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CCCCLXVIII.

Ordre pour le retrait entre les lignagers.

Les parens sont reçûs à retirer les heritages vendus, selon qu’ils sont plus prochains du vendeur.

Il est raisonnable que le plus proche parent ait la preference sur celuy qui est plus éloigné, lors que l’héritage a été acquis par un étranger ; mais il semble que quand l’héritage est acquis par un parent ce Contrat ne doit point être retrayable, dautant que le retrait lignager n’étant que jus conservatorium et non acquisitorium, il suffit que l’héritage vendu ne soit point mis hors de la famille ; neanmoins puis que l’action en retrait se regle comme les successions qui sont toûjours déferées aux plus proches parens, soit que l’acquereur soit parent ou non et lignager le plus proche peut user de rettait ; on a jugé néanmoins le contraire au Parlement de Paris par Arrest du 18. de Février 1656. en la Coûtume de Poitou qui contient une disposition pareille à cet Article, et l’on tint que lors qu’il y a concurrence entre plusieurs dignagers demandeurs en rétrait pour sçavoir à qui l’héritage demeureroit lors que la Coûtume ne dit rien de contraire en une matiere odieuse il ne la falloit pas étendre au delâ de ses termes, et que quand l’acquereur n’étoit point une personne étrangere de la famille il ne devoit pas être depossedé par une action de cette qualité.

Nos Maximes sont contraires, et parmy nous l’action en rettait n’est pas seulement pour conserver, mais aussi pour profiter, étant permis au lignager de retirer pour revendre avec rofit ; et ainsi le plus proche parent ne peut être privé de ce benefice ; que si l’acheteur se trouvoit être le plus proche parent, il auroit droit de retention et de prelation.

En consequence de cet Article qui admet au retrait les parens, selon qu’ils sont plus prochains du vendeur, cette question s’offiit en l’Audience de la Grand. Chambre le 23. Janvier 1680. entre une mere et un fils touchant la preference d’un retrait lignager, le fait étoit singulier : Demoiselle Anne Suhaid, femme de du Fayel Ecuyer sieur de Blé, avoit été accusée d’adultere par son mary en l’année 1652. et par une Transaction qui fut faite à la priere et à. la sollicitation de sa mêre et de tous ses parens elle fut privée de ses dot et doüaire, et confinée dans un Monastere pour y passer le reste de ses jours : aprés avoir demeuré ving tcinq ans dans ce Monastere elle presenta Requête à la Cour pour être renvoyée en la posses-tion de son bien, et incidamment elle obtint des Lettres de récision contre la Transaction ; mais avant que l’on eût fait droit sur cette Requête il arriva que la Terre d’Anferville qui avoit appartenu à son frere fut saisie réellement et ajugée à vil prix, ce qui fut cause que plusieurs personnes firent dessein de s’en rendre maîtres, et pour cet effet on eut recours à plu-si eurs parens ; la Demoiselle de Blé préta son nom à un particulier et intenta action en rétrait Iignager : le fils du sieur de Blé et d’elle se presenta aussi pour la retirer, et sar la preference la Cause ayant été portée en l’Audience, Berteaume conclud pour ladite Dame de Blé qu’elle de voit être renvoyée en la possession de son bien, et qu’en ce faisant elle étoit pieferable à son fils pour le retrait de cette Terre d’Anferville : Elle difoit pour sa justification que la Transaction n’étoit point signée d’elle, qu’elle n’avoit été accusée que par le caprice et la jalousie de son mary, qu’il favoit opprimée par sa violence, qu’elle ne s’étoit mise dans ce Convent que par le chagrin de voir incessamment devant ses yeux les débauches de son mary, qu’aprés tout le temps avoit expié son crime, que les plus grands se prescrivoient par vingt ans, qu’il n’y avoit point eu d’Arrest qui l’eûr condamnée, qu’il falloir necessaitement qu’il fût intervenu un Jugement, autrement les lnformations étoient prescrites ; et à l’égard de la preference pour le rettait elle ajoûtoit que pour être confinée dans un Monditere elle n’étoit pas motte civilement, qu’il falloit un Arrest pour luy arracher les droits du sang, qu’un adultere supposé ne luy ôtoit point un droit qu’elle tenoit de la nature, que son fils ne le pouvoit pretendre que par elle, qu’il en étoit bien plus indigne en faisant un si honteux reproche à sa mere, qu’elle ne le seroit elle-même quand elle seroit coupable des cri-mes dont on l’accusoit. Thibouville pour le sieur de Blé répondoit sur la premiere question, qu’encore que la Transaction ne fût point signée de la Dame de Blé c’étoit un jugement di famille qui avoit la même force qu’un jugement public, qu’il ne seroit pas juste que la douceur de ce jugement, ou plûtost cette indulgence du mary, la mit en droit de redemander sa dot et son doüaire, parce que le mary n’avoit pas voulu publier un crime qui rejallissoit sur luy, qu’elle étoit entièrement convaincuë par les Informations, que c’étoit un châtiment inseparable de son crime qu’elle n’avoit pas pû prescrite puis qu’elle avoit suby la peine et executé la Transaction pendant vingr. cinq ans. Basnage le jeune pour le fils répondoit sur le retrait qu’il ne venoit point faire de reproches à sa mere, mais qu’étant venuë elle-même. faire éclater son crime elle ne devoit pas trouver mauvais qu’il s’opposat au dessein qu’elle avoit de faire sortit de sa famille une Terre si considerable, qu’il n’avoit point été besoin d’un jugement public, que celuy de la famille étoit souverain dans ce cas, que l’adultere étant un crime domestique la Loy laissoit à la parenté une autorité absolué pour le punir, un mary qui surprend sa femme dans le crime peut se fatisfaire luy-même, son pardon en est écrit dans la Loy indulgetur justo dolori, la raison est que la Loy ménage la pudeur des hommes, elle ne veut pas les couvrir de honte et de confusion en les obligeant à faire éclater un crime qui fait plus de honte à la famille qu’à la femme accusée qui n’en a plus aprés son adultere ; que c’étoit pour épargner l’affront d’une famille qui se puniroit elle-même s’il falloir un jugement public, qu’ainsi étant confinée par un Arrest domestique pour le reste de ses jours elle étoit morte civilement. Les Romains imposoient aux coupables une peine qu’ils appelloient deportationem in insulam, ceux qui en étoient punis perdoient le droit de cité, perdoient le droit de succeder, et si quid eis legaretur tamquam pbna legatum censebatur, que la relegation perpétuelle dans un Convent étoit la même chose que la peine de la deportation, qui operoit lune exclusion des droits du sang ; que c’étoit une prison perpetuelle que l’on devoit mefffe dans le même rang que la mort ; que c’étoit un membre rétranché de l’état, qu’elle n’avoit plus de part aux actions civiles, que toutes les siennes étoient mottes, et que sa propre vie même aprés la pette de sa liberté faisoit une partie de son supplice, qu’étant confinée pour toute sa vie elle étoit au nombre des coupables ; et étant devenuë esclave de la peine elle n’avoit plus de part à ce qui se passoit dans le monde ; il est vray que jura sanguinis nullo jure perimuntur, mais le crime pouvoit bien ôter les effets civils, parce que la Loy ne reconnoit point les coupables ; qu’au reste si une petite formalité négligée pouvoit ôter le droit de elaneur, la pureté des moeurs et du sang étoit bien plus necessaire que ces formes serupuleuses qui y sont établies, et que si dans les clameurs on suivoit toûjouts les traces du sang, celuy de la Dame de Blé étoit trop cotrompu pour reconnoître ses tfaces. et luy en accorder les privileges : Enfin que si le but des clameurs étoit de conserver les Terres dans les familles, ut res remaneat in familiâ, ce n’étoit point celuy de la Dame de Blé puis qu’elle preferoit on étranger à son propre sang, qu’ainsi dans l’interest sensible que le fils avoit de remettre cette Terre dans sa famille, son opposition aux desseins de la Dame sa mere n’avoit rien de condamnable et Par l’Arrest elle fut deboutée de sa Requête, la Transaction confirinée, et la clameur ajugée au fils.

Les biens d’un nommé le Grand étant saisis réellement, il fit production d’un Contrat contenant le tachat de la rente pour laquelle on avoit saisi ; ce Contrat fut declaré faux, et le Grand condamné aux Galeres et ses biens confisquez ; le decret fut cassé sur l’appel d’un créancier, mais ce poursuivant criées ayant fait une nouvelle saisie aprés sommation faite au Sei-neur confiscataire, on proceda à l’adjudication : un parent du Grand demanda à retirer les ficritages ; l’adjudicataire le soûtint non recevable disant que les retraits se reglent comme les successions : or le décreté ayant été confisqué, le decret n’avoit pas été fait sur luy, mais son le Seigneur confiscataire, ce qui excluoit les parens du confisqué : Par Arrest du 17. de May 657. les Parties sur la demande en rétrait furent envoyées hors de Cour, plaidans Broüat d et Coiespel.

Si un lignager ne peut être contraint de retirer que ce qui est de sa ligne, l’acquereur d’un Fief qui a acquis dans l’an et jour de la lecture des héritages mouvans de ce Fiefla, peute il obliger le lignager retrayant à prendre les retraits feodaux et les acquests qu’il a faits : L’acquereur allégue en sa faveur que les héritages sont reünis et incorporez au Fief, qui ne peut être rétité qu’en son integrité : le rétrayant qui entre en son droit eaet tenu de le rendre indemne, l. ltem veniunt 2o. D. petit. hered. Ea quae hereditatis causa parata sunt à posessore veniunt in petitionem hereditatis : Le retrayant répond à ce raisonnement que l’acquereur n’étant point proprietaire incommutable, il ne peut s’excuser de dol ou d’imprudence pour avoir fait ces retraits feodaux pour incommoder les lignagers, il n’a pû accroître le Fief sans en être asseuré ; un acquereur pourroit supposer des ventes fous des noms empruncez, dont le prix excederoit la valeur pour détourner les lignagers. Ils ne sont tenus de retirer que ce qui a été vendu, si le possesseur d’un fonds qu’il sçait bien ne luy appartenir point y fait de grands bâtimens, le proprietaire n’est pas obligé de les rembourser, l. In fundo ff. de rei vind. un acquereur n’a pas plus de droit qu’un usufruitier. Or par l’Article CCII. les héritages retirez par l’usufruitier sont reünis au Fief, et aprés l’usufruit finy, le proprietaire peut les retenir en remboursant les heritiers de l’ufufruitier du prix qu’il en a déboursé.

C’est une faculté et un avantage que la Coûtume donne au proprietaire, dont il peut se servir s’il le trouve à propos ; mais elle ne dit pas que les heritiers de l’usufruitier pourront forcen les propriétaires à les prendre, comme je l’ay remarqué sur cet Article 202. Ce qui me fait refoudre que le retrayant lignager n’est pas tenu de rembourser les retraits que le Seigneur seodal a faits dans l’an et jour du retrait.