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CCCCLXI.

Contras d’échange quand est clamable.

En permutation de choses immeubles il n’y a point de clameur : toutesfois si l’un des compermutans ou personne interposée pour luy rachete l’échange qu’il a baillé dans l’an et jour, ou bien s’il est approuvé qu’il fût ainsi convenu entre les Parties lors de ladite compermutation, il y a ouverture de clameur dans les trente ans.

Le retrait lignager n’étant introduit que pour remettre dans la famille l’héritage que l’on en faisoit sortir par une vente, et cette raison ne se rencontrant point dans la permutation par la subrogation qui se fait d’un héritage à l’autre, c’est avec justice que le retrait n’a point été reçû pour les Contrats d’échange : mais cela ne doit avoir lieu que pour les véritables échanges, et non pour celles qui sont simulées et frauduleuses. La fraude se presume lors que les permutans ou l’un d’eux demeurent en possession des choses échangées, mais n’étant point privez pour toûjours de la faculté de les aliener, on a demandé par quel temps chaque permutant devoit conserver son échange pour éviter le soupçon de fraude : Bartole sur la l. Post contractum, D. de don. limitoit ce temps à un an : cet Article prescrit le même temps, et plusieurs sopûtumes disposent comme la nôtre que le Contrat d’échange est retrayable lors que l’un des permutans rachete lhéritage dans l’an et jour : Mais l’on a fait cette question, bi la permutation d’un immeuble contre une chose mobiliaire donneroit ouverture au retrait : Nôtre Coûtume a prevenu cette difficulté, en n’excluant le retrait qu’en permutation de choses immeubles.

Il est certain que ces permutations n’ont le plus souvent d’autre fin que d’exclure les lignagers du retrait, mais pour les faire juger frauduleuses ce n’est pas assez de faire demeures pour constant que les contractans ont eu cette intention ; car encore que les permutans n’ayent pas eu le dessein de faire une échange, et qu’au contraire dans leurs premieres propositions ls n’eussent parlé que de vendre, et que depuis changeant de pensée dans la seule vûë d’explure l’action en retrait ils ayent fait une échange, pourvû que le Contrat ne soit point simulé et que l’échange subsiste les lignagers ne peuvent accuser les contractans de fraude. M. Tiraqueau, in praf. Ad Tit. de ret. gent. n. 79. et sequent. en propose cet exemple. Titius oiffiit à Moe : ius de luy vendre un héritage qui étoit sort à sa bien-se nce, Mevius luy fit iéponse qu’il n’avoit point d’argent, mais qu’il avoit une autre terre de valeur pareille à la sienne et qu’il luy bailleroit par échange, et si elle ne luy étoit pas commode ou qu’elle ne luy plût pas, qu’il sçavoit un marchand pour en traiter avec luy et qui luy en payeroit le prix qu’il la vousoit vendre : et sur ce que Titius repliqua à Mevius qu’il vendit luy-même sa terte, Mevius de refusa, parce qu’il craignoit qu’en achetaut la terre de Titius elle ne luy fût retirée par les lignagers de Titius, et que s’ils traitoient par vente il n’auroit plus sa terre, et il seroit depossedé de celle qu’il auroit acquise de Titius : Ils conviennent donc de faire une échange. pour empescher le retrait, et dans le même temps Mevius fit presenter une personne qui acheta de Titius la terre qu’il avoit euë en contr’échange par le même prix qu’il la vouloit vendre à Movius ; les lignagers de Titius soûtinrent que cette permutation étant faite en fraude de leur droit il y avoit ouverture à l’action en rétrait. Mr Tiraqueau resout là-dessus qu’il n’y avoit rien qui fût contraire à la Coûtume, que Mevius avoit eu raison de prendre sa seureté pour n’être pas dépossedé de ce qu’il auroit eu par achapt, et de sa terre qu’il auroit venduë ; qu’il n’auroit pas vendu si en même temps il ne s’étoit asseuré d’une autre terre pour mettre en la place ; qu’il étoit vray que son intention n’étoit pas d’exclure les lignagers, mais qu’il ne s’étoit servi qué d’un moyen approuvé par la Loy. Cette question fut décidée en plus forts termes en la Chambre de l’Edit entre Mr de la Ferté Maître des Requêtes, et Jacques le Seigneur Ecuyer sieur de Botot ; Mr de la Ferté avoit promis par écrit à ton permutant de luy faire trouver un acheteur pour prendre la terre qu’il luy bailleroit en contr’échange ; il fut jugé que cette paction ne donnoit point ouverture au retrait.

Par Atrest du mois d’Aoust 1636. au Rapport de Mr le Brun, entre Garin sieur de Sermonville, demandeur en Lettres de Requête Civile, et le sieur de Vieuxpont, demandeur pour retiter la Terre de Sermonville dont le sieur Garin avoit eu le Fief par échange et baille en contr’échange une rente fonciere, et trois jours aprés il avoit acheté le Domaine non-fieffés et pour moyen de fraude, on ajoûtoit encore que trois jours aprés la rente avoit été rachetée par le sieur Garin sous le nom d’une personne interessée : La Cour ayant égard aux Let-tres de Requête Civile, remit les Parties en tel état qu’elles étoient avant un Arrest d’Audience qui avoit jugé à bonne cause l’action en rettait Par Arrest du Parlement de Paris, au Rapport de Mr de Catinal, pour la Terre de Bresse dont Me de Joüé Maître des Comptes avoit pris le Fief mouvant du Roy par échange contre une piece de Pré, et un mois aprés avoit acheté le Domaine non-fieffé suivant la promesse qu’il en avoit baillée lors de l’échange, et depuis fourny un acheteur du contr’échange auquel il avoit baillé les deniers en rente, et neanmoins le beaufrere du vendeur fut debouté de son se action en retrait, parce que l’échange étoit véritable et sans fraude n’étant point rentré en ossession de son contr’échange, étant permis d’acheter une partie d’une Terre et d’échanger de surplus, pourvû que le tout se fasse sans simulation, licet obliqué, sed non simulatè contrahere.

On a fait cette question, si la permutation d’un immeuble contre une chose mobiliaire donneroit ouverture au retrait : La Coûtume a prevenu cette difficulté, en n’excluant le retrait qu’en permutation de choses immeubles.