regler sur les biens seulement que le donateur possedoit au temps de la donation pour se décharger de la contri bution aux dettes qu’il a depuis contractées : Brodeau en son Commentaire sur MrLoüet , l. D. n. 69. rapporte un Arrest par lequel il a été jugé que quand la donation est faite de tous les biens presens et à venir à des enfans nés et à naître, il est au pouvoir du donataire lors que les choses sont entieres et en acceptant la donation pour se décharger du payement des dettes de se restraindre et se tenit aux biens que le donateur possedoit au temps de la donations dautant que ce sont en effet deux donations quoy qu’elles soient portées par un même Acte, tot stipulationes quot res, l. Scire debemus, de verb. oblig. cela est raisonnable lors que le donataire passe sa declaration lors de l’acceptation, comme en l’espèce de l’Arrest rapporté parBrodeau , où les enfans avoient demandé la division des choses données avant l’acceptations quoy que l’on soûtint que l’acceptation devoit être pure et simple, même en celles qui sont d’un droit universel, la separation ne pouvant être faite contre la volonté du testateur, qui avoit entendu donner tout ou rien ; mais on répondoit que celuy qui donne ses biens presens et à venir fait deux donations distinctes et separées, que le donataire par consequent peut diviser avant l’acceptation : D’où il s’enfuit que si le donataire avoit accepté la donation, il ne seroit pas recevable aprés la mort du donateur à diviser la donation.

La donation du tiers de tous les biens comprend generalement tous les biens du testateur en quelque lieu qu’ils soient situez, quia unicum est hominis patrimonium, pourvù neanmoins que par la Coûtume des lieux où les autres biens sont situez il soit permis d’en disposer jufqu’au tiers.

Mais si le donateur avoit donné plus que le tiers de ses biens situez en Normandie, et qu’il en eût encore d’autres situez en d’autres Coûtumes qui ne bornassent point la liberté de donner, c’est une question si ce qui excede les biens de Normandie peut être pris sur les autres biens per modum luitionis, sive astimationis : Brodeau allégue un Arrest qui le jugea de la sorte ; mais il en rapporte en suite un autre contraire du sieur d’Incarville, auquel son oncle ayant donné la Terre d’Incarville située en Normandie, comme la Coûtume ne permer de donner par testament que le tiers des acquests, la donation fut reduite au tiers : L’Auteur Loyse des Notes sur les Instit. Coûtumières de Loysel, l. 2. Tit. 4. Art. 7. dit que s’il n’y voit qu’une feule Terre propre située en une même Coûtume, le legs de cette Terre entière seroit reductible à la quantité dont il est permis de disposer par cette Coûtume, quoy que e testateur eût d’autres héritages en d’autres Coûtumes ; voyezBacquet , des Droits de Justc. 2. n. 163.

l’ay déja remarqué que l’excez en la donation ne la rend pas nulle, et qu’elle est seulement reductible ; il est necessaire d’examiner comment on doit proceder à cette reduction.

Un Gentilhomme nommé Patri épousa une femme qui luy donna une Terre designée par le Contrat ; l’heritier soûtenant que ce don étoit excessif, il demanda à faire trois lots de tout le bien pour en laisser un an donataire, pretendant qu’il n’étoit pas recevable à retrancher ce qui étoit excedant pour retenir le surplus. Je répondois pour Patri que cette question étoit prematurée, et que pour connoître s’il y avoit excez en la donation l’estimation de tout le bien devoit être faite auparavant, et n’étant pas juste de faire des lots puis que sa femme ne luy avoit pas donné le tiers de son bien, mais un certain héritage ; que si par l’estimation il se trouvoit exceder le tiers, en ce cas il seroit en la liberté du donataire de retrancher de sa donation ce qu’il jugeroit à propos, et de la reduire ad legitimum modum : Suivant la l. Sancimus C. de Donat. sa femme avoit pû luy donner telle portion de son bien qu’il luy avoit plû, et ses heritiers ne pouvoient y trouver à rédire que l’excez, il falloir distinguer entre a nullité et l’excez, l’excez ne détruit point l’acte, mais il est reparable en reduisant la donation dans les termes de droit : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du mois de Decembre 1665. on ordonna avant que de faire droit sur les conclusions des Parties, qu’estimation seroit faite de tout le bien : En execution de cet Arrest l’estimation ayant été faites eil parut que la donation étoit excessive ; sur quoy par Arrest, au Rapport de Mr Auber, du 7. de Juillet 1666. Patri fut condamné de payer l’excedant du tiers dans six mois, pendant lesquels il payeroit l’interest au denier vingt, et aprés les six mois en cas de non payement au denier quatorze

On peut induire de cet Arrest que quand on donne un certain héritage, si cette portion donnée excede la quorité que la Coûtume permet de donner, le donataire ne peut être contraint d’abandonner la chose donnée : il peut la retenir en diminuant ce qui excede, si mieux Loyse Pheritier ne veut en recevoir la valeur : C’est une des regles remarquées par Loysel en ses nstitutes Coûtumières, l. 2. n. 4. Art. 7. Quand, dit-il, il est permis de disposer d’unt portion le son bien, l’on la peut toute assigner sur une seule piece ; et dans la Note sur cette regle, pourui, dit-on, que cette portion donnée n’excede point le quint ou le quart, ou le tiers des immeubles situex dans la même Coûtume. Cette question avoit été déja decidée par Arrest du 21. de Juillet 165r.

Un Gentilhomme avoit donné une de ses Terres, et voulant que si elle ne remplissoit pas le tiers ce qui en défaudroit fût fourny sur ses autres biens : Aprés la mort du donateur l’hecitier ayant empesché que le donataire ne se mit en possession, par Sentence il eut la deli-vrance de son don, et il fut dit qu’estimation seroit faite des biens, et en cas que cette Terre excodat la valeur du tiers le donataire seroit tenu de rembourser l’excedant. Je soûtenois pour l’heritier Appellant qu’il avoit été mal jugé en deux chefs. 1. Que legata sunt ab herede praestanda, et partant que le donataire n’avoit pû se mettre luy-même en possession des choses sonnées. 2. Que l’heritier ne pouvoit être forcé à vendre son bien. Baudry pour Bretel, sieur l’Imbleval donataire, faisoit distinction entre les legs et les donations entre vifs, que par la donation entre vifs le donataire est saisi dés l’instant que l’acte est parfait, encore même que le donateur ait retenu l’usufruit : pour le second chef que l’heritier ayant la faculté de supléer en deniers en cas que la Terre ne remplit pas le tiers, il n’avoit pas sujet de se plain-ire : Par l’Arrest on mit sur l’appel hors de Cour : Quand la donation est valable et qu’elle n’excede point le tiers, le donataire doit avoir en essence la chose donnée, et l’heritier ne pa peut retenir en offrant de payer l’estimation, nisi justa de causa, dit M’Cujas , sed districte agit ut sibi ea res prastetur que legata est. Par la même raison que l’acheteur ne pourroit être forcé de recevoir en argent le prix de la chose qu’il auroit achetée, mais le venleur est obligé de la bailler s’il est en pouvoir de le faire, donationem persectam nuda con-ventione justinianus ait habere in se necessitatem traditionis, et dans la l. finale, C. de fideicommiss. habet.

ibert. stultus est judex qui damnat in estimationem qui rei restituendae de qua agitur facultatem habet

Bien que cet Article défende si expressément de donner plus que le tiers, on a tenté par divers moyens de se dégager de cette contrainte et d’outrepasser les bornes prescrites par la Loy, cela s’est pratiqué particulièrement en trois rencontres ; la premiere, à l’égard des donations. faites par les femmes à leurs maris en faveur de mariage. Alexandre Fauvel par son Contrat de mariage avec la nommée Thienard, stipula que d’une maison qui composoit tout le bien de fa future épouse et qui étoit évaluée à dix-huit cens livres, il en auroit six cens livres pour son don mobil, six cens livres pour avoir les habits de nopces, et six cens livres pour être la dot : Ces pactions furent arrêtées en la presence de la mère de la fille et de Jean Thienard son cousin germain : Cette femme étant décedée sans enfans, Jean Thienard ne contesta point d’abord cette donation, au contraire il en avoit en quelque sorte consenti l’execution nais ayant fait cession de ses droits à Me Loüis le Page Avocat pour s’acquitter de ce qu’il luy devoit, le Page pretendit que la défunte n’avoit pû donner que le tiers de son bien, ce qui fut jugé par le Vicomte et par le Bailly : Sur l’appel du mary on reptochoit au Page sa qualité de cessionnaire, que son auteur n’eût pas été récevable à contredire une donation qu’il fivoit ratiflée par deux fois, de sorte que quand la donation eût été excessive il n’étoit plus admiffible à la blamer aprés une approbation redoublée ; le fils qui a agreé le testament de son vere ne peut plus l’accuser d’inofficiosité, et aprés tout ce n’étoit pas une véritable donation puis que les six cens livres avoient été employées pour les habits de sa parente et qu’il n’en avoit tiré aucun profit. Il fut répondu par Thienard que sa presence et sa signature au Contrat de mariage ne pouvoient être considérées comme une ratification de sa part, parce qu’il n’avoit pas alors d’interest ny de qualité pour contredire ce qui se passoit, il ignoroit même fi ce que l’on donnoit excedoit le tiers : Par Arrest de l’11. de May 1662. les Sentences furent confirmées ; Theroude plaidoit pour le Page. Autre Arrest pour Marie Videcoq, veuve de Charles le Hucher et tutrice de leurs enfans, pour laquelle je plaidois, et Catherine le Hucher, laquelle avoit donné au Picard son futur époux presque la moitié de sa dot : Par l’Ar-rest du premier de Juin 1663. la donation fut reduite au tiers. Autre Arrest, au Rapport de Mr Busquet, du 3. de Mars 1664. entre François Baudry, sieur de Camrose, et les lieurs de Fresmont et de Tibermont, par lequel il fut jugé que le sieur de Camrose mettant en Religion les deux filles mineures de sa premiere femme ne leur pouvoit donner que les deux tiers du bien maternel, quoy que les parens y prétassent leur consentement.

Il n’en est pas de même du pere qui peut donner tout au mary sans en reserver rien pour a dot de sa fille ; la raison est que le pere peut ne luy rien donner, il est le maître de sa liberalité, et il en peut disposer selon ses sentimens. Jure Romano maritus lucrum totius dotis tipulari posse in casu soluti matrimonii, aut mulierem omnia bona sua in dotem dare posse constat.

Il faut neanmoins remarquer qu’encore que la femme ne puisse donner que le tiers de si legitime, si toutefois elle avoit de l’argent qu’elle eût amassé par son industrie ou autrement elle pourroit disposer du tout.

Cette question finguliere s’offrit au Rapport de M’Busquet le 20. de Decembre 1669.

Le Cerf mariant sa fille à Rocusson, il regla le don mobil à quatorze acres de terre ; aprés sa mort ses biens ayant été saisis réellement, sa fille ayant renoncé à sa succession, demanda son tiers Coûtumier, et Rocusson son mary s’opposa aux fins de distraire les quatorze acres de terre qui luy avoient été données pour son don mobil. Godin creancier posterieur du mariage contredit cette distraction par deux raisons ; la premiere faute d’insinuation, mais cette raison n’étoit pas bonne ; la seconde étoit plus considérable, on demeuroit d’accord que ce don mobil faisoit partie du tiers de la femme, et qu’il n’y avoit que les deux tiers du tiers qui composoient sa dot, sur quoy on disoit que cette donation devoit être reputée faite ou par le pere, ou par la fille, ou par les deux ensemble ; si c’étoit par le pere la fille qui avoit enoncé n’étoit point tenuë de ses faits, et ainsi cette donation étant posterieure à l’hypotheque de son tiers il luy appartenoit tout entier ; que si la donation avoit été faite par la fille, ce qui semble être véritable puis qu’elle diminuë un tiers de sa legitime, il falloit reduire la donation à ce que la fille pouvoit donner, qui est le tiers, et en ce faisant le mary perdoit l’excedant. Pour reputer la donation faite par le pere et par la fille conjointement, il faudroit que cela fût porté par le Contrat, sed nunquam presumitur animus donandi, ubicumque potest oadere alia prasumptio. Pour resolution de cette difficulté il faut dire que la donation a été faite par la fille du bien de son pere, et reglée par son pere qui avoit pû limiter le don mobil à ce qui luy a plû pour donner cet excedant au mary : on se fondoit sur ce que le pere au temps de la donation avoit assez de biens pour la fournir, et qu’étant une pure liberalité de sa part Il avoit pû la regler à sa volonté : Il fut jugé par l’Arrest que Rocusson auroit les quatorze acres de terre, dont il en seroit pris jusqu’à la concurrence d’un tiers sur les biens de la femme, et le reste sur les biens du pere.

Voicy un second cas où l’on a pretendu qu’une personne pouvoit disposer non seulement du tiers, mais generalement de tous ses biens ; car il sembloit que la Coûtume en réttanchant à un chacun la faculté de disposer pleinement de ses biens n’avoit eu pour objet que l’interest des parens, de sorte que lors que cette consideration vient à cesser cette curarelle legale doit pareillement cesser, et la volonté de l’homme n’étant plus caprive il luy doit être permis de disposer absolument de ses biens. On s’éloigne souvent de l’esprit de nôtre Coûtume, quand on veut se regler sur les autres Coûtumes ; car les principes en étant souvent fort differens et fort opposez, on tombe ordinairement dans l’erreur en pensant profiter de ces Ma-ximes étrangeres, alienis perimus exemplis. L’exemple des Arrests rendus dans les autres Parlemens et dans les autres Coûtumes servirent de pretexte pour introduire une jurisprudence contraire à nôtre Coûtume. 1. On voulut mettre en usage en cette Province le Titre Unde vir & uxor, en se conformant aux Arrests du Parlement de Paris, comme je l’ay remarqué sur l’Article CXLVI. on jugea même que le batard qui n’avoit point de parens pouvoit donner tous ses biens, comme je l’ay aussi remarqué sur le même Article. Ainsi contre la dispo-sition generale de cet Article qui reduit les donations entre vifs au tiers des immeubles, on voit approuvé dans les espèces de ces Arrests des donations universelles de tous les immeubles.

Mais comme en ces Arrests il n’avoit passé que de peu de voix multis contradicentibus, l’égarement ne dura pas long-temps : la même difficulté se presenta devant les mêmes Juges qui donnerent un jugement conforme à cet Article, et pour ne laisser plus les choses dans l’incertitude on en a fait un Reglement par l’Article 94. du Reglement de 1666. comme je l’ay remarqué sur l’Art. 146. Enfin l’on a taché d’mtroduire cette Maxime, que les donations pour causes pies n’étoient point comprises fous la rigueur de cet Article : autrefois caes sortes de donations. Justinien étoient plus autorisées. Justinien disoit, rerum Ecclesiae donatarum optimum esse modum immensitatem. nunc non tantùm expedit fortasse, dit M’d’Argentré , caterum ut pietas hac in re maximè colenda sit, c tamen coli dobet, ne altera è diverso pietas offendi possit. Puis que la Coûtume n’a pas dispensé les donations pour cas pitoyables de la necessité de l’insinuation, Art. CCCCXLVIII. l’on peut asseurer que son intention n’a pas été de les excepter de la prohibition generale portée par cet Article

La reduction des donations excessives se fait toûjours au profit des heritiers ; mais pourroit-elle point être demandée par le donateur lors que par une profusion aveugle il est reduit dans l’impuissance d’accomplir ce qu’il a promis : La donation est plus souvent un acte d’imprudence qu’un effet de gratitude ou de generosité, et c’est pourquoy entre les conditions que Ciceron en ses Offices désire pour bien donner et exercer une véritable liberalité il met celle-cy, ne benignitas major sit quam facultates. Non est optimi patrisfamilias donare, dit MrCujas , et frrquentius peccavero, si pro donatario quam si contra donatorem judicavero. Tu dona omnia bona tua stultè et insipienter, insipide nescis fortasse que bona habeas. En effet cette imprudence engage souvent les esprits foibles et mal sensez à donner au de-là de leur pouvoirs nais en ce cas la Loy en a compassion, ne les obligeant à accomplir leurs promesses qu’autant Cuj qu’ils peuvent le faire, sans tomber dans la nécessité, l. Guj ex donatione. D. de Donat. l. Inter eos, de re judicatâ, ne liberalitate suâ inops fieri periclitetur, l. Ne liberalitate eod.

Il n’est pas aussi raisonnable de luy faire payer l’interest d’un argent qu’il auroit donné, eum qui donationis causâ pecuniam promisit de mora solutionis pecuniae usuras solvere non debere summe aequitatis est, maximè cum in bona fidei contractibus donationis Species non deputetur. l. Eum qui eod.

Si dans un cas opposé quelqu’un en donnant une somme d’argent stipuloit durant sa vie seulement un interest plus grand que celuy qui est permis par les Edits du Roy, le donataire seroit-il recevable à en demander la reduction : Une femme nommée Hamon donna à Nicolas Lucas son neveu stipulé par son pere une somme de sept cens livres, à condition de luj faire cinquante livres de rente durant sa vie seulement : ce Contrat ayant été fait en l’anée 1668. depuis la reduction des rentes au denier dix-huit, le donataire fit reduire l’interest sur ce prix là : Sur l’appel je dis pour cette femme que cette stipulation n’étoit point usuraire, noc in fraudem usurarum, que l’usure ne se rencontroit que dans le cas d’une constitution de deniers lors que l’on bailloit de l’argent pour en tirer un interest à perpétuité, et dont le de biteur ne pouvoit se liberer qu’en rendant le capital entier, qu’au fait dont il s’agissoit le capital n’étoit pas seulement aliené il étoit donné irrevocablement, et l’interest n’en étoit sti-pulé que pour un temps incertain et durant la vie de la donatrice seulement, et que par consequent elle avoir pû apposer cette condition à sa donation, que le donataire étoit tenu de d’executer ou de renoncer à la donation, cette condition n’étant point contraire aux loix ny aux bonnes moeurs, car on auroit pû stipuler un interest plus grand que le legitime pour un temps certain ou incertain, aprés lequel il cesseroit sans restitution du principal suivant la doctrine de du Moulin de Usuris quest. de Reditibus temporalibus. De l’Epiney répondoit que l’usure étant odieuse elle ne doit jamais être permife quelque couleur qu’on luy puisse donvier, qu’encore que cet interest ne fût stipulé que durant la vie de la donatrice, il pouvoit être payé durant un si long-temps que le principal seroit absorbé, et que l’Ordonnance étant generale l’on ne pouvoit stipuler un interest plus grand que celuy qu’elle permettoit : Par Arrest en la Grand-Chambre du premier de Juillet 167o. la Cour en cassant la Sentence confirma le Contrat.

Non seulement on a de l’indulgence pour le donateur lors qu’il a donné au de-là de ses Aristo facultez, mais il n’est pas même garand de sa liberalité, l. Aristo de Donat. D. si l’on ne luy reproche du dol ou de la mauvaise foy ; cette regle peut souffrir quelque exception selon la e qualité des donations. Si le pere a donné des rentes ou des héritages pour la dot de sa filles ou le frere pour la dot de sa seur, ils sont tenus de faire valoir la donation, parce qu’ils étoient obligez de la doter ; mais si la dot n’a été promife que par une pure liberalité et sans aucune bligation, le donateur ne peut être inquieté pour faire subsister son bien-fait ; si un heritier s’étoit tenu à son don pour sa portion hereditaire et qu’il fût évincé en tout ou partie, il en auroit ecompense contre ses coheritiers ;Papon . l. 20. t. 5. Arrest 4. Charondas en ses Resp. 1. 7. c. 121.

On fait encore cette distinction, si celuy qui avoit promis une somme de deniers baille en payement une rente ou un héritage il s’engage à la garantie ; La raison est qu’il n’avoit romis que de l’argent comptant, et que s’il l’avoit payé la donation auroit eu toute son execution, mais ayant baillé une autre chose pour s’acquitter il est tenu de la garantir. il en seroit autrement si d’abord il avoit donné ce fonds, car n’ayant point eu intention de donner autre chose le donataire s’en doit contenter. Cette question s’offrit en la Grand-Chambre entre Saint et le Soudain, touchant une rente donnée par un oncle à sa niéce par son Contrat de mariage : les Juges ayant été partis en opinions en procedant au jugement du parta-ge en la Chambre des Enquêtes, il passa à dire que l’oncle n’étoit point tenu à la garantie : Par Arrest du 23. de May 1670. M Buquet Rapporteur, M’de Cambremont Compartiteur, à l’avis duquel il passa.

La matière de la garantie est encore problematique à l’égard des donations pour causes pies.

Berault cite un Arrest par lequel les heritiers de celuy qui avoit donné une rente à l’Eglise furent ondamnez de la faire valoir. On jugea le contraire dans cette espèce : Le Curé de Bois-Bourdel donna au Tresor de sa Paroisse une rente qu’il avoit acquise ; le debiteur d’icelle étant devenu insolvable, les heritiers furent condamnez de la payer : Sur leur appel, Heroüet soûtenoit que le donateur ayant donné liberalement et sans y être obligé, les donataires ne pouvoient pretendre de garantie quoy qu’elle fût faite à l’Eglise, en tout cas il falloit faire différence entre la donation d’un certtain corps et d’une certaine chose, et la donation d’une rente à laquelle le donateur avoit obligé tous ses biens ; au premier cas la garantie n’est point duë, car l’on presume que le donateur n’a eu intention de donner que le droit qu’il avoit en la chose données au second cas, lors que le donateur se constituoit personnellement debiteur, il n’y avoit que sa seule impuissance qui le pût exempter de payer ce qu’il avoit promis : Theroude répondoit qu’il ne s’agissoit pas proprement d’une donation, mais d’un Contrat synallagmatique, facie t facias, la donation étant faite à la charge de celebrer des Messes : Par Arrest du 28. de anvier 1656. les heritiers furent déchargez de la garantie. Cet Arrest est contraire à celuy rapporté par Bérault, par lequel nonobstant que l’on eût donné une chose particuliere certum corpus, néanmoins les heritiers furent condamnez de la garantir Il ne suffit pas de sçavoir quelles personnes sont capables de donner, et ce qu’elles peuvent donner, et comment elles le peuvent, il faut encore sçavoir quelles personnes sont apables de donations : Car quoy que la Coûtume en cet Article permette à la personne âgée de vingt ans accomplis de donner le tiers de ses immeubles à qui bon luy semble, et qu’elle n’excepte que l’heritier immediat du donateur et celuy qui descend de luy en droite ligne, il est certain neanmoins que plusieurs autres personnes sont incapables de donations : La Coûtume s’étoit expliquée en la même maniere pour les donations testamentaires en l’Art. CCCCXXII sermettant au testateur de donner le tiers de ses acquests à qui bon luy semble, autre toutefois qu’à sa femme et parens d’icelle, et j’ay remarqué sur cet Article qu’il y avoit des personnes à qui il n’étoit pas permis de donner ; et comme l’incapacité de ces personnes pour les donations testamentaires a pareillement lieu pour les donations entre vifs, je renvoye le Lecteur à ce que j’en ay dit

Ces paroles, a qui bon luy semble, presupposent apparemment une personne qui soit vivante et qui existe dans l’être des choses, de sorte que l’on peut douter si l’on peut donner à celuy qui n’est point encore né ; La donation doit avoir un objet certain et connu, et sur lequel on puisse répandre un bien-fait, et qui soit en état de l’accepter, puis que par le défaut d’acceptation la donation est nulle : l. Seia, D. de mort. cau. donat. Et bien que régulierement celuy qui est conçû soit reputé né, lors qu’il s’agit de son avantage, on oppose au contraire cette autre Maxime, que donatio sine animo et affectu recipientis non consistit, l. In omnibus de obligat. et act. de sorte qu’il faut suspendre la validité de la donation jusqu’à ce que celuy qui n’est point encore né soit en état de la pouvoit accepter, et cependant le donateur peut changer de volonté et la revoquer. On allégue en faveur de la donation que l’on peut bien donner à la personne qui n’est point encore née, puis que l’on peut bien donner les choses qui n’existent point encore, mais que l’on espere que la nature produira. On peut donner par exemple le fruit qui proviendra d’une certaine chose ; or celuy qui est conçû au ventre de sa mere joüit en toutes rencontres de tous les avantages qu’il pourroit avoir s’il étoit déja Boërius venu au monde, c’est le sentiment de Boêtius en sa Decis. 172. voyez Hotoman en ses Ques pllustres, Quest. 6.

On ne peut donner à son heritier immediat ; mais cette prohibition doit-elle s’étendre à l’heritier de l’heritier immediat : Par la disposition du Droit heres heredis censetur ipsius testavoris heres. l. Si quis filiusfamilias de adquir. vel omn. hered. Et par la Loy 17o. De verb. signif. heredis appellatione omnes significari successores credendum est, et si verbis expressi non sint. Par l’Article 168. de la Coûtume de Blois le don fait à l’heritier de l’heritier immediat est reputé fait à l’heritier immediat, et hoc fraudis evitandae causa, dit Pontanus sur le même Article. Et c’est aussi l’opinion la plus commune, que quand l’on ne peut donner à l’heritier immediat, il est défendu de donner à l’heritier de l’heritier, hoc majore fraude fit cum persona interponiur, dit M d’Argentré , Art. 218. gl. 9. n. 7. et. 8. l. Qui testamentum, D. de probat. quod si pliud admittimus, quis non videt patentem fenestram aperiri fraudibus, si quod patri donari prohibetur donatur ejus filio. En effet la disposition de la Loy peut être fort aisément éludée, et c’est inutilement que l’on défend de donner à son heritier immediat s’il est permis de donner à lheritier d’iceluy, et ces donations sont encore beaucoup moins soûtenables lors que le donateur n’a considéré que la personne de son heritier immediat, et que le donataire n’a point mérité cette liberalité par ses services, ou que la donation est faite à d’enfant de coluy auquel l’on ne peut donner, donatum filio videtur donatum patri ; quidquid naturali sanguine continuatur unum & idem corpus existimatur ; ex sanguinis continuatione idem corpus, idem sanguis ; Molinin Cons. Par. 8. 1. C’est donc une même chose de donner au pere et au fils, et la raison est pareille pour l’un comme pour l’autre.

On peut asseurer néanmoins que la Coûtume n’a pas eu desséin d’improuver ces donations. en ligne collaterale en la personne de l’heritier de l’heritier immediat ; car s’étant nettement expliquée pour la ligne directe, et ayant déclaré que non seulement l’heritier immediat, mais mé. me tous les descendans du donateur en ligne directe étoient incapables de ces donations, il est évident que son intention n’a pas été de passer plus avant ny d’étendre sa prohibition plus loin que les deux cas qu’elle avoit exceptez ; de sorte que la donation peut subsister pourve qu’elle ne soit pas faite à l’heritier immediat, ou à un descendant du donateur en ligne directe : la faculté de donner a si peu d’étenduë, et la Coûtume la renferme dans des limites si étroites, que pourvû que l’on ne donne point d’atteinte à cette égalité qu’elle veut être gardée entre les enfans, l’homme ne doit pas être reduit dans cet esclavage qu’il ne puisse donner des marques de fon estime et de son amitié à celuy des heritiers de son heritier collateral qu’il en jugera le plus digne.

Cette question a été fort long-temps problematique au Parlement de Paris, si en ligne collaterale l’on pouvoit donner à l’enfant de la personne prohibée : Mais enfin on a jugé pour l’affirmative, par cette raison que dans la ligne collaterale l’égalité ne doit pas être gardée étroitement, parce, dit MrLoüet , 1. D. n. 17. que celuy qui n’a point d’enfans ne doit rien à ses parens collateraux : Cette Maxime a été confirmée en cette Province par l’Art. XCIl. du Reglement de 1666. suivant lequel l’on ne peut donner aucune part de son immeuble à fes descendans, mais bien aux descendans de l’heritier immediat en ligne collaterale, ce qui est conforme à cet Article qui n’a excepté que les deux cas dont j’ay fait mention. L’ancienne Coûtume contenoit une disposition contraire, mais ayant été omise par les Reformateurs de la Coûtume, leur intention a été de permettre la donation à l’heritier de lheritier immediat en ligne collaterale. Il y a même apparence que cette ancienne Coûtume n’étoit plus en usage long-temps avant qu’elle fût reformée, Bérault ayant remarqué un Arrest de l’annés 1522. qui approuvoit ces donations, mais il n’en a pas rapporté la véritable espèce, et dautant qu’il decidoit plusieurs notables questions, il ne sera pas inutile de sçavoir ce qui fut jugé.

Richard du Val avoit eu trois enfans, Ancel Prêtre, Jean et Roger du Val ; Jean laissa deux enfans, Roger et Marthieu : de Roger fils de Richard sortit Pierre du Val Prêtre : Ancel avoit eu toute la succession paternelle, et il avoit fait plusieurs acquests. Jean son frere étoit mort le premier, Ancel donna tous ses acquests à Roger fils de Jean. Aprés la mort d’Ancel son frere pretendit que tous ces acquests luy appartenoient comme plus proche du défunt, ce qui luy fut contesté par Jean son neveu qui en étoit donataire : Par Arrest li donation fut confirmée pour le tiers, et les deux autres tiers furent ajugez à Roger, desquels acquests ledit donataire feroit trois lots, dont deux seroient choisis par son oncle.

L’on peut faire ces refsexions sur cet Arrest. 1. Que Roger fils de Jean avoit eu l’ancienne succession de son oncle, et par consequent qu’en succession de propre la representation a eu dien de tout temps entre les oncles et les neveux, et que les neveux descendus de l’ainé ont exclus leurs oncles puisnez en la Coûtume de Caux. 2. Que Roger fils de Jean qui étoit heritier au propre fut jugé capable du tiers de la donation des acquests, et ainsi l’on peut être heritier au propre et donataire du tiers des acquests ; et ces paroles, pourvû que le donataire ne soit heritier immediat du donateur, ne doivent être entenduës que des donations faites à l’heritier des biens de la succession où il a part. 3. Que la donation de tous les acquests doit être reduite au tiers. Et enfin que le donataire est obligé de faire les los Outre les Arrests remarquez par Berault sur cet Article, par lesquels les donations faites ux enfans de l’heritier ont été confirmées, il fut encore jugé de la sorte au Rapport de Mr de Toufreville le Roux le 3. d’Avril 1655. M. Marin Boscher avoit donné à Me Martin Boscher son neveu trois acres de terre avec retention d’usufruit et à condition de le faire inhumer ; cette donation fut contredite par Nicolas Coüillart sorti d’une fille de Laurens Boscher frère du dona-reur, se fondant sur cette raison que le pere et le fils ne sont cenfez qu’une même personne et que la Coûtume défend de faire avantage à l’un de ses heritiers plus qu’à l’autre : Le donataire répondoit que son pere étant encore vivant il n’étoit point l’heritier du donateur, si l’intention de la Coûtume eût été de comprendre sous sa prohibition le fils de l’heritier en ligne collaterale elle s’en fût expliquée comme elle a fait pour la ligne directe ; mais ayant imité sa prohibition à l’heritier immediat, elle a par consequent rendu les enfans de l’heritier immediat capables de recevoir une donation : La Cour en reformant la Sentence du Bailly. qui annulloit la donation, la déclara valable. L’affection du donateur peut s’étendre sur le fils sans passer par le canal du pere, il peut aimer l’un et haïr l’autre, due sunt respectu donantis ; mais en la ligne directe l’amour paternel fait une telle liaison entre les peres et les enfans, que c’est avec justice qu’on les repute une même personne. Autre Arrest, au Rapport de Mi Fermanel, de 17. de Juillet 1657. par lequel la donation faite par le sieur de la Fremondiere aux puisnez du sieur de Herbouville son heritier immediat, du tiers d’une succes sion en Caux, fut confirmée

Si au temps de la donation le donataire étoit l’heritier presomptif du donateur, mais au temps de son decez il s’en trouvoit exclus par un plus proche, on pourroit revoquer en doute si cette donation qui étoit aalle dans son origine pouvoit devenir bonne dans la suite : Nan quod ab initio non valuit, remporis tractu convalescere non potest. J’estime néanmoins que comme on n’est pas recevable à debattre la validité d’une donation dutant la vie du donateur, il suffi t qu’au temps de sa mort la chose soit venuë à un point où elle puisse subsister, res a eum casum pervenerit à quo incipere potuit.

Si au contraite la donation avoit été faite à l’heritier de l’heritier, et qu’au temps de la mort du donateur ce donataire se trouvât heritier immediat, la donation deviendroit nulle. Ce fut une des principales decisions de l’Arrest rendu entre la veuve et les heritiers de feu Me Nicolas le Cert Procureur en la Cour, et le Cetf l’un de ses neveux : Me Nicolas le Cers voyant que son frere étoit mauvais ménager, et qu’il seroit son heritier s’il fût mort avant luy, il tacha d’asseurer le bien à fon neveu par des donations ; mais ce frère étant mort avant luy, le neveu se trouvant heritier de son oncle avec les soaurs du défunt, on jugea que la donation ne pouvoit plus subsister : je rapporteray cet Arrest plus amplement sur l’Article CCCCXLIV.

On peut encore douter si l’on peut être heritier, et donataire aux biens ausquels on ne peut succeder, c’est à dire si un heritier au propre peut être donataire des acquests et è contra, cela est sans difficulté : les Coûtumes qui prohibent d’être heritier et donataire s’entendent d’une même espèce de biens, comme heritier des propres et donataire d’une partie d’iceux, ou heritier aux acquests et donataire de quelques acquests, au prejudice des coheritiers qui ont droit de succeder ; mais il n’est point défendu de donner à son heritier des biens, à l’égard desquels il est comme étranger, et ausquels il ne pourra succeder par la Coûtume, suivant l’Arl est Fresne de Camrose que j’ay remarqué cy-dessus ; cela même a été jugé pour une succession de Normandie, par Arrest du Parlement de Paris rapporté par du Fresne, l. 1. c. 47. de l’impression de 1652 Cette prohibition de donner à l’égard des collateraux n’a lieu que pour les immeubles, car pour les meubles on peut les donner à un de ses heritiers collateraux, ce que l’on induit des Articles CCCCXXV. et CCCCXXXIII. mais Bérault a mal entendu l’Arrest qu’il cite sur l’Article 425. entre le Cat et lfore, en lespère duquel la donation des meubles et du tiers des acquests avoit été faite à un neveu qui ne pouvoit être héritier aux meubles et acquests.

Me Nicolas le Grand Curé de Cany avoit fait don à Nicolas le Grand son neveu de trois acres de terte qu’il avoit retitées à droit de lignage, et qui par consequent étoient un propre : Il avoit aussi constitué sous le nom de René le Grand fils d’un sien frere cinquante livres de rente à retention d’usufruit, et à condition que la proprieté luy en retourneroit en cas de predecez de son neveu, et sous les noms tant de Nicolas que de René ses neveux il avoit constitué en rente quatorze cens livres, et déclaré qu’il leur en faisoit don aux conditions cy-dessus : Ce donateur étant mort Aldenée le Grand, veuve d’Antoine Martel fille de son frère ainé et sa seule heritiere au propre en Caux, contredit les donations : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 8. d’Aoust 1630. elles furent confirmées : Ainsi l’on jugea que la donation du tiers du propre étoit valable en faveur de celuy qui en étoit exclus par la fille de l’ainé seule heritiere au propre en Gaux. On jugea aussi qu’en ligne collaterale on pouvoit donner ses meubles à un de ses heritiers, non seulement à l’égard de René le Grand qui étoit fils de son heritier immediat, mais aussi de Nicolas le Grand son autre neveu dont le pere étoit mort, et par consequent heritier immediat.

Sur cela l’on peut former cette difficulté, si le donateur qui n’auroit que des meubles pourroit les donner à un de ses heritiers au prejudice de tous les autres, ou s’il faudroit reduire la donation aux termes de l’Article CCCCxxIx : mais cet Article 429. est singulier pour empescher que les maris ne fissent de trop grands avantages à leurs femmes, c’est pourquov Il ne peut être étendu à d’autres cas, et la Coûtume ayant permis à celuy qui n’a point de femme ny d’enfans de donner tous ses meubles, il peut user de predilection en faveur de l’un de ses heritiers collateraux.

La seconde limitation que la Coûtume apporte à la liberté de donner le tiers de tous ses immeubles, est que le donataire ne soit point descendant du donateur en droite ligne Ces termes, ou descendant de luy an droite ligne, qui se peuvent appliquer ou rapporter à l’heritier immediat aussi-bien qu’au donateur, ont fait naître plusieurs difficultez décidées par les Arrests citez par Bérault et par ceux que j’ay remarquez, par lesquels on a déclaré valables. les donations faites aux descendans de l’heritier immediat en ligne collaterale. En effet si ces mots n’avoient pas leur relation au donateur, il s’ensuivroit qu’il auroit plus de liberté de faire du bien à un de ses heritiers en ligne directe qu’en collaterale, ce qui seroit contraire à l’Article CecexxXIv.

La raison principale de cette prohibition de donner en ligne directe étant fondée sur l’égadité que l’on veut garder entre les enfans, on a douté fort long-temps au Palais si les filles qui ne sont point heritieres étoient comprises sous la disposition de cet Article. On s’imagipoit autrefois qu’aprés avoir été mariées quelque modique qu’eût été la liberalité de leur pere, elles n’étoient plus capables d’aucune donation de sa part, comme je l’ay remarqué sur l’Article CCLII. parce qu’en laissant cette liberté aux peres d’augmenter leur dot aprés les avoir mariées ils tromperoient leurs fils et les femmes qu’ils auroient épousées, sous l’esperance que leurs successions se trouveroient exemptes et déchargées dumariage de leurs filles, ce qui leur avoit fait trouver des partis avantageux, et neanmoins elles seroient déchuës de leur esperance par le rappel à partage des filles ; mais nonobstant ces raisons il est permis aux peres d’augmenter la dot de leurs filles, pourvû que la donation n’excede point leur legitime.

Quoy qu’il ne se rencontre aucun empeschement pour la validité de la donation en la personne des donateurs et des donataires, et que même la donation soit solemnelle et qu’elle n’excede point les bornes prescrites par la Coûtume, cela ne suffit pas quelquefois pour luj donner son effet ; car il arrive souvent que le donateur y appose des moyens et des conditions de l’accomplissement et de l’evenement, desquelles dépend fa force et son execution.

On ajoûte ordinairement dans les donations une condition, un moyen, une cause, et un nom ou demonstration et designation de la chose donnée ; Plerumque, disent les Jurisconfultes Romains, in institutionibus & conditionibus adjiciuntur, vel conditio, vel modus, vel causa sel demonstratio : la condition et le moyen regardent le temps futur, la cause et la demonstration concernent le temps present ou le passé.

Il est necessaire que le donateur nomme la personne à laquelle il donne, et la chose qu’il onne, ou qu’il la démontre et la designe par certaines marques afin que l’on puisse sçavoir son intention, et comme il se peut surprendre en la demonstration qu’il en fait, c’est une uestion si son erreur dans le nom ou la demonstration de la personne ou de la chose peut donner atteinte à la donation ; L’erreur au nom n’est pas considérable, pourvû que l’on sçathe certainement par d’autres marques la personne à laquelle on a eu volonté de donner, 8. 6i qui demonstr. instit. de legat

Pour la defignation de la chose donnée elle est inutile ou necessaire ; elle est inutile et suerfluë lors que la chose est d’ailleurs assez connuë sans avoir besoin de la demonstration que le donateur en a faite, comme s’il avoit dit, je donne Stichus mon efclave qui est né dans ma naison ; cette designation particulière qu’il fait de Stichus est inutile, puis que sans cela l’on ne doutoit point que le donateur n’eût entendu parler de luy, et c’est pourquoy qua nd il ne seroit pas né dans sa maison, le legs ne laisseroit pas d’être bon, et c’est en ce cas que fase lemonstratio non vitiat legatum.

Lors que la designation est necessaire, dautant que l’on ne pourroit connoître autrement la chose donnée, il faut qu’elle soit véritable ; la fausseté qui s’y rencontre rend la donation nulle, hec enim quae causam legati omnem continet, hanc veram esse oportet, et si sit falsa nullun verit legatum,Cujac . in Comment. l. 73. 5. 1. de condit. et demonstr. Si par exemple le maty donne à sa femme l’habit qu’il a fait faire pour elle, il faut pour faire valoir ce legs que l’on lit fait un habit, car s’il n’y en a point il ne luy sera rien dûC’est encore une regle de droit, que falsa causa non vitiat legatum ; bien que le donateur déclare qu’il donne à Pierre à cause qu’il a eu soin de ses affaires, la donation sera bonne encore que Pierre n’ait jamais pris soin des affaires du donateur, S. Longé instit. de legat. nam ratio legandi non coheret legato, et ideo adjectione falsae causa non vitiatur legatum ; mais cette rause fausse qui ne rend point nulle la donation ne s’entend, suivant le sentiment des Docteurs, que de la cause impulsive, et non poit de la cause finale, laquelle ne se trouvant point véritable la donation ne peut subsister. Menochius de Prasumpt. l. 4. prasumpt. 24.

Il faut aussi prendre garde que la cause ne soit pas exprimée conditionnellement ; par exemple, lors que l’on dome en ces termes à quelqu’un, s’il a fait telle chose, et non pas parce qu’il la faite, multum refert causam legandi testator expresserit causative, puta per dictionen ( quia ) an conditionaliter per dictionem 1Siys Nam isto casu si faisa sit, legatum non debetur. llo licet falsa sit, debetur, D. S. Longé instit. de legat. l. demonstr. 8. Quod autem. S. Ac si de condit. et demonstr. Barry de condit. et demonstr. l. 1. n. 2.

Ce que le Droit Romain appelle modum & conditionem se distingue principalement par leurs termes : Modus est, dit M Cujas en son Paratitle, de condit. et demonstr. D. adjectio quod lagatarium ex legato testator facere voluerit. Lors que le donateur donne à la charge de faire ou pour faire telle et telle chose, il se conçoit en Latin par ces dictions ut, ita ut, et en François par les mots de pour et à la charge, et la condition par ces dictions, si, lors, et au cas, et autres semblables, si le donateur a dit par exemple, je donne cent écus à Titius à la charge d’en donner cinquante à Movius, où je donne à Marie deux cens écus pour la marier, c’est un moyen ou une déclaration de l’employ que le testateur veut être fait de la chose qu’il donne, mais qui ne suspend point la donation, et qui ne la rend point conditionnelle, l. Utilitas, 5. 1. D. de vanumiss. testament. que si le testateur avoit dit, je donne cent écus à Titius, s’il en donne cinquante à Muvius, ce seroit une condition, le donataire ne pourroit demander la delivrance de son legs ou de sa donation avant que de l’avoir executée ; il y a donc cette difference inter modum & conditionem, que quand la charge apposée par le donateur ne retarde point le payement ou la delivrance de la chose donnée, semper modus, non conditio debet intelligi, si au con-traire il faut executer la charge avant que le payement, conditio non modus intelligitur, l. cas 8o D. de condit. et demonstr. Mantica de conject. ult. vol. l. 10. c. 5. n. 15. et 16.

Suivant cette doctrine il a été jugé au Parlement de Paris qu’une donation faite à une fille Fresne pour la marier n’emportoit point de condition, et que le payement pouvoit en être demandé, bien que la fille ne fût pas encore mariée ; du Fresne en son Journ. d’Audien. l. 1. c. 88. de l’impression de 1652. Et Charondas en ses Réponses, 1. 7. c. 8. cite un autre Arrest, par dequel une donation d’héritage ayant été faite à la charge et condition que le donataire ne le pourroit aliener avant l’age de vingt-cinq ans, et le donataire étant mort aprés le donateur avant que d’avoir atteint vingt-cinq ans, que cette donation n’étoit point conditionnelle, et qu’elle passoit aux heritiers du donataire.

La même chose a été jugée en ce Parlement sur ce fait : Une mere fut instituée tutrice à ses trois filles, et saisie de tous leurs biens à la charge de payer neuf cens livres à chaque fille lors qu’elles seroient prêtes de se marier, et où elle passeroit à un second mariage qu’elle leur donneroit à chacune six cens livres pour les marier. La mère ayant passé en de secondes nopces avec Torin, elle donna à sa fille ainée en la mariant neuf cens livres pour la succession paternelle, et les six cens livres qu’elle avoit promises : La seconde fille étant morte, celle qui restoit à marier demanda dix-huit cens livres aux heritiers de Torin, qui offrirent les neur cens livres pour les biens du pere, et les six cens livres promises par la mere lors qu’elle se marieroit, et pour les autres six cens livres que l’on demandoit à la representation de la seur qui étoit décedée, ils pretendoient qu’elles n’étoient point dûës la condition n’étant point arrivée ; néanmoins les heritiers ayant été condamnez par le Vicomte ils en furent déchargez par le Bailly, dont la fille ayant appellé, Pilastre son Avocat disoit que la promesse de la mere n’étoit point conditionnelle, cette clause pour la marier, continebat modum non conditionem, et elle marquoit seulement la cause impulsive de la donation : ainsi sa sour étant morte aprés ses ans nubils la donation luy avoit été pleinement acquise, et par consequent elle étoit transmissible à ses heritiers ; aprés tout ce n’étoit pas tant une donation que leur legitime en la succession de leur mere. Moysant pour les heritiers répondoit que ces clauses, pour se marier, emportoient une condition, et alléguoit pour le prouver la l. Sancimus, C. de Nupt. mais la donation ne contenoit pas ces termes si nupserit, si nuptiae sequantur, auquel cas la promesse auroit été conditionnelle : Par Arrest du 5. d’Avril 1650. la Sentence du Bailly fut cassée, et les heritiers condamnez au payement des six cens livres pour la part de la sour décédée l’ay remarqué que la diction, si, regarde toûjours l’avenir, et qu’elle emporte une condition, de sorte que quand le mot si signifie le temps present ou le passé, il ne fait point de condition et ne suspend point la donation, mais elle a son effet ou elle est nulle dés son commencement : par exemple, Si Jacques m’a donné cent écus, j’en donne cent à Pierre, en ce cas il n’y a rien à attendre ; car ou il est véritable que Jacques m’a donné cent écus, et en ce cas la donation faite à Pierre aura son effet sur le champ, que si Jacques ne m’a rien donné, Pierre ne peut rien demander.

Il y a des conditions de Droit qui viennent de la Loy, les autres de Fait qui viennent de la volonté de l’homme, l. Multum de condit. et demonstr. Il y en a qui consistent à bailler quelque chose, les autres à faire ou ne pas faire, l. In facto eod. et de ces conditions les unes sont casuelles, les autres potestatives, et les autres mixtes ; sçavoir casuelles et potestatives, I. Vnica, 5. Sin autem aliquid sub conditione de Cad. toll. C. les casuelles sont celles qui dépendent du hazard et de l’evenement, ut si navis ex Asia venerit, et quand la condition manque la donation est nulle ; car le donateur ayant fait dépendre sa disposition du hazard, on considere l’evenement. Les potestatives dépendent de la volonté de celuy à qui l’on donne, si Titit decem dederis ; mais quand il a voulu executer la condition et qu’elle est empeschée par un autaee, la disposition a lieu nonobstant qu’elle n’ait point été executée, 1. Quae sub conditione S. Quoties de condit. instit. la condition mixte est celle qui dépend en partie du hazard, et en partie de la volonté, si Romam iverit.

Il y a encore des conditions expresses et des conditions tacites : La condition expresse est exprimée par ces dictions si, quand, pouros, au cas, et autres semblables : La condition tacite est celle qui est entenduë de droit, ou que natura inest, ou qui s’induit des paroles et de la oensée du testateur.

Le donataire est tenu d’accomplir les conditions qui luy sont imposées ; néanmoins toutes conditions ne sont pas obligatoires, on examine si elles sont legitimes ou deshonnêtes, possibles ou impossibles, et même si l’execution en est utile ou inutile : j’appelle utiles celles qui engagent indispensablement le donataire à les accomplir, ou qui aneantissent la donation lors qu’elles arrivent ou n’artivent pas, et je mets en ce rang les conditions possibles et honnêtes : et au contraire les inutiles sont les deshonnêtes et les impossibles qui ne font aucun prejudice à la donation, obtinuit turpes, vel impossibiles conditiones testamentis adscriptas pro nullis haberi.

Mais il y a des conditions difficiles et compliquées, que les Grecs appellent aovcdnuc, et dont nous avons des exemples dans la l. Si Titius de condit. et demonstr. et d’antres do nt la nature et la qualité est ambigue qui sont approuvées par les uns et rejettées par les autres Les conditions que l’on appose le plus ordinairement dans les donations sont de se matier ou de ne se matier point, si nupserit, vel si non nupserit ; le retour de la chose donnée au donafaire, si le donataire décede sans enfans, et la prohibition d’aliener la chose donnée La condition qui regarde le mariage est conçûë en termes affirmatifs, s’il se marie, ou en termes negatifs, s’il ne se marie point. Pour sçavoir quand la condition conçûë affirmativement doit être accomplie, il faut remarquer que bien qu’aucun ne puisse être obligé à se ma-tier par la crainte d’une peine, on peut bien neanmoins l’y engager par l’esperance de quelque avantage, aliud est enim eligendi matrimonii pena metu libertatem auferre, aliud ad matrimonium certa lege invitari, l. Titio centum, 5. 1. de condit. et demonstr. de sorte que si l’on don-noit mille écus à Jacques à condition d’épouser Marie il seroit exclus de cette donation s’il l’executoit point cette condition, pourvû qu’il pûst le faire avec bien-seance et sans faire de prejudice à sa reputation, si honestè poterit tales nuptias contrahere, l. Vter ex fratribus, Cum ita, 5. 1. de condit. et demonstr. Varin donna par son testament à Marie le Bouleur la femme tous ses meubles à la charge de payer trois mille livres à ses enfans, et en cas que contre la bonne opinion qu’il avoit de sa conduite elle passât en de secondes nopces elle seroit obligée de payer à ses enfans la somme de mille livres. Cette femme s’étant remariéeu sieur de la Chesnaye, Bonaventure Varin, fils du testateur, demanda les six mille livres à ce second mary de sa mere qui s’en défendit par cette raison, que cette clause étoit contre les bonnes moeurs et pour empescher la liberté du mariage, inhonestum est vinculo pena matrimonia obstringi, la condition de viduité ne peut être imposée, et hec conditio, si non nupse-rit in legatis remittitur, l. Servo, S. 1. D. ad Senat. Consult. Trebellianum : On disoit au contraire que cette disposition étoit civile n’empeschant point la liberté du mariage, mais faisant seulement cesser un gain et un profit : Aliud est auferre, aliud temperare, aliud legem non nubendi ponere, aliud modum nubendo statuere :Tertull . de Monooamia : Il ne s’agit pas d’une condi-tion qui emporte une peine en cas de mariage, le testamesst de son premier mary ne l’assuettissoit pas à une perpetuelle viduité, il l’invitoit seulement par une recompense à conser-ver le souvenir de leurs premieres affections en la personne de leurs enfans : Aliud est à Justinien nuptiis penâ deterreri, aliud ad viduitatem pramio invitari, nec enim par eademque ratio estamittere debita, et lucra non capere, l. fin. 6. 2. C. de Codicillis : La Novelle 22. de Justinien y est expresse, S. 43. et 44. La femme est obligée ou de renoncer à la donation si elle veur passer à un second mariage, ou d’accomplir la condition qui luy est ordonnée, aut ad naptis venire, aut abrenunciare praceptioni, aut si hoc noluerit et honorat defunctum, omnino abstinere de cetero à nuptiis : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 17. de Decembre 1658. la Cour faisant droit au principal condamna ce second mary à payer les six mille livres, plaidans Doublet, et Durand. Robert, l. 2. c. 7. rerum judic. a rapporté un Arrest du Parlement de Paris conforme à celuy que je viens de citer, et une donation mutuelle faite sous cette condition, que si le survivant se remarioit elle seroit nulle, fut jugée valable.

Le donateur peut ordonner que la donation n’aura point d’effet si le donataire épouse une ersonne indigne, ou une étrangere, ou d’une certaine famille, et pour reputer une femme indigne il suffit qu’elle ne soit point de la naissance et de la qualité de celuy qu’elle épouse toutes ces conditions n’empeschent point la liberté du mariage, parce que le donataire peut le contracter avec d’autres personnes, si plures persona comprehense fuerint, magis placuit cuilibet eorum si nupserit amissuram legatum, nec videri tali conditione viduitatem indictam, cum alii cuilibet satis commode possit nubere, D. l. Cum ira de condit. et demonstr Cette condition, si elle se marie avec Titius, seroit obligatoire, pourvû que Titius fût un party sortable, et qu’elle pût l’épouser sans blesser son honneur, si honesté, dit cette même Loy, cum ita, cum Titio nubere possit, dubium non erit quin si non paruerit conditioni, excluda tur à legato, si au contraire Titius étoit indigne de son alliance elle seroit dispensée d’executer cette condition, que enim Titio nubere jubetur, cateris omnibus nubere prohibetur : En effes lors que la bien-seance ne permet pas d’épouser celuy que l’on vous choisit, cette condition troduit le même effet que s’il étoit défendu en termes generaux de se marier, et la condition est même encore plus dure que celle si non nupserit, nam, dit la Loy, cateris omnibus nubere prohibetur, & Titio cui inhonestè nuptura sit nubere jubetur.

Si la donation étoit faite à condition de ne se pouvoir matier que par la volonté et le consentement de celuy que le donateur nommeroit, cette condition seroit incivile comme faisant obstacle à la liberté du mariage, l. Cum tale, S. Cum arbitratu Titii de condit. et demonstr. mais si le donateur avoit seulement ordonné de demander l’avis des parens la condition devroit être suivie car tant s’en faut qu’il soit contre la nature et la liberté du mariage de consulter ses parens sur le choix que l’on veut faire, c’est pecher contre l’honnêteté que de ne le faire pas, et l’on ne peut considerer comme une peine et une contrainte le devoir que l’on rend ses proches.

Lors que la condition est exprimée en termes negatifs, si non nupserit, pour sçavoir si elle doit être accomplie, l’on distingue entre le droit ancien et nouveau, et entre les premieres et secondes nopces. Par le droit ancien cette condition, si non nupferit, étoit entièrement roprouvée comme contraire à l’utilité publique et à la procreation d’enfans, quod in fraudem legis ad impediendas nuptias adscriptum est nullam vim habet, l. Heres meus, 79. 8. 4. l. Cum tale legatum, 5. 6. l. Titio, 7i. 6. 1. De condit. et demonstr. Neanmoins lors que cette condition. ne tendoit qu’à empescher un second mariage, et que le sujet pour lequel on enjoignoit de garder la viduité étoit favorable, les Jurisconsultes en ce cas ont répondu pour la condition. quod si ita scriptum est, si à liberis impuberibus ne nupserit, legem locum non habere, quia magis cura liberorum quêm viduitas indiceretur

Mais aujourd’huy cela n’est plus observé que pour les premieres nopces, et aprés plusieurs Justinien changemens sur cette matière Justinien ordonna par l’Authentique cui relictum de indicta vid. tol. que la condition de ne point passer à de secondes nopces étoit ficite, et qu’elle empor étoit la perte du legs pour celuy lequel y contrevenoit ; et Mantica asseure que hec sententiâ frequentissimo doctorum calculo recepta est : de conject. ult. vol. l. 1l. c. 19. Ricard en son Traité des Dispositions Conditionnelles, c. 5. sect. 2. rapporte un Arrest du Parlement de Paris qui l’a jugé de la sorte, et cet Auteur ajoûte que ces conditions qui vont à empescher la liberté des mariages n’ont été faites que pour les secondes nopces, et qu’à l’égard des premieres le droit est toûjours demeuré stable, et que l’on ne doute pas même à present que les conditions qui vont à empescher la liberté des mariages ne sont d’aucune consideration, mais qu’il faut prendre garde que pour donner lieu à cette doctrine il est necessaire que la condition qui àpour objet la privation du mariage en empesche la liberté ; car si elle n’étoit attachée simplement qu’à cette privation et qu’elle n’emportât pas la necessité en cette même personne le s’abstenir du mariage ou de perdre la liberalité qui luy est faite, il n’y a pas de difficulté qu’elle seroit valable : mais le donateur peut valablement interdire le mariage à l’égard de certaines personnes comme je l’ay remarqué cy. dessus, et au contraire il peut obliger le donataire d’épouser one certaine personne.

Bérault et Godefroy ont été d’opinion differente sur la validité de cette condition, si non Justinien mupserit ; le premier a crû qu’elle n’étoit pas licite, Godefroy a suivi l’autorité de Justinien ; quelques-uns ont été de ce sentiment, qu’elle ne doit être executée que quand le testateur degue à une autre femme qu’à la sienne, l. Avia, 5. Titio de condit. et demonstr. que si le mary par un effet de sa jalousie enjoignoit à sa femme une perpetuelle viduité, cette condition seroit rejettée comme contraire à la liberté du martage, l. Servo, 5. 1. Ad Sendt. Consult.

Trebelt-

Cette condition si sine liberis decesserit, est encore fort ordinaire dans les donations entre vifs, et sur tout dans les testamens qui se font dans les lieux où les institutions d’heritier et les substitutions sont permises ; les Docteurs ont traité une infinité de questions en expliquant ces paroles, mais comme elles n’ont pour la pluspart aucun usage parmy nous, je les passeray sous silence

On ne revoque pas en douté que cette condition si sine liberis decesserit, ne soit licite ; mais la difficulté consiste à sçavoir en quel cas on peut dite qu’elle est avenuë, quando impleta censeatur : On a demandé par exemple, si lors que le donataire ne laisse qu’un enfant la condi-tion n’est pas avenuë, et s’il ne faut pas qu’il y en ait plusieurs, le donateur ayant parlé en termes pluriels ; mais l’opinion la plus commune et la plus véritable est qu’un seul enfant suffit pour faire manquer la condition ou pour empescher la substitution.

Ce n’est pas assez d’avoir laissé des enfans, un homme peut en avoir de trois qualitez différentes, c’est à sçavoir les enfans legitimes et naturels tout ensemble, les legitimes feule-ment, et les naturels : Les premiers sont ceux qui sont nez d’un mariage folemnel et valablement contracté ; les seconds sont les adoptifs ; et les troisièmes les batards. Cette condition si fine liberis decesserit ne s’entend point de ces deux dernieres espèces d’enfans, mais seulement des premiers.

Mais on demande si les enfans naturels qui ont été legitimez n’auront pas le même avantage ; Pour la resolution de cette difficulté les Docteurs disent que cette formule si sine si-peris peut être conçûë en quatre manières : la première, si sine liberis decesserit, vel si sine filiis decesserit ; la seconde, si sine filiis legitimis & naturalibus ; la troisiéme, si sine liberis legitimatis, vel si sine liberis ex legitimo matrimonio natis ; et la quatriéme, si ces paroles sont repetées si sine filiis legitimis, & ex legitimo matrimonio nâtis.

Par la premiere formule les legitimez par Récrit du Prince sont contenus dans la condition, au prejudice du substitué, suivant l’opinion des Docteurs ; par la seconde, les legi-timez par le mariage subsequent empeschent que la condition n’ait son évenement ; par la troisiéme, qui fait mention de liberis legitimè natis, vel ex legitimo matrimonio natis, les legitinez par Récrit du Prince sont exclus, mais les legitimez par mariage sobsequent sont repu-tez comme d’un mariage legitimement contracté ; sur la quatriéme, les sentimens des Docteurs sont fort partagez à cause de ces paroles redoublées, si sine liberis legitimis & naturalibus & ex legitimo matrimonio natis, qui font presumer que le testateur n’a voulu appeller à sa succession que les enfans qui seroient nez dans un moriage legitimement et folemnellement contracté : les autres rejettent cette opmion comme trop rigoureuse, et du Moulin sur les Conseils d’Alexandre, 1. 7. Cons. 5. dit que illa verba ex se legitimè natis sunt apposita ad excludendum tantum legitimatos per rescriptum Principis, Barry de condit. et demonstr. l. 17. t. 12.

Mantica de conject. ult. vol. l. 11. c. 1o.

Il est sans difficulté que le mot liberi comprend non seulement les enfans issus du donateur, mais aussi ses petits-enfans et tous ses descendans ; mais s’il s’étoit servi du mot de fils les petits-enfans et les descendans feroient-ils manquer la condition : Il faut tenir que tous les descendans sont comptis sous le nom de fils, et du Moulin sur le Conseil 37. l. 6. d’Alexandre, ajoûte que filii appellatione nepotem contineri, multo facilius in conditione quam in dis-positione.

On étend même ce mot de fils jusqu’aux filles, et soit que le donateur ait parlé d’enfans ou de fils, si sine liberis, aut si sine filiis femine continebuntur & facient deficere conditionem dantica de conject. ult. vol. l. 11. t. 6. n. 8. Barry de condit. et demonstr. l. 17. t. 12. n. 20.

Si toutefois la clause contenoit ces mots, si sine filin masculis decesserit, les femmes en seroient excluses.

C’est une question, dit Tronçon sur l’Article 272. de la Coûtume de Paris, altissima eruditione dignissima, si la donation d’une terre étant faite en faveur de mariage avec cette con-dition, s’il y a fils du mariage, il suffit qu’il soit né un enfant bien qu’il soit mort incontinent aprés, etiam si momento durasset, sufficeret conditionem extitisse : Le Parlement de Paris a jugé pour la negative : Il y a sur ce sujet deux Loix contraires dans le Droit Romain, la l. Ex facto, S. 7. D. ad Senat. Consult. Trebell. si quis susceperit filium, & eum vivus amiserit. videbitur sine liberis decessisse. La l. 4. C. quando dies legat. ced. dit au contraire, satis esse natos liberos, licet postea decesserint. Ces paroles, s’il y a enfans, semblent desirer qu’il y ait les enfans au temps que la donation doit avoir son effet.

Mrdu Val , de rebus dub. tract. 3. propose cette question : Une mere avoit donné un heritage à sa fille et à ses enfans nés et à naître, la mère de ces enfans ayant vendu cet heri-tage, ses enfans qui avoient renoncé troublerent l’acquereur, on demande si leur action est egitime ; La raison de douter est que la donatrice a voulu donner premierement à sa fille. et en suite à fes petits-enfans, l. Pero. 69. 8. Fratre de legat. 2. on a jugé néanmoins a u Parlement de Paris que le legs étoit reputé fait à la fille seulement, et bien qu’il fût fait rnention des enfans et que la clause contint ces termes, pour être propre à elle et à ses enfans, que hec verba non disponebant : ratio enim legandi nihil difponit, neque cohaeret legato, l. Cum tale, S. Cuz alsam de condit : et demonstr. hic autem liberi et si designentur tam nati quam nascituri non sunt tamen in diçpositione.

La troisième condition que les donateurs apposent quelquefois à leurs dons est la défense d’aliener : Les Docteurs ne sont pas d’accord sur cette question, si ces prohibitions d’aliener sont valables à l’égard d’un étranger, et lon fait différence entre les prohibitions contractuel les et les testamentaires.

La prohibition d’aliener peut être faite en trois manieres, ou par la Loy, ou par un Cont rat, ou par un Testament ; lors qu’elle est faite par la Loy pour une cause publique et perpétuelle elle est inviolable, 1. Vbi lex, D. de fidejuss. quand elle est portée par un Contrag. elle n’a point d’effet, suivant le Droit Romain ; elle produit véritablement une action au donateur contre le donataire et ses heritiers, mais elle n’empesche point la translation de la proprieté ny la prescription, l. Ea lege de condict. ob caus. Lors que la prohibition d’aliener est portée par un testament les Interpretes du Droit Civil la reputent valable : Mr d’Argentré au contraire est d’avis, nulla testatoris prohibitione aut dominii transtationem aut prascriptionen impediri posse : son raisonnement est qu’un particulier, ny même un Juge, n’a pas assez d’auporité pour tirer hors du commerce une chose laquelle en est susceptible, Art. 266.

Par la jurisprudence des Arrests celuy qui donne ce que la Coûtume luy permet de donner peut valablement apposer la prohibition d’aliener. Le sieur de Bedasne donna un héritage à une sienne bâtarde à condition qu’elle ne pourroit l’aliener, et qu’en cas qu’elle mourût sans enfans et les enfans de ses enfans l’héritage retourneroit aux enfans du donateur ou à ses neritiers : Cette fille ayant été mariée nonobstant la prohibition d’aliener le mary vendit une partie des choses données qu’il remplaça neanmoins sur un autre fonds, mais aprés la mort du mary et de la femme ils furent aussi vendus par leur fils qui par aprés moutut sans enfans ; les heriiers du sieur de Bedasne obtinrent des Lettres de Loy apparente pour rentrer en la possession du fonds que leur pere avoit donné, les heritiers du fils s’étant chargez de garantie pour les acquereurs disoient que cette prohibition d’aliener étoit nulle, n’étant pas au pouvoir des particuliers de retrancher du commerce les choses dont il est permis de disposer, que ces prohibitions cont tractuelles sont défenduës par le Droit Romain ; en tout cas cette stipulation du retour des choses données aux heritiers du donataire ne pouvoit valoir que pour les choses qui se trouservoient encore en la succession du donataire ou de ses heritiers : Il étoit même de l’interest public de n’autoriser pas ces espèces de Contrats qui broüilleroient les familles, si l’on pouvoit deposseder des acqueréurs de bonne foy en vertu de conditions que le temps avoit renduës inconnuës : les heritiets faisoient valoir la loy du Contrat que la donation n’ayant été faite qu’à cette condition l’on ne pouvoit empescher qu’elle n’eût son execution, puis qu’elle étoit avenuë : Par Arrest du 14. de Novembre 1633. il fut dit à bonne cause la Loy apparente ; plaidans Coquerel, et Baudry.

Ao procez de Guibert contre le Pelletier, il étoit question de sçavoir si les heritiers du donateur pouvoient revendiquer le fonds donné sous cette condition, qu’en cas d’alienation par le donataire le donateur ou ses heritiers pourrolent s’en temettte en possession : Par Arrest du 11. de Juillet 1623. il fut jugé au profit des heritiers du donateur que la prescription ne couroit contr’eux que du jour de l’alienation, quoy que l’héritage eût été durant trois generations en la famille du donataire, l. Ea lege de condict. ob can. l. ult. de ann. except. la donation avoit été faite sous cette condition, que si le donataire ou ses hoirs alienoient hors de leur famille la chose donnée, le donateur ou ses hoirs pourroient la reprendre en payant trente livres. Il paroissoit rigoureux qu’aprés cinquante ou soixante années de possession le donateur ou ses heritiers fussent recevables à troubler les acquereurs, qui pouvoient alléguer que la condition et la faculté de faire quelque those se prescrit par quarante ans, que depuis la donation trois ou quatre generations étoient passées, de sorte que quand c’eût été une fubstitution elle ne pourroit exceder le troisième degré. Les descendans du donateur representoient que la prescription n’avoit pû commencer que du jour de l’alienation, dautant que l’action n’étoit ouverte que de ce temps-là, actio nondum natâ prascribi non potest, qu’ils avoient formé leur demande dans les dix ans du jour de la vente, et qu’il étoit juste d’aecomplir la loy que le donateur avoit imposée.

Le donataire ne peut s’en dispenser lors qu’il peut l’accomplir. Marie Larchevéque veuve du sieur d’Epreville Coton qui étoit Gentilhomme, par son Contrat de mariage avec du Crodsieur de Limerville, luy donna le tiers de ses meubles à condition qu’il acheteroit une Charge de Secretaire et qu’il la garderoit pendant vingt ans, à faute dequoy la donation seroit nulle, que si toutefois elle mouroit dans l’année du mariage la donation auroit son effet : Durant quatre innées que ce mariage dura du Croq ne traita point d’un Office de Secrétaire, et nonobstant le contredit des heritiers de cette Demoiselle la donation ayant été jugée valable par Sentence des Requêtes du Palais : Sur l’appel des sieurs de Pidasne et du Ménil-Vasse, Maurry et de Freville leurs Avocats remontroient que la donation étant conditionnelle elle étoit nulle à faute par le mary d’en avoir accomply la conditlon, non alias datura, sa volonté étoit juste, car étant veuve d’un Gentilhomme elle vouloit conserver sa qualité en obligeant son second mary de se faire pourvoir d’un Office de Secretaire, et ayant pû executer cette condition durant quatre années que ce mariage avoit duré il devoit s’en imputer la faute : Theroude pretensoit pour du Croq que ce défaut eût été considérable si cette Demoiselle avoit survécu son mary, parce qu’elle n’eûr pû joüir de la qualité de Noble l’ayant perduë par son mariage avec tedit du Croq, mais l’ayant predécedé l’execution de la condition luy auroit été inutile, qu’aprés tout ce n’étoit pas une donation conditionnelle, sed sub modo, modus autem non adrmpletus non facit deficere donationem. On tépondoit qu’en tout cas modus esset conditionaliter ronceptus, mais que l’on ne pouvoit concevoir une condition en des termes plus précis : Par Arrest du 23. de Janvier 1663. le mary fut privé de la donation.

On expliqua favorablement pour une mére la clause d’une donation qu’elle avoit faite à son fils en faveur de son mariage, de son doüaire et de son bien à la charge d’une pension, et à cette condition que si son fils mouroit sans enfans le tout luy reviendroit ; le fils laissa un enfant qui mourut quelque temps aprés sans enfans : lors que la mere voulut reprendre la possession de son bien elle y fut troublée par sa propre fille qui étoit heritière de son neveur et qui soûtenoit que la condition n’étoit point arrivée, le fils ayant laissé un enfant. La mere xé pondoit que cette condition du retour en cas que son fils ou l’enfant de son fils mourût avant elle sans enfans étoit sous-entenduë naturellement : her conditio inerat tacitè, suivant cette belle decision de Papinien en la l. Cum abus, D. de condit. et demonstr. minus scriptum plus cogitatum erat ; elle ne s’étoit pas exprimée plus clairement dans l’esperance que son fils la survivroit ou les enfans qui naltroient de luy, mais cet ordre naturel étant troublé on devoit presumer qu’elle ne s’étoit dépoüillée de son bien que par un excez d’affection qu’elle avoit oeu pour son fils et pour les enfans qui naitroient de luy : Par Arrest du 21. de Mars 1670l’on confirma la Sentence qui maintenoit la mere en la possession de son bien.

An conditio tacita, si sine liberis decesserit naturaliter inest donationi vel substitutioni, vide l. Cum avus de condit. et demonstr. l. Generaliter, C. de instit. et substit. l. Cum acutissimi, C. de fideicommiss. et Mantica lib ro. t. 7. et sequent. Barry de condit. et demonstr. l. 17. t. 17.

La Coûtume ne permet de donner entre vifs le tiers des immeubles qu’à la charge de contribuer à ce que doit le donateur lors de la donation, cette contribution est ordonnée fort justement, non enim plus est in donatione bonorum, quam quod superest deducto are alieno, l. Mudier bona, D. de jure dotal.

La question étoit autrefois fort douteuse, si celuy qui possedoit tout ou partie des bienu du défunt à titre singulier, soit de vente, d’échange, ou de donation, étoit tenu aux dettes Par la disposition de la Loy AEris alient, C. de donat. il n’y étoit point obligé, aris alieni necessitas non ejus est, qui titulo particulari possidet, sed totius juris universalis successoris onus est, qui ne peut être que l’heritier, parce que l’heredité ne peut être déferée qu’à droit successif, soit ab intestat ou par testament ; mais si elle est venduë ou donnée on acquiert bien un droit universel, sed titulus universalis non est, et ideo venditâ quantumcumque bereditate non fit empior Argentré beres emptâ licet hereditate. Argent. Art. 219. gl. 7. n. 3. et sequent. l’heritierinstitué étoit obligé d’acquitter les dettes, l. 1. 6i cert. patr. Mais si le donataire particulier, per modum quota, étoit déchargé du payement des dettes l’on pourroit donner plus que le tiers de ses immeubles, et c’est pourquoy nôtre Coûtume, non plus que celle de Paris, ne fait point de distinction. entre l’heritier universel et particulier, l’un et l’autre est tenu à la contribution des dettes à proportion de ce qu’il amende des biens du donateur.

Le donataire toutefois n’est tenu de contribuer qu’aux dettes contractées lors de la donation entre vifs, car la donation étant parfaite il n’est plus au pouvoir du donateur de la dimi-nuer ou de la rendre inutile : ce que la Coûtume a prudemment ordonné pour faire cesser cette question qui est si problematique entre les Docteurs ;Argentré , Article 219. gl. 7.

Loüet , I. D. n. 69.

Mais par quelle voye les creanciers peuvent-ils se pourvoir contre le donataire : Il est constant que par la disposition du Droit les créanciers n’ont aucune action, encore bien que par la donation le donataire eût été chargé de payer les dettes, l. 2. C. de pact. l. 2. de hered. vend. I. Cum res, l. Cum filio tuo, C. de donat. mais ils sont tenus de s’adresser contre le donateur ou son heritier. Mr Boyer en sa Decision 204. estime que le donataire qui est chargé d’une dette peut être contraint personnellement de la payer pour éviter le circuit par argument de la I. Dominus de condict. indebit. D. et suivant l’opinion commune les créanciers ne peuvent formes leur demande directement et par une action personnelle contre le donataire avant la discussion des biens du donateur ou de ses heritiers ; que s’ils sont insolvables ou que le donateur n’ait autuns fieritiers, on peut s’adresser directement contre le donataire universel des biens du donateur, comme étant en la place de l’heritier, l. His verbis, D. de hered. inst. sed hodie, dit M’d’Argentré , fpreta juris civilis subtilitate rectae dantur actiones creditoribus hereditariis adversus donatarios. De donat. Art. 219. gl. 7. Imbert en son Enchirid. Vid. de verb. differentia ; Loüer, l. D. n. 53. et 69.

Si la donation n’étoit pas du tiers des immeubles le creancier n’auroit pas une action personelle, et ne pourroit s’attaquer directement contre le donataire : la raison est que la Coûtume ermettant de donner le tiers, le donataire n’est point tenu au payement des dettes quand il l’en a point été chargé, si la chose donnée deduction faite des dettes du donateur n’excede soint le tiers ; mais lors que la donation est du tiers le donataire est tenu de répondre à la semande des creanciers jusqu’à la valeur de son don puis que la Coûtume l’y oblige expref. ément, et ce seroit un circuit inutile et plein de dol de renvoyer l’action contre les heritierss sela peut être juste lors que le donataire n’est point tenu des dettes et qu’il ne peut être poursuivi par les créanciers que lors que le donateur et ses heritiers sont insolvables ; mais les he-citiers même ayant une action contre le donataire, il seroit super flu de renvoyer les créanciers contr’eux étant naturellement subrogez à leurs droits, et pouvant par consequent exer-cer toutes les actions qui leur appartiennent, et je n’estime pas qu’en ce cas les Lettres de subrogation soient necessaires, par cette raison que la Coûtume oblige expressément le donataire à la contribution aux dettes. Si la donation étoit faite à l’heritier presomptif et par avan-éement d’hoirie, il pourroit être poursuivi sans discution suivant l’Article 52. de la Coûtume d’Amiens, sed teneretur solvere usque ad concurrentiam donationis tantum ;Molin . ad Art. 82. de la Coûtume d’Artois : Par Arrest donné en la Chambre de l’Edit le 10. d’Avril 1605. entre Damours et Suhart, un neveu donataire de son oncle et son heritier presomptif fut conlamné personnellement envers les créanciers de son oncle anterieurs de la donation, nonob-stant sa défense de ne devoir être condamné que comme un acheteur ; mais il fut dit qu’il ne seroit tenu de payer que jusqu’à la concurrence de la valeur des choses données.

Puis que j’ay parlé des actions que les creanciers et les heritiers du donateur ont contre les donataires, il faut sçavoir aussi quelles sont les actions que les donataires ou legataires peuvent exercer contre les heritiers du donateur, et s’ils peuvent être convenus personnelsement pour la part et portion qu’ils prennent aux biens du donateur et hypothecairement pour le tout, ou s’ils en sont tenus solidairement : Dans les lieux où les heritiers ne sont tenus personnellement aux dettes que pour la part qu’ils succedent, et hypothecairement pour le tout, les opinions des Auteurs François sont différentes sur ce point, si à l’égard des donataires et legataires l’action hypothecaire se peut liviser comme la personnelle.Bacquet , des Droits de Justice, c. 8. n. 26. pretend que c’est une Loy établie que l’hypotheque ne se divise point dans les païs Coûtumiers : Et Mornac sur la Loy Si creditores i8. C. de pactis, cite un Arrest par lequel un heritier fut condamné à payer un legs hypothecairement pour le tout : Ricard a combatu cette opinion en son Traité des Donat. p. 2. c. 1. sect. 4. et pretend que l’action hypothecaire ne surpasse point la personnelle à l’égard das-legataines, et son raisonnement est que le testament n’a son effet que par la mort du testateur, et qu’ainsi l’obligation n’ayant son être que contre les heritiers, et cette obli-ation n’étant point solidaire des fa naissance ils ne peuvent être tenus que pour leur part et portion.

Cette difficulté ne peut être fformée que pour les donations testamentaires ; car à l’égard des donations entre vifs comme elles ont leur effet du vivant du donateur, on peut poursuivre pour la delivrance des choses données si le donateur en avoit retenu l’usufruit, de la même manière que l’on feroit pour tous les autres faits du donateur ; mais comme en Normandie les heritiers sont tenus solidairement de ses faits et non point pour leur part, on ne peut pas douter qu’il ne puisse être convenu hypothecairement pour le tout ; mais à l’égard des legataires si l’obligation avoit sa naissance contre les heritiers, il y auroit apparence de dire que l’action hypothecaire ne surpasseroit point la personnelle ; mais quoy que l’action ne prenne son être contre les heritiers qu’aprés la mort, il ne s’enfuit pas que l’obligation n’ait commencé en la personne du testateur, et que par consequent ses heritiers ne puissent être con-venus pour le payement des legs de la même maniere qu’ils le seroient pour les autres faits du testateur ; de sorte qu’en Normandie bien loin que laction hypothecaire pûst être divisée, l’action personnelle peut être exercée solidairement contre les heritiers.

Bien que les heritiers dûssent executer religieusement les dispositions de ceux ausquels ils succedent lors qu’elles sont conformes aux Loix, néanmoins ils s’acquitent presque toûjours avec regret de ce devoir, et il faut que la donation soit tres-parfaite lors que l’heritier se desfaisit volontairement, cependant il n’est pas raisonnable qu’il profite du retardement qu’il apporte à lexecution de la donation ; ce qui donne lien à cette question, s’il doit être condamné aux dommages et interests envers les legataires, et de quel temps les interests doivent oommencer ?

Pour expliquer cette matiere il faut examiner ces deux points ; le premier, si l’interest peut être demandé de toutes sortes de donations mobiliaires ou immobiliaires ; et le second, de quel temps les fruits et les interests peuvent être dûs, si c’est du jour de la donation et du decez du donateur, ou du jour de la demande ?

Lors que le legs ou la donation est mobiliaire lon fait distinction entre la donation d’une fomme de deniers ou de quelque meuble destiné pour servir et qui ne consiste point en argent monnoyé : dans le premier cas l’on ne doute point que les deniers donnez ne puissent produire interest au profit des donataires ; mais pour les autres legs qui ne sont que pour l’usage. du légataire il n’en est point dû d’interest, si le donateur n’avoit expressément ordonné qu’ils fussent vendus et que les deniers en fussent employez pour la subsistance du légataire : cette doctrine est prise de la l. 3. 5. Si auro, D. de usuris : si auro & argento facto per fideicommi. sum relicto mora intervenerit, an usurarum estimatio facienda sit tractari solet : Planè si materiam istam ideo reliquit, ut ea distracta, pecuniaque refecta fideicommissa solverentur, aut alimenta prastarentur, non oportere frustrationem esse impunitam responderi oportet : quod si fortè ideo reliquit ut his vasis uteretar, non fine rubore desidérabuntur usurae, ideoque non exigentur.

Pour les donations immobiliaires il n’y a point de difficulté que les fruits en sont dûs, car la chose appartenant au donataire les fruits qui en proviennent ne peuvent être retenus par d’heritier.

Mais nos Auteurs ne conviennent pas de quel temps les fruits et les interests sont dûs, fi c’est du jour du décez du donateur lors que la donation est entre vifs et que le donateur a retenu l’usufruit, ou lors que la donation est testamentaire, si c’est du jour de la demande seulement : Quelques-uns tont distinction entre les donations de choses mobihares et les donations d’immeubles : Pour les donations mobiliaires que les interefts n’en penvent être dûs avant la demande, parce qu’ils ne portent pas de profit de leur natore, et amsi que les heritiers n’étans pas en demeure jusqu’à ce qu’ils foient requis il ne seroit pas juste de leur faire ayer un interest dont ils n’ont point profité ; mais quant aux donations d’immeubles, que Bacquet les heritiers sont tenus de restituer les fruits dés le jour du decez du donateur : Bacquer, des Droits de Justice, c. 8. n. 25.

D’autres sont d’un sentiment contraire, et tiennent indistinctement qu’à l’égard des legs et des dispositions testamentaires les fruits et les interests des donations mobiliaires ou immobilianes ne peuvent être pretendus avant la demande ; car le légataire ne peut être dit vérita-ble proprietaire de l’héritage qui luy a été laissé par testament jusqu’à ce qu’il ait declaré qu’il occeptoit la liberalité du défunt et qu’il ait demandé la delivrance du legs qui luy a été fait, et durant qu’il est en demeure de ce faire la possession de l’heritier est legitime ;Ricard , des Donat. p. 2. c. 3.

Il me paroit fort raisonnable que l’interest d’une somme de deniers qui a été léguée ne commence que du jour de la demande, parce que l’argent ne produit aucun fruit naturellement, et qu’il n’est dû que lors que celuy qui le doit est en demeure de payer : Il est vray que par le Droit Romain l’interest d’un legs ou d’un fideicommis n’est dû que depuis la contestation en cause : In legatis & fideicommissis fructus post litis contestationem, non ex die mortis consequuntur, l. ubt. C. de asur. et fruct. legat. mais l’Article 60. de l’Ordonnance d’Orleans porte en termes exprés, que contre les condamnez à payer certaines sommes de deniers dût par cedule ou obligation seront ajugez les dommages et interests requis pour le retardement du payement, à compter du jour de l’ajournement qui leur a été fait. Aussi il n’y a point de difficulté sur ce point, que linterest d’un legs mobilier n’est point dû avant la demande.

Les fruits des immeubles donnez entre vifs sont dûs du jour que la donation a été acceptée ou du décez du donateur lors qu’il a retenu l’usufruit : lheritier qui est en demeure de faire le delaissement de la chose donnée ne peut excuser son injuste détention sur ce pretexte qu’il ne sçait point si le donataire acceptera la chose donnée, l’acceptation ayant été faite durant la vie du donateur.

Il ne reste donc plus de difficulté que pour les legs testamentaires : or comme ils sont dûs dés le moment de la mort du donateur, l’on ne peut dire que la possession de l’heritier soit legitime et qu’il soit en bonne foy lors qu’il a eu connoissance du testament ; car bien que le legs ne soit pas incontinent agreé par le légataire, néanmoins l’heritier ne pouvant douter qu’il sera tenu de restituer le legs lors qu’il luy sera demandé, ne peut jamais être en bonne foy, quoy que l’acceptation du legs n’ait point encore été faite ; la connoissance qu’il a euë du testament le constituant en mauvaise foy dés le premier moment de sa possession, ne pouvant joüir d’une chose qu’il sçavoit bien ne faire plus partie des biens hereditaires.

Par l’ancienne et nouvelle Coûtume de Bretagne, Tître des Donations, Art. 1. la donation n’est point valable si elle est faite en haine ou fraude des presomptifs heritiers. Mr d’Ar-gentré témoigne qu’à la derniere reformation de la Coûtume il fit ajoûter ce mot en haine : Il a été plus utile de l’ômettre, car on fe porte rarement à donner que par quelque dépit ou aversion contre ses heritiers, et les donations qui se font pour recompense de véritables services sont rares et mediocres : C’est pourquoy ces paroles, en haine et en fraude, ne peuven servir qu’à fournir des pretextes pour contredire toutes sortes de donations : Ces moyens de nullité ne seroient pas admissibles en Normandie où l’on n’est pas reçû à prouver des faits de suggestion contre une donation entre vifs, ce qui a été aussi jugé au Parlement de Paris par Arrest du 10. de Juillet 1647.