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CCCCLXXI.
Retrait à droit de lettre lûë.
Le propriétaire ayant possedé par an et jour l’héritage, qui puis aprés soit decreté pour dettes aînées de son acquisition : il peut s’en clamer à titre de lettre-lûe, et en remboursant le prix et loyaux coûts dans l’an et jour.
Voicy une espèce singulière de retrait introduite par la Coûtume en faveur de l’acquereur qui est depossedé ; mais pour pouvoir exercer ce droit de lettre-lûe il faut avoir possedé par an et jour depuis la lecture du Contrat, autrement si avant l’an et jour l’héritage est saisi réellement l’acquereur n’aura pas cette prerogative, parce que le decret depossede oppositie interposita impedit approprimenti effectum & retentionem ad tempus contractus inhibet, ut medium Argentré inhabile per quod fieri non potest transitus aliquis in aliquod extremum ; Argent. Art. 2685. c. 7. et la depossession par la saisie réelle est si absolué, que Iacquereur nedum civiliter possidet. Chartier ayant acquis un héritage ne fit point lire son Contrat que trois ans aprés la vente, incons tinent aprés la lecture l’héritage fut laisi réellement, les parens du decreté formerent laction en retrait, l’acquereur perdant pretendoit la preference à droit de lettre-lûé, il obtint Sensence à son profit : Caruë pour les lignagers appellans disoit qu’on ne doutoit point que le retrait à droit de lettre-lde ne fût preferable, mais il falloit sçavoir à quelles personnes la Coûtume donnoit ce privilege ; par cet Article le propriétaire ayant jouy par an et jour peut clamer, et l’Article CCCCLXXIII. l’expliquant plus clairement porte que les parens de l’acquereur perdant pourront retirer l’héritage dont il avoit jouy par an et jour, pourvû qu’il fût proprie-faire incommutable : la Coûtume ne dit pas simplement le possesseur ou l’acquereur, mais le ropriétaire incommutable qui a jouy par an et jour : or l’acquereur ayant été depossedé avant ce terme par la saisie réelle, il n’a jamais été propriétaire incommutable : Par Arrest du 23. de Septembre 1643. en la Chambre de l’Edit les lignagers furent prefèrez ; plai-dans Carué pour les Vallois lignagers, et Lyout pour le Chartier.
Berault sur cet Article cite un Arrest, par lequel un acquereur fut admis à la clameur de lettre-lûe, bien qu’il n’eûr fait lire son Contrat qu’aprés la saisie réelle, et par consequent depuis sa depossession ; mais cet Arrest seroit entièrement contraire aux Art. CCCCLXXI. et CCCCLXXIII. et luy-même sur l’Article 473. est d’une opinion contraire Autre Arrest sur ce fait. En 1639. le Marié vendit à Reux une maison située en la ville de Caen, et retint une condition de dix années : En 1643. le Marié vendit cette condition à Heute qui ne l’exerça qu’en 1649. mais alors cette maison avoit été saisie réellement deux ans aufaravant, et néanmoins Reux quoy qu’il n’en fût plus en possession en fit le delais à Heute, et Satrasin s’en étant rendu adjudicataire au decret, aussi-tost Heute ceda son droit de lettrelûë à du Pont qui fit condamner Sarrasin à luy faire remise de la maison : Heroüet pour Sar-rasin. Appellant disoit que Heute ne pouvoit retiter à droit de lettre-lüe, puis que bien loin d’être propriétaire incommutable il n’étoit jamais entré en joüissance, la maison étant déja saisie réellement lors qu’il avoit fait signifier la vente de la condition : Lyout pour du Pont. et de l’Epiney pour Heute, répondoient que véritablement Heute n’avoit point possedé, mais qu’il venoit au droit de Reux qui l’avoit subrogé à tous ses droits par la remise qu’il luy avoit faite ; la Cause fut appointée au Conseil : Si Heute n’avoit eu que le droit de la condition qui luy avoit été venduë, il n’auroit pû retirer à droit de lettre-lde ; car en rétrait conventionnel le retrayant en vertu de la condition vient au droit du vendeur et non de l’acquereur lont il refout et aneantit le Contrat, et au contraire au retrait lignager. le rettayant se met en la place de l’acquereur : Depuis par Arrest le retrayant fut reçû au rettait, et la Cour se sonda sur ce que Reux luy avoit cedé ses droits, lequel étant propriétaire incommutable il pouvoit retirer à droit de lettre-lûe, et cette espèce de retrait est cessible.
On disputa cette question en l’Audience de la Cour, si le mary étant depossedé par une saisie réelle des acquests par luy faits en bourgage, et étant mort durant le decret, sa femme ou ses heritiers pouvoient retirer à droit de lettre-lde la part que la femme auroit euë en ses conquests-là cessant la depossession du mary : Poyer avoit acquis quelques maisons situées en la ville de Roüen, dont il devint proprietaire incommutable, depuis elles furent saisies et ajugées pour les dettes de son vendeur, et il mourut avant l’adjudication ; les lignagers de cet acquereur perdant voulurent retirer le tiers à droit de lettre-lûë, Chedeville qui representoit la femme laquelle avoit survécu à son mary en demandoit la moitié, parce que le mary en étoit devenu propriétaire incommutable, et qu’elle y auroit eu la moitié s’il n’avoit pas été depossedé, mais puis que son mary avoit ce droit de lettre-lûe, elle devoit y avoir la même part qu’à la chose même : au contraire le Gros, lignager de l’acquereur perdant, soûtenoit que la femme n’avoit aucun droit aux conquests du mary que par sa mort, car auparavant il en est le maître, et la femme n’y acquiert aucun droit de communauté : or le mary au temps. de sa mort étoit depossedé, et cet acquest ne se trouvant plus en sa succession le droit qu’il y avoit étoit aneanty ; et comme elle ne pouvoit plus rien demander à la chose, elle avoir encore moins de droit d’user de ce privilege que la Coûtume donne à l’acquereur perdant : La Cause ayant été appointée au Conseil, elle fut depuis jugée au Rapport de Mr Roger le 4. de Juillet 1615. et par l’Arrest on confirma la Sentence qui avoit reçû le Gros, lignager de l’acquereur, à retirer le tout,
Cela, à mon avis, reçoit beaucoup de difficulté ; car encore que l’acquest ne se trouvàt plus entre les biens du mary, néanmoins ce droit de lettre-lûe luy appartenoit, et qui se pouvoit compter entre ses biens, où par consequent la femme avoit part comme à un droit réel. Berault sur l’Article CCCXXIX. et sur l’Article CCCLXVIII. fait mention d’un Arrest, par lequel nonobstant la renonciation de la femme à la succession de son mary ses parens avoient été reçûs à retiter la part qu’elle auroit euë à ses acquests ; mais il n’y a pas d’apparence que l’Arrest ait été donné de la sorte, car la femme en consequence de sa renonciation n’avoit jamais eu aucun droit aux acquests de son mary : Elle n’y prend part que quand elle se déclare son heritiere, il seroit donc étrange que l’on reçût ses parens à retirer on bien où elle n n’avoit jamais eu de part : il n’en est pas de même dans l’autre espèce où la femme étoit heritière de son mary, et le droit de lettre-lüe étant quelque chose de réel, puis que l’action pour retirer un immeuble est reputée immobiliaire, on ne pouvoit la priver de profiter de ce
droit de lettre-lüé : Aussi Berault n’estimoit pas que cet Arrest qui admettoit les haritlers de la femme à retirer la part qu’elle auroit eue si elle avoit renoncé fût raisonnable : Godefroy au contraire approuvoit l’Arrest, mais la jurisprudence a changé sur cette matière ; et cet Article doit-il etre étendu aux Contrats d’échange et de fieffe ; Guyon du Val avoit trois fils, Michel, Guyon, et Jean, et une fille qui fut mariée à Jean Roger le pere, ayant fait un avanrement de lon bien à ses enfans ; Jean échange quelque portion de son partage avec Roget. son beau-frere qui luy bailla en contr’échange d’autres héritages : le même jour du Val pere et ses enfans vendirent un héritage que Roger leur avoit baillé en contr’échange à M. Jean Nicole ; et comme il ne tenoit pas lesdits du Val solvables, il fit intervenir Roger au Contrat : dix mois aprés Roger fut depossedé de son échange, tous les biens desdits du Val ayant été saisis réellement, Nicole s’en rendit adjudicataire : Michel du Val au nom et ses enfans clama ce qui avoit été vendu par Jean du Val son frère : Roger retira aussi à droit de lettre-lûe.
Du Val opposoit à Roger qu’il ne pouvoit retirer à droit de lettre-lûe, n’ayant point joûy par an et jour : Roger expliquoit cet Article en cette manière, que l’an et jour n’étoit necessaire que pour ceux qui acherent, parce qu’avant ce temps-là ils ne deviennent point proprietaires : mais l’échange le rendant proprietaire dés le premier jour, on ne pouvoit luy refuser le benefice de la lettre-lûe, et son action étoit tres favorable ne pouvant rentret en son héritage pour être intervenu caution de la vente que lesdits du Val en avoient fait à Nicole : la Cause ayant été plaidée par Lyout et par moy, et apointée au Conseil, pat Arrest au Rapport de Mr de Toufreville le Roux, du 8. de Mars 1656. on confirma les Sentences qui avoient reçû Roger à rétirer à droit de lettre-lûé.
On avoit jugé le conttaire par un ancien Arrest du 30. de Juin 1547. par cette raison que dle permutant dans la vérité n’est point perdant, parce qu’il peut rentrer en son contr’échange ; mais il peut y avoit de la perte lors qu’il a beaucoup melioré l’héritage : Depuis la Cour en a fait un Reglement, tant pour les Contrats d’échange que de fieffe, Article 99. du Reglement de 1666.