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CCCCLXXXII.

Heritage retiré au nom des enfans, quand remis à partage.

L’heritage retiré par le pere ou la mere au nom de l’un de ses enfans, doit être remis à partage, si d’ailleurs l’enfant n’a biens suffisans pour payer le prix de la clameur.

Suivant l’usage de Paris, le pere n’a point la qualité de tuteur : C’est pourquoy le pere qui pretend retiter au nom de ses enfans sans procuration n’y est point recevable, et ne se peut dire tuteur naturel ; et la ratification faite par le pere aprés l’an et jour ne valideroit pas l’action :Ricard , Article 130i de la Coûtume de Paris.

Avant le Reglement fait par la Cour pour les tutelles, le pere n’étoit point reputé tuteur naturel et legitime qu’à l’effer seulement de pouvoir retirer au nom de ses enfans, L’Article 105. du Reglement de 1666. n’a pas seulement décidé suivant cet Article, que héritage rétiré par pere, mere, ou autres ascendans, au nom de l’un de ses enfans, doit être remis en partâge, si l’enfant n’avoit d’ailleurs biens suffilans pour payer le prix de la clameur ; mais contient aussi que l’héritage acquis par le pere, ou mère de l’un de ses enfans, doit être semis en partage.

Il est sans doute que ces paroles, remis en partage, s’entendent du partage que les freres sont obligez de faire entr’eux de tous les avantages que leur pere leur peut avoir faits.

Cela est sans doute à légard des enfans qui viennent à la succession du pere ; mais l’on peut revoquer en doute si le pere avoit retiré un héritage au nom de son fils, et que ce fils decedat n’ayant alors que des soeurs, fçavoir si les fils nés depuis du même mariage ou d’un autre pourroient exclure les soeurs en la succession de cet héritage, ou si au contraire les sours exclutoient leurs freres nés depuis ; C’est une regle incontestable que le mort saisit le vif, et j’ay remarqué que les soeurs ont la succession d’un frere au prejudice des freres qui seroient aés depuis la succession ouverte : or si l’héritage rétiré par le pere au nom du fils appartient Aà ce fils, et s’il en est si véritablement le seigneur et le proprietaire que le pere ne le peut vendre ny en disposer à son prejudice, il s’ensuit qu’il doit appartenir à ses soeurs, puis qu’au s temps du decez de leur frere elles étoient seules capables de luy succeder, et qu’elles en ont Eté saisies de plein droit et sans aucun ministere de fait ; et on ne peut titer avantage de ces paroles, que l’héritage rétiré par le pere au nom de l’un de ses enfans doit être remis en partage ; cela veut dire seulement que les enfans étant obligez de rapporter tous les avantages qui leur ont été faits, celuy au nom duquel l’héritage a été rétité par le pere ne le peut retez nir et prendre part au surplus qu’en remettant cet héritage en partage : mais ce raisonnement ne détruit point les droits des soeurs, car le fils mort avant son pere ne peut partager, et les oeurs ne peuvent avoir des partages, et par consequent elles ne sont point sujettes à rapporter, le rapport ne se faisant qu’entre coheritiers et elles n’ont pas cette qualité Il faut dire en faveur des freres que ce que le pere a fait en rétirant un héritage au nom de ses enfans doit être consideré en deux égards : pour le pere on presume favorablement de son affection envers ses enfans, que quand il retire l’héritage en leur nom sans se reserver la repetition des deniers qu’il paye pour cet effet, il a eu la volonté de leur donner les denlers et de leur acquerir la proprieté de l’héritage ; et c’est pourquoy comme la donation parfaite ne Je revoque point par un simple changement de volonté, le pere ne peut plus ôter à ses enfans ce qu’il leur a donné.

Mais à l’égard des enfans entr’eux l’héritage est toûjours reputé faire partie de la succession paternelle, parce que ne pouvant avantager l’un de ses enfans plus que l’autre, ce qui est retiré par le pere au nom de l’un de ses enfans est toûjours censé être son bien à l’effet de garder l’égalité entr’eux, de sorte que quand il s’agit de le partager il faut considerer l’état des choses au temps de la succession et comme si ce frere vivoit, quoy qu’au temps du retrait il n’eût point d’autres freres, et que par consequent on pût dire que le pere pouvoit luy donner ces deniers-là, néanmoins d’autres fils étant nés il seroit obligé de rapporter, les seurs qui n’ont point plus de droit que luy ne peuvent rien demander à ce titre-là : Et qu’enfin cet Article à décidé en termes generaux, que l’héritage rétiré par le pere au nom de l’un de ses enfans doit être remis à partage ; ce qui montre évidemment qu’à l’égard des enfans le pere n’acquiert aucun avantage à celuy de ses enfans du nom duquel il se sert, et que c’est toûjours un bien paternel qui doit faire partie des biens de la succession au temps qu’elle est ouverte Si le pere avoit rétiré au nom d’une fille et que depuis il l’eût mariée, on a demandé si elle pourroit pretendre cet héritage au prejudice de ses fteres nés et conçûs depuis le retrait ; Cette question s’offrit en l’Audience de la Cour le 17. de Decembre 1632. entre Maille, Halet, et Catherine Maille sa femme.

La fille appuyoit sa pretention par ces raisons que l’héritage luy étoit acquis par le retrait, qu’ayant été aliené il ne pouvoit rentrer dans la famille si elle n’eût été au monde, le pere ne pouvant retirer qu’au nom de sa fille, ses freres n’étant pas seulement conçûs au temps dû retrait ils n’avoient droit ny capacité de retirer, que leur naissance ne pouvoit luy ôtet un droit qui luy étoit acquis, le pere est censé luy avoir donné les deniers puis qu’il n’a déclaré par aucun acte les vouloir repeter, et d’ailleurs il avoit en ses mains la dot de sa mere dont : Il avoit pû faire le remboursement, et à cette dot ses freres sortis d’un second mariage n’avoient point de part, que par cet Article l’héritage retiré au nom de l’un des enfans luy appartient quand il a biens suffisans pour payer le prix du retrait ; le pere luy ayant donné trolis cens livres pour la part qu’elle pouvoit pretendre en sa succession, et ayant stipulé qu’il demeureroit quitte de la dot de sa mere, il n’avoit pû par cette stipulation luy faire prejudice pour la proprieté de cet héritage qui luy étoit acquise.

Les freres répondoient que le pere s’est servi du nom de sa fille pour remettre l’héritage en sa famille, qu’il n’en avoit remboursé que le vin, et par ce moyen il avoit remis les choses en l’état qu’elles étoient auparavant, que la fille n’avoit point de biens suffisans la dot ayant été réçûë par le pere qui l’avoit constituée sur ses biens et dont l’usufruit luy appartenoit, qu’elle avoit renoncé à la succession de son pere dote contentâ, ce qui la rendoit non recevable à rien demander : Par l’Arrest les freres furent maintenus en la proprieté de l’heitage rétiré

Cet Article de la Coûtume, ny l’Article 101. du Reglement de 1666. n’ont point decide ses difficultez, si le pere peut aliener l’héritage qu’il a rétiré de ses propres deniers au nom de ses enfans, et si ces héritages retirez ou acquis par le pere au nom de ses enfans peuvent être remis en partage entre les enfans au prejudice de la femme, du Fisc, et des creanciers : On ne doute point au Palais suivant les Arrests remarquez par Bérault, que l’héritage retire par le pere au nom de ses enfans ne leur appartienne, et qu’il ne peut plus les aliener à leus prejudice quoy qu’il en ast fourny les deniers, cela fut encore jugé par un Arrest du 10. de Decembre 1644. au Rapport de M Fermanel.

Il est vray que par un Arrest du 15. de Novembre 1635. en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Olivier et le sieur de Banville, il fut jugé que l’héritage acquis par le pere sous le nom seul de l’un de ses enfans, et dont le prix étoit payé au nom de l’enfant sans aucune stipulation de la part du pere de le repeter, mais dont il avoit toûjours conservé la joüissance, fut presumé appartenir au pere, et que les deniers avoient été fournis par luy pour son enfant qui étoit mineur, et par ce moyen sans avoir égard à la vente que le fils en avoit faite le pere fut maintenu en la joüissance de l’héritage.

Mais cet Arrest ne fait point de consequence, la Cour jugea que l’héritage retiré par le pere au nom de ses enfans et dont il avoit payé le prix étoit comme en sequestre durant la vie du pere et du fils, et qu’il ne pouvoit être aliené ny par l’un ny par l’autre, et que le fils mauvais ménager ne pouvoit en ôter la joüissance au pere : Il seroit rigoureux de priver le pere de cet usufruit, c’est assez que le fils soit asseuré de la proprieté.

Pour la femme il semble que l’on doit faire difference en ce qui est retiré à droit de sang par le pere au nom de ses enfans, et ce qui est acquis par luy à leur nom : à l’égard de lafemme la Coûtume en l’Article suivant les déclare propres et non acquests, ce qui exclud la femme d’y prendre part en essence : en effet le retrait ne s’étant pû faire que jure agnationis, et pour remettre l’héritage en la famille, ce seroit contrevenir à l’intention de la Loy de l’enfaire sortir, comme il arriveroit si la femme y prenoit part ; mais en tout cas on demande si elle doit avoir part aux deniers lors que l’héritage retiré est situé en bourgage : Car on peut dire en sa faveur que sa condition est beaucoup plus favorable que celle des creanciers, parce qu’elle a contribué par son bon ménage à l’augmentation du bien de son mary, et qu’il seroit, injuste qu’elle fût excluse de cette recompense de ses propres enfans, et on ne doit point tiret de consequence contr’elle de l’Article CCCCLXXXIII. qui declare propre l’héritage retiré à droit de sang, ce qui la prive d’y prendre part comme à un acquest ; car l’héritage n’étant rentré dans la famille que par le moyen de l’agnation, il n’y avoit pas d’apparence d’y donner part à la femme qui étoit étrangere de cette famille ; mais cette raison cessant pour les deiers qui ont été payez par le mary il n’y a nul inconvenient à luy en conserver sa part, sur tout quand le pere n’en a point fait de donation expresse à ses enfans, la conjecture de le pieté paternelle ne pouvant valoir en cette rencontre contre la femme, de sorte qu’il y a raison d’obliger les enfans à rapporter

Mais on répond pour les enfans qu’il n’y a point de difficulté à exclure la femme de sa demande pour la moitié des deniers, parce que c’est un meuble dont il a pû les avancer, et qu’il pouvoit perdre et dissiper au prejudice de sa femme, que la déclaration du pere qu’il donnoit les deniers n’est point necessaire, parce que la donation est naturellement presumée, quand le pere ne s’en est point reservé la repetition ; et si la Coûtume a trouvé juste que la femme n’eût point de part en l’héritage rétiré, il y a moins de difficulté à la priver de prendre part aux deniers qui ne sont qu’un meuble.

Pour les acquisitions que le pere fait au nom de ses enfans, la question paroit plus douteuse ; car les enfans ne contribuent rien de leur part aux acquisitions, et ce n’est pas la même chose comme pour le retrait lignager ou pour y parvenir le nom et le droit des enfans étoit necessaire ; mais pour les acquisitions le pere les fait de son chef et de telle sorte de bien qu’il luy plait ; or puis que la Coûtume donne part aux conquests à la femme, il n’est pas au pouvoir du mary de l’en frustrer par des déclarations faites en faveur de ses enfans. Il est vray qu’il pouvoit dissiper ces deniers là ; il est encore vray qu’il pouvoit n’acquerir pas, ou en tout cas n’acquerir que dans un lieu où la femme n’auroit eu qu’un tiers par usufruit, et c’est enfin une maxime certaine qu’il auroit pû revendre ce qu’il auroit acquis ; mais quand il a bien voulu acquerir en un lieu où la Coûtume donne une part en proprieté à la femme, et que cet acquest se trouve en sa succession, il n’est pas au pouvoir du mary de changer l’ordre étably par la Loy quia pactis privatorum jus publicum immutari non potest. La Cour l’a jugé de cet-e sorte dans une espèce beaucoup moins favoiable dont j’ay rapporté l’Arrest sur l’Article CCCXXIY. des meubles procedans d’une succession collaterale échuë à un mary ; il en avoit tacheté un héritage situé en bourgage, et il avoit expressément déclaré que les deniers qu’il payoit procedoient des meubles de la succession collaterale qui luy étoit échuë, ce qu’il déclaroit pour rendre cet héritage propre à ses enfans ; il sembloit que ce dessein et cette estimation du pere fussent legitimes, parce que le droit d’acquest n’étoit accordé à la femme qu’en consideration de ses peines et de son travail pour augmenter son bien, mais quand elle n’y a point contribué par ses soins, et que c’étoient bona profectitia, il n’étoit point juste de luy en faire part. La prevoyance étoit legitime profpexit liberis, leur conservant un bien qui venoit de leurs parens, nonobstant ces raisons et la déclaration du pere, la femme eut la moitié à cet acquest parce que le droit de succeder dépend de la loy, et non de la volonté des parties, l. Pater, D. de suis et leg. Si donc nonobstant la déclaration du pere, et sans considèrer que les deniers n’avoient point été pris dans la communauté, la femme a été reçuë à partager l’acquest fait par le pere au nom de ses enfans, il y a plus de justice et de raison à luy conserver ses droits, quand les deniers dont on a fait l’acquest procedent de leur comnune collaboration.

Les deux Commentateurs de la Coûtume ont proposé cette question : Godefroy sur l’Art.

CCCXXX. est de ce sentiment que l’on devoit considerer si les enfans avoient dequoy faire cette acquifition, et qu’autrement on ne pouvoit ôter à la femme la part qui luy est reglée par la Coûtume ; au contraire Berault fut l’Article CCCXXIV. a reprisGodefroy , et soûtenu que le pere pouvoit acquerit au nom de ses enfans au prejodice des droits de sa femme ; ce qu’il appuye par deux Arrests qu’il a remarquez sur les Articles CCCCXXXVII. et CCCCLXXXII. Mais ces Arrests ne sont pas donnez sur la même espèce, celuy qu’il a citâ sur l’Article CCCexXXVII. entre Robert le Couteux et Thomas le Roy fut rendu entre ales enfans naturels, fous le nom desquels la mere avoit acquis quelques héritages, et le frere hernier de la mere pretendoit les avoir à leur prejudice : le second Arrest entre Belard et la Mare fut donné entre les enfans et les creanciers du pere, ce qui régarde la derniere question dont je parleray dans la suite : on ne peut donc se fonder sur ces deux Arrests, puis qu’ils n’ont aucunement décidé la question ; et au contraire celuy dont je viens de parler la décide en des termes plus forts. Copendant l’opinion la plus commune est que le mary peut faire ce prejudice à sa femme, parce qu’il est le maître de ses meubles, et qu’il peut disposer de son bien à sa volonté. On rephique que cela est vray quand le mary en a disposé de telle maniere que le bien ne se tronve plus en sa succession ; mais quand le bien a été employé en acquests qui se atouvent en sa fuccession, la femme ne doit point être excluse de son droit, par cette raifon que le mary s’est fervy du nom de ses enfans ; mais la faveur des enfans l’emporte sur ces çaisons, quand il ne s’agit que de l’interest de leur mere ou d’une seconde femme.

Pour le Fife la question en fut décidée le 19. de Janvier 1630. entre le Vicomte et Sermentot, et il fut jugé qu’one terre acquise par le pere sous le nom d’un troisième frere, qui depuis avoit été confisqué sans avoir joûy de la terre ; mals bien le pere qui l’avoit acquise et auquel neanmoins le fils n’en avoit point fait de remise étoit reputée comme de la succession paternelle, et qu’elle appartenoit au puisné comme roture, vû que l’aisné avoit pris preciput, quoy qu’il pretendit qu’elle faisoit partie de la suecossion du frère décedé, plaidans Caruë et le Reverend.

Pour les créanciers la jurisprudence a changé plusieurs fois : par les deux Arrests rapportez par Bérault, on a jugé que les héritages retitez par le pere au nom de ses enfans leur appartenoient au prejudice des creanciers du pere ; le contraire fot jugé peu de temps aprés le dernier Arrest. Un pere retira au nom de ses enfam Phéritage qu’il avoit vendu, et il paroissoit que e même jour du retrait il avoit fait une obligation pour la même somme qu’il falloir payer pour parvenir au rettait, laquelle fut reconnue quelques mois aprés avec cette condition de rendre la somme dans un temps prefix, à faute dequoy l’héritage luy demeureroit : quelque temps aprés cet héritage luy fut revendu, et le pere stipula que son fils le pourroit retiter dans l an de sa majorité : ce fils par une Loy apparente troubla laequereor qui se défendit par cette raifon, que le fils n’ayant point en de deniers pour acquerit il ne pouvoit être dit propriétaire de P’héritage, mais en tout cas on luy devoit rembourser les deniers du retrait vs qu’ils étoient provenus de luy, comme aussi tous les autres deniers qu’il avoit payez à cause de son acquest : on ne doutoit point que la Loy apparente ne fût bien obtenuë l’héritage yant été fait propre au fils par ie retrait, et le pere par eonsequent n’avoit pû l’aliener ; car cet Article ne donne pas au pere la proprieté de lhéritage qu’il a rétiré au nom de ses enfans, il a lieu seulement pour empescher qu’il ne faffe un avancement à l’un au prejudice de l’autre, nors lequel cas le Contrat a fon plein effet au profit des enfans : Toute la difficulté du procez fut en ce point, si le fils devoit rembourser le peix du retrait étant offert de prouver que les deniers avoient été prêtez par cet acquereur : il fut jugé que le fils le rembourseroit ; la raison de douter fut que le Contrat de retrait ne portoit pas que les deniers provinffent de cet acquereur, et partant on ne pouvoit le reputer un creancier privilegié ; et neanmoins vû qu’il étoit constant que l’héritage étoit rétité de ses deniers, on ne trouva pas juste que le fils s’enrichit à ses dépens, cum illius damno locupletior fieret : Arrest du 10. de Decembre 1621. au Rapport de Mr Galentine.

Cet Arrest ne decidoit point la question generale, parce que les deniers payez pour le retrait avoient été fournis par l’acquereur, et bien que le Contrat n’en fist pas mention cela paroissoit par les circonstances du fait ; de sorte que quand cet acquereur n’auroit pas eu l’hy, potheque speciale et privilegiée, il avoit toûjours la generale Aussi la même question s’étant presentée en la Chambre des Enquêtes le mois de Decempre r633. entre de Mouchy sieur d’Auberville et autres, il fut jugé que le pere ayant acquis un héritage au nom de son fils, et le fils ayant renoncé à sa succession, pouvoit tevendiquer cet héritage sans que les creanciers pûssent en arrêter les fruits : Il faut neanmoins avoüer que c’est un moyen fort aisé de tromper ses éréanciers en faisant passer tout son bien sous le nom de ses enfans, et c’est le sentiment de quelques-uns que les enfans sont véritablement propriétaires de l’héritage retiré en leur nom, mais qu’ils sont dubiteurs envers les areanciers des deniers employez en cette acquisition, et cette opinion a prevalu par le dernier Arrest dont je parleray : D’autres estiment que les creanciers sont obligez d’agit contre les enfans comme contre, un tiers detenteur par l’action hypothecaire, et non point par l’action personnelle mais par cet Arrest on s’attacha à cette raison generale, que le debiteur étoit maître de son vien, et qu’il a pû en disposer à sa volonté, et qu’il peut donner à ses enfans pourvû qu’il ne donne point à l’un plus qu’à l’autre, et que les meubles n’ont point de suite par hypotheque quand ils sont hors de la main de leur debiteur, qu’il n’y a rien d’injuste en cela, que les enfans profitent des meubles de leur pere qu’il pouvoit dissiper et donner à d’autres, les creanciers ont dû veiller à leur seureté.

Autre Arrest aux Enquêtes du 10. de Decembre 1644. au Rapport de M de la Place, par lequel François le Percher fils d’Isaac le Percher étant demeuré adjudicataire d’un héritage par trois mille cinq cens livres, et les deniers qui furent distribuez ayant été payez par le pere qui avoit toûjours jouy de l’héritage aprés la moit de François, Nicolas son frere luy ayant succedé et renoncé depuis à la succession de son pere, sur le blame apporté par les créanciers contre les lors qu’il leur avoit presentez, Phéritage dont l’adjudication avoit été faite sous le nom de François, mais dont les deniers avoient été payez par le pere, ce qui étoit justifié par ces deux moyens, que le pere peu de jours auparavant avoit reçû le remboursement d’une pareille somme, et que François quoy que majeur n’avoit d’autres biens d’ailleurs ; ils furent deboutez de leurs blames nonobstant qu’ils se fussent arrêtez à demander les deniers.

Autre Arrest sur ce fait. François Léguillon, mary de Magdeleine Collemont, avoit rétiré au nom de ses enfans les héritages de Pierre Collemont vendus par autorité de Justice, et il declara depuis qu’il donnoit à ses enfans les deniers qu’il avoit payez pour ce retrait : Nicolas Léguillon, l’un de ses enfans qui n’étoit pas heritier de son pere, les bailla en échange à Magdeleine, Anne et Marie Léguillon ; Michel Pierre, creancier de François Léguillon, faisit réellement les maisons qu’il avoit retirées au nom de ses enfans ; les Léguillon ayant été refusées de la distraction qu’elles en avoient demandée par Sentence du Vicomte de Roüen, sur leur appel elles concluoient qu’il avoit été mal jugé, par cette raison que ces maisons n’avoient jamais. appartenu à François Leguillon, les ayant rétirées au nom de ses enfans, et n’ayant pû en devenir le proprietaire, parce que c’étoit un bien qui procedoit du côté de sa femme ; il est vray que le pere avoit payé les deniers, mais les enfans n’étoient pas obligez de les restituer vû la donation qu’il leur en avoit faite, que la Cour avoit decidé cette question par un Arrest au Rapport de Mr Deshommets du 28. de Février 1665. entre Nicole Poulain, veuve de Jean de la Noè Appellante, et Jean Grosse Intimé ; car dans l’espèce de cet Arrest le pere n’avoit point declaré qu’il donnoit les deniers, et neanmoins parce que le pere ne s’étoit point reservé à les repeter on presuma favorablement pour les enfans qu’il leur en avoit fait don : Il fut répondu par le creancier que le pere n’avoit fait ce don qu’aux charges de droit ; mais Il fut repliqué que cela ne s’entendoit que des charges réelles : Par Arrest, au Rapport de Mr de Brinon, du 17. de Mars 1666. en reformant la Sentence, distraction fut accordée aux Appellantes des maisons retirées par leur pere, contre Nicolas Léguillon Appellant, et Me Michel Pierre Procureur en la Cour des Aydes Intimé, et autres Parties.

Suivant tous ces Arrests on avoit tenu pour Maxime que les enfans ne sont point obligez au remboursement des deniers payez par leur pere pour le retrait fait en leur nom ; mais par un dernier Arrest en la Grand. Chambre du 25. de May 1674. on a changé cette jurisprusence. Bradefer avoit fait plusieurs arquisitions au nom de ses enfans qui renoncerent à sa ccession, Jean simon qui avoit prété de l’argent à leur pere ayant faisi les fermages de ces éritages les enfans en obtinrent main-levée, dont Simon ayant appellé il concluoit que leur ere qui étoit leur tuteur naturel ayant acquis pour eux et ne leur ayant point donné les eniers, ses créanciers comme subrogez à ses droits avoient une action pour les repeter, que c’étoit une fraude apparente de la part du pere pour tromper ses créanciers, empruntant de fargent pour acquerir au nom de ses enfans : Le Nouvel pour les enfans s’aidoit de la raison generale que c’étoit un meuble, et que le pere étoit presumé les avoir donnez quand il ne s’étoit point reservé à les repeter : Mr le Guerchois Avocat General ayant conclud pour l’Ap ellant, la Cour cassa la Sentence, et l’on n’estima pas qu’il fût juste que le pere trompat ses créanciers en acquérant au nom de ses enfans : Cette raison qui a servi de fondement aux Arrests precedens que c’est un meuble que le pere peut donner et qui n’a point de suite par hypoiheque, peut être considérable lors que ce meuble est hors de la main du pere, mais quand il est encore en la possession du pere par l’achapt d’un fonds, c’est faire une illusion à a Justice de dire que ce meuble et cet héritage ne soient plus à luy quoy qu’il en joüisse, parce qu’il en aura mis l’acquisition fous le nom de ses enfans, et il faut faire difference entre ce qui est acquis ou rétiré à droit de sang par le pere au nom de ses enfans ; car pour le retrair les enfans y contribuent leur droit d’agnation, sans lequel l’héritage ne pourroit revenir entre les mains du pere, de sorte que le pere ne fournissant que les deniers il est presumé les leur donner, parce qu’autrement il n’auroit pas rétité un héritage dont il n’auroit point a proprieté ; mais quand il acquiert au nom de ses enfans, ces enfans n’y apportent rien du leur, et c’est pourquoy ces héritages appartenant entièrement au pere il y a quelque justire de ne les laisser aux enfans qu’en payant les dettes de leur pere ; cependant jusqu’à present la faveur des enfans avoit paru plus grande que celle des creanciers qui se devoient imputer de n’avoir pas stipulé l’employ de leurs deniers, mais sur tout la Eaule des enfans doit prevaloir lors que les creanciers sont posterleurs à l’acquisition ; car en ge cas ils ne peuvent dire que l’on ait contracté pour les frauder.