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CCCCXXXII.

Donation à l’heritier seul.

Neanmoins si le donateur n’a qu’un heritier seul, il luy peut donner tout son héritage et biens immeubles.

L’on peut induire de cet Article que la prohibition de donner n’a d’autre fondement que la faveur de lheritier presomptif, et la conservation des biens dans les familles, de sorte que cette consideration venant à cesser, il devoit être en la liberté de celuy qui n’avoit point d’heritiers de donner tous ses biens, et la prohibition de ne donner que le tiers devoit être entenduë dans le cas où le donateur auroit des heritiers ; mais outre l’interest des heritiers les Seigneurs en ont un singulier qui consiste au Droit de Desherance, ce qui fait que la proibition de donner plus que le tiers est generale, et qu’il n’est jamais permis de donner da-vantage, quoy que l’on n’ait aucuns parens capables de succeder.

Bien que cet Article dispose en termes generaux que l’on ne peut faire avantage à l’un de ses heritiers plus qu’à l’autre, cela neanmoins ne s’entend que des immeubles ; car en l’Article preredent, dont celuy-cy fait partie, il n’est parlé que de la donation d’héritages et de biens immeubles, car pour les meubles la Coûtume en l’Article CCCCXXV. permet à un chacun d’en disposer comme bon luy semble et sans aucune distinction de personnes.

La différente manière de succeder et la distinction de propres et d’acquests a donné lieu à cette question, si ce qui est donné tient nature de propre ou d’acquest ? Cette difficulté ne peut arriver que rarement en Normandie, car dans la ligne directe ny dans la collaterale on de peut donner de ses immeubles à un heritier plus qu’à l’autre, et ainsi prenant les biens du défunt à droit successif, ils deviennent tous propres en la personne des heritiers. Si neanmoins suivant cet Article un homme avoit donné tous ses biens à son unique heritier, ou s’il en voit plusieurs et qu’il leur eût donné à chacun par une donation entre vifs la part qu’il auroit euë en la succession du donateur et que chaque heritier se fût tenu à son don, on demande si en ce cas prenant le bien par donation et non à droit d’heredité cette acceptation changeroit la nature des biens et rendroit acquest ce qui auroit été propre si on l’eût pris à titre d’heritier ? Il est sans doute qu’en ligne directe toutes donations étant reputées un avancement d’hoirie les biens conserveroient leur qualité de propre et le deviendroient par la suc-Brodeau cession. Pour les donations faites en ligne collaterala les usages en sonn differens. Brodean sur MrLoüet , l. a. n. 3. est d’avis qu’en ligne collaterale toutes donations, tant de propres que d’acquests, tiennent nature d’acquests au donataire, ce qu’il confirme par l’autorité des Arrests du Parlement de Paris, ce qui n’est pas en ligne dirocte ; dont, dit-il, on ne peut rendre aucune raison de diversité, sinon que les peres et meres sont censez une même perfonne ; de sorte que la donation leur est un avant-partage, et les collateraux sont considerez comme des étrangers.

Mais puis qu’en la ligne collaterale il n’est point permis de donner de ses immeubles à un heritier plus qu’à l’autre, quand les heritiers ne prendroient pas les biens ab intestat, mais comme donataires, néanmoins ils seroient reputez ne les posseder qu’à droit successif, parce que la donation ne leur acquiert rien de nouveau, et qu’ils ne possedent en vertu d’icelle que ce qui leur étoit asseuré par la Loy, et qui ne leur pouvoit être ôté par le donateur contre leur volonté, ainsi la donation ne change point la qualité des biens que le droit successif leur donne et leur imprime ; j’ay déja touché cette question sur l’Article CCXLVII. et j’en ditay encore un mot sur l’Article suivant.