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CCCCLXXV.

En concurrence de clamans lignagers, le plus prochain parent du vendeur et plus habile à luy succeder est preferé, encore que delais eût été fait à autre du lignage.

Cet Article ne dit gueres davantage que l’Article CCCCLXVIII. les Coûtumes de Parls, d’Anjou, et du Mayne sont contraires, le parent le plus diligent et qui est le premier demandeur en retrait l’emporte au prejudice des autres parens quoy que plus proches.

Il n’en est point de même en Normandie, la prevention est inutile, et le plus proche parent est toûjours preferé, pourvû qu’il se presente dans le temps fatal. Le retrait lignager est un droit qui est donné à toute la famille non m solidum, mais par degrez et par ordre de distribution, de sorte que pendant le temps de la grace les premiers son toûjours preferez aux plus éloignez ; d’où il s’enfuit que lors que les plus éloignez se sont precipitez ils ne peuvent pas demander recompense des frais qu’ils ont faits à ceux qui rendent leur prevention inutile, parce qu’ils ne doivent pas recevoir de prejudice par la precipitation inconsiderée de ceux qui pouvoient prevoir que leur diligence ne leur serviroit point ; cependant l’acquereur refuseroit mal à propos de faire delais à un lignager, sur ce pretexte que le retrayant ne seroit pas le plus proche parent,

Comme les mâles et les décendans des mâles excluent les filles et leurs décendans ; la fille ortie du fils a été prefèrée, mais on forma cette difficulté, l’héritage que l’on vouloit retires étoit un acquest, et par l’Article CCCCLXX. en retrait d’acquefts, les parens paternels et maternels sont recus à retirer selon leur proximité avec le vendeur : la fille concluoit delâ que comme plus proche elle étoit preferable ; mais cet Article 470. est fondé sur ce qu’en succestion d’acquests, les maternels peuvent succeder commees paternels, et par consequent ils sont admissibles au retrait ; mais en succession directe la distinction d’acquests n’y vient point, ainsig de décendant du fils étant plus habile à succeder que la fille, il l’exclud du retrait.

Oans les Coûtumes qui reçoivent au retrait les plus proches parens seulement, celuy qui se trouve le plus éloigné d’un degré ne peut concurrer quoy qu’il represente son pete, car la Grimauder priorité du degré est tellement considérée, que le frere exclud le neveu fils du frère, suisant le sentiment de Grimaudet, l. 2. c. 25. La Coûtume pareillement en cet Article n’ad-met pas seulement au retrait le plus proche ; elle ajoûte ces autres paroles, et le plus habile succeder, de sorte que celuy qui est également habile à succeder, est également admissible à retirer, encore qu’il ne soit pas également proche : Cette question s’offrit, si pour : le retrait dignager il y a representation comme pour les successions, si les enfans d’une niéce sont admissibles en concutrence de retrait avec la niéce du vendeur ; le sieur du Jardin avoit deux fre-res, Joachim et André ; la Demoiselle du Thuit Romé étoit fille de Joachim ; la Demoiselle femme de Mr de Miromesnil étoit fille d’André ; la Demoiselle femme de Mr Deshommets étoit fille du sieur du Thuit Romé et de ladite Demoiselle du Jardin : En l’année 1615. le sieur du Jardin avoit vendu audit sieur Deshommets Secrétaire une maison qui étoit de son propre, parce qu’il paroissoit qu’en l’année 1582. il l’avoit retirée à droit de sang et lignage. Mr de Micomesnil clama cette vente au nom de la Demoiselle sa femme, niéce du sieur du Jardin ven-deur ; le sieur Deshommets se rendit pareillement demandeur en retrait au nom de la Demoiselle Romé sa femme : Il fut ordonné par Sentence des Requêtes du Palais, que les retrayans concurreroient en leur clameur, en remboursant chacun par moitié au sieur Deshommets le principal et les loyaux coûts. Mr de Miromesnil fondoit son Appel sur ce que c’est une regle generale, non seulement en Normandie, mais aussi dans les autres Coûtumes que le droit de retiter se regle comme celuy de succeder ; de sorte que pour regler la preference, ona regarde celuy qui est le plus habile à succeder, que si les retrayans sont habiles également, ils concurrent pour le rétrait comme ils feroient pour la succession : si dans l’affaire dont il s’agissoit on consideroit les degrez des retrayans dans l’ordre qu’ils pourroient succeder étant question et propre vendu ; la Demoiselle Deshommets à la representation de la Demoiselle sa mere revoit aussi habile. à succeder que la Demoiselle de Mitomesnil, si les ensans mâles du sieur du Thuit Romé renonçoient à la succession du sieur du Jardin ; le sieur Deshommets au nom de sa femme seroit capable de succeder, mais ne renonçant point, les filles ne sont point habiles à succeder : Par les Articles CCCCLXXV. et CCCCLXXVI. en concutrence de clameur, le plus proche parent du vendeur et le plos habile à luy succeder est prefeté, et si les etrayans sont en pareil degré, ils sont reçûs à la clameur selon l’ordre que les suceessions sont deférées par la Coûtume ; on répondoit pour l’intimé qu’en examinant bien ces Articles ils étoient à son avantage : dans les degrez où il y a representation elle raproche celuy qui étoit éloigné et le remet dans le degré de la personne representée : en succession de propre, les enfans de la niéce succedent avec l’autre niéce à la representation de leur mere : Ils peuent donc à la representation de leur mére concurrer avec la niéce, puis que la representation es remet au degré de leur mere : La Coûtume a decidé la question par ces paroles, au plus prochain et plus habile à succeder, car si elle avoit entendu donner la preference au plus prochain du lignage et en exclutre celuy qui étoit plus éloigné d’un degré, quoy qu’il fût égale. nent habile à succeder, elle n’auroit pas ajoûté ces paroles, et plus habile à succeder. Comme les Loix ne doivent point avoir de mots superslus, la Coûtume se seroit expliquée par ces seules paroles, plus prochain : Mais par ces termes elle montre que celuy qui n’exclud point de la succession, n’exclud point aussi du retrait ny de la concurrence suivant la maxime que l’on a posée que les clameurs se reglent comme les successions : Or la Demoiselle de Miromesnil ne pouvant exclure de la succession la Demoiselle Deshommets, et n’y ayant que les enfans mâles du sieur du Thuit qui le pûssent faire puis qu’ils ne clamoient point ; c’est avec raison que l’on a jugé la concurrence : Par Arrest du15. de Juiller 1616. en reformant la Sentence des Requêtes, le sieur de Miromesnil au nom de la Dame sa femme fut reçû seul au retrait de ladite maison ; mais la Cour se fonda sur ce que la maison étoit indivisible, et qu’en ce cas il étoit plus juste de donner la preference à la mere au prejudice de l’arrière-niéce ; ce que Berault n’ayant pas remarqué, il a eu raison de dire que cet Arrest ne doit pas être tiré en con-sequence ; cette circonstance ne s’y rencontrant pas, il n’y avoit pas de lieu d’exclure l’arrierenièce, car quoy qu’elle eût des freres comme il ne s’agissoit pas de succession mais de droit de retrait, elle en étoit capable, puis que ses freres ne vouloient point exercer leur droit, et comme s’ils avoient renoncé à la succession les seurs auroient pû la prendre, aussi n’usant point du droit de retrait les seurs pouvoient l’exercer en leur place : c’est une regle certaine. que le plus éloigné n’est pas exclus par le plus proche quand il est admis avec luy à la succession ; et c’est aussi le sentiment de Berault sur l’Article suivant.

Berault cite un Arrest donné en l’Audience le 22. de Mars 16t6. par lequel le delais fait à un clamant dans l’an et jour d’un Contrat qui n’avoit point été lù n’étoit point revoqué par un plus proche parent né dans les trente ans. On avoit jugé le contraire quelques mois auparavant sur ce fait ; on avoit déguisé un Contrat de yente sous le nom de fieffe : un lignager fit preuve de la fraude, et l’acquereur luy fit delais de l’héritage : long-temps depuis un lignager qui n’étoit point né ny conçù lors du Contrat de fieffe, forma une action pour retirer ce même heritage ; le premier retrayant qui en étoit en paisible possession depuis plusieurs années luy op-posa qu’il n’étoit point admissible n’étant pas né ny conçû au temps du Contrat, qu’il avoit découvert la fraude, et qu’il avoit eu la peine d’en faire la preuve ; qu’il en devoit être de même comme des successions, où ceux qui ne sont pas nés ny conçûs lors qu’elles échéent ne sont point admissibles, I. Titius de juris et leg. D. Le second lignager alléguoit pour défense que le Contrat ayant été fait en fraude des lignagers il avoit trente ans pour clamer, que la prevention d’un autre lignager ne luy pouvoit ôter son droit, que si un lignager plus éloigne cetire dans l an et jour de la lecture, quoy que l’acquereur luy. ait fait remise, un plus proche parent n’est pas exclus quand il vient dans le temps fatal : Il en doit être de même en cas de fraude, l’action en durant trente ans on ne peut acourcir ce terme : Il fut ordonné par Sentence que le premier retrayant feroit remise au dernier, ce qui fut confirmé par Arrest du 13. d’Aoust 161s. victores pariunt victoriam non sibi, sed aliis, cum non jure agunt ut in l. 6. Posthumus, S. Si quis, D. de inoffic. testament. si quis ex his personis que ad successionem non admittuntur de nofficioso ageret & obtinuerit non et prosit victoriae, sed iis qui habent ab intestato successionem, I. Pater filium 14. de inoffic. testament. les Parties étoient Guillaume le Clerc, et Pierre Quëteville.

Cet Arrest fut allégué dans la Plaidoirie de l’Arrest du Mire et Hasteveille, pour montrer qu’on ne le pouvoit tirer en consequence contre luy, qui soûtenoit que celuy qui n’étoit pas tonçû au temps du Contrat ne pouvoit être reçû à clamer aprés que l’action en retrait a été conommée, et il y remarquoit cette difference qu’il avoit été donné en consequence de la fraude qui avoit été reconnuë dans le Contrat, et que cette action duroit jusqu’à trente ans : Cette différence néanmoins n’étoit pas considérable, car l’action en rettait à faute de lecture est aussi prorogée jusqu’à trente ans, et par consequent la prevention en ce cas ne devoit point nuire non plus qu’en l’autre Arrest, quoy que nous ne suivions pas l’usage de Paris qui permet la prevention en faveut du plus diligent, il me semble qu’il n’eR point juste de donner aeite prerogative à celuy qui n’est point né ny conçù lors que le lignager a exercé l’action en retrait, et qu’elle a été pleinement consommée : quand un lignager precipite son action au pre-Judice d’un autre parent dont il n’ignore point le droit ny la qualité, il n’est pas raisonnable que son action prematurée luy fasse prejudice ; mais quand celuy qui étoit le plus proche et de plus habile à succeder au temps de l’action s’en est prevalu et a consommé son droit, il n’en doit pas décheoir par la conception ou par la naissance posterieure d’un autre parent, auquel on ne peut dire qu’il ait fait tort puis qu’alors il n’étoit point in rerum natura. Neanmoins puis que celuy qui est conçû et né dans l’an et jour da retrait est admissible, l’on peut en inferent qu’il le doit être pareillement lors que pour la fraude ou pour le défaut de lecture il y a ouverture au retrait dans les trente années ; mais il y a cette difference qu’il ne seroit pas juste qu’un parent qui auroit usé du retrait dans l’an et jour pût être depossedé par un autre qui ne seroit peut-être venu au monde que trente ans aprés ; l’on n’accorde trente ans pour clamer qu’en haine de l’acquereur qui a usé de fraude, mais cela ne doit point nuire à un ligna-ger qui a usé de son droit.

Il semble que pour donner lieu à la concurrence deux conditions sont necessaires que l’on soit également proche et également habile à succeder, de sorte qu’encore que l’on fût également proche, si toutefois l’on n’étoit pas également habile à succeder, on ne poutroit pre-tendre de concurter en matière de retrait ; cela pourroit arriver lors qu’un ainé a pris preciput et a laissé les rotutes à ses puisnez : Il est cettain que l’un des puinez décedant sans enfans, l’ainé ne prendroit pas de part à ces rotures, et par consequent il ne seroit point admissible au rettait de ces mêmes rotures, si elles avoient été venduës puis qu’il ne pourroit pas y succeder ; mais l’on pretend que cette sorte d’incapacité est singulière et dimitée aux rotutes seulement, et qu’il suffit que l’on ne soit pas incapable de succeder en d’autres choses, comme on le verra par l’Arrest de Labbé sur l’Article suivant.