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CCCCCV.

Fruits, grains et foins quand sont meubles.

Les fruits, grains, et foins étans sur la terre aprés le jour de la Nativité Saint dean Baptiste encore qu’ils tiennent par les racines, et ne soient coupez ne siez, sont neanmoins censez et reputez meubles, fors et réservé les pommes et les raisins, qui sont reputez immeubles jusques au premier jour de Septembre. Et quant au bois il n’est reputé meuble s’il n’est coupé.

Par la disposition du Droit Romain les fruits pendans par les racines font partie du fonds, et par cette raison ils appartiennent à celuy auquel l’héritage retourne. La Coûtume ameublit les fruits, les grains et les foins d’une autre maniere, et ils cessent de faire partie du fonds aprés le jour de S. Jean Baptiste, encore qu’ils ne soient pas coupez ny siez et qu’ils tien nent par les racines, et les pommes et les raisins ne sont reputez immeubles qu’aprés le premier jour de Septembre ; et sur ce fondement si la vente d’un fonds est faite avant la S. Jean le vendeur a les fermages à proportion du temps, et l’acquereur a le reftant du jour de son Conrat jusques à la S. Michel, qui est le terme ordinaire où les baux à ferme commencent : ainsi jugé au Rapport de Mr Brice en la Grand. Chambre le premier de Docombre 1657. voicy un cas singulier où les fruits et les grains ont été reputez meubles avant la S. Jean. Ui Curé légua par son testament tous ses meubles et les dixmes de la S. Jean aux pauvres et à d’autres particuliers, il mourut aprés Paques, mais avant la S. Jean : il se mût procez entre ses heritiers nommez Guerout et les legataires touchant les dixmes, que les heritiers pretendoient être immeubles suivant cet Article ; sur l’appel de la Sentence qui déclaroit le testa-ment valable, de Cahagnes pour les heritiers soûtenoit que ces dixmes dont le teftateur avoit disposé étoient un véritable immeuble par la disposition expresse du Droit et de la Coûtume, et que par consequent elles n’appartenoient point aux legataires ausquels on n’avoit donné que ses meubles, et bien que les fruits fussent acquis au Cuté aprés Paques par un droit particulier, il ne s’ensuivoit pas qu’ils fussent meubles dans la succession du Curé, et ils ne le pou-voient devenir qu’aprés le temps porté par cet Article. Maurry pour les légataires demeuroit d’accord que fructus pendentes sunt pars soli, et qu’ils ne sont reputez meubles par. cet Article qu’aprés la S. Jean ; mais à cette fiction que la Coûtume avoit fait, pour ameublir les ftuits encore pendans par les racines il falloit encore ajoûter une seconde fiction pour les dixmes desquelles sont meubles aussi-tost qu’elles sont gagnées par le Curé à Paques, autrement si elles étoient encore immeubles elles appartiendroient au Curé successeur, parce que les immeubles de l’Eglise ne passent point aux heritiers, en tout cas les legs devoient valoir ; de sorte que les heritiers n’y pouvoient avoir aucune part, car en les reputant immeubles elles appartiendroient aux legataires, par cette raison que le testateur pouvoit disposer d’une année de son revenu, dont ces dixmes faisoient partie, pour causes pieuses et pour recompense de services : Par Arrest en la Grand-Chambre du 5. de Juillet 1652. la Sentence fut confirnée

Berault avoit agité la question entre lheritier aux meubles et lheritier aux immeubles, et son avis étoit que les dixmes appartenoient à l’heritier aux meubles, parce que quand on les reputeroit immeubles ce seroit un acquest qui suit les meubles. Pour les heritiers des Curez s’est un usage constant en Normandie, qu’à la réserve de l’Evéché d’Evreux quand le Curé décede aprés Paques les dixmes appartiennent à ses heritiers, quoy que les fruits ne soient point ameublis. Godefroy estime, suivant la jurisprudence du Parlement de Paris, que le successeur au Benefice en doit avoir le tiers ; mais nôtre Usage est contraite, il n’y a que dans l’Eveché d’Evreux où les fruits ne sont pas acquis au Curé et à ses heritiers s’il n’a surécu aprés le Dimanche que l’on appelle de Letare.

Comme nôtre Coûtume est différente de celle de Paris en ce qu’elle repute meubles les fruits et les grains aprés la S. Jean, et qu’au contraire celle de Paris, Article 92. ne les estime meubles s’ils ne sont coupez, comment en useroit-on entre des legataires, des heritiers aux neubles, et des heritier, au propre, s’il arrivoit qu’un homme domicilié à Paris et qui aoit les héritages en Normandie mourût aprés la S. Jean : Bérault étoit de ce sentiment qu’entre de legataire et lheritier aux immeubles les fruits qui sont sur les terres d’une Province doivent être reputez meubles du jour que la Coûtume d’icelle les repute meubles, et par consequent les fruits des héritages étant en Normandie appartiendroient au legataire ; mais que s’il étoit uestion entre les heritiers du partage d’iceux il seroit reglé selon la Coûtume du lieu où le propriétaire étoit domicilié lors de son decez. Il faut refoudre, à mon avis, indistinctement ue tant à l’égard des legataires que des heritiers l’on doit suivre la Coûtume du lieu où les fruits sont excrus : Il est bien vray que les meubles se doivent partager selon la Coûtume lu lieu où le défunt avoit établi sa demeure, mais quand il s’agit de determiner si des fruits doivent être censez meubles ou immeubles, l’on doit suivre la Coûtume de la situation de héritage sur lesquels ils sont excrus ; de sorte que si le défunt demeuroit à Paris lors de son decez, quoy que par la Coûtume de Paris les fruits ne soient estimez meubles s’ils ne sont coupez, neanmoins la Coûtume de Normandie les reputant meubles aprés la S. Jean leur nature ne doit pas être reglée par la Coûtume de Paris, mais par celle de la situation des herigages qui ont produit ces fruits, le domicile fait bien la regle du partage et par cette raison ce qui est reputé meuble en tous lieux doit être partagé selon la loy du domicile, mais il ne regle pas la nature et la qualité des biens ; de sorte que quand ils sont en divers lieux, et que ce qui est censé meuble dans une Coûtume ne l’est pas dans l’autre, celle de la situation de la chose doit être suivie, comme pouvant donner la loy et definir la nature et la qualité de ce qui est dans son térritoire.

Par ce même principe si un homme domicilié en Normandie possedoit des héritages en rance et qu’il mourût aprés la S. Jean, mais auparavant que les grains et les fruits étans sur ces héritages fussent coupez, ils appartiendroient incontestablement à celuy qui auroit le fonds en partage, parce qu’ils seroient encore un meuble et qu’ils feroient partie du fonds, et quoy que par la Coûtume de Noimandie les fruits et les grains aprés la S. Jean soient ameublis. arce que cette Coûtume n’a pas l’autorité de regler ce qui est hors de son détroit Cet Article ajoûte que le bois n’est pas reputé meuble s’il n’est coupé, là-dessus cette question s’est mûë. Nicolas Genevray acheta de la Demoiselle du Quesne Bourneville des bois taillin pour les couper en trois années consecutives ; Ifaac des Ruës fermier de l’Abbaye de Preaux se fit payer de toute la dixme qui pouvoit être dûë pour la coupe du bois entier ; l’Abbé de Preaux étant mort avant la seconde coupe, l’Oeconome fit un nouveau bail à Philippes Marete qui demanda la dixme de la coupe faite depuis son bail : Des Ruës premier fermier disoit qu’elle luy appartenoit parce que le bois avoit crû durant sa joüissance ; le Juge du Ponteaudemer luy en ayant ajugé les deux tiers et lautre tiers à Marete, je conclus pour Marete qu’il avoit été mal jugé, et qu’on ne devoit point considèrer le temps auquel le bois avoit crû, mais celuy auquel on l’avoit coupé, c’étoit le temps de la perception qui donnoit ouverture au droit et à la demande de la dixme. Les premiers hommes n’offrirent les dixmes de leurs fruits qu’aprés l’heureuse recolte qu’ils en avoient faite, et non pas pour les avoir simplement semez ou plantez. Des Ruës ne pouvoit avoir plus de droit que les heritiers du défunt Abbés or leur action eût été incivile s’ils avoient demandé cette dixme contre l’Oeconome, parce qu’ils ne pouvoient demander la dixme que des choses qui avoient été perçûës ou dont le droit étoit acquis à l’Abbé ; mais il ne pouvoit recueillir la dixme du bois qui non seulement n’étoit point coupé, mais aussi qui n’étoit pas en coupe, la Coûtume ne reputant le bois meuble que quand il est coupé, en quoy la Coûtume est conforme au Droit Civil ; et par les Articles CCCCCXVI. et CCCCCXVII. les veuves et les fermiers ne prennent part aux pepinieres que quand le mary meurt ou que le bail finit en l’année qu’on les doit lever, quoy qu’elles ayent été plantées par les fermiers et cultivées par eux : Le Bouvier pour des Ruës appella de son chef de la Sentence, et concluoit que la dixme du bois luy devoit être ajugée comme d’un fruit qui avoit crû durant son bail : Par Arrest en la Grand. Chambre du 26. d’Avril 1657. la Sentence fut cassée, et la dixme entiere fut ajugée à Marete