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CCCCXCVII.
Garnissement necessaire au clamant quand il n’y a charge d’acquitter par l’acquereur.
Il ne suffit pas que le retrayant s’oblige de décharger l’acheteur qui s’est sûmis d’acquitter le vendeur d’aucune rente envers ses créanciers : ains sera et doit être contraint à garnir les deniers desdites rentes pour la décharge dudit acheteur, et
où l’acheteur ne seroit tenu qu’à la faisance et raquit desdites rentes il suffit que le retrayant s’oblige l’en décharger, pourvû qu’il soit ainsi accepté par le vendeur : et doit ce faire sous l’hypotheque de tous ses biens, et non seulement de l’héritage retiré : en quoy faisant l’acheteur demeure déchargé de tout.
Comme il est raisonnable que l’acquereur soit indemnisé, il faut aussi que le retrayant joüisse de tous les avantages que Iacquereur avoit stipulez apuis qu’il entre en sa place et qu’il trouve autant d’accommodement en l’execution du Contrat que l’acquereur auroit pû faire, autrement sa condition seroit pire, si lors que l’acquereur a eu ce terme de payer ou qu’il s’est constitué en rente ou a pris charge de payer quelques dettes il ne pouvoit pas profiter de toutes ces conditions en baillant asseurance à l’acquereur de les executer : Toutes ces clauses font partie du Contrat, et le prix est censé moindre selon le temps et la facilité que l’on a de le payer ; mais nonobstant ces considerations la disposition de cet Article est fort équitable, le lignager doit payer comptant, et Iacquereur n’est pas tenu d’attendre sa commodité ny de prendre des asseurances qui ne pourroient servir qu’à luy donner on recours contre le retrayant, mais qui e le dégageroit pas de l’obligation qu’il avoit contractée avec le vendeur, et le remboursement devant preceder le delais il ne faut point distinguer si l’acheteur a payé le prix en tout ou partie, quoy queTiraqueau , de retract. gent. 5. 1. glos. 18. n. 14. et sequent. s’efforce de prouver le contraire, pretendant que le lignager ne doit point être privé du terme de payement que le vendeut a accordé à l’acquereur, lequel ne laisse pas d’être déchargé envers le vendeur ; dautant, dit-il, que la remife qu’il a faite au retrayant n’étant pas volontaire et yant été forcé par la Coûtume, il n’est plus tenu envers le vendeur envers lequel il ne s’étoit obligé qu’à cause du fonds qu’il a été contraint de retirer par necessité, et lon ne doit point écouter la plainte du vendeur qu’il n’auroit pas voulu traiter avec le retrayant ny le tenir pour plvable, parce qu’il a dû prevoir une chose laquelle est expressément approuvée par la Loy ; mais le retrait ne peut alterer les pactions d’un Contrat, et la Coûtume obligeant le lignager à rembourser le prix à l’acquereur, il doit necessairement accomplir cette condition avant que’avoir l’effet de son action ; aussi plusieurs Coûtumes se sont conformées à la nôtre Du Moulin a traité cette même question, fçavoir si le vondeur a donné les temps pour payer, le retrayant sera tenu de rembourser sur le champ à l’acquereur tout le prix du Contrat : l fait cette distinction que si les termes de payer sont pottez par le Contrat, tanc prosunt retrahenti sicut emptori, que s’ils ont été accordez à l’acheteur aprés le Contrat, tunc non prosunt re-trahenti, quia hujusmodi dilatio nihil habet de communi venditione, de feud. 5. 20. gl. 9. n. 5. cette distinction n’est pas bonne, puis que l’acheteur debet abire indemnis, il ne doit pas demeurer mgagé comme il le seroit envers son vendeur, si le retrayant ne le déchargeoit pas en faisant le delais : Aussi l’usage est contraire, et par Arrest du 24. d’Avril 1629. entre le Cesne et le Bourçeois, il fut jugé que le retrayant étoit tenu de rembourser actuellement tous les prix et loyaux roûts, et même une rente quoy que le vendeur eût donné temps de dix ans de la racheter, et que le retrayant offrit de bailler bonne et suffisante caution d’en indemniser l’acquereur.
Il a même été jugé que le vendeur ayant fait condamner et par corps l’acquereur à rachever les rentes dont il l’avoit chargé, cet acquereur avoit la même coertion sur le lignager au-quel il avoit fait remise de l’héritage, à condition de le décharger des mêmes rentes : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 9. de Mars 1650. Plaidans Caruë, Coquerel et Laurens le Févre.
Lors que l’acheteur est depossedé par le retrait, le Contrat n’est plus obligatoire contre luy qu’à l’égard du vendeur : On a demandé néanmoins s’il peut être poursuivy par le Seigneur pour le payement du Treizième :Tiraqueau , de retract. gent. S. 29. gl. 2. tient indistinctenent que l’acheteur ne peut être contraint au payement, car la remise n’ayant point été vo-lontaire, mais forcée, il est juste qu’il soit entieèrement indemne et déchargé de l’execution du Conttat : Si l’acheteur étoit obligé de payer le Treizième aprés le retrait, il souffriroit une t perte. Car il luy seroit incommode et prejudiciable d’avancer ses deniers pour en poursuivre par aprés la recompense sur le retrayant.
L’Article 137. de la Coûtume de Paris est conforme à cet Article, et par Arrest du Parlenent de Paris, il a été jugé que l’acquereur d’une terre à la charge d’une rente rachétable n’est pas tenu d’accorder le retrait feodal, si le Seigneur ne rembourse actuellement les deniers de la rente. Journ. des Aud. l. 2. Art. 104. Voyez Ricard sur l’Article 137. de la Coûtume de Paris.
Par Arrest du 12. de Juin 1672. donné contre un lignager qui avoit fait le rachat entre les mains de l’acquereur, d’une rente qui avoit une hypotheque speciale et privilegiée sur le fonds retiré, et dont il avoit connoissance ; il fut permis au creancier de se faire payer hypothecairement sur le fonds, et il fut jugé que le retrayant n’avoit pû rembourser l’acquereur sans y ap-eller le creancier qui avoit prété les deniers pour l’acquisition du fonds, parce qu’il n’avoit oint ignoré son droit, mais on ne donna au creancier que l’action hypothecaire, et non l’action personnelle entre Jaqueline Bufet, veuve d’Aubry, et Marie Bufet sa seur Appellantes, et Loüis Gauterin Medecin, et Charles Croté Intimez, plaidans Theroude et Maurry.
Il est certain que les contractans ne peuvent employer dans leurs Contrats des pactions et des conditions qui puissent empécher l’action en retrait. Cependant les retrayans ne peuvent quel quefois se dispenser d’executer des clauses qui leur sont fort prejudiciables, comme on le reconnoîtra par les exemples suivans. Bouvier en achetant un héritage s’étoit chargé de faire le rachat de vingt-cinq livres de rente, faisant moitié de cinquante livres ; le creancier ne voulut point recevoir le rachat de cette moitié, lors qu’il luy fut offert par un lignager. Car il disoit que le retrayant étoit obligé de l’indemniser entièrement ; mais le retrayant tépondoit qu’il étoit obligé seulement d’offrir ou de garnir ses deniers, au refus de l’acquereur de les recevoit en baillant caution. Conformément à cette conclusion le Vicomte avoit ordonné que le retrayant garniroit ou que l’acquereur se chargeroit de la rente et bailleroit caution : sur l’Appel de l’Acquereur, par Arrest de la Grand-Chambre du 19. de Decembre 1641. il fut dit que le retrayant payeroit entre les mains de l’acquereur, ou continueroit la rente en baillant caution.
Autre Arrest du 3. de Septembre 1677. entre Catherine Gueudeville Appellante, et Me Nicolas Auxout Greffier au Bailliage de Roüen, Pierre Aubry ayant épousé Jeanne Gueudeville, Antimez : Charles Gueudeville avoit vendu des héritages à Auxout moyennant un certain prix, et à condition de payer à son acquit à Jeanne Gueudeville sa tante femme de Pierre Aubry cent livres de rente : Catherine Gueudeville soeur du vendeur retrayante offrit à l’acquereur de le rembourser des deniers qu’il avoit payez, et même du principal de cent livres de rente dont il avoit été chargé. Auxout soûtint qu’elle devoit ou racheter la rente entre les mains du mary, ou se faire agréer par le vendeur son frere, ou bailler bonne et sufaisante caution, ce qui fut ordonné de la sorte ; sur l’Appel je dis pour Catherine de Gueu-deville qu’un retrayant n’étoit obligé que de garnir le prix de son Contrat, qu’il n’étoit pas au pouvoir de l’acquereur et du vendeur d’empécher le retrait par les pactions qu’ils font entr’eux, et que les retrayans ne pourroient exercer sans peril. Il est vray que suivant cet Article, il ne suffit pas que le retrayant s’oblige de décharger l’acheteur lors qu’il s’est obligé d’acquiter le vendeur de quelque rente. Aussi l’Appellante ne prenoit pas ces conclusions, mais elle pretendoit que suivant cet Article elle n’étoit obligée que de garnir les deniers et l’acquereur devoit l’imputer s’il avoit pris inconsidérément la charge de faire le rachat de cette rente qui étoit dotale ; de Cahagnes répondoit pour Auxout que c’étoit une maxime certaine que le retrayant le devoit indemniser entièrement, qu’il s’étoit engagé seulement de racheter la rente, mais que le retrayant n’avoit pas le même pouvoir ; de sorte qu’il étoit indispensablement obligé ou de faire le rachat de la rente, ou de la continuer en baillant bonne caution. Durand pour Gueudeville prenoit les mêmes conclusions ; la Cour ayant ordonné qu’il en seroit deliberé : Par l’Arrest la Sentence fut confirmée, mais on donna trois mois à l’Appellante pour racheter la rente à ses risques, ou de bailler caution de la continuer.