Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.
CCCCLXXVIII.
Trente ans de clameur en cas de fraude.
Où l’un des clamans aura laissé la suite à l’autre il peut neanmoins poursuivre l’effet de la clameur dans trente ans si celuy qui a la suite cede par fraude l’héritage à l’acquereur, ou à un autre pour luy.
La Coûtume a fort bien ordonné que si l’un des retrayans cede la suite de son action à l’autre, il peut neanmoins en poursuivre l’effet dans trente ans, si colyy qui avoit eu la suite du retrait cede par fraude l’héritage à l’acquereur. Mais il faut prendiegarde que pour avoir cette action dans les trente ans, il est necessaire que celuy qui sa veut poursuivre ait formé la demande n retrait lignager dans l’an et jour de la lecture, car s’il avoit laissé écouler l’an et jour sans former d’action, il est hors d’interests et non admissible, parce qu’il ne peut dire que l’on ait cedé le retrait à son préjudice. Cette action de ttente ans ne peut donc être exercée que par ceux qui étoient demandeurs en retrait, et en fraude desquels un plus proche parent a formé une action pour les exclure et pour s’accommoder en suite avec l’acquereur. En ce cas il n’étoit pas juste que celuy qui avoit voulu user de son droit en fût exclus par la fraude et par sintelligence d’un autre parent avec l’acquereurs
C’est une Maxime cettaine que pour faire juger un retrait frauduleux deux conditions sont requises, le conseil et l’évenement : la fraude n’est point presumée si le dessein n’en est executé : Nemo enim cogitationis ponam patitur, quand on auroit formé le dessein d’une fraude, en changeant de volonté il ne reste plus de pretexte pour s’en plaindre. Un lignager avoit promis par écrit à l’acquereur que s’il étoit clamé il se presenteroit et feroit debouter le retrayant de son action, cela fut executé ; le retrayant que l’on avoit exclus ayant eu depuis connoissance de cette paction il soûtint qu’il étoit preferable, l’action de l’autre parent étant rauduleuse, et la fraude étant justifiée par écrit. Il fut répondu que ce n’étoit pas assez que d’avoir eu le dessein de faire une fraude, il en falloit prouver l’execution et l’évenement : on il ne paroissoit pas que l’on eût fait remise de l’héritage à l’acquereur, le retrayant ayant appellé à dény de Justice et demandé l’évocation du principal, la Cour mit sur l’appel et principal les Parties hors de Cour, l’11. de Juillet 1653. plaidans Maurry, et Lyout.
On a formé procez sur cette question, si un acquereur pouvoit donner sans fraude temps. de six mois ou un autre delay à un retrayant de le rembourser pour exclure les autres lignagers, et en suite constituer en rente le prix du remboursement t Au mois d’Aoust 1633. Adam. le Marchand, sieur de la Marque, et Françoise Mansel, vendirent par autorité de Justice neuf acres de terre à Jean le Blanc moyennant deux cens livres l’acre ; cette terre appartenoit à la femme, le Contrat fut lû le 30. d’Octobre 1633. et le 27. d’Octobre 1634. Adrien le Vilain parent de la femme forma action devant le Bailly de Longueville aux fins du retrait, et donna ajournement au 10. de Novembre ensuivant : avant l’écheance de l’ajournement le 28. d’Octobre Adrien le Marchand, comme tuteur naturel et legitime d’Antoine le Marchand son fils mineur, avoit aussi fait signifier une clameur lignagere, et le 3. de Novembre le Blanc uy avoit fait remise au moyen du remboursement qu’il confessoit luy avoir été fait : Il patroissoit neanmoins par une contrepromesse qu’il n’avoit rien payé, et qu’il luy avoit donné temps de six mois de luy payer deux mille deux cens livres, pendant lequel temps Iacquereur demeuroit en joüissance, et qu’à faute de faire le remboursement dans ce terme cetté remise demeuroit nulle. Le Vilain ayant representé ses deniers au jour de lécheance de l’Assi gnation, il conclud que sans avoir égard à cette remise collusoire Iacquereur devoit luy quiter la possession de l’héritage ; on ordonna seulement que le Vilaln auroit son regard en cas de traude : Le Vilain se plaignoit de cette Sentence, disant que par l’Article CCCCLXXVIII lors qu’en concurrence de lignagers retrayans la suite en est laissée à l’un d’iceux en fraude de l’autre, il peut y revenit dans trente ans : or il étoit apparent que la premiere action en retrait étoit en faveur de l’acquereur étant toûjours demeuré en possession, et la contreprome sse faisoit la preuve de la fraude ; car ce lignager n’ayant point d’argent il ne devoit pas s’engager à faire ce retrait, et à son défaut le plus proche lignager y doit être reçû : le retrait e et la remise étoient des actes simulez, car aprés les six mois la remise devenoit de nul effet, et l’acquereur demeuroit en possession ; le retrayant avoit bien reconnu son impuissance, ayant en sa qualité de tuteur constitué les deux mille deux cens livres en cent cinquante-sept livres de rente, qui seroit un mauvais ménage pour le mineur ; et pour montrer qu’il n’avoit d’autre dessein que de conserver l’héritage en la famille, il offroit de le remettre au mineur aprés sa majorité s’il le vouloit, ou qu’il eût la commodité de le faire : L’Intimé combattoit toutes ces presomptions de fraude par cette raison que la remise étoit faite au profit d’un mineur, et que sa qualité faisoit cesser toutes les presomptions de fraude, parce que l’on ne pouvoit plus disposer de l’héritage à son prejudice, que l’acquereur avoit pû faire credit à l’acquereur et luy donner un temps pour le rembourser ou constituer l’argent en rente, qu’il y avoit du profit pour le mineur l’héritage étant vendu à vil prix : Par Arrest du 23. de Novembre 1635. la Cour mit sur l’appel les Parties hors de Cour.
Autre Arrest sur ce fait. Les héritages du Vautier ayant été saisis et ajugez, Joachim Lescaley Ecuyer fit signifier à Longuet Adjudicataire qu’il les tetiroit à droit de sang ; il fit réponfe que le lendemain huit heures de matin il consentoit de luy en faire remise : Le même jour Fillatre, autre gendre du decreté, se rendit aussi demandeur en rettait lignager, et en l’absence du sieur Lescaley Longuet, luy fit un delais : Par le Contrat de remboursement il étoit porté que les deniers avoient été prêtez par le Vasnier, auquel on en ceda la oüissance pour linterest de ses deniets, et en cas qu’il n’en fût remboursé dans un an Fillatre uy en quitoit la proprieté : Le même jour le sieur Lescaley ayant sommé Longuet de se transû porter au Tabellionnage pour recevoit son remboursement, il fit réponse qu’il avoit fait remise à Fillâtre, cette réponse donna lieu de faire ajourner Fillâtre ; la Cause ayant été portée en la Cour sur des recusations, je soûtenois pour le sieur Lescaley que l’action de Fillatre étoit en fraude prétant son nom à Vasnier, que la preuve en étoit constante par le Con-trat, Fillâtre ayant cédé et la joüissance et la proprieté des héritages retirez sans en tiret aucun profit ; on pouvoit bien retiter et revendre quand le lignager y gagnoit quelque chose, mais quand dans le même instant du rettait on disposoit de lhéritage sans aucune urilité, que cela ne devoit être considéré que comme une accommodation de nom, que la condition d’un an qu’il avoit retenuë n’étoit qu’une illusion et dans la seule vûë de frustrer les lignagers. De Cahagnes pour le Fillâtre répondoit qu’ayant retenu une condition d’un an on ne pouvoit faire asser cela pour une fraude avant que l’an fût expiré, que cette condition étoit un profit qu’il pourroit faire en la vendant : Par Arrest de Ii1. d’Aoust 1672. le rettait. ne fut ajugé que pour une moitié au sieur Lescaley, et fautre moitié à Fillâtre comme étant beaufrere. On fe fonda sut cette raison que cette condition étoit quelque chose, que Lescaley pourroit la retirer, et il devoit attendre aprés l’an, et qu’en cas que Fillâtre ne disposat pas de la condi-tion qu’il y auroit de la fraude au Contrat ; et c’est pourquoy il fut prononcé que Lescaley étoit debouté quant à present de son action pour une moitié, et sauf. son regard.
Une femme nommée le seigneur, avec Jean, Remy, Jacques et Thomas les enfans, ayant rendu un héritage à du Houlé il fut retiré par Remy au nom de ses enfans, mais il se desista de son action moyennaut soixante livres ; Jean Thomas avoit signé comme témoin à ce desistement, et depuis il clama au nom de ses enfans ; l’acquereur offroit prouver que le retrait étoit en fraude, que Morel avoit prété les deniers sous cette paction que lhéritage luy seroit cedé, le Juge ayant permis la preuve : Theroude pour le lignager disoit que le dessein de fraude sans révenement n’étoit point considéré, que la paction alléguée pouvoit être véritaple, mais qu’il pouvoit arriver aussi qu’elle n’auroit point d’effet, ainsi la preuve étoit inutile. l. Ait Prator. ff. que in fraud. Par Arrest du 9. de Janvier 1657. Iacquereur fut déclaré non recevable à sa-preuve.
L’Ordonnance de Moulins n’admet point la preuve par témoins de ce qui excede cent livres, non plus que de ce qui est contre la teneur d’un Contrat ; mais il faut distinguer les per-sonnes, si c’est entre les mêmes personnes qui ont fait le Contrat, et que l’on demande à justifier contre la teneur d’iceluy, la preuve par témoins n’est pas reçuë, mais lors qu’un tiers allégue gue le Contrat est frauduleux et fait pour le tromper il est recevable à faire preuve de la raude ; et suivant cette distinction un seigneur feodal fut reçû à faire preuve qu’une échinge faite par un Vassal étoit frauduleuse, ou à dessein de luy faire perdre ses droits : Journal des Audiences, 2. part. l. 2. c. 21.