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CCCCXL.

Reduction de la donation de la totalité des acquesis et conquests.

Donation faite de la totalité des acquests et conquests immeubles, ne vaut que jusques à la concurrence du tiers de tous les biens du donateur. Neanmoins où il y auroit divers heritiers au propre, et aux acquests et conquests, la donation de la totalité desdits acquests et conquests ne vaut que pour un tiers des-dits acquests et conquests, nonobstant que ladite donation ait été faite en Contrat de mariage portant cette clause ( que autrement n’eût été fait ) en quelque lieu que le Contrat soit fait et passé.

Soit qu’on donne tous ses propres ou tous ses acquests la donation ne peut exceder le tiers les biens du donateur, et cette liberté de donner est encore restreinte quand le donateur a divers heritiers, les uns au propre, les autres aux acquests ; en ce cas la donation de la totalité du propre ou des acquests se rgduit au tiers du propre, ou au tiers des acquests.

Cette question s’offrit en l’Audience de la Grand. Chambre le premier de Juillet 1664. par le Contrat de mariage de la nommée Carré avec Toussaint Morel, elle consentoit qu’en cas qu’elle redecedât son mary il joüit de tous ses immeubles ; cette condition étant arrivée Fourneron tainé et Guillon heritiers de cette femme mirent en action le mary pour l’obliger à leur des daisser la joüissance du bien de sa femme ; il s’en défendit en vertu de la clause portée par son Contrat de mariage, si mieux ils n’aimoient luy laisser la proprieté da tiers : Le Vicomte l’ayant jugé de la sorte, sur l’appel le Bailly cassa la Sentence et déclara la donation nulle faute d’insinuation : Morel en ayant appellé, Mautry son Avocat disoit que l’usufruit étoit in immeuble qui reçoit estimation, et comme la Coûtume permet de donner le tiers de ses immeubles il avoit pû donner l’usufruit de tout son bien, pourvû qu’il n’excedat point la vaseur du tiers, ce qu’il confirmoit par l’autorité de M’d’Argentré sur l’Article 218. de la Coû-tume de Bretagne, gl. 5. n. 18. Certum est usumfructum inter bona immobilia haberi, ideoque in bonorum immobilium ineunda quantitate estimationem recipere, l. Corruptionem, C. de usufr. Je défendois pour les Intimez, et representois que les donations ne sont point soûtenuës d’aucune faveur par nôtre Coûtume, et qu’on ne faisoit jamais d’extension favorable des paroles de la Loy pour les faire valoir, sur tout quand il ne paroissoit point que le donateur eût en intention de donner autre chose que ce qu’il avoit designé : le Contrat de mariage ne parloit oint de donation, il étoit seulement porté que la femme consentoit qu’en cas qu’elle mourût la premiere, son mary joüit de tous ses immeubles. Or il y avoit une difference con-fidérable entre consentir une simple joüissance et donner une proprieté ; le don de l’usufruit étoit incertain et conditionnel, il pouvoit arriver que le mary seroit mort avant sa femme, pu que leur mariage eût duré si long-temps que l’usufruit eût été de courte durée ; la dona tion de la proprieté étant beaucoup plus importante, on ne doit pas la faire valoit par exrension ou par equipollence, elle doit être faite en termes exprés : la femme donc n’ayant donné u’un usufruit qui est un immeuble il faut en reduire le don au tiers, et comme si l’on avoit donné le tiers des propres par testament on ne pourroit pas transferer cette donation sur les cquests, sur ce pretexte que l’on peut en donner le tiers par testament ; il faut dire la même hose en cette rencontre, que la femme n’ayant donné que de l’usufruit on ne peut demander que de l’usufruit, sur tout quand il paroit que le donateur n’a point eu l’intention de dis-oser de la proprieté de ses immeubles : ainsi aprés la déclaration des heritiers qu’ils ne s’atrétoient point au défaut d’insinuation, vû que par la jurisprudence des Arrests l’insinuation n’étoit point necessaire pour la donation que la femme fait au mary, et qu’ils consentoient qu’elle eût effet pour le tiers de l’usufruit : On cassa les Sentences du Bailly et du Vicomte et en reformant la donation fut reduite au tiers de l’usufruit ; on jugea la question generale : Voyez un Arrest sur l’Article CCCex. qui semble contraire, mais dans l’espèce de cet Arress a donation étoit expresse, dans celle-cy la femme consentoit simplement que son mary joûit lurant sa vie de ses immeubles.

Les dernieres paroles de cet Article marquent que la Coûtume est réelle, car elle déclare qu’en quelque lieu que le Contrat soit fait et passé on ne peut exceder sa disposition ; et quoy que le donateur n’y ait point son domicile, et que même il n’en soit point originaire, et que par consequent la Coûtume n’ait point de pouvoir sur sa personne, il ne peut toutefois disoser des immeubles qui ont leur assiete dans son détroit que conformément à sa dispo-dition.