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CCCCCXIII.

Deniers de raquit des rentes sont immeubles.

Rentes constituées à prix d’argent sont reputées immeubles jusques à ce qu’elles soient rachetées : et où elles appartiendroient à des mineurs, si elles sont ra-

chetées durant leur minorité les deniers du rachapt ou le remploy sont censez et reputez immeubles, et de même nature et qualité qu’étoit la rente rachetée, pour tourner aux parens du costé et ligne dont lesdites rentes étoient procedées : ce qui a lieu pareillement pour les deniers provenus du rachapt ou racquit des heritages qui leur ont été retirez.

Il étoit raisonnable de mettre au rang des immeubles les rentes coustitnées à cause du revenu successif et perpetuel qu’elles produisent, quoy qu’elles n’ayent point de fubsistance soli-de ny d’assignat certain ; mais le defaut d’un être réel est suppleé par l’alienation perpetuelle du sort, et par la permanence et la continuation d’une prestation annuelle et successive des arrerages qui renaissent comme les fruits naturels, sans que le principal se consume et dimi quë par le payement des arrérages, sufficit reditum perpetub durare posse, ut jure immobilium censeatur ;Molin . de feud. 5. 57. n. 5. Nous avons un exemple pareil dans le Droit Civil, ubi an-nonae civiles, et Sportulae que statis temporibus prestari solent rebus immobilibus exaquantur, Novell. 20. c. 1. de alienat. et emphyteu

Aprés avoir déclaré les rentes constituées immeubles, il eût été fort necessaire pour en regler le partage entre divers heritiers de leur donner une assiette certaine, soit en la colloquant ur les héritages hypothequez à icelle, soit par une hypotheque generale ou speciale, ou en ttachant leur fituation en la personne du creancier : par l’ancienne Jurisprudence du Parlement de Paris, le partage des rentes se faifoit entre les divers heritiers du défunt, par la Coû-tume des héritages obligez, si l’hypotheque étoit speciale : Mais aujourd’huy l’on suit la Coûtume où le défunt avoit son domicile ; et on s’est fondé sur ce que les rentes constituées, com-me les autres choses incorporelles n’ont proprement aucune situation : ce qui fait que l’on condere l’obligation personnelle qui prédomine, et de laquelle l’hypothecaire n’est qu’acces-soire.

En Normandie le partage des rentes ne se regle point ny par le domicile du creancier, ny par celuy du debiteur, ny par le lieu où le Contrat a été passé, mais par la Coûtume du lieu où les biens du debiteur sont fituez : Cet usage est fondé sur ce qu’autrefois l’on croyoit que la constitution d’une rente en deniers ne pouvoit valoir si l’on n’y affectoit specialement quel. que fonds, ou qu’au moins celuy qui s’obligeoit ne possedoit quelques héritages.

Cette qualité d’immeubles que la Coûtume donne aux rentes constituées n’est pas perpetuelle, elle ne dure qu’autant de temps qu’elles subsistent, et que le rachapt n’en est point fait.

Car aprés le rachapr les deniers reprennent leur première nature de meuble, et appartiennen par consequent à l’heritier aux meubles.

Cet Article ajoûte une exception à cette regle en faveur des mineurs, en déclarant que les deniers pruvenans du rachapt de leurs rentes conservent leur nature d’immeubles, pour retourner aux parens du côté d’où elles étoient provenuës aux mineurs, de la même manière queesi les deniers étoient provenus de la vente de quelque fonds. Ce que l’on n’a pas introduir seulement pour éviter aux fraudes que les tuteurs pourroient commettre, lesquels étant ordinairement les plus proches parens, et par consequent heritiers aux meubles pourroient feinire des rachapts, ou en cas d’un véritable rachapt ne remplacer pas les deniers jusques-là mé-me que la majorité survenante n’aneantiroit pas cet immeuble fictif, dautant que ceux qui ont été sous la tutelle d’autruy, sont toûjours reputez mineurs à l’égard de leurs tuteurs jusques aprés la rendition des comptes : mais pour les heritiers autres que le tuteur, cette fiction qui conserve ou qui imprime à des deniers la qualité d’immeuble n’a pas un effet per petuel et ne dure que pendant la minorité, elle n’opere plus aprés la majorité ; de sorte que le mineur devenu majeur venant à déceder, les deniers cesseront d’être immeubles. De laLande , Coûtu-me d’Orléans, Article 351

Mais, à dire le vray, cette precaution est fort inutile en Normandie où il n’y a point d’acquests ny de meubles que les propres ne soient remplacez ; elle ne peut aussi servir pour les acquests, dautant que celuy qui succede aux meubles est pareillement heritier aux acquests cette disposition donc ne peut avoir de lieu que contre un legataire, mais comme les mineurs ne peuvent avoir d’acquests que ceux que son tuteur a faits, si on rétiroit un fonds qu’il auroit acheté, ou que l’on rachetât une rente qu’il auroit constituée pour son mineur, ces de-niers seroient-ils reputez immeubles : Car le rachapt ou la constitution n’ayant été faits que des deniers du pupille, on ne seroit pas dans le cas de cet Article qui n’imprime et ne conserve la nature d’immeubles qu’aux deniers qui proviennent de choses immeubles, comme du rachapt des rentes constituées ; mais lors que ces rentes ont été constituées des deniers même des mineurs il n’y a pas d’apparence d’admettre la fiction, parce que la raison de la Loy cesse entièrement, qui n’a introduit cet immeuble fictif que pour empescher la diminution des immeubles des mineurs et la fraude de leurs tuteurs. Cependant Brodeau sur l’Art. 94. de la Coûtume de Paris qui est conforme à cet Article, estime que l’exception contenuë en cet Article doit avoir lieu indistinctement pour toutes les rentes appartenans à des mineurs, tant celles qui leur sont échuës à droit successif, que celles qui ont été acquises à leur profit, parce que le titre de prad. minor. sine decr. non alien. s’entend aussi bien du fonds acquis que du patrimonial ; mais en l’espèce de cet Article il ne s’agit pas d’alienation, mais de perpétuer une fiction en reputant toûjours immeuble une rente qui a cessé actuellement de l’être.

Cet Auteur sur. le même Article traite cette question, si un oncle tuteur de son neveu fait une échange d’une rente constituée contre une terre située dans une Coûtume où le mâle exclud la femelle, et le mineur venant à mourir et son oncle à luy succeder avec une tante, sçavoir si cette tante pourroit demander part égale au fief comme elle auroit fait aux rentes baillées en contr’échange, comme n’ayant pas été au pouvoir du tuteur pendant la minorité de changer la nature et la qualité des biens de son mineur pour y succeder ; et suivant son avis la tante y seroit mal fondée, parce, dit-il, qu’il s’agit dé la conversion d’un im-meuble en un autre immeuble, et partant que l’on n’est point au cas de cet Article, qu’il faut partager les successions en l’état qu’elles se trouvent ; cela pourtant à mon avis doit recevoir beaucoup de difficulté, car l’alienation des immeubles du mineur étant nulle, lors qu’elle n’est point faite par autorité de tuteur ou par avis de parens, et la Coûtume reputant immeuble les deniers provenans du rachapt des rentes constituées pour éviter aux fraudes que les tuteurs pourroient commettre, il n’y a pas d’apparence de faire subsister une échange qu’un tuteur auroit faite dans la seule vûë d’en profiter seul et d’en exclure les autres heritiers, en cas que son mineur vint à déceder.

Cet Artiele ne s’entend pas seulement des rentes constituées dont les Contrats ont été passez devant Notaires, mais aussi de celles qui ne sont que sous signature privée, quoy que Loy-seau, des Offices, l. 3. c. 4. ait reputé mobiliaire les rentes constituées par simple cedule, et qui n’ont point été reconnuës en Justice.

Mais on demande s’il est point necessaire que pour la validité de ce rachapt, et pour la seu reté du debiteur, que ce rachapt se fasse par l’avis des parens : On répond que cette precaution n’est point necessaire au debiteur par ces deux raisons ; la premiere, dautant que le tuteur en vertu de son institution est suffisamment autorisé à faire tout ce qui dépend de sa charge de tuteur ; et la seconde, qu’il est de l’essence des rentes constituées qu’elles soient perpetuellement rachétables, et que le debiteur puisse en faire cesser l’interest dés le moment qu’il offre le remboursement du principal, ce qui a lieu même pour les rentes qui appartiennent à des communautez Ecclesiastiques dont le rachapt est valablement fait entre les mains de ceux qui ont l’administration de leurs biens. Voyez Loüet et son Commentateur, l. R. n. 32.