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QUELLES CHOSES SONT CENSÉES MEUBLES, QUELLES CHOSES IMMEUBLES.

CCCCCIV.

Obligations quand reputées meubles, et quand immeubles.

Obligations et cedules faites pour choses mobiliaires sont reputées meubles : comme en pareil les obligations qui sont faites pour choses immeubles sont reputées immeubles.

ES obligations, noms, raisons et actions à parler proprement ne sont meubles ny immeubles, parce que cette dénomination de meuble ou d’immeuble ne peut convenir qu’à ce qui est corporel et materiel ; Mobile est si ea res ex uno loco inalium transferri possit, l. 3. 5. 18. D. de adquir. possess. immobile si sit res que suo loco immota consistat, l. Acerous, eo. D. quod in ait illam, la substance des obligations n’a rien de corporel, sed juris intellectum habet sine ullo corpore, et aussi les Jurisconsultes Romains ayant exactement examiné la nature de toutes ces choses, ils ont fait une troisième espèce des noms, obligations et actions ; mais nos Praticiens François se sont contentez de diviser nos biens en meubles et immeubles, de sorte que toutes les obligations et actions se reduisent à l’une ou à l’autre espèce, ainsi l’obligation conçûë pour chose nobiliaire est reputée meuble ; et au contraire quand la chose demandée est immeuble l’action en est reputée immobiliaire. Il semble que Bartole a été l’Auteur de ces distinctions sur 4 l. Moventium D. de verb. signif. nomina debitorum judicantur fecundum naturam eorum, que in ipsis continentur : Si oblixatio continet quid mobile et pro mobili proponitur mobilis est. Si pro immobili censetur immobilis. La Coûtume de Paris, Article 89. a dit pareillement que cedules et obligations faites pour choses mobiliaires, sont censées et reputées meubles : Nos Jurisconsultes conviennent que les actions sont de telle nature que les obligations, et que pour juger de ce qui peut revenir d’une action, on ne considère pas sur quelle sorte de bien elle est à prendre, mais seulement ce qui en peut revenir ; l’action pour avoir la delivrance d’une donation d’immeubles, la faculté de retiter une terre sont sans doute des actions immobiliaires, au confaire les cedules causées pour argent prété pour vente de quelques marchandises, comme bleds, vins, étoffes, sont purement mobillaires.

Et quoy qu’il semble que suivant ces regles le discernement des obligations se puisse faire aisément, et que l’on puisse juger sans peine de la natute de chaque action, il ne laisse pas de l’y rencontrer beaucoup d’ambiguité, et les Docteurs sont souvent partagez sur l’explication de ces principes, je proposeray quelques exemples qui pourront servir d’éclaircissement à cette matière.

Si l’acquereur d’un fonds n’en a point entièrement payé le prix, on demande si cette somme loit être acquittée par l’heritier ou par le légataire universel des meubles, ou par celuy qui possede ce fonds, dont une partie du prix est encore dûë : Une veuve légataire universelle des meubles de son mary soûtenoit que l’obligation étant causée pour fachapt d’un fonds elle devoit suivre sa cause et son sujet, nam res empta non fit emptoris, nisi soluto pretio ; cette obli-gation étoit speciale sur le fonds, étant dûë pour Iacquest d’un immeuble on la doit reputer immobiliaire, et elle doit suivre le possesseur du fonds : par cet acquest les meubles ne sont polnt accrus, au contraire les immeubles en sont augmentez ; il ne seroit donc pas juste qu’elle ponât la charge et que le possesseur en eût le profit : L’heritier à limmeuble opposoit à la reuve que leur question se décidoit par la nature de lobligation, que sans difficulté elle étoit mobiliaire, parce que lon ne pouvoit demander au défunt que des deniers, et s’il eût vécu il l’auroit payée de ses meubles, lesquels par ce moyen en eussent été diminuez : Par Arrest donné par Rapport le 23. de Decembre 1620. la veuve fut condamnée de payer le prix qui restoit dû pour la vente de l’héritage, entre les héritiers de Jacques Mahier et Françoise Coupel sa veuve, et femme en secondes nopces de Pellerin, et Pitart, et Maillart. Autre Atrest du 8. de May 1626. au Rapport de M’Auber, entre Me Pierre Vautier Conseiller au presidial de Coûtances, et Demoiselle Marie de Camrond, veuve en secondes nopces de F Me Estienne Lastelle Lieutenant à S. Sauveur le Vicomte, légataire aux meubles de son premier mary, et Mr Jean Jourdan, et autres heritiers aux acquests dudit Lastelle Dans le cas opposé quand les deniers de la vente d’héritage sont encore dûs au vendeur, on a pareillement revoqué en doute s’ils appartenoient aux legataires ou aux heritiers qui auroient succedé à l’héritage s’il n’avoit point été aliené ; Il semble que la dette étant contractée pour l’acquisition d’un immeuble, laction qui naist de ce Contrat doit être de même nature, dautant que lon doit considerer le titre, l’origine et la cause de la demande : par exemple, si un lot est chargé de payer par recompense une somme à l’autre lot, cette sours est censée immobiliaire ; par la même raison les deniers dûs par l’acquereur ont fonction d’immeuble à cause de la subrogation qui leur donne l’effer et la qualité de la chose alienée, l. Filia, S. Titia, D. de condit. et demonst. l. Imperator Antoninus, S. fin. D. leg. 2. Ceite question a été jugée diversement au Parlement de Paris, comme on le peut remarquer par les Arrests rapportez parBrodeau , sur l’Article 178. de la Coûtume de Paris, et par de laLande , sur l’Article 31. de la Coûtume d’Orléans ; mais ce même Auteut dit qu’il s’en faut tenir à un autre Arrest, par lequel il a été jugé qu’une somme dûë à cause d’un propre vendu, bien qu’elle ne fût payable qu’à un terme qui n’étoit pas encore échû, seroit baillée à l’heritier nobiliaire. Autre semblable Arrest rapporté dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 3. c. 7. les légataires soûtenoient que la somme leur appartenoit pour le tout, que régulierement tous deniers sont reputez meubles, parce que l’argent de soy est un meuble, ainsi le prix d’un héritage vendu ne pouvoit être censé un immeuble : la succession fe doit partager en l’état qu’elle se trouve ; et comme l’action pour demander ce qui restoit dû du rix de la vente étoit mobiliaire, parce qu’elle n’avoit pour but qu’une chose mobiliaire, telle qu’est une somme de deniers, elle appartient à l’heritier aux meubles ou au legataire qui entre en sa place ; les heritiers collateraux pretendoient que le restant du prix de la vente étoit un immeuble propre à leur famille, et que c’étoit le cas où l’on dit que pretium succedit loco reis et subrogatum sapit naturam subrogati : Par l’Atrest en emendant la Sentence qui ajugeoit les deniers aux heritiers collateraux, ils furent ajugez aux legataites comme meubles. C’est aussi le sentiment de Mr d’Argentré , Art. 412.Tiraqueau , de retract. gent. 8. 1. glos. 7. Godefroy s’attachant à l’Arrest de Jagaut rapporté par Bérault a été d’un sentiment contraire, mais il devoit remarquer le motif de l’Arrest que l’obligation dont àl s’agissoit étoit causée pour la vente d’un propre dont il faut faire nécessairement le remploy sur les meubles quand il n’y a point d’acquests, et en ce cas il est superslu à l’égard de l’heritier au propre de disputer si c’est un meuble ou un immeuble ; car de quelque nature que soit l’obligation le propre doit oûjours être remplacé, ce qui n’étoit pas en controverse en l’Arrest de Jagaut, mais parc que la fille qui pouvoit demander le remploy étoit motte, sa mere devenuë son heritiere pretendoit que l’action du remploy ne devoit pas être perpetuelle, que ces deniers qui eussent été sujets au remploy du propre aliené avoient changé de qualité par la mott de la fille, et qu’ils ne tenoient plus que nature de meuble en sa succession. Mais comme en cette Province outes nos Maximes tendent à la conservation des propres, on jugea à cause de la minorité de la fille que ces deniers ayant été une fois affectez au remploy du propre ils n’avoient point cessé de l’être par la mort de la fille, mais hors ce cas il est sans difficulté que les deniers dûs pour la vente d’un héritage dont il ne seroit point dû de remploy sont meubles ; si par exemple. un mary avoit acquis un héritage et qu’il l’eûr tevendu, les deniers qui resteroient dûs seroient un pur meuble, et c’est ce qui fut jugé par un autre Arrest remarqué par Bérault pour la veuve, dix mois aprés il avoit vendu un héritage qu’il avoit acquis, et aprés sa mort les deniers de cette vente ayant été trouvez en essence ils furent ajugez à la veuve legataire au prejudice de l’heritier qui soûtenoit que ces deniers étoient un immeuble, comme procedant de la vente d’un héritage. Comme en la Coûtume de Paris on ne pratique point le remploy des propres, il a été jugé au Parlement de Patis que l’action qui n’alloit qu’à la repetition du prix des propres alienez étoit purement mobiliaire ;Ricard , Art. 132. de la Coûtume de Paris : mais nos Maximes sont contraites, les raisons de l’Arrest cité par Berault furent que l’ac-uest n’est point sujet à remploy, celuy qui l’a fait en est le maître comme étant un ouvrage de ses mains, et si l’homme qui a fait des acquests n’en pouvoit disposer il seroit en curatelle.

Mr d’Argentré a estimé que l’action pour les interests d’éviction étoiae immobiliaire, quiersi fecundaria obligatio in interesse pecuniarium resolvitur, primaria tamen que rei tradendae est, aut frui licere non est pecuniae et immobile continet, cujus natura primum spectanda est, ideoque mmobile debitum putandum est ; Art. 219. glos. 3. n. 6. On poutroit faire cette distinction entre es interests qui sont demandez par l’acquereur qui a souffert l’éviction et ceux qui sont dûs par le vendeur, pour l’acquereur on peut dire suivant le raisonnement de M d’Argentré que son action a pour sa fin principale ut frui liceat, que le fonds luy soit conservé, et qu’il en uisse demeurer paisible possesseur ; et bien que le vendeur ne le puisse faire joüir et que l’action se reduise à des interests, toutefois parce que la chose demandée par l’acquereur est un imneuble, l’action formée pour l’obtenir doit être reputée immobiliaire, et c’est aussi l’opinion de Berault sur cet Article : on oppose au contraire que quand l’acquereur a été dépossedé et qu’il ne reste plus d’autre conclusion contre le vendeur, que pour le faire condamner à ses interests à faute de l’avoir fait joüir, on ne peut plus dire que son action ait pour but une chose immobiliaire, mais seulement une somme de deniers qui ne sont qu’un meuble, et par consequent si pour sçavoir sous quelle nature de biens une action doit être comprise il faut onsidérer la destination ou la fin qu’elle a, ou l’effet qu’elle produit ; l’action pour les interests d’une éviction soufferte ne peut être que mobiliaire, de forte qu’il faut mettre de la dif-férence entre l’action où l’acquereur conclud que le vendeur le doit faire joüir, auquel cas. lle est immobiliaire, et l’action qui n’a pour but qu’une condamnation d’interest pour l’éviction que l’acquereur a soufferte, qui est purement mobiliaire.

La question est plus aisée pour les interests qui sont dûs par le vendeur, lors qu’il s’agit de ravoir s’ils doivent être payez par l’heritier aux meubles, ou par l’heritier aux immeublez l est sans difficulté que cette dette doit être acquittée par l’heritier aux meubles, ce qui a été ugé en la Chambre des Enquêtes par Arrest du 17. de Mars 1654. au Rapport de Mr le Noble entre la femme de Pierre Roussel legataire universelle des meubles de son mary, et Jean Roussel deritier aux immeubles : Il fut dit que les interests d’éviction d’un partage vendu par les nommez Vireron, dont Pierre Roussel representoit le droit, devoient être payez par l’heritier aux meubles.

Corbelin ayant besoin de sept cens livres pour employer au retrait d’un héritage, il les emprunta de son oncle qui stipula qu’il joüiroit de l’héritage jusqu’à ce qu’il fût remboursés quelques années aprés cet oncle remit l’héritage à son neveu, et le tint quitte des sept cens ivres ; aprés sa mort les heritiers soûtenoient que les deniers donnez par cet oncle étoient unimmeuble, et par consequent il n’avoit pû les donner à un de ses heritiers au prejudice des. autres, et le Vicomte avoit jugé suivant leurs conelusions, le Bailly ayant cassé la Sentence et déclaré le testament de l’oncle valable, comme étant immeuble : Par Arrest du 28. de Juillet 1656. la Cour en émendant la Sentence du Bailly, ordonna que celle du Vicomte seroit executée, l’Arrestmondé sur ce que l’oncle au lieu de l’interest avoit stipulé la joüissance de l’héritage, ce qui rendoit la chose immeuble comme étant une constitution de rente, plaidans le Canu et Maurry.

Comme les Offices ont été souvent chargez de taxes, procez se mût entre une veuve legataire universelle des meublas de son mary, et l’heritière aux immeubles pour sçavoir à qui c’étoit de les payer. Me Nicolas Guillard avoit acquis l’Office de President en l’Election d’Evreux constant son mariage, le Roy ayant fait de grandes taxes sur les Elûs d’Evreux, ils en composerent moyennant vingt-trois mille livres qu’ils devoient payer en certains termes. Le sieur Guillard étant mort, sa veuve legataire universelle aux meubles et le mineur heritier dudit déunt payerent plusieurs sommes en déduction de ces taxes. Procez se mût entr’eux pour sça-voir lequel de l’heritier aux immeubles, ou de la veuve legataire étoit obligé de payer ces taxes ; la veuve legataire disoit que ces taxes avoient été faites pour l’acquisition de droits hereditaires qui avoient été annexez à l’Office, et qui par consequent en augmentoient la va-eur, et dont l’heritier aux immeubles profitoit, que c’étoient des dettes de l’Office qui suivervoient l’Officier comme des Charges réelles de l’Offices, sur lequel n’ayant aucun droit pro-priétaire elle ne devoit point porter les dettes qui devoient être reputées de la même nature que le prix d’une rente constituée, puis qu’en effet cette augmentation de droits étoit une constitution sur le Roy : cela fut jugé de la sorte, parce que la veuve ne pretendoit aucun droit de doüaire et de conquest sur lesdits droits heréditaires ; sur l’appel de l’heritier elle soûtenoit que les taxes étoient une dette du défunt purement mobiliaire, et que par consequent elle devoit être acquitée sur les meubles, qu’il ne falloir point regarder la cause pour laquelle la those étoit dûé pour juger de la nature de la dette ; il suffit de considerer le but et la fin de l’action où le traitant ne demandoit que de l’argent, et l’attribution de droits ne changeoit point la nature de la dette : Par Arrest du 2. de Decembre 1655. au Rapport de Mr Clement, en émendant la Sentence, il fut ordonné que la veuve rendroit aux heritiers ce qu’ils avoient payé, parce qu’elle auroit part au tevenu des droits attribuez à l’Office : entre Antoinette Bucaille tutrice des enfans de Mr Noel Guillard son mary, vivant heritier de Me Nicolas Guil-ard son oncle, appellante ; et Dolain, Berthelot et le Mareschal, heritiers de Catherine Potey, veuve dudit Nicolas Guillard, Intimez.

Une somme mobiliaire qui devoit être payée aprés la moet du debiteur en une rente constituée, fut declarée immeuble sor ce fait. Demoiselle Marie Voisin, veuve du sieur de Bier-ville le Vilain, en mariant sa fille à Me Adtian le Botey Conseiller en la Cour des Aydes, luy donna pour son don mobil huit mille cinq cens livres, dont elle paya six mille livres comptant, et pour les deux mille cinq cens livres restans ils devoient être payez par ses heritiers au moyen d’une rente de deux cens cinquante livres à elle dûë par des particuliers : le sieur le Botey étant mort, Catherine le Vilain contracta un second mariage avec le sieur Marescot aussi Conseiller en la Cour des Aydes : Adrianne le Botey, seule fille du sieur le Botey, étant morte peu de temps aprés son pere, les sieurs de Marolles, le Botey et autres heritiers au propre de cette Demoiselle demanderent au sieur de Bierville, héritier de la Demoiselle Voisin, qu’il leur fournit et deléguât en bonnes constitutions deux cens cinquante livres de rente, pretendant que la rente ayant passé d’Adtian le Botey à sa fille c’étoit un propre pasernel : les sieurs Marescot, freres uterins d’Adrianne le Botey, se persuaderent que ces deux nille cinq cens livres restans du don mobil étant un meuble qui n’étoit payable qu’aprés la mort de Marie Voisin, il leur appartenoit comme heritiers aux meubles et acquests de leur seur uterine ; les sieurs le Botey disoient que la chose dûë étoit une rente de deux cens cinquante livres, et bien que cette rente fût dûë au lieu des deux mille cinq cens livres restans du don mobil, et que le terme de le payer fût reculé aprés la mort de la donatrice, c’étoit toûjours une rente qui étoit dûë qui avoit passé du pere à la fille et faite propre en sa personne. Pour juger de la nature d’une obligation il faut examiner quid sit in exactione, in exei utione et solutione obligationis ; Marie Voisin avoit obligé ses heritiers de fournir une rente et non des deniers, l’action tend pour avoir une rente, et partant on ne peut douter que l’obligation et la chose promise ne soient un immeuble suivant cet Article : Par Arrest du mois de Juin 1635. au Rapport de Mr Busquet, la Sentence des Requêtes fut confirmée, qui ajugeoit aux heritiers au propre les deux cens cinquante livres de rente.

Voicy un autre exemple d’une obligation immobiliaire, par Arrest du 8. d’Avril 1658. u Rapport de Mr Cormier, il fut dit qu’une femme ayant été colloquée à l’ordre des deniers du decret des biens de son mary, quoy que ces deniers là fussent encore aux mains du Receveur les Consignations, ils étoient immeubles et appartenoient aux heritiers au propre ; et par auire Arrest au Rapport de Mr Auber du 4. de May 1661. entre du Prey et les Turpins, il fu jugé que l’opposition d’un fils au decret des biens de son pere, pour avoir le bien de sa mere aliené, étoit une action immobiliaire, et que les enfans de ce fils avoient un tiers Coûtumier sur ces deniers : il n’est pas inutile de faire iey cette reffexion, que quand il s’agit de deniers pour les faire servir et les employer à un remploy de propres, nos Maximes sont toûjours opposées à celles du Parlement de Paris, et nous reputons toutes ces sortes d’actions immobiliaires.

Pour l’action qui appartient aux heritiers du mary pour repeter la moitié des deniers déboursez pour retirer un fonds au nom de sa femme elle est mobiliaire, car le mary n’a fourny que des deniers, et l’on n’agit que pour repeter des deniers.


CCCCCV.

Fruits, grains et foins quand sont meubles.

Les fruits, grains, et foins étans sur la terre aprés le jour de la Nativité Saint dean Baptiste encore qu’ils tiennent par les racines, et ne soient coupez ne siez, sont neanmoins censez et reputez meubles, fors et réservé les pommes et les raisins, qui sont reputez immeubles jusques au premier jour de Septembre. Et quant au bois il n’est reputé meuble s’il n’est coupé.

Par la disposition du Droit Romain les fruits pendans par les racines font partie du fonds, et par cette raison ils appartiennent à celuy auquel l’héritage retourne. La Coûtume ameublit les fruits, les grains et les foins d’une autre maniere, et ils cessent de faire partie du fonds aprés le jour de S. Jean Baptiste, encore qu’ils ne soient pas coupez ny siez et qu’ils tien nent par les racines, et les pommes et les raisins ne sont reputez immeubles qu’aprés le premier jour de Septembre ; et sur ce fondement si la vente d’un fonds est faite avant la S. Jean le vendeur a les fermages à proportion du temps, et l’acquereur a le reftant du jour de son Conrat jusques à la S. Michel, qui est le terme ordinaire où les baux à ferme commencent : ainsi jugé au Rapport de Mr Brice en la Grand. Chambre le premier de Docombre 1657. voicy un cas singulier où les fruits et les grains ont été reputez meubles avant la S. Jean. Ui Curé légua par son testament tous ses meubles et les dixmes de la S. Jean aux pauvres et à d’autres particuliers, il mourut aprés Paques, mais avant la S. Jean : il se mût procez entre ses heritiers nommez Guerout et les legataires touchant les dixmes, que les heritiers pretendoient être immeubles suivant cet Article ; sur l’appel de la Sentence qui déclaroit le testa-ment valable, de Cahagnes pour les heritiers soûtenoit que ces dixmes dont le teftateur avoit disposé étoient un véritable immeuble par la disposition expresse du Droit et de la Coûtume, et que par consequent elles n’appartenoient point aux legataires ausquels on n’avoit donné que ses meubles, et bien que les fruits fussent acquis au Cuté aprés Paques par un droit particulier, il ne s’ensuivoit pas qu’ils fussent meubles dans la succession du Curé, et ils ne le pou-voient devenir qu’aprés le temps porté par cet Article. Maurry pour les légataires demeuroit d’accord que fructus pendentes sunt pars soli, et qu’ils ne sont reputez meubles par. cet Article qu’aprés la S. Jean ; mais à cette fiction que la Coûtume avoit fait, pour ameublir les ftuits encore pendans par les racines il falloit encore ajoûter une seconde fiction pour les dixmes desquelles sont meubles aussi-tost qu’elles sont gagnées par le Curé à Paques, autrement si elles étoient encore immeubles elles appartiendroient au Curé successeur, parce que les immeubles de l’Eglise ne passent point aux heritiers, en tout cas les legs devoient valoir ; de sorte que les heritiers n’y pouvoient avoir aucune part, car en les reputant immeubles elles appartiendroient aux legataires, par cette raison que le testateur pouvoit disposer d’une année de son revenu, dont ces dixmes faisoient partie, pour causes pieuses et pour recompense de services : Par Arrest en la Grand-Chambre du 5. de Juillet 1652. la Sentence fut confirnée

Berault avoit agité la question entre lheritier aux meubles et lheritier aux immeubles, et son avis étoit que les dixmes appartenoient à l’heritier aux meubles, parce que quand on les reputeroit immeubles ce seroit un acquest qui suit les meubles. Pour les heritiers des Curez s’est un usage constant en Normandie, qu’à la réserve de l’Evéché d’Evreux quand le Curé décede aprés Paques les dixmes appartiennent à ses heritiers, quoy que les fruits ne soient point ameublis. Godefroy estime, suivant la jurisprudence du Parlement de Paris, que le successeur au Benefice en doit avoir le tiers ; mais nôtre Usage est contraite, il n’y a que dans l’Eveché d’Evreux où les fruits ne sont pas acquis au Curé et à ses heritiers s’il n’a surécu aprés le Dimanche que l’on appelle de Letare.

Comme nôtre Coûtume est différente de celle de Paris en ce qu’elle repute meubles les fruits et les grains aprés la S. Jean, et qu’au contraire celle de Paris, Article 92. ne les estime meubles s’ils ne sont coupez, comment en useroit-on entre des legataires, des heritiers aux neubles, et des heritier, au propre, s’il arrivoit qu’un homme domicilié à Paris et qui aoit les héritages en Normandie mourût aprés la S. Jean : Bérault étoit de ce sentiment qu’entre de legataire et lheritier aux immeubles les fruits qui sont sur les terres d’une Province doivent être reputez meubles du jour que la Coûtume d’icelle les repute meubles, et par consequent les fruits des héritages étant en Normandie appartiendroient au legataire ; mais que s’il étoit uestion entre les heritiers du partage d’iceux il seroit reglé selon la Coûtume du lieu où le propriétaire étoit domicilié lors de son decez. Il faut refoudre, à mon avis, indistinctement ue tant à l’égard des legataires que des heritiers l’on doit suivre la Coûtume du lieu où les fruits sont excrus : Il est bien vray que les meubles se doivent partager selon la Coûtume lu lieu où le défunt avoit établi sa demeure, mais quand il s’agit de determiner si des fruits doivent être censez meubles ou immeubles, l’on doit suivre la Coûtume de la situation de héritage sur lesquels ils sont excrus ; de sorte que si le défunt demeuroit à Paris lors de son decez, quoy que par la Coûtume de Paris les fruits ne soient estimez meubles s’ils ne sont coupez, neanmoins la Coûtume de Normandie les reputant meubles aprés la S. Jean leur nature ne doit pas être reglée par la Coûtume de Paris, mais par celle de la situation des herigages qui ont produit ces fruits, le domicile fait bien la regle du partage et par cette raison ce qui est reputé meuble en tous lieux doit être partagé selon la loy du domicile, mais il ne regle pas la nature et la qualité des biens ; de sorte que quand ils sont en divers lieux, et que ce qui est censé meuble dans une Coûtume ne l’est pas dans l’autre, celle de la situation de la chose doit être suivie, comme pouvant donner la loy et definir la nature et la qualité de ce qui est dans son térritoire.

Par ce même principe si un homme domicilié en Normandie possedoit des héritages en rance et qu’il mourût aprés la S. Jean, mais auparavant que les grains et les fruits étans sur ces héritages fussent coupez, ils appartiendroient incontestablement à celuy qui auroit le fonds en partage, parce qu’ils seroient encore un meuble et qu’ils feroient partie du fonds, et quoy que par la Coûtume de Noimandie les fruits et les grains aprés la S. Jean soient ameublis. arce que cette Coûtume n’a pas l’autorité de regler ce qui est hors de son détroit Cet Article ajoûte que le bois n’est pas reputé meuble s’il n’est coupé, là-dessus cette question s’est mûë. Nicolas Genevray acheta de la Demoiselle du Quesne Bourneville des bois taillin pour les couper en trois années consecutives ; Ifaac des Ruës fermier de l’Abbaye de Preaux se fit payer de toute la dixme qui pouvoit être dûë pour la coupe du bois entier ; l’Abbé de Preaux étant mort avant la seconde coupe, l’Oeconome fit un nouveau bail à Philippes Marete qui demanda la dixme de la coupe faite depuis son bail : Des Ruës premier fermier disoit qu’elle luy appartenoit parce que le bois avoit crû durant sa joüissance ; le Juge du Ponteaudemer luy en ayant ajugé les deux tiers et lautre tiers à Marete, je conclus pour Marete qu’il avoit été mal jugé, et qu’on ne devoit point considèrer le temps auquel le bois avoit crû, mais celuy auquel on l’avoit coupé, c’étoit le temps de la perception qui donnoit ouverture au droit et à la demande de la dixme. Les premiers hommes n’offrirent les dixmes de leurs fruits qu’aprés l’heureuse recolte qu’ils en avoient faite, et non pas pour les avoir simplement semez ou plantez. Des Ruës ne pouvoit avoir plus de droit que les heritiers du défunt Abbés or leur action eût été incivile s’ils avoient demandé cette dixme contre l’Oeconome, parce qu’ils ne pouvoient demander la dixme que des choses qui avoient été perçûës ou dont le droit étoit acquis à l’Abbé ; mais il ne pouvoit recueillir la dixme du bois qui non seulement n’étoit point coupé, mais aussi qui n’étoit pas en coupe, la Coûtume ne reputant le bois meuble que quand il est coupé, en quoy la Coûtume est conforme au Droit Civil ; et par les Articles CCCCCXVI. et CCCCCXVII. les veuves et les fermiers ne prennent part aux pepinieres que quand le mary meurt ou que le bail finit en l’année qu’on les doit lever, quoy qu’elles ayent été plantées par les fermiers et cultivées par eux : Le Bouvier pour des Ruës appella de son chef de la Sentence, et concluoit que la dixme du bois luy devoit être ajugée comme d’un fruit qui avoit crû durant son bail : Par Arrest en la Grand. Chambre du 26. d’Avril 1657. la Sentence fut cassée, et la dixme entiere fut ajugée à Marete


CCCCCVI.

Ustensiles d’hôtel quand sont meubles.

Ustensiles d’hostel soit aux champs ou à la ville sont reputez meubles : mais s’ils tiennent à fer, clou, ou sont seellez à platre et mis pour perpetuelle demeure ou ne peuvent être enlevez sans fraction ou déterioration, sont reputez immeubles.

Une chose meuble peut changer de qualité lors qu’elle ne demeure pas en sa même nature, cum in sua natura non perstat, comme parlent les Jurisconsultes, ce qui arrive lors qu’il s’en fait une perpetuelle application à un autre corps de diverse nature, comme à une chose immeuble, parce qu’il devient une partie d’un autre corps de differente qualité, et qu’il ne sub-siste plus de par soy comme il étoit auparavant.

Cette mutation arrive quelquefois ou par le fait de l’homme ou par le pouvoir de la Loy par le fait de l’homme lors que quelque chose meuble de sa nature est attachée, incorporée ou ajoûtée à quelque chose immeuble ; nous en avons plusieurs exemples dans le Droit Civil, 1. Fundi. 17. S.Labeo . l. Granaria. 18. D. de act. empt. et vendit. l.Molin . de verb. signif. I.Lucius .

S. 3. de legat. 3. Une chose est quelquefois reputée être atrachée au fonds par le pouvoir de a Loy, ut coloni adscriptitii gleba, qui à gleba separari nequeunt, l. Quemadmodum de agricult. et cens. C. comme sont encore aujourd’huy les Gens de Main-morte en Bourgogne.

Il y a d’autres choses qui ne sont point reputées immeubles ny par leur nature ny par la Loy, mais par la seule destination du pere de famille, dont l’on peut voir les exemples dans les loix cy-dessus citées et dans cet Article.

Papinien appelle fort elegamment ces ustensiles d’hôtel soit aux champs ou à la ville qui sont mis pour perpetuelle demeure, ea instrumenta eas-ve dotes pradiorum Graco vocabulo appellari, irGntat.Cujac . Ad Leg. lib. 11. resp.Papin .

La Coûtume de Paris, Article 90. dit ustenciles, et la nôtre utensiles, ce qui a plus de rapport à l’origine de ce mot qui vient du Latin utensilia, frequent dans les bons Auteurs et qui comprend les choses, que ad usus nostros necessaria sunt, m xpuiâ dic ; néanmoins l’usage a prevalu de dire ustenciles. Par le Droit Romain pour sçavoir si les meubles étant dans une maison étoient reputez en faire partie on consideroit princiaealement leur destination, si pera perui usus causa in edificiis essent, en ce cas etiam si affixae non essent pars érant adificii, l. 17.

S. Labeo de act. empt. On consideroit aussi leur coherence ae union et incorporation, cum fundus sine instrumento legatus effet, dolia, mola olivariae et quecumque infixa, inadificataque sunt fundo. legato continentur, nulla autem ex his rebus que moveri possunt paucis exceptis fundi appellatione ontinentur. Il falloit donc tantost considèrer la destination pour une perpétuelle demeure, ou Papinien la coherence, 1. Dolia. I. Quesitum. S. Papinianus. D. de inst. leg. si ita affixa, si ita inadificata sint, ut partes edificiorum esse videantur. Cet Article a beaucoup de conformité à la dispo-sition du Droit Civil ; il exprime néanmoins encore plus precisément les ustenciles qu’il declare devoir être reputez immeubles, car il désire deux conditions, qu’ils tiennent à fer, clou, ou qu’ils soient seellez à platre et mis pour perpetuelle demeure, ou qu’ils ne puissent êtrei enlevez sans fraction ou déterioration, ou sans les desassembler, comme en l’Art. CCCCexV.

Nous verrons neanmoins une exception à ces conditions dans l’Article CCCCCXVIII. où les choses mises pour perpetuelle demeure font partie de la maison, sçavoir les chaudieres et les cuves des Teinturiers et des Brasseurs : la Coûtume pour les reputer meubles ne désire point qu’elles tiennent à clou ou qu’on ne les puisse enlever sans fraction, il suffit qu’elles y ayent été placées par le proprietaire ; d’où il resulte que la perpetuité de la demeure, la coherence et l’incorporation se presument plus aisément de la part du proprietaire que du locataire : voyezBrodeau , sur l’Article 90. de la Coûtume de Paris ; et de laLande , sur l’Article 356. de la Coûtume d’Orléans, où il dit qu’il y a aussi certaines choses lesquelles quoy qu’elles ne soient pas incorporées à l’héritage et se puissent ôter sans rupture et sans déterioration, néanmoins tiennent lieu d’immeubles à cause qu’elles servent aux usages de la maison, comme des portes, des fenêtres, des clefs, des bassins, et des cuves à tenir l’eau, des couvertures de puits et autres choses semblables, I. Quasitum, 12. 5. fistulae de instrum. et instrum. leg. l. 14. n. 5. et 17. de act. empt. et vendit.

Plusieurs revoquent en doute si sous ce mot d’ustensiles on doit comprendre les statuës, les tableaux, et autres ornemens : On a fait cette distinction, que les statuës qui sont attachées fer et à clou, ou qui sont mises dans une maison pour perpetuelle demeure et pour servir sa perfection, quoy que peut-être elles puissent être enlevées sans déterioration, néanmoins suivant la commune opinion toutes ces choses passent pour immeubles, I. Oéesitum. 12. 8. Painianus de instrum. vel instrum. leg. mais lors que ces statuës ne sont point attachées et qu’el-les ont été seulement posées aeour deaeoration elles sont estimées meubles, suivant la Loy Statuae 245. de verbor. oblig. statuae affixae Basilicis trutilibus non sunt edium, ornatus enim causa pa-vantur, non quo ades persiciantur ; et par la l. Quesitum, S. domus de instrum. leg. D. que voluptatis, vel ornamenti adium causa parantur, non efsfe adium, et ob id multum interesse inter in-trumentum, et ornamentum.Brodeau , sur l’Article 90. de la Coûtume de Patis : De laLande , Article 356. de la Coûtume d’Orléans.

Plusieurs estiment que l’artillerie, fauconneaux, arquebuses à croc, engins et munitions de uerre qui sont pour la défense et pour la fortification de la maison sont reputez immeubles, parce qu’ils y sont mis pour la garde d’icelle,Mornac . Ad l. Fundi : S. generaliter, D. de act. mpt.Cujac . l. 2. feud. t. 1.Coquille , sur la Coûtume de Nivernois, t. 26. Art. 10. Brodeau etRicard , sur l’Art. 90. de la Coûtume de Paris ; de laLande , sur l’Art. 356. de la Coûtume d’Orléans, et plusieurs Coûtumes le disposent ainsi : Par un Arrest du Parlement de Paris rapporté par Pithou sur la Coûtume de Troyes, Art. 11. l’on fit distinction entre la trosse artillerie que l’on jugea immeuble, et la menuë artilletie, comme mousquets et autres instrumens que l’on fit passer pour meubles :Pontanus , Art. 149. de la Coûtume de Blois, met aussi les canons et l’artillerie au rang des meubles : Berault et Godefroy les reputent neubles ; il me sembleroit juste de faire différence entre les maisons lors que ce sont des places fortes, il n’est pas juste de les dégarnit ; mais pour des maisons de plaisance où les canons ne sont que pour un ornement, il n’y a pas de raison de leur faire changer de nature : aussi la Coûtume de Berty, t. quelles choses sont meubles, Art. 4. ne repute immeuble que l’artillerie servant à la défense des Châteaux, Places fortes et maisons.

On a pareillement fait tenir nature d’immeubles aux Ornemens de la Chapelle d’un Hôtel ou Château, Brodeau etRicard , ibid. mais pour les Presses d’Imprimetie elles sont reputées neubles bien qu’il les faille desassembler, parce qu’elles ne sont point mises pour perpetuelle demeure ; ce qui fut jugé pour ce célèbre Imprimeur Robert Estienne.

Il seroit difficile d’établir une regle generale sur ces matieres, parce que les raisons qui font passer une chose pour meuble ou pour immeuble sont souvent plus de fait que de droit ; néannoins on peut poser ces principes generaux, que si ces choses sont comme partie de la mai-son qu’elles composent sa substance, ou soient en quelque façon necessaires pour sa conservation, si pars edium sint, & pro adibus habeantur, en ce cas elles doivent passer pour immeu-bles, autrement elles conservent toûjours leur qualité de meuble, puis qu’il ne se trouve point de necessité de les faire changer de nature.

Fundo legato vel vendito sterquilinium, & stramenta emptoris & legatarii sunt. In sterquilinio Trebatii sententia probanda est, ut siquidem stercorandi agri causa comparatum sit, emptorem sequatur, si vendendi causa venditorem, l. Fundi. 17. 8. Fundo, D. de act. empt. Suivant cette Loy a été jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 17. de Juin 1649. que les feurres, foins, ailles et fumiers étoient censez comme immeubles, et que comme tels ils appartenoient à l’adjudicataire ; plaidans Lesdos, et Theroude

Les meubles sont des corps propres à changer. de nature et de qualité par une application et une cohérence perpétuelle à des corps d’une autre nature, ce qui les fait reputer immeubles, affixa alterius corporis diverse naturae pars fiunt & per se censeri desinunt, l. Rerum mix-Argentré tura, D. de usucap. l. Cum qui, D. de adquir. possess. Argent. Ad Art. 4o8. glos. 2 Ce changement de nature se fait aisément lors que l’incorporation ou la destination est parfaite et consommée ; mais on demande si la simple destination peut produire cet effet, et si par exemple le bois, la pierre, la tuile, la chaux, et autres materiaux propres pour la contruction d’un batiment doivent passer pour immeubles lors qu’ils n’ont point encore été employez ny mis en oeuvre

Bartole sur la l. Catera. 5. Si paraverit, de legat. 1. a fait une distinction qui a été suivie par la plus grande partie des Interpretes du Droit, et même par les Arrests ; car à l’égard des

materiaux provenus de la démolition d’un batiment, et que l’on a ramassez et preparez pour redifier la maison, la seule destination en ce cas fait reputer pour achevé ce que son avoit dessein de faire, et en consequence ces materiaux passent pour immeubles, c’est la décision expresse de la l. Fundi 17. de act. empt. 5. Pali, ou le Jurisconsulte refoud que les échalas nouveaux que l’on a apportez, mais qui ne sont point encore employez ne font point partie du fonds ;. mais qu’à l’égard de ceux que lon avoit levez et serrez à dessein de s’en seaevir encore à l’avenir, sont censez faire partie du fonds ; Pali qui vineae causâ parati sunt, antequam collocentur fundi non sunt, sed qui exempti sunt hac mente ut collocentur fundi sunt ; Le Paragraphe Ca que de la même Loy dit la même chose, Ea que ex edificio detracta sunt, ut reponantur edificii sunt ; et dans la Loy suivante, 5. Tegulae. Tegula que nondum adificiis imposite sunt, quamvis aetegendi gratia allate sunt in rutis et cesis nabentur ; aliud juris est in his quae detracte sunt, ut reponerentur, adibus enim accedunt

Le Parlement de Paris a suivy cette distinction, et il a jugé que pour les materiaux propres à batir, qui procedent de la démolition d’une maison, et sont sur le lieu destiné à la redification sont reputez immeubles ; et par un autie Arrest il a été jugé que dans le don universel des meubles n’étoient point compris les materiaux procedans de la démolition destinez pour tre employez.Brodeau , fut l’Article 90. de la Coûtume de Paris.

Pour les materiaux destinez pour la construction d’un nouveau bâtiment, la seule destination ne suffit point pour les rendre meubles, et par cette raison ils n’appartiennent point à l’a-cheteur, mais ils demeurent au vendeur ou à l’heritier aux meubles au prejudice de l’heritier à l’immeuble ; quod insula causâ paratum est, si nondum persectum est quamvis positum in edificio sit, non tamen videtur adium esse : c’est aussi la décision des autres Loix que je viens de citer, Cujas et dans la l. Cujus 41. 8. sed si paravit, le testateur peut leguer ce qu’il avoit destiné pour un autre usage, sed si paravit quedam testator quasi transiationis in aliam domum, & hoc legavit dubitari poterit an valeat, et puto valere, que si elles avoient été appliquées le legs seroit éteint, 8. sed. Mi le Maître de bon. subhast. en rend cette raison, que licet res sit adibus destinata, non tamen prohibetur legari, ut si juncta sit edibus, nam ultra destinationem ut destinatum habeatur pro facto requiritur ut perventum sit ad aliquod opus : et le Parlement de Paris la jugé de la sorte.

Brodeau , ibid.Pontan . Aad Art. 149. Consuet. Bles. de laLande , Article 356. de la Coûtume d’Orléans.

Par un ancien Arrest de ce Parlement du 9. de Decembre 1615. il fut jugé que. le bois d’une maison qui étoit déja chevillée, mais non bloquée, étoit un meuble ; mais depuis le con-traire a été jugé par un Arrest rapporté par Me Josias Berault sur cet Article, par lequel des materiaux preparaz par un pere pour achever un pressoir dans son ancien manoir, et qu’i voit déja fait couvrir, et un des fommiers posé pour cet effet dans sa masure, quoy que le reste en fût encore dehors et éloigné, furent jugez immeubles et d’une dépendance du pressoir, parce que la destination du pere avoit déja commencé à être executée. Cet Arrest est contraire à la disposition des Loix que j’ay citées, suivant lesquelles il ne suffit pas que les maveriaux soient apportez sur le lieu, il est même nécessaire qu’ils soient employez, autrement ils ne font point partie du fonds. Mais la décision de cet Arrest me paroit fort équitable, car quand un batiment est commencé, bien qu’il reste encore des materiaux à mettre en place, pourvû qu’ils soient preparez et qu’ils ne soient pas encore brutes, c’est à dire sans aucun agréement ; et comme parle Barthole quando materia est jam propinqua ipsi edificio, pourquoy ne re-puter pas les choses comme faisans déja partie du batiment ; et c’est aussi le sentiment de ce Docteur, quod si adificium effet coeptum ut fere consummatum effet, illud pro persecto haberi, & in consequentia ea materia huic edificio destinata censebitur immobilis : Ce qui peut être soûtenu par la Loy librorum de leg. 3. où le Jurisconsulte resoud que dans le legs des livres sont compris ceux qui ne sont point reliez, et qui sont encore en feüille : Pontanus a suivy la doctrine deBartole , Article 149. de la Coûtume de Blois.


CCCCCVII.

Rentes hypotheques, de quelle espece, et quand rendent le Contrat clamable.

Les rentes constituées à prix d’argent, encore qu’elles soient raquitables, sont reputées immeubles : et neanmoins si elles sont baillées en échange contre un heritage, ledit Contrat est sujet à clameur lignagere.

Cet Article contient deux dispositions remarquables : Par la première, la Coûtume déclare que les rentes constituées à prix d’argent sont immeubles,, quoy qu’elles soient rachétables : Par la deuxiéme, que nonobstant cette qualité d’immeubles lors qu’elles sont baillées en contr’échange contre un héritage, le Contrat est retrayable.

Aprés plusieurs contestations pour sçavoir si les rentes constituées à prix d’argent devoien être reputées immeubles, l’opinion la plus commune et la plus véritable est celle qui les met au rang des immeubles, en consequence du revenu successif et perpetuel qui en provient : Sufficit reditum perpetuo durare posse, ut jure immobilium censeatur, etiamsi aliâs reditus post certum empus, vel quandoque sit redimibilis, quia sufficit vi ipsa, & habitu perpetuum esse : licet habeat inertum resolutionis statum,Molin . art. 57. Consuet. Par. n. 5. et 21. Mais quoy que la Coûtume repute immeubles les rentes constituées à prix d’argent, elle ne les tient pas toûjours absolument en toutes rencontres pour de véritables immeubles : par exemple lors qu’elles sont bail-ées en échange contre un héritage, elle les repute si peu immeubles qu’elle déclare le Contrat retrayable, la rente baillée par échange ne faisant en ce cas que fonction d’argent.

L’usage de Paris est contraite, quoy qu’en l’année 1645 le Parlement de Paris ait verifié une Déclaration le Roy seant en son lit de Justice, portant que les droits Seigneuriaux setoient dûs de toutes échanges faites contre rentes tachétables ou non rachétables ; Chopin sor la Coûtume d’Anjou, l. 4. c. 4. n. 7. dit qu’aux Etats de Blois la Noblesse demanda la même chose.

La disposition de la Coûtume en cet Article est beaucoup meilleure, car une rente rachetable a sa fonction contraire, il n’y a point de prix d’affection comme aux échanges, et par cette voye il est tres-aisé de frustrer les lignagers et les Seigneurs de leurs droits, quoy que la rente rachétable soit un immeuble ; c’est un immeuble fictit, qui n’est pas perpetuel, et qui n’a point de durée ny d’assiette assûrée. Les deniers qui procedent du rachapt sont meubles, et partant elles ne sont point un sujet propre pour servir d’échange contre un fonds.


CCCCCVIII.

Usufruit d’immeubles.

L’usufruit des choses immeubles est reputé immeuble.

La Coûtume en l’Article CCCCCII. ayant mis l’usufruit entre les choses sujettes à retrait, il s’ensuivoit necessairement qu’elle le reputoit immeuble, et neanmoins afin que l’on n’en doutast point, elle le décide expressément par cet Article


CCCCCIX.

Arrerages des rentes Seigneuriales.

Les arrerages des rentes Seigneuriales ne sont reputées meubles que du jour que le payement est échû.

Cet Article contient une disposition singulière en ne reputant meubles les arrerages des rentes Seigneuriales que du jour que le payement est échû ; on ne peut rendre d’autre raison de cette disposition que la seule volonté des Legislateurs : car suivant la doctrine commune, les fruits qui ne s’acquierent que de moment en moment, ou par succession de temps, sont cenez meubles au prorata du temps qui a couru depuis qu’ils ont commencé d’être dûs, in his que tempus successivum habent, & quotidie deberi incipiunt, inspicitur temporis rata ad adquisitionem, comme je l’expliqueray plus amplement sur l’Article suivant : Aussi nôtre Coûtume a suivy cette jurisprudence pour les rentes foncieres et constituées, dont les arrerages qui sont dûs jusqu’au jour du decez sont reputez meubles : que si les rentes Seigneuriales sont dûës au lieu les fruits, il les falloit reputer meubles du jour que les fruits ont été perçûs ou separez du solPensio qua debetur ratione fructuum naturalium eodem jure debetur quo ipsi fructus, ut ad quem Argentré fructus pertinere debent separationis tempore, ejusdem sit pensio. Argent. in art. 76. gl. 5. n. 7. et la Coûtume a suivy cette regle pour les fermages qui sont censez meubles du jour que les fruits ont perçûs.


CCCCCX.

Deniers de fermages et arrerages de rentes foncieres et hypotheques.

Les deniers des fermages sont censez meubles du jour que les fruits sont perçûs, encore que le jour du payement ne soit échû. Et pour les rentes foncieres et hypothecaires, les arrerages qui sont dûs jusques au jour du decez, sont reputez meubles.

Cet Article a deux parties : dans la première, la Coûtume déclare meubles les deniers des fermages du jour que les fruits sont perçus, encore que le jour du payement ne soit point encore échû ; et dans la seconde, les arrérages des rentes foncitres et constituées qui sont dus jusqu’au jour du docez sont reputez meubles

Les fruits étant ameoblis aprés la S. Jean, par l’Article CCCCCV. il semble que les deniers des fermages devoient être pareillement censez meubles aprés ce temps-là, et nonobstant la disposition si expresse de cet Article, on ne laissa pas de le juger de la sorte en la Chambre. des Vacations le 18. de Septembre 1632. entre Abraham du Tot et Georges Noel sur ce fait Un mineur étant décedé deux jours aprés la S. Jean de l’année 1631. son trere uterin luy succeda aux meubles, et un sien oncle au propre qui étoit baillé à ferme, et les deniers du fer-mage étoient payables à la S. Jean et à Noel 1631. cet heritier aux meubles demanda le terme de Noel, se fondant sur l’Art. 505. par lequel les fruits sont reputez meubles aprés la S. Jean, or le fermage étant au lieu des fruits il devoit tenir la même nature ; l’heritier au propre reprefentoit qu’il seroit étrange qu’un heritier aux meubles joüit du propre six mois aprés la mort du défunt, que cette pretention étoit fort opposée à l’esprit de la Coûtume : car elle a fait distinction entre les fruits et les fermages, quand un proprietaire joüit par ses mains, et qu’il décede aprés la S. Jean, les levées qui luy appartiennent sont censées meubles ; et c’est l’espece de l’Article 505. et la Coûtume en a disposé de la sorte pour faire cesser la difficulté qui pouvoit naître de la I. Fructus pendentes, D. de usufr. mais lors que l’héritage est donné à ferme, les evées appartiennent au fermier et les fermages au proprietaire ; et suivant cet Article les fermages ne sont reputez meubles que du jour que les fruits sont perçûs : or les levées n’ayant été recueillies qu’aprés le décez de celuy de la succession duquel il s’agit, elles ne peuvent appartenir à l’heritier aux meubles. Si la Coûtume avoit reputé meubles les fermages aprés le jour de S. Jean, cet Article non seulement seroit inutile, mais même il ne pourroit être veritable, car l’Article 505. suffisoit seul, si les fermages étoient meubles aprés le jour de la S. Jean. Entre les héritages qui se baillent à ferme, il y a des enclos et des jardins dont les fruits consistent en pommes, en poires et en raisins, et neanmoins ces sortes de fruits ne deviennent meubles qu’aprés le premier jour de Septembre ; il n’y a donc pas d’apparence de reputer des fermages meubles aprés la S. Jean, puis qu’ils consistent en diverses sortes de fruits dont une partie ne devant et n’est censée meuble que long-temps aprés, et comme dit la Loy Defuncta 5S. de usufr. D. defuncta, usufructuaria mense octobri collectis per colonos fructibu mense Decembri pensiones que Calendis Martiis debentur ad beredes fructuarii pertinent, quia fructus collecti érant ; de même les fermages n’appartiennent point à l’heritier si le fermier n’a point recueilli les fruits ; nonobstant ces raisons par l’Arrest l’on ajugea le terme de Noel à l’heritier aux meubles, sur ce déduit la valeur des pommes et des poires.

Cet Arrest de la Chambre des Vacations renverse si formellement cet Article, qu’il ne peut être soûtenu fi les deniers des fermages sont ameublis aprés le jour de la S. Jean ; cet Article ne peut être vray en ce qu’il contient, que les deniers des fermages sont reputez meubles du jour que les fruits sont perçûs. Si la Coûtume ne s’étoit pas expliquée on auroit pû induire avec apparence que les fermages devoient être censez meubles aprés la S. Jran, puis que la Coûtume ameublit les fruits aprés ce jour là, et que les fruits étant la cause de l’ebligation elle devoit suivre leur condition. La Coûtume n’ayant point fuivi le Droit Romain. ny la jurisprudence presque universelle dans tous les païs Coûtumiers qui ne reputent les fruits meubles qu’aprés qu’ils sont separez du sol, on pouvoit presumer qu’elle n’avoit point eu aussi aucun égard à cette jurisprudence pour les fermages, et qui’elle avoit eu cette intention de les ameublir dans le même temps et de la même maniere que les fruits, et ce fut sans doute le fondement de l’Arrest, mais son intention est trop claire par cet Article : Aussi Mr d’Argentré raisonnant sur cette même espèce dit que qui ratione pradii centum conductionis. nomine promifit anno inchoato in natali Domini 1567. dimidio pensionis soluto in natali Loannis 158S. si mense Junio moriatur fimito usufructu morte ejus, & quod solutum est proprietarius ab heredibus Argentré vejus repetet, & reliquum pensionis exigot, quia fructus naturales mense Augusto et Septembri intidunt ; Argent. Art. 76. glos. 5. n. 5.

Cet Article en toute son étenduë est conforme au Droit Romain et au sentiment de tous les Docteurs qui font deux sortes de fruits, naturels et civils : Ils comprennent sous les fruits naturels non seulement tout ce que la terre produit, mais aussi tout ce qui en provient par le travail et par l’industrie des hommes, ce qu’ils appellent aussi fruits industriels, fructus paturales dicuntur, quod ex re ipsa et corpore nascantur, l. Vsura 121. D. de verb. signif. et l’on met en ce rang tous les grains, les foins, et les fruits des arbres. On appelle fruits civils ceux qui ne proviennent pas de la chose, mais qui sont dûs ou produits en vertu de la Loy ou de la convention des contractans, que ex civili causa, & obligatione nascuntur, et c’est pourquoy sunt obventiones potius quam fructus, quia non ex ipfo corpore, sed ex alia causa proveniunt.

On comprend dans les fruits civils les arrerages des rentes foncieres et constituées, les deniers de fermages, et les arrerages de cens et rentes Seignouriales, les profits de fief, lods et ventes, amendes, confiscations, desherances, et semblables droits de Jurisdiction, l. Si navis,. de rei vindic. l. Mercedes de petit. hered.

Comme les fruits sont de diverse nature, aussi-la manière de les gagner et de les acquerir est fort differente, les fruits naturels appartiennent à celuy qui a droit de joüir du fonds lors u’ils sont separez du sol, avant cette separation ils font partie du fonds, et par consequent ls demeurent à celuy auquel il retourne, si l’usufruitier décede avant qu’ils soient siez et coupez, fructus naturales pendentes judicantur ut fundus, & sunt ejus pars et quid immobile, si jure sint separati statim sunt quid mobile ;Bald . C. unico, S. Sciendum de feud. cognit.

Il faut neanmoins que cette perception se fasse sans fraude, et que les fruits soient cueillis lors qu’ils sont en maturité ; car si l’usufruitier pour en profiter avoit anticipé le temps de leur maturité, ses heritiers seroient tenus de les rendre. Nôtre Coûtume pour faire cesser outes ces difficultez a sagement limité un temps certain, aprés lequel les fruits naturels étoient censez meubles, qui est le lendemain de la S. Jéan

Les fermages étant dûs à cause des fruits, on regle leur nature de meuble et d’immeuble par la même Loy, de sorte qu’avant la perception des fruits ils sont reputez immeubles ; mais aussi-tost aprés la recolte des fruits ils deviennent meubles, bien qu’ils ne se payent que longtemps aprés, la raison est que les fermages sont acquis au propriétaire ou à celuy qui joüit du sonds du jour que les fruits sont perçûs, et le payement n’en est retardé que pour la commodité du fermier : ainsi l’on ne doit pas considèrer l’écheance du terme de payement, mais la cause de l’obligation qui est la perception des fruits, qui doit par consequent suivre la condition des fruits puis qu’ils luy donnent l’être, comme il est décidé dans la Loy Defuncta, D. de usufr. dont j’ay déja rapporté les termes. Nos Reformateurs ont suivi en ce chef le Droit Romain, quoy qu’ils eussent établi une autre maxime pour l’acquisition des fruits et pour les rendre meubles ou immeubles.

Pour les fruits civils il y en a de deux sortes, les uns sont dûs et s’acquierent en un monent, comme les Treiziémes, les Lots et Ventes, les Amendes, les Confiscations, et autres droits semblables : Pour acquerir ces sortes de fruits on considere seulement le moment auquel Argentré ils commencent à être dûs, protinus arque ullum horum inciderit debentur et usufructuario queruntur, etiam si postridie ejus diei quo inciderunt ususfructus finiatur ; Argent. Art. 76. glos. 5.

Il n’en est pas de même des revenus et des dettes successives et coutantes, que tempus successivum requirunt ad acquisitionem, comme sont les loyers des maisons, les gages, les rentes foncieres et constituées, et autres fruits qui ne s’acquierent que par succession de temps : car ils se partagent à proportion du temps ; in his rata temporis fpectatur, et l’usufruictier prend part à ces sortes de fruits pour autant de temps que sa joüissance a duré, et ce qui reste à Argentré choir demeure au proprieteire ; Argent. ibid. Hinc est, dit duMoulin , quod in pensionibus domorum, mercedibus operarum quia tempus successivum habent & quotidie deberi incipiunt, inspicitur remporis rata ad acquisitionem,Molin . de feud. 5. 1. glos. 1. n. 50. et sequent.

Pontanus sur l’Article 78. fait trois espèces de fruits civils. La premiere pour les fermages les terres, et comme ces fermages sont subrogez au lieu des fruits pour sçavoir à qui ils doisent appartenir, il faut considèrer le temps auquel les fruits se perçoivent. La seconde espèce de fruits consiste en ces loyers, rentes et redevances courantes et successives, quorum fructus quotidie renascuntur et quotidie deberi incipiunt, encore qu’elles soient payables à certam temps. elles se divisent neanmoins à proportion du temps et pro rata temporis : et la troisième espèce est de ces fruits qui tombent et s’acquierent tout d’un coup momento temporis, et ils sont acquis aussi-tost qui sont dûs ; et Mr Cujas estimoit que pour prevenir toutes ces difficultez, il étoit plus à propos de suivre l’exemple des usufruitiers du mary qui partagent entr’eux les fruits pendans par les racines, et qui ne sont point encore perçûs pro rata anni. Suivant la Loy Papinien Divortio, S. Papinianus, D. solut. matr. Mais nôtre Coûtume en cet Article a suivy la doctrine que de la I. Defuncta, et des Auteurs que j’ay citez On fait neanmoins quelque difference pour les rentes qui sont dûës par le Roy : la, sur l’Article 207. 1. des Success. Lande la Coûtume d’Orléans, remarque que pour les rentes duës par la Maison de Ville de Paris, ou par le Roy, le terme de l’échéance est l’ouverture du Bureau, et le payement que le Roy en fait faire, et qu’auparavant elles ne sont censées ameublies, bien que le terme soit échû, parce qu’ils dépendent de la volonté du Prince qui en regle et recule les payemens selon les nécessitez de son Etat, et Brodeau sur l’Article 91. de a Coûtume de Paris, dit que c’est une Maxime autorisée par plusieurs Arrests.

On a pareillement suivy cette Maxime en ce Parlement, et par Arrest du 17. de May 1668. donné en l’Audience de la Grand. Chambre, il fut jugé que les arrerages des rentes sur les Aydes de Paris, appartenoient à celuy qui en avoit la joüissance lors de l’ouverture du Bureau pour en faire le payement, quoy que les arrerages fussent échûs du temps d’un autre ufu-truitier : Entre M. Lozier Avocat du Roy à Caudebec, appellant d’une Sentence arbitrale renduë par trois Avocats de la Cour ; la Sentence fut cassée, et l’on tint pour Maxime que les ar-rerages n’étoient point ameublis du jour de l’écheance ; mais du jour que le Bureau avoit été ouvert pour en faire le payement. On se fonda sur cette raison que ces arrerages n’étoient point exigibles à l’écheance de chaque année, à cause de l’autorité du Prince, et que l’on ne ses devoit censer meubles que du jour que le payement pouvoit en être exigé, et que chacun doit joüir de ce qui se paye durant son usufruit : On peut neanmoins dire au contraire que le reculement du payement ne change point la nature de la chose qui est dûé par la même raison, que les deniers des fermages ne laissent pas d’être meubles aprés la perception des frusts, bien que les termes des payemens ne soient point encore échûs ; mais on replique que les deniers des fermages sont exigibles aprés le terme échû, et que les arrerages des rentes dûës par e Roy ne le sont qu’à sa volonté.


CCCCCXI.

Deniers dotaux.

Deniers donnez pour mariage des filles, par pere, mere, ayeul, ou autre ascendant, ou par les frères, et destinez pour être leur dot, sont reputez immeubles et propres à la fille, encore qu’ils ne soient employez ne consignez : et où autres personnes auroient donné deniers en faveur de mariage pour être convertis en héritage ou rente au nom de ladite fille, seront pareillement reputez im-meubles, et tiennent nature d’acquest en la personne de la fille.

Les dispositions contenuës en cet Article sont importantes et meritent de la reflexion l’Article se divise en deux parties : dans la premiere il est dit que les deniers donnez pour mariage des filles, par pere, mere, ayeul ou autre ascendant, ou par les frères et destinez pour être leur dot sont reputez immeubles et propres à la fille, encore qu’ils ne soient employez ny consignez : dans la seconde il est ajoûté, et ou autres personnes auroient donné deniers en faveur de mariage pour être convertis en rente ou heritage au nom de ladite fille, seront pareillement reputez immeubles et tiennent nature d’acquests en la personne de la fille Dans cette premiere partie, quoy que par le Droit general les biens soient rangez sous deux espèces de meubles et d’immeubles, neanmoins la Coûtume en faveur du mariage des filles lonne la faculté aux particuliers d’en changer la nature par des stipulations et des conventions ; de sorte que des deniers qui sont naturellement meubles deviennent immeubles lors qu’ils sont donnez à la fille, et destinez pour tenir nature de dotLa Coûtume fait encore davantage, elle les déclare propres lors que ces deniers ont été donnez par pere, mere, ayeul ou autre ascendant, ou par les freres, en quoy nôtre Coûtume est plus ample que celle de Paris : En l’Article 95. elle dispose comme la nôtre, qu’uné somme donnée par pere, mere, ayeul ou ayeule, ou autre ascendant à leurs enfans, en contemplation de mariage, pour être employée en achapt d’héritage, encore que cela n’ait été fait est reputée immeuble à cause de la destination ; mais elle n’ajoûte pas que cet immeuble est propre à la fille, bien que les deniers donnez n’ayent été employez ny consignez : De la Lande sur l’Article 350. de la Coûtume d’Orléans, qui est conforme à celle de Paris, remarque qu’encore que l’employ des deniers donnez n’ait pas été fait ; la volonté et la destination des parens leur imprime le caractere d’immeuble, dont l’effet est que non seulement ils sont distraits de la communauté contractée entre les conjoints et n’y entrent pas mais aussi qu’en la succession du donateur et en celle de son enfant décedé, sans hoirs procreés de sa chair, les deniers appartiennent à l’heritier au propre du côté de celuy qui avoit fait la donation : par exemple, si un pere en mariant sa fille luy avoit donné dix mille livres, et qu’il eût convenu qu’il en seroit converty six mille livres en achapt d’héritages ; cette fille qui avoit survécu son pere venant à déceder sans enfans, ses heritiers paternels pourront demander les ix mille livres au mary, qui se prendront premierement sur la communauté, et si elle ne suffit pas sur les propres du mary ; mais aussi-tost qu’un collateral y a succedé, le propre conventionnel s’éteint comme n’étant fondé que sur une fiction laquelle n’opere qu’une seule fois, fictiones semel tantum operantur, & postquam casus in re ficta contigit, res sua naturae restituitur, l. 13. et ibid. Doctores, D. de adopt. l’on peut voir les Arrests qui l’ont jugé de la sorte dans le Commentateur de MrLoüet , 1. D. n. 66. et dans son Commentaire sur l’Article 93. de la Coûtume le Paris : Nôtre usage est different, ces deniers qui sont reputez immeubles et propres le ont perpétuellement, ils ne perdent point cette qualité par le changement d’heritier, mais ils ppartiennent et retournent toûjours à la ligne, et à l’estoc de celuy qui a donné les deniers Il faut encore remarquer suivant les Maximes du Palais à Paris, que l’effer et le profit de cette constitution de propre fait en faveur de la femme, et des siens de son côté et ligne, se restreint pendant la durée du premier mariage, dans le traité duquel cette reserve a été employée ; mais que si la femme convole en secondes nopces avant que d’avoir été payée de sa dot par les heritiers de son premier mary, l’action qu’elle a pour la repetition des deniers stipulez propres qu’elle apporte à son second mary est purement mobiliaire. De laLande , ibid. ce qui ne e pratique pas en Normandie, les deniers étant reputez immeubles et propres, ils ne cessent point de l’être en quelque mariage que la femme passe, et l’action pour les repeter est purement immobiliaire : ce qui fait une difference confidérable entre nôtre usage et celuy de Paris, comme je le remarqueray dans la suite.

C’est une question fort agitée par nos Auteurs, si la seule destination d’employer deniers en héritages les rend immeubles : Les raisons de douter se peuvent voir dans MeBoyer , Decis. 209. Ferton, sur la Coûtume de Bordeaux, l. 1. t. 4. de dote, 5. 6. Mr le Maître des Criées, c. 1.Tiraqueau , de retr. gent. 81. glos. 2. n. 11o. LePrêtre , Cent. 2. c. 91. De laLande , Art. 350. de la Coûtume d’Orléans. M.Loüet , 1. D. n. 66. et l. R. n. 44. et son Commentateur ; et le mêmeBrodeau , sur l’Article 93. de la Coûtume, où il dit avoir été jugé au Parlement de Paris que la destination n’opere tien si les deniers n’ont été actuellement payez Nam statim quod Dominus voluit in re sua peculii esse peculium fecit, sed si tradidit, desiderat enim res naturalem traditionem, l. 8. de peculio. Au contraire de la Lande estime sur l’Article 350. de la Coûtume d’Orléans que le payement actuel n’est point requis, parce que la seule stipulation d’employ realise les deniers en faveur des conjoints à qui on a desité pourvoir, et que l’Arrest cité par Brodeau n’est point contraire, parce qu’il a jugé ces deniers meubles à l’égard seulement de celuy qui les avoit promis, et étoit mort avant le payement, à l’effet que l’heritier mobilier fût tenu de les acquiter. Pour concilier les opinions si differentes des Docteurs, il faut distinguer entre les deniers donnez en faveur de mariage et destinez pour être la doten ce cas la seule destination fait changer de nature et les rend immeubles, mais dans les autres cas la seule destination n’opere point le changement de la chose, comme si quelqu’un avoit destiné et serré des deniers dans son cofre pour les employer en achapt d’héritage, et qu’il fût mort avant que d’avoir executé son dessein, cette simple destination ne change point la nature de la chose, parce qu’il auroit pû changer de volonté, l. Caetera. S. Sed si paraverit de leg. 1. et 101. Bartolus ae Illud est fictitium, ditPontanus , ad Artic. 149. Consuet. Bles. quod pecunia in certae rei emptionem destinatae pro tradita habeatur, at certum est in consuetudinibus fictio-nem nihil operari, la raison est que ce même argent pouvoit être converti en d’autres usages.

Ideo quia perinde potest non converti, atque converti in usum destinatum rebus integris, il n’est pas misonnable que cette simple destination en change la nature. Mr le Maître en son Traité des Criées, convient de cette maxime generale, que l’argent destiné pour l’achapt d’un heritage n’est pas rendu immeuble par cette simple destination, mais il y apporte cette distinction. ue quand celuy qui a destiné est mort et que l’argent destiné est échû à un mineur, en ce cas parce que le mineur ne peut employer les deniers qu’à l’usage auquel ils ont été destinez, la destination a la vertu de changer la nature de la chose. Soinus, Consil. 149. quod incipit materia, l. 2.

On ne peut douter qu’à l’égard des deniers donnez en contemplation de mariage ils ne soient immeubles, et même propres par nôtre Coûtume quand ils ont été donnez par pere, &c. pour être la dot de la fille ; mais il y a beaucoup de contestation pour sçavoir si les deniers donnez en contemplation de mariage sont reputez immeubles à l’égard de toutes sortes de personnes, et s’ils retiennent perpétuellement cette qualité Par la jurisprudence du Parlement de Paris on a fait cette difference à l’égard des personles, que quand les deniers promis par un pere pour être employez en achapt d’héritage n’a-voient point été payez et qu’il étoit mort sans les acquiter ils ne changeoient point leur nature de meuble, et qu’ils devoient être acquitez par l’heritier mobilier ;Ricard , Article 93. de la Coûtume de Paris. Cette difficulté ne pourroit arriver parmy nous pour la promesse faite par un pere, car en ligne directe il n’y a point de differens heritiers : Il n’y a qu’un pas où la question pourroit en être mûë, si le pere avoit donné le tiers de ses meubles à un ttranger, car on pourroit revoquer en doute si cette promesse du pere seroit reputée mobiliaire à l’effet d’y faire contribuer le légataire ; on diroit contre luy que quoy que cette pro-nesse du pere pour le mariage de la fille tienne lieu de legitime, neanmoins comme le pere eut marier sa fille de meubles n’ayant promis que des deniers et n’ayant point acquité sa promesse elle devoit être reputée mobiliaire, et par consequent payable sur les meubles. à l’égard du mary, soit que les deniers promis ayent été payez ou qu’ils ne l’ayent point été ils sont toûjours censez immeubles ; car quoy qu’ils n’ayent point été payez, la stipulation qui les rend immeubles en faveur de la femme n’a pas moins son effet, car ce n’est pas le payement qui en change la nature et qui les rend immeubles, c’est la stipulation, et le mary ne doit pas profiter de sa negligence ou de son adresse en n’exigeant pas le payement de ces deniers pour leur conserver leur qualité naturelle, autrement il dépendroit des conjoints de savantager indirectement l’un l’autre ;Ricard , ibid Si le mary a reçû les deniers et en a donné sa quitance la destination est pleinement concommée à son égard, bien qu’il n’ait fait aucun employ de ces deniers ;Brodeau , sur l’Arti-de 93. et c’est pourquoy c’est une Maxime au Parlement de Paris que cette destination de deniers donnez en contemplation de mariage pour être employez en achapt d’héritages, semper paher locum contra maritum, et la seule stipulation de l’employ a toûjours cet effet contre le mary, qu’elle empesche quand l’employ n’a point été fait qu’ils n’entrent pas dans la commuauté

Mais ces deniers donnez en faveur de mariage avec stipulation d’employ ne retiennent et ne conservent pas toûjours la nature d’immeuble, cette paction que les deniers donnez à une femme en mariage seront employez en achapt d’héritages pour luy demeurer propres n’est pas capable, suivant l’usage de Paris, de leur imprimer perpetuellement cette qualité d’immeuble ; et supposé que la femme mourût sans enfans, ou qu’ayant laissé des enfans ils décodent sans enfans, ces deniers étant encore en nature seroient considerez entre leurs heritiers comme meubles, ce qui a même été étendu au cas qu’il eût été convenu que cet employ tiendroit lieu de propre à la femme et aux siens, ce mot de siens ayant été restreint aux enfans seulenent : Si toutefois il avoit été stipulé que cet employ se seroit à condition que les choses ac-juises demeureroient propres à la femme et aux siens de son estoc et ligne, cette clause auroit effet de faire que ces deniers non employez seroient considèrez comme immeubles et propres, même à légard des collateraux, de sorte qu’ils appartiendroient aux heritiers des pro-pres du côté paternel ; Brodeau etRicard , ibid.

Nous apprenons de Ricard que Messieurs du Parlement de Paris ont fait des Mercuriales. articulieres pour déliberer sur ces matieres et y apporter des regles invariables, et que voudant y travailler avec toute la circonspection qui se pouvoit souhaitter ; la Cour deura avoit l’avis des anciens Avocats du Palais sur les diverses propositions qui avoient été faites dont il rapporte plusieurs exemples. ibid.

Le Parlement de Roüen n’ayant pas en moins de vigilance et d’affection pour retrancher la matière des procez, a fait pareillement plusieurs Reglemens fondez sur la jurisprudence des Arrests, et sur las Maximes certaines du Palais.

Par le S6. des Articles que la Cour a placitez en 1666. il n’y a point de remploy de meuble s’il n’a été stipulé, ou au cas de l’Article CCCXC. ou quand les meubles sont reputez im-meubles suivant les Articles CCCCexl. et CCCCexII.

La Loy des propres dans son prigine n’a été établie que pour les immeubles, et on ne la étenduë aux meubles qu’en certains cas par fiction, ou en vertu de la stipulation, ou en vertu de la Loy.

Loyse Par l’ancien Droit François remarqué par Loysel en ses instit. l. 2. t. 1. Meubles ne tiennent côré ny ligne ; La stipulation peut rendre immeubles et propres les meubles qui ne l’étoient pas de leur nature ; cela neanmoins ne dépend pas toûjours de la volonté des contractans, lors que ces conventions blessent l’interest de ceux qui pouvoient avoir droit à la chose, elles demeurent sans effet

Nôtre usage est conforme à celuy de Parls en ce point, que les deniers donnez à la fille en contemplation de mariage par le pere ou autre ascendant, sont reputez immeubles et propres quand ils sont dûs par le mary ou ses heritiers, soit qu’ils ayent été remployez ou non. On a aussi jugé que les deniers pour lesquels la femme a été colloquée à un decret des heritages de son mary, et qui étoient demeurez aux mains du Receveur des Consignation devoient être reputez immeubles, quoy que l’on pût dire que n’étant plus dûs par le marys ny par ses heritiers et appartenans à la femme, ils étoient absolument ameublis et retournez à leur première nature ; cependant ils furent reputez immeubles, par l’Arrest rendu au Rapport de Mr Cormier le 8. d’Avril 1658. entre Messire Jean de Harcour, Baron de Lougé appellant, et Dame Jacqueline de Harcour, femme separée de biens d’avec le sieur de Courdavy, en la presence du sieur de la Chasserie : Jacqueline de Harcour et le sieur de la Chasserie étoient de-mandeurs, à ce qu’il leur fût ajugé en la succession de Dame Angelique de Harcour, dont ils étoient heritiers au propre maternel la somme de fix mille livres, faisant le tiers de la somme promise à Demoiselle Claude du Tillot, femme de Messire Nicolas de Harcour, Baron d’Escouché, mère de ladite Magdelaine de Harcour, et de Me Me Jucques de Benneville, Conseiller en la Cour, heritier en partie au propre maternel de ladite Angelique de Harcour ; et encore ledit acques de Harcour, Jean de Harcour et ses freres heritiers en l’autre moitié ; ledit Jean de Harcour legataire de la somme de sept mille livres adjugez à ladite Angelique de Harcouru decret de la terre du Prey et autres tertes situées au païs du Maine : et par Sentence donnée à Falaise, il avoit été dit au chef des six mille livres, faisant le tiers des dix-huit autres destinez pour la dot de ladite du Tillot, et que Jean de Harcour pretendoit être ameublis, et qui faisoient partie du legs de sept mille livres qui luy avoit été fait par la Dame Angelique de Harcour, à prendre sur le Greffier des Consignations de Paris, que lesdits six mille livres demeu-eroient aux heritiers au propre maternel au prejudice de Jean de Harcour legataire ; et en cas que cette somme ne se trouvast plus au Greffe des Consignations pour avoir été reçûë par ladite Angelique de Harcour, les heritiers maternels demeuroient reservez à poursuivre le rem-ploy d’icelle, contre les heritiers du sieur de Benneville heritier aux meubles et acquests de ladite Angelique de Harcour : Sur l’appel de cette Sentence, la Cour mit les Parties hors de Cour.

En l’espèce de cet Arrest les deniers avoient été ajugez à la fille de la femme : ainsi ces deniers qui n’étoient plus dotaux et qui étoient ameublis par la collocation, pouvoient être aju-gez au legataire si l’on avoit suivy la jurisprudence du Parlement de Paris ; mais la Coûtume les reputans propres bien qu’ils fussent ameublis en quelque sorte par la collocation qui équipolloit à un rachat, ils ne pouvoient être déchargez du remploy du propre qui se fait sur les meubles quand il n’y a point d’acquest.

Autre Arrest donné en explication de cet Article sur ce fait : la veuve d’Etienne Langlois fut intituée tutrice d’un fils et de trois filles sortis de leur mariage : du prix des meubles laissez par le pe-re, on en fit cent vingt livres de rente ; le surplus fut employé pour la nourriture des mineurs, cetre veuve passa en un second mariage dont elle eût des enfans ; Louys Langlois devenu majeur don-na pour dot à sa seur Heleine Langlois huit cens cinquante livres et quelques meubles, avec cette stipulation que si elle predecedoit son mary, le tiers seulement de cette somme resteroit pour la dot : ce qui faisoit connoître que l’intention des Parties étoit que la somme entière demeurast en dot. Mais Loüis Langlois étant mort avant le mariage de sa seur qui devenoit son heritiere, Regnaut qui l’avoit épousée depuis la mort du frère, crût que cette somme étoit mobiliaire, et que par consequent elle luy appartenoit, et qu’elle devoit luy être payée par la veuve de Loüis Langlois heritier, pour une moitié aux meubles de son mary, et par les nommez Taburs qui étoient les freres uterins de Langlois et de ladite Heleine Langlois, heritiers pour l’autre moitié aux meubles, mais qui succedoient encore aux cent vingt livres de rente comme étant un acquest : Ta-burs y fut condamné envers Régnaut mary d’Heleine Langlois au payement de huit cens cinquante livres, et sur la recompense par luy demandée contre la veuve, il en fut debouté par le Juge de Gaille-Fontaine. Theroude Avocat de Taburs appellant soûtenoit qu’il avoit été mal jugé, que la promesse du frere pour la dot de sa seur étoit non seulement un immeuble, mais même un propre suivant cet Article, que si la promesse étoit reputée mobiliaire, la veuve du frere ne pouvoit se dispenser d’y contribuer pour une moitié. Le Normand s’aidoit de ces seux raisons pour prouver que la promesse étoit mobiliaire. Premierement, il disoit que par la Coûtume de Caux le mariage des filles étoit pris sur les meubles, et le pere en ayant larssé beaucoup, le mariage de la soeur pouvoit être aisément levé sur iceux. Secondement, que quand on voudroit décider la cause par la Coûtume generale, elle seroit encore favorable à la loeur : Suivant icelle le frere peut matier sa seeur d’héritages sans meubles ou de meubles sans héritage, que quand il avoit promis seulement de l’argent, c’étoit un meuble ; et qu’il ne faloit plus remonter à l’origine et à la cause de cette promesse ; il ne falloit plus examiner quelle en étoit la qualité, et comme une promesse causée pour vente d’héritage ne laisse pas d’être un meuble, quoy qu’elle procede de la vente d’un fonds : ainsi bien que la promesse du frgre soit au lieu de la legitime, elle ne laisse pas d’être mobiliaire étant reduite en deniers. Et on ne pouvoit se prevaloir de cet Article ; parce qu’on ne doit l’entendre que quand il s’agit de la succession de la fille et non de la demande qui est faite sur la surcession de celuy qui a promis, en ce cas la promesse ne change point la nature d’un meuble en immeuble ; comme il a été jugé par Arrest du Parlement de Paris remarqué cy-dessus ; cette promesse non payée demeure toûjours en sa même nature à l’égard de celuy qui a promis ; et la Coûtume ne la dé-clare immeuble et propre qu’à l’égard du mary et de ses heritiers : je répondois pour la veuve que non seulement la promesse du frere étoit immobiliaire, mais même qu’elle étoit devenuë caduque par la mort du frère avant l’accomplissement du mariage ; et elle avoit été confonduë en la personne de la seur devenuë heritière de son frete, et par cette adition d’here-dité elle avoit été saisie du bien de la succe ssion affectée et destinée par la Coûtume pour sa regitime : le premier argument de la soeur étoit captieux et inutile à l’égard de la veuve, l’Article 297. de la Coûtume de Caux ne veut pas dire que le mariage de la fille soit seulement estimé sur les meubles, au contraire il est arbitré sur les immeubles et sur les meubles, et cet Article regle seulement la manière de le payer entre les freres, et comme l’objet perpetuel et constant de cette Coûtume est de faire avantage à l’ainé, elle ordonne que le ma-tiage des seurs soit payé sur les meubles, afin que les puisnez qui partagent les meubles égaement avec leur ainé y contribuent davantage : Aprés tout quand le mariage devroit être pris ur les meubles, la soeur n’y seroit point obligée, le prix des meubles du pere ayant été constitué en cent vingt livres de rente : cette rente étoit véritablement un acquest qui apparte-noit aux freres uterins, mais la veuve n’y pouvoit avoir que doüaire, cette constitution de rente ayant été faite avant son mariage ; et c’est pourquoy elle avoit déclaré qu’elle ne demandoit son doüaire que sur les deux tiers, l’autre tiers appartenant à la soeur pour sa legitime de sorte que le premier raisonnement de la seur, quand il seroit bon, n’opereroit que contre les freres uterins qui succedoient à cette rente qui provenoit des meubles du pere, et non la veuve qui n’y avoit qu’un doüaire sur les deux tiers.

La seconde raison de la soeur étoit un pur paradoxe : S’il étoit vray que fargent promis à la soeeur pour son mariage avenant fût un meuble il ne se trouveroit presque point de bien maternel, les peres et les freres promettans presque toûjours de l’argent ; si cette soeur mouroit avant la celebration du mariage, cette dot qui seroit un meuble retourneroit aux freres uterins au prejudice des heritiers paternels, ou si elle mouroit sans enfans aprés avoir été maciée elle appartiendroit à son mary : Ces maximes seroient fort opposées à l’esprit de la Coû-tume, qui déclare non seulement immeuble, mais aussi propre tout ce qui est donné pour le mariage des filles, comme on l’apprend par cet Article : Si donc les deniers simplement detinez par les peres ou freres pour le mariage des filles sont reputez propres bien qu’on n’en fait fait aucun employ, il est sans apparence d’en vouloir faire un meuble, et on explique mal cet Article lors qu’on veut qu’il n’ait lieu que quand il s’agit de la succession de la fille, car on considère la cause et l’origine de la promesse du frere quand elle n’a point été executée, et il est vray de dire qu’elle n’a jamais été mobiliaire, et la Coûtume s’en exprime assez nettement lors qu’elle déclare que ce n’est pas seulement un immeuble, mais encore un propre, ce qui ne pourroit être si lon n’avoit considéré que ces deniers donnez par le pere ou par le frere étoient au lieu de la legitime, il falloit donc leur conserver leur qualité primitive et originaire : Ce qui se prouve encore évidemment par la seconde partie de cet Article, où lors que les deniers sont donnez par d’autres personnes que celles qui étoient obligées de doter l’on repute véritablement ces deniers immeubles, mais on ne leur donne pas la qualité propre, ce qui détruit la consequence que l’on tire de la jurisprudence établie par les Arrests du Parlenent de Paris, où la somme promise par le pere ou par le frere en contemplation de mariage quand elle n’a point été payée est reputée meuble entre les heritiers du pere ou du frere, lors qu’il s’agit de la payer à la soeur ; car la Coûtume de Paris repute simplement immeubles les deniers promis en faveur de mariage, elle n’ajoûte pas qu’ils sont propres, et son véritable motil en les reputant immeubles n’a été que pour empescher que le mary ne profitât de ces deniers en ne les remployant point ; de sorte que cette raison venant à manquer et cette Coûtume d’ailleurs ne favorisant point la conservation et le remploy des propres, on n’a pas eu de peine à laisser ces deniers dans leur première nature lors qu’il n’étoit point question de l’interest du mary, et qu’il n’en pouvoit profitere

Mais au fait particulier de la cause, puis que le frere étoit mort avant la celebration du mariage, il est sans difficulté que sa promesse étoit devenuë caduque, et ce qui étoit une dona-tion étoit devenu une heredité. Les filles en Normandie avant leur mariage n’ont qu’une provision, de sorte que nonobstant cette promesse du ftere qui étoit conditionnelle et en cas que sa seur fût mariée, si nuptiae consequantur, n’ayant pû être accomplie par le prédecez du frere il ne luy étoit rien dû, causa data, causa non sequuta : or par la mort du frère les choses sont retournées en leur premier état, comme si cette promesse n’avoit jamais été faite, et la our devenuë heritière du frere se trouve saisie de toute la succession qui luy devoit son mariage avenant, ce qui fait qu’il ne seroit pas raisonnable de faire concurrer deux causes lucra-tives en un même sujet : J’ajoûtois encore que le frere pour le payement de cette promesse auroit pû bailler du fonds de la succession à sa seur, et par consequent elle étoit obligée de en delivrer elle-même, ou de souffrir que la veuve exerçât cette action : Par Arrest en la Grand-Chambre de l’11. de Février 1672. la seur fut deboutée de son action.

Cet Arrest est remarqué dans le Journal du Palais, mais lon n’a pas compris la raison de a décision. L’on a étendu la disposition de cet Article à la donation faite par le pere à son fils d’une somme mobiliaire en faveur du mariage. Grasset promit à son fils une somme de mille ivres en avancement de succession, et où il ne la payeroit lors de la celebration du mariage, il s’obligeoit à l’interest : ce fils mourut et ne laissa qu’une fille laquelle déceda peu de temps. aprés. Barbe de Lisle sa niéce et son heritière aux meubles demanda la moitié de cette somme comme héritière de son mary, suirant l’usage local d’Evreux, et l’autre moitié comme hetitière de sa fille. Le pere soûtenoit que cette somme ne pouvoit être reputée un meubles tout ce qu’on peut donner à son fils étoit reputé avancement d’hoirie, et il étoit declaré de la forte par le Contrat de mariage. In dubio censetur donationem facere in anticipationem succesfionis ;Molin . de feud. Art. 16. Le Juge l’ayant ainsi décidé, la Cour sur l’appel mit les Par-ties hors de Cour, le 5. de Juillet 1646. plaidans le Févre et Lesdos Pour donner lieu à cette fiction qui repute immeubles et propres des deniers qui de leur nature sont meubles, cet Article désire qu’ils ayent été donnez pour tenit nature de dot. On a étendu cette fiction encore plus loin par cette inclination que nous avons à rendre propres toutes sortes de biens ; l’on a jugé par plusieurs Arrests que la dot constituée à la femme des meubles qui ne luy avoient point été donnez par son pere ou par son frère, mais qui luy. étoient échus par succession, appartenoient à l’heritier au propre à l’exclusion de l’heritier aux acquests ; ainsi soit que les deniers ayent été donnez par le pere pour être la dot, ou soit que des meubles échus à la fille par succession ayent été constituez par elle en dot, on les fait passer à l’heritier au propre ; cela fut jugé en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Mahaut le S. de Mars 1630. entre Jaqueline Larcanier, veuve de Pierre Seney, fille et héritière aux meubles et acquests de Marie Lexpert, et encore heritiere en partie au propre maternel de ladite Lexpert, ayant épousé François Fillâtre, appellante de Sentence renduë aux Requêtes du Palais, par laquelle une rente de six cens livres avoit été ajugée à Suplix Coquelin tuteur de Pierre et François Lexpett, heritiers au propre paternel de ladite Marie Lexpert, au preadice de ladite Larcanier, et ledit Coquelin lntimé : En la prefence de Nicolas Larcanier, Robert et Jacques Godin, autres coheritiers au propre maternel de ladite Lexpert, appelSans de leur chef. Par le Contrat de mariage de Marie Lexpert avec François le Fillâtre, la moi-tié des meubles de Jean Lexpert, pere de Matie, avoit été donnée à Fillâtre pour son don mobil, et pour fautre moitié Fillâtre s’obligea de la remplacer pour tenir le nom, côté et ligne de sa femme, et pour être sa vraye dot : en consequence de ce Contmat il fit une constitution de six cens livres de rente, les heritiers maternels demandoient cette fente, parce que les deniers employez pour faire cette constitution étoient un meuble, et en tout cas c étoit un acquest qui leur devoit être ajugé puis qu’ils étoient heritiers aux acquests, les deniers employez pour faire cette constitution de rente étant un meuble ils ne pouvoient être reputez un propre jusqu’à ce que cette rente eût été possedée à droit successif : on ne demandoit. point d’où les meubles dont on fait un acquest étoient provenus pour regler la succe ssion aux acquests, c’étoit assez pour attribuer la qualité d’acquest qu’il n’eut point été possedé à droit successif, la stipulation portée par le Contrat n’étoit considérable que pour regier les droits du mary, mais elle n’étoit pas capable de changer la nature de la chole, car les successions étant de droit publie on ne peut point par des conventions particulieres changer ny renverser l’ordre établi par la Loy. Pour cet Article il ne parle que du pere et des fteres qui marient une fille, auquel cas ce qu’ils luy donnent tient lieu de legitime qui doit retourner aux heritiers au propre : Les heritiers paternels répondoient que toute dot étoit un propre, et qu’en la rente dont il étoit question il n’y avoit tien d’acquest, ayant été constituée des deniers qui procedoient de la succession du pere, et qu’il n’étoit pas possible que ce qui procedoit de la succession du pere fût ajugé aux heritiers maternels, sur tout quand les deniers avoient été constituez à cette condition de tenir le nom, côté et ligne de la fille : Par la Sentence, sans avoir égard à larrest fait par ladite Larcanier, les six cens livres de rente avoient été ajugez à Coquelin, et par lArrest on mit sur l’appel hors de CourQuoy que cet Arrest eût été donné reclamante foro ac saniori parte, la même chose fut en-core jugée le 3. d’Aoust 1638. au Rapport de M’Auber en la Grand. Chambre, entre Marie Levéque, veuve de Robert Bifet, héritière aux meubles et acquests de Marie Biset sa fille, vivante femme de Jean Thomas appellante, et Jean Bouley ayant épousé Jeanne Bifet, fille de Denis Bifet, et frère ainé de Robert, et héritière de ladite Bilet sa Cousine germaine intimée : sur la poursuite de Bouley contre Thomas, pour luy payer huit cens livres pour le rapport de mariage de Marie Biset ; ladite Levéque s’étant presentée, elle avoit soûtenu que les deniers luy devoient être ajugez comme étant meubles ; par la Sentence ils avoient été jugez propres de Marie Biset, et en consequence Thomas avoit été condamné de les rendre à Bouley au droit de Jranne Biset sa femme : Le fait étoit que par le Contrat de mariage de Thomas et de Marie Biset, Marie Levéque sa mere et tutrice leur avoit quité tous les meubles à elle appartenans de la successien de Robert Biset son premier mary, pour en disposer comme de leur propre, au moyen dequoy ils seroient tenus de luy payer mille livres aprés l’an de leur mariage, et où Marie Biset moutroit sans enfans avant son mary il retourneroit à son nom, côté et ligne la somme de hoit cens livres, ce qui faisoit environ le tiers de la valeur des meubles que Robert Biset son pere avoit laissez, le surplus des meubles demeurant audit Thomas avec la jou ssance des héritages de ladite Marie Bifet ; sur l’appel de cette Sensence elle fut confirmée par l’Arrest. Ce qui a encore été jugé par un Arrest que j’ay remar-qué sur l’Article CCCXXV. et lors de ce dernier Arrest quelques-uns de Messieurs furent d’avis que les meubles provenans d’une succession paternelle échûë à un mineur étant constiuez en rente, cette rente étoit un propre ; mais ce seroit étendre trop loin la fiction qui n’est introduite qu’en faveur de la dot.

Il semble neanmoins que pour rondre ces rentes constituées de deniers provenans de meubles échûs à une fille par surcession, il soit necessaire qu’elle foit mariée ; car c’est l’espece d’un Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 12. de Janvier 1662. une fille unique avoit quelques meubles de la surcession de son père : sa mere qui étoit sa tutrice ayant passé en un second mariage, elle obligea son mary d’employer en rente au nom de sa fille et pour luy servir de dot, les deniers provenans de ces meubles ; le mary ne fit point ce remploy, et la fille mourut sans être mariée ; il se meut procez entre son frere uterin et ses autres heritiers, pour sçavoir si cette somme devoit être reputée meuble ou immeuble, et si la reputant immeuble c’étoit un propre ou un acquest. Par la Sentence confirmée par l’Arrest, elle fut ajugée au frere uterin, quoy qu’il n’y eût point d’autres biens en la succession : on ne peut concilier cet Arrest avec les precedens qu’en établissant cette distinction, qu’en l’espèce de ce dernier la seule stipulation ne rendoit point la rente dotale, et par consequent propre quand elle n’avoit point eu son execution, et que la fille n’avoit point été matiée. De la Lande sur l’Article 300. de la Coûtume d’Orléans propose cette question, et dit que plusieurs sunt d’ais que les deniers promis en mariage doivent avoir été payez, autrement qu’ils demeurent en leur nature de meubles si la numeration n’en a pas encor été faite lors du decez des personnes, au profit desquelles on avoit convenu d’en acquerir des héritages. Son opinion est au contraire que ce payement actuel n’est point requi-, et que la seule stipulation d’employ, realise les denière en faveur du conjoint à qui l’on a désiré pourvoir ; il avouë neanmoins que suivant un Arrest remarqué par Mr Loüer, 1. D. n. 666. ces deniers demeurent meubles à l’égard seulement de celuy qui les avoit promis et qui étoit mort avant le payement, à l’effet que l’heritien mobilier du donateur foit tenu de les acquiter : Cela me semble bien sans diffiaailté contre les heritiers du donateur, mais lors que la question arrive entre divais heritiers du donataire, puis que ces deniers ne deviennent point immeubles par la simple destination que par la faveur du mariage, ils doivent demeurer en leur première nature, lors que le mariage l’a point été accomply, et qu’ils n’ont point été donnez par le pere ou le frère : Car en ce cas renans lieu de legitime ils retiennent leur nature : Cependant cet Article 111. n’y fait aucune difference, et il dispose expressément que si d’autres personnes avoient donné des deniers pour être convertis en héritage ou rente au nom de la fille, ils seront reputez immeubles, d’oû l’on induit que la Coûtume ne désire pas qu’ils ayent été actuellement convertis en héritage. ou rente, mais qu’il suffit qu’ils ayent été donnez pour y être employez ; néanmoins l’Arrest que je viens de rapporter a jugé le contraire.

On apprend par les Arrests que j’ay remarquez combien nôtre jurisprudence est différente et opposée à celle du Parlement de Paris : Par la Coûtume de Paris la stipulation de l’employ des deniers donnez par le pere, ayeul ou frere, en contemplation de mariage, les fait reputer immeubles quoy qu’ils n’ayent pas été remployez ; mais ce n’est qu’à liégard de la femme, car si elle meurt sans enfans, ou qu’ayant laissé des enfans ils décedent sans enfans, et qu’il n’ait pas été stipulé que l’employ se feroit à condition que les choses acquises demeureroient propre à la femme, et aux siens de son estoc et ligne ; si ces deniers se trouvent encore en na ture, ils sont considerez entre leurs heritiers comme menbles.

Au contraire dans nôtre Coûtume les deniers donnez pour mariage de filles, par pere, ayeul on freres, sont reputez immeubles, et propres encore qu’ils ne soient point employez et qu’il n’y ait aucune stipulation, qu’ils demeureront propre à la femme et aux siens de son estoc et digne, de sorte que cette qualité de propre leur ayant été une fois imprimée se conserve perpétuellement ; ce qui ne s’observe pas seulement pour les deniers donnez par les peres ou les freres en faveur du mariage, les meubles mêmes échûs à la fille par succession étant constiguez par elle en dot, acquierent la nature de propre et d’immeuble quand le mariage a été celebré.

Oans la seconde partie de cet Article la Coûtume fait une distinction entre les deniers donnez par les peres ou freres pour le mariage des filles, et ceux qui ont été donnez par ceux qui n’étoient pas obligez de les doter ; ce que ces dernieres personnes promettent ne procedant que d’une pure liberalité, la Coûtume le reputant véritablement immeuble, mais non pas ropre, parce qu’il ne tient pas lieu de legitime à la fille.

L’Article 93. de la Coûtume de Paris ne parle que des ascendans, mais cela n’empesche point que sa disposition n’ait lieu à l’égard des donations faites par les collateraux, ou même par les étrangers, s’il n’y avoit employé une pareille stipulation ;Ricard , Article 93.

Mais ce même Auteur propose encore un usage contraire aux Arrests que j’ay rapportez cydevant, si une fille, dit-il, portoit en mariage une somme qui luy étoit acquise, elle pour-roit bien stipuler qu’elle luy tiendroit nature de propre à l’effet qu’elle n’entrat point dans la communauté, mais elle ne pourroit pas faire que cette somme appartint dans sa succession ab siutestat, ou dans celle de ses enfans à lheritier des propres au prejudice de l’heritier mobilier, parce que les successions sont de droit public, dans lesquelles on ne peut pas interposer d’aures loix que celles qui sont prescrites par nos Coûtumes on a jugé le contraire en ce Parlement par les Arrests de Larcanier, de Thomas, et de Biset, et suivant iceux la dot constituée par une fille, de meubles qui luy étoient échûs par succession, appartient à l’heritier au propre à l’exclusion de l’heritier aux meubles et acquests.


CCCCCXII.

Deniers donnez à mineurs reputez immeubles.

Deniers donnez à enfans mineurs d’ans pour être employez en achat de rente ou heritage, sont reputez immeubles pendant la minorité des donataires, et tiennent lesdits deniers donnez et héritages qui en sont acquis, nature d’acquests.

Cet Article nous fait connoître que quand la Coûtume s’est departie des regles ordinaires, pour faire que la seule destination change la nature des choses, et convertisse des meubles en ûmmeubles, elle ne s’y est portée qu’en faveur de la dot et de la minorité ; car en cet Article elle déclare expressément que les deniers donnez à des mineurs pour être employez en achapr de rente ou herttage, ne sont reputez immeubles que pendant la minorité des donataires, pour montrer qu’elle n’en change pas la nature : Elle ajoûte aussi que ces deniers don-nez et les héritages qui en sont acquis tiennent nature d’acquest, ce qui est fondé sur la même raison que la seconde partie de l’Article precedent.

Par les Constitutions des Empereurs le tuteur est tenu d’employer les deniers appartenans à ses mineurs en achapr d’héritages ou de les bailler à interest, l. Quoties, D. de administ. tut.

Covarruvias est d’un sentiment contraire, quia nec pietatis causâ licet usuras exercere, C. super eo de usur.Covarr . to. 2. var. resol. l. 3. c. 2. DuMoulin , de contract. usur. n. 55. et quest. 76. 42 fortement soûtenu le contraire, et c’est un usage cettain que pour les rentes constituées au profit les mineurs, le tuteur peut valablement stipuler le rachapt dans un temps sans que l’on puisse pretendre cette paction usuraire : Arrest du Parlement de Paris de l’année 1622. en la cinquième Chambie des Enquêtes ; mais aussi-tost aprés la majorité l’interest cesse.

I y a de l’apparence qu’autrefois en cette Province on jugeoit le contraire ; car outre l’Arrest rapporté par Berault il s’en trouve un du 23. de Février 1509. par lequel des deniers ap-partenans à des filles mineures ayant été baillez en rente à charge d’en faire le raquit lors qu’elles se matieroient, le Contrat fut cassé, et l’obligé décharge de l’interest. Autre Arrest du 8. de Février 1530-

Berault a suivi l’autorité de ces anciens Arrests, mais aujourd’huy l’usage est contraire.

Elisabeth le Moyne, veuve d’un nommé le Moyne Marchand à Caen, bailla à interest pupillaire au denier quatorze la somme de quatoize cens livres à Nicolas Grimout Ecuyer, sieur de la Mothe, à condition de rendre cette somme dans trois ans : aprés ce terme le sieur de la Mothe en obtint une prolongation, aprés laquelle sur l’action de cette tutrice pour repeter les quatoize cens livres, le sieur de la Mothe allégua que ce Contrat étoit usuraire, s’aidant de l’Arrest remarqué par Berault : Je dis pour la tutrice que l’alienation du soit principal pour les constitutions de rentes étoit véritablement requise pour ne tomber pas dans le crime l’usure, mais 1’y avoit des exceptions à cette regle : Premierement pour les Marchands des Villes où il y a Bourse, qui peuvent bailler de l’argent en depost pour un temps : En second lieu pour les mineurs, ce que l’on permet en leur faveur par ces raisons ; l’une pour faciliter le mariage des filles ; lautre afin d’avoir de fargent prest pour traiter d’un Office ou de quelqu’autre employ ou pour entrer dans le commerce, et comme on ne poutroit pas retiter l’argent des mineurs s’il étoit perpetuellement aliené, on a permis en leur faveur de le bailler avec interest pour un certain temps : d’ailleurs comme le tuteur est responsable des constitutions qu’i fait,, on luy doit souffrit de faire valoir les deniers des mineurs à condition de les repeter : l est vray que quelques-uns ont estimé que cela se devoit faire par l’autorité du Juge et aprés des, proclamations, mais ces formalitez ne sont necessaires que pour le tuteur, et pour se décharger de la mauvaise collocation, et il n’est pas raisonnable de charger les mineurs de ces tais inutiles ; et neanmoins pour faire connoître que l’Intimée ne vouloit repeter les deniers de ses mineurs que pour son asseurance, elle consentoit que le sieur de la Mothe en continuât l’interest en baillant bonne et suffisante caution : Par Arrest du 22. de Février 1652 aprés la déclaration de ladite le Moyne, la Cour ordonna que les deniers demeureroient aux sains du sieur de la Mothe en baillant bonne et suffisante caution. Et afin que l’on n’en doutât plus par le Reglement fait pour les tutelles, la Cour en l’Article 40. en a fait une dispo-sition expresse. La jutisprudence du Parlement de Paris est conforme ; car quoy qu’un particulier. qui avoit fait un Contrat de constitution de certains deniers appartenans à une mineure, à condition de les rendre quand elle seroit mariée ou Religieuse, refusât de faire le rachapt pretendant que le principal n’étoit point exigible ; neanmoins par Arrest du 12. d’Avril 1652. le debiteur fut condamné à faire le rachapt. De laLande , sur l’Art. 191. de la Coûtume d’Orléans, ajoûte qu’en faveur des pupilles et pour la conservation de leurs biens qui sont en la garde des Loix on a introduit cette Maxime, que les deniers pupillaires puissent être baillez en rente avec cette charge que le constituant ne les poutra amortir durant leur minorité : un vendeur peut aussi stipuler que l’acheteur qui se constituë en rente pour le prix de son achapt n’aura la liberté de a racheter que dans unecertain temps, parce que cette convention fait une partie du prix, I. Fundi partem TS. D. de contrah. empt.

On a demandé si ce privilege introduit en faveur des mineurs pouvoit être étendu aux communautez : Noel le Coq avoit pris des Paroissiens du Menibus quatorze cens livres, constituez en cent livres de rente, à condition de rendre, ce capital toutefois et quantes : Sur l’action formée par ces Tresoriers quatre ans aprés ce Contrat contre le sieur le Coû, pour obliger à la restitution des quatorze cens livres, il y fut condamné : Sur l’appel je remarquay la difference qu’il y avoit entre les mineurs et les Communautez qui n’avoient point de raison ny de faveur particuliere pour être dispensez contre ce droit commun, et qu’au contraire les Communautez Ecclesiastiques étoient encbre défavorables, quia pietatis causa non licet usuras exercere, C. super eo de usur. ce que j’appuyois par. l’autorité de duMoulin , de usurquest. 13. Par Arrest en la Grand. Chambre du 17. de Juin 1667. la Sentence fut cassée, ledit le sCoû déchargé de restituer le principal, si mieux lesdits Tresoriers n’aimoient imputer sur le fort principal les arrerages qu’ils avoient reçûs, Theroude plaidant pour les Treloriers.


CCCCCXIII.

Deniers de raquit des rentes sont immeubles.

Rentes constituées à prix d’argent sont reputées immeubles jusques à ce qu’elles soient rachetées : et où elles appartiendroient à des mineurs, si elles sont ra-

chetées durant leur minorité les deniers du rachapt ou le remploy sont censez et reputez immeubles, et de même nature et qualité qu’étoit la rente rachetée, pour tourner aux parens du costé et ligne dont lesdites rentes étoient procedées : ce qui a lieu pareillement pour les deniers provenus du rachapt ou racquit des heritages qui leur ont été retirez.

Il étoit raisonnable de mettre au rang des immeubles les rentes coustitnées à cause du revenu successif et perpetuel qu’elles produisent, quoy qu’elles n’ayent point de fubsistance soli-de ny d’assignat certain ; mais le defaut d’un être réel est suppleé par l’alienation perpetuelle du sort, et par la permanence et la continuation d’une prestation annuelle et successive des arrerages qui renaissent comme les fruits naturels, sans que le principal se consume et dimi quë par le payement des arrérages, sufficit reditum perpetub durare posse, ut jure immobilium censeatur ;Molin . de feud. 5. 57. n. 5. Nous avons un exemple pareil dans le Droit Civil, ubi an-nonae civiles, et Sportulae que statis temporibus prestari solent rebus immobilibus exaquantur, Novell. 20. c. 1. de alienat. et emphyteu

Aprés avoir déclaré les rentes constituées immeubles, il eût été fort necessaire pour en regler le partage entre divers heritiers de leur donner une assiette certaine, soit en la colloquant ur les héritages hypothequez à icelle, soit par une hypotheque generale ou speciale, ou en ttachant leur fituation en la personne du creancier : par l’ancienne Jurisprudence du Parlement de Paris, le partage des rentes se faifoit entre les divers heritiers du défunt, par la Coû-tume des héritages obligez, si l’hypotheque étoit speciale : Mais aujourd’huy l’on suit la Coûtume où le défunt avoit son domicile ; et on s’est fondé sur ce que les rentes constituées, com-me les autres choses incorporelles n’ont proprement aucune situation : ce qui fait que l’on condere l’obligation personnelle qui prédomine, et de laquelle l’hypothecaire n’est qu’acces-soire.

En Normandie le partage des rentes ne se regle point ny par le domicile du creancier, ny par celuy du debiteur, ny par le lieu où le Contrat a été passé, mais par la Coûtume du lieu où les biens du debiteur sont fituez : Cet usage est fondé sur ce qu’autrefois l’on croyoit que la constitution d’une rente en deniers ne pouvoit valoir si l’on n’y affectoit specialement quel. que fonds, ou qu’au moins celuy qui s’obligeoit ne possedoit quelques héritages.

Cette qualité d’immeubles que la Coûtume donne aux rentes constituées n’est pas perpetuelle, elle ne dure qu’autant de temps qu’elles subsistent, et que le rachapt n’en est point fait.

Car aprés le rachapr les deniers reprennent leur première nature de meuble, et appartiennen par consequent à l’heritier aux meubles.

Cet Article ajoûte une exception à cette regle en faveur des mineurs, en déclarant que les deniers pruvenans du rachapt de leurs rentes conservent leur nature d’immeubles, pour retourner aux parens du côté d’où elles étoient provenuës aux mineurs, de la même manière queesi les deniers étoient provenus de la vente de quelque fonds. Ce que l’on n’a pas introduir seulement pour éviter aux fraudes que les tuteurs pourroient commettre, lesquels étant ordinairement les plus proches parens, et par consequent heritiers aux meubles pourroient feinire des rachapts, ou en cas d’un véritable rachapt ne remplacer pas les deniers jusques-là mé-me que la majorité survenante n’aneantiroit pas cet immeuble fictif, dautant que ceux qui ont été sous la tutelle d’autruy, sont toûjours reputez mineurs à l’égard de leurs tuteurs jusques aprés la rendition des comptes : mais pour les heritiers autres que le tuteur, cette fiction qui conserve ou qui imprime à des deniers la qualité d’immeuble n’a pas un effet per petuel et ne dure que pendant la minorité, elle n’opere plus aprés la majorité ; de sorte que le mineur devenu majeur venant à déceder, les deniers cesseront d’être immeubles. De laLande , Coûtu-me d’Orléans, Article 351

Mais, à dire le vray, cette precaution est fort inutile en Normandie où il n’y a point d’acquests ny de meubles que les propres ne soient remplacez ; elle ne peut aussi servir pour les acquests, dautant que celuy qui succede aux meubles est pareillement heritier aux acquests cette disposition donc ne peut avoir de lieu que contre un legataire, mais comme les mineurs ne peuvent avoir d’acquests que ceux que son tuteur a faits, si on rétiroit un fonds qu’il auroit acheté, ou que l’on rachetât une rente qu’il auroit constituée pour son mineur, ces de-niers seroient-ils reputez immeubles : Car le rachapt ou la constitution n’ayant été faits que des deniers du pupille, on ne seroit pas dans le cas de cet Article qui n’imprime et ne conserve la nature d’immeubles qu’aux deniers qui proviennent de choses immeubles, comme du rachapt des rentes constituées ; mais lors que ces rentes ont été constituées des deniers même des mineurs il n’y a pas d’apparence d’admettre la fiction, parce que la raison de la Loy cesse entièrement, qui n’a introduit cet immeuble fictif que pour empescher la diminution des immeubles des mineurs et la fraude de leurs tuteurs. Cependant Brodeau sur l’Art. 94. de la Coûtume de Paris qui est conforme à cet Article, estime que l’exception contenuë en cet Article doit avoir lieu indistinctement pour toutes les rentes appartenans à des mineurs, tant celles qui leur sont échuës à droit successif, que celles qui ont été acquises à leur profit, parce que le titre de prad. minor. sine decr. non alien. s’entend aussi bien du fonds acquis que du patrimonial ; mais en l’espèce de cet Article il ne s’agit pas d’alienation, mais de perpétuer une fiction en reputant toûjours immeuble une rente qui a cessé actuellement de l’être.

Cet Auteur sur. le même Article traite cette question, si un oncle tuteur de son neveu fait une échange d’une rente constituée contre une terre située dans une Coûtume où le mâle exclud la femelle, et le mineur venant à mourir et son oncle à luy succeder avec une tante, sçavoir si cette tante pourroit demander part égale au fief comme elle auroit fait aux rentes baillées en contr’échange, comme n’ayant pas été au pouvoir du tuteur pendant la minorité de changer la nature et la qualité des biens de son mineur pour y succeder ; et suivant son avis la tante y seroit mal fondée, parce, dit-il, qu’il s’agit dé la conversion d’un im-meuble en un autre immeuble, et partant que l’on n’est point au cas de cet Article, qu’il faut partager les successions en l’état qu’elles se trouvent ; cela pourtant à mon avis doit recevoir beaucoup de difficulté, car l’alienation des immeubles du mineur étant nulle, lors qu’elle n’est point faite par autorité de tuteur ou par avis de parens, et la Coûtume reputant immeuble les deniers provenans du rachapt des rentes constituées pour éviter aux fraudes que les tuteurs pourroient commettre, il n’y a pas d’apparence de faire subsister une échange qu’un tuteur auroit faite dans la seule vûë d’en profiter seul et d’en exclure les autres heritiers, en cas que son mineur vint à déceder.

Cet Artiele ne s’entend pas seulement des rentes constituées dont les Contrats ont été passez devant Notaires, mais aussi de celles qui ne sont que sous signature privée, quoy que Loy-seau, des Offices, l. 3. c. 4. ait reputé mobiliaire les rentes constituées par simple cedule, et qui n’ont point été reconnuës en Justice.

Mais on demande s’il est point necessaire que pour la validité de ce rachapt, et pour la seu reté du debiteur, que ce rachapt se fasse par l’avis des parens : On répond que cette precaution n’est point necessaire au debiteur par ces deux raisons ; la premiere, dautant que le tuteur en vertu de son institution est suffisamment autorisé à faire tout ce qui dépend de sa charge de tuteur ; et la seconde, qu’il est de l’essence des rentes constituées qu’elles soient perpetuellement rachétables, et que le debiteur puisse en faire cesser l’interest dés le moment qu’il offre le remboursement du principal, ce qui a lieu même pour les rentes qui appartiennent à des communautez Ecclesiastiques dont le rachapt est valablement fait entre les mains de ceux qui ont l’administration de leurs biens. Voyez Loüet et son Commentateur, l. R. n. 32.


CCCCCXIV.

Office venal quand immeuble.

Office venal est reputé immeuble, et a suite par hypotheque quand il est saisi sur le detteur par authorité de Iustice, avant resignation admise et provision faite au profit d’un tiers, et peut être ajugé par decret.

Voicy une espèce nouvelle d’un immeuble fictif, imparfait et extraordinaire ; la Coûtume declare immeuble l’Office venal lors qu’il est saisi. Quoy que les Offices de judicature soient maintenant publiquement venaux comme tous les autres on ne souffre pas neanmoins qu’ils soient vendus par decret, et la vente ne s’en peut poursuivre que par licitation qui se fait à la Barre de la Salle du Palais et les deniers qui procedent de ces licitations ou de la vente de tous autres Offices, se distribuent entre les créanciers selon l’ordre de leurs hypotheques comme d’un véritable immeuble : ce qui se pratiqueroit même quand on les reputeroit meubles, car en Normandie les créanciers sont payez sur les meubles selon l’ordre de leur hypotheque.

Depuis que les Offices ont fait une partie si considérable du bien d’une famille, les femmes ont taché d’y avoir bonne part, tant en proprieté qu’en usufruit : les heritiers du mary au contraire ont taché de faire moderer leurs droits : ce qui a produit plusieurs questions qui ont été décidées par les Arrests que j’ay rapportez sur l’Article CCCXXIX.

Mr le Bret en ses Décilions, l. 2. Dec. 2. traite cette question, si l’on peut revoquer la resignation que l’on en a faite ; Un Conseiller du Parlement de Paris avoit resigné son Office, et même il en avoit reçû le prix : les provisions du resignataire étoient signées, il ne restoit plus qu’à y mettre le seau, le marc d’or ayant été payé le resignant ayant changé de volonté, il oûtenoit que les resignations des Offices se devoient regler comme celles des Benefices, qu’en celles-cy l’on pouvoit revoquer la procuration jusqu’à ce qu’elle eût été admise par le collateur ; la seule resignation ne donnoit que jus ad rrm, c’est à dire une simple espèrance d’en être pourvû ; mais non pas jus in re, non videtur dimissum quod nondum ablatum, le public même avoit interest que les hommes consommez dans l’experience des affaires n’abandonaeassent pas si facilement leurs Charges : le resignanaire opposoit à ces raisons que fides est fundamentum justitiae, et qu’oncore que le Contrat ne fût pas entièrement parfait à l’égard du Roy, il l’étoit à l’egard du resignant qui avoit vendu et reçâ le prix, ce qui fut jugé en faveur du resigna-taire.

Dans la seconde partie du Journal des Audiences, l. 2. c. 14. il y à un Arrest contraire. par lequel Mr de Btoussel Conseiller au Parlement de Paris ayant vendu sa Charge à Mr le Bossu, qui avoit obtenu ses Provisions et qui demandoit l’execution de son Concordat, et neanmoins ayant depuis declaré qu’il vouloit continuer l’exercice de sa Charge, le Contrat de vente fut declaté resolu, et en consequence Mr de Broussel condamné à rembourser les frais des Lettres de provision obtenuës par Mr le Bossu, et à la restitution de la somme de douze mille livres avec les interests d’icelle,

On a jugé la même chose en ce Parlement en faveur de Mr le Marchand Lieutenant en la Vicomté de Roüen, qui fut mainienu en sa Charge au prejudice de Racine avec lequel il avoit traité, l’Arrest fondé sur cette raison qu’il ne falloit point chasser un Officier lors qu’il vouloit continuer l’exercice de sa Charge ; Je plaidois pour Racine.

Pour donner une ploine execution à la resignation d’un Office il faut qu’il y ait reception et prestation de serment, autrement il y a lieu au repentir, et lors que le resignant est deneuré en possession il est recevable à revoquer. De la Mare avoit traité de son Office de Maître aux Eauës et Forests du Bailliage de Gisors avec Charles Blor, qui obtint en suite ses Provisions : depuis de la Mare revoqua cette resignation et en fit une autre au profit de son freret ; Par Arrest du 3. de Juin 1617. au Rapport de Mi Martel, la revocation faite par de la Mart fut jugée valable.

Autre Arrest sur ce fait. Eacharie Pouchin traita de son Office de Mareschal du Guet en la ville de Caen avec Jean du Pont ; quelque temps aprés Pouchin donna action à du Pont pour voir juger la resolution de leur Concordat, prenant pour pretexte qu’il ne l’avoit fait qu’m extremis, et sur la promesse de du Pont de luy en faire la remise s’il retournoit en convalescence, et que d’ailleurs les choses étoient entieres : Tous ces faits étoient méconnus par du Pont, qui soûtenoit que l’on ne devoit pas considerer cet Office de Mareschal du Guet comme un véritable Office, parce qu’il se bailloit à ferme comme un héritage : Par Sentence du Juge de Caen vû que les choses étoient entières le Contrat fut déclaré refolu ; ce qui fut confirmé par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre le 23. de Mars 1662.

On plaida cette Cause en l’Audience de la Grand. Chambre le 18. de Juin 1636. si un fils de famille ayant traité par un prix excessif d’un Office en l’absence et sons l’aveu de son peré pouvoit être restitué contre le Concordat : Le pere empeschant l’execution du Traité, le fils difoit qu’on l’avoit fait traiter d’un Office de Conseiller au Presidial par quatorge mille livres constituez en mille livres de rente, qu’il n’avoit que cent livres de gages, qu’on l’avoit surpris étant à peine majeur, et qu’aprés tout puis qu’il y avoit une peine apposée par le Con-cordat, on ne pouvoit pretendre que le payement de cette peine, ce qu’il consentoit : Le vère ajoûtoit que n’ayant point été appellé à ce Traité il étoit nul, ayant refusé pour dix mille livres ce même Office que l’on avoit fait acheter à son fils par quatorze mille livres. L’on disoit au contraire que celuy qui avoit traité de son Office s’étoit fait pourvoir d’un autre, qu’il en avoit fait expedier les Provisions au nom de son resignataire, que le fils étoit majeur, Avocat en la Cour, et capable de traiter et de posseder l’Office : Par l’Arrest il fut dit que sans avoir égard aux Lettres de récision et à l’intervention du pere le Concordat seroit executé, nonobstant les offres du fils de payer la peine pour ressortir du Concordat, entre Mr le Mercier Avocat en la Cour, et Ms Jean le Mareschal Lieutenant General au Bailliage de Gisors.

On a demandé si la peine de mille livres apposée dans le Concordat de la vente d’un Office à faute par le refignant de faire expedier les Provisions dans un certain temps pouvoir être demandée vù l’inexecution de la condition, et le resignataire ayant été contraint d’aller en personne lever les Provisions à ses frais ; Herout qui avoit traité de son Office de Referendaire en la Chancellerie avec Etard y avoit été condamné par Sentence du Bailly de Roüens dont il étoit appellant : Greard son Avocat disoit qu’il y avoit trois espèces de peines, legales, arbitraires, et conventionnelles : La premiere étoit imposée par la Loy comme la peine du double, à faute par l’obligé de payer dans le temps prefix : La seconde étoit remise à l’arci bitration des Juges, selon les diverses cireonstances du fait et de l’interest des parties : Et la troisième dépendoit de la convention des parties. Suivant l’opinion de du Moulin en son Traité, De ce quod interest, quelque expresse que soit la Loy ou la convention des parties, il étoit noûjours en la puissance des Juges d’examiner leur véritable interest, et de consideres la perte et l’incommodité que l’on peut souffrir par l’inexecution de la convention : L’Ora donnance de Moulins du Doublement et Tiercement n’a jamais été pratiquée, mais quand il n’y auroit pas de lieu de la moderer, le vendeur avoit une excuse legitime ayant été empesché d’aller à Paris à cause de la maladie contagieuse dont la ville de Roüen étoit alors affli-tée, les habitans n’ayant pas eu la liberté de sortir pour aller ailleurs : que d’ailleurs celuy avec lequel il avoit traité étoit recompensé de ses frais, vù son offre de l’en rembourser. Je répondois au contraire que les Loix Civiles ne parloient que de la moderation de l’usure ou de l’interest qui avoit été stipulé, et non pas de la reduction d’une peine stipulée par une cont vention legitime des parties contractantes, laquelle devoit être pleinement executée quand elle ne blessoit point les bonnes moeurs ny l’interest public, que l’excuse que l’on proposoit n’étoit pas valable, car en ce même temps il n’avoit pas laissé d’écrire à Paris, et sa presence n’étoit pas necessaire pouvant faire expedier les Provisions par d’autres, que le retardement de sa reception le pouvoit éloigner du temps necessaire pour acquerir le privilege qui ne se gagne que par le service, qu’il avoit perdu l’interest de son argent, et qu’il avoit avancé les deniers necessaires pour les expeditions et pour les frais de son voyage : Par Arrest du 16. de pecembre 1670. en émendant la Sentence, la peine de mille livres fut reduite à huit cens livres. Quoy que le Contrat contienne une clause penale, et que suivant la disposition de la Magnam de contrah. et comm. stipul. et que dies interpellet pro homine, néanmoins pour constituer quelqu’un en retardement l’interpellation est necessaire, car les clauses resolutoires ne ont jamais prises à la rigueur et ne passent que pour comminatoires Si le resignataire ne pouvoit être reçû à l’Office dont il auroit traité, pourvû que l’empeschem ent ne procedût point du chef du Titulaire de l’Office, il ne poutroit se dispenser de payer le prix du Concordat, comme il fut jugé en cette espèce. Me Michel de la Broise Conseiller aux Hauts Jours de l’Archevéché de Roüen, et Procureur Fiscal en la Haute Justice de Preaux, traita de ces deux Offices avec Ms Edme Hardoüin qui fut reçû en la Charge de Conseillet aux Hauts Jours, mais le Seigneur de Preaux refusa de luy donner les Provisions de l’Office de Procureur Fiscal, cela luy donna lieu lors qu’il fut poursuivi par Demoiselle Loüise le Cavelier, veuve du sieur de la Broise, et tutrice de leur fille mineure, de payer le prix du Con-cordat, de contester ce qu’il devoit pour l’Office de Procureur Fiscal, parce qu’il n’avoit pû être reçû, demandant qu’à cet égard le Concordat fût declaré nul, et entant que besoin il se pourvût contre iceluy par Lettres de récision ; mais en ayant été debouté le Févre remontroit que quand l’Appellant avoit traité de cet Office de Procureur Fiscal la Terre de Preaux étoit saisie à la requête du Procureur General de la Chambre de Justice, et que par consequent le sieur des Bordes Gruin proprietaire d’icelle n’en avoit plus la disposition, et qu’il n’étoit pas raisonnable que n’ayant pû se faire recevoir à cette Charge il en payât le prix e répondois pour la Demoiselle de la Broise qu’il y avoit grande différence entre les Offices Seigneuriaux et les Offices Royaux : les Seigneurs Hauts Justiciers n’étoient pas tenus d’admettre des resignations, que Hardoüin n’ignorant point cet usage lors qu’il avoit traité sans aucune exception il avoit bien voulu courir le peril d’un refus : Par Arrest en la Grand. Chambre du 19. de Decembre 1669. la Sentence fut confirmée

Sur cette question proposée parBerault , si l’on peut arrêter les gages des Officiers. On cite ordinairement la l. 40. de re jud. D. commodis premiorum quae propter coronas facras prestantur condemnato placuit interdici, & eam pecuniam jure pignoris in eam causam capi posse, mais cette Coy ne fait pas une décision generale suivant l’explication de MrCujas , hac pramia, inquit, ve annonae publica possunt capi in causam judicati, judicato prohibito ea percipere, & quo die percipi solent executore rei judicata, ea auferente judicati faciendi causa, quo argumento dici potest etiam commoda que Clericis prastantur capi posse, & in causam judicati converti posse, & hoc probatur ex c. 2. extrav. de fidejuss. item stipendia quoque militum quoniam, l. stipendia militum, de execut. rei judic. sub conditione tantum vetat pignora militum pignori capi, si alia ratio non competat que rem udicatam perducat ad effectum. Ex conventione vero constat hec omnia commoda jure non obligari, spem que res pign. oblig. poss. vel non, C. spem eorum pramiorum quae pro coronis Athletis prestanda sunt privata pactione pignori obligari minimè admittendum est, et ideo nec si generale pactum de omnibus pignori obligandis intervenit, tenet.Cujac . in Comment. Ad l. 40. lib. 10. resp.Papin .

Juivant cette disposition du Droit Civil, plusieurs ont estimé que l’on ne pouvoit saisir les gages des Officiers de Finance ou de Judicature, quand le creancier a le moyen de se pourvoir sur d’autres biens. On pratique le contraire à la reserve des gages des Officiers Com-mensaux et Domestiques de la Maison du Roy : Pour le revenu des Beneficiers, il peut être arrété en leur laissant neanmoins une portion convenable pour leur subsistance ; cette question fut plaidée en l’Audience de la Grand. Chambre le 8. de May 1670. si un Curé peut demander que sur les fruits de son Benefice saisis par ses créanciers on luy ajugeast une provision pareille à la portion congruë, sans y. comprendre les terres d’aumone : M’Robert de Croisilles Conseiller au Pre-idial de Caen, avoit fait saisir les dixmes de Mr le Feron, Cuté de Misi, pour les arrerages de vingtquatre liv. de rente : elles furent ajugées avec les terres d’aumone à deux cens quatre-vingt livres, et à condition d’en payer deux cens livres au Curés sur l’appel par le Curé, du Hecquet conclud que la provision ne pouvoit être moindre de trois cens livres, sans y. comprendre les terres d’aumônes e soûtenois au contraire pour le sieur de Croisilles qu’il y avoit de la difference entre sa denande et la portion congruë. Celle-cy étoit favorable parce que c’étoit une espèce de restitu-tion que l’on faisoit aux Curez, mais lors qu’ils payoient leurs dettes ils faisoient eux-mêmes. ne restitution et déchargeoient leurs consciences ; c’est pourquoy il n’étoit pas raisonnable de sieur accorder une si grande provision, ce qui étoit conforme à la disposition du Droit Canonique, c. 2. exrr. de fidejuss. par l’Arrest on cassa la Sentence en ce que l’on y avoit compris les Obits, et on luy accorda deux eens livres en ce non compris les Obits.

Le 25. de Juin 1653. en la Chambre de l’Edit on agita cette question, si les Arpenteurs sont treés en titre d’Office, ou si c’est un Art liberal que chacun peut exercer en faisant Serment en Justice ; Cheneau s’étoit fait pourvoir d’un Office d’Arpenteur par Mr le Duc de Longueville, et le Bailly de Longueville avoit fait défenses à toutes autres personnes de faire l’Office d’Arpenteur. Boitout en ayant appellé, je soûtenois que c’étoit un Art liberal qui faisoit une partie de la Ocometrie : le Roy avoit un Office de grand Arpenteur pour ses forests, mais cela n’empeschoit point que les particuliers qui en étoient capables n’en fissent la fonction pour ceux qui les employoient : Baudry pour Mr le Duc de Longueville répondoit que l’on avoit Bacquet autrefois disputé si les Seigneurs Hauts-Justiciers avoient droit de poids et mesures à Bacquer, 1. du Dom, c. 4. dit que par Arrest du Parlement de Paris, la Provision fut ajugée aux HautsJusticiers ; or un Arpenteur étoit compris sous le nom de Mesureur, si menser falsum modum dixe-rit. Par l’Arrest en recevant le Procureur General appellant de son chef, en reformant la Sentence, on permit aux particuliers de se servir de tous Arpenteurs ayant Serment en Justice.

Voyez Godefroy sur l’Article 32. et l’Ordonnance de Henty IV. de l’an 1597. Article 25-dés5 Eaux et Forests.

Ricard sur l’Article S. de la Coûtume de Paris fait mention d’une Mercuriale tenué au Parlement de Paris, sur quelques propositions faites touchant la natute des Offices, et qu’il y fut arrété qu’il étoit à propos que par un droit tous les Offices de Judicature ou de Finance, les domaniaux et ceux qui ont été creés ou faits depuis hereditaires, quoy que non domaniaux à l’exception des Offices dont on joüit sur provision en blanc, soient reputez immeubles, tant en païs Coûtumier que de Droit écrit à l’égard des communautez et successions pour être partagez et reglez ainsi que les autres immeubles, sçavoir ceux échus au défunt par suceession sentre les plus proches heritiers de leurs propres, les autres par eux acquis entre leurs heritiers aux acquests, sans préjudice de la faculté donnée aux matis de retenir les effets en remboursant les deniers, et qu’au respect des créanciers lesdits Offices seront reputez immeubles non-obstant toutes les Coûtumes et Arrests contraires sans innover au surplus, pour ce qui a été jugé à l’égard du doüaire Coûtumier qui seroit excessif s’il avoit lieu sur les Offices indeciniment.

Cette même jurisprudence étoit établie en Normandie, tant à l’égard des femmes que des herit iers, et les Offices dans les successions étoient partagez comme les autres immeubles, ceux échus au défunt par succession se partageoient comme propres, et par Arrest du 27. de May 1660. donné en l’Audience de la Grand. Chambre, entre Georges Chrêtien et la Demoiselle du Ménil. Adelée, femme d’un nommé le Long, il fut jugé qu’une charge de Lieutenant de Longue-Robe en la Prevôté de Normandie, qui avoit été possedée à droit successif, appartenoit à l’heritier au propre au préjudice de l’heritier aux acquests ; plaidans Theroude et Darand. Et par l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article CCexXXVIII. on reputa les Offices tellement immeubles, que l’ainé qui avoit son préciput fut exclus d’y prendre part avec ses freres puisnez. Mais pour ne faire pas ce préjudice aux ainez, on a tenté de changer cette jurisprudence par l’Arrest que j’ay rapporté en l’Addition sup ledit Article 338. mais qui depuis n’a pas été suivy.


CCCCCXV.

Moulin, pressoir, cuves, tonnes, quand sont censées immeubles.

Vn moulin et un pressoir cuves et tonnes sont reputées immeubles, quand ils ne peuvent être enlevez sans desassembler.

Cet Article met sans aucune distinction les moulins entre les immeubles : Plusieurs Coûtumes font différence entre les moulins. Il y a des moulins à vent qui se peuvent mouvoir de place, comme ceux qui sont sur des bâteaux, où les moulins à vent qui sont assis sur seules comme parle la Coûtume de Nivernois, Tit. Quelles choses sont censées meubles, Art. S. Ces sortes de Moulins n’étant que sur la superficie, et n’ayant aucune consistence et stabilité attachée au sol, et au contraire pouvans être changez de lieu, ils ne peuvent tenir nature d’im-meubles ; d’autres Coûtumes comme celles de Berry, Article 3. 1. Quelles choses sont censées meubles ; Estampes, Article 129. reputent immeubles sans distinction tous les moulins tant à eau que sur bâteaux, ou à vent et autres excepté les moulins à bras.

On n’a pis : eu besoin de faire cette distinction en cette Province, où les moulins à eat ont de véritables édifices bâtis sur des fondemens solides et qui ne peuvent être changez de place, et bien que les moulins à vent n’ayent pas toûjours des fondemens solides, toutefois s’ils ont composez de si grosses pieces, qu’il est difficile de les faire mouvoir sans rupture, ils sont nsez de la même nature que les autres moulins ; il en faut neanmoins excepter les moulins à bras, par pour ceux que l’on fait tourner par des chevaux ou par des asnes, s’ils ne pouvoient être enlevez sans les démonter, il faudroit aussi les mettre au rang des immeubles.

Pour les pressoirs en Normandie ce sont de véritables batimens qui ont leurs fondement en terre, et qui sont composez au dedans de si grosses pièces et si bien jointes ensemble qu’on ne les pourroit enlever sans fraction. Il est vray que la Loy fundi 17. de act. empt. D. dit que les pressols et les cuves à vin ne font partie du fonds, quoniam, dit le Jurisconfulte, hac instrumenta magis suns, etiam si adificio cohareant, mais quoy que ces pressoits soient construits pour faire valoir, cela n’empèche pas qu’ils ne soient immeubles, et et ils le sont beaucoup plus que des tonneaux et des cuves ; et toutefois par le Droit Romain, dolia in horreis defossa sinon Ent nominatim in venditione excepta bonorum venditioni accessisse videntur, l. Dolia 36. D. de contract. empt. et suivant cette Loy les tonnes et les cuves font aussi reputées immeubles, par la Coûtume lors qu’elles ne peuvent être enlevées sans être abbatuës et sans les desassembler.


CCCCCXVI.

Pepinieres, chesnotieres, quand suivent le fonds.

Pepinieres, chesnotières, haîtrieres, oulmieres, et autres jeunes arbres provenus de plant, ou de semence, et tenus en reservoir pour être transplantez, sui-vant le fonds : néanmoins les veuves, usufruitiers, et autres heritiers prennent part aux pepinieres comme au meuble, avenant la dissolution du mariage en l’année qu’elles doivent être levées.

CCCCCXVII.

Pareillement les fermiers ayans planté lesdites pepinieres, chesnotieres, oulmieres et autres nourritures de semblable qualité, les peuvent enlever aprés leur bail expiré, en laissant la moitié aux proprietaires, pourvû qu’elles ayent été faites du consentement du proprietaire, ou six ans avant la fin du bail.

La Coûtume met les pepinieres au nombre des fruits industriels qui n’appartiennent aux usufruitiers que quand ils sont en maturité et qu’ils sont separez du sol, et par cette raison les veuves et les fermiers n’ont rien aux pepinieres qu’ils ont plantées si elles ne sont prêtes à être levées lors que l’usufruit ou le bail finit ; que si le proprietaire n’avoit pas levé les pepinieres dans les temps où elles étoient propres à être transplantées, et qu’il les eût laissées croître en grands arbres en sorte qu’ils ne seroient plus propres à être transplantez, la veuve ny les heritiers aux meubles n’y auroient point de part.


CCCCCXVIII.

Chaudieres et cuves des teinturiers quand censées immeubles.

Les chaudieres et cuves des teinturiers et brasseurs, étans bâties aux maisons des proprietaires, et à eux appartenans, sont censées immeubles, pour demeurer à celuy qui aura pour son partage la maison où sont lesdites cuves et chau-dieres.

Cet Article ne se doit entendre que du proprietaire ; un locataire qui autoit mis lesdites chaudieres ne pourroit être empesché de les enlever aprés son bail finy.


CCCCCXIX.

Bâteaux et navires comment censez meubles et immeubles.

Les bâteaux ou navires sont censez meubles : et neanmoins aprés qu’ils sont saisis par autorité de Iustice pour être decretez, sont reputez immeubles.

Si ce qui se peut mouvoir et changer de place aisément est appellé meuble, il n’y a pas de difficulté à mettre les navires au nombre des meubles : Il fut jugé par Arrest du 18. de Mars 1638. qu’encore qu’un navire eût été saisi en Picardie et que l’on y eût étably un Commissaire, toutefois le Maître du navire fayant amené à Dieppe et le proprietaire l’ayant vendu l’acheteur étoit en bonne foy, ne pouvoit en être dépossedé, la vente ayant été faite hors Province : le arcancier se devoit imputer la faute de n’avoit point établi des gardiens plus vigilans.

Autre Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 15. de Juillet 1650. par lequel il fut jugé qu’un bâteau bien qu’il fût encore sur les chouquers et chantiers ne pouvoit être pris et executé par un creancier que par une saisie réelle, et les Sentences qui en ordonnoient la vente à condition de huitaine de raquit furent cassées ; plaidans Heroüet et Maunourry


CCCCCXX.

Poisson comment meuble ou immeuble.

Les poissons qui sont en étang ou fossez, sont reputez immeubles : mais quand ils sont en reservoir, sont reputez meubles.

La distinction que la Coûtume fait en cet Article pour regler la qualité de meubles ou d’immeubles des poissons est fort ancienne et observée dans plusieurs Coûtumes : Elle est con-forme à la Loy 15. D. de actio. empt. et vend. Canales et fistula adium sunt : pisces autem qui sunt in piscina adium non sunt, nec fundi piscina, signifie ce que nous appellons reservoir, huches et boutiques où l’on renferme des poissons pour les vendre, ou pour s’en servir à sa com-modité, vivaria piscium in hoc clausa ut tempestatum pericula non adiret gula, et quamois acriori pelago seviente haberet luxuria portus suos, in quibus destinatos piscium greges saginaret, ; Seneca Epist. 90

DuMoulin , 5. 1. glos. 8. n. 18. de feud. dit que les poissons qui sont dans les étangs pour y croître et pour s’engraisser sont censez faire partie du fonds, et par consequent immeubles, et sunt veri fructus pendentes illius stagni : que s’ils sont renfermez dans une partie de létang ou en quelque reservoir qu’ils ne font point partie du fonds. VoyezBrodeau , et Rieard sur l’Article. 91. de la Coûtume de Paris ; de laLande , Article 355. de la Coûtume d’Orléans On peut appliquer la disposition de cet Article aux garennes et colombiers : Les pigeons et les lapins sont reputez les fruits naturels du lieu, de sorte que s’ils ne sont expressément reservez ils sont comptis dans la vente du fonds : Si toutefois le maltre de la maison avoit quelque clapier dans sa maison, ou s’il nourrissoit des pigeons dans sa maison, ces lapins et ces pigeons seroient censez meubles.

De stagnis construendis, GuyPapé , Decis. c. o1.