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CCCCCXI.

Deniers dotaux.

Deniers donnez pour mariage des filles, par pere, mere, ayeul, ou autre ascendant, ou par les frères, et destinez pour être leur dot, sont reputez immeubles et propres à la fille, encore qu’ils ne soient employez ne consignez : et où autres personnes auroient donné deniers en faveur de mariage pour être convertis en héritage ou rente au nom de ladite fille, seront pareillement reputez im-meubles, et tiennent nature d’acquest en la personne de la fille.

Les dispositions contenuës en cet Article sont importantes et meritent de la reflexion l’Article se divise en deux parties : dans la premiere il est dit que les deniers donnez pour mariage des filles, par pere, mere, ayeul ou autre ascendant, ou par les frères et destinez pour être leur dot sont reputez immeubles et propres à la fille, encore qu’ils ne soient employez ny consignez : dans la seconde il est ajoûté, et ou autres personnes auroient donné deniers en faveur de mariage pour être convertis en rente ou heritage au nom de ladite fille, seront pareillement reputez immeubles et tiennent nature d’acquests en la personne de la fille Dans cette premiere partie, quoy que par le Droit general les biens soient rangez sous deux espèces de meubles et d’immeubles, neanmoins la Coûtume en faveur du mariage des filles lonne la faculté aux particuliers d’en changer la nature par des stipulations et des conventions ; de sorte que des deniers qui sont naturellement meubles deviennent immeubles lors qu’ils sont donnez à la fille, et destinez pour tenir nature de dotLa Coûtume fait encore davantage, elle les déclare propres lors que ces deniers ont été donnez par pere, mere, ayeul ou autre ascendant, ou par les freres, en quoy nôtre Coûtume est plus ample que celle de Paris : En l’Article 95. elle dispose comme la nôtre, qu’uné somme donnée par pere, mere, ayeul ou ayeule, ou autre ascendant à leurs enfans, en contemplation de mariage, pour être employée en achapt d’héritage, encore que cela n’ait été fait est reputée immeuble à cause de la destination ; mais elle n’ajoûte pas que cet immeuble est propre à la fille, bien que les deniers donnez n’ayent été employez ny consignez : De la Lande sur l’Article 350. de la Coûtume d’Orléans, qui est conforme à celle de Paris, remarque qu’encore que l’employ des deniers donnez n’ait pas été fait ; la volonté et la destination des parens leur imprime le caractere d’immeuble, dont l’effet est que non seulement ils sont distraits de la communauté contractée entre les conjoints et n’y entrent pas mais aussi qu’en la succession du donateur et en celle de son enfant décedé, sans hoirs procreés de sa chair, les deniers appartiennent à l’heritier au propre du côté de celuy qui avoit fait la donation : par exemple, si un pere en mariant sa fille luy avoit donné dix mille livres, et qu’il eût convenu qu’il en seroit converty six mille livres en achapt d’héritages ; cette fille qui avoit survécu son pere venant à déceder sans enfans, ses heritiers paternels pourront demander les ix mille livres au mary, qui se prendront premierement sur la communauté, et si elle ne suffit pas sur les propres du mary ; mais aussi-tost qu’un collateral y a succedé, le propre conventionnel s’éteint comme n’étant fondé que sur une fiction laquelle n’opere qu’une seule fois, fictiones semel tantum operantur, & postquam casus in re ficta contigit, res sua naturae restituitur, l. 13. et ibid. Doctores, D. de adopt. l’on peut voir les Arrests qui l’ont jugé de la sorte dans le Commentateur de MrLoüet , 1. D. n. 66. et dans son Commentaire sur l’Article 93. de la Coûtume le Paris : Nôtre usage est different, ces deniers qui sont reputez immeubles et propres le ont perpétuellement, ils ne perdent point cette qualité par le changement d’heritier, mais ils ppartiennent et retournent toûjours à la ligne, et à l’estoc de celuy qui a donné les deniers Il faut encore remarquer suivant les Maximes du Palais à Paris, que l’effer et le profit de cette constitution de propre fait en faveur de la femme, et des siens de son côté et ligne, se restreint pendant la durée du premier mariage, dans le traité duquel cette reserve a été employée ; mais que si la femme convole en secondes nopces avant que d’avoir été payée de sa dot par les heritiers de son premier mary, l’action qu’elle a pour la repetition des deniers stipulez propres qu’elle apporte à son second mary est purement mobiliaire. De laLande , ibid. ce qui ne e pratique pas en Normandie, les deniers étant reputez immeubles et propres, ils ne cessent point de l’être en quelque mariage que la femme passe, et l’action pour les repeter est purement immobiliaire : ce qui fait une difference confidérable entre nôtre usage et celuy de Paris, comme je le remarqueray dans la suite.

C’est une question fort agitée par nos Auteurs, si la seule destination d’employer deniers en héritages les rend immeubles : Les raisons de douter se peuvent voir dans MeBoyer , Decis. 209. Ferton, sur la Coûtume de Bordeaux, l. 1. t. 4. de dote, 5. 6. Mr le Maître des Criées, c. 1.Tiraqueau , de retr. gent. 81. glos. 2. n. 11o. LePrêtre , Cent. 2. c. 91. De laLande , Art. 350. de la Coûtume d’Orléans. M.Loüet , 1. D. n. 66. et l. R. n. 44. et son Commentateur ; et le mêmeBrodeau , sur l’Article 93. de la Coûtume, où il dit avoir été jugé au Parlement de Paris que la destination n’opere tien si les deniers n’ont été actuellement payez Nam statim quod Dominus voluit in re sua peculii esse peculium fecit, sed si tradidit, desiderat enim res naturalem traditionem, l. 8. de peculio. Au contraire de la Lande estime sur l’Article 350. de la Coûtume d’Orléans que le payement actuel n’est point requis, parce que la seule stipulation d’employ realise les deniers en faveur des conjoints à qui on a desité pourvoir, et que l’Arrest cité par Brodeau n’est point contraire, parce qu’il a jugé ces deniers meubles à l’égard seulement de celuy qui les avoit promis, et étoit mort avant le payement, à l’effet que l’heritier mobilier fût tenu de les acquiter. Pour concilier les opinions si differentes des Docteurs, il faut distinguer entre les deniers donnez en faveur de mariage et destinez pour être la doten ce cas la seule destination fait changer de nature et les rend immeubles, mais dans les autres cas la seule destination n’opere point le changement de la chose, comme si quelqu’un avoit destiné et serré des deniers dans son cofre pour les employer en achapt d’héritage, et qu’il fût mort avant que d’avoir executé son dessein, cette simple destination ne change point la nature de la chose, parce qu’il auroit pû changer de volonté, l. Caetera. S. Sed si paraverit de leg. 1. et 101. Bartolus ae Illud est fictitium, ditPontanus , ad Artic. 149. Consuet. Bles. quod pecunia in certae rei emptionem destinatae pro tradita habeatur, at certum est in consuetudinibus fictio-nem nihil operari, la raison est que ce même argent pouvoit être converti en d’autres usages.

Ideo quia perinde potest non converti, atque converti in usum destinatum rebus integris, il n’est pas misonnable que cette simple destination en change la nature. Mr le Maître en son Traité des Criées, convient de cette maxime generale, que l’argent destiné pour l’achapt d’un heritage n’est pas rendu immeuble par cette simple destination, mais il y apporte cette distinction. ue quand celuy qui a destiné est mort et que l’argent destiné est échû à un mineur, en ce cas parce que le mineur ne peut employer les deniers qu’à l’usage auquel ils ont été destinez, la destination a la vertu de changer la nature de la chose. Soinus, Consil. 149. quod incipit materia, l. 2.

On ne peut douter qu’à l’égard des deniers donnez en contemplation de mariage ils ne soient immeubles, et même propres par nôtre Coûtume quand ils ont été donnez par pere, &c. pour être la dot de la fille ; mais il y a beaucoup de contestation pour sçavoir si les deniers donnez en contemplation de mariage sont reputez immeubles à l’égard de toutes sortes de personnes, et s’ils retiennent perpétuellement cette qualité Par la jurisprudence du Parlement de Paris on a fait cette difference à l’égard des personles, que quand les deniers promis par un pere pour être employez en achapt d’héritage n’a-voient point été payez et qu’il étoit mort sans les acquiter ils ne changeoient point leur nature de meuble, et qu’ils devoient être acquitez par l’heritier mobilier ;Ricard , Article 93. de la Coûtume de Paris. Cette difficulté ne pourroit arriver parmy nous pour la promesse faite par un pere, car en ligne directe il n’y a point de differens heritiers : Il n’y a qu’un pas où la question pourroit en être mûë, si le pere avoit donné le tiers de ses meubles à un ttranger, car on pourroit revoquer en doute si cette promesse du pere seroit reputée mobiliaire à l’effet d’y faire contribuer le légataire ; on diroit contre luy que quoy que cette pro-nesse du pere pour le mariage de la fille tienne lieu de legitime, neanmoins comme le pere eut marier sa fille de meubles n’ayant promis que des deniers et n’ayant point acquité sa promesse elle devoit être reputée mobiliaire, et par consequent payable sur les meubles. à l’égard du mary, soit que les deniers promis ayent été payez ou qu’ils ne l’ayent point été ils sont toûjours censez immeubles ; car quoy qu’ils n’ayent point été payez, la stipulation qui les rend immeubles en faveur de la femme n’a pas moins son effet, car ce n’est pas le payement qui en change la nature et qui les rend immeubles, c’est la stipulation, et le mary ne doit pas profiter de sa negligence ou de son adresse en n’exigeant pas le payement de ces deniers pour leur conserver leur qualité naturelle, autrement il dépendroit des conjoints de savantager indirectement l’un l’autre ;Ricard , ibid Si le mary a reçû les deniers et en a donné sa quitance la destination est pleinement concommée à son égard, bien qu’il n’ait fait aucun employ de ces deniers ;Brodeau , sur l’Arti-de 93. et c’est pourquoy c’est une Maxime au Parlement de Paris que cette destination de deniers donnez en contemplation de mariage pour être employez en achapt d’héritages, semper paher locum contra maritum, et la seule stipulation de l’employ a toûjours cet effet contre le mary, qu’elle empesche quand l’employ n’a point été fait qu’ils n’entrent pas dans la commuauté

Mais ces deniers donnez en faveur de mariage avec stipulation d’employ ne retiennent et ne conservent pas toûjours la nature d’immeuble, cette paction que les deniers donnez à une femme en mariage seront employez en achapt d’héritages pour luy demeurer propres n’est pas capable, suivant l’usage de Paris, de leur imprimer perpetuellement cette qualité d’immeuble ; et supposé que la femme mourût sans enfans, ou qu’ayant laissé des enfans ils décodent sans enfans, ces deniers étant encore en nature seroient considerez entre leurs heritiers comme meubles, ce qui a même été étendu au cas qu’il eût été convenu que cet employ tiendroit lieu de propre à la femme et aux siens, ce mot de siens ayant été restreint aux enfans seulenent : Si toutefois il avoit été stipulé que cet employ se seroit à condition que les choses ac-juises demeureroient propres à la femme et aux siens de son estoc et ligne, cette clause auroit effet de faire que ces deniers non employez seroient considèrez comme immeubles et propres, même à légard des collateraux, de sorte qu’ils appartiendroient aux heritiers des pro-pres du côté paternel ; Brodeau etRicard , ibid.

Nous apprenons de Ricard que Messieurs du Parlement de Paris ont fait des Mercuriales. articulieres pour déliberer sur ces matieres et y apporter des regles invariables, et que voudant y travailler avec toute la circonspection qui se pouvoit souhaitter ; la Cour deura avoit l’avis des anciens Avocats du Palais sur les diverses propositions qui avoient été faites dont il rapporte plusieurs exemples. ibid.

Le Parlement de Roüen n’ayant pas en moins de vigilance et d’affection pour retrancher la matière des procez, a fait pareillement plusieurs Reglemens fondez sur la jurisprudence des Arrests, et sur las Maximes certaines du Palais.

Par le S6. des Articles que la Cour a placitez en 1666. il n’y a point de remploy de meuble s’il n’a été stipulé, ou au cas de l’Article CCCXC. ou quand les meubles sont reputez im-meubles suivant les Articles CCCCexl. et CCCCexII.

La Loy des propres dans son prigine n’a été établie que pour les immeubles, et on ne la étenduë aux meubles qu’en certains cas par fiction, ou en vertu de la stipulation, ou en vertu de la Loy.

Loyse Par l’ancien Droit François remarqué par Loysel en ses instit. l. 2. t. 1. Meubles ne tiennent côré ny ligne ; La stipulation peut rendre immeubles et propres les meubles qui ne l’étoient pas de leur nature ; cela neanmoins ne dépend pas toûjours de la volonté des contractans, lors que ces conventions blessent l’interest de ceux qui pouvoient avoir droit à la chose, elles demeurent sans effet

Nôtre usage est conforme à celuy de Parls en ce point, que les deniers donnez à la fille en contemplation de mariage par le pere ou autre ascendant, sont reputez immeubles et propres quand ils sont dûs par le mary ou ses heritiers, soit qu’ils ayent été remployez ou non. On a aussi jugé que les deniers pour lesquels la femme a été colloquée à un decret des heritages de son mary, et qui étoient demeurez aux mains du Receveur des Consignation devoient être reputez immeubles, quoy que l’on pût dire que n’étant plus dûs par le marys ny par ses heritiers et appartenans à la femme, ils étoient absolument ameublis et retournez à leur première nature ; cependant ils furent reputez immeubles, par l’Arrest rendu au Rapport de Mr Cormier le 8. d’Avril 1658. entre Messire Jean de Harcour, Baron de Lougé appellant, et Dame Jacqueline de Harcour, femme separée de biens d’avec le sieur de Courdavy, en la presence du sieur de la Chasserie : Jacqueline de Harcour et le sieur de la Chasserie étoient de-mandeurs, à ce qu’il leur fût ajugé en la succession de Dame Angelique de Harcour, dont ils étoient heritiers au propre maternel la somme de fix mille livres, faisant le tiers de la somme promise à Demoiselle Claude du Tillot, femme de Messire Nicolas de Harcour, Baron d’Escouché, mère de ladite Magdelaine de Harcour, et de Me Me Jucques de Benneville, Conseiller en la Cour, heritier en partie au propre maternel de ladite Angelique de Harcour ; et encore ledit acques de Harcour, Jean de Harcour et ses freres heritiers en l’autre moitié ; ledit Jean de Harcour legataire de la somme de sept mille livres adjugez à ladite Angelique de Harcouru decret de la terre du Prey et autres tertes situées au païs du Maine : et par Sentence donnée à Falaise, il avoit été dit au chef des six mille livres, faisant le tiers des dix-huit autres destinez pour la dot de ladite du Tillot, et que Jean de Harcour pretendoit être ameublis, et qui faisoient partie du legs de sept mille livres qui luy avoit été fait par la Dame Angelique de Harcour, à prendre sur le Greffier des Consignations de Paris, que lesdits six mille livres demeu-eroient aux heritiers au propre maternel au prejudice de Jean de Harcour legataire ; et en cas que cette somme ne se trouvast plus au Greffe des Consignations pour avoir été reçûë par ladite Angelique de Harcour, les heritiers maternels demeuroient reservez à poursuivre le rem-ploy d’icelle, contre les heritiers du sieur de Benneville heritier aux meubles et acquests de ladite Angelique de Harcour : Sur l’appel de cette Sentence, la Cour mit les Parties hors de Cour.

En l’espèce de cet Arrest les deniers avoient été ajugez à la fille de la femme : ainsi ces deniers qui n’étoient plus dotaux et qui étoient ameublis par la collocation, pouvoient être aju-gez au legataire si l’on avoit suivy la jurisprudence du Parlement de Paris ; mais la Coûtume les reputans propres bien qu’ils fussent ameublis en quelque sorte par la collocation qui équipolloit à un rachat, ils ne pouvoient être déchargez du remploy du propre qui se fait sur les meubles quand il n’y a point d’acquest.

Autre Arrest donné en explication de cet Article sur ce fait : la veuve d’Etienne Langlois fut intituée tutrice d’un fils et de trois filles sortis de leur mariage : du prix des meubles laissez par le pe-re, on en fit cent vingt livres de rente ; le surplus fut employé pour la nourriture des mineurs, cetre veuve passa en un second mariage dont elle eût des enfans ; Louys Langlois devenu majeur don-na pour dot à sa seur Heleine Langlois huit cens cinquante livres et quelques meubles, avec cette stipulation que si elle predecedoit son mary, le tiers seulement de cette somme resteroit pour la dot : ce qui faisoit connoître que l’intention des Parties étoit que la somme entière demeurast en dot. Mais Loüis Langlois étant mort avant le mariage de sa seur qui devenoit son heritiere, Regnaut qui l’avoit épousée depuis la mort du frère, crût que cette somme étoit mobiliaire, et que par consequent elle luy appartenoit, et qu’elle devoit luy être payée par la veuve de Loüis Langlois heritier, pour une moitié aux meubles de son mary, et par les nommez Taburs qui étoient les freres uterins de Langlois et de ladite Heleine Langlois, heritiers pour l’autre moitié aux meubles, mais qui succedoient encore aux cent vingt livres de rente comme étant un acquest : Ta-burs y fut condamné envers Régnaut mary d’Heleine Langlois au payement de huit cens cinquante livres, et sur la recompense par luy demandée contre la veuve, il en fut debouté par le Juge de Gaille-Fontaine. Theroude Avocat de Taburs appellant soûtenoit qu’il avoit été mal jugé, que la promesse du frere pour la dot de sa seur étoit non seulement un immeuble, mais même un propre suivant cet Article, que si la promesse étoit reputée mobiliaire, la veuve du frere ne pouvoit se dispenser d’y contribuer pour une moitié. Le Normand s’aidoit de ces seux raisons pour prouver que la promesse étoit mobiliaire. Premierement, il disoit que par la Coûtume de Caux le mariage des filles étoit pris sur les meubles, et le pere en ayant larssé beaucoup, le mariage de la soeur pouvoit être aisément levé sur iceux. Secondement, que quand on voudroit décider la cause par la Coûtume generale, elle seroit encore favorable à la loeur : Suivant icelle le frere peut matier sa seeur d’héritages sans meubles ou de meubles sans héritage, que quand il avoit promis seulement de l’argent, c’étoit un meuble ; et qu’il ne faloit plus remonter à l’origine et à la cause de cette promesse ; il ne falloit plus examiner quelle en étoit la qualité, et comme une promesse causée pour vente d’héritage ne laisse pas d’être un meuble, quoy qu’elle procede de la vente d’un fonds : ainsi bien que la promesse du frgre soit au lieu de la legitime, elle ne laisse pas d’être mobiliaire étant reduite en deniers. Et on ne pouvoit se prevaloir de cet Article ; parce qu’on ne doit l’entendre que quand il s’agit de la succession de la fille et non de la demande qui est faite sur la surcession de celuy qui a promis, en ce cas la promesse ne change point la nature d’un meuble en immeuble ; comme il a été jugé par Arrest du Parlement de Paris remarqué cy-dessus ; cette promesse non payée demeure toûjours en sa même nature à l’égard de celuy qui a promis ; et la Coûtume ne la dé-clare immeuble et propre qu’à l’égard du mary et de ses heritiers : je répondois pour la veuve que non seulement la promesse du frere étoit immobiliaire, mais même qu’elle étoit devenuë caduque par la mort du frère avant l’accomplissement du mariage ; et elle avoit été confonduë en la personne de la seur devenuë heritière de son frete, et par cette adition d’here-dité elle avoit été saisie du bien de la succe ssion affectée et destinée par la Coûtume pour sa regitime : le premier argument de la soeur étoit captieux et inutile à l’égard de la veuve, l’Article 297. de la Coûtume de Caux ne veut pas dire que le mariage de la fille soit seulement estimé sur les meubles, au contraire il est arbitré sur les immeubles et sur les meubles, et cet Article regle seulement la manière de le payer entre les freres, et comme l’objet perpetuel et constant de cette Coûtume est de faire avantage à l’ainé, elle ordonne que le ma-tiage des seurs soit payé sur les meubles, afin que les puisnez qui partagent les meubles égaement avec leur ainé y contribuent davantage : Aprés tout quand le mariage devroit être pris ur les meubles, la soeur n’y seroit point obligée, le prix des meubles du pere ayant été constitué en cent vingt livres de rente : cette rente étoit véritablement un acquest qui apparte-noit aux freres uterins, mais la veuve n’y pouvoit avoir que doüaire, cette constitution de rente ayant été faite avant son mariage ; et c’est pourquoy elle avoit déclaré qu’elle ne demandoit son doüaire que sur les deux tiers, l’autre tiers appartenant à la soeur pour sa legitime de sorte que le premier raisonnement de la seur, quand il seroit bon, n’opereroit que contre les freres uterins qui succedoient à cette rente qui provenoit des meubles du pere, et non la veuve qui n’y avoit qu’un doüaire sur les deux tiers.

La seconde raison de la soeur étoit un pur paradoxe : S’il étoit vray que fargent promis à la soeeur pour son mariage avenant fût un meuble il ne se trouveroit presque point de bien maternel, les peres et les freres promettans presque toûjours de l’argent ; si cette soeur mouroit avant la celebration du mariage, cette dot qui seroit un meuble retourneroit aux freres uterins au prejudice des heritiers paternels, ou si elle mouroit sans enfans aprés avoir été maciée elle appartiendroit à son mary : Ces maximes seroient fort opposées à l’esprit de la Coû-tume, qui déclare non seulement immeuble, mais aussi propre tout ce qui est donné pour le mariage des filles, comme on l’apprend par cet Article : Si donc les deniers simplement detinez par les peres ou freres pour le mariage des filles sont reputez propres bien qu’on n’en fait fait aucun employ, il est sans apparence d’en vouloir faire un meuble, et on explique mal cet Article lors qu’on veut qu’il n’ait lieu que quand il s’agit de la succession de la fille, car on considère la cause et l’origine de la promesse du frere quand elle n’a point été executée, et il est vray de dire qu’elle n’a jamais été mobiliaire, et la Coûtume s’en exprime assez nettement lors qu’elle déclare que ce n’est pas seulement un immeuble, mais encore un propre, ce qui ne pourroit être si lon n’avoit considéré que ces deniers donnez par le pere ou par le frere étoient au lieu de la legitime, il falloit donc leur conserver leur qualité primitive et originaire : Ce qui se prouve encore évidemment par la seconde partie de cet Article, où lors que les deniers sont donnez par d’autres personnes que celles qui étoient obligées de doter l’on repute véritablement ces deniers immeubles, mais on ne leur donne pas la qualité propre, ce qui détruit la consequence que l’on tire de la jurisprudence établie par les Arrests du Parlenent de Paris, où la somme promise par le pere ou par le frere en contemplation de mariage quand elle n’a point été payée est reputée meuble entre les heritiers du pere ou du frere, lors qu’il s’agit de la payer à la soeur ; car la Coûtume de Paris repute simplement immeubles les deniers promis en faveur de mariage, elle n’ajoûte pas qu’ils sont propres, et son véritable motil en les reputant immeubles n’a été que pour empescher que le mary ne profitât de ces deniers en ne les remployant point ; de sorte que cette raison venant à manquer et cette Coûtume d’ailleurs ne favorisant point la conservation et le remploy des propres, on n’a pas eu de peine à laisser ces deniers dans leur première nature lors qu’il n’étoit point question de l’interest du mary, et qu’il n’en pouvoit profitere

Mais au fait particulier de la cause, puis que le frere étoit mort avant la celebration du mariage, il est sans difficulté que sa promesse étoit devenuë caduque, et ce qui étoit une dona-tion étoit devenu une heredité. Les filles en Normandie avant leur mariage n’ont qu’une provision, de sorte que nonobstant cette promesse du ftere qui étoit conditionnelle et en cas que sa seur fût mariée, si nuptiae consequantur, n’ayant pû être accomplie par le prédecez du frere il ne luy étoit rien dû, causa data, causa non sequuta : or par la mort du frère les choses sont retournées en leur premier état, comme si cette promesse n’avoit jamais été faite, et la our devenuë heritière du frere se trouve saisie de toute la succession qui luy devoit son mariage avenant, ce qui fait qu’il ne seroit pas raisonnable de faire concurrer deux causes lucra-tives en un même sujet : J’ajoûtois encore que le frere pour le payement de cette promesse auroit pû bailler du fonds de la succession à sa seur, et par consequent elle étoit obligée de en delivrer elle-même, ou de souffrir que la veuve exerçât cette action : Par Arrest en la Grand-Chambre de l’11. de Février 1672. la seur fut deboutée de son action.

Cet Arrest est remarqué dans le Journal du Palais, mais lon n’a pas compris la raison de a décision. L’on a étendu la disposition de cet Article à la donation faite par le pere à son fils d’une somme mobiliaire en faveur du mariage. Grasset promit à son fils une somme de mille ivres en avancement de succession, et où il ne la payeroit lors de la celebration du mariage, il s’obligeoit à l’interest : ce fils mourut et ne laissa qu’une fille laquelle déceda peu de temps. aprés. Barbe de Lisle sa niéce et son heritière aux meubles demanda la moitié de cette somme comme héritière de son mary, suirant l’usage local d’Evreux, et l’autre moitié comme hetitière de sa fille. Le pere soûtenoit que cette somme ne pouvoit être reputée un meubles tout ce qu’on peut donner à son fils étoit reputé avancement d’hoirie, et il étoit declaré de la forte par le Contrat de mariage. In dubio censetur donationem facere in anticipationem succesfionis ;Molin . de feud. Art. 16. Le Juge l’ayant ainsi décidé, la Cour sur l’appel mit les Par-ties hors de Cour, le 5. de Juillet 1646. plaidans le Févre et Lesdos Pour donner lieu à cette fiction qui repute immeubles et propres des deniers qui de leur nature sont meubles, cet Article désire qu’ils ayent été donnez pour tenit nature de dot. On a étendu cette fiction encore plus loin par cette inclination que nous avons à rendre propres toutes sortes de biens ; l’on a jugé par plusieurs Arrests que la dot constituée à la femme des meubles qui ne luy avoient point été donnez par son pere ou par son frère, mais qui luy. étoient échus par succession, appartenoient à l’heritier au propre à l’exclusion de l’heritier aux acquests ; ainsi soit que les deniers ayent été donnez par le pere pour être la dot, ou soit que des meubles échus à la fille par succession ayent été constituez par elle en dot, on les fait passer à l’heritier au propre ; cela fut jugé en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Mahaut le S. de Mars 1630. entre Jaqueline Larcanier, veuve de Pierre Seney, fille et héritière aux meubles et acquests de Marie Lexpert, et encore heritiere en partie au propre maternel de ladite Lexpert, ayant épousé François Fillâtre, appellante de Sentence renduë aux Requêtes du Palais, par laquelle une rente de six cens livres avoit été ajugée à Suplix Coquelin tuteur de Pierre et François Lexpett, heritiers au propre paternel de ladite Marie Lexpert, au preadice de ladite Larcanier, et ledit Coquelin lntimé : En la prefence de Nicolas Larcanier, Robert et Jacques Godin, autres coheritiers au propre maternel de ladite Lexpert, appelSans de leur chef. Par le Contrat de mariage de Marie Lexpert avec François le Fillâtre, la moi-tié des meubles de Jean Lexpert, pere de Matie, avoit été donnée à Fillâtre pour son don mobil, et pour fautre moitié Fillâtre s’obligea de la remplacer pour tenir le nom, côté et ligne de sa femme, et pour être sa vraye dot : en consequence de ce Contmat il fit une constitution de six cens livres de rente, les heritiers maternels demandoient cette fente, parce que les deniers employez pour faire cette constitution étoient un meuble, et en tout cas c étoit un acquest qui leur devoit être ajugé puis qu’ils étoient heritiers aux acquests, les deniers employez pour faire cette constitution de rente étant un meuble ils ne pouvoient être reputez un propre jusqu’à ce que cette rente eût été possedée à droit successif : on ne demandoit. point d’où les meubles dont on fait un acquest étoient provenus pour regler la succe ssion aux acquests, c’étoit assez pour attribuer la qualité d’acquest qu’il n’eut point été possedé à droit successif, la stipulation portée par le Contrat n’étoit considérable que pour regier les droits du mary, mais elle n’étoit pas capable de changer la nature de la chole, car les successions étant de droit publie on ne peut point par des conventions particulieres changer ny renverser l’ordre établi par la Loy. Pour cet Article il ne parle que du pere et des fteres qui marient une fille, auquel cas ce qu’ils luy donnent tient lieu de legitime qui doit retourner aux heritiers au propre : Les heritiers paternels répondoient que toute dot étoit un propre, et qu’en la rente dont il étoit question il n’y avoit tien d’acquest, ayant été constituée des deniers qui procedoient de la succession du pere, et qu’il n’étoit pas possible que ce qui procedoit de la succession du pere fût ajugé aux heritiers maternels, sur tout quand les deniers avoient été constituez à cette condition de tenir le nom, côté et ligne de la fille : Par la Sentence, sans avoir égard à larrest fait par ladite Larcanier, les six cens livres de rente avoient été ajugez à Coquelin, et par lArrest on mit sur l’appel hors de CourQuoy que cet Arrest eût été donné reclamante foro ac saniori parte, la même chose fut en-core jugée le 3. d’Aoust 1638. au Rapport de M’Auber en la Grand. Chambre, entre Marie Levéque, veuve de Robert Bifet, héritière aux meubles et acquests de Marie Biset sa fille, vivante femme de Jean Thomas appellante, et Jean Bouley ayant épousé Jeanne Bifet, fille de Denis Bifet, et frère ainé de Robert, et héritière de ladite Bilet sa Cousine germaine intimée : sur la poursuite de Bouley contre Thomas, pour luy payer huit cens livres pour le rapport de mariage de Marie Biset ; ladite Levéque s’étant presentée, elle avoit soûtenu que les deniers luy devoient être ajugez comme étant meubles ; par la Sentence ils avoient été jugez propres de Marie Biset, et en consequence Thomas avoit été condamné de les rendre à Bouley au droit de Jranne Biset sa femme : Le fait étoit que par le Contrat de mariage de Thomas et de Marie Biset, Marie Levéque sa mere et tutrice leur avoit quité tous les meubles à elle appartenans de la successien de Robert Biset son premier mary, pour en disposer comme de leur propre, au moyen dequoy ils seroient tenus de luy payer mille livres aprés l’an de leur mariage, et où Marie Biset moutroit sans enfans avant son mary il retourneroit à son nom, côté et ligne la somme de hoit cens livres, ce qui faisoit environ le tiers de la valeur des meubles que Robert Biset son pere avoit laissez, le surplus des meubles demeurant audit Thomas avec la jou ssance des héritages de ladite Marie Bifet ; sur l’appel de cette Sensence elle fut confirmée par l’Arrest. Ce qui a encore été jugé par un Arrest que j’ay remar-qué sur l’Article CCCXXV. et lors de ce dernier Arrest quelques-uns de Messieurs furent d’avis que les meubles provenans d’une succession paternelle échûë à un mineur étant constiuez en rente, cette rente étoit un propre ; mais ce seroit étendre trop loin la fiction qui n’est introduite qu’en faveur de la dot.

Il semble neanmoins que pour rondre ces rentes constituées de deniers provenans de meubles échûs à une fille par surcession, il soit necessaire qu’elle foit mariée ; car c’est l’espece d’un Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 12. de Janvier 1662. une fille unique avoit quelques meubles de la surcession de son père : sa mere qui étoit sa tutrice ayant passé en un second mariage, elle obligea son mary d’employer en rente au nom de sa fille et pour luy servir de dot, les deniers provenans de ces meubles ; le mary ne fit point ce remploy, et la fille mourut sans être mariée ; il se meut procez entre son frere uterin et ses autres heritiers, pour sçavoir si cette somme devoit être reputée meuble ou immeuble, et si la reputant immeuble c’étoit un propre ou un acquest. Par la Sentence confirmée par l’Arrest, elle fut ajugée au frere uterin, quoy qu’il n’y eût point d’autres biens en la succession : on ne peut concilier cet Arrest avec les precedens qu’en établissant cette distinction, qu’en l’espèce de ce dernier la seule stipulation ne rendoit point la rente dotale, et par consequent propre quand elle n’avoit point eu son execution, et que la fille n’avoit point été matiée. De la Lande sur l’Article 300. de la Coûtume d’Orléans propose cette question, et dit que plusieurs sunt d’ais que les deniers promis en mariage doivent avoir été payez, autrement qu’ils demeurent en leur nature de meubles si la numeration n’en a pas encor été faite lors du decez des personnes, au profit desquelles on avoit convenu d’en acquerir des héritages. Son opinion est au contraire que ce payement actuel n’est point requi-, et que la seule stipulation d’employ, realise les denière en faveur du conjoint à qui l’on a désiré pourvoir ; il avouë neanmoins que suivant un Arrest remarqué par Mr Loüer, 1. D. n. 666. ces deniers demeurent meubles à l’égard seulement de celuy qui les avoit promis et qui étoit mort avant le payement, à l’effet que l’heritien mobilier du donateur foit tenu de les acquiter : Cela me semble bien sans diffiaailté contre les heritiers du donateur, mais lors que la question arrive entre divais heritiers du donataire, puis que ces deniers ne deviennent point immeubles par la simple destination que par la faveur du mariage, ils doivent demeurer en leur première nature, lors que le mariage l’a point été accomply, et qu’ils n’ont point été donnez par le pere ou le frère : Car en ce cas renans lieu de legitime ils retiennent leur nature : Cependant cet Article 111. n’y fait aucune difference, et il dispose expressément que si d’autres personnes avoient donné des deniers pour être convertis en héritage ou rente au nom de la fille, ils seront reputez immeubles, d’oû l’on induit que la Coûtume ne désire pas qu’ils ayent été actuellement convertis en héritage. ou rente, mais qu’il suffit qu’ils ayent été donnez pour y être employez ; néanmoins l’Arrest que je viens de rapporter a jugé le contraire.

On apprend par les Arrests que j’ay remarquez combien nôtre jurisprudence est différente et opposée à celle du Parlement de Paris : Par la Coûtume de Paris la stipulation de l’employ des deniers donnez par le pere, ayeul ou frere, en contemplation de mariage, les fait reputer immeubles quoy qu’ils n’ayent pas été remployez ; mais ce n’est qu’à liégard de la femme, car si elle meurt sans enfans, ou qu’ayant laissé des enfans ils décedent sans enfans, et qu’il n’ait pas été stipulé que l’employ se feroit à condition que les choses acquises demeureroient propre à la femme, et aux siens de son estoc et ligne ; si ces deniers se trouvent encore en na ture, ils sont considerez entre leurs heritiers comme menbles.

Au contraire dans nôtre Coûtume les deniers donnez pour mariage de filles, par pere, ayeul on freres, sont reputez immeubles, et propres encore qu’ils ne soient point employez et qu’il n’y ait aucune stipulation, qu’ils demeureront propre à la femme et aux siens de son estoc et digne, de sorte que cette qualité de propre leur ayant été une fois imprimée se conserve perpétuellement ; ce qui ne s’observe pas seulement pour les deniers donnez par les peres ou les freres en faveur du mariage, les meubles mêmes échûs à la fille par succession étant constiguez par elle en dot, acquierent la nature de propre et d’immeuble quand le mariage a été celebré.

Oans la seconde partie de cet Article la Coûtume fait une distinction entre les deniers donnez par les peres ou freres pour le mariage des filles, et ceux qui ont été donnez par ceux qui n’étoient pas obligez de les doter ; ce que ces dernieres personnes promettent ne procedant que d’une pure liberalité, la Coûtume le reputant véritablement immeuble, mais non pas ropre, parce qu’il ne tient pas lieu de legitime à la fille.

L’Article 93. de la Coûtume de Paris ne parle que des ascendans, mais cela n’empesche point que sa disposition n’ait lieu à l’égard des donations faites par les collateraux, ou même par les étrangers, s’il n’y avoit employé une pareille stipulation ;Ricard , Article 93.

Mais ce même Auteur propose encore un usage contraire aux Arrests que j’ay rapportez cydevant, si une fille, dit-il, portoit en mariage une somme qui luy étoit acquise, elle pour-roit bien stipuler qu’elle luy tiendroit nature de propre à l’effet qu’elle n’entrat point dans la communauté, mais elle ne pourroit pas faire que cette somme appartint dans sa succession ab siutestat, ou dans celle de ses enfans à lheritier des propres au prejudice de l’heritier mobilier, parce que les successions sont de droit public, dans lesquelles on ne peut pas interposer d’aures loix que celles qui sont prescrites par nos Coûtumes on a jugé le contraire en ce Parlement par les Arrests de Larcanier, de Thomas, et de Biset, et suivant iceux la dot constituée par une fille, de meubles qui luy étoient échûs par succession, appartient à l’heritier au propre à l’exclusion de l’heritier aux meubles et acquests.