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CCCCCXXI.

Prescription quadragenaire.

Prescription de quarante ans vaut de titre en toute Iustice pour quelque chose que ce soit, pourvû que le possesseur en ait joüy paisiblement par ledit temps : excepté le droit de patronnnge des Eglises appartenant tant au Roy qu’autres.

Nous ne pratiquons point la prescription de dix ans entre presens, et de vingt ans entre absens, fondée sur un titre et sur la bonne foy, pour éviter aux questions qui naissent sur le fait de la presence ou de labsence, et sur la bonne ou mauvaise foy du possesseur : mais la Coûtume a étendu si loin le terme pour prescrire, que pour faire valoir la prescription et luy donner effet il n’est point necessaire de representer un titre, et la possession quadragenaire fait une preuve suffisante de la bonne foy : C’est assez favoriser la negligence d’un propriétaire ue de luy donner le temps de quarante ans pour songer à la conservation de son droit, et aprés un terme si long on peut se servir avec justice du suffrage du temps, comme parle le Jurisconsulte en la l. Si inter extraneos, D. de donat. inter vir. & uxor. La pluspart des Coûtumes de France ont reçû la prescription de trente ans, même pour les héritages.

Suivant cet Article la prescription de quarante ans vaut de titre pour quelque chose que ce soit. Les Loix et les Coûtumes qui ont même abrogé les prescriptions et qui les font valoir aprés trente ans n’ont aussi requis aucun titre ny bonne foy, l. Sicut, l. Omnes, C. de prescript.

Paris, Art. 118. Bretagne, Art. 282. Orléans, Art. 261. En effet un temps si considérable efface tout soupçon d’injustice, d’usurpation, et de mauvaise foy, et purge tous les defauts réels et personnels, et l’on ne presume point qu’un propriétaire soit assez negligent pour abandonner ses droits. Ainsi nous rejettons avec raison la disposition du Droit Canonique, qui reur que le commencement, le progrez et la continuation de la joüissance soit accompagnée de la bonne foy, c. vigilanti, et C. ult. extr. de prescript. car sous pretexte de conserver la bonne foy on donne ouverture à une infinité de contestations, et l’on trouble le repos et la seureté des familles ; de sorte qu’il est plus utile au public de n’examiner pas avec tant d’exacitude les droits de ceux qui ont possedé paisiblement durant le cours de quarante années.

On ne fait neanmoins valoir la prescription d’un titre que lors qu’il n’en paroit aucun ; car si l’on produit un titre et qu’il se trouve vicieux et contraire à la possession, on ne peut pdus se prevaloir de la prescription, vû qu’aucun ne peut prescrire contre son titre, et l’on ne presume plus de bonne foy lors que la possession paroit injuste et qu’il est constant que le détenteur a toûjours été dans une continuelle usurpation du bien d’autruy, et c’est pourquoy y a toûjours plus de seurété d’alléguer la prescription sans titre que de se fonder sur un titre ticieux et nul : Melius est non habere titulum quam habere vitiosum, quia possessio intelligitur continuata in qualitate tituli et conformiter ad titulum.

Les Ecclesiastiques ont bien sçû se servir de cet avantage pour les alienations qui avoient été faites de leurs biens lors que les particuliers faisoient apparoir de leurs titres, car l’on n’a point eu d’égard à la prescription, dautant que la prescription ne vaut que lors que l’on ne apporte point le véritable titre : un possesseur ne peut jamais changer la cause de sa possession, et le benefice du temps ne peut corriger le vice du titre, et tant qu’il paroit il passe avec ses defauts dans la personne des successeurs, vitia possessionum à majoribus contracta perdurant, et successorem autoris sui culpa comitatur, l. 11. C. de adquir. et retin. possess. et c’est pourquoy du Moulin dans son Conseil 10. dit que scriptura semper vigilat.

Si la prescription quadragenaire vaut de titre pourvû que le possesseur ait jouy paisiblement durant ce temps, sans la possession l’on ne peut acquerir de prescription, in usucapione causroxima est dominium, fecunda possessio, quia sine possessione usucapio non procedit, l. Non videtur, 0. de usucap.

I faut que cette possession ait été paisible, sans trouble et sans procez, car pour prescrire Je n’est pas assez d’avoir jouy, il faut que la possession n’ait point été intertompue, et qu’elle dit été continuelle, non interpellata, nec controuorsa ;Cujac . in Paratitl. Ad Tit. de usucap. C I n’est pas requis pour achever la prescription que la possession ait continué en une même ersonne, lors que la chose a été possedée successivement l’on conjoint le temps de la joüissance du possesseur avec celuy de lon predécesseur pour parfaire la prescription, successor uti-tur adminiculo temporis ex persona sui autoris, l. Pomponius de adquir. vel amitt. possess. La Coûtume n’apporte qu’une exception à cette prescription generale qu’elle avoit établie, sçavoir pour le droit de patronnage des Eglises, soit qu’il appartienne au Roy ou à d’autres.

On pretend néanmoins qu’il y a des biens si privilegiez qu’ils ne sont point compris sous la disposition de cet Article quelque generale qu’elle puisse être, ou qu’au moins la prescription doit être centenaire

On met en ce rang les biens Ecclesiastiques, et l’on se fonde sur cette raison que comme l’on ne peut les acquerir on ne peut aussi les prescrire, et que celuy qui ne peut aliener ne seur laisser prescrire : Pour décider cette question on distmgue les biens d’Eglise en trois especes, suivant la doctrine de JoannesFaber , sur le S. Religiosum de rerum divis. aux Instit. On met au premier rang les choses qui sont consacrées au service de Dieu, et celles-là sont perdetuellement imprescriptibles, comme aussi tout ce qui regarde la Religion : Les lieux con-acrez au Service Divin sont compris sous la seconde espèce, comme les Temples et les Egliles qui ne peuvent être changez en des usages profanes : La dernière espèce consiste aux biens temporels, et l’on ne doute point qu’ils ne soient prescriptibles comme les autres biens de cette qualité ; mais toute la difficulté consiste à sçavoir si la prescription de quarante ans suffit, ou si la prescription centenaire est requise

Cette question est décidée par le Droit Romain, et les biens Ecclesiastiques ne sont point exceptez de la prescription de quarante ans. Je viens de remarquer que le privilege qui leur Justinien avoit été accordé par Justinien fut bien-tost revoqué, sublata est centum annorum prascriptie que seculi magis est quâm temporis praescriptio, comme parle cet Auteur, iùâ aioro usixos à aû ypotis oDgycaos. Le Pape Grégoire I. à pareillement approuvé la prescription de quatante ans, même pour le patrimoine de l’Eglise de Rome, C. volumus N. 4. 13.

Et bien que les Ecclesiastiques s’efforcent d’établir la prescription centenalre en France on ne les en a pas crûs, la prescription de quarante ans a lieu pour les biens temporels des Eglises, et quia nihil spiritualitatis habent, ut catera bona temporalia Régui et Provinciae legibus sub-ticiuntur : C’est le sentiment de Mr d’Argentré , Art. 262. de la Coûtume de Bretagne, c. 20. n. 3. Par l’Article 118. de la Coûtume de Paris, celuy qui a jouy paisiblement d’un héritage ou d’une rente par quarante ans acquiert prescription contre âges et non privilegiez. Ricard sur cet Article dit que la Coûtume ne parlant point du temps par lequel l’on prescrit contre l’Eglise lon fuit lAuthentique, Quae actiones, C. de Sacros. Eccles. et l. C. de quota extrav. de prascript. qui limite la prescription contre l’Eglise à quarante ans, et toutefois que quelques-uns en exceptoient la prescription pour actions personnelles et qui concernent plûtost le Titulaire du Benefice que le Benefice et l’Eglise, auquel cas ils veulent que la prescription de trente nnées ait lieu comme contre les Laiques : En effet toute la grace que l’on accorde à l’Eglise, est que dans les Coûtumes qui admettent la prescription de trente ans pour toutes fortes de bions on la proroge neanmoins jusqu’à quarante ans en faveur de l’Eglise : La Coûtume de Blois, Titre des Prescriptions, Article 1. et celle de Berry, des Prescriptions, Article 2. le disposent expressément de la sorte.

En Normandie l’on ne peut revoquer en doute que la prescription quadragenaire n’ait lieu contre l’Eglise, car cet Article fut arrêté nonobstant l’opposition des Ecclesiastiques ; et afin que cela ne fist plus de difficulté la Cour en a fait un Reglement, Article 117. du Reglement de 1666.

La grande difficulté consiste à sçavoir si la prescription de quarante ans peut couvrir le defaut des solennitez qui sont requises pour l’alienation des biens d’Eglise, dont les principales sont qu’il y ait tractatus pracedens, qu’il y ait confirmation de la necessité ou utilité de la vente et approbation de Superieur : Il y a sur ce sujet deux questions importantes à examiner, la première à l’égard des tiers detenteurs, c’est à dire de ceux qui n’ont pas acquis immediatement de l’Eglise, et qui au contraire ont ignoré que ce qu’ils acqueroient fût un Domaine Ecclesiastique ; car l’on dit en leur faveur qu’encore que le iltre originaire soit vicieux pour n’avoir pas gardé par ceux qui acqueroient de l’Eglise les solemnitez necessaires, cela neanmoins ne leur doit pas nuire, dautant qu’en ces prescriptions quadragenaires il n’y faut pas même avoir de titre, et neanmoins les tiers détenteurs lors qu’on leur avoit caché le vice primitif étoient fondez en titre et en bonne foy, de sorte que l’on ne pouvoit contester que a prescription n’eût lieu à leur égard vû que leur bonne foy n’étoit pas seulement presumées par une possession plus que quadragenaire, mais même qu’elle étoit justifiée par leurs titres, autrement il n’y auroit point de cas où l’on fe pût servir de la prescription de quatante ans que les Canons ont introduite contre l’Eglise, si ce n’est des biens que les personnes Laiques ne peuvent posseder, comme les dixmes et autres choses Ecclesiastiques que l’on ne peut pas prescrire ; parce qu’on ne les peut pas posseder ; mais il y a une consideration publique qui doit faire ceser toute la difficulté qui est le desordre et la broüillerie que la dépossession apporteroit dans les familles, aux mains desquelles ces biens Ecclesiastiques ont changé plusieurs fois.

Mr lePrêtre , Cent. 1. c. 2. dans la derniere Edition assûre que l’on a jugé par plusieurs Atrests que quand c’est un tiers detenteur des biens Ecclesiastiques qui est en possession paisible de plus de quarante ans, qui a titre et bonne foy, la prescription a lieu à son égard. De la Lande sur l’Article 261. aprés avoir proposé cette question et cité quelques Arrests rapportez par du Fresne Fresne qui avoient condamné les tiers détenteurs, il ajoûte qu’il y a d’autres Arrests qui ont donné congé des actions petitoires et domaniales en cassation de baux et alienations, intentées par des Communautez Religieuses et des Beneficiers, contre des tiers acquereurs qui avoient possedé par eux et leurs Auteurs l’héritage aliené pendant l’espace de quarante ans et plus, depuis qu’il étoit sorty de la main du premier acheteur ou preneur, et que ces Arrests sont fondez tant sur la faveur de la possession quadragenaire que pour empécher le trouble que causent les évictions à cause des garanties ausquelles sont tenus les uns envers les autres, ceux qui ont possedé successivement les choses pretenduës être du domaine Ecclesiastique, et qui souvent emportent la desolation et la rüine d’un grand nombre de familles : et c’est aussi articulierement pour ce sujet que la prescription a été introduite, et qu’elle a été appellée li Patronne du Genre Humain, parce qu’elle ne tend qu’à prevenir le trouble et maintenir le repos entre les particuliers

Fresne Si l’on examine les Arrests remarquez par du Fresne en son Journal des Audiences, l. 4. c. 25. et 43. on reconnoîtra qu’ils n’ont pas jugé le contraire, et qu’ils ont été rendus sur des cironstances particulières : Par le premier, il a été jugé qu’un bail à rente fait par un Chapître pour payer une taxe sans information de commodo et incommodo, sans visitation de l’état des maisons et sans encheres étoit défectueux, quoy qu’il y eût cinquante-quatre ans qu’il eût été passé ; il y avoit encore cette autre nullité que la maison avoit été déja baillée en emphyteose à plusieurs generations dont il restoit encore deux vies ; de sorte que l’on avoit anticipé le temps pour faire cette alienation : mais dans le fait de cet Arrest il ne paroit point que la des mande eût été formée contre un tiers detenteur, ou que ce tiers detenteur eût connoissance ue le titre originaire de son Auteut fût défectueux. l est vray que dans le second Arrest l’action avoit été intentée contre le tiers detenteur Mais Mr Talon Avocat General remarqua que non seulement les tItres originaires étoient vicieux, mais aussi que ceux des tiers detenteurs ne pouvoient pas être de plus forte considera-tion pour en induire prescription, puis que la Coûtume qui l’avoit établie présupposoit une bonne foy pour fondement d’icelle, laquelle ne se rencontroit nullement aux tiers deienteurs, lesquels ayant pris le nantissement, ils avoient dû considerer la réserve qui étoit faite ( pourvû que les maisons en question ne soient point de nôtre ancien domaine ; ) d’où l’on peut fai-re consequence que l’on auroit jugé autrement si la prescription eût été fondée sur le titre et la bonne foy des tiers detenteurs.

Si selon le sentiment du Jurisconsulte en la l. 3. D. de Jurejur. remedia litium timendarum et pacis inter hominis stabiliendae amplectenda sunt : l’on prendra volontiers le party du tiers detenteur qui a acquis sans sçavoir qu’il procedast du domaine Ecclesiastique ; sur tout si l’on fait reflexion sur les troubles et les desordres qui sont arrivez pour cette rigoureuse recherche que l’on vient de faire des alienations des biens Ecclesiastiques pour le payement du huitième denier ; l’on a souvent remonté jusques au cinquième et sixième garands, qui possedoient paisi blement depuis un siécle, et qui se croyoient à couvert par une possession immemoriale : cesendant l’on n’a point encore fait en cette Province la distinction dont je viens de parler à égard des Ecclesiastiques.

La seconde question consiste à sçavoir si les vices et les defauts de solennitez ne peuvent être effacez ou couverts par le temps : Il faut distinguer entre les vices et les nullitez du titre où les nullitez sont fondées sur une simple lezion, ou sur le defaut des formalitez. Au premier cas pour s’en mettre à couvert, la prescription de quarante ans ne seroit pas necesfaire ; car les Ecclesiastiques qui ont contracté suivant le Droit Commun n’ont point à cet égard plus de privilege que les personnes Laiques qui sont obligées de se pourvoir dans les dix années : Ou bien le vice que l’on allégue consiste au defaut des formalirez necessaires, et en ce cas l’on considère la valeur et la qualité des choses alienées : quand elles sont consideraples, on demeure d’accord que l’alienation des bien Ecclesiastiques n’étant permise qu’en obser-sant les solennitez requises, le defaut d’icelles annulle le Contrat : mais la difficulté consiste en ce point, si ne paroissant point par la representation du Contrat qui a servy de titre à la possession qu’il ait été revétu des solennitez necessaires, elles ne sont pas neanmoins presumées par la possession de quarante ans qui a suivy le Contrat, et particulièrement en faveur d’un tiers detenteur, ou s’il faut une possession immemoriale et centenaire pour couvrir cette nullité. On dit pour cette derniere opinion que l’alienation des biens Ecclesiastiques qui a été fai-e sans solennitez est abusive, et que tout abus est imprescriptible s’il ne passe cent ans : Rebuffe sur la Regle de unione Benefic.Chopin , l. 2. 1. 6. n. 8. de Sacra politia.Molin . Consil. 44.

Et le C. 1. de prascript. in 6. lors que l’alienation est défenduë par la Loy, la prescription Fresne ordinaire ne sert de rien : Du Fresne en son journal des Audiences, l. 5. c. 1. et 2., t. 1. l. 2. t. 23. c. 1. On oppose à Boniface raisonnement que la Loy ne donnoit que les quaran te ans à l’Eglise, et que dans les cas ausquels il ne falloir que trente ans pour les choses profanes on en avoit accordé quarante à l’Eglise, mais qu’aprés ce temps on étoit à couvert de toutes sortes de nullitez, et qu’on n’étoit plus recevable à troubler un possesseur de bonne foy, et sur tout un tiers detenteur. Ricard sur l’Article 118. de la Coûtume de Paris, dit Fresne que sur cela sont intervenus plusieurs Arrests contraires, et que les maximes sont mêmes differentes sur ce sujet dans la Chambre du Parlement. En effet du Fresne en son Journal des Au-dience, l. 4. c. 23. et 42. et l. 5. c. 1. et 2. rapporte des Arrests par lesquels l’alienation des biens d’Eglise avec obmission de solennitez ne se confirme point par le long-temps ; mais par Arrest de ce Parlement du 29. de May 1564. il fut jugé pour le Curé de S. Sauveur de Casn contre les Croisiers de la même ville, qu’aprés cent quatre-vingt ans de possession les Croisiers n’étoient point recevables à leur demande, de rentrer en leur bien sur le pretexte du defaut de solennité. Cet Arrest ne décide pas la question, car outre qu’on allégnoit une possession de cent quatre-vingt ans, il est certain qu’une Eglise peut prescrire contre un autre Egli-se. Les Croisiers representoient une transaction faite cent quatre-vingts ans auparavant, par laquelle ils avoient quitté au Curé de S. Sauveur une maison pour s’aquitter de dix livres de rente ; le Curé s’étoit encore chargé de quelque rente, il ne paroissoit point par cet Acte que l’on eût observé les solennitez requises, ce qui donnoit lieu aux Croisiers de conclure à la nullité de la transaction : On leur répondoit qu’aprés un si long-temps, omnia presumuntur solemniter acta, et qu’il fe pouvoit faire que les pieces justificatives avoient été perduës, et aprés ine prescription de deux siécles on n’étoit point obligé de les representer On pourroit faire cette distinction que lors que le Contrat ne porte point que l’alienation a été faite avec les formes requises, et qu’elles n’y sont point énoncées s’il faut cent ans pour couvrir cette nullité : Mais s’il étoit fait mention par la Coûtume que les formalitez requises ont été faites, quoy qu’elles ne soient pas justifiées, que cet énoncé suffit pour faire subsister alienation aprés une possession de quarante ans

par Arrest du 1. de Mars 1605. au Rapport de Mr Turgot, entre le Commandeur de Saint Estienne de Renêville, et les heritiers de Régnaud de Langle, une emphyteose faite en 1535. d’une maison située à Evreux fut cassée, quoy que le Chapître l’eût ratifiée : Autre Arrest du d’Aoust 1606. au Rapport de Mr de Croixmare, entre l’Abbesse de Bival et Beausaut, Boulet, Gefroy et Ménage : Autre Arrest du 30. de Janvier 1607. Depuis par Arrest, entre Gi-lote Berout et Tourmente d’une part, et les Chanoines de la Ronde, l’on confirma une fieffe faite en 1455. de quarante acres de terre, une maison et colombier dépendant de leur Chapitre ; par ces deux raisons qu’il y avoit une possession de quatre cens ans, et que c’étoit un tiers detenteur qui avoit eu l’héritage par decret, où les Chanoines avoient négligé de s’opposerAutre Arrest sur ce fait en 1597. M de Pericard Evéque d’Avranches et Prieur de S. Phil-bert, avoit vendu un trait de pesche en la Rivière de Rille, et quelques rentes Seigneuriales faisant partie du Temporel de ce Prieuré ; l’acquereur long-temps aprés en fit une revente à un tiers qui en joüit plusieurs années sans aucun trouble. Mr l’Eveque d’Angoulesme, Prieut de S. Philbert, l’ayant fait sommer de luy remertre les choses qui luy avoient été venduës dépendantes de ce Prieuré, il appella son garand et conjointement avec luy ils se défendirent par une prescription de soixante années. Mr l’Evesque d’Angoulesme soûtint que leur titre étant

nul, parce que cette alienation avoit été saite sans aucune formalité, la possession de soixante années ne les mettoit point à couvert de cette nullité, par Sentence le Prieur de S. Philbere ut renvoyé en la possession des choses alienées, et le vendeur condamné à la restitution du prix et aux interests d’éviction envers le tiers acquereur : Par Arrest du 21. de Juin 1657. en la Grand. Chambre, la Sentence fut cassée au chef des interests d’éviction, et le surplus conlirmé ; plaidans Cloüet pour Laignel, de Cahagnes pour le Prieur de S. Philbert.

Quand les choses alienées sont de peu de valeur il n’y a pas de nullité, quoy que les formes prescrites pour l’alienation des biens d’Eglise n’ayent pas été observées, qu’on n’ait point informé de l’utilité et de la necessité de l’alienation, et qu’on n’en ait point fait de publications, reçû d’encheres, ny obtenu le consentement du Superieur, qui sont les solemnitez requises par les constitutions Canoniques et par la jurisprudence des Arrests ; et quoy que ces egles doivent être observées ordinairement, cela n’empesche pas qu’elles ne reçoivent quel quefois de la modification, parce que la prohibition d’aliener le bien de l’Eglise a plus de pofitique qu’autrement, afin qu’on ne puisse pas le dissiper mal à propos ; neanmoins quand la chose ne mérite point cette rigoureuse exactitude, l’alienation ne laisse pas d’être valable sulvant le Canon Terrulas 1a. quest. 2. qui dispense de l’observation des formalitez par la consi-deration de la modicité de la chose : Cela fut jugé de la sorte entre David de l’Emperiere Ecuyer, tant pour luy que pour ses coheritiers appellans, et Me Pierre Vibet Prêtre, Curés et les Prêtres et Tresoriers de Gousbeville, intimez. En l’année 1555. le sieur Cuté, Prêtre et Marguilliers de Grateville baillerent en fieffe au nommé Benard quatre plèces de terre moyennant vingt-cinq sols de rente fonclere, la valeur de la terre n’étoit point designée mais pour faire connoître que ce bail à rente étoit fort avantageux à l’Eglise, les appellans produisoient plusieurs Contrats qui enseignoient que les terres voisines ne se vendoient que uatre ou cinq livres la vergée : En 1592. le Curé et les Marguilliers en consequence d’une Loy apparente qu’ils avoient obtenuë furent renvoyez en possession de leur terre ; mais comme cette Sentence donnée durant les troubles n’étoit pas soûtenable, ils transigerent en l’an-née 1611. et par la transaction les sieurs de l’Emperiere augmenterent la fieffe jusques à soixante sols, ce qui fut consenty par le Patron lequel y étoit present ; néanmoins en 1640. Me Pier-re Vibet, Curé de Gourbesville, obtint un Mandement du Juge pour faire condamner le sieur de l’Emperiere à luy quitter la possession de ces quatre champs de terre qui ne contenoient que demie acre, ce qui fut ordonné par le Juge des lieux : Sur l’appel je disois pour les sieurs de l’Emperiere que la Sentence ne pouvoit être soûtenue, ny en sa forme, ny en sa matière ; en la forme, parce qu’étant en possession, ils ne pouvoient en être dépossedez par un simple Mandement du Juge, mais par la seule voye de la Loy apparente.

Au principal les Appellans soûtenoient qu’ils ne pouvoient plus être troublez aprés une si longue possession, et que le Contrat étant utile à l’Eglise il ne pouvoit être annullé. Il est vray qu’autrefois on avoit fait ces deux questions, si les biens des Eglises pouvoient être alienez, et s’ils étoient prescriptibles : Mais enfin il avoit été décidé qu’ils pouvoient être alie-nez et prescrits suivant les Titres De bonis, Eccl. alien. vel non, et de prascript. aux Decretal. et que même par le c. de quarta, de prascript. possessio quadragennalis omnem processus actionem excludit, et cela étoit sans difficulté par la Coûtume et par la jurisprudence des Arrests. E quand même le laps de tant d’années n’auroit pas asseuré aux Appellans la proprieté de ces héritage, ils avoient lieu de soûtenir la validité de leur Contrat, parce qu’il étoit utile à l’Eglife qui en recevoit tous les ans un revenu asseuré sans frais et sans diminution.

Il est vray que pour valider les alienations des revenus Ecclesiastiques, les Constitutions Canoniques désirent d’autres formalitez que celles qui ont été observées par ce Contrat de fieffe, mais on ne les garde dans la rigueur que quand il s’agit d’une alienation considérables que si la valeur de la chose alienée est si modique qu’on ne pourroit y observer toutes les solemnitez sans en consumer tout le prix en frais, les Canons y apportent un temperament, parce qu’autrement les Ecclesiastiques ne pourroient disposer des biens de petite valeur qui leur étoient inutiles, c’est la disposition du C. Terrulas. On ajoûtoit que par la l. 1. C. de jure emphyt. contractus emphyteuticus titulus alienationis non est. Et Bartole sur l’Authent. Qui remi C. de Sacr. Eccles. a tenu que licet solemnitas quae propria est alienationi nisi Canonica non possit remitti, ea tamen non ita necessaria est in emphyteusi quâ dominium directum non transfertur : Res parva in emphteusim dari possunt sine solemnitate ;Rebuf . in suo Compend. de alien. rer. Eccles. n. 24.

Lesdos disoit pour les Intimez que par le Droit Can. de bonis Eccles. alien. vel non ; les Baux à longues annéos et les Contrats emphyteotiques étoient également défendus comme les Contrats de vente, à moins que d’y observer les formalitez prescrites, quia concessio in emaehyteusim est Species alienationis, l. Fin. C. de reb. alien. et etiam locatio rerum Ecclesiae ultra triennium prohibetur.Clement. I . de reb. Ecclesiae non alien. à plus forte raison le bail emphyteutique, videCovarr . variar. resol. l. 2. c. 16. que dans le Contrat des Appellans on n’y avoit observé aucune formalité, que le long-temps et la Transaction ne pouvoient couvrir cette nullité : la Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest du 9. de Janvier 1649. la Cour en emendant la Sentence mit sur l’action du Curé les Parties hors de Cour.

Fresne Du Fresne en son Joumal des Audiences, l. 4. c. 26. de l’impression de 1652. rapporte n Arrest par lequel un bail en emphyteose des biens Ecclesiastiques sans y avoir observé poutes les formalitez fut declaré nul ; mais ce bail en emphyteose comprenoit une maison, un pressoir, des terres labourables, et des bois taillis, dont l’alienation n’avoit point de pretexte, quia sua sponte fructus ferunt, ut etiam prata et salinae.

Guy Papé en sa Decision 107. propose la question, an res Ecclesiae sine solemnitate possint dari in emphyteusim : et il fait cette distinction, que si la chose étoit baillée ordinairement en emphyteose aprés qu’elle étoit retournée à l’Eglise le Beneficier pouvoit la bailler derechef sans aucune forme ; que si ce n’étoit pas la coûtume d’en faire un bail à emphyteose, on ne pouvoit le faire sans solemnitez : Sur cette matiere voyez GuyPapé , Decis. 100. et ses Com-mentateurs, et Decis. 149. et les suivantes.

Licet alienare res Ecclesie minus utiles quae plus incommoditatis afferunt, quam commoditatis, etiam sine aliqua solemnitate. C. Terrulas. C. Item Dominus. C. Fugitur. C. cum non liceat. 12. 4. 2.

Quando autem res sit minus utilis cum pro ea conservanda vel reparanda plus impenditur quêm ex locatione aut fructibus percipitur, textus est in l. Sed an ultro, S. 1. de neg. gest. GuyPapé , Decis. 56.

Nos Docteurs ont agité cette question, si la Transaction contenant une alienation des biens d’Eglise est valable : Car ce mot d’alienation comprend omnem actum per quem dominium trans. fertur, et notamment la Transaction, l. 1. 5. sed etsi, D. si quid in fraud. credit. On a fait cette distinction, aut res traditur, aut retinetur ; au premier cas c’est une véritable alienation sujette aux formalitez, car autrement il seroit aisé de feindre un procez pour servir de pretexte à salienation des biens d’Eglise : au second cas le possesseur retenant la chose dont il joüissoit vant la Transaction, ne passe point pour alienation :Chopin , de Sac. Polit. l. 3. t. 7. n. 4.

Olive , l. 1. c. 1.Bonif . part. 1. l. 2. t. 2. c. 1. Journal du Palais, part. 2 Les causes principales et les plus asseurées qui peuvent donner lieu à l’alienation des biens Ecclesiastiques sont l’utilité et la necessité, mais elles ne sont point presumées sans preuveTouchant les solemnitez requises pour ces alienations voyezDuaren , de Sacr. Eccles. jurib. 7. c. 9.Gregor. Tholos . Tholos. in sontag. jur. l. 3. 1. 8. et Mr lePrêtre , Cent. l. c. 2.

Et pour conclure ce discours touchant la prescription des biens Ecclesiastiques, la pluspait de nos Auteurs estiment qu’elle ne commence à courir que du jour de la mort du Beneficier qui a dissipé mal à propos le bien de l’Eglise, C. si Sacerdos 16. 9. 3. et MrLoüet , l. p. init. apporte un Arrest qui la jugé de la sorte. Du Moulin dans ses Notes sur les Conseils d’Alexandre, Conseil 9. vol. 2. dit que cette Maxime n’a lieu qu’in alienatione prorsus deploratâ, ut cum enormi lesione et sine solemnitate.

La dixme ordinaire, quoy qu’elle fasse part des biens Ecclesiastiques, ne tombe point neanmoins dans le cas de la prescription, la quotité peut bien se prescrire, mais un particulier seul ne peut se servir de la prescription contre l’usage de la Paroisse, ce qui a été jugé pour les Religieux de S. Lo contre le sieur de Pleinesevete, par Arrest du 10. de Juin 1657. et par autre Arrest de Ir1. de Juillet 1666. au Rapport de Mi Salet, pour le Curé de Moyaux et e sieur Abbé de Bernay, un particulier qui avoit payé de tout temps la dixme à l’onzième fut condamné de la payer à la dixiéme, parce que tous les autres Paroissiens la payoient de la sorte.

Pour les dixmes insolitez comme elles ne sont dûës que par l’usage et la possession, elles peuvent prescrire.

se

Il est certain que l’action pour demander le dixmage est annale, et neanmoins on y apporta cette restriction par un Arrest donné au Rapport de Mr Salet, entre Trevisien, le Clerc, et e sieur de Juganville, que quand il est constant que la dixme a été engrangée par le proprietaire ou par le fermier qui la devoit, en ce cas la restitution en peut être poursuivie aprés l’an.

On a pareillement douté de l’effer de la prescription à l’égard du Roy : Je ne parle pas des droits de Souveraineté ny des Domaines de la Couronne, mais seulement de certains biens domaniaux que l’on pretend n’être point exempts de prescription. On pourroit dire que l’on agite inutilement une question dont la décision dépend de la volonté du Prince, mais nos Roys sont si genereux et si équitables qu’ils ont bien voulu en certaines choses se soûmettre au pouvoir des Loix : Et c’est pourquoy suivant la Charte Normande, la Coûtume de Normandie et l’usage ancien confirmé par l’Article 117. du Reglement de 1666. il y a particulierement deux pas où la prescription de quarante ans peut avoir lieu à l’égard du Roy : Le premier pour les biens qui ne sont point encore incorporez au domaine de la Couronne, et que le Roy pouvoit prendre à droit de confiscation, d’aubeine ou autres semblables. Le second cas est pour des droits que le Roy peut demander comme de rachapt, de lots et ventes, et autres droits momentanées qui regardent plûtost la personne du Roy durant son regne que la Couronne : VoyezBacquet , 1. de Desher. c. 7

Cette prescription contre le Roy est tres-ancienne en Normandie : On en trouve une preuve dansBriton , c. 18. des Droits du Roy, titée de l’ancienne Coûtume de Normandie por-tée en Angleterre ; Se terres sont par nous pourchassées on autres choses qui ne soient mie appartenantes à la Couronne, en tiel cas ne voulons mie que humme compte de plus haut temps que par bres le droit, et prescription de ceux courge contre nous comme en contre d’autres del peuple. Il est vray que le Roy n’a pas expressément approuvé cet Article de nôtre Coûtume, mais il la tacite. ment ratifié en permettant qu’il soit demeuré en l’état que nous le voyons.

Dans la pluspart des Coûtumes de France le Cens est imprescriptible, mais en Normandie. les rentes Seigneuriales n’ont point cette prerogative, et la Coûtume ne les a point exceptées de la rigueur des prescriptions.

I y a des cas où la prescription ne peut avoir son cours en consequence de cette regle de Droit, uon valenti agere, non currit prascriptio : Et cette difficulté arrive souvent pour les actions hy. pothecaires, car un créancier ou le cessionnaire d’une rente étant fort bien payé par l’obligé n’a point de pretexte d’appeller son cedant en garantie, si la prescription avoit son cours durant le temps qu’il a bien payé et que dans la suite lobligé devienne insolvable, ou qu’il soit dépossedé par quelqu’autre voye, son action en garantie se perdroit sans son fait et sans pouroir y apporter de remede : Cela a fait dire au Docteur Alexandre en son Conseil 58. in fine vol. 3. que par ce moyen narriveroit que laction hypothecaire seroit éteinte et prescrite avant qu’elle fût née ; mais si d’ailleurs on fuit cette opinion il n’y aura plus de prescription pour les hypotheques, et le Titre Si adversus creditorem prascriptio opponatur, deviendra inutile.

Loyseau Mr Charles Loyseau dans son Traité du Deguerpissement, l. 3. c. 2. a remarqué que pour éviter cet inconvenient nos Jurisconsultes François ont trouvé un remede fort convenable ; car au lieu que la vraye action hypothecaire est interdite et refusée au creancier jusqu’aprés pa discussion des biens de l’obligé, le Droit François en a introduit une autre à l’effet d’emrescher et d’interrompre la prescription, par le moyen de laquelle lors qu’on ne peut exerces Iaction hypothecaire, soit parce que la discussion n’a pas été faite ou que la dette n’est pas exigible, on ne laisse pas d’agir et d’interrompre la prescription, et c’est ce que nous appelsions declaration d’hypotheque, parce que la fin et la conclusion n’est pas que l’on soit condamné au payement de la dette ou que l’héritage soit delaissé, mais on conclud seulement qu’il soit declaré affecté et hypothequé à la dette ; de sorte que cette action pouvant être exercée en out temps, celuy qui la neglige ne peut plus dire qu’il ait été dans simpuissance d’agir, et on n’est plus dans les termes de cette regle, non valenti agere, non currit prascriptio.

Suivant cela le creancier d’une rente, quoy qu’il soit fort bien payé par l’obligé, doit prendre garde si cet obligé a vendu ou engagé son fonds ; car alors pour empescher et pour in-terrompre la prescription, il doit faire appeller cet acquereur en déclaration d’hypotheque.

Un acquereur doit user de la même precaution, afin que s’il étoit troublé avant les quatante ans il ne laissast pas achever le temps de la prescription par les acquereurs posterieurs.

L’action du cessionnaire d’une rente auroit moins de pretexte, car ne souffrant aucun trouble et étant bien payé il n’a point d’action ouverte pour retourner contre son cedant et luy demander une garantie, néanmoins il pourroit agir à l’effet seulement de faire dire que si dans la suite l’obligé devenoit insolvable ou qu’il fût dépossedé son cedant ne luy pût objecter le laps du temps ; ainsi lon pourroit opposer au cessionnaire d’une rente la prescription pour ne favoir pas interrompué, comme il le pouvoit faire en ajournant son cedant dans le temps de droit, pour faire dire qu’en cas de trouble ou de defaut de payement il seroit tenu de le garentir.

Mais peu de gens sont assez versez dans les affaires pour user de ces precautions, et il ne combe gueres dans la pensée d’un homme qui est bien payé d’une rente d’aller inquieter son cedant pour se conserver une action de garantie aprés les quarante ans ; et c’est pourquoyBrodeau , sur l’Art. 119. de la Coûtume de Paris, est d’avis que l’action en garantie ne commence à courir que du jour du trouble, suivant la I. Empr. et les autres citez par Baquet, des Droits de Justice, c. 21. n. 191. mais on a jugé le contraire en ce Parlement sur ce fait.

Les prédécesseurs du sieur Ernaut avoient vendu en 1585. neuf livres de rente qui leur étoient dûës par les nommez Louver, les proprietaires en furent toûjours bien payez jusqu’en 1é54. ue le sieur Ernaut fut appellé en garantie par Auvray vù l’insolvabilité du redevable : Il se éfendit par la fin de non recevoir, fondée sur le long-temps qui étoit de soixante années : l’acquereur repliqua qu’il n’avoit pû poursuivre plûtost ayant été bien payé : le Vicomte avoit prononcé à bonne cause l’action en garantie : Sur l’appel d’Ernaut Heroilet son Avocat s’aidoit de cet Article, suivant lequel la prescription quadragenaire vaut de titre pour quelque chose que ce soit, ce qui comprenoit toutes sortes d’actions. Theroude pourl’intimé pretendoit qu’on ne luy pouvoit objecter la prescription, namque non valenti agere non currit prascriptio, étant aien payé il n’avoit pas sujet d’inquieter son cedant : On répondit que cette regle étoit veritable dans les principes du Droit Romain, où l’acquereur n’avoit point d’action contre son uteur qu’aprés la discussion des biens de l’obligé ; mais par la Jurisprudence Françoise on voit introduit deux actions pour empescher la prescription : la premiere étoit l’action en declaration d’hypotheque contre le tiers détenteur ; et la seconde, l’action pour passer titre nou-teau contre le debiteur de la rente ; de sorte que l’acquereur ayant dû prevoir que son obligé pouvoit devenir insolvable, et qu’il avoit un moyen pour conserver son action en garantie, il loit s’imputer s’il l’a perduë par sa negligence, et aprés tant d’années il ne seroit pas juste de recevoir ces actions qui pourroient s’étendre à l’infini, ce qui mettroit le trouble par tout ; et c’est aussi pour éviter ce desordre que les prescriptions ont été établies, qui sont favorables en ces matières à cause des frequentes actions qui naltroient pour ces garanties par le grand nombre des rentes constituées qui font une grande partie du bien des familles. Mr Hué Avocat General en concluant pour l’Intimée, remontra que le vendeur devoit être considéré comme une caution, et que les diligences faites contre l’obligé étoient reputées faites contre le vendeur : La Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest du premier de Février 1657. la Sentence fut cassée, et le vendeur déchargé de la garantie.

Berault sur l’Article suivant a rapporté un Arrest contraire, par lequel le vendeur fut condamné à la garantie, nonobstant la prescription de quatante ans par luy alléguée.

Il fut jugé autrement en cette espèce : Varillon condamné à la garantie, nonobstant la prescription de quarante ans par luy alléguée, et un autre parriculier avoient fait des échanges de terres tenuës d’un fief appartenant au Chapitre de Lisieux, sans se charger l’un ny l’autre d’aucunes redevances : Le Contrat d’échange avoit été fait dés l’année 1590. Mr Clement Con-seiller en la Cour, titulaire de la Prebende à laquelle ce fief étoit attaché, demanda quelques rentes à ce particulier qui appella Varillon en garanrie : l’affaire portée en la Cour, le Sauvage pour Varillon se fondoit sur la prescription : Theroude pour le demandeur en garantie ré-pondoit qu’on ne pouvoit pas s’aider de la prescription contre luy, parce que cette rente ne luy ayant jamais été demandée et n’en ayant aucune connoissance il ne pouvoit agir contre son rendeur ; et il y avoit cela de particulier que Varillon possedoit auparavant ce même fief du Chapitre, de sorte que s’il avoit demandé la rente il eût été luy même garant : Par Arrest du 29. de May 1653. Varillon fut condamné à la garantie.

L’espèce de cet Arrest est fort différente de celle de l’Arrest precedent : Il ne pouvoit reprocher aucune negligence à ce particulier la rente luy étant inconnuë, et ne luy ayant point été déclarée par Varillon, il n’avoit aucune action ny aucune demande à luy faire ; et c’est le véritable cas de la regle, non valenti agere, qui est bien different des precedens où le créancier ou l’acquereur peuvent interrompre la prescription : Voicy une autre espèce en 1564. un néritage fut vendu en exemption de rente quoy qu’il en fût dû. En 1605. l’acquereur poursuivy pour payer cette rente bailla Aveu, par lequel il reconnut la rente, et ensuite il de-manda sa garantie contre son vendeur qui se défendit par deux raisons : La premiere que les choses n’étoient plus entieres, car sans cet Aveu la rente seroit prescrite, et qu’il devoit s’imputer s’il ne l’avoit pas allégué puis qu’il le pouvoit faire : l. Hoc jure 17. de evict. La seconde raison étoit que l’action en garantie est prescrite par quarante ans. Le demandeur ré-pondoit que la prescription de quarante ans ne luy pouvoit etre objectée, parce qu’il n’avoit où agir plûtost contre luy n’ayant point été inquieté : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes le vendeur fut déchargé : l’acquereur ne pouvoit se prevaloir de la regle non valenti, parce gue rutus erat tempore, et il n’avoit pas dû ôter à son vendeur l’exception que la rente étoit prescrite.

dais suivant les preceptes de nôtre Droit François, le raisonnement de Mr l’Avocat General dans l’Arrest d’Ernaut sembleroit n’être pas véritable, que les diligences faites contre le principal obligé interromproient la prescription contre la caution ; le creancier pouvant interrompre la prescription par l’action en déclaration d’hypotheque, et ne l’ayant point fait ses di-ligences contre l’obligé ne luy peuvent servir contre la caution, parce qu’il ne peut alléguer la regle non valenti agere ; et aussi la Jurisprudence du Parlement de Paris est contraire.

Suivant plusieurs Arrests remarquez par M.Loüet , il a été jugé qu’encore qu’un seigneur de fief ait été payé d’une rente par quelques uns des detenteurs de partie de l’héritage affecte à la rente ; les autres detenteurs et obligez à la rente pouvoient prescrire, et que le payement fait par chacun an de la rente entière, ne servoit point d’interruption pour empeschet la prescription, parce que le Seigneur avoit un moyen pour empescher la prescription en faisant bailler aux tiers detenteurs un titre nouveau, et bien qu’il fût payé potuit agere ad de-larationem hpothece, et l’on objecteroit inutilement que l’hypotheque ne se divise point ; cela est véritable quand l’hypotheque subsiste, quando remanet hypotheca, mais non pas quand elle est prescrite, tunc enim nulla est hpotheca non enti autem nullae sunt qualitates.

On n’approuveroit pas cette Jurisprudence en cette Province, au contraire l’usage est certain que le Seigneur qui possede sa rente Seigneuriale ou foncière sur l’un des detenteurs du fonds obligé, la possede sur tous les autres detenteurs ; ce qui a été jugé par Arrest rapporté par Berault sur l’Article suivant, et par autre Arrest du 17. de Decembre 1664. au Rapport de Mr de Brevedent, entre Doutretot et Jacques Crevel. La raison est que la rente étant enfoncée par indivis fut tout l’héritage, il suffit de la posseder sur cette partie pour conserver la pos-session sur le tout, et le Seigneur n’est pas obligé de s’informer si son vassal a divisé son fonds, ou s’il en a disposé d’une partie à un autre, son hypotheque étant tota in toto et in qualibet parte, la possession sur une partie conserve son hypotheque sur le tout, et à l’égard du Seigneur l’héritage est toûjours reputé indivis : Aussi Brodeau en son Commentaire sur MrLoüet , en ce même endroit témoigne que c’étoit l’ancienne Jurisprudence du Parlement de Paris, laquelle a été changée par les Articles 114. et 115. de la nouvelle Coûtume de Paris, qui porté que la prescription de dix ans entre presens et de vingt ans entre absens a lieu au profit du tiers detenteur, encore que la rente soit payée par celuy qui l’a constituée ou par autre à l’insçû du tiers detenteur ; mais comme on pouvoit commettre de la fraude en cachant cette alienation, il est porté par l’Article suivant que si toutefois le creancier de la rente a eu juste cause d’ignorer l’alienation, parce que le debiteur de la rente est toûjours demeuré en possession de l’héritage par le moyen de la location, réténtion d’usufruit, constitution de précaire ou autres semblables, pendant ledit temps la prescription n’a cours : je parleray encore de cette matiere sur l’Article suivant.

Mais on doit faire de la difference entre le Seigneur d’une rente Seigneuriale ou le proprietaire d’une rente fonciere, et le créancier d’une rente constituée à prix d’argent : Car les pre-miers ayant un droit réel en la chose res transit cum onere, et quelques alienations que le preneur en fasse, les proprietaires des rentes Seigneuriales ou foncieres n’ont point besoin de decreter ; mais le creancier qui n’a qu’une simple hypotheque doit veiller à ce qu’elle ne se prescrive pas, et c’est pourquoy l’acquereur d’un héritage affecté à une rente constituée à prix d’argent auquel on a vendu sans charge d’icelle, peut en la Coûtume de Paris prescrire par dix et vingt ans, et en cette Province par quarante ans encore que le premier vendeur ait toûjours été payé de sa rente par celuy avec lequel il avoit contracté ; car il étoit du devoir et de la diligence du premier vendeur de faire appeller le second acquereur en déclaration d’hypotheque.

il en va autrement de ceux qui sont obligez personnellement ; si de deux obligez solidairement à une rente constituée à prix d’argent, l’un paye la rente pendant quarante ans sans que le coobligé soit inquieté ny poursuivy pour le payement d’icelle, ny appellé pour passer titre nouveau ; on a douté si ce coobligé avoit acquis sa liberation par ce long espace de temps ; Cette question est décidée par la Loy dernière, C. de duob. reis stip. et suivant icelle le payement ou l’interpellation faite à l’un des coobligez interrompt la prescription pour tous les au-tres : le payement fait quemcumque debitorem liberat, tant celuy qui paye que celuy pour lequel on a payé : In utraque obligatione una res vertitur, ergo factum unius nocet, aut prodest omnibus interpellatio unius est interpellatio omnium : Donc tant et si longuement que l’un des coobli gez personnellement et solidairement paye et reconnoit la rente, l’autre ne peut prescrire ustit. quibus modis tollitur obligatio, et S. ex hujusmodi de duob. reis, l. Egisti S4. de solut. l. 8i ex toto, S. 8. de leg. Ce qui a lieu par consequent pour la caution de la rente laquelle étoit solidairement obligée.

Cela fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre le 8. de Juillet 1666. et par le même Arrest cette autre question fut encore décidée, que l’un des obligez solidairement ayant baillé des héritages au creancier pour le rachapt de sa rente, avec stipulation qu’en cas d’éviction la premiere obligation demeuroit en sa force et vertu sur tous les obligez : Le creancier ayant été dépossedé pouvoit mettre son Contrat à execution, quoy qu’il n’eûr point été present au Contrat fait par son coobligé : Rabot et le Brun s’obligerent solidairement en trente-cinq livres de rente envers le sieur de Mathan, et à l’instant devant les mêmes l’abellions Rabot promit au Brun de l’indemniser et de le décharger de cette rente, reconnoissant avoir reçû tous les deniers : cette indemnité fut baillée en l’absence du sieur de Ma-han. Rabot vendit au sieur de Mathan des héritages, moyennant quoy il le tint quitte du principal et des arrerages de cette rente, sous cette condition néanmoins qu’en cas d’éviction son Contrat demeureroit en sa force et vertu sur tous les obligez : Tous les biens de Rabot ayant été saisis réellement, de la Bonde Vicomte de Thorigni, cessionnaire des droits du sieur de Mathan, fit interpellation au Brun d’encherir les héritages de Rabot à si haut prix qu’il pûss être payé de sa rente, autrement qu’il y seroit condamné personnellement. Les heritiers du run se défendirent par plusieurs moyens : 1. Que depuis la creation de la rente en 1614. ils n’avoient rien payé, et qu’il ne leur en avoit été rien demandé, et que par consequent ils avoient acquis leur liberation par le cours de quarante années : 2. Que la rente avoit été éteinte en 1634. par la vente que Rabot avoit faite de ses héritages au sieur de Mathan, et qu’elle ne pouvoit revivre contr’eux qui n’avoient promis aucun recours en cas d’éviction ; que la stipulation faite en leur absence ne pouvoit rétablir une rente dont ils avoient été liberez ; que le sieur de Mathan n’avoit pû leur faire de prejudice, car sans son Contrat ils auroient poursuivi Rabot pour faire le rachapt de la rente, et même ils Iy auroient fait condamner et par corps ; d’où ils concluoient que le sieur de Mathan leur ayant ôté le moyen d’exercer leurs actions, il étoit non recevable à leur demander une rente laquelle avoit été pleinement éteinte à leur égard : nonobstant ces raisons ils furent condamnez à encherir les héritages à s haut prix que la rente pûst être payée, autrement ils étoient condamnez personnellement à payer la rente : Sur l’appel de Cahagnes s’aidoit des raisons cy-dessus alléguées. Greard pour de la Bonde soûtenoit que sa possession sur l’un des obligez solidairement luy servoit contre l’autre, que par la vente qui luy avoit été faite il avoit reservé toutes ses actions en cas qu’il fût dépossedé, que cette stipulation operoit contre tous les obligez quoy qu’ils n’y fussent pas presens, parce qu’à l’égard du creancier ils sont reputez une feule personne, et ce qui est fait ou payé par l’un est presumé fait et payé par fautre, ce qui rendoit leur condition fort différente de celle d’une caution, car à son égard lobligation une fois éteinte ne pourroit plus revivre quelques reserves que le creancier pûst faire, suivant l’Article 132. du Reglement de 1666. Par l’Arrest la Cour mit sur l’appel les Parties hors de Cour. Si linterruption contre le principal obligé vaut à la caution, j’en parleray sur l’Article CCCCCXXIII.

Il y a encore d’autres personnes à l’égard desquelles on peut douter si la prescription peut être interrompué par cette regle, non valenti agere non currit prascriptio ; par exemple, la femne matiée ; car le mary étant le maître de ses actions, il seroit injuste qu’elle portast la pel-ve de sa negligence ou de sa dissipation ; mais il faut faire la distinction remarquée par Bérault que pour les actions que le mary auroit dû intenter la negligence du mary n’empescheroit par le cours de la prescription fauf son recours sur ses biens ; mais pour les alienations que le mary auroit faites de son bien durant le mariage la prescription ne commenceroit à avoir son cours ue depuis la mort du mary.

La Coûtume de Bretagne, Article 445. de l’ancienne, et Article 472. de la nouvelle y est xpresse en ces termes, et à ce moyen le temps luy est reservé aprés la mort du mary ou aux hoirs d’elle aprés sa mort, pour recouvrer lesdites choses si le mary les a alienez sans le consentement d’elle.

Mr d’Argentré en ses Commentaires, sur l’Article 445. de l’ancienne Coûtume avoit été d’avis que cet Article n’avoit lieu qu’en ce cas data agendi impotentia facti propter metum minacis mariti, mais que cessant ces menaces sola matrimonii consistentia non valet ad inferendam impotentiam, aut inhibenda prascriptionis initia ; Mais sur l’Article 472. de la Coûtume reformée qui contient la même disposition que l’Art. 445. de l’ancienne, il accuse le Reformateur de ne l’avoir pas rédigé avec toute l’exactitude qui étoit necessaire : Car puis qu’ils vouloient suivre le Droit Romain, par lequel en la Loy in rebus, C. de jure dotal. le temps pour la repetition de la dot ne couroit point contre la femme constant le mariage, et par consequent le temps de la prescription ne commençoit que depuis la dissolution d’iceluy, en vertu de cette regle non valenti agere, il falloit ajoûter à cet Article cette exception qui se rencontroit dans le texte de la méne Loy, quod si quo casu mulier agere de dote posset constante matrimonio, totius prascriptionem currere cessante scilicet impedimento : D’où Mr d’Argentré conclud que puis que la femme peut se faire autoriser et même separer de biens, elle devoit s’imputer si elle ne l’avoit pas fait pour empescher la prescription ; mais cela ne seroit pas raisonnable à cause du desordre que cela causeroit dans les mariages, et les acquereurs ne sont pas en bonne foy d’acquerir le bien d’ude femme sans son consentement

Sérault et Godefroy ont agité cette question, si la prescription de quatanre ans étant autorisée pour quelque cause que ce soit, elle devoit aussi avoir son cours et son effet contre la fem-ne constant le mariage ; Le premier dit en termes generaux que cette prescription court aussi contre la femme, laquelle peut au refus de son mary se faire autoriser par Justice ; mais il ajoûte qu’il en seroit autrement si le mary avoit vendu le bien de sa femme laquelle ne pourroit pas constant le mariage fe remettre en possession d’iceluy, dautant que l’acquereur con-cluroit en garantie contre son mary, contre lequel la femme ne pourroit se défendre étant en a puissance. Godefroy suit cette opinion, que la prescription ne peut nuire à la femme pour ses biens alienez par son mary : l’on peut dire au contraire qu’il est véritable que le cours et l’efser de la prescription quadragenaire ne peut être empesché pour quelque cause que ce soit, ny sous quelque pretexte que l’on puisse mettre en avant, que nonobstant la pretention de Mr le Procureur General et des Ecclesiastiques qui soûtenoient qu’il n’y avoit que la seule prescription de cent ans qui leur pût être objectée, la prescription de quarante ans fut reçûë et au-çorisée à leur préjudice : Puis donc que la Coûtume n’admet que la prescription quadragenaire, qu’elle n’en reconnoit aucune autre de moindre temps, et qu’elle rejette celle de dix ans entre presens, et celle de trente ans entre absens dont la brieveté a introduit la distinction. d’absens, de mineurs, d’Eglise, de la femme pendant la vie de son mary et de quelques autres cas ; il est bien raisonnable que donnant aux pretendans proprieté ou hypotheque sur immeuble un temps aussi long que celuy de quarante ans pour interrompre l’acquereur, il en soit as-sûté aprés ce temps qui fait ordinairement les deux tiers de la durée des hommes contre la mauvaise foy, ou la negligence de ceux qui auroient pû y avoir quelque droit, comme les biens et les actions qui peuvent appartenir à la femme ne sont pas tous de même qualité, aussi n’ont-elles pas toutes le même privilege ; c’est pourquoy il est important d’en remarquer la différence, et lors qu’il s’agit de la prescription ces distinctions sont necessaires tant à l’égard de la personne de la femme qu’à l’égard des choses que l’on pretend acquerir en vertu de la rescription.

La personne de la femme durant le mariage doit être considérée en deux états, ou elle est demeurée sous la puissance et l’autorité de son mary, ou elle en a été en quelque façon dégagée par le moyen d’une separation civile

Pour ses biens pour sçavoir s’ils ont pû se prescrire constant le mariage, l’on distingue entre ceux qui luy appartenoient en proprieté lors qu’elle se maria, ou qui luy sont échûs constant son mariage. D’autre part comme les biens du mary sont affectez au doüaire de la femme et à la repetition des deniers dotaux lors qu’ils ont été payez, il est encore important d’examiner si la prescription des biens du mary peut avoir son cours au préjudice des droits et des actions de sa femme

Lors que la femme est toûjours demeurée sous la puissance de son mary, et que par cont sequent elle n’a point été capable d’enercer aucunes actions sans son aveu, plusieurs estiment que soit que ses biens ayent été alienez par son mary seul, soit qu’elle y ait donné son cont sentement, la prescription ne eourt point à son préjudice suivant cette maxime si équitas ple non valenti agere, et qu’en ce cas les femmes sont exemptes de cette Loy si generale que la prescription quadragenaire ne peut être empeschée pour quelque cause que ce soit, parce qu’étant sous l’autorité de leurs matis et par consequent dans l’impuissance d’agir la prescription ne doit coutir que du jour de la dissomtion du mariage : cela est décidé par plusieurs Coûtumes, et c’est une maxime reçûë au Parlement de Paris que la prescription ne court pas contre la femme majeure pendant le mariage, sinon lors que son mary n’est point son debiteur, son garand, ny interessé en l’action contre la possession on l’action que l’on pretend prescrire, mair quand il en est debiteur comme de ses deniers dotaux, ou garand, elle ne commence que du jour de la dissolution du mariage.Brodeau , sur MrLoüet , l. B. n. 1. Mornac est aussi de ce sentiment sur la l. 1. D. de fundo dotal. il ajoûte neanmoins que c’est le plus seur que la femme fasse ses protestations pour interrompre la prescription.

Mais cette Maxime n’est pas generalement approuvée : D’autres ont soûtenu qu’il n’étoit pas Vray que la femme pendant le mariage fût dans une perpetuelle impuissance d’exercet ses droit s et ses actions : Au contraire les Loix luy donnent deux voyes pour assûter ses interests, l’autorisation et la separation de biens : Aussi tant s’en faut que la femme n’ait pas le pouvoir de se défendre ou d’agir pour la conservation de son bien, il est en sa liberté par le moyen de la separation civile d’intenter et de poursuivre ses droits comme elle le trouve à propos, sant être astreinte à requerir l’approbation de son maty, ce que même elle peut faire contre sa volonté ; et pour user des termes de Mr d’Argentré sur l’Article 445. de la Coûtume volente, nolente, reluctante et prohibente marito, ce qui peut être confirmé par l’autorité du Droit Civil en la I. Ubi adhuc, C. de jure dotal. qui permet à la femme de repeter sa dot lors que son mary tombe en pauvreté ou qu’il fait mal ses affaires. Ce qui prouve que cette Maxime tirée du Droit Romain, non valenti agere non eurrit praescriptio, n’est pas toûjours véritable par les principes même de cette Jurisprudence, d’où il s’enfuit que pendant le mariage les biens de la femme sont soûmis aux Loix de la prescription, puis qu’elle a pû l’interrompre en intentant ses actions

Quelques Coûtumes ont pris un party metoyen, que les biens dotaux se peuvent prescrire par trente ans, même constant le mariage, si ce n’est que le mary ou ses heritiers ne fussent pas solvables pour répondre de la negligence faite à la poursuite desdits biens : Auvergne, Titre des Prescriptions, Article 5. La Coûtume de la Marche, Titre des Prescriptions, Article S3 est conforme, mais elle donne trois ans à la femme aprés le decez de son mary, si les biens d’iceluy ne sont pas suffisans, pour demander ses biens dotaux à ceux qui les detiennent, nonobstant le laps du temps encouru durant son mariage : mais suivant même ces Coûtumes il est toûjours vray de dire qu’en toutes manières les biens de la femme qui est demeurée sous la puissance de son mary sont imprescriptibles, si la femme n’en peut avoir recompense sur le mary ou sur ses heritiers.

Enfin d’autres Coûtumes ont fait cette distinction entre l’alienation des biens dotaux faite par le maty sans son consentement, et celle où elle a consenti volontairement. Par l’Article 28. Titre des Prescriptions de la Coûtume de Bourbonnois, prescription ne court contre la fem. me de ses biens dotaux et parafernaux alienez par le mary sans son consentement. Celle de Rheime dit la même chose, Article 260. Si le mary avoit aliené les biens de sa femme sans son consentement, la femme ou ses heritiers les pourront recouvrer des détenteurs, et contr eux intenter cas de nouvelleté dans l’an et jour du decez du mary, sans que les détenteurs puissent alleguer prescription pour le laps du temps encouru avant le mariage. Les Coûtumes d’Anjou, Article 445. et du Mayne, Article 457. disent la même chose-

Pour refoudre cette première difficulté touchant la prescription des biens de la femme alienez durant le mariage, soit que le mary les ait vendus seul, ou que la femme y ait consenti, il faut remarquer qu’encore que la prescription quadragenaire ait lieu pour quelque cause que ce soit, et que lon n’en excepte point les mineurs, les femmes et les absens, néanmoins la Coûtume dans le Titre de mariage encombré y a fait quelques exceptions pour les biens de la femme qui ont été alienez constant son mariage ; car si l’alienation en a été faite par le mary seul la femme peut se pourvoir par Bref de mariage encombré pour se remettre en possession de ses biens moins que dûëment alienez durant le mariage, et cette action doit être intentée par elle dans l’an et jour de la dissolution du mariage, sauf à elle à se pourvoir aprée l an par la voye propriétaire, Artiele 537

Que si les biens dotaux de la femme ont été vendus de son consentement les Contrats ed

sont valables sous ces conditions toutefois, que si les deniers n’en ont été convenis à som profit, elle en puisse avoir recompense sur les biens de son mary, que s’ils ne suffisent pas elle peut s’adresser subsidiairement sur les détenteurs de fa dot, Art. 539. et 540.

Il resulte clairement de ces Articles que nonobstant le cours de quarante années la femme peut rentrer en la possession de ses biens dotaux lors qu’ils ont été moins que dûëment alienez, ou qu’encore qu’elle ait consenti à la vente elle ne peut en avoir recompense : sur les biens de son mary ; car la Coûtume permettpoit inutilement à la femme de se pourvoir dans d’an du décez de son mary on par la voye proprietaire si elle pouvoit être excluse de ces actions en vertu de la prescription quadragenaire, et elle poussuivroit mal à propos les détenteurs de ses bians quand elle ne peut en avoir recompense sur ceux de son mary : si les dé-tenteurs se pouvoient aider contr’elle d’une possession quadragonaire, la Coûtume en ce cas n’auroit pas manqué d’ajoûter cette clause, en cas que les détenteurs de la dot n’en eussent pas jouy paisiblement durant quarante ans du jour de la vente ; mais la Coûtume ne faisant commencer l’année qu’elle donne à la femme que du jour du decez du mary, il est manifeste que tout le temps precedent ne luy est point nuisible, et que la prescription ne commence à courir contr’elle que du jour de la dissolution du mariage.

Mais si le mary a négligé de demander le payement de la dot promise à sa femme, ou s’il ne s’est pas mis en possession d’une succession ou d’autres biens échus à sa femme depuis et constant le mariage, sa femme sera-t’elle recevable aprés son decez à demander sa dot ou à croubler les détenteurs nonobftant une paisible possession de quarante années : La décision de cette question ne seroit pas malaisée si le mary ou ses heritiers étoient solvables, car il seroit raisonnable de faire porter au mary la peine de sa negligence ; et quoy que Mr Boyer en sa Decision 328. soit d’avis que la femme ne peut demander de recompeuse à son mary pour n’avoir pas exigé le payement de sa dot lors qu’elle étoit ddé par son pere, parce qu’il n’est coupable pour avoir usé de cette deférence envers luy, néanmoins cette excuse du mary ne seroit pas valable. Les Coûtumes de la Marche et d’Auvergne aux Articles que j’ay rapportez cu-devant contiennent une disposition qui paroit equitable ; car lors que la prescription arrive par la faute du mary quoy que le bien appartienne à la femme, elle n’est pas recevable à troubler un possesseur de bonne foy, pourvû qu’elle en puisse avoir recom pense sur les biens du mary qui doit porter la peine de sa negligence ; mais s’il n’est pas solvable, la condition de la femme soûmise abfolument aux loix et aux volontez de son mary n’en doit pas devenir plus malheureuse, elle peut même se défendre par une juste ignorance, n’ayunt pas sçû l’état de ses affaires et ne pourant découvrir si son mary s’employoit avoc ssez de vigilance et d’exactitude à la conservation de ses interests : Aussi duPineau , sorl’Article 445. de la Coûtume d’Anjou, qui contiont que si le mary aliene l’héritage de la femme sans son consentement la preseription ne court durant le mariage quant à la proprieté, soûtient contre Chopin et l’Hommeau , deux autres Commentateurs de la même Coûtume, que les femmes ne sont pas conservées seulement contre la prescription contre le seul cas de la vente, alienation ou engagement de leurs propres, mais que ce privilege regarde aussi leurs autres droits et actions ; car quand la Coûtume dit que le mary ne paut aliener durant le maviage les biens de sa femme sans son consentement, il faut sous-entendre qu’il ne le peut, sive in committendo, sive in omittendo, que le mot d’alienation comprend non seulement l’alienation les immeubles, mals aussi tous autres droits et moyens par lesquels elle recevtoit quelque perte pu dommage, même par sa negligence en l’exercice de ses actions qu’il auroit laissé prescrire, et qu’enfin celuy qui ne peut aliener ne peut laisser presctire ny diminuer la chose : inalienable, vix est enim ut non videaour alienare qui patitur ufucapi. l. 361. D. que in fraud. credit.

Au contraire l’on represente que presque toutes les Coûtumes nrettent de la dffference entre la prescription fondée sur l’alienation faire par le mary, et celle iqui pnooede de sa négli-gence ; qu’au premier cas les acquereurs ne sont pas favorables étant en manvaise foy, lous qu’ils acquerent de celuy qui n’étoit pas le Seigneur de la chose, et que la femme étant en la puissance de son mary et ne pouvant troubler les detenteurs de fon bien vendu par son mary, sans s’exposer à ses mauvais traitemens, il n’est pas juste que tandis qu’elle est dans cette impuissance d’agir la prescription coure à son prejudice ; mais il n’en est pas de même des brens, des droits et des actions que le mary a laissé prescrire ; il n’est pas vray qu’à cet égard elle n’eûr pû interrompre la prescription puis qu’elle le pouvoir faire par une frmple autorisation sans en venir à la separa-tion ; et qu’en cette rencontre elle ne peut s’excuser sur la crainte, ou l’autorité maritale, parce que de mary n’auroit souffert aucune peine par la demande et par la poursuite qu’elle auroit faite contre les détenteors de ses biens, aucontraire sa condition en feroit devenuë meilleure, puis que par l’action que sa femme auroit intentée il entreroit en la joüissance de biens qu’il avoit negligez ; qu’en-fin elle n’est pas de meilleure conditionque l’Eglise à qui le Prelat peut faire prejudice, in omittendo. La Coûtume du Mayne en a fait une disposition expresse, Art. 458. Si aucune succession étoit tehûe à la femme que le mary oût leisse passer sans la ncueillir, elle peut demander son héritace pour-â que ce soit dans trente ans d’icelle succession échûè. La Coûtume de Berry, Ait. dernier du Titr de frresoriptions, n’exempte de la prescription queles pooppes et les conquests de la femme.

C’est le sentiment presque universel de nos Auteurs, deChopin , et de l’Hommeau sur l’Article 445. de la Coûtume d’Anjou : Labbé sur l’Article de la Coûtume de Betry que je viens de citer, dit que cet Article ne comprend point les droits simplement deférez à la femme, et qu’ils sont compris sur l’Article premier du même titre, par lequel droits et actions se prescrivent par trente ans, même contre l’Eglise et les mineurs, ce qu’il tire en consequence pour la femme.Tronçon , sur l’Article 117. de la Coûtume de Paris, dit aussi que l’on a demandé si la prescription des deniers dotaux et des actions réelles et droits immobiliers de la femme, est valable ; Et il tépond que l’on tient l’affirmative mais qu’elle ou ses heritiers ont leur recours contre le mary et sur ses biens, par la raison que la prescription est une espèce d’alienation, et qu’amsi il est sans doute qu’autres personnes que le mary peuvent prescrite contre la femme pendant le mariage, mais qu’à l’égard du mary toutes les Coûtumes se rencontrent avec le Droit Romain, que la prescription ne court que du jour de son decez pour les actions et les droits de sa femme, qui vont directement contre luy et qui ne se peuvent prescrire, comme la femme étant en sa puissance, l. Vlt. C. de annali except. à l’exemple de l’action du pecule que le fils pouvoit intenter contre son pere, laquelle étoit perpetuelle et dont la prescription ne commençoit à courit que du jour du décez du pere, l. 1.

D. quando de pecul. act. an. sit. Et par la Maxime du Parlement de Paris remarquée par Brodeau sur Mr Loüet, l. P. n. 1. la prescription court contre la femme majeure pendant son mariage lors que son mary n’est point son debiteur, son garand, ny interessé en l’action contre a possession ou l’action que l’on pretend prescrire. Or le mary n’avoit point d’interest à emescher que la femme intentât action pour ses droits, et les détenteurs d’iceux n’avoient au-tune garantie contre luy puis qu’il ne leur avoit rien venduCette jurisprudence me paroit conforme à l’esprit de nôtre Coûtume : Sa dispofition est f generale en faveur de la prescription quadragenaire, qu’elle doit avoir lieu pour quelque caufe que ce soit, et l’on ne trouve aucune exception à cette regle que celle que j’ay remarquée pour les biens dotaux alienez par le mary qui est dans le titre de mariage encombré, autrement s’il étoit que tous les droits et actions qui appartiennent à la femme sont imprescriptibles, il ne seroit pas vray que la prescription de quarante ans vaut de titre pour quelque cause que ce soit ; il en faudroit excepter toutes sortes de biens et de droits appartenans à la femme aussi bien que les patronnages, et enfin le Domaine du Roy, l’Eglise, les mineurs, les absens n’étant pas moins favora-bles que la femme devroient en être pareillement exceptez, ainsi bien loin que la prescription quadragenaite pût valoir de titre pour quelque cause que ce fût ; il y auroit une infinité de choses qui seroient exceptées de cette regle : Aussi Bérault et Godefroy sur cet Article sont le ce sentiment, et ils n’ont excepté que les biens de la femme alienez par le mary.

Nous avons vû ce que la prescription peut operer contre la femme pour les biens, les droits et les actions qui peuvent luy appartenir, lors qu’elle est toûjours demeurée sous le joug de l’autorité maritale ; et nous avons distingué les cas où la prescription peut luy être préjudiciable ; mais comme elle peut avoir un doüaire et des recompenses de ses deniers dotaux, ou de de ses biens alienez sur les detenteurs des biens dont son mary étoit saisi lors de son mratiages il est de l’ordre de discuter cette question, si les droits et les actions qu’elle peut avoir sur les biens de son mary sont prescriptibles pendant le marlage : C’est en ce cas que l’on peut dire que la femme est dans une impuissance d’agir, car à l’égard de son doüaire n’y ayant point d’ouverture à la demande d’iceluy que par le décez du mary, l’on ne peut pas luy reprocher qu’elle a dû en faire la demande durant la vie de son mary : Elle n’a pû exercer cette iction, parce qu’elle n’a commencé de naître que par la dissolution du mariage : Or il est inouy qu’une action puisse perir avant que de naître, et pour ses biens dotaux le mary en ayant l’administration durant le mariage, la femme n’avoit aucun droit de les repeter : Ainsi l’on peut dire que le cours de la prescription n’étoit seulement arrété par l’impuissance d’agir, mais que la prescription même ne pouvoit commencer, parce qu’il n’y avoit pas de matière ny d’action qui fût prescriptible ; et c’est pourquoy la Coûtume de Paris, Article 117. dispose qu’en matière de doüaire la prescription commence à courir du jour du decez seulement

Toutes ces raisons que l’on allégue en faveur de la femme pour la mettre à couvert de la prescription n’ont pas le même effet, lors que la femme a rompu ses chaines et qu’elle est en quelque sorte rentrée dans sa première liberté, et c’est le second état où nous devons consideter la femme durant le mariage pour sçavoir si la prescription luy peut être opposée.

L’on peut dire en faveur des femmes separées qu’encore que l’autorisation et la separation. de biens semblent leur acquerir une pleine liberté d’intenter toutes sortes d’actions pour la conservation de leurs droits, néanmoins l’on connoit par l’experience que la pluspart n’ont pas plus de liberté qu’auparavant, et que le plus souvent ces separations se pratiquent par la fraude. de leur maris pour éluder les poursuites de leurs creanciers, et que cependant elles de meurent dans leur premiere caprivité et dans une ignorance entière de leurs véritables interests, ce qui cause que le remede qui leur est accordé par la Loy non seulement demeure sans effet et leur est inutile, mais même il leur est préjudiciable.

Mais d’autre part l’on objecte que la Loy les rendant capables d’intenter toutes sortes d’actions pour la conservation de leurs interests, elles n’ont plus d’excuse lors qu’elles negligent de se servir du serours qui leur estoit offert : DuMoulin , sur l’Article 28. de la Coûtume de Bourbonnois, Titre des Prescriptions, n’approuve les Coûtumes qui rejettent la preseriprion des biens de la femme durant le mariage que quand elle n’a point été separée, parce qu’alors elle est incapable d’agit, non habet legitimam personam standi in judicio sine autoritate mariti, qui etiam fructus suos facit ; secus vero à tempore quo est bonis separata. Il dit la même chose en fa Note sur l’Article 45. de la Coûtume d’Auvergne, quod si mulier separetur à viro, statim agere potest ad dotem. Idem de civili morte mariti.

Nous en-trouvons une disposition expresse en l’Article 16. Titre des Prescriptions de la Coûlume de Berry : és biens propres et conquests la prescription ne court contre la femme, mais il y avoit eu separation elle peut commencer à courir contre elle ; et par la l. In rebus, S. om. bis, D. de jur. dotal. la femme depuis qu’elle est separée peut exercer des actions contre son mary, ex quo hoc infortunium eis illatum esse claruerit, posse mulieres contra maritorum parum idoneorum bona, etiam constante matrimonio hypothecas suas exercere.

C’est aussi le sentiment de Brodeau sur M.Loüet , l. P. n. 1. et de Mornac sur la l. 1. Di de fundo dotal. En effet la separation la rendant capable d’exercer tous ses droits, et sur tout fe faisant particulièrement à l’effet de la faire subsister par la joüissance de ses biens où elle peut rentrer, et par celle de son doüaire, elle n’est plus recevable à troubler un détenteur qui a prescrit de bonne soy : Il fut neanmois jugé en la Chambre de l’Edit le 13. Juin 1649. qu’une femme separée accusée d’avoir soustrait des meubles, et pour ce sujet déclarée responsable des dettes, et ainsi privée de ses droits, ayant laissé tomber en peremption l’instance durant son mariage, l’appel qu’elle avoit interjetté de cette condamnation n’étoit point tombé en peremption, la femme ne pouvant perdre sa dot constant le mariage, plaidans Caruë, et Castel ; et par autre Arrest en la Grand-Chambre, au Rapport de Mr Côté, il fut encore jugé qu’une Instance d’appel interjetté par un mary touchant le bien de sa femme ne tomboit pas en peremption à son prejudice, et qu’elle étoit recevable à proceder sur cet uppel, dautant que par la peremption la procedure seroit confirmée, et la Cause au fonds demenreroit perduë.

Ces questions furent agitées en l’Audience de la Grand. Chambre le 29. de Juillet 1677. mais li Cause fut décidée par les circonstances particulieres En 1622. Anne Gots épousa Jacques le Noncher qui aliena quelque pottion de son bien en 1627. depuis sa femme ayant obtenu les Lettres de separation elle fit des lots avec l’acquereur, et on luy laissa pour le remploy de sa dot que le mary avoit reçûë le bien non aliené, de sorte que l’acquereur demeura paiible possesseur de son acquest jusqu’en 1677. que cette femme ayant été dépossedée de son partage à doüaire pour une dette anterieure elle troubla cet acquereur : Il s’en défendit en vertu de sa possession de plus de quarante ans, et par Sentence il fut maintenn. De l’Epiney pour Anne Gots Appellante representoit que la preseription n’avoit pû coutir à son prejudice, et quoy qu’elle fût separée de biens elle étoit neanmoins dans le véritable cas de cette Maxime non valenti agere, car elle avoit demandé son doüaire et sa dot, elle en avoit jouy paisiblement, ainsi elle n’avoit aucun pretexte de troubler l’acquereur ; mais étant dépossedée par un creancier anterieur de son matiage, elle étoit en état de retourner sur les possesseurs des biens de son mary qui ne pouvoient s’en defendre, puis que les lots avoient été faits avec puy, et que l’on ne pouvoit pas luy reprocher qu’elle avoir negligé d’intenter ses actions dans le temps fatal. Le Bourgeois pour de la Tour répondoit qu’elle avoit dû prevoir qu’elle pourroit être inquietée, et que par consequent elle étoit obligée d’intenter ses actions conserva-toires suivant l’Article CCCCCXXXII. de la Coûtume, qui permet au creancier de contraindre le possesseur d’héritage qui luy est hypothequé, soit à titre particulier ou droit uni-versel ou successit, à luy passer titre nouveau et faire reconnoissance de la dette, et que som héritage y est obligé, que la femme ne pouvoit pas être dispensée de cette formalité, et qu’elle devoit s’imputer si elle n’avoit pas usé de cette precaution : Par l’Arrest la Sentence fut cassée et en reformant il fut dit que lans avoir égard à la distraction demandée par l’acquereur il seroit passé outre au decret. La Cause fut décidée sur ces circonstances particulières : 1. a l’égard du doüaire il n’y avoit pas de difficulté, parce qu’il y avoit des enfans au prejudice des-quels, on n’avoit pû prescrire : 2. Les lots à doüaire avoient été faits avec cet acquereur et les creanciers qui luy avoient laissé un lot par non choix, ainsi elle ne pouvoit intenter aucune action contr’eux puis qu’elle possedoit en vertu d’un acte fait avec eux ; et pour sa don comme elle en étoit remplie par le delaissement de lhéritage. qu’il luy avoient quitté elle n’avoit plus rien à pretendre ; mais si la question generale eût été décidée, il auroit passé à dire que la prescription avoit pû courir.

Il faut encore ajoûter que cette regle non valenti a lieu en faveur des enfans pour leur tiers Coûtumier ; la prescription ne court point à leur prejudice durant la vie du pere, parce qu’ils sont dans une impuissance absoluë de conserver un droit qui ne leur est pleinement acquis que par la mort du pere, et aprés leur renonciation-

La prescription ne peut être opposée pour toutes sortes de Contrats, ubi lex inhibei usucapionem. bona fides possidenti nihil prodest, l. Vbi de usucap. D. Nous en avons plusieurs exemples dans ce même Titre ; par exomple, dans la l. Prascriptio. Prascriptio longae possessionis ad obtinenda loca uris gentium publica concodi non solet ; et en la l. Pignori. Pignori rem acceptam non usucapimus, quia alieno nominé possidemus. On en peut dire la même chose des Contrats usuraires et des autres de pareille nature. Mr d’Argentré fait difference entre les causes de la prohibitions que fiunt ex publicis causis prascriptiones impediunt, sed ea que à lege alienari prohibentur temporalibus de causis aut singulorum hominum respectu, aut locorum his causis cessantibus prascribi possunt, Art. 266. c. 25.

Puis que suivant cet Article la possession de quarante ans vaut de titre, par consequent il n’est point besoin de prouver un titre ou la bonne foy, à quoy le Droit Romain est conforme, qui ne désire le titre et la bonne foy que pour les prescriptions qui sont au dessous de quarante années ; et Bartole sur la l. Sequitur de usucap. a soûtenu que la bonne foy n’est point requise en la prescription de trente ans ; c’est aussi la disposition de la Coûtume de Paris, Article 118.

Quand on entreprend de prouver la possession quadragenaire ou immemotiale, les témoins doivent rapporter en cette manière qu’ils ont toûjours vâ en possession de toute leur connoisfance, qu’ils ont toûjours ainsi ouy dite à leurs predecesseurs, et avoir entendu de leurs pre-décesseurs qu’ils l’avoient ouy dire, et que c’étoit l’opinion d’un chacun.

Par Arrest du mois de Juillet 1629. au Rapport de Mr Baillard, il fut jugé que deux Seigneurs dont l’un étoit vassal de l’autre ne pouvoient prescrire les tenures l’un de l’autre Il arrive souvent que les Receveurs d’une Seigneurie et les redevables pour éviter les appretiations par chaque année s’accommodent par un certam prix ; mais quoy que les vassaux yant payé plus de quarante ans suivant les accommodemens faits avec les Receveurs, ils ne peuvent alléguer de prescription pour empescher que le Seigneur ne se fasse payer en essence des rentes portées par les aveux : Suivant cela il fut jugé au Rapport de Mr Côté le 10. de Février 1663. pour l’Hopital de Coûtance, qu’encore qu’une rente fonciere neût été payée qu’à cinq sols par boisseau dutant plus de quarante ans, et que par une Sentence donnée plus de quarante ans auparavant dont il n’y avoit point d’appel, l’Hopital eût été condamné à recevoir a rente à raison de cinq sols par boisseau ; neanmoins elle seroit payée en essence conformément deux Arrests rapportez parBerault . Ce qui a été aussi jugé de la sorte au Parlement de Paris. suivant les Arrests remarquez par les Arestographes.

Un creancier avoit épousé la fille de celoy qui luy devoit une rente ; cette femme étant morte sans enfans son bien retourna à ses parens qui pretendoient que cette rente ayant été une fois confuse elle ne pouvoit renaître : le creancier leur répondoit qu’obligatio potius cesaverat quam extincta fierat, 5. arcam, l. Qui res suas de solut. Elle étoit plûtost endormie qu’e-teinte, mais le debiteur repliquoit qu’en comptant le temps avant le mariage, et celuy qui étoit coulé depuis la mort de la femme il y avoit plus de quarante ans ainsi que cette rente étoit prescrite : Il fut jugé qu’il ne falloit point considerer le temps qui avoit precedé le mariage, parce que le mariage avoit servy d’interruption : Par Arrest en la Chambre des. Enquêtes au Rapport de Mr Romé du S. de May 1626.

On a agité cette question si la prescription commence à courir du jour du Contrat de vente, ou du jour de la vente de la condition : En 1598. Hericy sieur de Fierville vendit un fief avec faculté de le racheter toutefois et quantes : En 1607. le sieur de Fierville contracta des dettes, et en 16o8. il vendit la condition au freur de Blainville. Bernard sieur de Rotot fît saisir réellement ce fief en 1647. Le sieur de Blainville soûtint qu’il étoit possesseur quadragenaire ; la difficulcé de la Cause fut de sçavoir si la prescription avoit commencé de courir du our du Contrat de vente, ou du jour de la vente de la condition : Par Arrest en la Chambre Je l’Edit du 8. de Juillet 1648. il fut jugé que la prescription avoit commencé du jour du premier Contrat ; plaidans Coquerel et Lyout.

La prescription devient inutile si elle n’est alléguée, et celuy qui ne s’en serviroit point et qui ne l’opposeroit pas ne seroit pas même restituable contre l’omission qu’il en auroit faites fuivant l’Arrest rapporté par Berault sur cet Article, et un autre encore que je rapporteray sur l’Article qui suit : La raison est que la prescription n’est pas de plein droit, mais seulement par exception, laquelle par consequent doit être opposée ; autrement on presume que celuy qui pouvoit se servir de la prescription a renoncé à son droit, et qu’il l’a fait par un motit de bonne foy : C’est la doctrine commune des Docteurs que prascriptio non tollit ipso jure actionem, sed per exceptionem que à parte adversa proponenda est. On fait ensuite cette question si elle peut être supplée par le Juge, lors qu’elle n’est point opposée par la partie. Guy Papé Chassanée en sa Décifion 22. a soûtenu fortement la negative : Chassanée a été aussi de ce sentiment, et Mr Boyer en fa Décision 344. se fondant sur la raison que je viens d’alléguer que l’action n’est point perie de plein droit, et que la prescription opere seulement une exception à laquelle on n’a point d’égard lots qu’elle n’est point alléguée : Quelques-uns font cette distin-ction que quand elle est de telle qualité qu’elle resulte et qu’elle est comprise dans le même acte qui produit l’obligation ou l’action : le Juge en ce cas doit la suppléer, mais si l’exceptlon n’est pas de cette nature que le Juge ne la peut faire valoir de son chef. Mais cette distinctiom. n’est pas considérable, parce que le silence de celuy qui ne se sert point de la prescription fait presumer qu’il n’y a renoncé que par un principe de bonne foy, et qu’autrement il n’auroit pas manqué d’user de cette exception, et par consequent le Juge doit prononcer seule-ment sur ce qui luy est proposé-