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CCCCCI.

Rente fonciere par qui est clamable.

Si rente fonciere est venduë et non retirée par le Seigneur ou le lignager, le proprietaire du fonds peut retirer ladite rente dans l’an et jour de la lecture du Contrat, et en décharger son fonds, en payant le prix et loyaux coûts.

La Coûtume en cet Article permet au lignager et au Seigneur de retirer la rente fonciere quand elle a été venduë, et quand ils n’ûsent point de leur droit, le proprietaire du fonds sujet. à la rente peut la retirer ; mais cet Article n’explique pas cette difficulté, si quand la rente est venduë directement au proprietaire, le lignager et le Seigneur feodal ont droit de la retiren au prejudice du proprietaire du fonds : on a jugé par l’Arrest rapporté parBerault , qu’en ce cas le proprietaire du fonds sujet à la rente est preférable, parce que ce n’est pas proprement une vente, mais l’extinction d’une servitude, ce qui a été pareillement jugé en la Chambre de l’Edit le 17. de Juin 1655. entre Dartenay et le Roy.

Il faut donc entendre cet Article en cette manière, que le lignager et le Seigneur seodal ne peuvent retirer la rente fonciere au prejudice du proprietaire ; on la même jugé de la sorte au Parlement de Paris dans la Coûtume de Chartres, et qu’une rente non amortissable et depuis rachetée par le preneur à rente, n’étoit point sujette à retrait : on alléguoit en faveur du retrait lignager qu’il avoit lieu en ventes d’une rente foncière non rachétable, et le Seigneur direct et foncier qui la delaisse par rachat recevant volontairement un prix certain pour son remboursement, il se dessaisit de tout le droit de proprieté direct qu’il avoit retenu, et le preneur ou son heritier, et ayant cause est presumé acheter plûtost que se liberer. Ce qui est dé-cidé par l’Article 87. de la Coûtume de Paris, qui porte que de toutes rentes foncieres non rachétables venduës à autres, ou delaissées par rachapr depuis le premier bail sont dûës ventes, eu égard au prix durachapt de la rente tout ainsi que si l’héritage étoit vendu ; et ces dernieres paroles decident la question, car la Seigneurie directe et foncière du même héritage étoit conservée au bailleur par la rente non rachétable. Me Charles du Moulin traite la question sur l’Ar-ticle 20. de la Coûtume de Paris, gl. 5. n. 58. Si reditus non vendatur extraneo, sed ipsimet debitori qui redimit sic distinguit, aut ille reditus est redimibilis, aut non : 1. Casu non est locus retra-ctui, quia ista non est emptio, sed redemptio necessariâ, secus si reditus non redimibilis factus esset, redimibilis pacto creditoris & debitoris post infeudationem simpliciter, quia licet hoc fieri possit in praejudicium creditoris, non tamen in prajudicium Patroni, et est locus retractui. Quoy qu’il n’y ait dans la Coûtume de Chartres aucune disposition particuliere pour decider la question, néanmoins l’induction que l’on peut tirer de l’Article 49. de ladite Coûtume, fait connoître que c’est la même disposition, puis qu’il est dit que si aprés les rentes à toûjours ou héritages sont vendus, seront dûs gards et ventes de ladite vendition : Les rentes étant au lieu du fonds, elles sont sujettes au retrait aussi bien que l’héritage ; s’il étoit autrement ce seroit permettre les fraudes ; car si pour éviter l’action de retrait au lieu de faire des Contrats purs et simples, les Parties qualifieroient leur Contrat du nom de Bail à rente non rachétable, et en suite le preneur amortiroit la rente.

On répondoit que quand le proprietaire d’un héritage amortissoit la rente dont il étoit chargé, pour lors l’amortissement étoit une pure liberation et non une acquisition, et la rente amortie n’étoit point sujette à retrait. La Coûtume du grand Perche, voisine de celle de Chartres, avoit decidé en cette manière ; l’Article 186. y est precis, en voicy les termes : Quand aucun éteint et amortit quelque rente de laquelle son héritage étoit chargé, telle rente n’est sujette à rerait, parce que cet amortissement est une liberation, et non pas une vente et une acquisition ; par l’Arrest on confirma la Sentence du Juge de Chartres qui avoit debouté le parent de sa demande en rétrait : Journal des Audiences, 2 partie, l. 2. c. 8.

La question a été pareillement grande pour sçavoir si la Mouvance Feodale venduë ou remise étoit sujette à retrait, et de la part de celuy qui est Seigneur de la terre dont le fief étoit autrefois mouvant ; Mi le Bret en ses Decisions, l. 5. Decis. 11. rapporte un Arrest où il avoit conclud, par lequel la Dame de Chapes fut reçûë à renrer tant par retrait lignager que feodal la Mouvance Eeodale de Beaupré qui avoit été venduë et distraite du fief de DunPaleteau : Il se fonda sur ces raisons que l’on se trompoit de dire que les fiefs étoient des servitudes, et que par consequent il étoit libre, voire naturel de s’en delivrer. La servitude non est pars fundi, sed jus rei inherens. Au contraire la Mouvance Feodale étoit une partie de fonds, et que la plus Noble partie du fief demeuroit toûjours en la main de celuy qui l’avoit conféré. Il n’estimoit pas neanmoins que l’hommage aliené pût être rétité indifféremment par tous lignagers, au contraire son avis étoit qu’il n’y avoit que celuy qui possedoit le princial fief qui pût user de ce droit, si ce n’étoit aux Coûtumes qui admettoient les fiefs en l’ait comme celle du Mans et quelques autres. Mais quand cette rente avoit été venduë à un tiers, en ce cas le Seigneur et le lignager étoient prefetables au proprietaire, et c’est l’espèce de l’Arsest du sieur de Colombieres. De Briqueville, Seigneur de Colombieres, par Contrat de l’an-née 1631. ayant vendu à Larcher avec faculté de remere pendant quatorze années les rentes Seigneuriales qui leur étoient dûës sur les héritages de Me Paul Alain, Avocat en la Cour et sur ceux de Goret, beaupere dudit sieur Alain : Larcher en l’année 1645. ceda 3 Esther des Landes mere dudit Alam, les mêmes rentes Seigneuriales qui étoient dûës par ses enfans, du premier et second mariage ; laquelle en 1641. en fit un amortissement à ses enfans : Mr Gilles de Briqueville fis du vendeur signifia un rettait lignager à Larcher, qui fit réponse qu’il n’y avoit plus d’interest : Me Paul Alain ayant pris son fait, et comme ancien Avocat, ayant évoqué la Cause aux Requêtes du Palais, le sieur de Colombieres appella de la retention et demanda l’évocation du principal : je conclus pour luy suivant cet Article que le retrait ne luy pouvoit être contesté, que la vente faite à Me Paul Alain ne luy pouvoit ôter son droit, qu’il avoit acquis à non Domino, Larcher n’ayant point été propriétaire incommutable, et que si la vente avoit été faite directement audit Me Paul Alain, il n’y auroit lieu au retrait lignager ny feodal ; mais ce n’est pas son Contrat qui donne ouverture au retrait, c’est celuy de Larcher, et l’on ne peut douter qu’en ce cas le lignager et le Seigneur feodal ne soient préférables au propriétaire ; et Larcher qui n’étoit pas proprietaire incommutable n’avoit pû faire de prejudice au sieur de Colombieres, ny l’exclure du retrait par la vente posterieure qu’il avoit faite de ces rentes au proprietaire : Par Arrest du 20. d’Aoust 1663. en la Chambre de l’Edit, il fut dit à bonne Cause l’action en retrait.

Sur ce principe que quand la vente est faite au proprietaire ce n’est pas une vente, mais l’extinction d’une servitude laquelle on ne peut faire revivre. Brodeau sur l’Article 20. de la Coûtume de Paris, n. 17. a proposé cette question, si la Mouvance Feodale venduë on remise est sujette à rettait lignager et feodal de la part de celuy qui est Seigneur de la terre dont le fief étoit autrefois mouvant ; Celuy qui avoit achété la mouvance de son fief sedéfendoit par cette raison qu’il avoit racheté sa liberté, au prejudice dequoy on ne pouvoit pas faire revivre une servitude éteinte contre la maxime de Droit qui a lieu aux servitudes réelles et personnelles, même en celles qui sont dûës par l’affranchi au Patron, L’ult. 8. 2. qui et à quibus manumiss.

Il fut répondu par le retrayant que c’étoit se tromper que de mettre la mouvance au nombre des servitudes, au contraire elles étoient une marque d’immunité et de liberté honorable, et que le retrait y devoit avoir lieu pour remettre les choses en leur entier ; et cela fut jugé de a sorte même au prejudice d’un parent plus éloigné, mais qui n’avoit pas le fief dominant, et partant qui étoit incapable d’exercer le retrait lignager pour une mouvance qui ne pouvoit ubsister qu’en la personne du proprietaire du fief dominant. Cette difficulté n’arriveroit pas en cette Province, où le vassal ne peut vendre au prejudice du Seigneur dominant.

On a revoqué en doute si le proprietaire du fonds sujet à la rente ayant rétiré la rente suivant la faculté qui luy est donnée par cet Article, elle est aussi censée éteinte au prejudice des créanciers ou acquereurs du vendeur ; Car on peut dire en leur faveur que cette rente faisoit partie des biens de leur obligé, et qu’ils font regardée comme une asseurance et un gage, que cette rente ayant une existence réelle étant irrachetable de sa nature, elle n’a pû être venduë ny retirée par le proprietaire qu’à charge de leur hypothequé, ce qui est si vray que si un lignager ou le Seigneur feodal lavoient retirée ils pourroient la saisir réellement entre leurs mains : le proprietaire a moins de droit de lempescher, puis que la Coûtume ne luy donne le droit de rettait qu’aprés le refus du lignager et du Seigneur feodal.

Les défenses du propriétaire sont plus fortes : La Coutume ne luy donne ce droit que pour iberer son fonds et non pour acquerir une rente, ou pour la conserver aux creanciers de son rendeur. Et c’est pourquoy quand elle luy est venduë directement il s’en fait une entière ex rinction, même au prejudice du lignager et du Seigneur feodal : Ce rachapt est semblable à celuy que la Coûtume permet au Seigneur, par l’Article CCI. elle luy permet de s’affranchir des rentes foncieres en payant le denier vingt ; il en est aussi comme de l’usufruit vendu au, ropriétaire, lequel est éteint et consolidé à la proprieté, et ne peut être rétité comme il est décidé par l’Article suivant, et à l’exemple de ce rétrait introduit par cet Article, il a été jugé qu’un droit de Tiers et Danger appartenant au Roy, engagé et depuis revendu par l’Engagiste à un tiers, pouroit être rétité par le proptietaire du bois, sans prejudice des droits du Roy :

Arrest entre Demoiselle Catherine Angelique de Harcour, et Me Nicolas Estienne, sieur de la Guyonniere, du 25. de May 1622. au Rapport de Mr de Civile, et la Cause ayant été évoquée au Conseil par le sieur de la Guyonnière l’Arrest du Parlement fut confirmé : Le fonde ne seroit jamais déchargé comme la Coûtume le désire, si nonobstant le rachapr et l’extinction qui en est faite elles demeuroient encore affectées aux hypotheques des creanciers : Si par le Contrat de la fieffe la rente eût été rachéiable, on ne pourroit pas dire qu’elle eût suite par hypotheque : or la Coûtume la rend rachétable quand elle est venduë, et donne au détenteur du fonds une faculté legale pour la racheter et liberer son. fonds : Par Arrest en l’Audience du 8. de Février 1629. la Sentence qui avoit abious le proprietaire qui avoit rétiré la rente de la demande des creanciers fut confirmée

Ce rétrait accordé au proprietaire par cet Article a beaucoup de relation avec ce droit de prelation dont il est fait mention dans la Constitution de lEmpereur, Romanus senior, 8. si qui communes : Elle peimet au voisin de retirer lhéritage vendu qui luy est commode, si le agnager ne le retire point : Primi vocantur ad Pralationem permixtim quoquomodo cognati, aut quibuscum est aliquid commune, cognatos enim lex prafert, ubi cognati communionem in re non habent tum anteponuntur qui aliquid in ea communitatis habent et si omni ex parte et qui alienat sunt externi, deinde & simul juncti consortes, postremo qui simpliciter aliqua ex parte rei alienandae unita sunt & vicini. Il est aussi semblable à ce jus congrui dont Mathaus Paris traite dans ses Decisions Neapol. Dec. 339.