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CCCCXXXV.

Donation contre la Coûtume dans quel temps revocable.

Les heritiers peuvent revoquer les donations faites contre la Coûtume, dans les dix ans du jour du decez du donateur s’ils sont majeurs, et dans dix ans du jour de leur majorité, autrement ils n’y sont plus recevables.

La revocation permise par cet Article et qui doit être faite dans les dix ans du jour de la mort du donateur on de la majorité ne s’entend que des donations faites contre la Coûtume : les revocations fondées sur l’ingratitude ne sont point restreintes à un certain temps, et il n’en est pas question en cet Article.

Ce mot d’heritiers nous apprend deux choses ; la premiere, que le donateur ne peut revoquer ce qu’il a donné quoy qu’il l’ait fait contre la Coûtume, car cette faculté n’appartient qu’aux heritiers ; la seconde, que cette action revocatoire ne peut être exercée par les parens du donateur, c’est à. dire par ses heritiers presomptifs, il faut être effectivement heritier pour exercer cette action. Il semble que la revocation des donations contraires à la Coûtume ne roit point necessaire, quia quoties lex certam formam prascribit et non servatur, actus corruit et Argentré est ipfo jure nullus, Argent. l. cum hi 8. 5. 17. D. de Transact.

Cela peut être vray pour les donations absolument nulles et qui blessent l’interest publie ou les bonnes moeurs, mais pour les donations qui ne pechent que dans lexcez et que la Loy ne reprouve qu’à certains égards et pour le seul interest des heritiers, de sorte qu’elles peuvent valoir et subsister par leur approbation, il étoit raisonnable d’obliger les interessez à s’en laindre dans un certain temps ; et comme les donataires peuvent être plus ou moins favorables, la Coûtume pour cette raison a prescrit des termes plus courts ou plus longs pour re-voquer ces donations selon la faveur des donataires, l’Article CCCCXXXVII. nous en fournit un exemple, et nous en avons vû un autre en l’Article CCLIV. où la Coûtume oblige les freres à revoquer dans l’an et jour du decez du pere ou de leur majorité la donation l’héritages faite par le pere à sa fille.

Il est vray que pour les meubles l’exception en peut être opposée toutefois et quantes qu’ils sont demandez lors qu’ils sont encore dûs, ce qu’on induit de l’Article CCL. V. où la Coûtume permettant aux freres de reduire la donation d’argent et de meubles promis par le pere quand ils sont encore dûs, elle ne limite aucun temps pour le faire ; mais la difficulté a été grande pour les rentes constituées, pour sçavoir si la donation on devoit être revoquée dans l’an et jour comme celle des héritages, ou si on le pouvoit faire dans les dix ans ; Sile vere avoit constitué la rente sur ses biens, le frere, à mon avis, pourroit aea faire reduire toutefois et quantes qu’elle luy seroit demandée, nam quae temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum ; mais quand le pere a cedé des rentes à prendre sur des particuliers, on a jugé au Rapport de Mr Auber que la revocation devoit en être faite dans les dix ans, parce que souvent on n’en a point de connoissance, et qu’il n’en est pas de même comme des héritages qui ont une assiete visible et certaine.

On a pareillement jugé au Rapport de Mr le Coigneux en 1622. qu’un legataire qui n’avoit point demandé son legs dans les dix ans ne pourroit en empescher la reduction en vertu de cet Article qui ne s’entend que de la donation où le donateur est dessaisi, et non des legs testamentaires, que l’heritier n’a interest de contester que lors qu’ils luy sont demandez.