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CCCCXLVII.

Donation comment reputée à cause de mort, et testamentaire.

Toutes donations faites par personnes gisans malades de la maladie dont ils decedent, sont reputées à cause de mort et testamentaires, ores que telles donations soient conçûës par termes de donations d’entre vifs si elles ne sont faites et passées devant Tabellions quarante jours avant la mort du donateur, et insiquées dans lesdits quarante jours

Cet Article est fort different du Droit Civil : Suivant cette Jurisprudence chacun demeuger inévitable et proche de sa mort ; ainsi la maladie dont il decedoit ne formoit aucun ob-troit maître de son bien jusqu’aui dernier soûpir de sa vie, et quoy qu’il fût reduit en un dantacle à sa liberté : il pouvoit par tel acte qu’il luy plaisoit, soit par donation entre vifs ou à cause de mort, disposer de ses biens sans aucune consideration de l’état où il se trouvoit ; de forte que l’on ne s’informoit jamais du temps de sa mort, ny de sa maladie, ny de sa santé, et lors qu’il donnoit dans la demiere extremité de sa maladie, non tam mortis causâ, quam noriens donare dicebatur, l. Seia, 8. Cum pater D. de mort. caus. donat.

C’est l’opinion commune des Docteurs fondée sur cette Loy Seia, que la donation faite par une personne malade purement et simplement et sans mention de la mort ne laisse d’être reputée une donation entre vifs ; Bartole et la Glose sur cette Loy Seia,Julius Clarus , l. 4. 8. Donano, quest. 4. MrCujas , ad lib. 13. Resp.Papin . estime que la donation faite irrevocablement et sans aucune condition de retour, bien qu’elle soit faite par une personne mourante, ne doit pas être considérée comme une donation à cause de mort, nec mutare quod decumbens donavit, & quia morti proximus, quia non tam mortis causâ, quam moriens donavit, denique moriens donavit, sed inter vivos non mortis causâ, & moriendi momentum vitae reputatur non morti.

Deux celebres Docteurs Canonistes, Butrigarius et Imola, ont agité cette question sur le C. 2. Extrav. de Consuet. si la donation faite par un homme malade doit être censée entre vifs ou à cause de mort ; Suivant l’opinion du premier elle étoit à cause de mort, eo quod infirmus in dubio non creditur actum inter vivos facere, sed magis ultima voluntatis, C. de his Ex-trav. de sepult. et l. Titia, 5. ultim. D. de donat. causâ mortis, comme au contraire l’on ne presume point que celuy qui est en bonne fanté fasse quelque acte en contemplation de la mort : au contraire Imola disoit qu’une donation faite par un homme malade pouvoit être entre vifs, s’il n’y étoit point fait mention de la mort, D. l. Seia. Balde prouve par cette Loy qu’un homme est capable de contracter jusqu’au dernier soûpir de sa vie, si la crainte de la mort ne trouble aeoint don esprit ; neque enim agritudo corporis impedimentum contractibus al nominibus sanae mentis gerendis prestat justum, l. Sanum mente, C. de transact La premiere opinion a prevalu dans l’usage, et tous actes passez par une personne malade sont censez faits dans la pensée de la mort, et par consequent tiennent la nature des donations à cause de murt pour éviter les fraudes ; car une personne mourante sçachant bien qu’elle ne pourroit donner par testament, disposeroit de ses biens par une disposition entre vifs.

La Coûtume en cet Article dispose aussi que toutes donations faites par : personnes malades de la maladie dont elles decedent sont reputées à cause de mort, bien que : telles donations soient conçûës entre vifs, et cette disposition est fondée sur plusieurs raisons ; l’experience a fait connoître que les plus avares deviennent liberaux lors qu’ils se sentent en état de quitter sa possession de leurs biens, ce que ne pouvant plus faire par des donations testamentaires ils e feroient par des donations entre vifs, ayant toûjours plus de panchant à faire prejudice à leurs heritiers qu’à se dépoüiller eux-mêmes de leurs biens ; et c’est pourquoy la Coûtume prevoyant que celuy qui donne entre vifs durant sa maladie, ne l’auroit peut-être pas fait s’i n’avoit pas été reduit en cet état, et si son esprit avoit été assez tranquille pour faire re flexion sur un acte d’aussi grande importance comme est une donation ; elle veut que cette donation soit presumée faite dans la prevoyance de la mort prochaine, et qu’elle ait été l’unique moti de sa liberalité, parce qu’il croyoit être bientost en état de ne posseder plus ce qu’il donnoit ce qui peut empescher encore les suggestions, étant beaucoup plus aisé de supposer ou d’eziger un acte de donation à cause de mort sous la forme d’une donation entre vifs Enfin il seroit facile d’éluder la disposition de la Coûtume qui ne permet de donner par restament que le tiers de ses acquests. L’Article 227. de la Coûtume de Paris contient une disposition pareille, et les donations faites par personnes gisans au lit malades de la maladie dont ils decedent, quoy que conçûës entre, vifs, sont reputées à cause de mort.

Cependant nôtre Coûtume ne s’est pas tant éloignée de la disposition du Droit Civil comme celle do Paris ; comme il pouvoit arriver qu’au temps de la donation le donateur n’étoi attaqué que d’une maladie legere qui ne luy donnoit aucune pensée de la mort, la Coûtume n’a pas voulu absolument que toutes donations faites pendant la maladie de laquelle le donateur est mort fussent toûjours reputées à cause de mort ou testamentaires, elle y apporte cette restriction en limitant un temps dans lequel le donateur doit vivre pour faire subsister la donation en la nature et en la qualité de donation entre vifs, la presomption que le donateur n’a fait cette liberalité que dans la vë d’une mort prochaine n’ayant plus tant de force et de vraysemblance lors qu’il ne decede qu’aprés un cettain temps ; et c’est pourquoy sans annul. er entièrement une telle disposition elle s’est contentée d’en reduire l’effet à moins que ce que l’on peut donner lors que l’on est en pleine santé.

Plusieurs autres Coûtumes désirent comme la nôtre que le donateur ait survécu plusieurs tours : Celle de Montargis, c. 13. Article 8. dit que la donation n’est point reputée entre vifs et irrevocable, si le donateur n’a survécu trente jours aprés la donation ; les autres demansent quarante jours ; Auxerre, Article 218. Sens, Article 108.

D’autres Coûtumes desapprouvent si fort les donations faites par personnes malades, qu’au sieu de les convertir en donations testamentaires elles les déclarent absolument nulles ; Bregagne, Article 209. Blois, Article 171.

en consequence de la restriction portée par cet Article, à sçavoir que ces donations ne laissent pas d’être valables pourvû qu’elles soient passées devant Tabellions quarante jours avant la mort du testateur, et insinuées dans le même temps, on réttanche plusieurs difficultez traitées par nos Auteurs, si les donations faites par personnes attaquées de maladies mortelles et incurables, comme de pulmonie ou d’hydropisie, doivent être reputées testamentaires, quoy que conçûës entre vifs ; Car cet Article limitant un temps dans lequel le donateur malade doit survivre, il n’importe de quel mal il soit atraqué pourvû qu’il vive quarante jours depuis la donation mais la difficulté reste encore pour ces maladies qui ont trait à la mort, qui n’empeschent point ses malades de se lover et de sortir, ainsi n’étant point gisans on ne peut pas leur appliquer la disposition de cet Article : VoyezTronçon ,Brodeau , et Ricard sur l’Article 277. de la Coûtume de Paris ;. Lesiet, 1. D. n. 11.

Suivant cet Article ces sortes de maladies ne rendroient pas la donation tectamentaire, car la Coûtume ne prononce pas absolument et indistinctement comme celle de Paris, que toutes donations conçûës entre vifs et faites par personnes gisans malades sont testamentaires, elle ne les déclare telles qu’en cas que le donateur ne survive pas les quarante jours ; de sorte que vraysemblablement la Coûtume n’a entendu parler que de ces maladies violentes qui emporrent le malade avant les quarante jours : Ricard a estimé la disposition de nôtre Coûtume et des autres qui luy sont conformes fort equitables ; il approuve neanmoins davantage celles qui laissent ce point à l’arbitrage du Juge et à la discussion de la vérité, comme plus justes et plus conformes à l’esprit et à la raison de la Loy, dautant que par ce moyen on penetre dans le fonds de la volonté du donateur, et on découvre par quel motif il a disposé de son bien, et s’il y a apparence qu’il eût donné en cas qu’il ne se fût pas vû plus proche de sa fin, qui est la pierre de touche pour discerner si la donation est entre vis ou à cause de mortRicard , des Donat. part. 1. c. 3. sect. 1. n. 102. mais cela donneroit lieu à une infinité de procez, et il est plus à propos de limiter le temps que le donateur doit survivre pour faire cesser plusieurs contestations sur la qualité de la maladie du donateur, et touchant ses intentions et les motifs de la donation.

On a demandé si une donation entre vifs faite par une femme grosse doit tomber dans le cas de cet Article : Mais on répond qu’on ne doit pas mettre au nombre des maladies ce qui est un effet ordinaire de la nature ;Ricard , ibid. Guarin, sieur de Bouclon, par une donation entre vifs donna à l’Hopital le tiers de ses mmeubles, il moutut deux ou trois jours aprés ; ses heritiets soûtenoient la donation nulle suivant cet Article, le donateur n’ayant survécu que deux ou trois jours, et qu’au temps de la donation il étoit déja malade et travaillé d’une fluxion sur le poulmon étant âgé de quatre-vingt ans, senio confectus : Bigot pour les Administrateurs de lHôtel.-Dieu répondoit que cette donation n’avoit point été faite par un homme malade, le donateur s’étant transporté à l’Hopital pour en passer le Contrat, ayant même encore depuis assisté aux Assemblées de la Maifon de Ville, ce qui prouvoit qu’il n’étoit point gisant, et que par consequent on ne pouvoit s’aider de cet Article : Par Arrest du 14. d’Aoust 1653. la donation fut confirmée : Cor-poris debilitas ratione etatis senio confecte donationem non vitiat, l. Senectus, & ibi : Glos. C. de donat.

Un Curé malade de la maladie dont il mourut huit jours aprés, donna aux enfans de son trere tous ses meubles qu’il vouloit leur être livrez aprés sa mort : cette donation fut passée devant Notaires et acceptée, mais étant à cause de mort on forma la question, si les solemtitez prescrites pour les testamens y étoient requises : Gteard pour les heritiers appellans d’une Sentence qui la jugeoit valable, disoit qu’elle avoit été surprise d’une personne qui n’a voit plus la liberté de son esprit étant attaqué au cerveau d’un mal que les Medecins par leur artestation appelloient Cephalique, que cette donation étant testamentaire puis que sa disposition se referoit au temps de la mort, et ayant été faite par une personne malade de la mala-die dont il étoit decedé, elle ne pouvoit valoir, les formes prescrites pour les testamens n’y ayant point été gardées : Maurry pretendoit pour les donataires que c’étoit une donation entre vifs, la disposition en étant parfaite et l’erecution feule différée aprés la mort, et quoy ue le donateur fût malade cela n’étoit considérable que pour faire que suivant la Coûtume la donation fût reputée testamentaire, à l’effet de la restreindre aux choses que l’on peut donner par testament, mais qu’il ne s’ensuivoit pas qu’elle fût nulle ; la Cour par Arrest du 25. de Juin 1665. mit sur l’appel hors de Cour.

Ces termes, ores qu’elle soit congûé par termes de donations entre vifs, ont été prudemment ajoûtez pour éviter aux fraudes ; une petsonne eût donné par un acte de donation entre vifs ce qu’il ne pouvoit donner à cause de mort : cela même a été prevû par les Jurisconsultes Romains, l. Filiae emancipata, ff. solut. matrim. l. Si filius de donat. D. valla de reb. dub. l. 3. Les Coûtumes de Blois, de Nevers, et d’Auvergne sont conformes : Pour faire le discernement des donations entre vifs et à cause de mort, on considere plûtost la cause et l’ef-fer que les termes ;Bouguier , 1. D. n. 12.

Lors que les donations conçûës par termes entre vifs sont converties et reputées donations. à cause de mort et testamentaires, l’on demande si pour leur validité il est necessaire qu’elles soient revétuës de toutes les formes requises pour les testamens, ou qu’au moins l’on y ait gardé celles qui sont ordonnées pour les donations entre vifs : l’ay remarqué sur l’Article CCCeXXVII. que l’on peut donner à cause de mort en deux manieres, ou par Contrat ou par Testament, et que nous avons deux espèces de donations à cause de mort, que l’une procede de la disposition de l’homme lors qu’elle est qualifiée telle par le Contrat, fautre de la disposition de la Loy lors qu’une donation conçûë entre vifs est reputée à cause de mort, comme en cet Article ; mais la difficulté consiste à sçavoir quelles formalitez sont necessaires pour la validité des unes et des autres Par la disposition du Droit Civil pour faire valoir une donation à cause de mort, la presence du donateur et du donataire étoit requise, la tradition même devoit intervenir, nam mortis causa donatur quod prasens presenti donat. l. 35. de donat. caus. mort. elle devoit être faite en la presence de cinq témoins, l. ult. 8. ult. C. de donat. l’acceptation étoit également necessaire pour les donations à cause de mort comme pour les donations entre vifs, l. ult. C. de donat. raus. mort. In hoc autem à testumento differebat, quod testamento hereditas dari poterat non per mortis caus. donati Mant. de conject. ult. vol. l. l. t. 12.

Plusieurs estiment que toutes sortes de donations à cause de mort sont nulles, si toutes les formalitez des testamens n’y ont été gardées, parce qu’elles sont semblables en toutes choses aux testamens ; ad exemplum legatorum redacta fuit donatio causâ mortis, et quodcumque in egatis constitutum est, in ea accipiendum, l. Illud in princip. D. de donat. caus. mort. et il ne faut point distinguer si elles ont été faites par un Contrat par un homme qui étoit en santé ou qui étoit malade ; car si l’on vouloit admetire dans le païs Coûtumier les donations à cause de mort, et que l’on ne fût point obligé de garder tout ce que la Coûtume ordonne pour les testamens, il seroit permis de faire des testamens sans solemnitez, et toutes les sages precautions des Loix et des Coûtumes pour empescher les surprises et les fuggestions deviendroient inutiles, et l’on choisiroit beaucoup plûtost de faire une donation à cause de mort qui est un Contrat fort simple, que de s’engager aux formalitez scrupuleuses des testamens.

On allégue contre cette opinion qu’à l’égard d’une donation à cause de mort faite par une peronne qui étoit en santé il suffit qu’elle ait été acceptée, et que par l’Ordonnance de 1539. les donations à cause de mort ne sont point sujettes à insinuation, parce qu’elles se peuvent revoquer par le donateur jusques à la mort ; et pour la donation conçûë par termes entre vifs par une personne malade, il n’est point necessaire d’y ajoûter la solemnité des testamens ; car pien que la maladie du testateur la fasse reputer donation testamentaire suivant cet Artiele et’Article 277. de la Coûtume de Paris, il ne s’enfuit pas qu’elle doive être faite comme on testament, mais seulement que la faculté de disposer de son bien par une donation entre vifs doit être restreinte à l’égard d’une personne malade de la maladie dont il decede, à ce dont il est permis de disposer par testament, l’intention de la Coûtume n’ayant pas été d’augmenter la solemnité des donations, mais simplement de borner la liberalité du donateur ; et la Coûtume n’a voulu dire autre chose, sinon qu’encore que ces sortes de donations soient re étuës des solemnitez des donations entre vifs, néanmoins étant faites en contemplation de a mort elles n’ont que l’effet des donations à cause de mort ; c’est de la sorte que Me René Chopin a interpreté l’Article 277. de la Coûtume de Paris, ayant remarqué que sa disposstion n’a pas été faite pour annuller la donation, mais seulement pour la reduire à ce qu’il est permis de donner par testament.

Suivant la Jurisprudence du Parlement de Paris remarquée par Me Claude Blondeau dans a cinquième partie du Journal du Palais, l’on a fait différence entre les donations faites pour cause de mort par des personnes en santé, et celles qui sont faites par des personnes en extré. nité de maladie : celles-là sont valables quoy qu’elles ne soient pas revétuës des formalitez les testamens, celles-cy ne peuvent subsister à moins qu’elles ne soient accompagnées de ls olemnité des testamens : et sur ce fujet l’on peut voir un Arrest rapporté dans la premiere artie du Journal des Audiences, l. 3. c. 23. de l’impression de 1652. où Mr l’Avocat Geneal Bignon conclud que l’on ne pouvoit douter qu’un homme en santé qui s’en va à la guerre ou en quelque voyage, ou pour quelqu’autre occasion que ce soit, ne puisse disposer partiulierement de son bien à cause de mort par Contrat an forme de donation conditionnée mais que la même chose n’est pas loisible à un homme qui est au lit malade de la maladie dont il décede, sans y garder la forme d’un testament, que cela seroit d’une trop petilleuse consequence pour les suggestions, et ce seroit leur ouvrir la porte et favoriser les desseins de ceux qui ne travaillent qu’à surprendre les volontez dernières ; et si l’on dit que la Coûtume approuve une donation faite en cet état de maladie et la reduit seulement à une moindre disposition, pourvû que le mot entre vifs y soit exprimé cela n’y fait rien ; car outre que cet acte est soûtenu par la disposition du Droit Romain qui le conservoit tout entier sans reduction, grée qu’il étoit considéré comme fait plûtost par un homme mourant, que condetionné à cause de mort. Ce même acte par nôtre Usage a une forme legitime étant conçû en termes de donaton entre vifs, autrement si cela avoir lieu ce seroit bien abreger du chemin aux dispûsitions dernieres, où sans penser faire un testament l’on poutroit produire un testament en forme de Contrat, et suivant ces raisons la donation fut déclarée nulle ; mais Mr le Premie President avertit les Avocats que la Cour avoit jugé la Cause pour les personpes mourantes, de sorte qu’à l’égard d’une donation à cause de mort faite par une personne malade, mais non point à l’extrémité, ou par une personne en santé, elles sont valables pourvû qu’elles soient revétuës de la solemnité des donations entre vifs, quoy que l’on n’y ait pas gardé la fornalité des testamens : l’Auteur du Journal du Palais dans la cinquième partie, napporte om Arrest qui l’a jugé de la sorte. Ricard a fort amplement traité cette matière, des Donat. p. 1. c. 2.

Cette même question s’offrit en ce Parlement en l’Audience de la Grand-Chambre Le 26. Mars 1689. entre les nommez Noel : Le sieur Noel avoit passé un Contrat de societé avee un sien geveu, par lequel il reconnoissoit que son neven avoit apporté quatre mille livres pour employer en marchandises, et le lendemain par un Contrat de donation à cause de mort passé devant deux Notaires et deux témoins il luy donna tous ses meubles ; cette donation n’avoit point été acceptée par le neveu, et ayant obtenu la delivrance de son legs par Sentences du Vicomte et du Bailly, fondées sur ce motif que le donataire avoit signé au Con-trat, ce qui ne se trouva pas véritable sur l’appel des autres neveux du donateur, Greard et de l’Epiney leurs Avocats remontrerent que la donation à cause de mort devoit être accomplie de toutes les formes de la donation entre vils ou de testament, parce que la Coû-tume n’avoit approuvé que ces deux espèces de donations, que si dans quelques Articles elle a fait mention de donations à cause de mort, elle s’en étoit servie comme d’un synonime avec le mot de testament, ou bien elle avoit entendu parler de la donation conçûë en forme d’entre vifs, mais dont l’execution et l’effer tenoit de la nature du testament : Or la donation dont il s’agissoit n’avoit ny la forme du iestament, parce qu’il n’étoit point fait mention qu’elle eût été lué au testateur, ny la solemnité de la donation entre vifs n’ayant point étép ncceptée par le donataire ; qu’il y avoit d’ailleurs une vchemente suspicion qu’elle avoit été sur prise du donateur, qui avoit crû signer un autre Acte en consequence de la société qu’il avoit contractée le jour precedent avec son neveu, n’étant pas vraysemblable que le lendez main il luy eût fait donation de tous ses meubles : d’Angerville pour le neveu donataire representa que la Coûtume ayant fait mention en plusieurs Articles de la donatlon à cause de mort, elle avoit apparemment étably une troisième espèce de donation qui n’étoit assujettié ny aux formalitez des testamens ny à la solemnité des donations entre vifs, et que pour sa validité c’étoit assez qu’elle fût en la forme des autres Contrats, ayant été passée devant deux Notaires et signée de deux témoins : Mr l’Avocat General de Prefontaines conclud que la donation étoit nulle, et neanmoins que cette donation ayant été faite pour recompense de services il étoit juste d’ajuger quelque chose au donaiaire : Par l’Arrest la donation fut declarée nulle.

Il est sans doute que les donations conçûës entre vifs faites par personnes malades de la maladie dont ils decedent sont valables, quoy qu’elles ne soient pas revétuës des formalitez des testamens, la Coûtume ayant voulu seulement que ces donations fussent reputées tessamentaires et à cause de mort, et non entre vifs, quoy qu’elles en eussent l’apparence et la forme.

Ces paroles, conçûes entre vifs, montrent qu’elles ont la forme de donations entre vifs, et non la forme des donations à cause de mort, mais elles sont reputées telles par une fiction de la Coûtume, car il est impossible qu’un même acte ait deux formes differentes En second lieu, la Coûtume ne déclare cette donation conçûë entre vifs testamentaire et à cause de mort qu’en cas que le donateur décede de cette maladie dans les quarante jours, de sorte que l’évenement en est incertain, et la qualité de la donation, pour sçavoir si elle de meurera entre vifs, ou si elle sera reputée testamentaire, est suspenduë jusqu’aprés les quatante jours.

En troisième lieu, la Coûtume dit qu’elles sont reputées testamentaires et à cause de mort. Ce mot de reputées dénote une fiction, ce qui montre que la donation en soy en la forme qu’elle est concûë est une véritable donation entre vifs, et que ce n’est que par une disposition de la Coûtume qu’elle est reputée testamentaire pour produire les mêmes effets ; car la fiction ne change point la nature de la chose, elle en change seulement les effets.

Il s’ensuit de ces principes que s’il n’est pas necessaire pour faire valoir ces donations d’y observer les formalitez des testamens, il est besoin qu’elles soient revétuës de toutes les sosemnitez des donations entre vifs ; car bien que la qualité de la donation dépende de l’ave-nir, il faut que la forme en laquelle elle est conçûë dépende du temps present, parce qu’un acte doit recevoir sa perfection dans le même temps qu’il est fait, bien que l’execution en puisse être suspenduë par l’évenement d’une condition incertaine, ce qui est d’autant plus necessaire que cette espèce de donation entre vifs n’est pas simplement et purement repubée testamentaire et à cause de mort, parce que le donateur est mort de la maladie dont il étoit attaqué, car elle ne laisse pas de conserver sa premiere qualité, pourvû qu’il ne decede qu’aprés les quarante jours ; mais quoy que la donation conçûë entre vifs eût été faite par une personne mourante elle ne laisseroit pas de valoir comme donation à cause de mort pourvû qu’elle fût parfaite, et l’on n’y suivroit pas la distinction que les Arrests du Parlement de Parls y ont pportée ; aussi nos donations ne sont pas de si grande importance, n’étant permis de donner par testament et à cause de mort que le tiers des acquests L’on ne doit pas estimer aussi que la Coûtume n’ait approuvé aucune sorte de donation à ause de mort sinon qu’elle soit comprise dans un testament, ou qu’elle soit revétuë des solemnitez que la Coûtume désire ; car outre que la Coûtume en plusieurs Articles a parlé fort distinctement de donations à cause de mort, et de testamens, il est d’un usage notoire que plusieurs personnes en santé passent des Contrats de donation en cas de predecez, et par consequent revocables ; mais le point de la question consiste à sçavoir quelles formalitez sont requises pour la validité de ces donations, s’il suffit qu’elles soient passées devant deux Notaires et signées de deux témoins, ou s’il est besoin qu’elles soient acceptées et insinuées, ou si l’acceptation seule est requise, ou si enfin étant conçûës à cause de mort il est indispensablement necessaire qu’elles soient revétuës de toutes les formalitez des testamens Il faut dire que lon peut donner à cause de mort par un Contrat comme par un testament, ce qui constituë en quelque sorte une troisième espèce de donation ; mais que quant à la forme des donations nous n’en avons que de deux sortes, et que toutes donations doivent être accomplies selon la solemnité des donations entre vifs, ou selon les formalitez des testamens de sorte que la donation à cause de mort faite par un Contrat doit être acceptée et insinuée, quoy que l’Ordonnance de 1539. ne les assujettisse pas à l’insinuation, ou elle doit être faite dans les formes prescrites pour la validité des testamens.

Il faut enfin remarquer que cet Article ne s’entend que des donations d’immeubles et non de la donation de meubles, comme il a été jugé sur ce fait. Desores par un Contrat entre vifs lonna quelques meubles à Beaufsieu l’un de ses heritiers, cette donation fut contestée par le Forestier qui étoit un autre heritier ; il se fondoit sur cet Article, suivant lequel toutes donations faites par personnes gisans malades de la maladie dont ils decedent sont reputées à cause de mort : Cette donation faite à Beaussieu étoit de cette qualité, Desores étant mort peu de temps. aprés : or n’étant plus considèrée que comme une donation testamentaire elle ne pouvoit subsister, n’étant pas accomplie suivant les formes prescrites par les testamens : Le Vicomte de S. Lo avoit declaré la donation nulle, le Bailly l’avoit confirmée : Sur l’appel le Petit pour le Porestier citoit un Arrest du Parlement de Paris rapporté dans le Journal des Audiences, l. 3. c. 22. de l’impression de 1652. qu’il disoit être fondé sur la Coûtume de Paris, laquelle est conforme à la nôtre : Theroude pour Desores prouvoit par les termes de cet Article même u’il ne pouvoit être entendu que de, la donation d’immeubles, puis qu’il étoit dit à la fin viceluy qu’il falloit qu’elles fussent insinuées dans les quarante jours, ce qui ne pouvoit s’appliquer aux donations de meubles parce que l’insinuation n’y est point requise, et en quelque emps et par quelque acte qu’elles se fassent elles sont bonnes, la Coûtume ne designant aucun temps avant la mort du testateur dans lequel il soit besoin de les faire : Par Arrest du 10. de Decembre 1655. la Cour mit sur l’appel hors de Cour.