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CCCCCII.

Baux à ferme et rente d’usufruit, quand sont clamables.

Baux à ferme à longues années faits pour plus de neuf ans, sont retrayables : comme aussi est la vente d’un usufruit faite a autre qu’au proprietaire, lequel est preféré à la clameur.

Bien que les baux à longues années soient une espèce d’alienation, dautant que l’on transfere et la possession et le domaine utile ; neanmoins il ne se fait point de véritable, ny de par-faite alienation, dautant que la Seigneurie directe demeure toûjours au propriétaire ; et par consequent l’héritage ne sortant point de la famille, la cause principale du retrait lignager ne s’y rencontre point ; mais il suffit que le retrayant puisse tirer quelque utilité : cette sorte de retrait ne plaisoit pas à M d’Argentré , Article 299. gl. 1. n. 2. difpositiomeo judicio inutilis & reperta ad subvertendos contractus, & commerciis noxia et cavillatrix, et parce que ne se faisant point d’alienation aux baux à longues années, le rettait ne peut être admis que pourggagner sur les fruits : cet Auteur dit qu’il n’avoit pas reçû à cette sorte de retraits les Nobles, quiconditio non ferret conductione recipere & mercari ; nous ne suivons pas son fentiment, et sans distinction de qualité tout lignager est admissible au retrait des baux à longues années.

Mais apparemment cet usage procede de ce que par le Droit Canonique, les baux des biens Ecclesiastiques ne peuvent exceder neuf années, c. ult. ex onere Pralat Par ces paroles, baux à longues années, on entend ordinairement les baux qui passent neuf ans : Longum tempus decem annis estimant Doctores, glos. 1. l. Cum de in rem verso. C. de usur. l.

Si filius, C. de petit. hered. La Coûtume pour ôter toute ambiguité explique ce qu’elle entend par les baux à longues années, à sçavoir ceux qui sont faits pour plus de neuf ans. Plusieurs utres Coûtumes se sont exprimées de cette manière.

Comme les Gentilshommes ne peuvent prendre des terres à loüage ; Mr d’Argentré a estimé qu’ils n’étoient point admissibles à cette espèce de retrait : mais puis que la Coûtume ne ses considere point comme de simples baux, mais comme une alienation d’immeubles ; il ne faut point faire de distinction pour la qualité des lignagers, autrement l’on pourroit dire qu’un Gentilhomme ne pourroit acheter sous condition de remere à cause que durant la faculté de lemere, il n’est à proprement parler qu’un simple fermier Les baux-qui passent neuf années étant censez une alienation d’immeubles, et par consequent retrayables, il s’enfuit qu’il y a pareillement ouverture au droit de Treizième : Regu-lare enim est, dit duMoulin , ae feud. 8. 55. gl. 1. n. 117. oriri jus laudimiorum, ubi potitur jus contractus, et è contra, etTiraqueau , de ret. gentil. 5. 1. gl. 14. n. 81. est de ce sentiment ; on dit au contraire que si les baux à longues années emportent une espèce d’alienation, toutefois on n’aliene que la joüissance et les fruits ; mais il ne se fait aucune mutation de Vassal, et ce Tiraq Fermier ne pourroit confisquer ny tomber en commise, Tirag. ibid. DuMoulin , de feud. 5. 22. rl. 1. n. 156. n’est pas aussi de cette opinion : et la consequence du droit de tetrait au droit de Treizième n’est pas toûjours bonne, comme il a été jugé par plusieurs Arrests du Parlement de Paris, rapportez parBrodeau , sur l’Art. 78. de la Coûtume de Paris, n. 31. Cette question s’offrit le 1. d’Octobre 16t6. entre le Blond et Mr le Prevost, Conseiller en la Cour et Commissaire aux Requêtes du Palais, si un bail fait à fieffe et à rente durant la vie du preneur, et à tharge de batir sur le fonds, et que les augmentations cederoient au profit du bailleur étoit retrayable ; le retrayant se fondoit sur cet Article suivant, lequel les baux à longues années et même la vente d’un usufruit sont sujets à retrait, que ce Contrat devoit être considéré comme n usufruit à vie et par consequent retrayable : le défendeur répondoit que par la Coûtume les fieffes perpétuelles n’étoient point sujettes à rettait : Par l’Arrest le retrayant fut debouté de son action.

La vente d’un usufruit est aussi retrayable, à l’exception toutefois de celle qui est faite à un uutre qu’au proprietaire à qui la Coûtume donne la preference, parce qu’alors l’usufruit ne subsiste plus étant remis et consolidé à la proprieté, par l’Article 147. de la Coûtume de Paris, si aucun vend l’usufruit de son propre héritage à personne êtrange, ledit usufruit ne chet en retrait.

En. consequence de ce que je viens de dire que par le rettait que le proprietaire fait de l’usufruit vendu, il est consolidé et éteint ; l’on demande si l’usufruitier achetant la proprieté, et on lignager se presentant pour retirer l’héritage, le tout doit être ajugé sans réserve de l’usuruit à l’acquereur : ; Il faut refoudre que l’acquereur est remis en tel état qu’il étoit avant le Papinien Contrat, l. Si à libert. D. de bon. lib. l. 5. Papinianus, D. de servit. Sil étoit autrement le lignager auroit davantage que le vendeur n’avoit auparavant la vente, et il auroit un usufruit Tiraq qui ne luy coûteroit rien. Pide Tira4. de retract. 5. 1. gl. 7. n. 62. et sequent. Mais le droit de retrait appartient-il aux parens de l’usufruictier, ou à ceux du proprietaire ; Car pour le proriétaire il est preferé quoy que la vente en ait été faite à un autre : Il semble que la pretens tion des parens du propriétaire ne seroit pas raisonnable, car l’usufruit étant un droit réel qui reut être separé de la proprieté et qui subsiste de soy, les lignagers du propriétaire ne peurent exercer le retrait, puis que le proprietaire n’avoit aucun droit à la chose venduë ; et bien que le propriétaire ait cette prerogative, c’est par cette raison que par ce moyen l’usufruit est éuny et consolidé à la proprieté, ce qui est fort favorable : Or cette reünion ne se faisant point par le retrait que feroit le parent du proprietaire ; il n’y a pas d’apparence de l’y recevoir, et c’est le sentiment de Godefroy : D’autre part l’on peut dire que l’usufruit étant un droit caduque et temporel, il ne seroit pas juste que les parens de l’usufruitier fussent prefèrez à ceux du propriétaire qui peuvent reünir l’usufruit à la proprieté, ou en l’achetant ou en la rétirant, si elle étoit venduë à un étranger : Cette difficulté me paroit decidée par les termes de cet Article, si les parens du proprietaire étoient preférables à ceux de l’usufruitier, il étoit superflu de dire que le proprietaire étoit preféré lors que la vente étoit faite à un autre qu’à luy ; mais en ace cordant cette prerogative au proprietaire, la Coûtume déclare assez expressément que cette preference qu’elle luy donne ne peut être qu’à l’égard des lignagers de l’usufruictier ausquels ce droit appartenoit, puis que l’usufruit est un immeuble, et que les immeubles vendus peuvent être retirez par les parens de ceux qui les ont vendus.

La vente de l’usufruit étant retrayable il semble que la vente des fruits l’est pareillement, Chassanée parce qu’ils font partie du fonds, et que les fruits pendans par les racines sont censez immeubles, l. Fructus, D. de rei vindic. et c’est le sentiment de Chassanée, Titre des Retraits, i S. 1. n. 9. in verbo, sed juxta hoc quero, et de Ferton sur la Coûtume de Bordeaux, Titre des Retraits, S. 15. qui admet aussi le retrait pour les bois de haute-fûtaye. Mr deTiraqueau , de retract. gent. glos. 7. n. 44. est d’un sentiment contraire ; il convient bien de cette maxime que les fruits font partie du fonds lors qu’ils en sont considérez comme des accessoites et des ppendices : par exemple, le fonds étant vendu les fruits qui y sont inherens et qui ne sont point separez du sol sont comptis dans la vente, l. Julianus, S. si fructibus, D. de act. empt. mais lors qu’ils sont vendus sans le fonds, et pour en être separez il les faut en ce cas considerer comme ne faisant plus partie du fonds. Il est aisé de concilier ces deux opinions par la distinction que nôtre Coûtume a faite aux Articles CCCCLXXXVIII. et CCCexG. car avant la S. Jean et le premier de Septembre les fruits étant reputez immeubles quoy qu’ils a soient vendus separément neanmoins faisant encore partie du fonds ils sont retrayables, mais étant ameublis aprés ces deux termes ils ne sont pas sujets au retrait, encore bien qu’ilsr ne soient pas encore separez du fonds.