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CCCCCXIV.

Office venal quand immeuble.

Office venal est reputé immeuble, et a suite par hypotheque quand il est saisi sur le detteur par authorité de Iustice, avant resignation admise et provision faite au profit d’un tiers, et peut être ajugé par decret.

Voicy une espèce nouvelle d’un immeuble fictif, imparfait et extraordinaire ; la Coûtume declare immeuble l’Office venal lors qu’il est saisi. Quoy que les Offices de judicature soient maintenant publiquement venaux comme tous les autres on ne souffre pas neanmoins qu’ils soient vendus par decret, et la vente ne s’en peut poursuivre que par licitation qui se fait à la Barre de la Salle du Palais et les deniers qui procedent de ces licitations ou de la vente de tous autres Offices, se distribuent entre les créanciers selon l’ordre de leurs hypotheques comme d’un véritable immeuble : ce qui se pratiqueroit même quand on les reputeroit meubles, car en Normandie les créanciers sont payez sur les meubles selon l’ordre de leur hypotheque.

Depuis que les Offices ont fait une partie si considérable du bien d’une famille, les femmes ont taché d’y avoir bonne part, tant en proprieté qu’en usufruit : les heritiers du mary au contraire ont taché de faire moderer leurs droits : ce qui a produit plusieurs questions qui ont été décidées par les Arrests que j’ay rapportez sur l’Article CCCXXIX.

Mr le Bret en ses Décilions, l. 2. Dec. 2. traite cette question, si l’on peut revoquer la resignation que l’on en a faite ; Un Conseiller du Parlement de Paris avoit resigné son Office, et même il en avoit reçû le prix : les provisions du resignataire étoient signées, il ne restoit plus qu’à y mettre le seau, le marc d’or ayant été payé le resignant ayant changé de volonté, il oûtenoit que les resignations des Offices se devoient regler comme celles des Benefices, qu’en celles-cy l’on pouvoit revoquer la procuration jusqu’à ce qu’elle eût été admise par le collateur ; la seule resignation ne donnoit que jus ad rrm, c’est à dire une simple espèrance d’en être pourvû ; mais non pas jus in re, non videtur dimissum quod nondum ablatum, le public même avoit interest que les hommes consommez dans l’experience des affaires n’abandonaeassent pas si facilement leurs Charges : le resignanaire opposoit à ces raisons que fides est fundamentum justitiae, et qu’oncore que le Contrat ne fût pas entièrement parfait à l’égard du Roy, il l’étoit à l’egard du resignant qui avoit vendu et reçâ le prix, ce qui fut jugé en faveur du resigna-taire.

Dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 2. c. 14. il y à un Arrest contraire. par lequel Mr de Btoussel Conseiller au Parlement de Paris ayant vendu sa Charge à Mr le Bossu, qui avoit obtenu ses Provisions et qui demandoit l’execution de son Concordat, et neanmoins ayant depuis declaré qu’il vouloit continuer l’exercice de sa Charge, le Contrat de vente fut declaté resolu, et en consequence Mr de Broussel condamné à rembourser les frais des Lettres de provision obtenuës par Mr le Bossu, et à la restitution de la somme de douze mille livres avec les interests d’icelle,

On a jugé la même chose en ce Parlement en faveur de Mr le Marchand Lieutenant en la Vicomté de Roüen, qui fut mainienu en sa Charge au prejudice de Racine avec lequel il avoit traité, l’Arrest fondé sur cette raison qu’il ne falloit point chasser un Officier lors qu’il vouloit continuer l’exercice de sa Charge ; Je plaidois pour Racine.

Pour donner une ploine execution à la resignation d’un Office il faut qu’il y ait reception et prestation de serment, autrement il y a lieu au repentir, et lors que le resignant est deneuré en possession il est recevable à revoquer. De la Mare avoit traité de son Office de Maître aux Eauës et Forests du Bailliage de Gisors avec Charles Blor, qui obtint en suite ses Provisions : depuis de la Mare revoqua cette resignation et en fit une autre au profit de son freret ; Par Arrest du 3. de Juin 1617. au Rapport de Mi Martel, la revocation faite par de la Mart fut jugée valable.

Autre Arrest sur ce fait. Eacharie Pouchin traita de son Office de Mareschal du Guet en la ville de Caen avec Jean du Pont ; quelque temps aprés Pouchin donna action à du Pont pour voir juger la resolution de leur Concordat, prenant pour pretexte qu’il ne l’avoit fait qu’m extremis, et sur la promesse de du Pont de luy en faire la remise s’il retournoit en convalescence, et que d’ailleurs les choses étoient entieres : Tous ces faits étoient méconnus par du Pont, qui soûtenoit que l’on ne devoit pas considerer cet Office de Mareschal du Guet comme un véritable Office, parce qu’il se bailloit à ferme comme un héritage : Par Sentence du Juge de Caen vû que les choses étoient entières le Contrat fut déclaré refolu ; ce qui fut confirmé par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre le 23. de Mars 1662.

On plaida cette Cause en l’Audience de la Grand. Chambre le 18. de Juin 1636. si un fils de famille ayant traité par un prix excessif d’un Office en l’absence et sons l’aveu de son peré pouvoit être restitué contre le Concordat : Le pere empeschant l’execution du Traité, le fils difoit qu’on l’avoit fait traiter d’un Office de Conseiller au Presidial par quatorge mille livres constituez en mille livres de rente, qu’il n’avoit que cent livres de gages, qu’on l’avoit surpris étant à peine majeur, et qu’aprés tout puis qu’il y avoit une peine apposée par le Con-cordat, on ne pouvoit pretendre que le payement de cette peine, ce qu’il consentoit : Le vère ajoûtoit que n’ayant point été appellé à ce Traité il étoit nul, ayant refusé pour dix mille livres ce même Office que l’on avoit fait acheter à son fils par quatorze mille livres. L’on disoit au contraire que celuy qui avoit traité de son Office s’étoit fait pourvoir d’un autre, qu’il en avoit fait expedier les Provisions au nom de son resignataire, que le fils étoit majeur, Avocat en la Cour, et capable de traiter et de posseder l’Office : Par l’Arrest il fut dit que sans avoir égard aux Lettres de récision et à l’intervention du pere le Concordat seroit executé, nonobstant les offres du fils de payer la peine pour ressortir du Concordat, entre Mr le Mercier Avocat en la Cour, et Ms Jean le Mareschal Lieutenant General au Bailliage de Gisors.

On a demandé si la peine de mille livres apposée dans le Concordat de la vente d’un Office à faute par le refignant de faire expedier les Provisions dans un certain temps pouvoir être demandée vù l’inexecution de la condition, et le resignataire ayant été contraint d’aller en personne lever les Provisions à ses frais ; Herout qui avoit traité de son Office de Referendaire en la Chancellerie avec Etard y avoit été condamné par Sentence du Bailly de Roüens dont il étoit appellant : Greard son Avocat disoit qu’il y avoit trois espèces de peines, legales, arbitraires, et conventionnelles : La premiere étoit imposée par la Loy comme la peine du double, à faute par l’obligé de payer dans le temps prefix : La seconde étoit remise à l’arci bitration des Juges, selon les diverses cireonstances du fait et de l’interest des parties : Et la troisième dépendoit de la convention des parties. Suivant l’opinion de du Moulin en son Traité, De ce quod interest, quelque expresse que soit la Loy ou la convention des parties, il étoit noûjours en la puissance des Juges d’examiner leur véritable interest, et de consideres la perte et l’incommodité que l’on peut souffrir par l’inexecution de la convention : L’Ora donnance de Moulins du Doublement et Tiercement n’a jamais été pratiquée, mais quand il n’y auroit pas de lieu de la moderer, le vendeur avoit une excuse legitime ayant été empesché d’aller à Paris à cause de la maladie contagieuse dont la ville de Roüen étoit alors affli-tée, les habitans n’ayant pas eu la liberté de sortir pour aller ailleurs : que d’ailleurs celuy avec lequel il avoit traité étoit recompensé de ses frais, vù son offre de l’en rembourser. Je répondois au contraire que les Loix Civiles ne parloient que de la moderation de l’usure ou de l’interest qui avoit été stipulé, et non pas de la reduction d’une peine stipulée par une cont vention legitime des parties contractantes, laquelle devoit être pleinement executée quand elle ne blessoit point les bonnes moeurs ny l’interest public, que l’excuse que l’on proposoit n’étoit pas valable, car en ce même temps il n’avoit pas laissé d’écrire à Paris, et sa presence n’étoit pas necessaire pouvant faire expedier les Provisions par d’autres, que le retardement de sa reception le pouvoit éloigner du temps necessaire pour acquerir le privilege qui ne se gagne que par le service, qu’il avoit perdu l’interest de son argent, et qu’il avoit avancé les deniers necessaires pour les expeditions et pour les frais de son voyage : Par Arrest du 16. de pecembre 1670. en émendant la Sentence, la peine de mille livres fut reduite à huit cens livres. Quoy que le Contrat contienne une clause penale, et que suivant la disposition de la Magnam de contrah. et comm. stipul. et que dies interpellet pro homine, néanmoins pour constituer quelqu’un en retardement l’interpellation est necessaire, car les clauses resolutoires ne ont jamais prises à la rigueur et ne passent que pour comminatoires Si le resignataire ne pouvoit être reçû à l’Office dont il auroit traité, pourvû que l’empeschem ent ne procedût point du chef du Titulaire de l’Office, il ne poutroit se dispenser de payer le prix du Concordat, comme il fut jugé en cette espèce. Me Michel de la Broise Conseiller aux Hauts Jours de l’Archevéché de Roüen, et Procureur Fiscal en la Haute Justice de Preaux, traita de ces deux Offices avec Ms Edme Hardoüin qui fut reçû en la Charge de Conseillet aux Hauts Jours, mais le Seigneur de Preaux refusa de luy donner les Provisions de l’Office de Procureur Fiscal, cela luy donna lieu lors qu’il fut poursuivi par Demoiselle Loüise le Cavelier, veuve du sieur de la Broise, et tutrice de leur fille mineure, de payer le prix du Con-cordat, de contester ce qu’il devoit pour l’Office de Procureur Fiscal, parce qu’il n’avoit pû être reçû, demandant qu’à cet égard le Concordat fût declaré nul, et entant que besoin il se pourvût contre iceluy par Lettres de récision ; mais en ayant été debouté le Févre remontroit que quand l’Appellant avoit traité de cet Office de Procureur Fiscal la Terre de Preaux étoit saisie à la requête du Procureur General de la Chambre de Justice, et que par consequent le sieur des Bordes Gruin proprietaire d’icelle n’en avoit plus la disposition, et qu’il n’étoit pas raisonnable que n’ayant pû se faire recevoir à cette Charge il en payât le prix e répondois pour la Demoiselle de la Broise qu’il y avoit grande différence entre les Offices Seigneuriaux et les Offices Royaux : les Seigneurs Hauts Justiciers n’étoient pas tenus d’admettre des resignations, que Hardoüin n’ignorant point cet usage lors qu’il avoit traité sans aucune exception il avoit bien voulu courir le peril d’un refus : Par Arrest en la Grand. Chambre du 19. de Decembre 1669. la Sentence fut confirmée

Sur cette question proposée parBerault , si l’on peut arrêter les gages des Officiers. On cite ordinairement la l. 40. de re jud. D. commodis premiorum quae propter coronas facras prestantur condemnato placuit interdici, & eam pecuniam jure pignoris in eam causam capi posse, mais cette Coy ne fait pas une décision generale suivant l’explication de MrCujas , hac pramia, inquit, ve annonae publica possunt capi in causam judicati, judicato prohibito ea percipere, & quo die percipi solent executore rei judicata, ea auferente judicati faciendi causa, quo argumento dici potest etiam commoda que Clericis prastantur capi posse, & in causam judicati converti posse, & hoc probatur ex c. 2. extrav. de fidejuss. item stipendia quoque militum quoniam, l. stipendia militum, de execut. rei judic. sub conditione tantum vetat pignora militum pignori capi, si alia ratio non competat que rem udicatam perducat ad effectum. Ex conventione vero constat hec omnia commoda jure non obligari, spem que res pign. oblig. poss. vel non, C. spem eorum pramiorum quae pro coronis Athletis prestanda sunt privata pactione pignori obligari minimè admittendum est, et ideo nec si generale pactum de omnibus pignori obligandis intervenit, tenet.Cujac . in Comment. Ad l. 40. lib. 10. resp.Papin .

Juivant cette disposition du Droit Civil, plusieurs ont estimé que l’on ne pouvoit saisir les gages des Officiers de Finance ou de Judicature, quand le creancier a le moyen de se pourvoir sur d’autres biens. On pratique le contraire à la reserve des gages des Officiers Com-mensaux et Domestiques de la Maison du Roy : Pour le revenu des Beneficiers, il peut être arrété en leur laissant neanmoins une portion convenable pour leur subsistance ; cette question fut plaidée en l’Audience de la Grand. Chambre le 8. de May 1670. si un Curé peut demander que sur les fruits de son Benefice saisis par ses créanciers on luy ajugeast une provision pareille à la portion congruë, sans y. comprendre les terres d’aumone : M’Robert de Croisilles Conseiller au Pre-idial de Caen, avoit fait saisir les dixmes de Mr le Feron, Cuté de Misi, pour les arrerages de vingtquatre liv. de rente : elles furent ajugées avec les terres d’aumone à deux cens quatre-vingt livres, et à condition d’en payer deux cens livres au Curés sur l’appel par le Curé, du Hecquet conclud que la provision ne pouvoit être moindre de trois cens livres, sans y. comprendre les terres d’aumônes e soûtenois au contraire pour le sieur de Croisilles qu’il y avoit de la difference entre sa denande et la portion congruë. Celle-cy étoit favorable parce que c’étoit une espèce de restitu-tion que l’on faisoit aux Curez, mais lors qu’ils payoient leurs dettes ils faisoient eux-mêmes. ne restitution et déchargeoient leurs consciences ; c’est pourquoy il n’étoit pas raisonnable de sieur accorder une si grande provision, ce qui étoit conforme à la disposition du Droit Canonique, c. 2. exrr. de fidejuss. par l’Arrest on cassa la Sentence en ce que l’on y avoit compris les Obits, et on luy accorda deux eens livres en ce non compris les Obits.

Le 25. de Juin 1653. en la Chambre de l’Edit on agita cette question, si les Arpenteurs sont treés en titre d’Office, ou si c’est un Art liberal que chacun peut exercer en faisant Serment en Justice ; Cheneau s’étoit fait pourvoir d’un Office d’Arpenteur par Mr le Duc de Longueville, et le Bailly de Longueville avoit fait défenses à toutes autres personnes de faire l’Office d’Arpenteur. Boitout en ayant appellé, je soûtenois que c’étoit un Art liberal qui faisoit une partie de la Ocometrie : le Roy avoit un Office de grand Arpenteur pour ses forests, mais cela n’empeschoit point que les particuliers qui en étoient capables n’en fissent la fonction pour ceux qui les employoient : Baudry pour Mr le Duc de Longueville répondoit que l’on avoit Bacquet autrefois disputé si les Seigneurs Hauts-Justiciers avoient droit de poids et mesures à Bacquer, 1. du Dom, c. 4. dit que par Arrest du Parlement de Paris, la Provision fut ajugée aux HautsJusticiers ; or un Arpenteur étoit compris sous le nom de Mesureur, si menser falsum modum dixe-rit. Par l’Arrest en recevant le Procureur General appellant de son chef, en reformant la Sentence, on permit aux particuliers de se servir de tous Arpenteurs ayant Serment en Justice.

Voyez Godefroy sur l’Article 32. et l’Ordonnance de Henty IV. de l’an 1597. Article 25-dés5 Eaux et Forests.

Ricard sur l’Article S. de la Coûtume de Paris fait mention d’une Mercuriale tenué au Parlement de Paris, sur quelques propositions faites touchant la natute des Offices, et qu’il y fut arrété qu’il étoit à propos que par un droit tous les Offices de Judicature ou de Finance, les domaniaux et ceux qui ont été creés ou faits depuis hereditaires, quoy que non domaniaux à l’exception des Offices dont on joüit sur provision en blanc, soient reputez immeubles, tant en païs Coûtumier que de Droit écrit à l’égard des communautez et successions pour être partagez et reglez ainsi que les autres immeubles, sçavoir ceux échus au défunt par suceession sentre les plus proches heritiers de leurs propres, les autres par eux acquis entre leurs heritiers aux acquests, sans préjudice de la faculté donnée aux matis de retenir les effets en remboursant les deniers, et qu’au respect des créanciers lesdits Offices seront reputez immeubles non-obstant toutes les Coûtumes et Arrests contraires sans innover au surplus, pour ce qui a été jugé à l’égard du doüaire Coûtumier qui seroit excessif s’il avoit lieu sur les Offices indeciniment.

Cette même jurisprudence étoit établie en Normandie, tant à l’égard des femmes que des herit iers, et les Offices dans les successions étoient partagez comme les autres immeubles, ceux échus au défunt par succession se partageoient comme propres, et par Arrest du 27. de May 1660. donné en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Georges Chrêtien et la Demoiselle du Ménil. Adelée, femme d’un nommé le Long, il fut jugé qu’une charge de Lieutenant de Longue-Robe en la Prevôté de Normandie, qui avoit été possedée à droit successif, appartenoit à l’heritier au propre au préjudice de l’heritier aux acquests ; plaidans Theroude et Darand. Et par l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article CCexXXVIII. on reputa les Offices tellement immeubles, que l’ainé qui avoit son préciput fut exclus d’y prendre part avec ses freres puisnez. Mais pour ne faire pas ce préjudice aux ainez, on a tenté de changer cette jurisprudence par l’Arrest que j’ay rapporté en l’Addition sup ledit Article 338. mais qui depuis n’a pas été suivy.