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CCCCCXXXVIII.

Contrats d’alienation du bien de la femme, quand sont vallables.

Quand le mary du consentement de sa femme, ou la femme de l’autorité et confentement de son mary, ont vendu et aliené, les Contrats sont bons et vallables, et n’y sont la femme ny ses heritiers recevables, cessant minorité, dol, fraude, deception d’outre moitié de juste prix, force, menaces, ou crainte telle qui peut tomber en l’homme constant ; car la seule reverence et crainte maritale n’est suffisante.

Les Coûtumes de Bretagne, Article 438. et d’Anjou, Article 510. sont conformes à cet Justinien Article, et l’une et l’autre Coûtume sont contraires au Droit Romain qui défendoit absolument l’alienation des biens de la femme, 1. de fundo dotal. D. et c. Et Justinien ajoûta encore à cette prohibition que les fonds dotaux ne pourroient être alienez nonobstant le consentenent de la femme, l. 1. 8. et cum lex. C. de rei lex. act. mais cette alienation des biens do-taux n’est point prejudiciable à la femme, car elle ne peut subsister et avoir son effet si la femme n’en est recompensée

Pour rendre cette alienation valable deux conditions sont nécefsaires ; la premiere, qu’ellé soit faite par l’autorité et consentement du mary, ou par le mary du consentement de sa semme ; et la seconde, que la femme soit majeure, et que l’alienation soit faite sans fraude et sans dol, deception d’outremoitié de juste prix, force, menaces, ou crainte telle qui peut tomber en l’homme constant, car la seule reverence et crainte maritale n’est pas suffisante.

La femme peut vendre par l’autorité de son mary : Cette autorité du mary n’est pas la cause véritable et immediate de la validité de la vente, mais elle rend la femme habile et capa-ple de vendre ; car étant en la puissance de son mary cette autorssation est necessaire pour valider tous les Actes et Contrats qu’elle passe, de la même maniere que le congé et le consentement du pere est requis pour confirmer tout ce qui est fait par le fils de famille : Ce n’est pas sans cause que la Coûtume désire l’autorité et le consentement du mary, ces paroes ne sont point inuilles, l’autorité régarde le droit et le pouvoir du mary ; pluris est autoris tas quim simplex consensus : autoritas si quidem majorum est qui jus potestatis in illam cui eam pratant habent, inferiorum autem est consensus :Pontanus , Article 3. de la Coûtume de Blois. Ce n’est qu’une simple approbation de l’acte, et encore qu’il ne pûst subsister sans ce confentez ment il differe néanmoins, selon quelques Docteurs, en ce point de l’autorité, que la personne doit être autorisée lors qu’il contracte, au lieu que l’on peut donner par aprés son cont sentement à ce qui a été fait, sciendum est autoritâtem in ipfo actu exigi, idest dum ipsum negotium geritur, aut saltem incontinenti, l. obligari. 5. tutor. de autor. prest. consensum vero sine que camersi actus subsistere non possit, non tamen necessario in ipfo actu intervenire oportet :Pontan . ibid.

Balde sur le C. edoceri. col. 3. ext. de rescript. dit qu’il y a des Confats qui sont in potentiâ convalescentiae, c’est à dire qu’encore que dans leur principe ils soient puls ils pleuvent venit en convalescence en les faisant approuver par ceux dont le consentement est necessaire. Il y des Contrats qui ne peuvent venir en convalescence, in potentiâ convalescentia non sunt, et qui ne peuvent être confirmez par un consentement sobsequent, l. Receptum commun. prad. par exemple, la vente faite par la femme sans l’autorité du mary né peut point être validée, parce que toute la force ou la validité du Contrat consiste en cette autorisation : Autoritas mariti est adeo simplicis naturae, ut neque diem neque intercapedinem ullam recipiat, in ea quippe gotius actus vis et fundamentum consistit, tum et substantia originis : que si le mary avoit vendu le bien de sa femme sans son consentement ce Contrat n’est pas entièrement valable, parce que le mary n’est pas absolument le maître des biens de sa femme, mais il est en état de convalescence par le consentement que la femme y peut donner par aprés ; car tous les actes qui ne sont defectueux que par le defaut de consentement peuvent être confirmez par un consentement subsequent, qui est appellé par nos Jurisconsultes consenjus accedens, l. 8i autem plures, et ibiBart . de aqua pluv. arc. l. Ratam de solut. D.

MBoyer , sur l’Art. 4. 1. de l’Etat des personnes, de la Coûtume de Berry, estime qu’il n’importe que le mary ait autorisé sa femme en passant le Contrat ou depuis, se fondant sur le Chap. Cum ita veteri ext. de elect. et sur la l. 1. 5. prodest quor. legat. Pontanus combat son opinion par autoritez et par raisons ; car à l’égard de ce Chap. Cum in vetere, et le S. prodest, il en fait voir la difference en ce qu’en ces loix-là le consentement n’étoit requis que par fotme de conseil, m modum consilii & simplicis voluntatis ; mais quand il s’agit d’autoriser la temme, consensus, dit-il, autorisabilis ad integrandam personam requiritur, & ideo qui autoritatem prestat non dicitur consentire, sed consensus autorem effe ; et pour montrer que cette autorité est de l’essence du Contrat, il se sert de trois raisons qu’il emprunte de Balde ; la premiere, que l’autorisation du mary est le fondement de l’acte ; la seconde, que c’est une solemnité introduite par la Coûtume que dat esse rei, et qui la fait subsister ; et la troisiéme, que c’est un acte legitime qui ne doit point demeurer en suspens et dépendre d’un évenement incertain, si le mary autorisera sa femme ou ne l’autorisera pas.

Mais nonobstant tous ces raisonnemens, pour prouver que l’autorisation se doit faire in ipso negotio, et que ce n’est pas assez de ratifier par aprés ce qui a été fait, l. Obligari. 5. Tutor. p-de autorit. et consens. tut. il faut faire cette distinction, que quand l’autorisation est requise pour la solemnité ad integrandam legitimandamque personam, pour rendre la personne habile à contracter l’autorisation doit accompagner l’acte et se faire par un même Contrat ; mais si l’autorisation est seulement necessaire pour l’interest de celuy qui doit consentir, il n’est pas besoin que cette personne intervienne en même temps, parce qu’elle peut par aprés confirmer l’acte et le ratifier : Or l’autorisation du mary n’est pas requise comme une forme ne cessaire, mais seulement afin que les femmes manées ne puissent contracter au prejudice du respect et de l’autorité maritale, ny donner atteinte au droit que le mary a d’être le maître des actions de sa femme et de joüir des fruits de son héritage, en quoy elle luy feroit toit si elle en pouvoit disposer sans son autorité

C’est encore une question si cette autorisation doit être expresse, et si elle seroit suffisamment suppleée par la presence du mary. Le Pape Innocent sur le Chap. Consuetudine de con-suer. remarque qu’autoritas que debet interponi à marito, debet formaliter inscribi in contractu per verbum, autoriso, et puis que verbis interponitur autoritas, l. 2. de autorit. et consens. tut. il faut que le Contrat fasse mention de l’autorisation faite par le mary : Il est certain que la seule presence du mary ne suffiroit pas, mais encore que le terme d’autorisation n’y fût pas expressément employé, pourvû qu’il eût parlé au Contrat en sorte qu’il parût avoir approuvé ce que fa femme auroit fait cela suffiroit, valet autoritas ejus qui se probare dicit id quod agitur, hoc enim est autorem fieri. l. 3. D. de autorit. et consens. tut. et comme le droit ne doit pas consister en subtilitez et en pointilles, il suffit que le mary ait autorisé tacitement sa femme ; car il y a deux sortes d’autorisation, l’une expresse, et l’autre tacite : l’autorisation est expresse lors que le mary déclare en termes formels qu’il autorise sa femme : l’autorisation tacite est celle qui n’est pas faite en termes exprés de bouche ny par écrit, mais qui resulte neanmoins assez expressément de quelque action du mary.

Cette autorisation du mary n’est pas necessaire lors que la femme est poursuivie criminellement pour delit, mais elle ne pourroit faire une poursuite criminelle sans cette autorisation. si le mary vend le bien de sa femme son consentement est requis, mais il ne se presume point par la seule presence, car la simple presence in prajudicantibus nusquam pro consensu hasetur, jusques-là même que quand cette presence seroit confirmée et soûtenuë par la figna-ture de la femme cela né suffiroit pas ; car quoy que la signature presuppose le consentement puis qu’elle n’est désirée que pour cet effet, néanmoins la Coûtume voulant expressément que la vente soit faite du consentement de la femme le Contrat doit en faire une mention expresse. Mr d’Argentré , Art. 419. vet. con. gl. 1. a crû que si mulier subscripserit contractui, hoc sufficienter probari consensum & obligationem, quia subscriptio pro cujusque interesse postulata assensum importat, cum non alio usu esse possit subscriptio : mais la Coûtume de Bretagne potte en termes generaux, si le mary et la femme vendent : mais suivant cet Article, si le mary vend il faut que ce soit du consentement de sa femme, autrement on presume qu’elle a signé plûtost pour la trainte et reverence maritale que par une volonté libre, qui alienae potestati subjecti sunt tacere ex reverentia judicantur. l. Si fundum. C. de reb. alien. non alien. Le pere, le maître et le maty étant armez de toute l’autorité que la Nature et la Loy leur mettent en main, on régarde comme un effet de leur puissance une signature qui n’est point gûtenuë ny confirmée par un consentement exprés, et c’est en ce cas que l’on peut dire velle non creditur qui obsequitur mperio mariti. La Coûtume de Paris, Art. 223. pour lever cette difficulté dit que la femme mariée ne peut vendre, aliener ny hypothequer ses héritages sans l’autorité et consen tement xprés de son mary ; et par la raison d’identité si le mary vend le bien de sa femme, il doit de faire par son consentement exprés.

Mais quoy que le mary ne puisse vendre valablement sans le consentement de sa femme, et qu’elle ait action pour se pourvoir contre le Contrat, cela s’entend quand elle veur s’en plaindre comme étant fait à son prejudice ; car s’il luy étoit avantageux l’acquereur ne pourroit pas pretendre pour raison de ce defaut qui ne concerne que l’interest de la femme que le Contrat fût nul, pourvû que le mary et la femme voulussent l’entretenir ; les loix qui sont faites en faveur de la femme ne pouvant pas être retorquées contre elle et étant en sa liberté d’y renoncer.

Le mary de sa part qui auroit vendu sans le consentement de sa femme ne pourroit pas inquieter celuy qui auroit contracté avec luy pour raison du defaut de consentement de sa fem-me, car le Contrat subsisteroit à son préjudice durant la vie de sa femme si elle n’étoit point separée d’avec luy.

L’autorité du mary majeur ne seroit pas suffisante pour autoriser sa femme mineure ; son consentement et son autorité n’ont pas le pouvoir de rendre la femme habile à contracter quand elle est mineure : Et c’est pourquoy cet Article ajoûte que les Contrats faits par l’autorité et le consentement du mary sont bons et valables cessant minorité ; Mais on demande si l’autorité du mary mineur vaut à la femme majeure : l’affirmative a été décidée par un Arrest du Parlement de Paris rapporté parMontholon , Arrest 113. et par Mi lePrêtre , Cent. 2. c. 61. et l’autorisation faite par un mary mineur pour la vente du bien de sa femme majeure fut déffirée bien faite ; la raison est que pour cette autorisation l’âge n’est point considérable, mais la seule puissance et autorité du mary dont on veut conserver l’interest, son consentement n’étant pas re-quis pour l’imbecillité de sa femme, mais seulement à cause de la qualité de mary : et ce qu’on dit que qui non potest vendere, nec vendenti consentire, s’entend pour vendre le bien, in quo quis plenum jus habet : Mais un mary quoy que mineur peut mettre sa femme en liberté pour disposer de son bien étant majeure et capable de le vendre, sa seule qualité de femme mariée luy ôtant cette liberté, et l’autorité du mary n’étant pas de la substance du Contrat, mais de la forme seulement, il suffit une fois que le mary luy donne cette autorité : On en trouve un exemple en la l. 2. D. de manumiss. vind. Si minor sit annis vigenti fructuarius an consentire libertati possit, et puto consentiendo ad libertatem pervenire posse. Surquoy la Glose fait cette re-marque, quod potest alii consentire in eo quod ipse facere non potest.

Cependant cette doctrine ne seroit peut-être pas suivie en cette Province, où la Coûtume ne permet qu’avec beaucoup de précaution l’alienation du bien des femmes, et où la femme ne peut au refus de son mary vendre par autorité de Justice, sinon pour les causes contenuës en l’Art. CCCCCXLI. et puis que le consentement du mary doit intervenir necessairement, la personne qui doit le donner doit être capable de le faite, ce qu’un mineur ne peut point aussi Monthelon et Mr le Prêtre ont remarqué qu’aprés la prononciation de l’Arrest, Mr le premier President avertit les Avocats que si le mary se plaignoit et qu’il se fist relever, la Cour en délibereroit sans que l’Arrest fist préjudice à la question : il n’est donc pas vray de dire que l’autorisation du mary ne soit requise pour la forme, et que son censentement ne fait point la vente et n’est point de la substance du Contrat, parce que si ce n’étoit qu’une simple formalité, le mary ne seroit pas recevable à s’en relever, et en tout cas il y seroit bien fondé s’il souffroit quelque préjudice en consequence du consentement qu’il auroit donné à la vente.

L’on agita cette question en l’Audience de la Grand. Chambre le 9. de Juin 1676. si la semme ayant été autorisée par son mary à prendre une succession, et ayant ensuite presenté des lots à sa coheritière signez d’elle et de son mary, la choisie faite par le mary seul étoit valable : La succession de Mr de Camprond étant échuë à Marie Camprond, femme de Michel le Bouleur et à Diane de Camprond, femme de Bertrand Larcher. Diane le Bouleur fut autorisée de la prendre au refus de son mary de l’accepter, les lots et la choisie fut par elle faite en sa presence et signée d’elle. Depuis la succession de la mere étant aussi échué elle fut encore autorisée par son mary pour l’accepter, et elle en fit et signa des lots : Le sieur Bouleur mary de la soeur ainée les choisit avec le mary seul de Diane de Camprond et sans y appeller, ce qui luy donna lieu de soûtenir contre le Bouleur que la choisie étoit nulle, qu’elle n’avoit pû être faite en fon absence et auparavant que de luy avoir déclaré s’Il acceptoit les lots en la maniere qu’ils luy avoient été presentez ; cela fut jugé par Sentence du Juge d’Avranches Sur l’appel Durand pour le Bouleur soûtenoit que nonobstant l’autorisation de la femme, le mary seul avoit pouvoir et qualité de proceder à la choisie, que ces Lettres d’autorisation n’étoient qu’une formalité superfluë sans effet et de nul usage, et qu’aprés tout les lors luy ayans été presentez et n’ayant point voulu les blamer, il pouvoit proceder à la choisie d’iceux en l’absence du mary et de la femme : Je répondois pour Diane de Camprond que par la jurispru dence Françoise la femme étant absolument en la puissance de son mary, nullam habebit agendi vel sistendi in judicio legitimam personam : Cependant comme il n’étoit pas raisonnable que le mary abusast de son autorité et pût blesser irreparablement les interests de sa femme : La Loy luy donnoit un moyen pour travailler à la conservation de son bien en la rendant capable par des Lettres d’autorisation de sister en jugement et de proceder en son nom lors qu’elle n’avoit pas sujet de demander la separation de biens : Il est vray que cette autorisation n’avoit pas toute l’etenduë que les Praticiens avoient voulu luy donner, car ils étoient dans cette erreur de croire que cette autorisation mettroit le mary à couvert de toutes les mauvaises procedures qu’il feroit sous le nom de sa femme, et que les condamnations que l’on obtrendroit contre sa personne ne seroient point executoires contr’elle ; mais puis que nonobstant l’autorifation Il retient et fait son profit des joüissances du bien de sa femme, on n’a pas trouvé raisonnable qu’il pûr plaider impunément sous le nom de sa femme ; mais l’autorisation ne faisse pas d’être nécessaire à l’effet de rendre la femme capable de pouvoir agir en son nom pour la conservation de ses interests, de sorte qu’on n’avoit pû faire cette choisie sans son consentement, puis qu’elle avoit fait et signé les lors et qu’il s’agissoit de la proprieté de son bien, nam per divisionem pervenitur ad alienationem : Or le mary ne peut aliener le bien de sa femme sans son con-sentement ; et quant à l’autre raison de l’appellant qu’il pouvoit faire la choisie en son absence, on répondoit qu’il auroit dû auparavant passer sa déclaration qu’il n’entendoit point blamer les lots, et jusqu’à ce qu’il eût fait cette déclaration elle pouvoit les augmenter ou les diminuer comme elle entendoit le faire ayant reconnu que la valeur n’en étoit pas égale : Par l’Ar-rest la Sentence fut confirmée.

Tronçon propose cette question de la Coûtume de Paris sur l’Article 225. si le mary qui a fait cession de biens est capable d’autoriser sa femme : L’on peut dite que le mary n’a point ce pouvoir uia non habet legitimam personam standi in judicio, mais on répond que le mary pour avoir fait cession, de biens ne cesse pas d’être mary et ne pert pas l’autorité maritale. En cette Province cette difficulté arriveroit rarement, car la femme d’un cessionnaire ne manqueroit pas à se faire separer de biens, et même elle le seroit de plein droit, la cession de biens étant une mort civile, ce qui la rendroit incapable d’aliener, quoy que le mary y donnast son consentement.

On apporte deux exceptions à la disposition generale de cet Article, l’une à l’égard de la femme separée, l’autre à l’égard de la femme qui est marchande publique ; l’on pretend que a femme separée de biens ne peut contracter de son bien, quoy qu’elle soit autorisée de son mary ; et pour l’autre qu’elle peut l’engager sans le consentement et l’autorité de son mary En Normandie la separation de biens a un usage bien different de celuy de Paris, suivant la jurisprudence du Parlement de Paris remarquée par Mr Loüer et son Commentateur, l. F. n. 30. a femme separée peut aliener ses immeubles étant autorisée par son mary, mais en Normandie l’on ne doute point que les alienations faites par la femme separée, quoy que ce soit de l’autorité de son mary ne soient nulles : Le Reglement de la Cour de l’année 1600. ayant déclaré les Contrats faits par la femme separée nuls et de nul effet, l’autorité du mary ne peut les valider : la separation est un remede de la Loy pour conserver le bien de la femme, et non pour luy donner la liberté de l’aliener, l. Vbi adhc. C. de jur. dotal. et la cause de la separation étant le mauvais ménage du mary, son autorisation est inutile pour faire une chose con-traire à la fin principale de la separation ; ce seroit la rendre entièrement illusoire, car le marv en l’autorisant poutroit luy faire aliener tout son bien, et on l’engageroit par cette voye à distuter les biens de son mary. On pourroit dire pour l’acquereur que suivant cet Article le con-rat de vente est valable, et qu’il suffit à la femme qu’on luy indique des biens suffisans pour porter le remplacement de ses biens alienez, que la separation ne change point la qualitédde la femme et ne la prive point de contracter par l’autorité de son mary : La question ayant été plaidée en l’Audience de la Cour et apointée, elle fut depuis jugée au Rapport de Mr de Caradas le 23. de Juillet 1636. entre Heusé, le Févre et Duchemin ; et l’acquereur fut condam-né de payer à la femme la vraye valeur de son fonds aliené, et elle fut dispensée de discuter les biens de son mary, et en payant le fonds luy fut ajugé sans le recours contre son mary.

Quoy qu’on ne doutast plus de cette Maxime, néanmoins les Juges furent partagez là-dessus en la Chambre des Enquêtes en 1658. Mr Clement Rapporteur soûtenoit que la femme étoit interdite d’aliener nonobstant qu’elle fût autorisée par le mary : M’Baudry compartiteur pretendoit que le Contrat étoit bon, mais en jugeant le partage en Grand. Chambre, il passa out d’une voix à l’avis de Mr Clement.

En effet la femme separée est si absolument incapable d’aliener son bien, que par Arrest onné en l’Audience de la Chambre de l’Edit le 14. de May 1651. il fut jugé qu’elle n’avoit oû engager ses immeubles, quoy qu’on alléguât que largent luy avoit été baillé pour parvenir à sa separation, et l’héritière de la femme fut déchargée aprés sa déclaration qu’elle aban-connoit les meubles et les acquests.

Il faut observer que l’on pretendit faire différence entre les ventes faites avant le Reglement de 1600. et les alienations qui avoient été faites depuis. Ester de Perey, femme civis ement separée d’avec Guillaume du Vivier Ecuyer son mary, avoit fait plusieurs alienations. de ses héritages en l’année 1599. de l’autorité de son mary : aprés sa mort Laurens de Cussi son petit-fils fit condamner les acquereurs à luy en quiter la possession, par Sentence du Juge de Bayeux : Sur l’appel par Fouquet acquereur, Heroüet son Avocat disoit que la vente étant anterieure au Reglement de 1600. qui défend aux fommes separées l’alienation de leurs biens elle devoit subsister, le Reglement ne pouvant avoir lieu que pour les Contrais qui seroient faits à l’avenir, qu’auparavant cette loy les femmes separées disposoient de leurs biens de la même sorte que si elles n’eussent point été mariées. Je répondois que ce Reglement n’avoit point introduio un droit nouveau, et qu’auparavant les femmes separées étoient dans une generale interdiction, ce qu’on apprenoit par les remontrances de Mr le Procureur General qui donnerent lieu à ce Reglement qui ne fut fait que pour expliquer cet Article qui parle en termes generaux des femmes mariées et pour ôter toute l’ambiguité : Par Arrest du 25. de Mars 1656. la Sentence fut confirmée

Autre Arrest au Rapport de Mr de la Basoge, du S. d’Avril 1648. sur ce fait : Entre Fortin Appellant et la nommée Granger, ayant épousé en premieres nopces le nommé le Reculé. En 1592. le pere et les frères de cette femme luy donnerent en faveur de mariage vingt livres de rente ; aprés avoir obtenu des Lettres de separation elle vendit conjointement vec son maty cette rente à Fortin, sans prendre néanmoins la qualité de femme separée en 1608. les biens de ses freres étant saisis réellement et ajugez elle s’opposa pour avoir le principal et les arrerages de cette rente ; mais Fortin son cessionnaire la fit debouter de son opposition dont elle n’appella point, et Fortin à son droit reçût les deniers ; mais en 1636. elle fit appeller Fortin devant le Vicomte de CaEn aux fins de luy indiquer des biens ayant appartenu à son mary pour être payée de sa rente et de vingt-neuf années d’arrerages, Fortin fut condamné à la continuation de la rente et au payement des arrerages du jour de l’action : Sur l’appel le Bailly cassa la Sentence, et condamna Fortin au payement de tous les arrerages depuis le jour qu’il avoit reçû le rachapt de la rente ; Fortin Appellant soûtenoit que cette rente ne pouvoit être payée par luy comme elle l’auroit été sur les frètes de cette femme, parce qu’ayant changé de main avant les quarante ans ce n’étoit qu’une rente constituée à prix d’argent, dont elle n’auroit pû demander que cinq années aux heritiers de son mary s’il en avoit reçu le rachapr ; et à son égard il étoit acquereur de bonne foy, et par consequent il avoit fait les fruits sient, et à die tantum litis contestata incoepit esse malae fidei possessor, que cette femme avoit usé de dol ayant celé sa qualité de femme separée, non est autem indulgendum malitiis et çalliditati : Ladite Granger pour sa justification alléguoit que sa separation étant publique et notoire Fortin n’avoit pû l’ignorer, qu’il n’étoit plus en bonne foy du jour qu’elle s’étoit opposée au decret des biens de ses freres, ayant connu par cette opposition que la vente qu’elle luy. avoit faite étoit nulle vû sa qualité de femme separée, et que l’intervention de son mary n’avoit pû la valider : Par l’Arrest on n’ajugea que cinq années d’arretages.

En jugeant l’invalidité des alienations qui sont faites par la femme separée, quoy qu’autos trsée par son mary il reste cette difficulté, si elle peut reprendre son héritage ou si l’acquereur peut le srenir en luy payant la vraye valeur d’iceluy : Quand la femme non separée vend par l’autorité de son mary, elle ne peut troubler les acquereurs qu’aprés la discussion des biens du mary ; que si la femme est separée et qu’elle ait contracté sans l’autorité du mary, il est sans doute que la femme peut rentrer en la possession de son fonds, parce qu’il y a une nullité precise au Contrat, mais quand l’autorité du mary est intervenue quoy que le Contrat ne soit pas valable, il semble que cette invalidité n’a d’autre effet que de dispenser la femme separée de discuter les biens du mary, et que l’acquereur peut se maintenir en possession de son acquest en payant à la femme la vraye valeur de son fonds. Cela fut jugé par l’Arrest de Heusé de l’an 1636. dont je viens de parler ; neanmoins ces Contrats étant nuls et défendus par les Reglemens, ils ne peuvent empescher la femme de rentrer en la possession de son héritage.

Il y a souvent plus d’imprudence et de mauvais ménage à acquerir qu’à vendre, s’il arrivoit que par de mauvaises acquisitions la femme separée engageast son bien et l’hypotequast à des dettes, on demande si elle seroit restituable contre ces Contrats : Pierre Alorge désirant s’accommoder d’un héritage qui étoit à sa bien-seance, obligea Barbe Haïs sa femme separée de piens d’avec luy de prendre en échange une partie de son bien qui consistoit en rentes, terres et naisons ; et par un autre Contrat elle acheta le surplus ; mais au lieu d’argent comptant elle s’obligea d’acquitter Breant son vendeur de quelques rentes, à quoy n’ayant point satisfait, ce Breant étant executé, il saisit les biens de cette femme pour sa garantie ; elle se pourvût par cettres de rescision contre les Contrats d’échange et de vente, alléguant pour moyens qu’elle n’avoit passé ausdits Contrats que par les pressantes inductions de son mary, et qu’elle souffroit une pette considérable par cette mauvaise et inconsidérée acquisition qui causeroit infaile iblement la perte de sa dot si elle subsistoit, et comme elle ne pouvoit aliener ou diminuer son bien en vendant, elle ne pouvoit aussi l’hypothequer en acquerant si mal à propos ; à quoy fut répondu par l’acquereur que les Contrats faits par cette femme luy étoient si peu desavantageux qu’il en consentiroit volontiers la resolution si les choses étoient entières ; mais ayant disposé d’une partie des biens qu’il avoit eus par échange cela l’engageroit en des interests d’éviction : Par Arrest du 10. de Decembre 1671. il fut dit qu’auparavant de faire droit l’estima-tion des héritages seroit faite, et sur ce que l’on objectoit que par l’Art. 127. du Reglement de 1666. les Contrats qui ont été faits par les femmes separées peuvent être executez sur leur meubles et sur leurs acquests, et sur le revenu de leurs immeubles : On répondoit que le mot de revenu ne pouvoit être entendu de la dot, autrement la separation deviendroit inutile si la gemme separée pouvoit engager le revenu de sa dot, qui n’est ôtée au mary que pour la faire subsister, et la separation ne luy est accordée qu’à l’effer de luy en donner la joüissance, ce mot de revenu ne peut donc être entendu que des immeubles autres que la doù : plaidans de Lespiney et Barate : Autre Arrest du 1. de Juin 1658. au Rapport de Mr Labbé entre les nommez Robillatd, par lequel un Contrat d’échange fait par une femme separée de biens fut dé-laré nul, quoy qu’on alléguast que le contr’échange étoit d’égale valeur, et que par consequent elle étoit hors d’interest-

La separation une fois jugée ne peut être aneantie par le consentement de la femme : Une femme nommée Roquemont s’étoit fait separer de biens dans un temps où son mary étoit poursuivy criminellement, il pretendoit que cette separation n’avoit été obtenue que dans le dessein de mettre son bien à couvert ; et en effet aprés avoir été déchargé de l’accufation la gmme avoit passé sa déclatation qu’elle renonçoit à cette separation ; mais s’étant pourvûc contre cette déclaration : Par Arrest du 24. de Février 1644. sans avoir égard à cette déclaration, la separation fut confirmée, plaidans Pilastre et Paulmier.

Il est juste qu’un mary mauvais ménager soit privé du pouvoir que la Coûtume luy donne sur les biens de sa femme, mais il seroit contre l’ordre et la bien seance que le mary se foumit à la conduite de sa femme, et c’est pourquoy bien qu’un homme eût consenti par son Contat de mariage de ne point aliener ses biens que par l’avis de sa femme, on jugea que cette action étoit incivile ; et la vente faite par le mary seul à charge de faire ratifier sa femme fut declatée valable nonobstant que la femme n’eût point ratifié, sans avoir égard à cette plause incivile par laquelle le mary s’étoit imposé une servitude honteuse sans cause et sans nécessité, n’ayant aucune foiblesse d’esprit qui méritât de le mettre en curatelle, de sorte u’il n’avoit consenti à cette curatelle que par une bassesse de courage qui repugnoit à la dinnité de son sexe et à l’ordre de la natute, qui avoit mis les femmes en la puissance et en a curatelle de leurs maris, et non les maris en celle de leurs femmes : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 7. d’Aoust 1663. donné lors que Mr le Duc de Montausier Gouverneur de Normandie y vint prendre seances

C’est donc une jurisprudence certaine en cette Province que la femme separée de biens, soit qu’elle soit autorisée par son mary ou qu’elle ne le soit pas ne peut aliener ny hvpotheguer ses immeubles : Et en cela nôtre Usage est different de celuy du Parlement de Paris, oû a femme separée ne peut seule faire aucune obligation, donation ou Contrat qui affecte l’imneuble et emporte alienation perpétuelle ; mais elle est capable de faire tous ces actes par autorité et du consentement de son mary ; VoyezLoüet , l. F. n. 30.Ricard , Article 124. de la Coûtume de Paris.

Il faut neanmoins observer que toutes sortes d’alienations faites par la femme separée ne ont pas nulles : Si les deniers ont été employez utilement par elle et à l’acquit de ses dettes, elle ne peut pas demander la resolution du Contrat ; cela fut jugé en la Chambre des Enquêtes le 20. de Juillet 1630. au Rapport de Mr Bigot, et que le Reglement qui défend aux femmes mariées l’alienation de leurs immeubles ne s’entend point de celles dont les deniers ont été employez à l’acquit de leurs dettes, si elles ont contracté par le consentement de leurs maris.

Par Atrest du 16. de Mars 1665. au Rapport de Mr Btice, il fut aussi jugé qu’une femme separée de biens n’étoit point obligée de remployer les deniers qui luy étoient dûs à raison d’une vente d’héritage faite par son pere, dont la succession luy étoit échûè depuis sa sepaation ; l’Arrest fondé sur ce que ce n’étoit qu’une somme mobiliaire qui n’étoit point sujette remploy.

La femme separée peut aussi revendre ce qu’elle a acquis depuit sa separation, suivant les Arrests remarquez par Bérault ; mais on a fait difficulté pour l’héritage qu’elle avoit retiré à droit de sang. Demoiselle Françoise de Btiory, femme de Jean Cauver sieur de Valun, et eparée de biens d’avec luy, avoit retiré à droit de sang la Baronnie de Nehou qui avoit été venduë par la Dame sa mère ; elle en fit revente conjointement avec son mary quelques anées aprés à Messire Jacques de Harcour Baron d’Olonde ; mais aprés la mort de son mary elle obtint des Lettres de récision contre ce Contrat, qu’elle fonda sur cette raison que somary n’avoit pû l’obliger à vendre son bien, et qu’elle avoit renoncé à sa succession, qu’o-de pouvoit pas soûtenir que ce fût un acquest dont elle auroit pû disposer, parce que les heritages retirez à droit de sang sont reputez propres et non acquests : La défense portée par le Tître De prad. minor. sine decr. non alien. s’entend également des héritages qu’ils ont acquis comme de leurs propres : Par Arrest en la Grand. Chambre du 10 de Juin 1660. les Lettres de récision furent enterinées, et la Demoiselle de Briory renvoyée en la possession de la Terue de Nehou : Je plaidois pour la Demoiselle de Valun, et Maunourry pour le sieur de HarcourDepuis le sieur de Harcour s’étant pourvû par Lettres de Requête Civile, Maurry represen-Aristote roit que suivant l’opinion d’Aristote la Loy pour generale qu’elle soit peut recevoir des exceptions, parce qu’il peut arriver des cas imptevûs qui rendroient sa disposition injuste ; et quoy que le Reglement de l’année 1600. prononce la nullité des Contrats de vente que la femme teparée a faits de son bien de l’autorité de son mary, elle n’est pas si precife qu’on ne puisse la moderer selon les circonstances du fait : aprés tout que le Reglement ne devoit avoir lies de pour les propres de la femme et non pour les acquests, car il pouvoit arriver qu’elle n’en feroit la revente que pour s’acquiter des deniers qu’elle auroit empruntez pour cet effeti et pour avoir acheté cette Terre avant sa separation elle n’en avoit pas moins la disposition, la prohibition de la Loy ne s’étend point à ces sortes de biens, qu’il n’y avoit point d’appasence de les mettre au nombre des propres. Il est vray que suivant l’Art. CCCLXXXIII. chéritage rétiré par clameur de bourse à droit de lignage tient nature de propre et non d’acquest, mais c’est un propre fictif et imparfait que la Coûtume a introduit en faveur des li-gnagers et pour exclure les heritiers aux acquests, mais à l’égard de celuy qui avoit fourny les deniers pour retirer l’héritage on ne pouvoit pas dire que ce ne fût un acquest, et que par consequent la femme même qui les avoit retirez en pouvoit disposer : Enfin la Demoiselle de Valun avoit été forcée de vendre par une nécessité indispensable, que l’utilité y étoit évidente, ayant chargé le sieur de Harcour d’acquiter plusieurs dettes, à quoy il avoit sativfait en la meilleure partie, quoy que la Défenderesse eût fait plaider le contraire lors de la premiere plaidoirie, la forme même ne manquoit pas à ce Contrat, puis que l’on representoit des procurations de parens qui avoient jugé à propos de vendre cette Terre. Je répondois pour Nicolas Cauver Ecuyer, sieur de Gichebert, héritier de sa mere, que ce n’étoit pas moins par l’ordre de la Nature que par la disposition des Loix Divines et Humaines que la femme est soûmise à l’autorité de son mary, et cette autorité ne s’étend pas moins sur ses biens que sur sa personne mais comme cet empire n’a eu pour cause et pour fondement que cet amour et cette assistance que les conjoints se doivent reciproquement, lors que l’un manque à ce devoir la Loy comme l’arbiire Souverain de leur commun sort prend le party du plus foible, et donne à la femme de secours et la protection qu’elle devoit recevoit de son mary : C’est par cette raison qué les divorces ont été introduits, qui se pratiquoient au commencement avec tant de rigueur qu’ils causoient la dissolution entière du lien conjugal, de sorte que la femme ne reprenoit pas seulement ses biens, mais son coeur et ses affections.

Mais paroissant trop dur qu’une amitié si legitime fût aneantie par la seule confideratiom du mauvais ménage du mary, on se contenta de châtier la mauvaise conduite du mary en le privant de l’administration des biens de sa femme ; et neanmoins les Legislateurs connoissant bien la foiblesse et l’imprudence des femmes, ils trouverent à propos de ne leur accorder que la joüissance de leur bien, mais aussi de leur interdire la disposition de la proprieté, c’est la décision expresse de la I. Ubi adhuc, C. de jure dotal. qui est comme l’original et le modelle de ce Reglement si équitable qui fut fait par la Cour en l’année 1600. Ubi adhuc constitute matrimonio maritus ad inopiam sit deductus, et mulier sibi prospicere velit resque sibi suppositas pro gote et ante nuptias donationem, resque extra dotem constitutas tenere, non obesse ei matrimonium constitutu sancimus, sed posse eas res vindicare, ita tamen ut eadem mulier nullam habeat licentiam easdem res alienandi vivente marito, sed fructibus earum tam sui quam mariti & filiorum si quos babeat abutatur.

On voulut neanmoins étendre la separation de biens au delâ de sa véritable fin, la femme separée abusant de sa liberté. se flatoit qu’elle avoit une pleine disposition de son bien tant pour la proprieté que pour l’usufruit. La Coûtume de Paris sembloit donner quelque pretexte à. cette erreur, ayant dit que la femme mariée ne peut vendre uy s’obliger si elle n’est separée, d’où l’on inf troit qu’elle pouvoit vendre et s’obliger quand elle est separée ; mais cette erreur s’étant glissée dans cette Province cela donna lieu au Reglement de l’année 1600. par lequel défenses sont faites aux femmes separées d’aliener durant leur mariage leurs immeubles à peine de nullité, si ce n’est pour redimer leurs maris de prison pour cause non civile, ou pour la nourriture d’elles, de leurs maris ; ou de leurs enfans, ausquels cas aprés l’assemblée et la dediberation des parens et l’Ordonnance des Juges les alienations auront lieu et seront valables.

Or il est manifeste que le Contrat fait par la Demoiselle de Valun peche contre tous les chefs de ce Reglement, et qu’il est vieieux et nul en sa matiere et en sa forme, ainsi quod nullum est, nullum producit effectum, quand la Loy prononce la nullité de quelque acte in totum corruit, & totaliter afficit, et que pour le détruire il n’est pas même nécessairde e se pourvoir par Lettres de récision, nam hi actus pro non factis nec dictis habentur, sine ullo juris effectu ne nomine quidem, aut appellatione contractus digni.

On ne pouvoit pas faire passer pour un acquest ce que la Coûtume déclare si expressément être un propre : Et en effet, il en a toutes les qualitez, il appartient à l’heritier au pro-pre au prejudice de l’heritier aux acquests. Quand le retrait est fait par le mary, la femme n’y urend aucune part, il retourne à la ligne de celuy qui a fait le retrait, aussi la Coûtume n’a point dit qu’ils sont reputez propres, mais qu’ils tiennent lleu de propre pour nous, à prendre qu’ils le font par nature et non point par fiction. Dans le Titre De prad. minor. sine decr. non alien. Leurs biens profectifs ne sont pas moins inalienables que ceux qu’ils possedent au droit de leurs ayeux. Duaren dans son commentaire sur la l. Si constante matr. D. sol. matr. dit que quelques speculatifs avoient formé cette question si cette Loy devoit être gardée pour les biens donnez à la femme par un étranger comme pour la dot donnée par le pere, et il refoud que bec adeb dffficilem explicationem non habent, si quis omnia ad conservationem & favorem mulieris Justinien tanquam ad scopum referat. Mais Justinien a levé toute la difficulté par cette Loy Ubi adhuc, par laquelle il défend à la femme d’aliener non seulement sa dot, res suppositas pro dote, sed etiamante nuptias donationem resque extra dotem constitutas, qui étoient des biens profectits, et par con-equent de véritables acquests, et là-dessus les Docteurs établissent cette Maxime que non lices alienare bona extra dotem, licet non sint privilegiata ut dos.

Aussi la prohibition portée par le Reglement de 1610. est generale ; elle comprend indistinctement tous les biens que la femme possede au temps de sa separation, ce qui exclud toute distinction : Premierement, la Cour n’a point usé du mot d’héritage, mais de celuy d’immeuble dont la signification est beaucoup plus difuse et plus universelle, parce qu’elle comprend toutes sortes d’immeubles : En second lieu, la Loy Ubi adhuc ayant fait de deux sortes de biens appartenans à la femme, ce Reglement qui en est tité mot à mot comprend aussi une interdiction generale de tout ce qui appartient à la femme tant de ses biens dotaux que de ce qui peut luy appartenir d’ailleurs ; la raison est pareille pour les uns et pour les autres. Le Reglement n’a eu pour fon unique motif que la conservation de tous leurs biens ; si neanmoins la femme pouvoit vendre ce qu’elle avoit acquis avant sa separation, sa condition seroit plus deavantageuse étant separée que si elle ne l’étoit pas, car en vendant depuis sa separation elle n’a point de recompense sur les biens de son mary, au lieu que si elle n’étoit point separée elle auroit un remplacement sur ses biens

Quant à la nécessité de vendre et à l’utilité que l’on pretend que ce Contrat apportoit à la Demoiselle de Valun, on répond qu’ayant emprunté de l’argent pour parvenir au rettait de cette terre, elle en avoit laissé tomber des arrérages durant le desordre des affaires de son mary qu’elle avoit été obligée d’assister, mais elle pouvoit aisément les acquitter de son revenu, et prés tout quand il y auroit eu necessité de vendre, l’alienation ne pouvoit être faite qu’en gardant les formes portées par le Reglement, et tant s’en faut que ce Contrat luy fût utile, lle en recevoit un prejudice notable cette terre ayant été venduë beaucoup au dessous de sa juste valeur, et ce qui étoit encore plus facheux le sieur de Harcour n’avoit point acquitré les arrerages des rentes dont il avoit été chargé : Par Arrest en la Grand. Chambre du 18. d’Aoust 1662. La Cour sur les Lettres de Requête Civile mit les parties hors de Cours Si la femme separée est interdite de vendre son bien, elle ne peut aussi renoncer au doüaire qui luy appartient sur les biens de son mary : Mais enfin, il est vray qu’en la Chambre des Enquêtes au Rapport de Mr du Fay le 8. de Mars 1638. on jugea le contraire sur des circontances particulieres, une femme separée avoit renoncé à prendre doüaire sur les biens qui étoient vendus par son mary, et reconnu qu’il en restoit assez pour fournit son doüaire, la transaction ayant été passée en 1605. et son mary étant mort en 1609. elle ne se pourvût conre cette transaction qu’en 1635. aprés avoir tacitement ratifié ce Contrat par plusieurs Actes et par son long silence ; Par l’Arrest elle fut deboutée de ses Lettres de recision, la raison de douter étoit que par le Reglement de 1600. les femmes separées ne peuvent disposer de leurs immeubles que par autorité de Justice, et suivant les formes prescrites, qu’elle avoit signé feule cette transaction ; et par la l. Cum hi de transact. D. on ne peut transiger de futuris alimentis.

La raison de décider fut qu’elle ne s’étoit point pourvûé dans les dix ans, qu’il n’étoit pas de cet usufruit comme de la dot, et que quand une femme ne pourroit pas transiger de tout son loüaire, elle pourroit y renoncer en partie. Cet Arrest ne peut être tité en consequence, et l est sans difficulté que cette renonciation exigée d’une femme, soit qu’elle fût separée ou non ne l’excluroit pas de son doüaire sur les choses venduës, si les autres biens du mary n’étoient pas suffisans pour le fournit

La femme separée est encore incapable de cautionner son mary : Arrest du 3. d’Aoust 1660. ane femme separée de biens étant intervenuë caution pour la dette de son mary elle fut déchargée de son cautionnement, mais elle fut condamnée et par corps à representer les meu-bles saisis qu’elle avoit pris en sa garde comme depositaire des biens de Justice, sauf à elle à y pretendre ses droits ; Plaidans Lyout pour la femme et moy pour les créanciers : Ce qui fut jugé par le dernier chef de cet Arrest n’est pas sans difficulté, car la femme separée étant ncapable de s’obliger, l’on ne devoit pas l’établir gardienne des biens de son maty, vù principalement que cette garde de meubles produisoit contr’elle une condamnation par corps : Aussi Brodeau en son Commentaire fut Mr Loüer, l. F. n. 30. est d’avis que la femme separée ne seut être constituée gardienne des biens de Justice, et sur la même l. F. n. 11. il rapporte un Arrest du Parlement de Paris par lequel il a été jugé qu’une femme mariée qui s’étoit renduë. gardienne des biens saisis étoit recevable au benefice de cession : Il y a moins de doute quand on la constitue gardienne des biens de son mary, car elle n’a pas le pouvoir de luy resister lors qu’il s’en faisit et qu’il les enleve.

La faveur du commerce a introduit cet usage general en France, que la femme marchande publique n’a point besoin pour s’engager d’autre autorité ou consentement que de la liberté que le mary luy donne de trafiquer publiquement

Pour sçavoir comment une femme peût être reputée marchande publique : La Coûtume de

Paris, Article 235. l’explique nettement, la femme n’est pas reputée marchande publique pour debiter la marchandise dont son mary se méle ; mais elle est reputée marchande publique quand elle fait marchandise separée et autre que celle de son mary : et par l’Article suivant elle déclare l’engagement que la femme marchande publique contracte, sçavoir qu’elle peut s’obliger sans son mary touchant le fait et dépendance de ladite marchandise.

La Coûtume de Nivernois de l’année 1534. 1. des Gens Mariez parloit plus generalement, semme mariée ne peut contracter sinon qu’elle fut marchande publique, ou fist autre negotiation son mary le sçachant. Orléans, Article 186. Blois, Article 18i. En effet dans la société des gens mariez il peut y avoir d’autres affaires que de marchandise, par exemple si le mary faisoit quelques receptes ou tenoit des fermes, et qu’à son vù et sçû sa femme s’entremist de faire la recepte, d’écrire en son journal, achetât ou vendit, qui seroit le même exercice de son marys pourroit-on douter, dit Coquille en sa Question 103. qu’en ces cas la femme ne pût obliger son mary : Car il n’est pas necessaire qu en chacun de ses actes le mary vienne autoriser sa temme, il suffit à celuy qui avoit traité avec elle de justifier que le mary a employé sa femme pour faire toutes ces choses-là ; sa seule parience est d’un effet aussi grand que s’il luy avoit donné un pouvoir general, 1. Vlt. D. quod cum eo-

Cela peut être vray pour obliger le mary ; mais cet employ de la femme dans le negoce de son mary n’engageroit pas les biens de la femme, il faut donc nécessairement pour être habile à contracter comme marchande publique sans l’autorité de son mary, qu’elle fasse une marchandise separée et autre que celle de son mary.

En Normandie on a donné divers Arrests touchant la validité des obligations faites par les temmes marchandes publiques, et principalement sur cette question si elles peuvent engager et hypothequer leur dot : Elle fut décidée par un Arrest du 20. de Novembre 1630. au Rapport de Mr Blondel, lequel Arrest neanmoins ne se trouva point sur le Registre entre la veuvé-Tabouret et le tuteur des enfans de Vatier : On disoit que les biens d’une femme separée sont inalienables, que ne pouvant les vendre elle ne peut par consequent les hypothequer. Il est vray que les marchandes publiques peuvent obliger leurs meubles et leurs marchandises, parce qu’elles sont tacitement autorisées par leurs maris quand ils leur souffrent de trafiquer ; mais les maris ne peuvent jamais les autoriser pour aliener ou engager leurs immeubles lors qu’els les sont separées. La marchande peut obliger ses meubles comme les fils de famille et les esclaves pouvoient obliger leurs pecules ; filiifamilias obligari nec patrem obligare possunt, nisi pe-culio tenus, quod aequitate constitutum est, 5. 10. de action. aux Instit. Le creancier répondois qu’il étoit avantageux aux femmes marchandes publiques qu’elles pussent s’obliger à cause du profît qu’elles faisoient en leur trafic, que si elles peuvent bien s’obliger par corps, à plus forte raison elles peuvent hypothequer leurs immeubles. Il fut dit par l’Arrest que l’on pouvoit de-cteter la dot de la femme pour les obligations qu’elle avoit contractées comme marchande publique durant la vie de son mary d’avec lequel elle étoit separée de biens. Mais ce decret se faisoit sur des mineurs qui paroissoient heritiers du pere et de la mere, ce qui levoit toute la difficulté, car il est sans doute que la femme marchande publique peut engager les biens du maY y ; ainsi les enfans étant heritiers de l’un et de l’autre, on pouvoit decreter les biens tant du côté paternel que du côté maternel

Mais par un Arrest du 3. de Decembre 1657. donné en la Chambre de l’Edit au Rapport de Mr Deshommets, entre Mahieu et le Jeune, il fut dit qu’une femme marchande publique et separée de biens pouvoit sans l’autorité de son mary engager ses immeubles pour marchandise aussi bien que ses meubles, et que c’étoit une exception au Reglement de 1600.

Depuis le contraire a été jugé, que la femme marchande publique ne pouvoit engager ny ny pothequer ses biens dotaux : La Cause en fut plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre entre Anne de la Garde, veuve de Mr Jean Guilbert Procureur en la Cour, Appellante du Sailly de Roüen, et Jean de la Riviere tuteur des enfans d’Elisabeth de la Riviere, femme de David His son mary, Intimé : L’on representoit pour l’Appellante que si cette liberté que lon accordoit à la femme marchande publique ne produisoit point d’obligation sur sa dot c’étoit luy donner le moyen de tromper ses créanciers ou luy ôter le moyen de trafiquer, dautant que n’y ayant point de seureté on ne voudroit point negocier avec elle, que l’on ne pouvoit se servir contr’elle de l’exemple des esclaves, car ils n’avoient d’autres biens que leur pecule, de sorte que l’on n’étoit point trompé lors que l’on contractoit avec eux, chacun sçachant et connoissant les biens sur lesquels ils pouvoient mettre à execution leurs créances. On réponloit pour les enfans que la Coûtume de Normandie ayant pris un soin si particulier de con-erver le bien des femmes, ce seroit mal comprendre son intention que d’en permettre Paienation ou l’engagement aux femmes mariées sous pretexte de commerce, qui leur apportoit rrdinairement plus de dommage que d’utilité : La Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest au Rapport de Mr Busquet du 9. de Juillet 1670. la Sentence fut confirmée, quoy qu’il fût constant au procez que la femme étoit marchande publique et qu’elle avoir une boutique de lingere, et que l’obligation fût causée pour vente de toiles On a donné depuis un Arrest qui peut faire encore douter de la Maxime, et rendre cette

Jurisprudence problematique : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 9. de Mars 1667. Judith le Boulanger marchande lingere fût condamnée personnellement au payement de plusieurs obligations, quoy qu’elles fussent conçûës sous le nom de Jonas Piedelou son mary : Cette femme étoit Maîtresse lingere et faisoit grand commerce de toile, les obligations étoient au nom du mary, comme aussi les factures : Les affaires du mary étant tombées en desordre la femme fut condamnée au payement des cedules, dont ayant appellé et obtenu incidemment des Lettres de restitution contre quelques obligations où elle avoit signé et contre sa signature à l’acte d’attermoyment que son mary avoit fait avec ses créanciers : De l’Epiney concluoit à son appel et à ses Lettres, par cette raison que les factures et les envois des marchandises étoient au nom du mary, que luy seul avoit signé les obligations, et que par consequent l’on devoit presumer que luy seul avoit fait le commerce : Je répondois pour les creanciers que sa qualité de Maîtresse lingere faisoit voir qu’elle étoit marchande publique, et bien que les obligations eussent été signées par le mary elle n’étoit pas moins obligée ayant fait son profit des marchandises, et son mary n’étant que comme son commis, tanquam institor : Par l’Arrest elle fut deboutée de son appel et de ses Lettres.

Cette même affaire fut encore portée en l’Audience de la Grand. Chambre le 22. de Decembre 1671. entre Loüis des Ormeaux et François Fulgent, et Estienne Piedelou, et ladite Judith le Boulanger sa mere, et par Arrest il fut jugé qu’elle avoit pû engager les deux tiers le sa dot ; Plaidans de Meherent, Greard, de Cahagnes, et Theroude. Il y avoit du fait particulier, le mary et la femme avoient fait banqueroute, et par un accord fait avec leurs creanciers ils leur avoient fait perdre la moitié de leurs dettes : Tout le bien ne valoit que saize mille livres, et les dettes montoient à vingt-six mille livres : On crût qu’il y avoit de a mauvaise foy et du crime, et ces circonstances prevalurent dans l’esprit des Juges. Mr le Guerchois Avocat General representa que le fait particulier devoit decider cette sorte de Cause, et il cita deux Arrests pour deux femmes qui s’étoient renduës adjudicataires des biens de Justice : Il fut jugé contre la femme du Normand, Vicomte de Vernon, qu’elle avoit pû obliger sa dot, et même son corps pour une folle enchere, parce que l’on y remarqua de la traude et de la malice ; au contraire la Demoiselle de Soquentot qui s’étoit renduë adjudicataire de la Terre de la Mare fut déchargée à l’égard de ses biens dotaux et pour sa personne de la folle enchere qui luy étoit demandée, parce que l’on remarqua qu’elle avoit été surprise et que lon avoit abusé de son nom ; mais sans ces circonstances particulières, c’est l’o-pinion la plus commune et la plus conforme à la Coûtume et aux Maximes de cette Province, que les dettes contractées par la femme marchande publique ne peuvent être acquitées sur ses biens dotaux ; ainsi la femme marchande publique n’a point plus de liberté de disposer de ses biens que la femme qui est separée ; l’une et l’autre peuvent disposer de leurs meubles et de leurs acquests, et pour leur revenu elles ne poutroient pas l’engager entierement, et il faudroit toûjours en laisser une portion pour leur subsistance ; mais ny la femme separée ny a marchande publique ne peuvent engager ny aliener leurs biens dotaux quoy que leurs maris les autorisent et y prétent leur consentement, Plusieurs Coûtumes considerent le commerce en deux manieres ; ou il se fait par le mary, et en ce cas la femme n’est point obligée à ses dettes ; ou la femme fait elle-même un commerce separé de celuy de son mary, et en ce cas elle s’oblige valablement quoy qu’elle ne soit point autorisée par son miry ; l’approbation tacite que le mary donne à son commerce en luy souffrant de negocier est une autorisation ge-nerale pour tous les actes qui en dépendent, et cette autorisation presumée a le même effet que si le mary étoit present et qu’il signât au Centrat.

Quelques Coûtumes neanmoins y mettent de la difference : Par celles de Poictou, Laon et Rheims, la femme en cas de marchandise peut être convenuë, mais elle ne peut pas agir sans l’autorité du mary : Suivant les autres comme en celle de Berry, elle peut être convenuë et elle peut convenir, mais elle ne peut obliger son mary sans son consentement : Les autres enfin comme Nivernois, Auxerre, Orléans, Biois et Paris disposent qu’elle peut agir, qu’elle peut tre convenuë et obliger son mary, ce qui a donné lieu à ce proverbe que le tablier oblige le mary : Coquille en ses Institutions du Droit François a dit que la marchandise publique vaut ne separation, que la femme qui l’exerce apit et oblige valablement les biens de son mary, parce qu’il en souffre et qu’il en profite ; et non seulement elle oblige ses biens, mais elle oblie aussi sa personne de la même façon qu’elle s’est engagée ; de sorte que si elle a contracté Fresne ne obligation par corps, il peut être contraint par l’emprisonnement de sa personne : Ainsiagé au Parlement de Paris, par Arrest rapporté par du Fresne en son fournal des Audiences, l. 2. c. 4. et par Ricard sur l’Article 234. de la Coûtume de Paris. Cette Jurisprudence est fondée sur la faveur du commerce, et comme le mary profite du gain qui provient du negoce de sa femme, et qu’il est le maître des meubles lors qu’elle n’est point separée, il est juste qu’il soit astreint aux obligations contractées par sa femme qui concerne le trafic dont elle se méles nam ex qua persona quis lucrum capit, ejus factum prestare debet, l. 149. De Regul. jur. Il en est responsable comme un marchand de son facteur ou commissionnaire, l. 1. de instit. act. Agnés du Moustier femme d’un nommé Fichet, maître Platrier à Roüen, faisoit commerce de toiles, aprés la mort du mary, le fils d’un premier matiage fut constitué tuteur aux enfans du second it, et en cette qualité il fut poursuivy par plusieurs lingeres creancieres d’Agnés du Moustier qui ne rapportoient neanmoins d’autres preuves de leurs creances que de certains Registres escrits de la main de ladite du Moustier, et la reconnoissance qu’elle avoit faite que leurs deman-des étoient legitimes : L’affaire portée en l’Audience de la Chambre de l’Edit, je dis pour les creanciers que ladite du Moustier n’avoit pas seulement obligé son corps et ses biens, mais aussi ceux de son mary, puis qu’il luy avoit permis de faire négoce publiquement et à son vû et sçû, ce qui étoit d’autant plus raisonnable qu’il en avoit eu tout le profit étant le maître de tous les biens de sa femme. Theroude concluoit contre les heritiers du mary qu’ils étoient obli gez de décharger sa partie et d’acquitter toutes ses dettes puis que ses biens appartenoient à tion mary. Greard pour le tuteur des enfans du mary se défendoit par cette raison qu’il ne paroissoit aucune obligation par écrit, que la reconnoissance de ladite du Moustier n’étoit point considérable pouvant être faite par intelligence et pour des dettes supposées qu’elle partageroit ensuite avec les creanciers. Il ne convenoit pas même qu’elle eût fait marchandise par le consentement de son mary. La Cour par Arrest en la Chambre de l’Edit du 20. de Février 1658. ondamna et par corps Agnés du Moustier au payement des dettes, et déclara les meubles et immeubles du mary affectez au payement d’icelles, et que les meubles saisis seroient vendus. et les deniers payez aux creanciers de ladite du Moustier : Bérault a rapporté un Arrest par lequel une veuve marchande qui faisoit marchandise fut déchargée de la condamnation par corps, parce qu’elle ny étoit pas expressément obligée ; mais il suffit que l’obligation soit de telle nature qu’elle emporte de soy, et sans une stipulation particulière une obligation par corps, tel-les que sont toutes celles qui sont conçuës pour marchandises ; et en cette matière une femme dibre et non mariée n’a point plus de privilege qu’un homme : Aussi le contraire a été jugé en plus forts termes par l’Arrest dont je viens de parler, car il n’y avoit pas même d’obligation du fait de ladite du Moustier.

Nôtre Coûtume est presque la seule qui ne traite point de cette matière ; nous avons neanmoins le même usage comme on le peut remarquer par l’Arrest dont je viens de parler : Et la femme marchande publique peut obliger ses biens et ceux de son mary, mais toutefois cela ne luy donne pas la liberté de perdre sa dot ; la Coûtume a régardé les femmes comme un sexe fragile qui peut être aisément surpris et trompé : La Loy les met en la curatelle de leurs maris, ce qui preserve entierement leurs biens : Elles peuvent véritablement les aliener du consentement de leurs maris : Mais pour faire subsister ces alienations, il faut qu’elles en trouvent le remplacement sur les biens de leurs maris, autrement elles ont action pour les reprendre des mains des acquereurs.

Il n’y a que deux exceptions à cette Regle comme on le verra dans la suite : Le crime par elle commis, et l’extrême nécessité du mary, de la femme et de ses enfans ; hors ces deux cas la dot est inalienable et les enfans sont en seureté. Mais la Coûtume n’a point parlé du fait de marchandise, et ce cas n’eût point été obmis si elle avoit eu cette intention que par le neoce la femme pût obliger ses biens dotaux,

On oppofe que la femme marchande publique s’oblige par corps, et que l’obligation par corps est plus importante que celle des biens. On répond que quand. on condamperoit la femme par corps lors qu’elle s’y est obligée pour le bien du commerce et pour la seurété publi-que, il ne s’ensuivroit pas qu’elle pût engager sa dot ; les mineurs qui font marchandise se peuvent obliger par corps suivant les Arrests remarquez par MrLoüet , et toutefois il ne s’ensuit pas qu’ils puissent aliener leurs biens.

Mais quand la femme pourroit engager ses immeubles, ce ne seroit qu’en cas que le bien du mary fût suffisant pour en porter le remplacement, autrement l’obligation est nulle, car la quaité de marchande publique ne peut operer au plus qu’une separation ou un agréement tacite du mary de tous les actes qu’elle a faits concernans son commerce, comme si luy-même voit signé, que si le mary ou la femme avoient vendu ou s’étoient obligez conjointennt, or en ce cas le remplacement en seroit asseuré à la femme ; d’ailleurs le mary en cette Province est le maître absolu de tous les meubles : Tout ce que la femme ménage, tout ce qu’elle cquiert est pour le compte et pour l’utilité du mary ; et par cette raison il n’est pas juste que on bien en souffre, s’il en étoit autrement toutes les femmes pourroient être ruinées aisément, il n’y auroit point de mary lequel pour se rendre maître du bien de sa femme ne luy vermit de negocier et de faire un commerce separé du sien.

Les Atheniens avoient une Loy tres-sage, ils ne permettoient point aux femmes de faire Pithou commerce au dessus de la valeur de six boisseaux d’orge : Voyez Isidor. l. 9. C. ult. Pithoi ur la Coûtume de Troyes, t. 5. Article 8o. En Normandie on est si fort prevenu de cette opinion que la femme ne peut perdre sa dot que si elle avoir accepté une succession onereuse, elle seroit restituable à l’effet que sa dot ne peût être affectée aux dettes : Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 5. Juillet 1635. pour la nommée Gaillard veuve, appellante et demanderesse en Lettres de Requête Civile et de restitution contre les actes faits par son mary qui avoit accepté pour elle une succession, dont les créanciers la vouloient assujettir aux dettes vû qu’elle avoit pris part aux meubles de son mary, ce qui la rendoit nom recevable à blamer l’adition d’heredité qu’il avoit faite en son nom ; et par l’Arrest elle fut déchargée de la poursuite des créanciers en rapportant les meubles qu’elle avoit eûs de la succession de son mary.

Non seulement le mary qui permet à sa femme de faire un commerce separé du sien s’engage aux dettes qu’elle contracte, mais il est aussi tenu d’acquitter celles où elle étoit obligée lors qu’il l’épousa. C’est la disposition expresse de plusieurs Coûtumes que qui épouse la femme épouse les dettes : et la Coûtume de Blois, Article 180. use de ces termes que qui épouse une semme, l’épouse cum honore et onère. Cette Regle est fondée sur ces deux raisons ; La premiere que regulierement tous les meubles de la femme appartiennent au mary, et qu’ainsi les dettes s’acquittant ordinairement aux dépens des meubles, le mary qui en profite doit en avoir la charge. Suivant cette Regle, cujus est commodum ejus esse debet & incommodum : On allégue pour seconde raison que le mary a la joüissance des biens de sa femme, et que de ce revenu il doit payer les dettes de sa femme.

Comme cette obligation où l’on engage le mary d’acquitter les dettes contractées par sa femme avant son mariage, est fondée principalement sur le gain qu’il fait des meubles de sa emme, il seroit juste de l’en décharger s’il n’en profitoit point, comme il arrive lors que la semme les reserve à son profit, ou bien que l’inventaire en a été fait. Cependant comme la püissance des biens de sa femme luy resteroit encore, il est malaisé de l’exempter de cette charge, que par la separation de biens ou par une stipulation expresse de son Contrat de mariage.

On a aussi plusieurs fois agité cette question si le bien de la femme pouvoit être obligé pour les dépens que l’on auroit obtenus contre le mary, qui défendoit les interests et le bien de sa semme ; Il se trouve des Arrests contraires ; par un Arrest donné en la Chambre des Enquêtes de 23. de Novembre 1644. au Rapport de Mr d’Anviray, entre Me Guillaume le Miere, Curé de Thorigny appellant, et Remy Bailly, Gilles Jeanne et autres, il fut jugé que les dépens obrenus contre le mary dans la suite d’un procez qu’il avoit entrepris pour le bien de sa femne, quoy qu’il l’eûr fait de son consentement, et que même elle fût employée dans les actes com-me presente qu’ils seroient pris sur les biens du mary, et que la femme pouvoit rentret en la possession de son fonds que son mary avoit vendu pour le payement de deux cens livres à laquelle on avoit reglé ces dépens : Autre Arrest du 17. de Juillet 1664. pour Demoiselle de Launoy, veuve de Mr Bigars, sieur du Ménil-sous-Vienne, et les heriitlers dudit sieur de Bigars : Ce mary avoit entrepris un procez contre le sieur Maineville pour les honneurs de l’E-glise du Ménil-sous-Vienne, qu’il pretendoit à cause d’un fief appartenant à sa femme, mais en étant déchù avec dépens et étant mort, incontinent aprés ses heritiers concluoient contre sa veuve qui avoit renoncé à sa succession, que ces dépens devoient être payez par elle mais ils furent deboutez de leur demande : Dans l’espèce de cet Arrest, il n’y avoit pas lieu de condamner la femme, parce que c’étoient les heritiers du mary qui pretendoient une recomense des dépens jugez contre le mary. Or il est cettain que c’est toûjours au mary à payer les dépens ; et la question consiste en ce pgint, à sçavoir si lors que le mary est insolvable les dépens pouvent être demandez à la femme lors que le procez a été formé pour la défense et our la conservation de son bien

Au contraire par Arrest du 3. de Mars 1634. une femme separée de biens fut condamnée à payer les dépens que l’on avoit obtenus contre son mary avant sa separation, pour avoir soûtenu qu’une rente de cent livres pour laquelle on decretoit le bien de sa femme n’étoit point dûë, parce qu’on ne representoit point la minute du Contrat, mais cette minute ayant été trouvée on le condamna aux dépens : Sa femme s’étant fait separer de biens elle soûtint qu’elle n’étoit point tenuë de ces dépens-là, qu’autrement un mary poutroit ruiner sa femme par de nauvaises procedures : Le créancier luy objectoit que le mary étoit le maître des actions actives et passives de sa femme, qu’il pouvoit sister pour elle en Jugement, et la condamnation principale jugée contre luy étoit executoire sur les biens de la femme, la condamnation de dépens suivoit le principal, qu’il en étoit de même que des dépens jugez contre le tuteur qui peuvent être exigez sur les pupilles, sauf leur recompense sur leur tuteur s’il a mal geré, sur tout il falloit considerer si le mary habuit justam litigandi causam ; or au fait dont il s’agissoit le mary tachoit de décharger le bien de la femme du payement d’une rente : Par Arrest u Rapport de Mr de Montaigu la femme fut condamnée à payer les dépens. Les Parties. étoient le Peigné, Bessot et sa femme : Voyez un pareil Arrest sur l’Att. CCCLXXXII.

Nonobstant cet Arrest on jugea le contraire le 12. de Janvier 1668. plaidans le Quesne et Maurry le jeune, et que la femme n’étoit point obligée de payer les dépens jugez contre son mary quoy que le procez fût mû pour la conservation du bien de la femme, et que c’est au mary seul à faire les frais du procez puis qu’il a la joüissance de son bien, et quand il seroit insolvable il ne peut engager le bien de sa femme par une mauvaise procedure : les Parties étoient Boivin et Marencour, femme du Breton. Il ne semble pas raisonnable que le creancier souffre la perte de ses dépens aprés avoir gagné son procez, et pour reduire les choses dans l’ordre le creancier quand il s’agit du bien de la femme ne doit pas convenir le mary seul, il doit aussi mettre la femme en Gause et linterpeller de faire sa déclaration si elle enrend le soûtenir ; en ce cas la Partie ayant pris toutes les precautions necessaires si le mary est insolvable le creancier ne doit pas en porter la peine, quand il n’a pas été en son pouvoit de se mettre à couvert d’un mauvais procez : mais quand la femme n’a point été appellée u procez, et qu’outre cela le mary n’a point eu justam litigandi causam, et qu’il paroit de la mauvaise procedure, le mary ne peut faire prejudice à sa femme : Cela fut jugé de la sorte en la Chambre de Tournelle, le 17. de Decembre 1667. Lempereur, creancier de Marie.

Carré, avoit poursuivi le Carpentier son mary qui s’étoit défendu et avoit produit une transaction fausse, ce qui le fit condamner aux interests et aux dépens : Lempereur ayant saisi les biens de la femme à cause que le mary étoit insolvable il soûtenoit son execution bonne, parce que le procez avoit été entrepris pour le bien de la femme, et que soi mary comme son curateur l’ayant défenduë ces dépens devoient être payez par elle ; au contraire la femme luy objectoit qu’elle n’avoit point été appellée au procez, et que ces dépens-là resultoient pour la pluspart d’une procedure criminelle où elle n’avoit aucune part, et à laquelle son mary seu avoit donné lieu : Par lArrest on luy accorda main-levée de ses biens failis, plaidans Hurarc et le Carpentier.

La Coûtume permet au mary de vendre l’héritage de sa femme de son consentement, néanmoins elle ne donne ce pouvoir au mary que quand il a moyen de la recompenser sur ses biens, car à ce defaut elle peut rentrer en la possession, le but general de la Loy étant que a femme ne le puisse perdre : De là nait cette difficulté, si le mary peut vendre les bois de haute-fûtaye étant sur le bien de sa femme, pourvû qu’elle y donne son consentement ; Le mary s’aidoit de cet Article, et puis que le bois est immeuble il concluoit qu’il le pouvoit vendre : Cela luy étoit contredit par la seur et presomptive héritière de la femme sinon en baillant caution, car il falloit faire différence entre le fonds de la femme et les bois, quand le fonds est vendu la femme quoy qu’elle y ait consenty n’en souffre point de dommage, parce que si le remploy n’en peut être pris sur le bien du mary elle rentre en possession de son heritage : Cela ne se pourroit pas faire pour les bois de haute-fûtaye étant vendus, et le mary n’ayant point de bien pour fournir le remploy il ne resteroit aucun moyen à la femme pour se recompenser. Je répondois pour le mary que l’asseurance du remploy s’y rencontroit entierement, parce que sa femme luy avoit donné le tiers de ses biens pour son don mobil ; par Sentence du Juge des lieux on avoit permis au mary de vendre le bois à la caution de son lon mobil, ce qui fut confirmé par Arrest en la Chambre de l’Edit du 7. de May 1653. Sans. lette feureté on n’auroit pas permis au mary de vendre les bois de haute-fûtaye étant sur e bien de sa femme.

Le mary n’ayant l’administration du bien de sa femme que durant le mariage, il semble que la femme n’est pas obligée d’entretenir le bail fait par son mary, si elle y étoit tenuë ce seroit une espèce d’alienation que le mary auroit faite de son bien, la l. Si quis domum. ff. locari l’a décidé pour l’usufruitier ; le contraire a été jugé plusieurs fois, et notamment par Arrest du 13. de Janvier 1639. contre un nommé du Bose qui vouloit expulser le fermier auquel son pere avoit fait bail du bien de sa mere constante matrimonio, et que la Loy si quis domum ne venoit pas à propos en cette occasion, car elle parle d’un simple usufruitier, mais le mary est en quelque façon Dominus dotis constant le mariage ; plaidans Barate et Lesdos.

Le Beneficier qui est pourvû per obitum n’est pas tenu d’entretenir le bail fait par le precedent Titulaire ; on a demandé si un simple. &conome avoit le même pouvoir : Mr Boutaus Evéque d’Evreux avoit fait bail à quelques particuliers de biens dépendans de son Evéché, Aprés sa mort l’econome fit un bail de ces mêmes choses à un autre, mais par un prix beaucoup plus grand ; sur la preférence entre ces deux fermiers celuy de l’oeconome fut mainenu par une Sentence confirmée par Arrest du premier de Février 1663. plaidans Aubout et Lyout. La Coûtume de Paris, Art. 227. y est expresse ; Peut le mary faire baux à loyer de six ans, pour héritages assis à Paris, et à neuf ans pour héritages assis aux champs, et au dessous sans fraude, si le mary le fait pour un plus long-temps il ne laisse pas d’être obligé de l’entretenir ant qu’il vit :’Ex contractu locationis heredes etiam obligantur. I. Viam veritatis, C. locato.

Ce n’est pas assez que le Contrat porte que la femme y ait consenty, il faut qu’elle ait été capable de donner ce consentement, c’est à dire qu’elle fût majeure, et neanmoins dans cette espece on n’eut point d’égard à la minorité. Le Tessier n’ayant point voulu prendre une succession échûë à la nommée Tessier sa femme, elle se fit autoriser en Justice pour acquiter les dettes de cette succession, elle vendit une maison qui en faisoit partie : Cette femme ayant assé en un second mariage demanda à rentrer en la possession de cette maison à cause qu’elle étoit mineure lors de la vente, ce qui la rendoit nulle suivant cet Article, et quoy que les dix ans fussent passez on ne pouvoit se prevaloir de cette fin de non recevoir contr’elle, vû qu’elle étoit in nexu mariti, et par consequent dans l’impuissance de poursuivre ses droits, et la prescription n’a cours que du jour que l’empeschement a cessé : On luy répondoit que quand elle eût été véritablement mineure, elle étoit indigne du benefice de restitution s’étant déclarée majeure, et comme ceux qui ont obtenu un benefice d’âge ne sont point restitnables, ne hi qui cum illis contrahunt principali rescripto circumseripti esse videantur, l. 1. C. de his qui ven. ctat. impetr. Aussi cette femme ayant obtenu des Lettres d’autorisation et fait les ctes d’une personne majeure elle ne pouvoit plus alléguer sa minorité, et qu’enfin elle ne étoit point pourvûë dans les trente ans de son âge, l’exception qu’elle étoit sous la puissance de son mary n’étant point valable puis qu’elle étoit autorisée, et par consequent capa-ble d’agir pour tous les actes qui dépendoient de cette succession, l’acquereur ayant été mainrenu par Sentence, elle fut confirmée par Arrest du 14. de Decembre 1645.

Le consentement prété par la femme doit être volontaire et sans contrainte, car les Conrats exigez par force sont nuls. Nos Jurisconsultes font de deux espèces de contrainte, una precisa est, que nos itaqapmpellit agere aliquid, ut in nobis non sit utrum agamus : hec vis omnino impedit consensum & voluntatem, altera conditionalis et causativa est, que mixtam habet voluntatem. Siquidem voluntus in nobis est, attamen metu quodam voluntas illa olicitur, c’est une volonté libre et neanmoins contrainte. Pour parvenir à la récision du Contrat sur le pretexte de force et de crainte, la Coûtume demande une crainte telle qui tombe en l’homme constant, autrement si la seule reverence maritale étoit suffisante toutes les femmes se serviroient de cette excuse : Quando metus prasumatur, videMenoch . de Prasumpt. l. 4. prasumpt. 4. n. 36.