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CCCCLXXIV.
Preference des lignagers quand il y a plusieurs ventes et divers clamans.
Si l’héritage est vendu plusieurs fois à diverses personnes, dans l’an et jour de la premiere vendition, les parens des vendeurs sont reçûs à eux clamer chacun en leur ordre, et sont preferez les parens du premier vendeur à ceux du second, et ainsi subsecutivement des autres.
Comme la cause et la fin du retrait lignager tend à conserver le bien dans la famille, il semble que cette action doit cesser lors que la vente est faite à quelqu’un de la famille ; car il n’est pas necessaire que l’héritage vendu soit toûjours possedé par le plus proche parent du vendeur, c’est assez que l’héritage soit conservé dans la familie, quoy que l’acquereur ne soit pas dans le degré de confanguinité le plus proche ; et puis que la Coûtume, Art. CCCCLII. ne dispose pas que l’héritage vendu sera rétiré par le parent plus proche, et qu’au contraire s il peut l’être par tous lignagers pourvû seulement qu’ils soient dans le septième degré ; il ne doit pas y avoir ouverture au retrait lors que la vente est faite à un lignager, puis qu’il est vray de dire qu’il n’est jamais sorty de la famille ; la cause donc du retrait cessant en cette rencontre l’effet en doit cesser pareillement. Il faut expliquer l’intention de la Coûtume comme l’on feroit celle d’un testateur qui auroit ordonné que quelque terre seroit baillée à quelqu’un de sa ligne, l’heritier peut en choisir un éloigné sans que le plus proche parent s’en puisse plaindre, l. Vnum ex famil. 5. 1. de legat. 2. Plusieurs Coûtumes de France l’ordonnent de la orte ; elles sont citées par Tiraqueau du Retrait lignager, 5. 11. gl. 6. n. 13. ce qui n’est point contraire à l’Article suivant, par lequel en concurrence de clameurs le plus proche parent de rendeur est preféré ; cela est véritable lors que la vente a été faite à un étranger, en ce cas dans la concurrence de deux retrayans il est juste que le plus proche ait l’avantage ; mais en cette espèce il n’y a point de concurrence de clameur, au contraire le parent plus éloigné qui acquis ne se défend que par cette raison, qu’il n’y a point d’ouverture au retrait lignager.
L’opinion contraire est neanmoins la plus véritable, cet ancien Praticien, JoannesFaber , l’a suivie ; Instit. 5. ita tamen de hered. qual. et diff. EtTiraqueau , n. 19. ibid. rapporte plusieurs Coûtumes lesquelles y sont conformes, et c’est aussi la disposition de la nôtre qui donne la preférence aux plus proches, sans distinguer si la vente a été faite à un étranger ou à un parent : on peut en rendre cette raison, que toutefois que quelque chose est accordée à une famille cela s’entend toûjours de ceux qui sont aux premiers degrez lors que l’on ne s’est point expliqué en faveur des plus éloignez, l. Pero, S. Fratre, D. de legat. 2.
Me Jacques Godefroy propose une question comme fort douteufe qui ne le doit pas être, à sçavoir si l’héritage ayant été revendu dans l’an et jour à un parent du premier vendeur les parens de l’acquereur auroient droit de clamer cette vente ; Il fait consister la difficulté en ce que cette revente doit equipoller à une remife que le premier acquereur auroit faite au parent du premier vendeur, mais les Contrats ne peuvent valoir que selon qu’ils sont conçûs ; de sorte que le premier acquereur ayant revendu volontairement sans faire aucune mention de retrait, on ne doit considérer ce Contrat que comme une pure vente sujette au retrait de la part des parens du premier acquereur, au prejudice des parens du premier vendeur et de ce second acquereur, qui ont laissé perdre le droit qui leur appartenoit et qui ne peuvent s’aider de cet Article qui reçoit les parens des vendeurs à clameur chacun selon leur ordre, car cet Article ne peut avoir lieu que quand ils sont en état de clamer, et non lors que les temps. fataux sont expirez.
Les parens des vendeurs sont reçûs à clamer chacun selon leur ordre, et sont preferez les parens du premier vendeur à ceux du second, et ainsi successivement des autres. On peut douter si les parens des seconds acquereurs ont droit de retrait lors qu’ils ne sonint propriétaires incommutables ; car en l’Article precedent la Coûtume ne donne le droit de lettre-lûë à l’acquereur perdant que quand le possesseur étoit proprietaire incommutable, et l’on ne doit pas reputer un bien patrimonial et de la famille celuy dont l’acquereur s’est dessaisi aussitost aprés lavoir acquis, et un acquereur perdant n’est pas moins favorable que le lignager l’un acquereur qui n’a jouy que durant peu de mois, et cependant il n’a le droit de lettrelûë qu’aprés être devenu propriétaire incommutable. Neanmoins puis que la Coûtume, Arti cle CCCCLII. accorde le droit de retrait tant pour les propres que pour les acquests touteois et quantes qu’il y a une vente, les parens de l’acquereur peuvent retiter quoy qu’il ne fût pas propriétaire incommutable ; aussi la Coûtume en admet la clameur indistinctement aux parens des vendeurs chacun selon leur ordre.