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DE PRESCRIPTIONS.
L A prescription a ses partisans et ses adversaires. Ceux qui en font l’éloge l’appellent la Patronne du Genre Humain, n’ayant été introduite que pour le bien public et pour la seureté des familles, Bono publico nepertae sunt rerum nsuoupiones, ne rerum dominia semper essent in incerto nCeux qui-la condamnent com-me contraire à la bonne foy, soûtiennent. que le-temps n’est point un moyen legitime d’aquerir, est iniquum temporis compendium & im proba temporis allegatio.
Justinien Sur tout l’inconstance de Justinien paroit inexcusable, cat encore qu’il eût approuvé par plusieurs de ses Loix ce moyen d’acquerir, et qu’il fût l’Auteur de plusieurs espèces de prescription, néanmoins i la condamne dans une de ses Novelles comme une voye injuste de s’en-richir aux dépens d’autruy.
Justinien Mais l’on peut dire pour la défense de ce grand Législateur que cette Novelle n’est, pas reçûé de tous les sçavans pour être de Justinien, plusieurs la tiennent supposée ; ce que l’on re-connoit par les termes qui ne sont pas ceux dont les Jurisconsultes se servent ; c’est plûtost Pouvrage de quelque Pape, ditDuaren , ad Tit. de usucap. in principio : aussi elle ne se trouve point dans le texte Grec, ce que ce même Autheur confirme dans son deuxième Traité sur ce Justinien même titre, Videtur hoc genus loquendi alicujus Pontificis, non Justiniani. Mr d’Argentré n’auoit peut être pas si fort maltraité Justinien sur son inconstance, s’il avoit fait reflexion sut lette observation de Duaren son compatriote
Le meilleur party est assûrément celuy qui soûtient la prescription, afin que les procez ne deviennent pas immortels, comme ils le seroient si la proprieté des biens demeuroit dans l’incertitude : Et pour montrer que le droit de prescription a été en usage dans les siécle même les plus reculez, j’en rapporteray un exemple mémorable et singulier que peu de gens ont remarqué, il est tiré du Livre des Juges, c 11. 8. 12. où le Roy des Hammonites demandant aux Israelites la restitution des tertes et des places qu’ils avoient usurpées sur ses predécesseurss Jephté leur répondit qu’ils possedoient ce païs dà depuis trois. cens ans sans y avoir été troublez par ceux que l’on en avoit dépoüillez : Habitauut in cunctis civitatibus juxta Jordanem pa 500. annos, quare tanto tempore super hac repetitione tentastis : On peut conclure par cet exemple que la prescription est du droit des gens, pui qu’elle été reçûë et pratiquée entre les peuples les plus anciens, et nos Jurisconsultes la mettent au nombre des acquisitions qui se font par le droit naturel ; car encore qu’elle semble contraire à équité naturelle qui défend de s’entichit aux dépens d’autruy, l. Jure naturae, de Reg. jur. elle est neanmoins fondée sur un interest publie qui doit toûjours prévaloir : et d’ailleurs la simple ossession n’est pas l’unique fondement de la prescription, mais on presume un titre lors que la possession a été paisible durant un si long-temps.
Le Droit Romain avoit reçû plusieurs sortes de prelcriptions : Il y en avoit de momens, l’heures, de jours, de mois et d’années : Ce qui est expliqué par Mr Cujas en son Commenfaire de diversis temporum praescript. et nominis. Mais les prescriptions les plus communes et les plus importantes étoient celles de trois ans pour les choses mobiliaires, et pour les choses immobiliaires de dix ans entre presens, et de vingt ans entre absens ; la prescription de trente ans pour toutes les actions personnelles et mixtes ; et enfin tout ce qui ne pouvoit être prescrit par trente ans, le pouvoit être par quarante ans ; et l’on n’exceptoit pas même de cette longue prescription les actions fiscales ; encore bien qu’il fût question de fonds dont le Prince avoit eu autrefois la possession, l. ult. C. de fund. patrim. guivant ce même Droit les biens d’Eglise étoient aussi sujets à cette prescription quadragenaire, et il n’importoit pas sur quel titre elle fût appuyée, la seule possession sans titre étoit Justinien Il est vray que sous Justinien cette jurisprudence changea plusieurs fois par la Loy derniere, C. de sacris Eccl. et les Novelles 1. 3. et 9. il introduisit la prescription centenaire en faveur les Eglises d’Otient et d’Occident. Suidas in Prisco Emisseno a rapporté la cause de ces constitutions : Mamianus homme fort opulent avoit laissé tous ses biens à l’Eglise d’Emisse ; mais cette Eglise n’en ayant pas pris la possession, de nouveaux cconomes ayant remarqué qu’il y voit plus de quarante ans que Mamianus étoit décedé et que leur droit étoit prescrit, ils eurent recours à un certain Priscus qui étoit fort adroit à contrefaire toutes sortes d’écritures ; il contrefit le signe d’un Tabellion qui vivoit du temps de Mamianus, et par des actes et des obligations fausses, il rendoit Mamianus fort riche et en consequence l’Eglise d’Emisse son heritiere : ce premier crime fut suivy d’un second pour faire valoir ces obligations qui étoient Justinien crites, ils corrompirent Tribonian pour obtenit par son moyen de l’Empereur Justinien une Constitution, par laquelle l’on ne pouvoit opposer à l’Eglise que la prescription de cent ans ; mais cette Justinien Loy ne fut pas de longue durée, et les desordres qui la suivirent obligerent Justinien de la revoquer et de rétablir l’ancienne Jurisprudence, comme cet Empereur s’en est expliqué luy. même dans ses Novelles, t. 4. 13. et 111. Per cujus licentiam sanctionis negotia quidem multa commota sunt, et velut antiquorum vulnerum patuerunt iterum cicatrices, quoniam per tantum seculi, megis quêm temporis Spatium nec documentis integritas nec etas valet testibus suffragari de sotte que toutes les actions personnelles et hypothecaires que l’Eglise pourroit intenter sont éteintes et assoupies par l’espace de quarante années : Hodie quacumque actione Ecclesia experiatur, excluditur prescriptione 40. annorum.
quelques-uns neanmoins ont estimé que cette prescription centenaire est neanmoins demeurée n vigueur, suivant les mêmes Loix Romaines en ces deux cas, la première sur un usufruit lequel a été légué à une republique, ou à quelque communauté, car cet usufruit ne s’éteint qu’a-trés cent ans, l. An usufructus, D. de usufr.
L’autre cas est pour les biens qui ont été léguez pour la Redemption des Caprifs, de la demande desquels l’on n’est exclus qu’aprés cent ans, l. Ult. C. de Sacr. Eccles. Mais suivant le Basil sentiment de Theodorus cela a été abrogé par les Basiliques, l. 5. Basil. c. 3. 1. 3.
Le Droit Canonique n’a maintenu la prescription centenaire qu’en faveur de l’Eglise Ro maine, c’est à dire pour ces biens que l’on appelle le Patrimoine de S. Pierre : Mais cela n’a pas lieu pour les Eglises particulières, c’est la disposition du C. Ad audientiam, et du c. cum verbo de prescript. Aux Decretales, la Glose le dit expressément, Hac prascriptio centum annorum olim locum habebat in qualibet Ecclesia, C. de Sacr. Eccl. sed hodie tantum Romana Ecclesiae ap propriata est-
La Coûtume autorise aussi des prescriptions de jours, de mois et d’années ; mais les prescriptions les plus considérables sont celles de trente années pour les actions personnelles et mo-piliaires, et de quarante ans pour les choses réelles et les droits immobiliers.
CCCCCXXI.
Prescription quadragenaire.
Prescription de quarante ans vaut de titre en toute Iustice pour quelque chose que ce soit, pourvû que le possesseur en ait joüy paisiblement par ledit temps : excepté le droit de patronnnge des Eglises appartenant tant au Roy qu’autres.
Nous ne pratiquons point la prescription de dix ans entre presens, et de vingt ans entre absens, fondée sur un titre et sur la bonne foy, pour éviter aux questions qui naissent sur le fait de la presence ou de labsence, et sur la bonne ou mauvaise foy du possesseur : mais la Coûtume a étendu si loin le terme pour prescrire, que pour faire valoir la prescription et luy donner effet il n’est point necessaire de representer un titre, et la possession quadragenaire fait une preuve suffisante de la bonne foy : C’est assez favoriser la negligence d’un propriétaire ue de luy donner le temps de quarante ans pour songer à la conservation de son droit, et aprés un terme si long on peut se servir avec justice du suffrage du temps, comme parle le Jurisconsulte en la l. Si inter extraneos, D. de donat. inter vir. & uxor. La pluspart des Coûtumes de France ont reçû la prescription de trente ans, même pour les héritages.
Suivant cet Article la prescription de quarante ans vaut de titre pour quelque chose que ce soit. Les Loix et les Coûtumes qui ont même abrogé les prescriptions et qui les font valoir aprés trente ans n’ont aussi requis aucun titre ny bonne foy, l. Sicut, l. Omnes, C. de prescript.
Paris, Art. 118. Bretagne, Art. 282. Orléans, Art. 261. En effet un temps si considérable efface tout soupçon d’injustice, d’usurpation, et de mauvaise foy, et purge tous les defauts réels et personnels, et l’on ne presume point qu’un propriétaire soit assez negligent pour abandonner ses droits. Ainsi nous rejettons avec raison la disposition du Droit Canonique, qui reur que le commencement, le progrez et la continuation de la joüissance soit accompagnée de la bonne foy, c. vigilanti, et C. ult. extr. de prescript. car sous pretexte de conserver la bonne foy on donne ouverture à une infinité de contestations, et l’on trouble le repos et la seureté des familles ; de sorte qu’il est plus utile au public de n’examiner pas avec tant d’exacitude les droits de ceux qui ont possedé paisiblement durant le cours de quarante années.
On ne fait neanmoins valoir la prescription d’un titre que lors qu’il n’en paroit aucun ; car si l’on produit un titre et qu’il se trouve vicieux et contraire à la possession, on ne peut pdus se prevaloir de la prescription, vû qu’aucun ne peut prescrire contre son titre, et l’on ne presume plus de bonne foy lors que la possession paroit injuste et qu’il est constant que le détenteur a toûjours été dans une continuelle usurpation du bien d’autruy, et c’est pourquoy y a toûjours plus de seurété d’alléguer la prescription sans titre que de se fonder sur un titre ticieux et nul : Melius est non habere titulum quam habere vitiosum, quia possessio intelligitur continuata in qualitate tituli et conformiter ad titulum.
Les Ecclesiastiques ont bien sçû se servir de cet avantage pour les alienations qui avoient été faites de leurs biens lors que les particuliers faisoient apparoir de leurs titres, car l’on n’a point eu d’égard à la prescription, dautant que la prescription ne vaut que lors que l’on ne apporte point le véritable titre : un possesseur ne peut jamais changer la cause de sa possession, et le benefice du temps ne peut corriger le vice du titre, et tant qu’il paroit il passe avec ses defauts dans la personne des successeurs, vitia possessionum à majoribus contracta perdurant, et successorem autoris sui culpa comitatur, l. 11. C. de adquir. et retin. possess. et c’est pourquoy du Moulin dans son Conseil 10. dit que scriptura semper vigilat.
Si la prescription quadragenaire vaut de titre pourvû que le possesseur ait jouy paisiblement durant ce temps, sans la possession l’on ne peut acquerir de prescription, in usucapione causroxima est dominium, fecunda possessio, quia sine possessione usucapio non procedit, l. Non videtur, 0. de usucap.
I faut que cette possession ait été paisible, sans trouble et sans procez, car pour prescrire Je n’est pas assez d’avoir jouy, il faut que la possession n’ait point été intertompue, et qu’elle dit été continuelle, non interpellata, nec controuorsa ;Cujac . in Paratitl. Ad Tit. de usucap. C I n’est pas requis pour achever la prescription que la possession ait continué en une même ersonne, lors que la chose a été possedée successivement l’on conjoint le temps de la joüissance du possesseur avec celuy de lon predécesseur pour parfaire la prescription, successor uti-tur adminiculo temporis ex persona sui autoris, l. Pomponius de adquir. vel amitt. possess. La Coûtume n’apporte qu’une exception à cette prescription generale qu’elle avoit établie, sçavoir pour le droit de patronnage des Eglises, soit qu’il appartienne au Roy ou à d’autres.
On pretend néanmoins qu’il y a des biens si privilegiez qu’ils ne sont point compris sous la disposition de cet Article quelque generale qu’elle puisse être, ou qu’au moins la prescription doit être centenaire
On met en ce rang les biens Ecclesiastiques, et l’on se fonde sur cette raison que comme l’on ne peut les acquerir on ne peut aussi les prescrire, et que celuy qui ne peut aliener ne seur laisser prescrire : Pour décider cette question on distmgue les biens d’Eglise en trois especes, suivant la doctrine de JoannesFaber , sur le S. Religiosum de rerum divis. aux Instit. On met au premier rang les choses qui sont consacrées au service de Dieu, et celles-là sont perdetuellement imprescriptibles, comme aussi tout ce qui regarde la Religion : Les lieux con-acrez au Service Divin sont compris sous la seconde espèce, comme les Temples et les Egliles qui ne peuvent être changez en des usages profanes : La dernière espèce consiste aux biens temporels, et l’on ne doute point qu’ils ne soient prescriptibles comme les autres biens de cette qualité ; mais toute la difficulté consiste à sçavoir si la prescription de quarante ans suffit, ou si la prescription centenaire est requise
Cette question est décidée par le Droit Romain, et les biens Ecclesiastiques ne sont point exceptez de la prescription de quarante ans. Je viens de remarquer que le privilege qui leur Justinien avoit été accordé par Justinien fut bien-tost revoqué, sublata est centum annorum prascriptie que seculi magis est quâm temporis praescriptio, comme parle cet Auteur, iùâ aioro usixos à aû ypotis oDgycaos. Le Pape Grégoire I. à pareillement approuvé la prescription de quatante ans, même pour le patrimoine de l’Eglise de Rome, C. volumus N. 4. 13.
Et bien que les Ecclesiastiques s’efforcent d’établir la prescription centenalre en France on ne les en a pas crûs, la prescription de quarante ans a lieu pour les biens temporels des Eglises, et quia nihil spiritualitatis habent, ut catera bona temporalia Régui et Provinciae legibus sub-ticiuntur : C’est le sentiment de Mr d’Argentré , Art. 262. de la Coûtume de Bretagne, c. 20. n. 3. Par l’Article 118. de la Coûtume de Paris, celuy qui a jouy paisiblement d’un héritage ou d’une rente par quarante ans acquiert prescription contre âges et non privilegiez. Ricard sur cet Article dit que la Coûtume ne parlant point du temps par lequel l’on prescrit contre l’Eglise lon fuit lAuthentique, Quae actiones, C. de Sacros. Eccles. et l. C. de quota extrav. de prascript. qui limite la prescription contre l’Eglise à quarante ans, et toutefois que quelques-uns en exceptoient la prescription pour actions personnelles et qui concernent plûtost le Titulaire du Benefice que le Benefice et l’Eglise, auquel cas ils veulent que la prescription de trente nnées ait lieu comme contre les Laiques : En effet toute la grace que l’on accorde à l’Eglise, est que dans les Coûtumes qui admettent la prescription de trente ans pour toutes fortes de bions on la proroge neanmoins jusqu’à quarante ans en faveur de l’Eglise : La Coûtume de Blois, Titre des Prescriptions, Article 1. et celle de Berry, des Prescriptions, Article 2. le disposent expressément de la sorte.
En Normandie l’on ne peut revoquer en doute que la prescription quadragenaire n’ait lieu contre l’Eglise, car cet Article fut arrêté nonobstant l’opposition des Ecclesiastiques ; et afin que cela ne fist plus de difficulté la Cour en a fait un Reglement, Article 117. du Reglement de 1666.
La grande difficulté consiste à sçavoir si la prescription de quarante ans peut couvrir le defaut des solennitez qui sont requises pour l’alienation des biens d’Eglise, dont les principales sont qu’il y ait tractatus pracedens, qu’il y ait confirmation de la necessité ou utilité de la vente et approbation de Superieur : Il y a sur ce sujet deux questions importantes à examiner, la première à l’égard des tiers detenteurs, c’est à dire de ceux qui n’ont pas acquis immediatement de l’Eglise, et qui au contraire ont ignoré que ce qu’ils acqueroient fût un Domaine Ecclesiastique ; car l’on dit en leur faveur qu’encore que le iltre originaire soit vicieux pour n’avoir pas gardé par ceux qui acqueroient de l’Eglise les solemnitez necessaires, cela neanmoins ne leur doit pas nuire, dautant qu’en ces prescriptions quadragenaires il n’y faut pas même avoir de titre, et neanmoins les tiers détenteurs lors qu’on leur avoit caché le vice primitif étoient fondez en titre et en bonne foy, de sorte que l’on ne pouvoit contester que a prescription n’eût lieu à leur égard vû que leur bonne foy n’étoit pas seulement presumées par une possession plus que quadragenaire, mais même qu’elle étoit justifiée par leurs titres, autrement il n’y auroit point de cas où l’on fe pût servir de la prescription de quatante ans que les Canons ont introduite contre l’Eglise, si ce n’est des biens que les personnes Laiques ne peuvent posseder, comme les dixmes et autres choses Ecclesiastiques que l’on ne peut pas prescrire ; parce qu’on ne les peut pas posseder ; mais il y a une consideration publique qui doit faire ceser toute la difficulté qui est le desordre et la broüillerie que la dépossession apporteroit dans les familles, aux mains desquelles ces biens Ecclesiastiques ont changé plusieurs fois.
Mr lePrêtre , Cent. 1. c. 2. dans la derniere Edition assûre que l’on a jugé par plusieurs Atrests que quand c’est un tiers detenteur des biens Ecclesiastiques qui est en possession paisible de plus de quarante ans, qui a titre et bonne foy, la prescription a lieu à son égard. De la Lande sur l’Article 261. aprés avoir proposé cette question et cité quelques Arrests rapportez par du Fresne Fresne qui avoient condamné les tiers détenteurs, il ajoûte qu’il y a d’autres Arrests qui ont donné congé des actions petitoires et domaniales en cassation de baux et alienations, intentées par des Communautez Religieuses et des Beneficiers, contre des tiers acquereurs qui avoient possedé par eux et leurs Auteurs l’héritage aliené pendant l’espace de quarante ans et plus, depuis qu’il étoit sorty de la main du premier acheteur ou preneur, et que ces Arrests sont fondez tant sur la faveur de la possession quadragenaire que pour empécher le trouble que causent les évictions à cause des garanties ausquelles sont tenus les uns envers les autres, ceux qui ont possedé successivement les choses pretenduës être du domaine Ecclesiastique, et qui souvent emportent la desolation et la rüine d’un grand nombre de familles : et c’est aussi articulierement pour ce sujet que la prescription a été introduite, et qu’elle a été appellée li Patronne du Genre Humain, parce qu’elle ne tend qu’à prevenir le trouble et maintenir le repos entre les particuliers
Fresne Si l’on examine les Arrests remarquez par du Fresne en son Journal des Audiences, l. 4. c. 25. et 43. on reconnoîtra qu’ils n’ont pas jugé le contraire, et qu’ils ont été rendus sur des cironstances particulières : Par le premier, il a été jugé qu’un bail à rente fait par un Chapître pour payer une taxe sans information de commodo et incommodo, sans visitation de l’état des maisons et sans encheres étoit défectueux, quoy qu’il y eût cinquante-quatre ans qu’il eût été passé ; il y avoit encore cette autre nullité que la maison avoit été déja baillée en emphyteose à plusieurs generations dont il restoit encore deux vies ; de sorte que l’on avoit anticipé le temps pour faire cette alienation : mais dans le fait de cet Arrest il ne paroit point que la des mande eût été formée contre un tiers detenteur, ou que ce tiers detenteur eût connoissance ue le titre originaire de son Auteut fût défectueux. l est vray que dans le second Arrest l’action avoit été intentée contre le tiers detenteur Mais Mr Talon Avocat General remarqua que non seulement les tItres originaires étoient vicieux, mais aussi que ceux des tiers detenteurs ne pouvoient pas être de plus forte considera-tion pour en induire prescription, puis que la Coûtume qui l’avoit établie présupposoit une bonne foy pour fondement d’icelle, laquelle ne se rencontroit nullement aux tiers deienteurs, lesquels ayant pris le nantissement, ils avoient dû considerer la réserve qui étoit faite ( pourvû que les maisons en question ne soient point de nôtre ancien domaine ; ) d’où l’on peut fai-re consequence que l’on auroit jugé autrement si la prescription eût été fondée sur le titre et la bonne foy des tiers detenteurs.
Si selon le sentiment du Jurisconsulte en la l. 3. D. de Jurejur. remedia litium timendarum et pacis inter hominis stabiliendae amplectenda sunt : l’on prendra volontiers le party du tiers detenteur qui a acquis sans sçavoir qu’il procedast du domaine Ecclesiastique ; sur tout si l’on fait reflexion sur les troubles et les desordres qui sont arrivez pour cette rigoureuse recherche que l’on vient de faire des alienations des biens Ecclesiastiques pour le payement du huitième denier ; l’on a souvent remonté jusques au cinquième et sixième garands, qui possedoient paisi blement depuis un siécle, et qui se croyoient à couvert par une possession immemoriale : cesendant l’on n’a point encore fait en cette Province la distinction dont je viens de parler à égard des Ecclesiastiques.
La seconde question consiste à sçavoir si les vices et les defauts de solennitez ne peuvent être effacez ou couverts par le temps : Il faut distinguer entre les vices et les nullitez du titre où les nullitez sont fondées sur une simple lezion, ou sur le defaut des formalitez. Au premier cas pour s’en mettre à couvert, la prescription de quarante ans ne seroit pas necesfaire ; car les Ecclesiastiques qui ont contracté suivant le Droit Commun n’ont point à cet égard plus de privilege que les personnes Laiques qui sont obligées de se pourvoir dans les dix années : Ou bien le vice que l’on allégue consiste au defaut des formalirez necessaires, et en ce cas l’on considère la valeur et la qualité des choses alienées : quand elles sont consideraples, on demeure d’accord que l’alienation des bien Ecclesiastiques n’étant permise qu’en obser-sant les solennitez requises, le defaut d’icelles annulle le Contrat : mais la difficulté consiste en ce point, si ne paroissant point par la representation du Contrat qui a servy de titre à la possession qu’il ait été revétu des solennitez necessaires, elles ne sont pas neanmoins presumées par la possession de quarante ans qui a suivy le Contrat, et particulièrement en faveur d’un tiers detenteur, ou s’il faut une possession immemoriale et centenaire pour couvrir cette nullité. On dit pour cette derniere opinion que l’alienation des biens Ecclesiastiques qui a été fai-e sans solennitez est abusive, et que tout abus est imprescriptible s’il ne passe cent ans : Rebuffe sur la Regle de unione Benefic.Chopin , l. 2. 1. 6. n. 8. de Sacra politia.Molin . Consil. 44.
Et le C. 1. de prascript. in 6. lors que l’alienation est défenduë par la Loy, la prescription Fresne ordinaire ne sert de rien : Du Fresne en son journal des Audiences, l. 5. c. 1. et 2., t. 1. l. 2. t. 23. c. 1. On oppose à Boniface raisonnement que la Loy ne donnoit que les quaran te ans à l’Eglise, et que dans les cas ausquels il ne falloir que trente ans pour les choses profanes on en avoit accordé quarante à l’Eglise, mais qu’aprés ce temps on étoit à couvert de toutes sortes de nullitez, et qu’on n’étoit plus recevable à troubler un possesseur de bonne foy, et sur tout un tiers detenteur. Ricard sur l’Article 118. de la Coûtume de Paris, dit Fresne que sur cela sont intervenus plusieurs Arrests contraires, et que les maximes sont mêmes differentes sur ce sujet dans la Chambre du Parlement. En effet du Fresne en son Journal des Au-dience, l. 4. c. 23. et 42. et l. 5. c. 1. et 2. rapporte des Arrests par lesquels l’alienation des biens d’Eglise avec obmission de solennitez ne se confirme point par le long-temps ; mais par Arrest de ce Parlement du 29. de May 1564. il fut jugé pour le Curé de S. Sauveur de Casn contre les Croisiers de la même ville, qu’aprés cent quatre-vingt ans de possession les Croisiers n’étoient point recevables à leur demande, de rentrer en leur bien sur le pretexte du defaut de solennité. Cet Arrest ne décide pas la question, car outre qu’on allégnoit une possession de cent quatre-vingt ans, il est certain qu’une Eglise peut prescrire contre un autre Egli-se. Les Croisiers representoient une transaction faite cent quatre-vingts ans auparavant, par laquelle ils avoient quitté au Curé de S. Sauveur une maison pour s’aquitter de dix livres de rente ; le Curé s’étoit encore chargé de quelque rente, il ne paroissoit point par cet Acte que l’on eût observé les solennitez requises, ce qui donnoit lieu aux Croisiers de conclure à la nullité de la transaction : On leur répondoit qu’aprés un si long-temps, omnia presumuntur solemniter acta, et qu’il fe pouvoit faire que les pieces justificatives avoient été perduës, et aprés ine prescription de deux siécles on n’étoit point obligé de les representer On pourroit faire cette distinction que lors que le Contrat ne porte point que l’alienation a été faite avec les formes requises, et qu’elles n’y sont point énoncées s’il faut cent ans pour couvrir cette nullité : Mais s’il étoit fait mention par la Coûtume que les formalitez requises ont été faites, quoy qu’elles ne soient pas justifiées, que cet énoncé suffit pour faire subsister alienation aprés une possession de quarante ans
par Arrest du 1. de Mars 1605. au Rapport de Mr Turgot, entre le Commandeur de Saint Estienne de Renêville, et les heritiers de Régnaud de Langle, une emphyteose faite en 1535. d’une maison située à Evreux fut cassée, quoy que le Chapître l’eût ratifiée : Autre Arrest du d’Aoust 1606. au Rapport de Mr de Croixmare, entre l’Abbesse de Bival et Beausaut, Boulet, Gefroy et Ménage : Autre Arrest du 30. de Janvier 1607. Depuis par Arrest, entre Gi-lote Berout et Tourmente d’une part, et les Chanoines de la Ronde, l’on confirma une fieffe faite en 1455. de quarante acres de terre, une maison et colombier dépendant de leur Chapitre ; par ces deux raisons qu’il y avoit une possession de quatre cens ans, et que c’étoit un tiers detenteur qui avoit eu l’héritage par decret, où les Chanoines avoient négligé de s’opposerAutre Arrest sur ce fait en 1597. M de Pericard Evéque d’Avranches et Prieur de S. Phil-bert, avoit vendu un trait de pesche en la Rivière de Rille, et quelques rentes Seigneuriales faisant partie du Temporel de ce Prieuré ; l’acquereur long-temps aprés en fit une revente à un tiers qui en joüit plusieurs années sans aucun trouble. Mr l’Eveque d’Angoulesme, Prieut de S. Philbert, l’ayant fait sommer de luy remertre les choses qui luy avoient été venduës dépendantes de ce Prieuré, il appella son garand et conjointement avec luy ils se défendirent par une prescription de soixante années. Mr l’Evesque d’Angoulesme soûtint que leur titre étant
nul, parce que cette alienation avoit été saite sans aucune formalité, la possession de soixante années ne les mettoit point à couvert de cette nullité, par Sentence le Prieur de S. Philbere ut renvoyé en la possession des choses alienées, et le vendeur condamné à la restitution du prix et aux interests d’éviction envers le tiers acquereur : Par Arrest du 21. de Juin 1657. en la Grand. Chambre, la Sentence fut cassée au chef des interests d’éviction, et le surplus conlirmé ; plaidans Cloüet pour Laignel, de Cahagnes pour le Prieur de S. Philbert.
Quand les choses alienées sont de peu de valeur il n’y a pas de nullité, quoy que les formes prescrites pour l’alienation des biens d’Eglise n’ayent pas été observées, qu’on n’ait point informé de l’utilité et de la necessité de l’alienation, et qu’on n’en ait point fait de publications, reçû d’encheres, ny obtenu le consentement du Superieur, qui sont les solemnitez requises par les constitutions Canoniques et par la jurisprudence des Arrests ; et quoy que ces egles doivent être observées ordinairement, cela n’empesche pas qu’elles ne reçoivent quel quefois de la modification, parce que la prohibition d’aliener le bien de l’Eglise a plus de pofitique qu’autrement, afin qu’on ne puisse pas le dissiper mal à propos ; neanmoins quand la chose ne mérite point cette rigoureuse exactitude, l’alienation ne laisse pas d’être valable sulvant le Canon Terrulas 1a. quest. 2. qui dispense de l’observation des formalitez par la consi-deration de la modicité de la chose : Cela fut jugé de la sorte entre David de l’Emperiere Ecuyer, tant pour luy que pour ses coheritiers appellans, et Me Pierre Vibet Prêtre, Curés et les Prêtres et Tresoriers de Gousbeville, intimez. En l’année 1555. le sieur Cuté, Prêtre et Marguilliers de Grateville baillerent en fieffe au nommé Benard quatre plèces de terre moyennant vingt-cinq sols de rente fonclere, la valeur de la terre n’étoit point designée mais pour faire connoître que ce bail à rente étoit fort avantageux à l’Eglise, les appellans produisoient plusieurs Contrats qui enseignoient que les terres voisines ne se vendoient que uatre ou cinq livres la vergée : En 1592. le Curé et les Marguilliers en consequence d’une Loy apparente qu’ils avoient obtenuë furent renvoyez en possession de leur terre ; mais comme cette Sentence donnée durant les troubles n’étoit pas soûtenable, ils transigerent en l’an-née 1611. et par la transaction les sieurs de l’Emperiere augmenterent la fieffe jusques à soixante sols, ce qui fut consenty par le Patron lequel y étoit present ; néanmoins en 1640. Me Pier-re Vibet, Curé de Gourbesville, obtint un Mandement du Juge pour faire condamner le sieur de l’Emperiere à luy quitter la possession de ces quatre champs de terre qui ne contenoient que demie acre, ce qui fut ordonné par le Juge des lieux : Sur l’appel je disois pour les sieurs de l’Emperiere que la Sentence ne pouvoit être soûtenue, ny en sa forme, ny en sa matière ; en la forme, parce qu’étant en possession, ils ne pouvoient en être dépossedez par un simple Mandement du Juge, mais par la seule voye de la Loy apparente.
Au principal les Appellans soûtenoient qu’ils ne pouvoient plus être troublez aprés une si longue possession, et que le Contrat étant utile à l’Eglise il ne pouvoit être annullé. Il est vray qu’autrefois on avoit fait ces deux questions, si les biens des Eglises pouvoient être alienez, et s’ils étoient prescriptibles : Mais enfin il avoit été décidé qu’ils pouvoient être alie-nez et prescrits suivant les Titres De bonis, Eccl. alien. vel non, et de prascript. aux Decretal. et que même par le c. de quarta, de prascript. possessio quadragennalis omnem processus actionem excludit, et cela étoit sans difficulté par la Coûtume et par la jurisprudence des Arrests. E quand même le laps de tant d’années n’auroit pas asseuré aux Appellans la proprieté de ces héritage, ils avoient lieu de soûtenir la validité de leur Contrat, parce qu’il étoit utile à l’Eglife qui en recevoit tous les ans un revenu asseuré sans frais et sans diminution.
Il est vray que pour valider les alienations des revenus Ecclesiastiques, les Constitutions Canoniques désirent d’autres formalitez que celles qui ont été observées par ce Contrat de fieffe, mais on ne les garde dans la rigueur que quand il s’agit d’une alienation considérables que si la valeur de la chose alienée est si modique qu’on ne pourroit y observer toutes les solemnitez sans en consumer tout le prix en frais, les Canons y apportent un temperament, parce qu’autrement les Ecclesiastiques ne pourroient disposer des biens de petite valeur qui leur étoient inutiles, c’est la disposition du C. Terrulas. On ajoûtoit que par la l. 1. C. de jure emphyt. contractus emphyteuticus titulus alienationis non est. Et Bartole sur l’Authent. Qui remi C. de Sacr. Eccles. a tenu que licet solemnitas quae propria est alienationi nisi Canonica non possit remitti, ea tamen non ita necessaria est in emphyteusi quâ dominium directum non transfertur : Res parva in emphteusim dari possunt sine solemnitate ;Rebuf . in suo Compend. de alien. rer. Eccles. n. 24.
Lesdos disoit pour les Intimez que par le Droit Can. de bonis Eccles. alien. vel non ; les Baux à longues annéos et les Contrats emphyteotiques étoient également défendus comme les Contrats de vente, à moins que d’y observer les formalitez prescrites, quia concessio in emaehyteusim est Species alienationis, l. Fin. C. de reb. alien. et etiam locatio rerum Ecclesiae ultra triennium prohibetur.Clement. I . de reb. Ecclesiae non alien. à plus forte raison le bail emphyteutique, videCovarr . variar. resol. l. 2. c. 16. que dans le Contrat des Appellans on n’y avoit observé aucune formalité, que le long-temps et la Transaction ne pouvoient couvrir cette nullité : la Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest du 9. de Janvier 1649. la Cour en emendant la Sentence mit sur l’action du Curé les Parties hors de Cour.
Fresne Du Fresne en son Joumal des Audiences, l. 4. c. 26. de l’impression de 1652. rapporte n Arrest par lequel un bail en emphyteose des biens Ecclesiastiques sans y avoir observé poutes les formalitez fut declaré nul ; mais ce bail en emphyteose comprenoit une maison, un pressoir, des terres labourables, et des bois taillis, dont l’alienation n’avoit point de pretexte, quia sua sponte fructus ferunt, ut etiam prata et salinae.
Guy Papé en sa Decision 107. propose la question, an res Ecclesiae sine solemnitate possint dari in emphyteusim : et il fait cette distinction, que si la chose étoit baillée ordinairement en emphyteose aprés qu’elle étoit retournée à l’Eglise le Beneficier pouvoit la bailler derechef sans aucune forme ; que si ce n’étoit pas la coûtume d’en faire un bail à emphyteose, on ne pouvoit le faire sans solemnitez : Sur cette matiere voyez GuyPapé , Decis. 100. et ses Com-mentateurs, et Decis. 149. et les suivantes.
Licet alienare res Ecclesie minus utiles quae plus incommoditatis afferunt, quam commoditatis, etiam sine aliqua solemnitate. C. Terrulas. C. Item Dominus. C. Fugitur. C. cum non liceat. 12. 4. 2.
Quando autem res sit minus utilis cum pro ea conservanda vel reparanda plus impenditur quêm ex locatione aut fructibus percipitur, textus est in l. Sed an ultro, S. 1. de neg. gest. GuyPapé , Decis. 56.
Nos Docteurs ont agité cette question, si la Transaction contenant une alienation des biens d’Eglise est valable : Car ce mot d’alienation comprend omnem actum per quem dominium trans. fertur, et notamment la Transaction, l. 1. 5. sed etsi, D. si quid in fraud. credit. On a fait cette distinction, aut res traditur, aut retinetur ; au premier cas c’est une véritable alienation sujette aux formalitez, car autrement il seroit aisé de feindre un procez pour servir de pretexte à salienation des biens d’Eglise : au second cas le possesseur retenant la chose dont il joüissoit vant la Transaction, ne passe point pour alienation :Chopin , de Sac. Polit. l. 3. t. 7. n. 4.
Olive , l. 1. c. 1.Bonif . part. 1. l. 2. t. 2. c. 1. Journal du Palais, part. 2 Les causes principales et les plus asseurées qui peuvent donner lieu à l’alienation des biens Ecclesiastiques sont l’utilité et la necessité, mais elles ne sont point presumées sans preuveTouchant les solemnitez requises pour ces alienations voyezDuaren , de Sacr. Eccles. jurib. 7. c. 9.Gregor. Tholos . Tholos. in sontag. jur. l. 3. 1. 8. et Mr lePrêtre , Cent. l. c. 2.
Et pour conclure ce discours touchant la prescription des biens Ecclesiastiques, la pluspait de nos Auteurs estiment qu’elle ne commence à courir que du jour de la mort du Beneficier qui a dissipé mal à propos le bien de l’Eglise, C. si Sacerdos 16. 9. 3. et MrLoüet , l. p. init. apporte un Arrest qui la jugé de la sorte. Du Moulin dans ses Notes sur les Conseils d’Alexandre, Conseil 9. vol. 2. dit que cette Maxime n’a lieu qu’in alienatione prorsus deploratâ, ut cum enormi lesione et sine solemnitate.
La dixme ordinaire, quoy qu’elle fasse part des biens Ecclesiastiques, ne tombe point neanmoins dans le cas de la prescription, la quotité peut bien se prescrire, mais un particulier seul ne peut se servir de la prescription contre l’usage de la Paroisse, ce qui a été jugé pour les Religieux de S. Lo contre le sieur de Pleinesevete, par Arrest du 10. de Juin 1657. et par autre Arrest de Ir1. de Juillet 1666. au Rapport de Mi Salet, pour le Curé de Moyaux et e sieur Abbé de Bernay, un particulier qui avoit payé de tout temps la dixme à l’onzième fut condamné de la payer à la dixiéme, parce que tous les autres Paroissiens la payoient de la sorte.
Pour les dixmes insolitez comme elles ne sont dûës que par l’usage et la possession, elles peuvent prescrire.
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Il est certain que l’action pour demander le dixmage est annale, et neanmoins on y apporta cette restriction par un Arrest donné au Rapport de Mr Salet, entre Trevisien, le Clerc, et e sieur de Juganville, que quand il est constant que la dixme a été engrangée par le proprietaire ou par le fermier qui la devoit, en ce cas la restitution en peut être poursuivie aprés l’an.
On a pareillement douté de l’effer de la prescription à l’égard du Roy : Je ne parle pas des droits de Souveraineté ny des Domaines de la Couronne, mais seulement de certains biens domaniaux que l’on pretend n’être point exempts de prescription. On pourroit dire que l’on agite inutilement une question dont la décision dépend de la volonté du Prince, mais nos Roys sont si genereux et si équitables qu’ils ont bien voulu en certaines choses se soûmettre au pouvoir des Loix : Et c’est pourquoy suivant la Charte Normande, la Coûtume de Normandie et l’usage ancien confirmé par l’Article 117. du Reglement de 1666. il y a particulierement deux pas où la prescription de quarante ans peut avoir lieu à l’égard du Roy : Le premier pour les biens qui ne sont point encore incorporez au domaine de la Couronne, et que le Roy pouvoit prendre à droit de confiscation, d’aubeine ou autres semblables. Le second cas est pour des droits que le Roy peut demander comme de rachapt, de lots et ventes, et autres droits momentanées qui regardent plûtost la personne du Roy durant son regne que la Couronne : VoyezBacquet , 1. de Desher. c. 7
Cette prescription contre le Roy est tres-ancienne en Normandie : On en trouve une preuve dansBriton , c. 18. des Droits du Roy, titée de l’ancienne Coûtume de Normandie por-tée en Angleterre ; Se terres sont par nous pourchassées on autres choses qui ne soient mie appartenantes à la Couronne, en tiel cas ne voulons mie que humme compte de plus haut temps que par bres le droit, et prescription de ceux courge contre nous comme en contre d’autres del peuple. Il est vray que le Roy n’a pas expressément approuvé cet Article de nôtre Coûtume, mais il la tacite. ment ratifié en permettant qu’il soit demeuré en l’état que nous le voyons.
Dans la pluspart des Coûtumes de France le Cens est imprescriptible, mais en Normandie. les rentes Seigneuriales n’ont point cette prerogative, et la Coûtume ne les a point exceptées de la rigueur des prescriptions.
I y a des cas où la prescription ne peut avoir son cours en consequence de cette regle de Droit, uon valenti agere, non currit prascriptio : Et cette difficulté arrive souvent pour les actions hy. pothecaires, car un créancier ou le cessionnaire d’une rente étant fort bien payé par l’obligé n’a point de pretexte d’appeller son cedant en garantie, si la prescription avoit son cours durant le temps qu’il a bien payé et que dans la suite lobligé devienne insolvable, ou qu’il soit dépossedé par quelqu’autre voye, son action en garantie se perdroit sans son fait et sans pouroir y apporter de remede : Cela a fait dire au Docteur Alexandre en son Conseil 58. in fine vol. 3. que par ce moyen narriveroit que laction hypothecaire seroit éteinte et prescrite avant qu’elle fût née ; mais si d’ailleurs on fuit cette opinion il n’y aura plus de prescription pour les hypotheques, et le Titre Si adversus creditorem prascriptio opponatur, deviendra inutile.
Loyseau Mr Charles Loyseau dans son Traité du Deguerpissement, l. 3. c. 2. a remarqué que pour éviter cet inconvenient nos Jurisconsultes François ont trouvé un remede fort convenable ; car au lieu que la vraye action hypothecaire est interdite et refusée au creancier jusqu’aprés pa discussion des biens de l’obligé, le Droit François en a introduit une autre à l’effet d’emrescher et d’interrompre la prescription, par le moyen de laquelle lors qu’on ne peut exerces Iaction hypothecaire, soit parce que la discussion n’a pas été faite ou que la dette n’est pas exigible, on ne laisse pas d’agir et d’interrompre la prescription, et c’est ce que nous appelsions declaration d’hypotheque, parce que la fin et la conclusion n’est pas que l’on soit condamné au payement de la dette ou que l’héritage soit delaissé, mais on conclud seulement qu’il soit declaré affecté et hypothequé à la dette ; de sorte que cette action pouvant être exercée en out temps, celuy qui la neglige ne peut plus dire qu’il ait été dans simpuissance d’agir, et on n’est plus dans les termes de cette regle, non valenti agere, non currit prascriptio.
Suivant cela le creancier d’une rente, quoy qu’il soit fort bien payé par l’obligé, doit prendre garde si cet obligé a vendu ou engagé son fonds ; car alors pour empescher et pour in-terrompre la prescription, il doit faire appeller cet acquereur en déclaration d’hypotheque.
Un acquereur doit user de la même precaution, afin que s’il étoit troublé avant les quatante ans il ne laissast pas achever le temps de la prescription par les acquereurs posterieurs.
L’action du cessionnaire d’une rente auroit moins de pretexte, car ne souffrant aucun trouble et étant bien payé il n’a point d’action ouverte pour retourner contre son cedant et luy demander une garantie, néanmoins il pourroit agir à l’effet seulement de faire dire que si dans la suite l’obligé devenoit insolvable ou qu’il fût dépossedé son cedant ne luy pût objecter le laps du temps ; ainsi lon pourroit opposer au cessionnaire d’une rente la prescription pour ne favoir pas interrompué, comme il le pouvoit faire en ajournant son cedant dans le temps de droit, pour faire dire qu’en cas de trouble ou de defaut de payement il seroit tenu de le garentir.
Mais peu de gens sont assez versez dans les affaires pour user de ces precautions, et il ne combe gueres dans la pensée d’un homme qui est bien payé d’une rente d’aller inquieter son cedant pour se conserver une action de garantie aprés les quarante ans ; et c’est pourquoyBrodeau , sur l’Art. 119. de la Coûtume de Paris, est d’avis que l’action en garantie ne commence à courir que du jour du trouble, suivant la I. Empr. et les autres citez par Baquet, des Droits de Justice, c. 21. n. 191. mais on a jugé le contraire en ce Parlement sur ce fait.
Les prédécesseurs du sieur Ernaut avoient vendu en 1585. neuf livres de rente qui leur étoient dûës par les nommez Louver, les proprietaires en furent toûjours bien payez jusqu’en 1é54. ue le sieur Ernaut fut appellé en garantie par Auvray vù l’insolvabilité du redevable : Il se éfendit par la fin de non recevoir, fondée sur le long-temps qui étoit de soixante années : l’acquereur repliqua qu’il n’avoit pû poursuivre plûtost ayant été bien payé : le Vicomte avoit prononcé à bonne cause l’action en garantie : Sur l’appel d’Ernaut Heroilet son Avocat s’aidoit de cet Article, suivant lequel la prescription quadragenaire vaut de titre pour quelque chose que ce soit, ce qui comprenoit toutes sortes d’actions. Theroude pourl’intimé pretendoit qu’on ne luy pouvoit objecter la prescription, namque non valenti agere non currit prascriptio, étant aien payé il n’avoit pas sujet d’inquieter son cedant : On répondit que cette regle étoit veritable dans les principes du Droit Romain, où l’acquereur n’avoit point d’action contre son uteur qu’aprés la discussion des biens de l’obligé ; mais par la Jurisprudence Françoise on voit introduit deux actions pour empescher la prescription : la premiere étoit l’action en declaration d’hypotheque contre le tiers détenteur ; et la seconde, l’action pour passer titre nou-teau contre le debiteur de la rente ; de sorte que l’acquereur ayant dû prevoir que son obligé pouvoit devenir insolvable, et qu’il avoit un moyen pour conserver son action en garantie, il loit s’imputer s’il l’a perduë par sa negligence, et aprés tant d’années il ne seroit pas juste de recevoir ces actions qui pourroient s’étendre à l’infini, ce qui mettroit le trouble par tout ; et c’est aussi pour éviter ce desordre que les prescriptions ont été établies, qui sont favorables en ces matières à cause des frequentes actions qui naltroient pour ces garanties par le grand nombre des rentes constituées qui font une grande partie du bien des familles. Mr Hué Avocat General en concluant pour l’Intimée, remontra que le vendeur devoit être considéré comme une caution, et que les diligences faites contre l’obligé étoient reputées faites contre le vendeur : La Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest du premier de Février 1657. la Sentence fut cassée, et le vendeur déchargé de la garantie.
Berault sur l’Article suivant a rapporté un Arrest contraire, par lequel le vendeur fut condamné à la garantie, nonobstant la prescription de quatante ans par luy alléguée.
Il fut jugé autrement en cette espèce : Varillon condamné à la garantie, nonobstant la prescription de quarante ans par luy alléguée, et un autre parriculier avoient fait des échanges de terres tenuës d’un fief appartenant au Chapitre de Lisieux, sans se charger l’un ny l’autre d’aucunes redevances : Le Contrat d’échange avoit été fait dés l’année 1590. Mr Clement Con-seiller en la Cour, titulaire de la Prebende à laquelle ce fief étoit attaché, demanda quelques rentes à ce particulier qui appella Varillon en garanrie : l’affaire portée en la Cour, le Sauvage pour Varillon se fondoit sur la prescription : Theroude pour le demandeur en garantie ré-pondoit qu’on ne pouvoit pas s’aider de la prescription contre luy, parce que cette rente ne luy ayant jamais été demandée et n’en ayant aucune connoissance il ne pouvoit agir contre son rendeur ; et il y avoit cela de particulier que Varillon possedoit auparavant ce même fief du Chapitre, de sorte que s’il avoit demandé la rente il eût été luy même garant : Par Arrest du 29. de May 1653. Varillon fut condamné à la garantie.
L’espèce de cet Arrest est fort différente de celle de l’Arrest precedent : Il ne pouvoit reprocher aucune negligence à ce particulier la rente luy étant inconnuë, et ne luy ayant point été déclarée par Varillon, il n’avoit aucune action ny aucune demande à luy faire ; et c’est le véritable cas de la regle, non valenti agere, qui est bien different des precedens où le créancier ou l’acquereur peuvent interrompre la prescription : Voicy une autre espèce en 1564. un néritage fut vendu en exemption de rente quoy qu’il en fût dû. En 1605. l’acquereur poursuivy pour payer cette rente bailla Aveu, par lequel il reconnut la rente, et ensuite il de-manda sa garantie contre son vendeur qui se défendit par deux raisons : La premiere que les choses n’étoient plus entieres, car sans cet Aveu la rente seroit prescrite, et qu’il devoit s’imputer s’il ne l’avoit pas allégué puis qu’il le pouvoit faire : l. Hoc jure 17. de evict. La seconde raison étoit que l’action en garantie est prescrite par quarante ans. Le demandeur ré-pondoit que la prescription de quarante ans ne luy pouvoit etre objectée, parce qu’il n’avoit où agir plûtost contre luy n’ayant point été inquieté : Par Arrest en la Chambre des Enquêtes le vendeur fut déchargé : l’acquereur ne pouvoit se prevaloir de la regle non valenti, parce gue rutus erat tempore, et il n’avoit pas dû ôter à son vendeur l’exception que la rente étoit prescrite.
dais suivant les preceptes de nôtre Droit François, le raisonnement de Mr l’Avocat General dans l’Arrest d’Ernaut sembleroit n’être pas véritable, que les diligences faites contre le principal obligé interromproient la prescription contre la caution ; le creancier pouvant interrompre la prescription par l’action en déclaration d’hypotheque, et ne l’ayant point fait ses di-ligences contre l’obligé ne luy peuvent servir contre la caution, parce qu’il ne peut alléguer la regle non valenti agere ; et aussi la Jurisprudence du Parlement de Paris est contraire.
Suivant plusieurs Arrests remarquez par M.Loüet , il a été jugé qu’encore qu’un seigneur de fief ait été payé d’une rente par quelques uns des detenteurs de partie de l’héritage affecte à la rente ; les autres detenteurs et obligez à la rente pouvoient prescrire, et que le payement fait par chacun an de la rente entière, ne servoit point d’interruption pour empeschet la prescription, parce que le Seigneur avoit un moyen pour empescher la prescription en faisant bailler aux tiers detenteurs un titre nouveau, et bien qu’il fût payé potuit agere ad de-larationem hpothece, et l’on objecteroit inutilement que l’hypotheque ne se divise point ; cela est véritable quand l’hypotheque subsiste, quando remanet hypotheca, mais non pas quand elle est prescrite, tunc enim nulla est hpotheca non enti autem nullae sunt qualitates.
On n’approuveroit pas cette Jurisprudence en cette Province, au contraire l’usage est certain que le Seigneur qui possede sa rente Seigneuriale ou foncière sur l’un des detenteurs du fonds obligé, la possede sur tous les autres detenteurs ; ce qui a été jugé par Arrest rapporté par Berault sur l’Article suivant, et par autre Arrest du 17. de Decembre 1664. au Rapport de Mr de Brevedent, entre Doutretot et Jacques Crevel. La raison est que la rente étant enfoncée par indivis fut tout l’héritage, il suffit de la posseder sur cette partie pour conserver la pos-session sur le tout, et le Seigneur n’est pas obligé de s’informer si son vassal a divisé son fonds, ou s’il en a disposé d’une partie à un autre, son hypotheque étant tota in toto et in qualibet parte, la possession sur une partie conserve son hypotheque sur le tout, et à l’égard du Seigneur l’héritage est toûjours reputé indivis : Aussi Brodeau en son Commentaire sur MrLoüet , en ce même endroit témoigne que c’étoit l’ancienne Jurisprudence du Parlement de Paris, laquelle a été changée par les Articles 114. et 115. de la nouvelle Coûtume de Paris, qui porté que la prescription de dix ans entre presens et de vingt ans entre absens a lieu au profit du tiers detenteur, encore que la rente soit payée par celuy qui l’a constituée ou par autre à l’insçû du tiers detenteur ; mais comme on pouvoit commettre de la fraude en cachant cette alienation, il est porté par l’Article suivant que si toutefois le creancier de la rente a eu juste cause d’ignorer l’alienation, parce que le debiteur de la rente est toûjours demeuré en possession de l’héritage par le moyen de la location, réténtion d’usufruit, constitution de précaire ou autres semblables, pendant ledit temps la prescription n’a cours : je parleray encore de cette matiere sur l’Article suivant.
Mais on doit faire de la difference entre le Seigneur d’une rente Seigneuriale ou le proprietaire d’une rente fonciere, et le créancier d’une rente constituée à prix d’argent : Car les pre-miers ayant un droit réel en la chose res transit cum onere, et quelques alienations que le preneur en fasse, les proprietaires des rentes Seigneuriales ou foncieres n’ont point besoin de decreter ; mais le creancier qui n’a qu’une simple hypotheque doit veiller à ce qu’elle ne se prescrive pas, et c’est pourquoy l’acquereur d’un héritage affecté à une rente constituée à prix d’argent auquel on a vendu sans charge d’icelle, peut en la Coûtume de Paris prescrire par dix et vingt ans, et en cette Province par quarante ans encore que le premier vendeur ait toûjours été payé de sa rente par celuy avec lequel il avoit contracté ; car il étoit du devoir et de la diligence du premier vendeur de faire appeller le second acquereur en déclaration d’hypotheque.
il en va autrement de ceux qui sont obligez personnellement ; si de deux obligez solidairement à une rente constituée à prix d’argent, l’un paye la rente pendant quarante ans sans que le coobligé soit inquieté ny poursuivy pour le payement d’icelle, ny appellé pour passer titre nouveau ; on a douté si ce coobligé avoit acquis sa liberation par ce long espace de temps ; Cette question est décidée par la Loy dernière, C. de duob. reis stip. et suivant icelle le payement ou l’interpellation faite à l’un des coobligez interrompt la prescription pour tous les au-tres : le payement fait quemcumque debitorem liberat, tant celuy qui paye que celuy pour lequel on a payé : In utraque obligatione una res vertitur, ergo factum unius nocet, aut prodest omnibus interpellatio unius est interpellatio omnium : Donc tant et si longuement que l’un des coobli gez personnellement et solidairement paye et reconnoit la rente, l’autre ne peut prescrire ustit. quibus modis tollitur obligatio, et S. ex hujusmodi de duob. reis, l. Egisti S4. de solut. l. 8i ex toto, S. 8. de leg. Ce qui a lieu par consequent pour la caution de la rente laquelle étoit solidairement obligée.
Cela fut jugé de la sorte en l’Audience de la Grand-Chambre le 8. de Juillet 1666. et par le même Arrest cette autre question fut encore décidée, que l’un des obligez solidairement ayant baillé des héritages au creancier pour le rachapt de sa rente, avec stipulation qu’en cas d’éviction la premiere obligation demeuroit en sa force et vertu sur tous les obligez : Le creancier ayant été dépossedé pouvoit mettre son Contrat à execution, quoy qu’il n’eûr point été present au Contrat fait par son coobligé : Rabot et le Brun s’obligerent solidairement en trente-cinq livres de rente envers le sieur de Mathan, et à l’instant devant les mêmes l’abellions Rabot promit au Brun de l’indemniser et de le décharger de cette rente, reconnoissant avoir reçû tous les deniers : cette indemnité fut baillée en l’absence du sieur de Ma-han. Rabot vendit au sieur de Mathan des héritages, moyennant quoy il le tint quitte du principal et des arrerages de cette rente, sous cette condition néanmoins qu’en cas d’éviction son Contrat demeureroit en sa force et vertu sur tous les obligez : Tous les biens de Rabot ayant été saisis réellement, de la Bonde Vicomte de Thorigni, cessionnaire des droits du sieur de Mathan, fit interpellation au Brun d’encherir les héritages de Rabot à si haut prix qu’il pûss être payé de sa rente, autrement qu’il y seroit condamné personnellement. Les heritiers du run se défendirent par plusieurs moyens : 1. Que depuis la creation de la rente en 1614. ils n’avoient rien payé, et qu’il ne leur en avoit été rien demandé, et que par consequent ils avoient acquis leur liberation par le cours de quarante années : 2. Que la rente avoit été éteinte en 1634. par la vente que Rabot avoit faite de ses héritages au sieur de Mathan, et qu’elle ne pouvoit revivre contr’eux qui n’avoient promis aucun recours en cas d’éviction ; que la stipulation faite en leur absence ne pouvoit rétablir une rente dont ils avoient été liberez ; que le sieur de Mathan n’avoit pû leur faire de prejudice, car sans son Contrat ils auroient poursuivi Rabot pour faire le rachapt de la rente, et même ils Iy auroient fait condamner et par corps ; d’où ils concluoient que le sieur de Mathan leur ayant ôté le moyen d’exercer leurs actions, il étoit non recevable à leur demander une rente laquelle avoit été pleinement éteinte à leur égard : nonobstant ces raisons ils furent condamnez à encherir les héritages à s haut prix que la rente pûst être payée, autrement ils étoient condamnez personnellement à payer la rente : Sur l’appel de Cahagnes s’aidoit des raisons cy-dessus alléguées. Greard pour de la Bonde soûtenoit que sa possession sur l’un des obligez solidairement luy servoit contre l’autre, que par la vente qui luy avoit été faite il avoit reservé toutes ses actions en cas qu’il fût dépossedé, que cette stipulation operoit contre tous les obligez quoy qu’ils n’y fussent pas presens, parce qu’à l’égard du creancier ils sont reputez une feule personne, et ce qui est fait ou payé par l’un est presumé fait et payé par fautre, ce qui rendoit leur condition fort différente de celle d’une caution, car à son égard lobligation une fois éteinte ne pourroit plus revivre quelques reserves que le creancier pûst faire, suivant l’Article 132. du Reglement de 1666. Par l’Arrest la Cour mit sur l’appel les Parties hors de Cour. Si linterruption contre le principal obligé vaut à la caution, j’en parleray sur l’Article CCCCCXXIII.
Il y a encore d’autres personnes à l’égard desquelles on peut douter si la prescription peut être interrompué par cette regle, non valenti agere non currit prascriptio ; par exemple, la femne matiée ; car le mary étant le maître de ses actions, il seroit injuste qu’elle portast la pel-ve de sa negligence ou de sa dissipation ; mais il faut faire la distinction remarquée par Bérault que pour les actions que le mary auroit dû intenter la negligence du mary n’empescheroit par le cours de la prescription fauf son recours sur ses biens ; mais pour les alienations que le mary auroit faites de son bien durant le mariage la prescription ne commenceroit à avoir son cours ue depuis la mort du mary.
La Coûtume de Bretagne, Article 445. de l’ancienne, et Article 472. de la nouvelle y est xpresse en ces termes, et à ce moyen le temps luy est reservé aprés la mort du mary ou aux hoirs d’elle aprés sa mort, pour recouvrer lesdites choses si le mary les a alienez sans le consentement d’elle.
Mr d’Argentré en ses Commentaires, sur l’Article 445. de l’ancienne Coûtume avoit été d’avis que cet Article n’avoit lieu qu’en ce cas data agendi impotentia facti propter metum minacis mariti, mais que cessant ces menaces sola matrimonii consistentia non valet ad inferendam impotentiam, aut inhibenda prascriptionis initia ; Mais sur l’Article 472. de la Coûtume reformée qui contient la même disposition que l’Art. 445. de l’ancienne, il accuse le Reformateur de ne l’avoir pas rédigé avec toute l’exactitude qui étoit necessaire : Car puis qu’ils vouloient suivre le Droit Romain, par lequel en la Loy in rebus, C. de jure dotal. le temps pour la repetition de la dot ne couroit point contre la femme constant le mariage, et par consequent le temps de la prescription ne commençoit que depuis la dissolution d’iceluy, en vertu de cette regle non valenti agere, il falloit ajoûter à cet Article cette exception qui se rencontroit dans le texte de la méne Loy, quod si quo casu mulier agere de dote posset constante matrimonio, totius prascriptionem currere cessante scilicet impedimento : D’où Mr d’Argentré conclud que puis que la femme peut se faire autoriser et même separer de biens, elle devoit s’imputer si elle ne l’avoit pas fait pour empescher la prescription ; mais cela ne seroit pas raisonnable à cause du desordre que cela causeroit dans les mariages, et les acquereurs ne sont pas en bonne foy d’acquerir le bien d’ude femme sans son consentement
Sérault et Godefroy ont agité cette question, si la prescription de quatanre ans étant autorisée pour quelque cause que ce soit, elle devoit aussi avoir son cours et son effet contre la fem-ne constant le mariage ; Le premier dit en termes generaux que cette prescription court aussi contre la femme, laquelle peut au refus de son mary se faire autoriser par Justice ; mais il ajoûte qu’il en seroit autrement si le mary avoit vendu le bien de sa femme laquelle ne pourroit pas constant le mariage fe remettre en possession d’iceluy, dautant que l’acquereur con-cluroit en garantie contre son mary, contre lequel la femme ne pourroit se défendre étant en a puissance. Godefroy suit cette opinion, que la prescription ne peut nuire à la femme pour ses biens alienez par son mary : l’on peut dire au contraire qu’il est véritable que le cours et l’efser de la prescription quadragenaire ne peut être empesché pour quelque cause que ce soit, ny sous quelque pretexte que l’on puisse mettre en avant, que nonobstant la pretention de Mr le Procureur General et des Ecclesiastiques qui soûtenoient qu’il n’y avoit que la seule prescription de cent ans qui leur pût être objectée, la prescription de quarante ans fut reçûë et au-çorisée à leur préjudice : Puis donc que la Coûtume n’admet que la prescription quadragenaire, qu’elle n’en reconnoit aucune autre de moindre temps, et qu’elle rejette celle de dix ans entre presens, et celle de trente ans entre absens dont la brieveté a introduit la distinction. d’absens, de mineurs, d’Eglise, de la femme pendant la vie de son mary et de quelques autres cas ; il est bien raisonnable que donnant aux pretendans proprieté ou hypotheque sur immeuble un temps aussi long que celuy de quarante ans pour interrompre l’acquereur, il en soit as-sûté aprés ce temps qui fait ordinairement les deux tiers de la durée des hommes contre la mauvaise foy, ou la negligence de ceux qui auroient pû y avoir quelque droit, comme les biens et les actions qui peuvent appartenir à la femme ne sont pas tous de même qualité, aussi n’ont-elles pas toutes le même privilege ; c’est pourquoy il est important d’en remarquer la différence, et lors qu’il s’agit de la prescription ces distinctions sont necessaires tant à l’égard de la personne de la femme qu’à l’égard des choses que l’on pretend acquerir en vertu de la rescription.
La personne de la femme durant le mariage doit être considérée en deux états, ou elle est demeurée sous la puissance et l’autorité de son mary, ou elle en a été en quelque façon dégagée par le moyen d’une separation civile
Pour ses biens pour sçavoir s’ils ont pû se prescrire constant le mariage, l’on distingue entre ceux qui luy appartenoient en proprieté lors qu’elle se maria, ou qui luy sont échûs constant son mariage. D’autre part comme les biens du mary sont affectez au doüaire de la femme et à la repetition des deniers dotaux lors qu’ils ont été payez, il est encore important d’examiner si la prescription des biens du mary peut avoir son cours au préjudice des droits et des actions de sa femme
Lors que la femme est toûjours demeurée sous la puissance de son mary, et que par cont sequent elle n’a point été capable d’enercer aucunes actions sans son aveu, plusieurs estiment que soit que ses biens ayent été alienez par son mary seul, soit qu’elle y ait donné son cont sentement, la prescription ne eourt point à son préjudice suivant cette maxime si équitas ple non valenti agere, et qu’en ce cas les femmes sont exemptes de cette Loy si generale que la prescription quadragenaire ne peut être empeschée pour quelque cause que ce soit, parce qu’étant sous l’autorité de leurs matis et par consequent dans l’impuissance d’agir la prescription ne doit coutir que du jour de la dissomtion du mariage : cela est décidé par plusieurs Coûtumes, et c’est une maxime reçûë au Parlement de Paris que la prescription ne court pas contre la femme majeure pendant le mariage, sinon lors que son mary n’est point son debiteur, son garand, ny interessé en l’action contre la possession on l’action que l’on pretend prescrire, mair quand il en est debiteur comme de ses deniers dotaux, ou garand, elle ne commence que du jour de la dissolution du mariage.Brodeau , sur MrLoüet , l. B. n. 1. Mornac est aussi de ce sentiment sur la l. 1. D. de fundo dotal. il ajoûte neanmoins que c’est le plus seur que la femme fasse ses protestations pour interrompre la prescription.
Mais cette Maxime n’est pas generalement approuvée : D’autres ont soûtenu qu’il n’étoit pas Vray que la femme pendant le mariage fût dans une perpetuelle impuissance d’exercet ses droit s et ses actions : Au contraire les Loix luy donnent deux voyes pour assûter ses interests, l’autorisation et la separation de biens : Aussi tant s’en faut que la femme n’ait pas le pouvoir de se défendre ou d’agir pour la conservation de son bien, il est en sa liberté par le moyen de la separation civile d’intenter et de poursuivre ses droits comme elle le trouve à propos, sant être astreinte à requerir l’approbation de son maty, ce que même elle peut faire contre sa volonté ; et pour user des termes de Mr d’Argentré sur l’Article 445. de la Coûtume volente, nolente, reluctante et prohibente marito, ce qui peut être confirmé par l’autorité du Droit Civil en la I. Ubi adhuc, C. de jure dotal. qui permet à la femme de repeter sa dot lors que son mary tombe en pauvreté ou qu’il fait mal ses affaires. Ce qui prouve que cette Maxime tirée du Droit Romain, non valenti agere non eurrit praescriptio, n’est pas toûjours véritable par les principes même de cette Jurisprudence, d’où il s’enfuit que pendant le mariage les biens de la femme sont soûmis aux Loix de la prescription, puis qu’elle a pû l’interrompre en intentant ses actions
Quelques Coûtumes ont pris un party metoyen, que les biens dotaux se peuvent prescrire par trente ans, même constant le mariage, si ce n’est que le mary ou ses heritiers ne fussent pas solvables pour répondre de la negligence faite à la poursuite desdits biens : Auvergne, Titre des Prescriptions, Article 5. La Coûtume de la Marche, Titre des Prescriptions, Article S3 est conforme, mais elle donne trois ans à la femme aprés le decez de son mary, si les biens d’iceluy ne sont pas suffisans, pour demander ses biens dotaux à ceux qui les detiennent, nonobstant le laps du temps encouru durant son mariage : mais suivant même ces Coûtumes il est toûjours vray de dire qu’en toutes manières les biens de la femme qui est demeurée sous la puissance de son mary sont imprescriptibles, si la femme n’en peut avoir recompense sur le mary ou sur ses heritiers.
Enfin d’autres Coûtumes ont fait cette distinction entre l’alienation des biens dotaux faite par le maty sans son consentement, et celle où elle a consenti volontairement. Par l’Article 28. Titre des Prescriptions de la Coûtume de Bourbonnois, prescription ne court contre la fem. me de ses biens dotaux et parafernaux alienez par le mary sans son consentement. Celle de Rheime dit la même chose, Article 260. Si le mary avoit aliené les biens de sa femme sans son consentement, la femme ou ses heritiers les pourront recouvrer des détenteurs, et contr eux intenter cas de nouvelleté dans l’an et jour du decez du mary, sans que les détenteurs puissent alleguer prescription pour le laps du temps encouru avant le mariage. Les Coûtumes d’Anjou, Article 445. et du Mayne, Article 457. disent la même chose-
Pour refoudre cette première difficulté touchant la prescription des biens de la femme alienez durant le mariage, soit que le mary les ait vendus seul, ou que la femme y ait consenti, il faut remarquer qu’encore que la prescription quadragenaire ait lieu pour quelque cause que ce soit, et que lon n’en excepte point les mineurs, les femmes et les absens, néanmoins la Coûtume dans le Titre de mariage encombré y a fait quelques exceptions pour les biens de la femme qui ont été alienez constant son mariage ; car si l’alienation en a été faite par le mary seul la femme peut se pourvoir par Bref de mariage encombré pour se remettre en possession de ses biens moins que dûëment alienez durant le mariage, et cette action doit être intentée par elle dans l’an et jour de la dissolution du mariage, sauf à elle à se pourvoir aprée l an par la voye propriétaire, Artiele 537
Que si les biens dotaux de la femme ont été vendus de son consentement les Contrats ed
sont valables sous ces conditions toutefois, que si les deniers n’en ont été convenis à som profit, elle en puisse avoir recompense sur les biens de son mary, que s’ils ne suffisent pas elle peut s’adresser subsidiairement sur les détenteurs de fa dot, Art. 539. et 540.
Il resulte clairement de ces Articles que nonobstant le cours de quarante années la femme peut rentrer en la possession de ses biens dotaux lors qu’ils ont été moins que dûëment alienez, ou qu’encore qu’elle ait consenti à la vente elle ne peut en avoir recompense : sur les biens de son mary ; car la Coûtume permettpoit inutilement à la femme de se pourvoir dans d’an du décez de son mary on par la voye proprietaire si elle pouvoit être excluse de ces actions en vertu de la prescription quadragenaire, et elle poussuivroit mal à propos les détenteurs de ses bians quand elle ne peut en avoir recompense sur ceux de son mary : si les dé-tenteurs se pouvoient aider contr’elle d’une possession quadragonaire, la Coûtume en ce cas n’auroit pas manqué d’ajoûter cette clause, en cas que les détenteurs de la dot n’en eussent pas jouy paisiblement durant quarante ans du jour de la vente ; mais la Coûtume ne faisant commencer l’année qu’elle donne à la femme que du jour du decez du mary, il est manifeste que tout le temps precedent ne luy est point nuisible, et que la prescription ne commence à courir contr’elle que du jour de la dissolution du mariage.
Mais si le mary a négligé de demander le payement de la dot promise à sa femme, ou s’il ne s’est pas mis en possession d’une succession ou d’autres biens échus à sa femme depuis et constant le mariage, sa femme sera-t’elle recevable aprés son decez à demander sa dot ou à croubler les détenteurs nonobftant une paisible possession de quarante années : La décision de cette question ne seroit pas malaisée si le mary ou ses heritiers étoient solvables, car il seroit raisonnable de faire porter au mary la peine de sa negligence ; et quoy que Mr Boyer en sa Decision 328. soit d’avis que la femme ne peut demander de recompeuse à son mary pour n’avoir pas exigé le payement de sa dot lors qu’elle étoit ddé par son pere, parce qu’il n’est coupable pour avoir usé de cette deférence envers luy, néanmoins cette excuse du mary ne seroit pas valable. Les Coûtumes de la Marche et d’Auvergne aux Articles que j’ay rapportez cu-devant contiennent une disposition qui paroit equitable ; car lors que la prescription arrive par la faute du mary quoy que le bien appartienne à la femme, elle n’est pas recevable à troubler un possesseur de bonne foy, pourvû qu’elle en puisse avoir recom pense sur les biens du mary qui doit porter la peine de sa negligence ; mais s’il n’est pas solvable, la condition de la femme soûmise abfolument aux loix et aux volontez de son mary n’en doit pas devenir plus malheureuse, elle peut même se défendre par une juste ignorance, n’ayunt pas sçû l’état de ses affaires et ne pourant découvrir si son mary s’employoit avoc ssez de vigilance et d’exactitude à la conservation de ses interests : Aussi duPineau , sorl’Article 445. de la Coûtume d’Anjou, qui contiont que si le mary aliene l’héritage de la femme sans son consentement la preseription ne court durant le mariage quant à la proprieté, soûtient contre Chopin et l’Hommeau , deux autres Commentateurs de la même Coûtume, que les femmes ne sont pas conservées seulement contre la prescription contre le seul cas de la vente, alienation ou engagement de leurs propres, mais que ce privilege regarde aussi leurs autres droits et actions ; car quand la Coûtume dit que le mary ne paut aliener durant le maviage les biens de sa femme sans son consentement, il faut sous-entendre qu’il ne le peut, sive in committendo, sive in omittendo, que le mot d’alienation comprend non seulement l’alienation les immeubles, mals aussi tous autres droits et moyens par lesquels elle recevtoit quelque perte pu dommage, même par sa negligence en l’exercice de ses actions qu’il auroit laissé prescrire, et qu’enfin celuy qui ne peut aliener ne peut laisser presctire ny diminuer la chose : inalienable, vix est enim ut non videaour alienare qui patitur ufucapi. l. 361. D. que in fraud. credit.
Au contraire l’on represente que presque toutes les Coûtumes nrettent de la dffference entre la prescription fondée sur l’alienation faire par le mary, et celle iqui pnooede de sa négli-gence ; qu’au premier cas les acquereurs ne sont pas favorables étant en manvaise foy, lous qu’ils acquerent de celuy qui n’étoit pas le Seigneur de la chose, et que la femme étant en la puissance de son mary et ne pouvant troubler les detenteurs de fon bien vendu par son mary, sans s’exposer à ses mauvais traitemens, il n’est pas juste que tandis qu’elle est dans cette impuissance d’agir la prescription coure à son prejudice ; mais il n’en est pas de même des brens, des droits et des actions que le mary a laissé prescrire ; il n’est pas vray qu’à cet égard elle n’eûr pû interrompre la prescription puis qu’elle le pouvoir faire par une frmple autorisation sans en venir à la separa-tion ; et qu’en cette rencontre elle ne peut s’excuser sur la crainte, ou l’autorité maritale, parce que de mary n’auroit souffert aucune peine par la demande et par la poursuite qu’elle auroit faite contre les détenteors de ses biens, aucontraire sa condition en feroit devenuë meilleure, puis que par l’action que sa femme auroit intentée il entreroit en la joüissance de biens qu’il avoit negligez ; qu’en-fin elle n’est pas de meilleure conditionque l’Eglise à qui le Prelat peut faire prejudice, in omittendo. La Coûtume du Mayne en a fait une disposition expresse, Art. 458. Si aucune succession étoit tehûe à la femme que le mary oût leisse passer sans la ncueillir, elle peut demander son héritace pour-â que ce soit dans trente ans d’icelle succession échûè. La Coûtume de Berry, Ait. dernier du Titr de frresoriptions, n’exempte de la prescription queles pooppes et les conquests de la femme.
C’est le sentiment presque universel de nos Auteurs, deChopin , et de l’Hommeau sur l’Article 445. de la Coûtume d’Anjou : Labbé sur l’Article de la Coûtume de Betry que je viens de citer, dit que cet Article ne comprend point les droits simplement deférez à la femme, et qu’ils sont compris sur l’Article premier du même titre, par lequel droits et actions se prescrivent par trente ans, même contre l’Eglise et les mineurs, ce qu’il tire en consequence pour la femme.Tronçon , sur l’Article 117. de la Coûtume de Paris, dit aussi que l’on a demandé si la prescription des deniers dotaux et des actions réelles et droits immobiliers de la femme, est valable ; Et il tépond que l’on tient l’affirmative mais qu’elle ou ses heritiers ont leur recours contre le mary et sur ses biens, par la raison que la prescription est une espèce d’alienation, et qu’amsi il est sans doute qu’autres personnes que le mary peuvent prescrite contre la femme pendant le mariage, mais qu’à l’égard du mary toutes les Coûtumes se rencontrent avec le Droit Romain, que la prescription ne court que du jour de son decez pour les actions et les droits de sa femme, qui vont directement contre luy et qui ne se peuvent prescrire, comme la femme étant en sa puissance, l. Vlt. C. de annali except. à l’exemple de l’action du pecule que le fils pouvoit intenter contre son pere, laquelle étoit perpetuelle et dont la prescription ne commençoit à courit que du jour du décez du pere, l. 1.
D. quando de pecul. act. an. sit. Et par la Maxime du Parlement de Paris remarquée par Brodeau sur Mr Loüet, l. P. n. 1. la prescription court contre la femme majeure pendant son mariage lors que son mary n’est point son debiteur, son garand, ny interessé en l’action contre a possession ou l’action que l’on pretend prescrire. Or le mary n’avoit point d’interest à emescher que la femme intentât action pour ses droits, et les détenteurs d’iceux n’avoient au-tune garantie contre luy puis qu’il ne leur avoit rien venduCette jurisprudence me paroit conforme à l’esprit de nôtre Coûtume : Sa dispofition est f generale en faveur de la prescription quadragenaire, qu’elle doit avoir lieu pour quelque caufe que ce soit, et l’on ne trouve aucune exception à cette regle que celle que j’ay remarquée pour les biens dotaux alienez par le mary qui est dans le titre de mariage encombré, autrement s’il étoit que tous les droits et actions qui appartiennent à la femme sont imprescriptibles, il ne seroit pas vray que la prescription de quarante ans vaut de titre pour quelque cause que ce soit ; il en faudroit excepter toutes sortes de biens et de droits appartenans à la femme aussi bien que les patronnages, et enfin le Domaine du Roy, l’Eglise, les mineurs, les absens n’étant pas moins favora-bles que la femme devroient en être pareillement exceptez, ainsi bien loin que la prescription quadragenaite pût valoir de titre pour quelque cause que ce fût ; il y auroit une infinité de choses qui seroient exceptées de cette regle : Aussi Bérault et Godefroy sur cet Article sont le ce sentiment, et ils n’ont excepté que les biens de la femme alienez par le mary.
Nous avons vû ce que la prescription peut operer contre la femme pour les biens, les droits et les actions qui peuvent luy appartenir, lors qu’elle est toûjours demeurée sous le joug de l’autorité maritale ; et nous avons distingué les cas où la prescription peut luy être préjudiciable ; mais comme elle peut avoir un doüaire et des recompenses de ses deniers dotaux, ou de de ses biens alienez sur les detenteurs des biens dont son mary étoit saisi lors de son mratiages il est de l’ordre de discuter cette question, si les droits et les actions qu’elle peut avoir sur les biens de son mary sont prescriptibles pendant le marlage : C’est en ce cas que l’on peut dire que la femme est dans une impuissance d’agir, car à l’égard de son doüaire n’y ayant point d’ouverture à la demande d’iceluy que par le décez du mary, l’on ne peut pas luy reprocher qu’elle a dû en faire la demande durant la vie de son mary : Elle n’a pû exercer cette iction, parce qu’elle n’a commencé de naître que par la dissolution du mariage : Or il est inouy qu’une action puisse perir avant que de naître, et pour ses biens dotaux le mary en ayant l’administration durant le mariage, la femme n’avoit aucun droit de les repeter : Ainsi l’on peut dire que le cours de la prescription n’étoit seulement arrété par l’impuissance d’agir, mais que la prescription même ne pouvoit commencer, parce qu’il n’y avoit pas de matière ny d’action qui fût prescriptible ; et c’est pourquoy la Coûtume de Paris, Article 117. dispose qu’en matière de doüaire la prescription commence à courir du jour du decez seulement
Toutes ces raisons que l’on allégue en faveur de la femme pour la mettre à couvert de la prescription n’ont pas le même effet, lors que la femme a rompu ses chaines et qu’elle est en quelque sorte rentrée dans sa première liberté, et c’est le second état où nous devons consideter la femme durant le mariage pour sçavoir si la prescription luy peut être opposée.
L’on peut dire en faveur des femmes separées qu’encore que l’autorisation et la separation. de biens semblent leur acquerir une pleine liberté d’intenter toutes sortes d’actions pour la conservation de leurs droits, néanmoins l’on connoit par l’experience que la pluspart n’ont pas plus de liberté qu’auparavant, et que le plus souvent ces separations se pratiquent par la fraude. de leur maris pour éluder les poursuites de leurs creanciers, et que cependant elles de meurent dans leur premiere caprivité et dans une ignorance entière de leurs véritables interests, ce qui cause que le remede qui leur est accordé par la Loy non seulement demeure sans effet et leur est inutile, mais même il leur est préjudiciable.
Mais d’autre part l’on objecte que la Loy les rendant capables d’intenter toutes sortes d’actions pour la conservation de leurs interests, elles n’ont plus d’excuse lors qu’elles negligent de se servir du serours qui leur estoit offert : DuMoulin , sur l’Article 28. de la Coûtume de Bourbonnois, Titre des Prescriptions, n’approuve les Coûtumes qui rejettent la preseriprion des biens de la femme durant le mariage que quand elle n’a point été separée, parce qu’alors elle est incapable d’agit, non habet legitimam personam standi in judicio sine autoritate mariti, qui etiam fructus suos facit ; secus vero à tempore quo est bonis separata. Il dit la même chose en fa Note sur l’Article 45. de la Coûtume d’Auvergne, quod si mulier separetur à viro, statim agere potest ad dotem. Idem de civili morte mariti.
Nous en-trouvons une disposition expresse en l’Article 16. Titre des Prescriptions de la Coûlume de Berry : és biens propres et conquests la prescription ne court contre la femme, mais il y avoit eu separation elle peut commencer à courir contre elle ; et par la l. In rebus, S. om. bis, D. de jur. dotal. la femme depuis qu’elle est separée peut exercer des actions contre son mary, ex quo hoc infortunium eis illatum esse claruerit, posse mulieres contra maritorum parum idoneorum bona, etiam constante matrimonio hypothecas suas exercere.
C’est aussi le sentiment de Brodeau sur M.Loüet , l. P. n. 1. et de Mornac sur la l. 1. Di de fundo dotal. En effet la separation la rendant capable d’exercer tous ses droits, et sur tout fe faisant particulièrement à l’effet de la faire subsister par la joüissance de ses biens où elle peut rentrer, et par celle de son doüaire, elle n’est plus recevable à troubler un détenteur qui a prescrit de bonne soy : Il fut neanmois jugé en la Chambre de l’Edit le 13. Juin 1649. qu’une femme separée accusée d’avoir soustrait des meubles, et pour ce sujet déclarée responsable des dettes, et ainsi privée de ses droits, ayant laissé tomber en peremption l’instance durant son mariage, l’appel qu’elle avoit interjetté de cette condamnation n’étoit point tombé en peremption, la femme ne pouvant perdre sa dot constant le mariage, plaidans Caruë, et Castel ; et par autre Arrest en la Grand-Chambre, au Rapport de Mr Côté, il fut encore jugé qu’une Instance d’appel interjetté par un mary touchant le bien de sa femme ne tomboit pas en peremption à son prejudice, et qu’elle étoit recevable à proceder sur cet uppel, dautant que par la peremption la procedure seroit confirmée, et la Cause au fonds demenreroit perduë.
Ces questions furent agitées en l’Audience de la Grand. Chambre le 29. de Juillet 1677. mais li Cause fut décidée par les circonstances particulieres En 1622. Anne Gots épousa Jacques le Noncher qui aliena quelque pottion de son bien en 1627. depuis sa femme ayant obtenu les Lettres de separation elle fit des lots avec l’acquereur, et on luy laissa pour le remploy de sa dot que le mary avoit reçûë le bien non aliené, de sorte que l’acquereur demeura paiible possesseur de son acquest jusqu’en 1677. que cette femme ayant été dépossedée de son partage à doüaire pour une dette anterieure elle troubla cet acquereur : Il s’en défendit en vertu de sa possession de plus de quarante ans, et par Sentence il fut maintenn. De l’Epiney pour Anne Gots Appellante representoit que la preseription n’avoit pû coutir à son prejudice, et quoy qu’elle fût separée de biens elle étoit neanmoins dans le véritable cas de cette Maxime non valenti agere, car elle avoit demandé son doüaire et sa dot, elle en avoit jouy paisiblement, ainsi elle n’avoit aucun pretexte de troubler l’acquereur ; mais étant dépossedée par un creancier anterieur de son matiage, elle étoit en état de retourner sur les possesseurs des biens de son mary qui ne pouvoient s’en defendre, puis que les lots avoient été faits avec puy, et que l’on ne pouvoit pas luy reprocher qu’elle avoir negligé d’intenter ses actions dans le temps fatal. Le Bourgeois pour de la Tour répondoit qu’elle avoit dû prevoir qu’elle pourroit être inquietée, et que par consequent elle étoit obligée d’intenter ses actions conserva-toires suivant l’Article CCCCCXXXII. de la Coûtume, qui permet au creancier de contraindre le possesseur d’héritage qui luy est hypothequé, soit à titre particulier ou droit uni-versel ou successit, à luy passer titre nouveau et faire reconnoissance de la dette, et que som héritage y est obligé, que la femme ne pouvoit pas être dispensée de cette formalité, et qu’elle devoit s’imputer si elle n’avoit pas usé de cette precaution : Par l’Arrest la Sentence fut cassée et en reformant il fut dit que lans avoir égard à la distraction demandée par l’acquereur il seroit passé outre au decret. La Cause fut décidée sur ces circonstances particulières : 1. a l’égard du doüaire il n’y avoit pas de difficulté, parce qu’il y avoit des enfans au prejudice des-quels, on n’avoit pû prescrire : 2. Les lots à doüaire avoient été faits avec cet acquereur et les creanciers qui luy avoient laissé un lot par non choix, ainsi elle ne pouvoit intenter aucune action contr’eux puis qu’elle possedoit en vertu d’un acte fait avec eux ; et pour sa don comme elle en étoit remplie par le delaissement de lhéritage. qu’il luy avoient quitté elle n’avoit plus rien à pretendre ; mais si la question generale eût été décidée, il auroit passé à dire que la prescription avoit pû courir.
Il faut encore ajoûter que cette regle non valenti a lieu en faveur des enfans pour leur tiers Coûtumier ; la prescription ne court point à leur prejudice durant la vie du pere, parce qu’ils sont dans une impuissance absoluë de conserver un droit qui ne leur est pleinement acquis que par la mort du pere, et aprés leur renonciation-
La prescription ne peut être opposée pour toutes sortes de Contrats, ubi lex inhibei usucapionem. bona fides possidenti nihil prodest, l. Vbi de usucap. D. Nous en avons plusieurs exemples dans ce même Titre ; par exomple, dans la l. Prascriptio. Prascriptio longae possessionis ad obtinenda loca uris gentium publica concodi non solet ; et en la l. Pignori. Pignori rem acceptam non usucapimus, quia alieno nominé possidemus. On en peut dire la même chose des Contrats usuraires et des autres de pareille nature. Mr d’Argentré fait difference entre les causes de la prohibitions que fiunt ex publicis causis prascriptiones impediunt, sed ea que à lege alienari prohibentur temporalibus de causis aut singulorum hominum respectu, aut locorum his causis cessantibus prascribi possunt, Art. 266. c. 25.
Puis que suivant cet Article la possession de quarante ans vaut de titre, par consequent il n’est point besoin de prouver un titre ou la bonne foy, à quoy le Droit Romain est conforme, qui ne désire le titre et la bonne foy que pour les prescriptions qui sont au dessous de quarante années ; et Bartole sur la l. Sequitur de usucap. a soûtenu que la bonne foy n’est point requise en la prescription de trente ans ; c’est aussi la disposition de la Coûtume de Paris, Article 118.
Quand on entreprend de prouver la possession quadragenaire ou immemotiale, les témoins doivent rapporter en cette manière qu’ils ont toûjours vâ en possession de toute leur connoisfance, qu’ils ont toûjours ainsi ouy dite à leurs predecesseurs, et avoir entendu de leurs pre-décesseurs qu’ils l’avoient ouy dire, et que c’étoit l’opinion d’un chacun.
Par Arrest du mois de Juillet 1629. au Rapport de Mr Baillard, il fut jugé que deux Seigneurs dont l’un étoit vassal de l’autre ne pouvoient prescrire les tenures l’un de l’autre Il arrive souvent que les Receveurs d’une Seigneurie et les redevables pour éviter les appretiations par chaque année s’accommodent par un certam prix ; mais quoy que les vassaux yant payé plus de quarante ans suivant les accommodemens faits avec les Receveurs, ils ne peuvent alléguer de prescription pour empescher que le Seigneur ne se fasse payer en essence des rentes portées par les aveux : Suivant cela il fut jugé au Rapport de Mr Côté le 10. de Février 1663. pour l’Hopital de Coûtance, qu’encore qu’une rente fonciere neût été payée qu’à cinq sols par boisseau dutant plus de quarante ans, et que par une Sentence donnée plus de quarante ans auparavant dont il n’y avoit point d’appel, l’Hopital eût été condamné à recevoir a rente à raison de cinq sols par boisseau ; neanmoins elle seroit payée en essence conformément deux Arrests rapportez parBerault . Ce qui a été aussi jugé de la sorte au Parlement de Paris. suivant les Arrests remarquez par les Arestographes.
Un creancier avoit épousé la fille de celoy qui luy devoit une rente ; cette femme étant morte sans enfans son bien retourna à ses parens qui pretendoient que cette rente ayant été une fois confuse elle ne pouvoit renaître : le creancier leur répondoit qu’obligatio potius cesaverat quam extincta fierat, 5. arcam, l. Qui res suas de solut. Elle étoit plûtost endormie qu’e-teinte, mais le debiteur repliquoit qu’en comptant le temps avant le mariage, et celuy qui étoit coulé depuis la mort de la femme il y avoit plus de quarante ans ainsi que cette rente étoit prescrite : Il fut jugé qu’il ne falloit point considerer le temps qui avoit precedé le mariage, parce que le mariage avoit servy d’interruption : Par Arrest en la Chambre des. Enquêtes au Rapport de Mr Romé du S. de May 1626.
On a agité cette question si la prescription commence à courir du jour du Contrat de vente, ou du jour de la vente de la condition : En 1598. Hericy sieur de Fierville vendit un fief avec faculté de le racheter toutefois et quantes : En 1607. le sieur de Fierville contracta des dettes, et en 16o8. il vendit la condition au freur de Blainville. Bernard sieur de Rotot fît saisir réellement ce fief en 1647. Le sieur de Blainville soûtint qu’il étoit possesseur quadragenaire ; la difficulcé de la Cause fut de sçavoir si la prescription avoit commencé de courir du our du Contrat de vente, ou du jour de la vente de la condition : Par Arrest en la Chambre Je l’Edit du 8. de Juillet 1648. il fut jugé que la prescription avoit commencé du jour du premier Contrat ; plaidans Coquerel et Lyout.
La prescription devient inutile si elle n’est alléguée, et celuy qui ne s’en serviroit point et qui ne l’opposeroit pas ne seroit pas même restituable contre l’omission qu’il en auroit faites fuivant l’Arrest rapporté par Berault sur cet Article, et un autre encore que je rapporteray sur l’Article qui suit : La raison est que la prescription n’est pas de plein droit, mais seulement par exception, laquelle par consequent doit être opposée ; autrement on presume que celuy qui pouvoit se servir de la prescription a renoncé à son droit, et qu’il l’a fait par un motit de bonne foy : C’est la doctrine commune des Docteurs que prascriptio non tollit ipso jure actionem, sed per exceptionem que à parte adversa proponenda est. On fait ensuite cette question si elle peut être supplée par le Juge, lors qu’elle n’est point opposée par la partie. Guy Papé Chassanée en sa Décifion 22. a soûtenu fortement la negative : Chassanée a été aussi de ce sentiment, et Mr Boyer en fa Décision 344. se fondant sur la raison que je viens d’alléguer que l’action n’est point perie de plein droit, et que la prescription opere seulement une exception à laquelle on n’a point d’égard lots qu’elle n’est point alléguée : Quelques-uns font cette distin-ction que quand elle est de telle qualité qu’elle resulte et qu’elle est comprise dans le même acte qui produit l’obligation ou l’action : le Juge en ce cas doit la suppléer, mais si l’exceptlon n’est pas de cette nature que le Juge ne la peut faire valoir de son chef. Mais cette distinctiom. n’est pas considérable, parce que le silence de celuy qui ne se sert point de la prescription fait presumer qu’il n’y a renoncé que par un principe de bonne foy, et qu’autrement il n’auroit pas manqué d’user de cette exception, et par consequent le Juge doit prononcer seule-ment sur ce qui luy est proposé-
CCCCCXXII.
Prescription en meuble.
Toutes actions personnelles et mobiliaires, sont prescrites par trente ans.
La Coûtume en cet Article limite à trente années la prescription pour les actions personnelles et mobiliaires : Par l’ancien Droit Romain aprés trois ans il n’y avoit plus d’action pour les choses mobiliaires, l. 1. c. de usucap. transfer. Nôtre Coûtume a étendu trop loin cette espece de prescription de biens : Il y en a de si petite importance que la poursuite n’en devroit pas même exceder une année. C’est neanmoins nôtre usage encore que Godefroy soûtienne que cet Article ne doit s’entendre que des actions qui naissent ex conventione ; et assû-rément il eût été soit à propos de ne luy donner plus d’étenduë.
Theodose L’Empereur Theodose le Grand fut l’Auteur de la prescription de trente ans pour les actions. personnelles et mixtes, comme son fils Theodose le jeune le témoigne en la Novel. de prascript. 30. ann.Cujac . de divers. prasc. c. 30. Elle fut aussi-tost établie dans les Gaules par un ce-lebre Avocat nommé Flavius Niceta, comme nous l’apprenons de Sidonius Apollinaris, Evéque de Clermont, qui vivoit sous le regne de Chilperic, lib. 8. Epist. hanc intra Gallias ante nescitam primus quem loquimur orator. On peut apprendre à faire le discernement des actions person-nelles et réelles dans le titre de obligat. et act. au D. et dans le titre de act. aux instit. Il faut Argentré prendre garde de ne les distinguer pas par le sujet et la matiere qui fait la demande, nam realis aut personalis non facit subjectum, sed causa utendi. Argent. Art. 27s. verbo action. l’action est réelle lors que l’on demande un fonds ; l’action est personnelle lors que l’on agit du fait de quelqu’un, Justinien la prescription pour les actions personnelles fut introduite par Justinien, l. 1. 8. ad hec de ann. x capr. elle étoit inconnuë par l’ancien Droit Romain.
C’est une question fort controverse, si l’action personnelle et l’hypothecaire étant jointes, extincta personali duret hpothecaria : MrLoüet , l. F. n. 3. dit avoir été jugé que l’action hyothecaire étant jointe avec la personnelle est prorogée jusqu’à quarante ans, suivant la Loy Cum notissimi de prasctipt. 30. vel ao. annor. Ricard dit la même chose sur l’Article 118. de la Coûtume de Paris, et que c’est leur Usage approuvé par du Moulin sur l’ancienne Coûtume de Paris, Article 68. et bien que l’action hypothecaire soit accessoire de la person-nelle qui est la principale, neanmoins icelle éteinte elle ne laisse pas de subsister, n’étant pas une chose nouvelle en Droit, que le principal étant éteint l’accessoire demeure : VoyezCujac . c. 14. obser. c. 15. Mais, dit Brodeau en son Commentaire, cela ne s’entend que de l’hypotheque conventionnelle qui subsiste de soy par le moyen de la convention des parties, et non de lhypotheque legale et tacite comme celle du mineur sur les biens de son tuteur, et autres semblables qui se prescrivent par trente ans, ne pouvant pas être de plus longue durée que l’action, sans laquelle elles n’ont point de subsistance, ce qui a été remarqué parBacquet , des Droits de Justice, c. 21. n. 188. et Godefroy sur cet Article soûtient que l’action personnelle étant prescrite l’hypothecaire ne peut plus subsister, ce qui a été parcillement tenu par Charondas sur cet Article, et parChopin , de Moribus Paris. l. 2. 1. 5. n. 3. Mais il est d’un usage otoire qu’en cette rencontre l’hypothecaire peut subsister sans la personnelle, car pour la reureté et pour l’execution de nos Contrats nous considerons bien plus l’action hypothecaire que la personnelle ; aussi la Loy a. C. de luit. pign. décide expressément, vincula pignoris durare personali actione submotâ, quoy que Godefroy pretende que cette Loy n’a lieu que quand le créancier est saisi du gage, elle se doit entendre indistinctement de toutes hypotheques ; c’est aussi le sentiment de MrCujas , de prescript. c. 31. qui remarque plusieurs cas où l’action personnelle perit plûtost que l’hypothecaire ; et en suite il ajoûte que hoc et aliâs accidit, puta it sublatâ personali maneat hypothecaria. l. Debitor. D. ad Senat. Consult. Trebell. et ad l. 2. C. de duit. pign. Mi d’Argentré , sur l’Article 273. de l’ancienne Coûtume de Bretagne, n’ayant pas été de ce sentiment lors de la reformation de sa Coûtume, il fit employer en l’Article 285. ue l’hypothecaire accessoire à la personnelle se prescrit par le même temps que la personnelle.
Ce seroit icy le lieu de traiter de la prescription des crimes, mais j’en ay parlé sur l’Article CXLIII. Aprés avoir parlé des choses qui se peuvent prescrire, et du temps par lequel elles se prescrivent, il est de l’ordre d’expliquer aussi les moyens qui interrompent la prescription.
Nos Jurisconsultes ont fait plusieurs especes d’interruption ; l’interruption, dit Mr d’Argentré , est abpuptio temporu à lege ad persiciendam prascriptionem defuncti, art. 2d. c. 1. C’est un acte par lequel on empesche que la possession ne soit paisible, et que par consequent le terme ans lequel on peut prescrire ne soit continu, c’est une cessation de possession trar quille et sans trouble ; on appelle en Droit cette interruption usurpation, la jurisprudence moderne a fait ne autre espect d’interruption lors que l’action paroit comme endormie, et qu’elle demeurs comme, en repos ou en suspens, dormitionem vocant pro interquiescentia et ainoravoii in eodem stagu namine indito ab usu rei et effectu : La difference de ces deux especes d’interruption confiste en ce que l’interruption rend tout le temps precedent de la possession inutile et sans ef-fet ; de sorte qu’il faut recommencer tout de nouveau à prescrire, le temps precedent n’étant compté pour rien, et celuy qui veut. prescrire a besoin de posseder encore autant de temps qu’il est necessaire pour achever la prescription ; mais quand l’action n’est qu’assoupie et qu’elle demeure seulement en repos et en suspens, cette tréve arrête bien le cours de la prescription mais le temps precedent ne laisse pas de seuvir, et quand les causes de la cessation et da calme sont cessées on conjoint le temps precedent avec celuy qui est encouru depuis, et des deux on n’en fait qu’un :Argentré , Article 266. c. 1. n. 3.
C’interruption se fait en deux manieres jure aut naturâ, et c’est pourquoy on les appelle civiles ou naturelles : l’interruption civde se fait ou par l’ajournement ou par la contestation en cause : mais afin que l’ajournement et la citation paissent interrompre, il faut qu’ils soient rapportez en jugement, autrement le trouble et l’inquietude ne seroient pas suffisans, et le desenteur ne laisseroit pas d’acquerir la prescription, car un simple exploit de dénonciation ou de déclaration faite hors jugement ne seroit pas considérable ; la contestation en cause est le moyer le plus fort et le plus assûré pour interrompre la prescription.
L’interruption naturelle se fait lors que l’on est dépossedé par force et par violence, cum quis de possessione vi dejicitur, vel alicui res eripitur, l. Naturaliter, D. de usurpat. lib. 41. t. 3. l. 5.
I. Cum notissimi, 5. imo. C. de prascripe. 30. vel 47. ann. et de quelque maniere que l’on cesse d’avoir la possession d’une chose la prescription est intertompue ; Glos. 111. D. l. Naturaliter, et cette interruption naturelle ne profite pas seulement à celuy qui a fait l’interruption, mais à taus ceux qui sont interessez, non tantum et qui eripuit interrumpitur possessio, sed adversus omnes, D. I. Natus ; et c’est la difference qu’il y a entre l’interruption nauirelle et la civile : Car la première sent à tous quoy qu’elle n’air été faite que par un seul ; mais l’interruption civile n’a profité qu’à geluy qui en est la cause ; Doctores in D. 5. imII n’est pas superdu de remarquer les effets et l’utilité de l’interruption, et à quelles per-sonnes elle peut profiter ou nuire
Pour faire un véritable discemement quand la prescription acquise par quelqu’un peut profiter à un autre, il faut distinguer la nature et la qualité des obligations ; il y a des obligations principales, il y en a d’accessoires, que priucipales sunt adversus obligatos, aeque principaliter suas quasque prescriptiones requirunt, nec quod adversus unum prascriptum sit, aut quod ex debitoribus unus oresoripserit ad alium porrigitur.Argentré , Article 266. de la Coûtume de Bretagne, c. 3. n. 1.
Maais il en faut excepter les obligez solidairement, correos debendi, car l’interruption contre l’un empesche la prefcription contre l’autte, comme je l’ay remarqué sur l’Article precedent, sunt Accurse enùm duo cornei una obligatione constricti ; mais nos Auteurs ne conviennent pas touchant les obligations accessoires comme celles des fidejusseurs : Accurse même a été de different avis, car en sa Glos. sur la. Cum quis, S. si quis pro eo, D. de solut. megat interruptionem factam adversus reum principalem fidejussori obesse, quominus ipse et suo capite prascribat suae obligationi ; et on se Accurse fnnde sur cette raison que cum non aadem specie obligationis teneantur, neque aque principaliter diversis ttiam intermptionibus opus habeant. Mais Accurse change de sentiment sur la l. Fidejussor. 8. ult. D. mandat. et interruptionem contra principalem factam nocere fidejussori dicit : Pour éviter ceRte contradiction on ffait une différence entre la caution par Contrat et la caution judiciaire. que pour la premiere, l’interruption contre l’obligé ne suffit pas, mais que pour la seconde c’est sez d’avoir poursuivy contre le principal obligé. D’autres estiment qu’indistinctement la pourfanite faite contre l’un empesobe la prescription contre l’autre, quia ex eodem fonte obligatie lescendat. Mais Mr d’Argentré est de ce sentiment que cum due sunt obligationes diverse natura et exereitio et suhordinate, cum difcussio eoigetur pmncipalis, persona aliae sint, interesse suum cmque ditecusas etium npelligi prescmptioes oporcore Je ne doute point qu’à l’égard de la caution ciudiciaire ou solidaire l’intotruption contre le principal obligé n’empesche la prescription : mais esi la caution iost pure et simple comme le oréancior est tenu de discuter : le principal obligé, la caution peut prescrire dans le temps fatal si le creancier n’a fait aucune poursuite contre luy : et c’est arne maxime que à persona ad persouam non ffit interruptio active nec passivi, nisi quidem duo rei credendi essent.
Comme il ne se fait point diinterruption d’ue porsonne à autre, il ne s’en fait point aussi d’une ohose à l’autre, ny aussi d’une action à une autre action, non pas même inter ensdem. personas. On peut voir dans M d’Argentré , iArtiole 266. comment et contre quelles personnes l’interruption peut servir.
Mais suffit-il que l’ajournement soit fait dans Etemps fatal, quoy que le temps de son écheance narrive qu’aprés les quarante ans : L’opinion de Godefroy me semble véritables qu’il suffit que la prescription est intertompué pourvû que l’ajournement fût libellé, parce que le possesseur ayant été interpellé avant le remps requis il ne doit pas profiter de son refus.
On ne doute point que le decret des biens de l’obligé n’interrompe la prescription pour les cinq années : on en peut voir l’Arrest sur l’Article CCCCCLIX. ce qui a lieu encore que le decret eût été cassé, suivant un Arrest donné au Rapport de Mr d’Amiens, le mois de Mars 1618. Arrest du 20. de May 1664. en l’Audience de la Gtand. Chambre, entre Me Nicolas du Moutier Lieutenant General à Caën, et le sieur de Valdavid. Un particulier en ven-dant un héritage chargea l’acquereur du payement d’une rente, il en fit delais à un retrayant à cette même condition : aprés les quarante ans du jour de la vente, mais dans les quarante sans du jour du delais, le sieur du Moutier creancier de la rente fit saisir réellement l’héritage. aprés sommation faite au fils de l’obligé qui n’étoit pas son heritier : Sur l’appel du tiers détenteur qui soûtenoit que la rente étoit prescrite, il fut jugé que la charge prise par le re-trayant de continuer la rente avoit intertompu la prescription, quoy que cela eût été fait en l’abfence du creancier, bien que la sommation en decret fût nulle, que neanmoins la saisie aite en consequence empeschoit la prescription.
Il y a une autre espèce d’interruption volontaire laquelle a un effet retroactif, même au préjudice des créanciers, lors que nonobstant que le Contrat soit prescrit, le debiteur ne laisse point de payer ou de faire quelque reconnoissance de la dette : car cette reconnoissance efface et aneantit la prescription contre laquelle on ne peut être restitué suivant l’Arrest de Lobnie et Rabot, remarquépar Berault sur l’Article precedent ; cela fut encore jugé au Rapport de Mr de Toufreville le Roux en la Grand. Chambre le 19. d’Aoust 1649. entre la Demoiselle de Heques, le sieur Mallet son fils appellant, et Mr de Frequienne Conseiller en la Cout intimé : En l’année 1518. de la Pise avoit baillé aveu d’un tenement nommé l’Esprevier contenant vingtleux acres et demie de terre, avec une redevance de dix sols, deux chappons, deux poules ses successeurs donnerent des aveux conformes aux années 1540. 1562. et 1585. et une declaration par nouveaux bouts et nouveaux côtez, en 1588. par laquelle ils avoüoient le tenement à la Seigneurie du Bec-Crepin, sous la continence de quatorze acres trois vergées, et avec redevance d’un Esprevier vif une fois payé, quand le Seigneur arrive en sa terre : En 1618. le Leceveur s’étoit fait payer par provision de vingt-deux livres pour arrerages des chappons, poules et argent : En 1623. la Demoiselle de Heques, veuve du sieur Mallet et héritière de Pise bailla un aveu conforme aux derniers : On soûtint qu’elle devoit le bailler conforme à celuy de 1518. à quoy elle fut condamnée de son consentement : Par Sentence de l’année 1626. pour cet effet elle passa procuration à son fils et presomptif heritier, pour donner aveu conorme à celuy de 1518. ce qui fut executé : la mere et le fils obtinrent Lettres de restitution fondées sur la surprise, vû que depuis l’areu de 1540. jusqu’en 1618. ils avoient prescrit la rente ; le Receveur répondoit que ne s’étant point aidez de la prescription, et au contraire ayant reconnu volontairement la rente qui étoit justifiée par un titre ancien, il n’y avoit plus de lieu d’objecter la prescription, ayant dû être alléguée par la partie et le juge ne pouvant la supéer, parce que c’est une exception de laquelle on peut véritablement se prévaloir ; mais on peut aussi y renoncer et reconnoître la bonne foy : Par Sentence les demandeurs en Lettres en furent deboutez, ce qui fut confirmé par l’Arrest. On jugea qu’encore que la prescription fût acquise, néanmoins le vassal ayant renoncé à s’en servir et donné un aveu conforme au plus ancien qui servoit de titre, il n’étoit plus temps d’alléguer la prescription.
Pour toute possession on justifioit d’un arrest fait entre les mains du fermier, et sur cet arrest une procedure faite entre les Procureurs contenant la déclaration du fermier de ce qu’il devoit et des défenses de payer, et sur la demande de lobligé il avoit été dit qu’on luy produiroit, depuis il y eut appointement en preuve de leurs faits : Cette poursuite cessa durant uinze années, et sur une nouvelle action on fit production d’un titre qui étoit prescrit ; on demandoit si ces diligences étoient suffisantes pour interrompre la prescription ; Cet arrest et sles diligences faites en consequence étoient sans doute capables de linterrompre ; mais suivant pOrdonnance de Roussillon linstance étant perimée par trois ans, quoy que contestée, elle n’a pas leffet de proroger l’action, et la prescription a son cours comme si l’instance n’avoit amais été formée ; mais pour empescher la peremption on representoit qu’en consequence de l’arrest défenses avoient été faites au fermier de se dessaisir, et que c’étoit une Sentence qui avoit son execution jusqu’à trente ans ; ainsi jugé par Arrest, au Rapport de Mr de Coupeauville, le mois de Juin 1620.
Me Josias Berault rapporte un Arrest sans datre, par lequel il doit avoir été jugé qu’un particulier pour faire cesser le decret de ses héritages saisis pour arrerages d’une rente dont il étoit caution, ayant payé les arrerages et acquité la rente ne pouvoit demander recompense que de cinq années contre le principal obligé ; et neanmoins sans y faire de refle-xion il rapporte en suite deux Arrests par lesquels le contratre a été jugé, et que la caution pouvoit demander tous les arrerages, et même contre fon cofidejusseur, ce qui est raisonnable, et l’Ordonnance des cinq années ne peut avoir lieu en cette rencontre ; car l’on objecte inuillement que le fidejusseur qui a rachert la tente n’a pas plus dé droit que le creancier, n’agissant que comme subrogé à ses droits : la gautron agit en fon nom, et nomine fidejussorio, en vertu du Contrat par lequel le principal obligé a promis de l’indemniser et de le garantir de toute parte et dommage : Or cette action en retours étant personnelle elle peut être exer tée dans les trente années, et ce ne sont pas à proprement parler les nrrérages d’une rente mais des interests pour l’inexecution de la promesse d’indemnité.
Par l’Article 147. du Reglement de 1666. la prescriptlon de cinq undées pour les rentes constituées ne court point durant le decret des biens de l’obligé.
Ce même Auteur remarque que l’interpellation faite. à l’un des coobliges interrompt li prescription suivant la Loy dernière, C. de duobus rei ; comme aussi dans le cas opposé celuy qui doit par une feule obligation à plusieurs creanciers en payant une partie de la dette à l’un d’iceux interrompt la prescription pour tous les autres, D. I. Vlt. Brodeau sur M. Loder, l. P. n. 2. rapporte les Arrests qui l’ont jugé de la sorte. Cela se pratique avec raison à l’égard des Seigneurs qui conservent leur droit en possedant sur l’un des possesseurs du fonds obligé à leur redevance ; car il ne seroit pas juste, comme je l’ay remarqué sur l’Artiele précedent, ue par l’alienation ou la division que les alnez ou tenanciers feroient du fonds obligé au Sei neur, dont souvent il n’a point de connoissance, il fût tenu de s’adresser à tous les détenteurs : Il a été jugé qu’il luy suffisoit de posseder sur un seul, suivant l’Arrest rappotte parBerault . Pareil Arrest du 17. de Decembre 1644. au Rapport de Mi de Brevedent, contre d’Outrerot et Covel : la raison est que l’hypotheque est in qualibet parte fundi, tota in toto, tota in qualibet parte.
Mais quoy que le Selgneur en possedant sur lainé ou sur l’un des détenteurs conserve si possession sur le reste, si neanmoins l’ainé a négligé de faire contribuer ses puisnez on de les faire signer à l’Aveu qu’il a presenté au Seigneur, ou de luy bailler Deelaration de cé qu’ils tiennent puisnément, ces puisnez peuvent prescrire contre leur ainé et se défendré de la recompense de ce qu’il a payé pour eux au Seigneur. Cela ne reçoit point de difficulté lors que l’ainé forme cette demande par recompense contre ses puisnez ; mais ordinairement l’ainé fait agir directement le Seigneur, contre lequel ils ne peuvent opposer la prescription. En ce cas, lon demande si les puisnez peuvent avoir leur recours contre leur ainé : Cela parolt raisonnable, vû qu’autrement la prescription leur deviendra inutile toutefois et quantes que leur ainé aura assez de credit auprés du Seigneur pour l’obliger à s’adresser directement contr’eux Or les puisnez payant leurs rentes par les mains de leurs puisnez, ils ne luy doivent plus rien lors qu’ils ont presctit contre luy, et luy seul demeute obligé à toute la redevance, dé sorte que s’ils payent au Seigneur ils payent sa dette, dont il leur doit par consequent la restitution. On répond que la preseription ne peut operer qu’à l’effer de dégager les puisnez de la contribution où ils étoient tenus envers luy, mais que cela n’a pas ancanti le droit du Seieneur, et qu’il n’est pas leur garand envers luy, qu’il est affez puny de sa negligence en ce que quand il plaira au Seignent de luy demander le tout il fera obligé de le payer ; mais les puisnez ne peuvent pas pretendre qu’en verta de la prescription il se soit obligé pour eux nvers le Seigneur, lors qu’ils le payent ils s’acquitent de ce qu’ils luy doivent, et par consequent ils n’ont pas d’action pour luy en demander recompense, et la prescription ne leur est pas inutile vû qu’elle luy fait perdre la contribution qu’il leur pouvoit demander ; et cela me paroit équitable.
CCCCCXXIII.
Faculté de toutefois et quantes, comment se prescrit.
La faculté donnée par Contrat de racheter un héritage toûtefois et quantes, se prescrit par quarante ans.
Nous pratiquons suivant cet Article que la faculté de retirer un herttage toutefoss et quances se prescrit par quarante ans, et qu’aprés ce temps l’acquereur demeure Seigmest incom-mutable ipfo jure, sans qu’il soit besoin d’aocune fommation, ny interpellation, ny d’aucun Jugement. C’étoit autrefois la jurisprudence du Parlement de Paris conforme au sentiment de du Moulin de usur. n. 374. in fin. Depuis on a jugé qu’en matière de Gontrats à facuité de rachapt, la proprieté ne peut être acquise incommutablement à l’acquereur, ny le Contrat ve-rifié avant les trente ans de terme expité s’il n’y a Sentence qui l’ordonne de la sorte, et jusqu’à ce le vendeur est toûjours recevable à offrir le remboursement de la chose par luy vén-que, ce qui a été jugé de la sorte par Arrest qui est inseré au livre des Arrêtes de la cinquiéme Chambre des Enquêtes, et qui fut donné confultis clafsibus C’est la commune opinion des Docteurs qu’encore que la faculté de rachapt fût à perpetuité, et nonobstant la prescription de quarante ans ou de cent ans, toutefois cette faculté se prescrit par trente ans et par quarante ans en Normandie, quia prascriptioni jure publico introducta renuntiari noh potest. Mr deCambolas , l. 6. c. 24. dit que l’on juge à Tolofe que cette faculté se prescrit par trente ans, et que l’emphyteote auquel on avoit baillé un fonds sous certaine rente avec faculté de la pouvoir éteindre n’étoit pas reçû aprés ce temps-là.
C’est une question fort agitée par les Jurisconsultes, si en une prescription contractuelle portant faculté de pouvoir retirer dans un certain temps un héritage aliené par un majeur dont e cours avoit commencé en sa personne, et depuis continué en celle d’un mineur heritier d’un majeur, cette faculté pouvoit être prescrite : Par l’Art. 297. de la nouvelle Coûtume de Bretagne, les prescriptions commencées contre les majeurs courent contre les mineurs : Tronçon sur l’Article 113. de la Coûtume de Paris, dit qu’à Paris l’on fuit l’opinion de duMoulin , qu’il y a lieu à la restitution de la part du mineur, par la raison de la Loy, Si creditor, 5. illud, D. de Ferrerius dist. pign. Ferrerus in not. ad quest. 31. Guido Papé assûre aussique cette Maxime est gardée au Parlement de Tolose. Bartole a été l’Auteur de cette doctrine laquelle a été-embraisée presque par tous les Praticiens qui se sont fondez sur cette fameuse Loy Paulus AEmilius, D. de Minor. quoy que l’espece n’en soit pas semblable à celle dont je parle, le raisonnement de Bartole est qu’encore que le mineur ne soit pas restituable en vertu de l’Edit du Preteur, de eo quod cum minore gestum est, parce qu’on n’a point contracté avec luy ; il le doit être en veriu de cette autre clause, si qua mihi causa justa esse videbitur, l. 1. D. ex quib. caus. majores, et ainsi comme un majeur qui succede aux droits et aux actions d’un autre, peut s’excuser par le pretexte d’une juste ignorance de ce qui s’est passé avec luy, l. Qui in alterius 49. de Rogul. jur. à plus forte raison un mineur est restituable, cujus atas, illa etiam omnia que videt, ignorat, comne dit la l. Vnique C. de fals. monet.
Au contraire le President Fabri a mis cette doctrine au nombre des erreurs des Praticiens, Decad. 25. error. 5. Et voicy son raisonnement qu’il n’y a rien de plus absurde d’accorder la grace de la restitution à un mineur pour un Contrat qui n’a point été fait avec luy, et qu’i seroit tout à fait déraisonnable que celuy qui n’a jamais eu affaire avec un mineur fût neanmoins contraint d’attendre sa majorité, et cependant que l’execution des Contrats faits avec son pere fût suspenduë, ou quand l’on voudroit s’en prévaloir, le mineur fût restituable contre tout ce qui se seroit passé à son préjudice ; et par ce principe Marcellus avoit foit bien dit verquam iniquum esse cum qui nihil eum pupillo contraxit expectare ejus pubertatem, que Sententia, pjoûteUlpian , habet rationem apud Julianum 3. D. quibi ex caus. in possess. eat. Quand le mineur seeur être restitué il doit prouver la lezion, et ce n’est pas assez de justifier la minorité, l. Nam posteaquam 9. S. si omni. D. de jurejur. Il faut prouver de la lezion : or le mineur ne peut pas alléguer qu’il ait été surpris par la foiblesse de son âge, puis qu’on n’a point contracté avec luy ; et c’est pourquoy l’Edit du Preteur étoit conçû en ces termes, quod cum minore quam aes. annis natu gestum esse dicetur utique que res erit animadvertam, ce qui marque que lors que l’on n’a point traité avec un mineur, il n’y a nulle cause d’accorder le benefice de restitution.
La Loy AEmilius, 3. D. de minor. a rendu cette question fort problematique ; quoy que l’espece et la raison qui servit de décision ne soient pas semblables, les Docteurs de part et d’au-tre n’ont pas laissé d’en tirer des consequences : AEmilius avoit acheté d’obinius une terre avec cette clause commissoire, que si dans deux mois AEmilius ne payoit point la moitié du prix de l’achapr le Contrat seroit nul, et si dans les deux autres mois suivans il ne payoit pas encore le reste, la vente seroit pareillement nulle. AEmilius étant mort dans les deux premiers mois, on donna des tuteurs à sa fille mineure qui ne payerent point dans le temps prefix : le vendeur aprés avoir sommé inutilement plusieurs fois ses tuteurs de fatisfaire à l’execution du Con-rat, il revendit l’héritage à un autre ; la pupille voulant être restituée contre le laps du temps, elle en avoit été deux fois refusée, tam apud Pratorem quam apud Prafectum urbi. Elle appella de leurs Sentences à l’Empereur, et l’affaire ayant été déliberée en son Conseil, le Junisconsulte Paulus estimoit qu’il avoit été bien jugé, se fondant sur cette raison quod pater ejus, non ipsa contraxerat. L’Empereur neanmoins ne fut pas de ce sentiment par une autre raison, quod dies committendi in tempus pupilla incidisset, eaque res effecisset ut non pareretur legi venditionis.
Mais le Jurisconsulte Paulus combatit cette raison par ces paroles non me moveri quod dies postea transiissoamon magis quam si creditor pignus distraxisset post mortem debitoris die solutionis finita : Ce raisomement de Paulus est estimé par tous les interpretes comme étant le plus juste et le plus conforme aux élemens du Droit ; et neanmoins Paulus approuve en quelque sorte le jugement de l’Empereur. Mais par un autre motif, dicebum, inquit magis restitui eam posse, quod venditor denuntiando post diem quo placuerat esse commissum & pretium petendo à lege sua recessisse videretur. Ce ne furent pas neanmoins les raisons sur lesquelles l’Empereur décida la cause ; la premiere fut quod lex commissoria illi difplicebat, et la deuxième quod priores tutores qui restitui tion desiderassent suspecti pronuntiati érant.
Il paroit par les motifs de cette Loy que sans ces deux circonstances de la Loy commissoire et de la suspicion que l’on avoit euë contre les tuteurs, l’Empereur eût jugé autrement et qu’il n’eûr point accordé le benefice de restitution : Ce qui me fait conclure que la restiution n’a point lieu contre la prescription conventionnelle, bien qu’aprés avoir été commen-cée contre un majeur le cours ne s’en accomplisse que contre un mineur.
C’est aussi l’opinron commune des Docteurs que la prescription conventionnelle qui a coimencé contre un majeur et qui vient à tomber contre un mineur avant que d’être conlommée ne laisse pas d’achever son cours, dautant que la condition de celuy qui a contracté avec le défunt ne doit pas empirer par la qualité de son successeur, l. 2. C. si adv. vend. pign. Le mineur même ne peut être restitué conctre cette omission, néanmoins il y a des Arrests du Parlement de Paris qui l’ont admis lors qu’il souffroit un prejudice notable ;Loüet , l. P. n. 36.
La question si l’on peut prescrire la faculié de retirer le Greffe d’une Haute-Justice, tut plaidée en l’Audience de la Grand. Chambre le 3. de Decembre 1624. Un Haut-Justicier avoir vendu son Greffe à faculté perpetuelle de rachapt ; cinquante ans aprés ayant voulu retires ce Greffe il obtint Sentence à son profit : La Faye pour l’Appellaut diioit qu’un héritage rendu à faculté perpetuelle de tachapt ne pouvoit plus être rétité aprés quarante ans, qu’un Greffe tenoit lieu d’héritage comme les Sergenteries hereditaires, qui sont jointes comme les Greffes à la Jurisdiction des Hauts-Justiciers, et neanmoins elles peuvent en être distraites et venduës. Des Champs pour IIntimé s’attachoit aux termes de cet Article qui paile expresément d’un héritage, mais un Greffe quoy qu’il soit reputé immeuble n’est pas héritage : li y a des Hautes-Justices qui reviennent à la Couronne par extinction de ligne, que si les Grefses des Hautes. Justices avoient été alienez, le Roy rentrant en la possession dicelles trouve-roit son Domaine aliené : Cette raison tirée de l’interest du Roy me semble peu decisive, car un seigneur n’est pas privé pour cela de disposer d’une partie de son bien comme en étant le véritable proprietaire, mais la reünion d’un Greffe au corps de la Jurisdiction me semble favor, ble : Par l’Artest on confirma la Sentence, et permis au Haut-Justicier de rentret en son Gre ffe en remboursant le prix et loyaux cousts. Ferey avoit vendu vingt acres de terre à Andtieu à faculté de rachapt pendant cinq ans, sans pouvoir neanmoins disposer de cette condition qu’aprés le refus de l’acquereur ; Ferey vendit la condition au Danois au déçû d’An-drieu par quarante écus, le Danois ayant voulu retirer il offrit à Andrieu de luy remettre son Contrat en luy rendant les quarante écus, ce qui fut refusé par Andrieu disant que la condition étoit personnelle, et en tout cas qu’il ne pouvoit y être obligé avant les cinq ans Par Arrest du 5. de Juillet 1623. il fut dit que le retrait auroit lieu, au refus par l’acquereur de rembourser les quarante écus.
CCCCCXXIV.
Prescription à la faculté de racheter rente constituée pour dot.
Rente constituée à prix d’argent en faveur de mariage, par pere, mere ou frere, pour être dot, combien qu’elle soit rachetable, néanmoins la faculté de rachapt se peut prescrire par la fille ou ses enfans par quarante ans : mais si elle passe en autre main avant les quarante ans expirez, elle sera toûjours raquitable.
quoy que le pere constituë en rente ce qu’il donne pour dot à sa fille, cette espèce de rente n’est pas de la nature des autres qui sont pareillement constituées à prix d’argent, elle setient quelque qualité de la chose à laquelle elle est subrogée, à sçavoir la legiuime ou le partage de la fille : non seulement la faculté de la racheter le prescrit par quarante ans, mais aussi la fille peut en demander vingt-neuf années ; mais je ne sçay pourquoy la Coûtume a fait cette distinction, que cette faculté de rachapt ne se puisse prescrire par quarante ans que dors qu’elle n’a point passé en une autre main avant ce temps-là.
Cette apritude de la rente constituée en faveur de mariage à devenir foncière a fait naître la question, si les arrerages pouvoient en être constituez : Quelques-uns font cette distinction, que quand le pere promet une somme d’argent et qu’au lieu de la payer il la constitue au rix du Roy, en ce cas les arrerages n’en peuvent être constituez, parce que c’est une veritable constitution à prix d’argent, dont on ne pouvoit même promettre ny stipuler un inte-rest plus grand que celuy qui est permis par les Edits, et on le jugea de la sorte en une Cause où j’avois écrit pour Ménildo, sieur de Vierville, contre. le sieur Godefroy. Autre Arrest en la Chambre de l’Edit, au Rapport de Mr de Btinon, du 13. de Juillet 1651. par lequel la constitution d’une rente en laquelle on avoit fait entrer les arrérages d’une rente dotale qui n’étoit point rachetable fut declarée usuraire : Que si le pere promettoit et s’obligeoit simplement en une rente rachetable par une cettaine lomme, qu’en ce cas non seulement on pou-oit en constituer les arrerages, parce que ce n’étoit point une rente dont la constitution eût commencé par un prix d’argent, mais même quoy que le rachapt s’en pûst faire par une somme qui produiroit un interest moindre que celuy permis par les Edits, la constitution ne laisses roit pas d’être valable : Par exemple, si le pere avoit promis mille livres de rente qu’il pourroit racheter par dix mille livres la constitution ne seroit point usutaire, cette faculté du rachapt à moindre prix n’empeschant que la promesse ny l’obligation de payer mille livres de rente ne fût legitime, ces sortes de rentes ne sont point de la nature et de la qualité des rentes constituées, ce sont plûtost des Contrats commutatifs où le pere pour la legitime de sa fille au lieu d’argent comptant luy donne une rente. Adrian Louver Ecuyer en mariant sa soeur à Gilles Dancel Ecuver sieur de Quineville, luy donna pour la part et portion qu’elle pouvoit esperer en la succession de ses pere et mère deux cens livres de ronte qu’il pourroit acheter par deux mille cinq cens livres : En 1618. Charles Louver son fils se constitua en trois cens soixante et sept livres onze sols de rente envers Gilles, Adrian, et Loüis Dancel moyennant cinq mille cent quarante-six livres, dont il en fut payé comptant deux mille quarante-six livres, et pour loutre-plus les sieurs Dancel luy restituerent deux obligations ; l’une du fait dudit Adrian Louver au profit de Magdeleine Louvet sa seeur, dont il restoit dû quinze cens livres ; l’autre du fait de Charles Louver, montant à saize cens livres.
Charles Louver executa volontairement le Contrat, mais Gilles Dancel Ecuyer sieur de S. Jean en ayant demandé les arrerages, Oder Louver sieur de Monmartin son fils s’en défendit pretendant que le Contrat étoit usuraire, et pour le justifier il produisoit les deux obli-cations qui étoient causées pour les arrerages de la rente dotale de Magdeleine Louver, d’oû Il concluoit que ces obligations causées pour arrerages étant entrées dans le capital des trois cens soixante et sept livres de rente cette constitution étoit usuraire : L’affaire portée en la Cour sur un appel du sieur Louver, le Telier son Avocat concluoit à la nullité du Contrat, dautant que les arrerages d’une rente dotale rachetable par argent n’avoient point cette prerogative de pouvoir être constituez, et que c’étoit un anatocisme odieux qui ne devoit être souffert en aucune rencontre : Je soûtenois au contraire pour Gilles Dancel sieur de S. Jean, que quand il seroit constant que les arrerages des deux cens livres de rente auroient fait parsie du capital des trois cens soixante et sept livres de rente il n’y auroit toutefois aucun vice en cette constitution, il falloit faire différence entre reditum pecuniarium & reditum pecuniâ constitutum, entre une rente payable en argent et une rente constituée à prix d’argent. Toute la negotiation qui se fait entre les hommes se divise en deux parties, prima est rerum absoluté sive Dominii & proprietatis rerum acquirendarum vel transferendarum : altera non rerum absoluté sed usus vel fruitionis ipsarum rerum : ad priorem Spectant contractus propriè commutativi ut per mutationes & venditiones que facilioris commutationis gratia nummo fabricato inventa sunt : ad secundam spectant contractus successivi ad habendum usum rei alienae : Et hac posterior negotiatio duplex est : aliquando nobis comparamus usum fundi vel equi cujus salva manet substantia in Dominio prioris Domini, quandoque volumus comparare usum aris alieni cujus possessio & Dominium non possunt interim remanere penes priorem Dominuae, sed abeunt in creditum : debitor autem obligatur ad tantumdem vel aquipollens et aliquod ultra pro usu pecuniae, & ista dicitur propriè nego-tiatio feneratoria ;Molin . de usur. quest. 69. On apprend par cette division la différence des Conrats commutatifs et des Contrats de constitutions de rente à prix d’argent, les effets en sont fort dissemblables, l’usure ne peut se rencontrer dans un Contrat commutatif, le vray sujet.
Je l’usure est in nummo, lors qu’on baille de l’argent et qu’on en tire un interest, ce qui se pratique dans les constitutions de rente, et cela se faisant non solum prater naturam, sed etiam prater destinationem, ut nummus nummum pariat, quia nummus nonad questum faciendum. ed ad alias rerum commutationes facilius expediendas inventus est : voila pourquoy on a eu de la peine à permettre que l’argent produisist interest, ce qui ne se rencontre pas dans les Contrats commutatifs.
Les exemples rendront la chose plus intelligible, si quelqu’un vendoit son héritage par deux cens livres de rente, quoy qu’elle fût rachétable par deux mille livres, cette constitution néanmoins ne seroit point usuraire, parce qu’il n’y a point eu d’argent constitué ; c’est une com-mutation d’un fonds que l’on a faite contre une rente, et ce Contrat nihil differt à concessione feudi in reditum, comme dit du Moulin : Mais si cette même personne avoit vendu son héritage. par deux mille livres, et qu’il les eût constituées en deux cens livres de rente, il est sans doute que cette constitution seroit usuraire, parce que l’acheteur n’étant debiteur que d’une somme argent, on ne pouvoit exiger de luy un plus grand interest que celuy qui est permis par la Loy.
C’est aussi une condition essentielle des rentes constituées à prix d’argent, que les preneurs yent une perpétuelle liberté de les racheter ; et toutefois si le vendeur d’un héritage stipuloit que la rente constituée pour le prix de la vente seroit rachetée dans un certain temps, cette tipulation ne seroit pas vicieuse, parce que cette stipulation seroit reputée faire partie du prix lu Contrat.Molin . de usur. quest. 27.
Toicy un troisième exemple qui marque encore mieux la difference de ces Contrats : On ne peut maintenant en cette Province constituer une rente à moindre prix qu’au denier dixhuit. Si toutefois quelqu’un vendoit cent livres de rente qui luy seroient dûs par un tiers par mille livres, ou s’il s’en rendoit ajudicataire par ce prix là, il ne seroit pas reputé commettre une usure, quia venditio reditus antiqui seu à tertio debiti non est eadem, sed diversa Species negoictioni à venditione reditus de novo super ipfo vendente constituri : illa enim species ad contractu commutativos : hac vero ad usurarios pertinet ;Molin . quast. 60. Il se pratiqué tous les jours dans ses Contrats de mariage que le pere donne une rente, et qu’il stipule d’en pouvoir faite le rachapr par un moindre prix que celuy permis par la Loy ; ce qui pourtant ne tombe point dans le cas de l’usure. Or dans l’espèce de cette cause le sieur Louver ne donna point une somme d’argent à sa fille, mais une rente au lieu de la pottion legitime qu’elle pouvoit esperer aux suc-ressions de ses pere et mère : c’étoit donc un véritable Contrat commutarif, et puis que l’usure ne tombe point dans ces Contrats, et que ces arrerages étoient loco fructuum de la I gitime, ils pouvoient être constituez valablement, comme on peut constituer des fermages et des arrerages des rentes foncieres. Il n’est pas permis de constituer les arrérages d’une rente constituée à prix d’argent, parce que l’interest que l’argent produit est accessio ad principale, que si l’on faisoit produire encore un interest à cet interest, ce seroit accessio accessionis qua nunquam datur en jure ;Molin . quest. 64. Mais les arrerages d’une rente fonciere, ou les fermages non sunt accessio, sed ipsum principale ; major enim pars fructuum cedit colono pro cultura & questu suo, unde manifestum est illas pensiones non esse accessionem, quia non veniunt in consequentiam, sed principatiter. Cela peut être justement appliqué à cette rente dotale, elle tenoit lieu de legitime à la fille ; erat loco fructuum, est ergo ipsum principale non accessio, et subrogatum quoddam quod sapiebai naturam subrogati.
Les rentes dotales ont une si forte apritude à devenir foncieres, que bien que le pere ait donné une somme d’argent qu’il ait constituée, et que par consequent une telle rente ait touses les conditions d’une rente constituée à prix d’argent, néanmoins parce qu’elle est creée pour la legitime de la fille, elle retient toûjours quelque chose de sa première nature, de sorte que suivant cet Article la faculté de rachapt se priscrit par quarante ans. Elles ont encore cette prerogative commune avec les rentes foncieres, que l’on peut en demander vingt-neuf années vant même que la faculté de rachapr soit prescrite. On ajoûtoit à ces raisons que les obligations que l’on representoit n’étoient point celles que l’on avoit restituées lors du Contrat de la constitution de la rente ; la Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest au Rapport de Mr de S. Helene Cormier du 29. de Mars 1656. la Sentence fut confirmée et le sieur Louver debouté de ses Lettres de récision
La rente donnée par le pere à sa fille en faveur de mariage étant une véritable legitime, il ne faut point subtiliser sur la manière et sur les termes de la constitution, et il n’y a pas moins de justice à permettre la constitution des arrérages de ces sortes de rentes que de celles qui sont foncieres, ou des fermages d’héritages
l’ay dit cu dessus que si le pere promettoit d’abord une somme et qu’il la constituast en rente, l’interest n’en pourroit être promis ou stipulé plus haut qu’au prix du Roy ; et cela fut jugé de la sorte le 3. d’Avril 1653. en la Grand-Chambre, entre Bazan sieur de Tonneville, coyeres, Barbou et Potier. Un pere donna à sa fille en faveur de mariage la somme de deux mille livres, laquelle il constitua en deux cens livres de rente, sur la reduction qui fut demandée de cette rente, il fut dit qu’elle seroit reduite pour l’avenir, mais l’obligé à la rente fut debouté de sa demande de précompter l’excedant qu’il avoit payé sur le principal, et par forme de Reglement défenses furent faites de constituer aucunes rentes même dotales, qu’au prix de l’Ordonnance.
Cependant nonobstant ce Reglement il fut jugé en la Grand. Chambre, au Rapport de Mr Côté, le 30. d’Aoust 1663. qu’il étoit permis de donner pour le mariage d’une fille et de l’obliger à une rente rachetable au denier dix, et quoy que cette rente eût passé en uhe main étrangere et qu’elle ne tint plus lieu de dot à la fille, que les arrerages devoient être payez ar le même prix. On disoit que c’étoit ouvrir indirectement une voye pour commettre des usures, et créer des rentes au denier dix ; mais en jugeant que cette rente n’étoit point vitieuse en son principe et dans sa creation, on ne faisoit aucun prejudice à l’obligé pour chan-ger de creancier, puis qu’il est en son pouvoir d’en faire le rachapr.
Cette jurisprudence me paroit plus équitable, et puis que la rente donnée par le pere à sa fille en faveur de mariage est une véritable legitime, que sans subtiliser sur la manière et les termes de la promesse ou de la constitution le pere peut s’obliger à un plus grand interest que celuy de l’Ordonnance, parce que cela fait une partie des conventions matr imoniales, et que les arrerages peuvent en être constituez comme ceux des rentes foncières et des fermages, l’usure ne tombant proprement que dans le cas où l’on baille de l’argent pour en tirer un profit et un revenu, et sur tout cette constitution d’arrérages ne pourroit être reprouvée lors que la faculté de racheter la rente est prescrite, quoy que le contraire ait été jugé par l’Arrest donné au Rapport de Mr de Brinon, dont j’ay parlé cy-dessus.
On a revoqué en doute si la prescription de quarante ans portée par cet Article étoit intertompue par l’opposition formée par le mary à un decret pour être payé du principal de la rente ; Rafy avoit vendu des héritages à Demoiselle le Cavelier, veuve de Me Michel de la Broyse Avocat en la Cour, à charge de payer des dettes, et notamment cinquante-cinq livres de rente dotale des nommez Droüet sortis de la fille de Rafy, la discussion des deniers fut faite aux Requêtes du Palais entre les creanciers de Rafy : Droüet qui joüissoit par usufruit de cette rente dotale s’étoit opposé pour le principal et pour les arrerages, mais ses enfans propriétaires de la rente avoient depuis soûtenu que la rente ne pouvoit plus être rachetée, la faculté en étant prescrite nonobstant cette défense en consequence de l’opposition du pere pour être payé du principal ; par Sentence des Requêtes ils furent condamnez à récevoir le rachapt de leur rente. Barate sur l’appel desdits Droüet s’aidoit de cet Article, et disoit que l’opposition du pere qui n’étoit qu’usufruitier n’avoit pû leur faire de prejudice, ne paroissant aucune offre ny consentement de la part de l’obligé d’en faire le rachapt. Maunoutry pour a Demoiselle de la Broyse pretendoit que le pere avoit renoncé à la prescription, et que ses enfans qui étoient avancez en sa succession ne pouvoient venir contre son fait : Par Arrest du 19. de Mats 1669. la Cour en reformant la Sentence ordonna que la rente seroit continuée.
On agita cette question en l’Audience de la Grand. Chambre le 20. de Decembre 1623. si une rente donnée par un frère à sa seur en faveur de mariage pour sa legitime, et le trere la racheter :
n’ayant point retenu la faculté de la racheter, pouvoit être reçû quinze ou vingt ans aprés La soeur disoit que le moyen le plus naturel et le plus favorable pour créer une rente fonciere étoit la constitution de la dot, parce qu’elle est au lieu de partage ; que si le frere pre-tendoit avoir la faculté de la racheter il la devoit stipuler expressément, dautant qu’elle ne luy appartient point par interpretation, et l’obscurité du Contrat doit être expliquée à son prejudice, in cujus potestate fuit legem apertius dicere : Par cet Article quand la rente est constituée à prix d’argent, et que la faculté de la racheter est retenuë, elle se prescrit par quatante ans, d’où il s’ensuit à contrario, que quand la rente n’est point constituée à prix d’argent et qu’on n’a point stipulé la faculté de la retirer, elle est fonciere et irracheiable dans son origine et par sa nature : Le ftere répondoit qu’ayant baillé une rente à sa soeur pour sa dot il n’avoit pas cu lintention de la recevoit à partage, et qu’il n’étoit pas necessaire de stipuler cette faculté de rachapt, elle luy appartenoit de droit, et la rente que le ftere promettoit doit plû-tost être presumée rachétable qu’autrement, parce que l’on favorise toûjours la liberation : Par l’Arrest on confirma la Sentence qui avoit prononcé que la rente étoit rachétable, entre Mr Nicolas Pouchet Commis au Greffe de la Cour, et Me Jean Godefroy sieur de Lessatt.
La rente constituée au profit du mary pour son don mobil n’a pas le même privilege que la dot, de n’être plus rachétable aprés les quarante ans ; car bien qu’elle soit créée en faveur de mariage, elle n’est pas comme pour être la dot et le propre de la fille suivant cet Article, au contraire elle appartient au mary et passe à sa famille ; et par Arrest du 8 de May 1611. il fut jugé que cette rente étoit rachetable aprés les quarante ans.
La rente constituée à prix d’argent en faveur de mariage n’étant plus rachetable aprés les quarante ans, elle est sujette à rétrait comme une rente foncière : Ce qui fut jugé entre de Espiney et Boursi le 20. de Novembre 1664. une soeur aprés les quarante ans vendit sa rente dotale à un particulier, lequel voulant saisir réellement les biens du frere pour le payement des arrérages, le frere luy offrit le remboursement du principal des arrerages soûtenant qu’il étoit recevable à la retirer à droit de sang, comme étant devenuë fonciere quant à sa cause et quant à son effet : quant à sa cause, parce qu’elle avoit été baillée au lieu du fonds qui luy fûr échu pour son païtage ; et quant à l’effet, parce que l’on pouvoit en demander vingt-neuf années d’arrerages, et que l’on n’étoit pas en obligation de decreter pour en avoir le payement, et qu’enfin par le temps elle étoit devenuë irrachétable : Toutes lesquelles conditions ne se rencontroient point aux rentes constituées à prix d’argent ; il avoit encore une autre qualité pour retirer cette rente comme proprietaire du fonds. On alléguoit au contraire que la rente pour être irrachétable n’étoit pas fonciere, cette qualité de racherable ou non rachétable ne changeant point sa condition naturelle et primitive, il peut y avoir des rentes foncieres qui sont rachétables, et au contraire des rentes irrachetables qui ne sont pas foncieres. Celle dont il étoit question ne pouvoit être reputée foncière n’ayant pas été créée pour fonds, le pere voit seulement aibitré une somme pour le mariage de sa fille, et le frère l’avoit constituée en rente : si les rentes dotales étoient tenuës pour foncieres, il en naîtroit beaucoup d’absurdirez ; un frere qui n’auroit eu aucun fonds de la succession de ses pere et mere seroit neanmoins bligé à une tente fonciere. Il s’ensuivroit aussi que le tocizième de la vente en seroit dû au seigneur du fonds obligé, et que le Seigneur la pourroit retenir. On repliquoit que le retrait gnager ne faisoit point de consequence pour le retrait feodal, ou pour le treizième : Le Seigneur ne pouvoit user de la retenuë feodale que pour réunir quelque chose à son fief, de sor-e que quand il n’y a à réunir comme en ce cas, ou dans celuy d’un bois ou d’une maison venduë à la charge de l’enlever, le rettait feodal n’y poutroit échoir, surquoy intervient l’Arrest cy. dessus.
La fille ou ses heritiers peuvent demander vingt-neuf années de la rente dotale, mais quand elle l’a transportée avant les quarante ans, le cessionnaire n’en peut demander que cinq années ; la raison est que la rente ne pouvant plus devenir foncière, les arrérages ne peuvent oir le privilege de la rente foncière : Et il seroit incompatible que la rente fût censée constituée, et neanmoins que les arrerages qui en seroient dûs n’eussent la prerogative des arre-rages de la rente fonciere : Le Presidial de Casn avoit jugé le contraire pour Raphael Benard qui avoit acquis une rente dotale avant les quarante ans, et on luy avoit ajugé treize années d’arretages. Sur l’appel par Thomas Roque on cassa la Sentence, et il fut seulement condamné au payement de cinq années d’arrerages, si la rente a été rachetée entre les mains du mary, la femme ne peut demander que cinq années aux heritierss du mary.
Il y a certain cas où la faculté de faire quelque chose ne se preserit point. Il fut jugé en l’Audience de la Grand-Chambre le 14. de Juillet 1645. pour le Baron de Laigle, que des particuliers ausquels les Barons de Laigle avoient fieffé plus de neus vingrs ans auparavant la place du Château, à condition de la remettre toutefois et quantes qu’ils voudroient rebatir un Chârenu, et qui avoient reconnû cette fieffe en 161s. seroient obligez d’en quitter la possessionau Baron de Laigle en payant par luy les batimens lesquels y étoient, et y faisant batir actuellement.
CCCCCXXV.
Prescription de la faculté de toutefois et quantes en rente creée pour fonds.
Si la rente est créée pour fonds ou pour amendement de lotie, la condition. du rachapt se peut prescrire par le temps de quarante ans.
Loyseau Loyseau , l. 1. c. 5. n. 14. et suiv. du Deguerp. propose les moyens par lesquels on peut créen une rente fonciere : Pour rendre une rente fonciere il ne suffit pas qu’elle ait été créée pour alienation de fonds, et il y faut apporter cette precaution, si la vente du fonds est faite par un certain prix lequel on constituë en rente rachétable ; ce n’est pas une rente foncière, mais une rente constituée à puix d’argent : si au contraire la clause du Contrat est conçûë en ces termes, que l’on vend l’héritage moyennant une rente que l’on constituë rachétable par un certain prix, c’est en ce cas une rente fonciere quoy qu’elle soit rachétable ; suivant la doctrine Loyseau de Me CharlesLoyseau , n. 17. ibid.
juivant cet Article la faculté de racheter une rente foncière se prescrit par quarante ans : Il n’en faut que trente par l’Article 120. de la Coûtume de Paris ; la raison pour laquelle ils ont reduit à trente ans cette faculté perpetuelle, est que la convention portée par le Contrat ne poduit qu’une action personnelle, laquelle par sa nature et par sa qualité essentielle se prescrit par trente ans ; de sorte que l’action étant prescrite, il n’y a plus moyen de se préva-loir de la convention qui demeure inutile à faute d’en pouvoir demander l’execution. Brodeau en ses Commentaires sur MiLoüet , l. p. n. 21. En cette Province nous reputons immo-biliaire toute action où l’on conclud pour avoit une chose immeuble, et c’est pourquoy suivant cet Article la faculté ne s’en prescrit que par quatante ans.
L’Article de la même Coûtume de Paris porte une exception à l’Article 120. Il porte qu’il u’a lieu és rentes de bail d’héritages sur maisons assises en la Ville et Fauxbourgs de Paris, lesquelles ventes sont à toûjours rachetables, si elles ne sont les premieres aprés le cens et fonds de terre : Cela fut ordonné par Charles VII. au mois de Novembre en l’anné 1440. depuis par Henry Il. en 1553. Ce Privilege fut premièrement accordé aux Bourgeois de Paris par Philippe le Bel, et depuis il a été confirmé par les Ordonnances de François I. de Henry Il. et de Charles IX. des mois d’Octobre 1529. Janvier 1552. May 1553. et Juin 1574. qui communiquent ce Prigilege à toutes les Villes du Royaume, et veulent que toutes rentes foncieres soient rache-ables au denier vingt : Contre ces Ordonnances les Ecclesiastiques obtinrent Déclatation du toy. Oharles IX. du 31. d’Aoust 1569. par laquelle les rentes foncieres dués aux Ecclesiastistiques sur les maisons des Villes, étoient exceptées et déclarées non racherables. Voyez MrLoüet , l. R. n. 32. L’Edit de l’an 1606. fait sur les remontrances du Clergé, porte que les Ecclesiastiques ne pourront être tenus à souffrir le rachapt des rentes foncieres dépendans de leurs Benefices : Mais les Bourgeois de Paris pretendent ique cela n’a point de lieu à leur égard, et que par la creation des rentes on ne pourroit détoger à ces Ordonnances, parce qu’elles sont fondées fut une raison publique, ne ruinis urbs deformetur. seux cohcritiers ayant une maison indivisible la liciterent entr’eux, et l’un quitta sa part à l’autre par une certaine somme, partie payée comptant, et le surplus montant à trois cens livres constitué en trente livres de rente : le creancier demandoit vingt-neuf années d’arrerages, pretendant que cette rente ayant été créée pour fonds étoit foncière ; l’obligé s’en défendoit, disant qu’il ne devoit que de l’argent qui avoit été constitué, au denier dix : Par Arrest du 7. de Juillet 1623. la rente fut déclarée constituée à prix d’argent, entre de la Riviere, Videcod, et Potier.
Il fut aussi jugé en la Grand. Chambre le 13. de Juin 1664. qu’une rente créée pour le prix d’un héritage vendu, encore qu’il y eût clause commissoire n’étoit point fonciere, entre Marie ESPERLUETTEe Mercier Appellante, et la Deioiselle Valet : Marle avoit vendu à Quesnel un héritage par sept gens livres, dont trois çens livres ayant été payez comptant le surplus fut constitus en cinquante livres de rente, avec cette condition que faute de payement par trois années le vendeur pourroit rentrer en la possession de son fonds : l’acquereur n’ayant point payé et ayans engagé l’héritage à un autre, le vendeur fit saisir les fruits, pretendant n’être point obligé d’agit par la voye hypothecaire : Au contraire le tiers detenteur disoit que la rente n’étant point fonciere et ayant été constituée pour partie du prix, il n’avoit pû rsaifir les fruits au premdice du tiers detenteur : Par l’Arrest l’on confirma la Sentence qui avoit donné main-levée de l’arrest, sauf au vendeur à exercer ses actions contre le premier acquereur en vertu de la chause commissoire.
Il n’en est pas de même d’une rente dont un lot est chargé, quoy qu’elle soit rachétable. elle ne laisse pas d’être foncière : Arrest au Rapport de M Formanel, entre Patin et Roussel.
CCCCCXXVI.
Fief saisi faute d’homme, et de foy et d’hommage, non prescriptible.
Le Seigneur feodal ne peut prescrire le fief de son vassal saisi en sa main par faute d’homme : comme le vassal ne prescrit point la foy et hommage qu’il doit à son Seigneur par quelque laps de temps qu’il ait tenu la chose feodale sans en faire hommage.
Cet Article est entièrement superslu, vû les Articles CXVI. et CXVII.
CCCCCXXVII.
Preuve par témoins non-recevable en proprieté d’immeuble.
Nul n’est tenu attendre preuve de son héritage par témoins, ains doivent tous Contrats hereditaires et hypothecaires être passez devant Notaires et Tabellions, bu pour le moins sous feing privé des contractans.
Il est tres-important et tres-neceffaire pour le repos des familles de restreindre autant qu’il est possible la preuve par témoins. L’experience de tous les siecles nous ayant appris que par cette voye porquâm multa voritati contraria perpotrantur, I. Testium, C. de rest. C’est donc avec raison que la Coûtume dispofe que tous Contrats héréditaires et hypothecaires doivent être redigez par écrit et passez devant Notaires, ou au moins fous le seing privé des contractans, afin de n’exposer pas le bien d’un chacun au tredit et à la malice des hommes puissans et corrompus, qui ne manqueroient jamais de témoins.
Bien que la Coûtume permette de pasfer les Contrats devant Notaires ou fous le seing privé des contractans, il est sans doute que dans la concurrence de deux personnes qui pretendroient la proprieté d’une même chose, l’un en vettu d’un Contrat fous seing privé qui seroit anterieur en datte, l’autre en vertu d’un Contrat passé devant Tabellions, mais posterieur en datte, ce dernier donneroit l’hypotheque, parce qu’il se trouveroit autdfisé d’une personne publique, autrement ce seroit en vain que l’on auroit requis tant de solemnitez aux Contrats pour prevenir les fraudes, et pour affourer les hypotheques de ceux qui contractent : s par un Acte fous seing privé et que l’on pourroit aisément antidater on acqueroit l’hypoaheque au prejudice d’un Contrat autentique. Le Juge du Ponrdelarche ayant jugé le contraire, l’en plaiday l’appel pour Marfofet contre les nommez du Val, et la Cause ayans été appointée au Conseil, par Arrest du 3. de Mars 1663. au Rapport de M Brice, la Sentence fut cassée et Marsolet fut maintenu en la possession et proprieté d’un héritage qu’il avoit acquis par Contrat passé devant Tabellions, au prejudice de du Val qui s’aidoit d’un Contrat sous seing privé, portant la vente du même héritage et qui étoit anterieur.
CCCCCXXVIII.
Preuve de Contrat vû, tenu, et lû en forme autentique.
Neanmoins si Contrat en a été passé, ou le seing privé a été reconnu devant Tabellions, ou que les registres ne s’en puissent recouvrer, celuy qui l’a perdu doit être reçû à faire preuve par témoins, que ledit Contrat avec la reconnoissance ont été vûs, tenus et lûs, et le contenu en iceux, et qu’il y ait eu pos-session suivant le Contrat.
Quoy qu’on ne soit pas tenu d’attendre la preuve par témoins de son héritage, néanmoins il n’eût pas été raisonnable que celuy qui auroit perdu son Contrat perdist son héritage par ce seul malheur, c’est pourquoy en ce cas de la perte d’un titre elle parmet la preuve par témoins ; mais afin que par cette allegation de la perte d’un Contrat on ne pûist commettre des aussetez, elle désire plusieurs conditions avant que l’on puisse être admis à cette preuve vocale.
Il faut que le Contrat en ait été passé devant Notaires, ou que le seing privé ait été reconnu devant Tabellions, ou que les Registres ne s’en puissent recouvrer ; cela étant celuy qui la perdu doit être reçû à faire preuve par témoins que le Contrat avec la reconnoissance ont été vûs, tenus et lûs et le contenu en iceux, et qu’il y ait eu possession suivant le Contrat.
Tous ces faits doivent être précisément articulez, autrement la preuve n’est point admissible.
Le tuteur des enfans de Pinchon pretendoit avoir possedé une rente sur un particulier, mais que le Contrat en avoit été perdu lors que la maison où il étoit gardé avoit été affligée du mal de peste, et par Sentence du Bureau des Pauvres de Roüen il luy fut permis de prouver que le Contrat avoit été vû, tenu et lù : Sur l’appel de celuy que l’on pretendoit obliger à cette rente, Baudry son Avocat disoit que le Bureau étoit incompetent de connoître de ces actions-là, et que la Sentence n’étoit pas donnée dans les termes de cet Article qui ne reçoit pas indifferemment la preuve que toutes sortes de Contrats ont été vûs ; tenus et lûs, mais eulement des Contrats passez on reconnus devant Tabellions, et en consequence desquels on fait possedé ; outre cela il est encore nécessaire de prouver que les Registres ont été perdus : Or l’Intimé n’alléguoit point la perte des Registres ny que le Contrat eût été vû, tenu et lûs m formâ probante, et qu’il eût été passé ou reconnu devant Tabellions, il articuloit seulement que le Contrat avoit été vù, tenu et lû, ce qui ne suffisoit pas suivant cet Artiele : Dodic pour l’Intimé soûtenoit la competence du Bureau par la pauvreté de sa Partie, et que la preuve de ses faits étoit admissible : Par Arrest en la Grand. Chambre du 17. de Janvier 1653. on mit l’appellation au neant, et neanmoins que l’htimé seroit tenu de prouver que le Contrat avoit été vâ, tenu et lû en forme autentique, reconnu devant Tabellions ou autre personne publique, et qu’il avoit possedé
Autre Arrest du 15. de Janvier 1672. entre Marie le Blant appellante d’une Sentence qui appointoit Guerard, sieur de la Crique, à faire preuve que le Contrat de mariage de ladite le Blanc, sous seing privé avoit été vâ, tenu et lû ; et ledit sieur de la Ctique qui pretendolt que cette femme par son Contrat de mariage avoit donné à son mary pour son don mobil le tiers de ses héritages : Par l’Arrest la Sentence fut cassée, et le sieur de la Crique déclaré non recevable à sa preuve qui n’est point admise pour les Contrats sous seing privé s’ils n’ont oint été reconnus devant Tabellions, et qu’il n’y ait eu possession en vertu d’iceux. Je plaidois pour l’Appellante, et de Cahagnes pour l’Intimé
CCCCCXXIX.
Action en partage ne se prescrit.
Entre coheritiers la prescription quadragenaire n’a point de lieu avant le partage, et ne peuvent les aînez aussi peu que les puisnez se prevaloir de ladite prescription pour empescher l’action de partage.
Cet Article doit être observé tant pour les successions collaterales que pour les directes, mais on ne doit pas l’etendre aux biens ômis à partager ontre coheritiers ; car pour empescher la prescription il suffit qu’il y ait eu des partages faits, la Coûtume ne l’ayant excluse qu’en ce cas.
La Coûtume en cet Article ne parlant que de la prescription quadragenaire on en peut inferer qu’elle n’a point exclus la possession immemoriale et centenaire : Suivant le sentiment de duMoulin , de feud. t. 5. 7. n. i4. prascriptio centum annorum nunquam cenfetur exclusa, etiam per legem prohibitivam et per universalia negativa, et geminata omnem quamcumque prescriptionem excludentia : La presctiption de cent ans ; seculi magis est quam temporis prascriptio, dit Justinien en une de ses Novelles ; aussi par Arrest en la Chambre de l’Edit en 1606. par Rapport, Il fut dit que quoy que la prescription ne coure entre coheritiers, cela ne s’entend que de la prescription de quarante ans et non de l’immemoriale et centenaire. Autre Arrest du mois de Mars 1657. au Rapport de Mr de Vigneral, par lequel il fut jugé que les descendans d’une soeur laquelle avoit été réservée à partage se trouvant en possession d’un bien de la succession, pouvoient se défendre par la possession centenaire contre les descendans d’un frere, qui prerendoient en consequence de cet Article que faute de justifier d’un partage ils pouvoient de-mander les deux tiers des biens dont les descendans de la soeur étoient en possession, volcy le fait. Les nommées Pernuit ayant été reservées à partage, et leurs freres étant mineurs, et l’un d’eux âgé seulement de deux ans, elles se mirent en possession de tout le bien dont elles et leurs descendans demeurerent en possession pendant plus de six vingts ans ; aprés un si long temps les descendans d’un frère demanderent aux descendans des seeurs qu’ils leur fissent part des biens de leur bisayeul, mais ayant été deboutez de leur action, Aubout leur
Avocat difoit qu’il avoit été mal jugé, parce qu’entre coheritiers la prescriptson n’avoit jamais. ours avant les partages, que quand elle auroit pû commencer il n’y auroit pas cent ans à cause de la minorité de l’un des freres, et qu’il faudtoit déduire le temps de cette minorité., et ce même mineur étant mort peu de temps aprés sa majorité et ayant laissé un enfant mineur a prescription n’auroit encore pû s’achever pendant cette seconde minorité, ainsi le temps de la prescription ne se trouveroit que de soixante ans, ce qui ne suffisoit pas pour exclure l’action en partage. Nallot pour les descendans des soeuts se défendoit par cet Article qui ne parle expressément que de la prescription quadragenaire, et par consequent elle n’a point exchus la centenaire ; aussi quand la Coûtume veut exclure toutes prescriptions elle use de ce not, me-elle de cent ans, et aprés tout il faut presumer qu’il y avoit eu des partages faits qui pouvoient être perdus depuis un si long-temps : La Cour ayant cassé pour l’incompetence lu Bureau appointa les Parties au Consen, et depuis l’Atrest est intervenu tel que dessus Il étoit porté par l’ancienne Coûtume de Bresagne, Article. 275. Que nulle longue tenuë nuit contro freres et seurs vivans et ne leur porte de préjudice quant au fait de leur partage ; mais par l’Article 182. de la Coûtume Reformée, Droiture et Sergneurie est acquise à celuy qui a paisiplement et notoirement jouy sans titre par luy, ses predecesseuns ou autres, dont il a cause par l’es-pace et laps de quarante ans, laquelle prescription auta lien contre mineurs et communaurez, même Argentré contre frères et seuns pour leurs partages. M d’Argentpé en ses Notes sur cet Article, dit que ces dernieror papoles furent ajoûtées, ut exchdorent difpositionem Articuli 27s. veteris consuetudinis, que diversum in hoc casu statuebat nullâ bonâ de causâ, & eum visum est ordinibus corri-gi : Il est juste qu’aprés quarante ans d’une poffession paifible et notoire on ne puisse plus être étoublé : Les prescriptions longissimi nomponis. sont fi favorables que même par le Droit Romoin, nec titulum nec bonam fidem exigunt. Aussi Mr d’Argentré sur l’Art. 275. de l’ancienne Coûtume de Bretagne qui n’admettoit point la prescription entre les coheritiers avant les partages, étoit d’avis que pour peu qu’il y eût de lieu de presumer que les partages avoient été faits, il falloit recevoir et faire valoir cette poefomption, qnare si quae prasumptio à lege sustinevetur, planè utilis esset. Deficiente justa probatione utibe est habere prasumptiones ; acquirit natura & effectu suo prescriptio alienum : presumptio non acquirit, sed acquisitum probat & facit fidem de eo quod allegatur nec probatur jusbis probationibus : pnascriptio ponitur in esse, prasumptio ponit in luce, sicur sol qui lapides infossos terra non produoit, sod detegit oculis refossori, non format igitur dominium prasumptio, sed probat.
CCCCCXXX.
Prescription n’a lieu en faculté de rachapt de rentes hypotheques.
Faculté de racheter rentes constituées à prix d’argent, ne se peut prescrire par quelque laps de temps que ce soit : ains sont telles rentes rachetables à toûjours, encore qu’il y ait cent ans.
Puis que la faculté perpetuelle de rachape est de l’essence des rentes constituées à prix d’argent : Cet Article étoit inutile, nous l’avons emprunté de la Coûtume de Paris comme beaucoup d’autres.
Quand la rente a été constituée à prix d’argent, quoy qu’elle ne soit payable qu’en bled ou en semblable espèce, par l’Ordonnance de Charles I et. de l’an 1565. on n’a pas laissé de les reduire au taux des rentes constituées à prix d’argent ; on a aussi jugé que cette reductionétoit imprescriptible : Aussi l’Ordonnance porte expressément de quelque temps et à quelque prix que ce soit. Quand on fait cette reduction il faut fe regler suivant la valeur des cinq dernières années : Arrest en la Chambre des Enquêtes au Rapport de Mr Jubert le 6. d’Aoust 1649.
I semble que cet Article ne doit avoir lieu que pour les rentes constituées à prix d’argent : Car pour les rentes qui ont été léguées ou données à prendre sur les biens du donateur, comme la constitution n’en a point été faite à prix d’argent, qu’elles n’ont d’autres causes de leur constitution que la liberalité du donateur, la faculté de les racheter peut en être prescrite prarquarante ans. Cela avoit été jugé par deux Arrests ; mais le contraire fut jugé le 7. de De-rembre 1656. entre le sieur de Languedor Secrétaire, et les Tresoriers de l’Eglise de S. Mihel : : Multis tamen et magni nominis Senatoribus contradicentibus. En 1598. Aubin le Cauchois avoir légué par son testament à l’Eglise de S. Michel huit écus sol de rente valant vingt-quatre livres ; la validité de cette donation fut contestée comme on l’apprend de Bérault, surl’Article CCCCXXVII. Mais ayant été confirmé long-temps depuis, les obligez vendirent des terres au sieur de Languedor à condition de les acquitter de cette rente ; le sieur de Languedor em execution de son Contrat en ayant voulu faire le rachapr, les Tresoriers de S. Michel nonobstant leur refus furent condamnez d’en recevoir le rachapt moyennant six cens livres : Suë l’appel des Tresoriers Lyour leur Avocat disoit que cette ronte ayant été aumAnée pour une fondation à perpétuité, elle n’étoit point rachétable ; que par l’Article CXLI. le bien d’Eglise prés quarante ans de possession étoit tenu en pure aumône, que leur Eglise possedoit cetta rente depuis soixante ans de sorte que quand elle eût été rachetable de sa nature, l’Eglise auroit prescrit cette faculté, ce que l’on peut inferer de l’Article CCI. suivant lequel le Seigneur ne peut racleter les rentes dûës à l’Eglise dont elle auroit jouy paisiblement par qua-sante ans, si elles ne sont rachétables par l’Edit du Roy, ou qu’autre prix fût mis au Contrat, Que leur possession étoit certaine, que cette rente n’étoit point rachétable par l’Edit du Roy, et qu’il n’y avoit aucun prix au Contrat : On ne pouvoit se prévaloir des Ordonnances qui permettent de racheter perpetuellement les rentes dûës sur les maisons des Villes, parce que celles dûës à l’Eglise en étoient exempres. Que d’ailleurs le testateur y avoit affecté tous ses biens meuples et immeubles ; on s’aidoit aussi de l’Arrest rapporté par Berault sur cet Article donné en faveur de l’Hopital et Bayeux. Theroude pour le sieur de Languedor faisoit voir que le rachapr étoit utile à l’Eglise offrant le double, et quoy que la fondation fût à perpétuité la rente n’avoit pas été créée perpétuelle, que ce n’étoit qu’une simple rente dont la faculté de rachapr étoit perpetuelle, et que l’Article 201. ne parloit que des rentes foncieres. Par l’Arrest on mit sur l’appel hors de Cour ; mais cet Arrest ne doit pas être tité en consequence Le prix auquel on peut constituer des rentes a changé plusieurs fois ; autrefois en cette Province on pouvoit constituer des rentes au denier dix : Cela fut changé par un Edit verisié en a Cour le 2. Novembre 1602. et publié le 29. du même mois ; et par cet Edit il ne fut plus permis de faire des constitutions de rente qu’au denier quatorze. Et en l’année 1668. on a encore changé le prix de la constitution, et on l’a reduit au denier dix-huit.
Ces changemens et ces diverses reductions des rentes ont produit plusieurs difficultez : Il est cettain que l’on peut acheter une rente au denier dix, et que l’on peut s’en faire payer par l’obligé sur ce prix là, et tant que l’on s’en fait payer sur celuy qui la doit, il n’y a rien à dires mais lors que par l’insolvabilité de l’obligé on retourne sur le cedant, on ne peut demander la garantie et l’interest du denier que l’on avoit payé par le transport qu’au denier dix-huit, qui est l’interest legitime que l’on peut stipuler par la demiere Ordonnance. Que si le cessionnaire d’une rente au denier dix, s’en est fait payer sur ce prix ou au denier quatorze, depuis la derniere Ordonnance il s’est mû question pour sçavoir s’il y a usure et si l’on doit mputer sur le principal ce que l’on a reçû au dela de l’interest au denier quatorze ou au denier dix-huit. De Becheüil, sieur de la Gourie, pere de Demoiselle Catherine de Becheüil, veuve du sieur de Blagni, avoit acquis une rente au denier dix, dont la succession qui luy étoit commune avec d’autres étoit chargée, et il s’étoit fait payer par son coheritier de sa contribution à raison du denier dix, ce que ce coheritier avoit fait volontairement durant plusieurs années : Enfin il s’avisa de soûtenir que non seulement pour l’avenir il ne devoit cette recompense au sieur de la Gourie qu’au denier quatorze, mais aussi qu’i devoit repeter ce qu’il avoit payé au delâ : Ce Procez fut jugé en la Chambre de l’Edit le mois d’Aoust 1664. u Rapport de Mr du Plessis Puchot, chaque partie produisoit des Arrests à son avantage ; en effet il avoit été jugé au Rapport de M. Labbé que ce qui avoit été payé au dessus du denier quatorze devoit être imputé sur le principal ; mais cette même question s’étant presentée pour les Habitans de Louviers, il fut jugé au Rapport de Mr de Vigneral que les arrerages ayant été payez volontairement, il n’y avoit lieu d’en demander l’imputation sur le principal, et les Parties s’étant pourvûs au Conseil contre cet Atrest il y fut confirmé.
On a fait autresois de la difference entre les arrerages payez volontairement et ceux qui étoient encore dûs ; les premiers ne s’imputoient point parce qu’il ne s’étoit point fait de constitution usuraire, mais un Contrat legitime en achetant une rente au denier dix, ce qui est permis ; mais pour les arrerages qui étoient encore dûs puis que le debiteur avoit une exception legitime de ne payer qu’au denier quatorze il pouvoit s’en aider, et on ne pourroit pas l’obliger à payer en plus outre
De-là on a fait naître cette difficulté, si le debiteur demandant la reduction il pouvoit être forcé à rendre le principal, ou s’il avoit la faculté de continuer la rente : Il semble juste de obliger à restituer le principal, car comme on ne retourne sur luy que pour avoir cédé une rente dont le creancier ne peut être payé, et que c’est une restitution qu’on luy demande, le creancier n’ayant pas eu l’intention de créer une rente sur luy il est bien fondé à repeter son irgent.
Cela a reçû autrefois beaucoup de contestation pour les Contrats pignoratifs, comme on l’apprend de Mr Loüet ; car lors qu’il demeuroit constant qu’un Contrat étoit pignoratif, on doutoit si le vendeur êtoit obligé de rendre le prix ou s’il falloir le constituer en rente : mais en cette Province on condamne le vendeur à rendre l’argent, et il fut jugé de la sorte en la Chambre des Vacations le mois d’Octobre 1664. plaidans Maunourry et de lEpiney. On peut en dire autant lors que la rente est reductible, et que le cessionnaire veut repeter les deniers qu’il a déboursez
Le prix de la constitution des rentes ayant souvent changé on a plusieurs fois agité cette question, si celuy qui bailloit de l’argent à un tiers pour l’acquiter d’une rente au denier dix lu au denier quatorze dans un temps où il n’étoit plus permis de constituer sés deniers à ce arix là commettoit une usure, et si le Contrat étoit foeneratif et usuraire ; En 1625. Gilles Haribel acquit un héritage de Richer moyennant trois cens livres, dont il en paya compiant cent cinquante livres, et pour les cent cinquante livres restans il se chargea d’acquiter Richer de quinze livres de rente au denier dix ; peu de jours aprés Hatibel fit un Contrat avec Gilles le Haribel sieur du Parc, par lequel il le chaigea de payer à son acquit deux rentes au denier dix, l’une de douze livres, et l’autre de quinze livres, qui étoit celle qu’il s’étoit sûmis de payer, et pour ce il luy paya deux cens soixante et dix livres, tant en argent qu’en des obliations montant cent trois livres dont le sieur du Parc luy étoit redévable : Le sieur du Parc ayant laissé échoir quelques arrerages, par Sentence de l’année 1639. il fut condamné de gafntir Gilles Haribel et de payer ce qui étoit dû : mais en 1659. le sieur du Parc étant pour-quivi pour les arrerages il s’avisa de loûtenir que le Contrat étoit usurair, le procez ne fut vuidé aux Requêtes du Palais que le 14. d’Aoust 16y6. et par Sentence le Contrat fut declaré usuraire, et ce qui avoit été payé d’arrerages imputé sur le sort principal ; et Me Jacques de la. Mote Curé du Quesné et ses coheritiers en la succession de Gilles Haribel fils de Guillaume ayant ppellé de cette Sentence, je representay pour eux qu’un Contrat ne peut être usuraire que ors qu’il se fait une nouvelle constitution, et que le creancier exige un interest plus grand que celuy qui est permis par les Loix ; qu’au fait dont il s’agissoit il ne s’étoit point fait de nouvelle constitution, le sieur du Parc s’étoit seulement obligé de liberer Gilles Haribel d’une rente, qu’il n’en tiroit aucun profit, et que de ces mêmes deniers qu’il payoit il en eût fait luy-même le rachapt et se fût liberé, que s’il ne lavoit pas fait ce n’étoit que dans le dessein de faire plaisir à son parent. Suivant la doctrine de duMoulin , dans son Traité des Usurd. 62. et 69. il falloit faire différence, entre les Contrats par lesquels on disppse d’une rente ancienne et qui étoit déja constituée et une nouvelle constitution, inter antiquos reditus & novos reditus : que les Contrats par lesquels on dispose d’une rente constituée tombent dans la nature des Contrats commutarifs : Par exemple, quoy que j’achete mille livres de rente constituée au denier dix-huit par dix mille livres je ne commets pas une usure, parce que e ne baille pas mon argent au donier dix, mais je traite d’une rente constituée comme je pourrois acheter un fonds à un prix beaucoup au dessous de sa juste valeur, et je ne commets pas une usure encore que mon argent me produise un interest beaucoup plus grand que celuy que l’aurois pû exiger si je l’avois baillé en constitution à mon vendeur : Si au contraire au sieu d’acheter cette rente je loy avois constitué mon argent, si j’en avois stipulé un interest us guand que celuy qui est permis par les Edits ce seroit une usure et un véritable Contrat gneratif. Le Contrat dont étoit question étoit purement commutatif, le sieur du Parc se soûmettoit d’acquiter une ancienne rente dont on luy fournissoit les deniers, il ne se faisoit donc pas de nouvelle constitution : Il est vray que de cette manière il faisoit l’interest u denier dix de fargent qu’il recevoit, et par cs moyen elle étoit aussi onereuse que si le Harabel, luy avoit constitué fargent au denier dix : mais il ne faut pas regarder ce qui est onereuxu debireur lors que le creancier n’en profite point, et qu’il auroit fait ce que le debiteur s’étoit chargé de faire s’il n’avoit eu dessein de luy faire plaisir, il suffit que le Contrat soit véritade et sans déguisement ; car si le Haribel n’avoit pas dû les parties de rente dont il avoit chargé le sieur du Parc et qu’il eût reçù les arrerages, en ce cas le Contrat eût été usuraire, et c’est l’espèce de l’Arrest rendu le 15. d’Avril 1639. entre Jean le Roux, sieur de Languerie, et Mr Jacques le Bedey Vicomte de Bayeux.
Le sieur de Languerie s’étoit soûmis de décharger le sieur le Bedey de cent livres de rente noyennant mille livres qui luy furent baillez, mais ce n’étoit qu’un pretexte pour exiger un interest au denier dix, paroissant par les quitances que ledit sieur le Bedey avoit reçû les arrerages, ce qui donna lieu à la cassation du Contrat.
Mais lors que la rente est véritablement due et que celuy qui baille l’argent n’en profite point, on ne peut reputer le Contrat usuraire : Ce qui fut jugé par un Arrest du 10. de Février 1656. entre Me Loüis Ameline Curé des Obeaux Appellant, et du Fayel lntimé, où Mr le Guerchois Avocat General fit distinction entre les deniers qui avoient été baillez et les obligations, et néanmoins par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 17. d’Aoust 1677 la Sentence fut cassée et le Contrat declaré valable.
Sien que l’on ne puisse pas constituer une rente à prix d’argent à un moindre prix que celuy de l’Ordonnance, on peut neanmoins l’acheter à un prix moindre que celuy de sa consti-tution : Cela a été jugé par plusieurs autres Arrests et notamment par un du 23. de Decembre 1523. Mais on donnoit aussi cette faculté à l’obligé de se pouvoir liberer par le même prix que le cessionnaire en avoit payé : Arrest du 12. de Mars 1626. entre Hannot et Vasse. Cela ne se jugeroit pas maintenant si la rente n’étoit point litigieuse Auparavant que du Moulin eût si doctement éclaircy la matière des usures, et qu’il eût étably les véritables principes qu’il falloir suivre, on reprouvoit comme usuraires plusieurs Contrats legitimes qui étoient neanmoins exempts de tout vice d’usure : On condamnoit comme ssuraires les rentes créées pour alimens, pour arrerages de doüaire, de rentes foncieres et Scigneuriales, pour fermages et pour ventes de marchandises ; etiam ex intervallo, et pour des dépens ; mais il y a tres long-temps que l’on s’est détrompé de ces erreurs aprés que du Moulin a fait connoître quel étoit le véritable sujet de l’usure.
De la Haye bailla en fieffe à Maudelonde un héritage par soixante et cinq livres de rente e même jour il accorda la faculté de la racheter par six cens cinquante livres : Maudelonde continua la rente jusques en 1637. aprés sa mort un de ses beritiers la sofitint usuraire, pretendant que la véritable intention des Parties avoit été de faire une vente sous couleur d’une sieffe pour exiger un interest au denier dix, que cette fraude étoit justifiée par la proximité les Contrats qui avoient ôté passez en un même jour et par la faculté de tachapr. Je réponlois pour le creancier qu’il n’étoit pas extraordinaire de fieffer avec. façulté de rachapr, que le véritable sujet de l’usure étoit nummus & pecunia constituta, quand on hailloit de l’argent et qu’on en stipuloit l’interest plus grand que celuy qui étoit permis par les Loix. Il y avoit bien. de la difference entre les rentes constituées par argent, et les rentes nreées pour fonds : On ne peut demander que cinq années des premieres, et la faculté de rachapt en est perpetuelle les autres, on peut en demander vingt-neur années et la faculté de les pouvoir racheter se rescrit par quarante ans : Celuy qui constituë sur soy une rente pour de l’argent est vendeur, et celuy qui fournit l’argent est acquereur : En ce Contrat de Fieffe de la Haye tenoit la place de vendeur, et par consequent il ne pouvoit commettre d’usure : il falloit distinguer entre les Contrats feneratifs et les Contrats commutatifs ; la fieffe étoit proprement un Contrat commutatif, et dans ces Contrats toutes les pactious font une partie du prix : la Cause ayant été ppointée au Conseil, les opinions se trouverent my-parties en la Grand. Chambre, mais en la Chambre des Enquêtes il passa tout d’une voix à déclarer le Contrat valable, le 17. de Mars 1645. M Blondel Rapporteur, Mr du Pay contredisant.
On ne peut demander que cinq années d’arrerages d’une rente constituée à paoins que de faire apparoir de diligences, mais il est d’un usage notoire que si l’obligé baille une promesse de ne se pas servir de la prescription, ou qu’il consente de payer plus de cinq années nonobffant le defaut de diligence, cela vaut entre le creancier et luy, mais non pas entre les autres treanciers au prejudice desquels le debiteur commun ne peut pas renoncer à la prescriptint ul est de droit public, ny faire revivre les arrérages prescrits, et dont l’action est déoiée par Ordonnance. De sorte que l’hypotheque ne peut avoir un effet retroactif au jour de la con stitution, et n’a lieu que du liour de l’accord ou de la promesse qui fait revivre les arrérages. qui étoient prescrits. Par deux Contrats dés 21. de May 1644. et 14. de Janvier 1647. Georges de Beuriot, sieur de S. Clair, et Georges Beuriot son fils encort mineur s’étoient char-gez d’acquitter Mr Denis Barbey de deux rentes, l’uns de ceût huit livres de rente et l’autre de cent sept livres, et d’en rapporter le rachapt dans un cettain temps, au moyen des Quitsances qui leur furent delivrées de quatre cens et de cinq cens livres d’arrerages, sur les ar-rerages d’autres rentes qu’ils devoient audit Barbey. Par Sentepnre des Requêres, ces Contrats avoient été déclarez valables : Sur l’Appel par Marie Toutain, yeuve du fieur Bouriot, et Charles et Georges Beuriot ses enfans, ils les tenoient usutaires parce que c’étoit une véritable constitution d’atrerages ; et Barbey n’ayant pas moint profité par ces Conttats et n’ayant pas moins augmenté son revenu que s’il les avoit baillez en interests aux appellans, et ils n’en recevoient pas moins de préjudice que si on les avoit constituez ouverrement, car ils étoient obligez de payer un double interest ; mais en outre ils étoient contraints d’acquitter les rentes dont on les avoit chargez dans un certain temps, ita & liberum non sit creditori, ut sortem quandiu libuerit, retinere possit ; et enfin, ils pourroient être contraints et par corps à rendre les premiers arrerages dont on a formé un nouveau capital avec un double interest, et même à en paver un troisième à leur caution qui avois fait des paxemens pour eux. On répondoit pour Demoiselle Jolante de Bailleul, veuve dudit Barbey, que les interests de ces arrérages n’étoient point payez ontre leurs mains, mais en celles d’autres personnes, qu’ils vertiroient à leur benefice, car si les Appellans leur avoient payé ces arrerages ils les auroient employez au rachapt de ce mêmes rentes-là : Par Arrest au Rapport de Mi de Vigneral du 25. de Juin 1663. la Cour en émendant la Sentence ordonna que les deniers reçûs par Baibey seroient imputez sur les arrerages des rentes à luy dûs par Beuriot, et le surplus sur le principal de la tente pour valider ces Contrats et effacer tout soupçon d’usure. Il Saut suivant la doctrine de du Moulin qu’il y ait noua persona ; on ne pouvoit dire qu’il y eût nota persona ; celuy auquel on s’étoit obligé de payer n’ayant point acquité le transport, et au contraire Barbey avoit reçû les atrerages des rentes que l’on devoit acquitter. La question avoit été jugée aux Enquêtes l’11. de Février 1633. Quoy que les arterages pour lesquels le debiteur d’une rente avoit été chargé d’acquitter une rente, eussent été transportez à un autre que celuy auquel le principal étoit dû, et qu’il y eût divers payemens en execution du Contrat et raçification d’iceluy, on n’y eut aucun égard.
CCCCCXXXI.
Action en dommage de bêtes est annale.
Il eût été plus à propos de ne donner l’action en dommage que dans un certain nombre le jours, que de la prolonger jusqu’à une année. Par la Coûtume d’Orléans, Article 151. nul n’est reçû à intenter action en dommage fait par bête vingt jours aprés le dommage fait. Celle de Blois, Art. 217. donne trente jours. Celle d’Estampe, Art. 189. donne seulement une huitaine. La raison qui a fait abreger le temps de cette action, est que pour juger du dommage dont on se plaint il est necessaire de le faire voir aussi-tost aprés qu’il a été fait, parce qu’alors on en a plus de connoissance, et les choses étant encore recentes et en même état : que si lon attend plus long-temps il s’en faut rapporter à des témoins dont la foy est souvent luspecte ; et d’ailleurs ces procez étant de peu d’importance et procedans souvent plûtost d’animosité que d’un véritable interest, il faut retrancher autant qu’il se peut l’occasion de plaider pour des choses de neant.
CCCCCXXXII.
Detenteur de fonds tenu à passer tître nouveau.
Le creancier peut contraindre le possesseur d’héritage qui luy est hypothequé, soit à titre particulier, ou droit universel ou successif, à luy passer tître nouveau, faire reconnoissance de la dette, et que son heritage y est obligé.
Le titre nouvel et la déclaration en hypotheque sont purement du Droit François, lequel en ce point est plus parfait que le Droit Romain, comme je l’ay remarqué sur l’Article CCCCCXXI.
Un creancier avoit fait saisir les biens d’un tiers detenteur pour les arrerages d’une rente à laquelle il fut condamné par Sentence donnée de son consentement, et depuis il paya les arrerages durant plusieurs années, son heritier néanmoins s’en défendit pretendant que son pre-décesseur ny luy n’étoient point obligez à cette rente, et que l’héritage lequel y étoit hypothequé étoit tombé au lor de son frère ; et ayant appellé de tous les jugemens rendus contre on predécesseur, il mit en Cause son frère detenteur de l’héritage obligé qui se joignit avec Iuy et les heritiers du debiteur de la rente qui se défendirent pour n’avoir pas été inquietez dans les quarante ans : En procedant au jugement du Procez on demeura d’accord que les Sentences données contre le detenteur de son consentement l’engageoient au payement de la rente, et que l’appel des Sentences données de son consentement et executées par luy n’étoit point recevable ; mais en consequence l’on délibera touchant l’effet de ces Sentences si l’on pouvoit poursuivre ses heritiers solidairement ou par la voye hypothecaire seulement : Pour donner pouverture à l’action hypothecaire, l’on disoit que le consentement du detenteur ne pouvoit valoir qu’à l’effet de faire déclarer l’héritage hypothequé à la rente, et par consequent il falloit agir par la saisie réelle qui est la seule action qui peut être exercée contre le tiers deten-teur ; et quoy que suivant cet Article le creancier puisse contraindre le tiers detenteur à passer titra nouvel ; la Coûtume neanmoins n’a pas entendu luy donner d’autre action ny d’autre effet que pour le decret, ayant voulu seulement pourvoir à la seureté du créancier contre la prescription, et que le detenteur ne se pretendit pas à couvert de toutes hypotheques s’il avoit possedé par quarante ans sans interruption.
On répondoit que véritablement le creancier ne peut agir contre le tiers detenteur que par la voye hypothecaire, mais il ne s’ensuivoit pas qu’on pût toûjours proceder par decret, cette rigueur seroit prejudiciable à l’obligé et au tiers detenteur. La Coûtume de Paris a fort bien expliqué cette action, Article 101. en ces termes les derenteurs sont tenus hpothecairement payer les rentes et les arrerages dûs, ou au moins les delaisser pour être decretez. En cet Article elle ne parle que de l’action hypothecaire, il est vray qu’en l’Article XCV. elle donne l’action personnelle même contre le tiers detenteur pour les arrerages échûs de son temps ; et il ne faut pas s’étonner que nôtre Coûtume n’ait point fait mention de cette action ; car n’ayant point traité des actions elle les a laissées à la disposition du Droit Commun. Il fut jugé que l’action étoit personnelle, parce que c’étoit comme un tître nouveau actio ex judicato, autrement il auroit fallu à chaque année aprés avoir été payé des arrerages en tevenir à l’action hy-pothecaire, et il fut encore jugé que l’on pouvoit s’adresser contra quemlibet heredem, bien que héritage ne fût pas en son lot, et que l’action en garantie ne couroit que du jour de la condemaation contre les tiers detenteurs encore qu’ils n’eussent été inquierez depuis quarante ans, quia nec nata, nec agendi occasio data. Arrest en la Chambre des Enquêtes au mois de May 1626. au Rapport de Mi de Hautenos. Une simple protestation faite contre un acquereur ne constitueroit pas l’acquereur en mauvaife foy, et ne poutroit intottompre la prescription ; car en termes de droit celuy qui proteste simplement uon peuit fod petere vult, comme il est dit en la l. 15. rem ratam hab. ff. la protestation n’étant qu’un acte preparatoire pour conserver le droit, et d’action en l’état qu’elle est par consequent n’opere et ne sert de rien si elle n’est mise à effet par le moyen d’une demande précise et formelle faite en jugement, non plus qu’une protestation d’appeller et de se pourvoir par les voyes de droit, à quoy l’on ne peut opposer la dispo-sition de la l. 2. C. de annal. except. qui veut qu’une simpla Requête presantée au Juge, ou une simple protestation signifiée à la partie puisse interrompte la prescription, dautant que cette Loy est dans lespèce d’une prescription commencée par un absent, ou par un furieux, ou par un mineur sans cutateur, ou par une personne constituée en si grande dignité ou puissance que l’on n’ose luy donner action, ce qui ne se roncontrant point, il faut tenir qu’une fimple prot estation n’est point suffisante d’interrompre la prescripeionQuoy que le creancier ait agy en déclaration d’hypotheque pour interrompro la preseription, et que même le tiers detenteur ait declaté vouloir abandonner son acquest, il ne peut être neanmoins dépossedé que par la saisie réelle, et il ne laisse point de faire les fruits fiens : on peut dire pour le creancier que du jour de son action le detenteur est en mauvaise foy, de e jour-là il doit payer la rente ou abandonner hhéritage, ou rendre les fruits suivant la l. 2.
C. de fructib. et litium impens. Les Art. 102. et 103. de la Coûtume de Paris décident cette question, si le detenteur avant sa contestation en Cause ranonce au fonds il n’est point tenu aux arrerages de la rente encore qu’ils soient échus de son temps, et aprés la contestation il peut encore renoncer à l’héritage en payant les arrerages de son temps jusqu’à la concorr ence des fruits : Au contraire on allégue pour le detemeur qu’étant acquereur de boone foy n faté les fruits siens jusqu’à ce qu’il soit actuellement dépossedé par la saisie réefle, avant laquelle es fruits perçus luy doivent demeurer, l’action en déclatation d’hypotheque ne pouvant avoir d’autre effet que pour interrompre la preseription dont le tiers detenteur pourroit se prevaloir, et non pour ôter à un legitime acquereur les feuits qu’il a pû percevoir et eonsommer usqu’au temps de la saisie réelle, que si le creancier a négligé de saisir son gage il doit s’imputer la negligence d’avoir laissé joüir E tiers détenteur : Et pour la Coûtume de Paris elle contient une disposition aearticuliere pour la Prevôté de Paris qui ne s’étend point en cette Province, où suivant le Droit Commun bonae fidei possossor frrctus suos facit. Cette question. fut mdé au procez de la Dame de Lansac, et de Dame Loüise de Luxembourg, veuve du sieur de Massé, pour les fruits de la Terne de Cornefou fituée sous la Jurisdiction de S. Jean d’Angeli, qui étoient demandez depuis r614. qu’il y avoit eu déclaration d’hypotheque, et e detenteur fut déchargé de la restitution des ftuits depuis le premier jour jusqu’au jour du déguerpissement, par Arrest en la Chambre de l’Edit du 21. de Juillet 1637. au Rapport de M’Baudry
CCCCCXXXIII.
Prescription de six mois, contre quelles personnes a lieu.
Marchands, gens de mêtier et autres vendeurs de marchandises et denrées en detail comme boulengers, tapissiers, coûturiers, selliers, bouchers, bourreliers, passementiers, mareschaux, cuisiniers, rotissiers, et autres semblables, ne peuvent faire aucune action aprés les six mois passez du jour de la premiere deivrance de leurs marchandises on denrées, finon qu’il y eût arrest de compte, sommation et interpellation judiciairement faite, cedule ou obligation.
L’Ordonnance de Loüis XII. a dit la même chose : Le motif de l’Ordonnance et de la Coûtume a été que ces denrées qui se vendent en detail et autres menuës marchandises qui servent au ménage se payant presque toûjours comptant, ou que si on les a prises sans les payer sur le champ on s’en est acquité bientost aprés, ceux qui les ont venduës ne pouvant pas le plus souvent faire un long credit.
CCCCCXXXIV.
Prescription annale.
Drapiers, merciers, espiciers, orsévres, et autres marchands grossiers, massons, charpentiers, couvreurs, barbiers, laboureurs, et autres mercenaires, ne peuvent faire action de demande de leurs marchandises et salaires aprés un an passé, à compter du jour de la delivrance de leurs marchandises ou vacation ; s’il n’y a cedule, obligation, arrest de comp et par écrit, ou interpellation judiciaire.
Quoy que l’on puisse éluder l’action des personnes nommées en ces deux Articles par une fin de non recevoir, toutefois le défendeur ne peut se difpenser de prêter le serment ; c’est la disposition de l’Article 265. de la Coûtume d’Orléans, et du Moulin de usur. n. 128. dit que les Coûtumes qui ont introduit ces prescriptions n’ont point de lieu quand le debiteur reconnoit la vérité et la bonne foy, sunt enim introducta in favorem debitorum qui sine apocha et testibus, ut fit, solverunt ; ac pracipuè heredum eorum, unde non impedit quin debita excipiens teneatur ad petitionem mercatoris arentis intorrogationibus de calumnia, bona fide et veritate etiam fpeciatim, et cum jurejurando refpondere.
La Coûtume n’a point fait mention des Medecins, Chirurgiens et Apothicaires, néanmoins faut les comprendre sous la disposition de l’Article CCCCCXXXIV. suivant l’Art. 125. de la Coûtume de Paris. Tronçon sur cet Article-là a remarqué que les hommes sçavans ont trouvé mauvais que la Coûtume de Meaux, Art. 65. ait mis les Medecins pour leurs salaires au nombre des mécaniques, vû que ce sont personnes necessaires et d’une profession honorable, et qui travaillent à la santé des hommes. Il est vray qu’autrefois ils sont demeuez long-temps sans honneur, et que ceux qui en faisoiemt profession étoient le plus souvent des esclaves ; mais la science et l’usage de la Medecine sont si utiles aux hommes, que les honnêtes gens ne dédaignent point de s’occuper à cet employ, de forte que leur sçavoir et leur experience les rendent dignes d’honneur.
La raison pour laquelle l’on a dérogé par cet Article au Droit Commun qui veut que toute ction personnelle dure trente années, est que ces sortes de marchands ont une espèce de titre par devers eux, sçavoir leur Papier Journal, en vertu duquel ils exigent le payement de la narchandife qu’ils ont venduë ; mais le bourgeois qui a acheté n’a tien de son côté, et lors u’il paye la marchandife qu’il a prise à credit il n’en tire aucune quitance, et la pluspart sont même assez negligens pour ne faire pas décharger les livres des marchands ; c’est pourquoy l’on a trouvé juste que le bourgepis aprés un an puisse opposer la fin de non recevoit en affirmant qu’il a payé, et que le marchand ne pûst plus aprés l’an faire valoir contre luy ce qu’il a écrit dans ses livres.
La prescription portée par cet Article n’a lieu que pour ceux qui vendent en detail, et ne doit point être entenduë de marchand à marchand ; ainsi jugé pour Thirel marchand, qui voit vendu deux barils de Harang à Christophle le Vert Boucher à Caudebec, qui se défendoit par la fin de non recevoir : Par Arrest en l’Audience de la Grand-Chambre du 5. de Février 1666. plaidans de l’Epiney pour l’Appellant, et moy pour Thirel.
C’est aussi le sentiment de Brodeau sur l’Article 126. de la Coûtume de Paris qui est conforme à la nôtre, que lOrdonnance et la Coûtume n’ont lieu qu’à l’égard des bourgeois qui prennent des marchandises pour leur usage, et non pas pour ce qui est fourny à un autre marchand ou artisan, et il ajoûte que c’est la Coûtume du Châtelet. La Coûtume Reformée de Bretagne le décide expressément, Art. 292. et dans la seconde partie du Journal du Palais lon trouve un Arrest du Grand Conseil qui la jugé de la sorte En explication du Reglement de la Cour par lequel les encherisseurs aprés les trois ans ne peuvent être poursuivis en vertu des inventaires et venduës de meubles, sinon qu’ils eufgent fait cedules ou obligations, que cela ne doit pas s’entendre de la fignature des en-cherisseurs sur le Registre du Sergent, mais des cedules et obligations faites separément aprés la venduë ; Arrest du 31. de Janvier 1660. au Rapport de M de Vigneral. Autre Arrest, au Rapport de Mr de Chalons, du 21. de Mars 1662.
CCCCCXXXV.
Action déniée aux cabaretiers et maîtres des jeux de paulme.
Les taverniers et cabaretiers n’ont aucune action pour vin ou autre chose par eux venduë en detail par assiette en leurs maisons : ny pareillement les maîtres des jeux de paulmes pour les éteufs qu’ils auront fournis esdits jeux de paulmes.
Sous ces mots de cabaretier et de tavernier l’on ne doit pas comprendre les hôteliers qui ogent les passans et les voyageurs, car ils peuvent convenir leurs hôtes et arrêter leurs hardes pour la dépense qu’ils ont faite chez eux, les hôtelleries étans necessaires pour le com-merce et pour la commodité de ceux qui voyagent : De sorte que l’action que la Coûtume dénie aux taverniers et aux cabaretiers ne s’entend que des choses venduës en detail par asgiette en la maison des cabaretiers et à des gens domiciliez sur le lieu ; cat fi un habitant en-voyoit querir du vin ou quelqu’autre boisson à un cabaret pour sa necessité et pour sa provision, il en refuseroit injustement le payement en vertu de cet Article.
Berault sur cet Article propose cette question, si le cabaretier qui a pris une obligation n’aura pas action pour la demandor : Mais outre que la Coûtume denie en termes generaux toute action. aux cabaretiers, par. l’Article. 361. de l’Ordonnance de Blois, il est, défendu aux taverniers et cabaretiers de faire aucunes acquifitions pour dettes et tailles de dépenses de bouche faites en seurs tavernes, pour pain, vin et autres denrées par eux fournles.
La Coûtume de Melun, Article 327. et celle d’Estampes, Article 154. disposent exprossément que les taverniers et hôteliers ne peuvent pour dépense de bouche faite par les habitans du païs arrêter leurs personnes ny prendre cédules et obligations volontaires, ny par contrainte.
CCCCCXXXVI.
Exception pour les taverniers étans sur les havres.
Les taverniers étans sur les ports et havres qui fourniront la nourriture des compagnons durant qu’on dresse l’équipage du Navire, auront action de ce qui aura été arrêté par le proprietaire, bourgeois ou maître de Navire.
Ce que les faverniers étans sur les havres et ports fournissent pour la nourriture de l’équipage d’un Navire, étant approuvé par le maître de Navire est dû, et doit être payé par le marchand ou par les bourgeois du Navire, et il n’auroit pas été juste de leur dénier action pour le demander : La Coûtume ne la refuse qu’aux Cabaretiers qui n’ont fourny leurs denrées que pour la débauche de ceux qu’ils ont reçûs en leurs maisons.