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CCCCCVI.

Ustensiles d’hôtel quand sont meubles.

Ustensiles d’hostel soit aux champs ou à la ville sont reputez meubles : mais s’ils tiennent à fer, clou, ou sont seellez à platre et mis pour perpetuelle demeure ou ne peuvent être enlevez sans fraction ou déterioration, sont reputez immeubles.

Une chose meuble peut changer de qualité lors qu’elle ne demeure pas en sa même nature, cum in sua natura non perstat, comme parlent les Jurisconsultes, ce qui arrive lors qu’il s’en fait une perpetuelle application à un autre corps de diverse nature, comme à une chose immeuble, parce qu’il devient une partie d’un autre corps de differente qualité, et qu’il ne sub-siste plus de par soy comme il étoit auparavant.

Cette mutation arrive quelquefois ou par le fait de l’homme ou par le pouvoir de la Loy par le fait de l’homme lors que quelque chose meuble de sa nature est attachée, incorporée ou ajoûtée à quelque chose immeuble ; nous en avons plusieurs exemples dans le Droit Civil, 1. Fundi. 17. S.Labeo . l. Granaria. 18. D. de act. empt. et vendit. l.Molin . de verb. signif. I.Lucius .

S. 3. de legat. 3. Une chose est quelquefois reputée être atrachée au fonds par le pouvoir de a Loy, ut coloni adscriptitii gleba, qui à gleba separari nequeunt, l. Quemadmodum de agricult. et cens. C. comme sont encore aujourd’huy les Gens de Main-morte en Bourgogne.

Il y a d’autres choses qui ne sont point reputées immeubles ny par leur nature ny par la Loy, mais par la seule destination du pere de famille, dont l’on peut voir les exemples dans les loix cy-dessus citées et dans cet Article.

Papinien appelle fort elegamment ces ustensiles d’hôtel soit aux champs ou à la ville qui sont mis pour perpetuelle demeure, ea instrumenta eas-ve dotes pradiorum Graco vocabulo appellari, irGntat.Cujac . Ad Leg. lib. 11. resp.Papin .

La Coûtume de Paris, Article 90. dit ustenciles, et la nôtre utensiles, ce qui a plus de rapport à l’origine de ce mot qui vient du Latin utensilia, frequent dans les bons Auteurs et qui comprend les choses, que ad usus nostros necessaria sunt, m xpuiâ dic ; néanmoins l’usage a prevalu de dire ustenciles. Par le Droit Romain pour sçavoir si les meubles étant dans une maison étoient reputez en faire partie on consideroit princiaealement leur destination, si pera perui usus causa in edificiis essent, en ce cas etiam si affixae non essent pars érant adificii, l. 17.

S. Labeo de act. empt. On consideroit aussi leur coherence ae union et incorporation, cum fundus sine instrumento legatus effet, dolia, mola olivariae et quecumque infixa, inadificataque sunt fundo. legato continentur, nulla autem ex his rebus que moveri possunt paucis exceptis fundi appellatione ontinentur. Il falloit donc tantost considèrer la destination pour une perpétuelle demeure, ou Papinien la coherence, 1. Dolia. I. Quesitum. S. Papinianus. D. de inst. leg. si ita affixa, si ita inadificata sint, ut partes edificiorum esse videantur. Cet Article a beaucoup de conformité à la dispo-sition du Droit Civil ; il exprime néanmoins encore plus precisément les ustenciles qu’il declare devoir être reputez immeubles, car il désire deux conditions, qu’ils tiennent à fer, clou, ou qu’ils soient seellez à platre et mis pour perpetuelle demeure, ou qu’ils ne puissent êtrei enlevez sans fraction ou déterioration, ou sans les desassembler, comme en l’Art. CCCCexV.

Nous verrons neanmoins une exception à ces conditions dans l’Article CCCCCXVIII. où les choses mises pour perpetuelle demeure font partie de la maison, sçavoir les chaudieres et les cuves des Teinturiers et des Brasseurs : la Coûtume pour les reputer meubles ne désire point qu’elles tiennent à clou ou qu’on ne les puisse enlever sans fraction, il suffit qu’elles y ayent été placées par le proprietaire ; d’où il resulte que la perpetuité de la demeure, la coherence et l’incorporation se presument plus aisément de la part du proprietaire que du locataire : voyezBrodeau , sur l’Article 90. de la Coûtume de Paris ; et de laLande , sur l’Article 356. de la Coûtume d’Orléans, où il dit qu’il y a aussi certaines choses lesquelles quoy qu’elles ne soient pas incorporées à l’héritage et se puissent ôter sans rupture et sans déterioration, néanmoins tiennent lieu d’immeubles à cause qu’elles servent aux usages de la maison, comme des portes, des fenêtres, des clefs, des bassins, et des cuves à tenir l’eau, des couvertures de puits et autres choses semblables, I. Quasitum, 12. 5. fistulae de instrum. et instrum. leg. l. 14. n. 5. et 17. de act. empt. et vendit.

Plusieurs revoquent en doute si sous ce mot d’ustensiles on doit comprendre les statuës, les tableaux, et autres ornemens : On a fait cette distinction, que les statuës qui sont attachées fer et à clou, ou qui sont mises dans une maison pour perpetuelle demeure et pour servir sa perfection, quoy que peut-être elles puissent être enlevées sans déterioration, néanmoins suivant la commune opinion toutes ces choses passent pour immeubles, I. Oéesitum. 12. 8. Painianus de instrum. vel instrum. leg. mais lors que ces statuës ne sont point attachées et qu’el-les ont été seulement posées aeour deaeoration elles sont estimées meubles, suivant la Loy Statuae 245. de verbor. oblig. statuae affixae Basilicis trutilibus non sunt edium, ornatus enim causa pa-vantur, non quo ades persiciantur ; et par la l. Quesitum, S. domus de instrum. leg. D. que voluptatis, vel ornamenti adium causa parantur, non efsfe adium, et ob id multum interesse inter in-trumentum, et ornamentum.Brodeau , sur l’Article 90. de la Coûtume de Patis : De laLande , Article 356. de la Coûtume d’Orléans.

Plusieurs estiment que l’artillerie, fauconneaux, arquebuses à croc, engins et munitions de uerre qui sont pour la défense et pour la fortification de la maison sont reputez immeubles, parce qu’ils y sont mis pour la garde d’icelle,Mornac . Ad l. Fundi : S. generaliter, D. de act. mpt.Cujac . l. 2. feud. t. 1.Coquille , sur la Coûtume de Nivernois, t. 26. Art. 10. Brodeau etRicard , sur l’Art. 90. de la Coûtume de Paris ; de laLande , sur l’Art. 356. de la Coûtume d’Orléans, et plusieurs Coûtumes le disposent ainsi : Par un Arrest du Parlement de Paris rapporté par Pithou sur la Coûtume de Troyes, Art. 11. l’on fit distinction entre la trosse artillerie que l’on jugea immeuble, et la menuë artilletie, comme mousquets et autres instrumens que l’on fit passer pour meubles :Pontanus , Art. 149. de la Coûtume de Blois, met aussi les canons et l’artillerie au rang des meubles : Berault et Godefroy les reputent neubles ; il me sembleroit juste de faire différence entre les maisons lors que ce sont des places fortes, il n’est pas juste de les dégarnit ; mais pour des maisons de plaisance où les canons ne sont que pour un ornement, il n’y a pas de raison de leur faire changer de nature : aussi la Coûtume de Berty, t. quelles choses sont meubles, Art. 4. ne repute immeuble que l’artillerie servant à la défense des Châteaux, Places fortes et maisons.

On a pareillement fait tenir nature d’immeubles aux Ornemens de la Chapelle d’un Hôtel ou Château, Brodeau etRicard , ibid. mais pour les Presses d’Imprimetie elles sont reputées neubles bien qu’il les faille desassembler, parce qu’elles ne sont point mises pour perpetuelle demeure ; ce qui fut jugé pour ce célèbre Imprimeur Robert Estienne.

Il seroit difficile d’établir une regle generale sur ces matieres, parce que les raisons qui font passer une chose pour meuble ou pour immeuble sont souvent plus de fait que de droit ; néannoins on peut poser ces principes generaux, que si ces choses sont comme partie de la mai-son qu’elles composent sa substance, ou soient en quelque façon necessaires pour sa conservation, si pars edium sint, & pro adibus habeantur, en ce cas elles doivent passer pour immeu-bles, autrement elles conservent toûjours leur qualité de meuble, puis qu’il ne se trouve point de necessité de les faire changer de nature.

Fundo legato vel vendito sterquilinium, & stramenta emptoris & legatarii sunt. In sterquilinio Trebatii sententia probanda est, ut siquidem stercorandi agri causa comparatum sit, emptorem sequatur, si vendendi causa venditorem, l. Fundi. 17. 8. Fundo, D. de act. empt. Suivant cette Loy a été jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 17. de Juin 1649. que les feurres, foins, ailles et fumiers étoient censez comme immeubles, et que comme tels ils appartenoient à l’adjudicataire ; plaidans Lesdos, et Theroude

Les meubles sont des corps propres à changer. de nature et de qualité par une application et une cohérence perpétuelle à des corps d’une autre nature, ce qui les fait reputer immeubles, affixa alterius corporis diverse naturae pars fiunt & per se censeri desinunt, l. Rerum mix-Argentré tura, D. de usucap. l. Cum qui, D. de adquir. possess. Argent. Ad Art. 4o8. glos. 2 Ce changement de nature se fait aisément lors que l’incorporation ou la destination est parfaite et consommée ; mais on demande si la simple destination peut produire cet effet, et si par exemple le bois, la pierre, la tuile, la chaux, et autres materiaux propres pour la contruction d’un batiment doivent passer pour immeubles lors qu’ils n’ont point encore été employez ny mis en oeuvre

Bartole sur la l. Catera. 5. Si paraverit, de legat. 1. a fait une distinction qui a été suivie par la plus grande partie des Interpretes du Droit, et même par les Arrests ; car à l’égard des

materiaux provenus de la démolition d’un batiment, et que l’on a ramassez et preparez pour redifier la maison, la seule destination en ce cas fait reputer pour achevé ce que son avoit dessein de faire, et en consequence ces materiaux passent pour immeubles, c’est la décision expresse de la l. Fundi 17. de act. empt. 5. Pali, ou le Jurisconsulte refoud que les échalas nouveaux que l’on a apportez, mais qui ne sont point encore employez ne font point partie du fonds ;. mais qu’à l’égard de ceux que lon avoit levez et serrez à dessein de s’en seaevir encore à l’avenir, sont censez faire partie du fonds ; Pali qui vineae causâ parati sunt, antequam collocentur fundi non sunt, sed qui exempti sunt hac mente ut collocentur fundi sunt ; Le Paragraphe Ca que de la même Loy dit la même chose, Ea que ex edificio detracta sunt, ut reponantur edificii sunt ; et dans la Loy suivante, 5. Tegulae. Tegula que nondum adificiis imposite sunt, quamvis aetegendi gratia allate sunt in rutis et cesis nabentur ; aliud juris est in his quae detracte sunt, ut reponerentur, adibus enim accedunt

Le Parlement de Paris a suivy cette distinction, et il a jugé que pour les materiaux propres à batir, qui procedent de la démolition d’une maison, et sont sur le lieu destiné à la redification sont reputez immeubles ; et par un autie Arrest il a été jugé que dans le don universel des meubles n’étoient point compris les materiaux procedans de la démolition destinez pour tre employez.Brodeau , fut l’Article 90. de la Coûtume de Paris.

Pour les materiaux destinez pour la construction d’un nouveau bâtiment, la seule destination ne suffit point pour les rendre meubles, et par cette raison ils n’appartiennent point à l’a-cheteur, mais ils demeurent au vendeur ou à l’heritier aux meubles au prejudice de l’heritier à l’immeuble ; quod insula causâ paratum est, si nondum persectum est quamvis positum in edificio sit, non tamen videtur adium esse : c’est aussi la décision des autres Loix que je viens de citer, Cujas et dans la l. Cujus 41. 8. sed si paravit, le testateur peut leguer ce qu’il avoit destiné pour un autre usage, sed si paravit quedam testator quasi transiationis in aliam domum, & hoc legavit dubitari poterit an valeat, et puto valere, que si elles avoient été appliquées le legs seroit éteint, 8. sed. Mi le Maître de bon. subhast. en rend cette raison, que licet res sit adibus destinata, non tamen prohibetur legari, ut si juncta sit edibus, nam ultra destinationem ut destinatum habeatur pro facto requiritur ut perventum sit ad aliquod opus : et le Parlement de Paris la jugé de la sorte.

Brodeau , ibid.Pontan . Aad Art. 149. Consuet. Bles. de laLande , Article 356. de la Coûtume d’Orléans.

Par un ancien Arrest de ce Parlement du 9. de Decembre 1615. il fut jugé que. le bois d’une maison qui étoit déja chevillée, mais non bloquée, étoit un meuble ; mais depuis le con-traire a été jugé par un Arrest rapporté par Me Josias Berault sur cet Article, par lequel des materiaux preparaz par un pere pour achever un pressoir dans son ancien manoir, et qu’i voit déja fait couvrir, et un des fommiers posé pour cet effet dans sa masure, quoy que le reste en fût encore dehors et éloigné, furent jugez immeubles et d’une dépendance du pressoir, parce que la destination du pere avoit déja commencé à être executée. Cet Arrest est contraire à la disposition des Loix que j’ay citées, suivant lesquelles il ne suffit pas que les maveriaux soient apportez sur le lieu, il est même nécessaire qu’ils soient employez, autrement ils ne font point partie du fonds. Mais la décision de cet Arrest me paroit fort équitable, car quand un batiment est commencé, bien qu’il reste encore des materiaux à mettre en place, pourvû qu’ils soient preparez et qu’ils ne soient pas encore brutes, c’est à dire sans aucun agréement ; et comme parle Barthole quando materia est jam propinqua ipsi edificio, pourquoy ne re-puter pas les choses comme faisans déja partie du batiment ; et c’est aussi le sentiment de ce Docteur, quod si adificium effet coeptum ut fere consummatum effet, illud pro persecto haberi, & in consequentia ea materia huic edificio destinata censebitur immobilis : Ce qui peut être soûtenu par la Loy librorum de leg. 3. où le Jurisconsulte resoud que dans le legs des livres sont compris ceux qui ne sont point reliez, et qui sont encore en feüille : Pontanus a suivy la doctrine deBartole , Article 149. de la Coûtume de Blois.