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CCCCCXXXIV.

Prescription annale.

Drapiers, merciers, espiciers, orsévres, et autres marchands grossiers, massons, charpentiers, couvreurs, barbiers, laboureurs, et autres mercenaires, ne peuvent faire action de demande de leurs marchandises et salaires aprés un an passé, à compter du jour de la delivrance de leurs marchandises ou vacation ; s’il n’y a cedule, obligation, arrest de comp et par écrit, ou interpellation judiciaire.

Quoy que l’on puisse éluder l’action des personnes nommées en ces deux Articles par une fin de non recevoir, toutefois le défendeur ne peut se difpenser de prêter le serment ; c’est la disposition de l’Article 265. de la Coûtume d’Orléans, et du Moulin de usur. n. 128. dit que les Coûtumes qui ont introduit ces prescriptions n’ont point de lieu quand le debiteur reconnoit la vérité et la bonne foy, sunt enim introducta in favorem debitorum qui sine apocha et testibus, ut fit, solverunt ; ac pracipuè heredum eorum, unde non impedit quin debita excipiens teneatur ad petitionem mercatoris arentis intorrogationibus de calumnia, bona fide et veritate etiam fpeciatim, et cum jurejurando refpondere.

La Coûtume n’a point fait mention des Medecins, Chirurgiens et Apothicaires, néanmoins faut les comprendre sous la disposition de l’Article CCCCCXXXIV. suivant l’Art. 125. de la Coûtume de Paris. Tronçon sur cet Article-là a remarqué que les hommes sçavans ont trouvé mauvais que la Coûtume de Meaux, Art. 65. ait mis les Medecins pour leurs salaires au nombre des mécaniques, vû que ce sont personnes necessaires et d’une profession honorable, et qui travaillent à la santé des hommes. Il est vray qu’autrefois ils sont demeuez long-temps sans honneur, et que ceux qui en faisoiemt profession étoient le plus souvent des esclaves ; mais la science et l’usage de la Medecine sont si utiles aux hommes, que les honnêtes gens ne dédaignent point de s’occuper à cet employ, de forte que leur sçavoir et leur experience les rendent dignes d’honneur.

La raison pour laquelle l’on a dérogé par cet Article au Droit Commun qui veut que toute ction personnelle dure trente années, est que ces sortes de marchands ont une espèce de titre par devers eux, sçavoir leur Papier Journal, en vertu duquel ils exigent le payement de la narchandife qu’ils ont venduë ; mais le bourgeois qui a acheté n’a tien de son côté, et lors u’il paye la marchandife qu’il a prise à credit il n’en tire aucune quitance, et la pluspart sont même assez negligens pour ne faire pas décharger les livres des marchands ; c’est pourquoy l’on a trouvé juste que le bourgepis aprés un an puisse opposer la fin de non recevoit en affirmant qu’il a payé, et que le marchand ne pûst plus aprés l’an faire valoir contre luy ce qu’il a écrit dans ses livres.

La prescription portée par cet Article n’a lieu que pour ceux qui vendent en detail, et ne doit point être entenduë de marchand à marchand ; ainsi jugé pour Thirel marchand, qui voit vendu deux barils de Harang à Christophle le Vert Boucher à Caudebec, qui se défendoit par la fin de non recevoir : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. de Février 1666. plaidans de l’Epiney pour l’Appellant, et moy pour Thirel.

C’est aussi le sentiment de Brodeau sur l’Article 126. de la Coûtume de Paris qui est conforme à la nôtre, que lOrdonnance et la Coûtume n’ont lieu qu’à l’égard des bourgeois qui prennent des marchandises pour leur usage, et non pas pour ce qui est fourny à un autre marchand ou artisan, et il ajoûte que c’est la Coûtume du Châtelet. La Coûtume Reformée de Bretagne le décide expressément, Art. 292. et dans la seconde partie du Journal du Palais lon trouve un Arrest du Grand Conseil qui la jugé de la sorte En explication du Reglement de la Cour par lequel les encherisseurs aprés les trois ans ne peuvent être poursuivis en vertu des inventaires et venduës de meubles, sinon qu’ils eufgent fait cedules ou obligations, que cela ne doit pas s’entendre de la fignature des en-cherisseurs sur le Registre du Sergent, mais des cedules et obligations faites separément aprés la venduë ; Arrest du 31. de Janvier 1660. au Rapport de M de Vigneral. Autre Arrest, au Rapport de Mr de Chalons, du 21. de Mars 1662.