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CCCCCXXXIX.

Hypotheque du remplacement du dot.

Si le dot de la femme a été aliené en tout ou partie, et que les deniers ne soient convertis à son profit elle aura recompense du juste prix sur les biens de son mary, du jour du Contrat de mariage et celebration d’iceluy.

Cet Article contient trois décisions fort importantes : La premiere, que si les deniers provenans de l’alienation des biens de la femme n’ont point été remployez, elle peut en deman-der recompense sur les biens de son mary : La seconde, que cette recompense luy est dûë sur die juste prix de la valeur de ses héritages : Et le troisiéme, que pour cette recompense, elle a ny potheque sur les biens de son mary du jour de son Contrat de mariage.

I n’est pas necessaire que le remploy soit stipulé, il est dû de plein droit : En quoy paroit la sagesse de nôtre Coûtume qui n’a jamais permis que le mary pût rendre sa femme malseureuse en dissipant son bien, ou en se l’appropriant par la vente qu’il en feroit sans luy en faire aucune recompense : Elle permet bien au mary de disposer du bien de sa femme par son consentement ; il peut bien recevoir le rachapt des rentes qui luy sont dûës, mais c’est toûjours à cette condition que le mary en fasse le remploy sur ses biens, et s’il arrivoit que ce mary n’eût pas dequoy le remplacer, la prevoyance de la Loy passe encore plus avant, le consentement que la femme avoit prété à l’alienation de son bien devient inutile à l’acquereur, et nonobstant iceluy elle rentre en la possession de ses biens alienez sans aucune restitution de deniers, bien que son mary les eût reçûs de son consentement.

La condition des femmes matiées n’étoit pas autrefois si heureuse : La pluspart des Coûtumes de France ne leur donnoient aucune action pour demander le remploy de leurs propres alienez par leurs maris, lors qu’ils avoient fait cette alienation de leur consentement, car par aucune jurisprudence soit du Droit Romain ou du Droit Coûtumier, le mary n’a jamais eu le pouvoir d’aliener les propres de sa femme sans son consentement ; mais en France le mary ne pouvoit se lever assez matin pour vendre le bien de sa femme, dautant qu’il n’étoit point robligé d’en faire le remploy, s’il n’avoit été expressément siipulé par le Contrat de mariage : Le temps ayant fait paroître les inconveniens de ce mauvais usage, la nouvelle Coûtume de Paris, Article 232. et plusieurs autres ont corrigé cet abus, et le remploy des biens de la femne alienez durant le mariage se prend sur les effets de la communauté, ou au defaut sur les propres du mary, encore que le remploy n’ait point été stipulé. En païs de droit écrit l’alienation du fonds dotal est nulle, même du consentement de la femme ; la raison est qu’il n’y a oint de communauté, et que par consequent la femme ne peut profiter de cette alienation et n’en pouvant profiter elle est toûjours presumée faite par l’autorité du mary ; mais cette liberté fondée sur ce que la femme est presumée faire cette alienation à son profit, et pour augmenter par le moyen des deniers qu’elle en reçoit, la communauté où elle prend part. La Coû-tume de Normandie tient une voye metoyenne entre le Droit écrit et les autres Coûtumes de France : Elle donne véritablement à la femme la liberté d’aliener ses immeubles par l’autorité de son mary ; c’est toutefois à cette condition de ne pouvoit jamais profiter des deniers provenans de cette alienation, car si elle se rend héritière aux meubles et acquests de son mary elle ne peut en demander le remploy aux autres heritiers qu’en confondant sa part à proportion de ce qu’elle a prix en la succession : Elle ne peut encore faire annuller l’alienation ny troubler les acquereurs qu’en renonçant à la succession de son mary : La Coûtume luy donne un avantage qu’elle n’a pas dans les autres Coûtumes ; c’est qu’en cas que les biens du mary ne soient pas suffisans de luy foutnir son remploy ; elle peut déposseder les acquereurs bien qu’elle ait parlé aux Contrats ; et par la Coûtume de Paris elle peut bien demander le remploy de ses propres, mais encore que le mary soit insolvable elle ne peut troubler les aequereurs lors que la vente a été faite de son consentement.

Mr Cujas en sa consultation vingt-huitième estime que la femme peut remettre son droit d’hypotheque qui luy est acquis sur les biens de son mary, et que cette remise est valable et ne peut être revoquée, parce qu’elle ne ressent ny la donation ny le cautionnement, nec donatoni, nec intercessioni similis est ; Bartole et plusieurs autres Interpretes du Droit sur la l. Ja-bemus, C. ad Senat. Consult. Velleian. sont de ce sentiment, que si cette remise avoit été faite par la femme durant le mariage elle seroit nulle : Et Mr Cujas demeure d’accord que l’opinion de Bartole seroit plûtost suivie, car si la femme étant en pleine liberté avoit renoncé à l’hygotheque qui luy appartenoit sur les biens de son mary, cette renonciation seroit bonne dau-ant qu’étant capable de contracter et d’aliener son bien, elle avoit pû se departir de ses droits.

Il ne suffit pas que les deniers ayent été convertis par le mary en acquisition d’autres heritages, il faut que sa femme ait agreé ce remploy : Berault sur cet Article a dit que si des de niers de l’alienation le mary en a fait un acquest avec déclaration que les deniers procedoient de cette alienation, cet acquest appartiendroit à la femme. Cela est véritable lors que la femme a accepté ce remploy, autrement elle peut le refuser, la déclaration seule du mary ne suffit pas, l’acceptation de la femme est necessaire ; mais lors qu’elle s’en contente et que le mary n’a rien fourny du sien, bien que le fonds soit de plus grande valeur, les heritiers du mary ne peuvent pas repeter la plus valeur ; le mary n’est point reputé faire un avancement à sa femme en acquérant pour elle à vil prix et à bon marché, parce qu’il ne luy en coûte rien et que ses biens n’en sont point diminuez ; et l’opinion de Berault n’est point véritable que de l’héritage cquis par le mary des deniers provenans de la vente des propres de la femme, elle n’en doit avoir que jusqu’à la concurrence de la somme provenuë de la premiere Il y a neanmoins certains cas où la femme pourroit aliener son bien sans en pouvoir demander recompense à son mary, en voicy un exemple. Une femme nommée Mazier par son Contrat de mariage avec le sieur de Monblaru avoit retenu la faculté de disposer du tiers de ses immeubles ; elle usa de cette faculté et vendit quelque héritage au sieur de Normanville, aprés sa mort sans enfans, les nommez Mazier soûtenoient que la vente étoit nulle pour avoir été faite sans l’autorité du mary ; et qu’en tout cas si elle étoit jugée valable la recompense luy en étoit dûë sur les biens du mary : Ces heritiers furent deboutez de leurs conclusions, tant contre l’acquereur que contre les heritiers du mary : Sur l’appel ils disoient que c’étoit un immeuble de la femme vendu constant son mariage, et que par consequent la recompense luy en étoit dûë sur les biens du mary, suivant cet Article que la faculté retenue par la femme étoit considérable, pactis enim privatorum juri publico derogari non potest, et si cela étoit permis toutes les femmes se reserveroient ce pouvoir. Il est vray qu’en se mariant elle auroit pû donner le tiers de son bien, mais n’ayant point fait ce qu’elle pouvoit faire en un temps oû elle étoit de condition libre, elle n’avoit pû user de son droit depuis qu’elle étoit passée sous la puissance d’un maty, cette vente n’ayant été faite apparemment que pour tourner à son profit : Le sieur de Normanville acquereur étant son amy particulier, ce mary devoit êtré content des meubles qu’il avoit eus, et qui valoient plus de douze mille livres : Cloüet pour le sieur de Normanville, et de l’Epiney pour le sieur de Monblaru répondoient que cette clause du Contrat de mariage étoit legitime, et qu’en vertu d’icelle la femme avoit eu le pouvoir d’exercer cette faculté constant son mariage sans l’autorité de son mary, lequel n’étoit point tenu de faire le remploy d’une alienation que la femme avoit pû faire malgré luy, et disposer des deniers à sa volonté ; et quand même il auroit profité des deniers, il ne devroit pas être chargé du remploy, parce que la femme auroit pû luy en faire un don par son Contrat de mariage, et en ce cas en vertu de la faculté qu’elle avoit recûë on donneroit un effet retroactif au temps du Contrat de mariage : Par l’Article CCCCXVII. la femme peut se reserver la faculté de tester ; elle peut done aussi se reserver le pouvoir de vendre : Par Arrest du 15. de Juillet 1666. la Sentence fut confirmée.

Nous tenons aussi cette Maxime qu’il ne se fait de remploy de Coûtume à Coûtume ; de forte que le bien d’une femme situé dans une autre Province ayant été vendu par son mary elle ne pourroit en demander le remplacement sur ses immeubles situez en Normandie, cela fut jugé par Arrest du mois de Mars 1620. sur un partage de la GrandeChambre. Un homme et une femme matiez en Normandie avoient vendu constant leur mariage quelques héritages appartenans à la femme situez en Picardie ; cette femme en ayant demandé le remploy on mut cette question, si en consequence du domicile que les mariez avoient en Normandie ce remploy étoit dû sur les biens de Normandie ou au moins sur ceux que le mary possedoit en Picardie, vû que la Coûtume de Picardie ne dispose rien touchant ce remploy : Il fut jugé qu’il n’étoit dû aucun remploy.

Autre Arrest sur ce fait. Anne le Breton, femme de Mignouffet, possedoit des biens situez en la Coûtume de Dreux. En 1600. Mignouflet acquit tant pour luy que pour sa femme des erres situées à Evreux, lesquelles il donna pour remploy des biens de sa femme qu’il, avoit alienez depuis : nonobstant ce remploy il en vendit une partie à Chevalos. Aprés la mort de Mignoufler et de sa femme, le tuteur d’Antoine Mignoufler leur fils mineur étant poursuivi pour les dettes du pere, il déclata renoncer à la succession sans avoir pris neanmoins l’avis des parens, et accepta seulement la succession de sa mère : Damonville ayant fait saisir réellement les héritages de Mignouflet et compris en sa saisie ceux que Mignouflet avoit venduë. en 1608. les détenteurs et Antoine Mignouflet luy donnerent quelque argent pour l’obliger se desister de sa poursuite. En 1619. Antoine Mignouflet en vertu de Lettres de Loy aparente ajourna Chevalot et Tassot aux fins de luy delaisser les tertes qu’ils avoient acquiles en 1608. et qui avoient été baillées auparavant à sa mere pour remplacement de ses biens alienez ; les acquereurs luy objectoient qu’il étoit heritier de son pere, et qu’il en avoit fait acte par l’accord qu’il avoit passé avec Damonville, que la renonciation declarée par son tuteur n’étoit pas considérable ayant été passée sans deliberation de parens et hors la Jurisdiction du mineur : Et enfin que par la Coûtume de Dreux le mary n’est point tenu de remplacer le bien de sa femme, que tout remploy est dû aut ex jure aut ex conventione : Il n’étoit point dû ex jure, puis que la Coûtume de Dreux ne fordonnoit point : Il n’étoit point dû ex contuntione, le Contrat de mariage ne portant aucune stipulation de remploy : Mignouflet répondoit que si la Coûtume de Dreux n’accordoit point à la femme le remploy de ses biens, elle ne éfendoit pas au mary de le luy donner, et par consequent il avoit pû être fait, sur tout sur un bien situé en Normandie, où suivant la Coûtume le remploy est dû à la femme sans aucune convention, mais par le seul benefice de la Loy, et ipfo jure, que le mary agnoverat bonam fidem, et n’avoit pas voulu s’entichir aux dépens de sa femme. Le Juge d’Evreux avoit dit à tort l’action : Sur l’appel les Juges en la Chambre des Enquêtes se trouverent partagez, ce 15. de Juin. 1629. et le partage ayant été terminé en la Grand. Chambre l’11. de Juiller ensuivant la Sentence fut cassée, et en reformant il fut dit à bonne cause l’action, saut la plus valeur des héritages.

Les acquereurs paroissoient favorables, puis que fuivant la Coûtume de Dreux où les biens tienez de la femme étoient fituez la femme ne peut demander de remploy : et quoy que le nary eûit fait une declaration de remploy, toutefois comme il n’y étoit point obligé et que sa femme ne l’avoit point accepté il demeuroit le maître de cet héritage qu’il avoit acquis et une déclaration de remploy faite sans obligation et sans necessité ne le privoit point d’en disposer librement ; mais on répondoit que le mary ne pouvoit détruire ce qu’il avoit fait.

On a donné Arrest dans cette espece qui se peut offrir souvent : Une femme mariée au Perche et qui possedoit des terres en Normandie conjointement avec son mary et suivant les formes prescrites par la Coûtume de Normandie les bailla en échange contre d’autres héritages situez au Perche : Depuis ce mary et sa femme vendirent et échangerent en partie les heritages qu’ils avoient eus en contr’échange. Par la Coûtume du Perche les Conrats faits en cette maniere sont bons et valables, et la femme n’en peut gemander la récision : Et c’est pourquoy cette femme ne pouvant se pourvoir contre ces Contrats et ne trouvant aucuns biens en la possession de son mary, forma action contre les possesseurs de son bien assis en Normandie, pour faire dire qu’ils luy indiqueroient des biens appartenans à son mary, ou qu’elle rentreroit en la possession de ses héritages ; car les Coûtumes étant réelles il faut suivre celle du lieu où les héritages alienez sont assis, on ne pouvoit dire que par l’échange on luy ait donné un remploy suffisant puis qu’il se trouve aliené et qu’elle n’y peut rien pretendre, il tomboit en charge à l’acquereur du bien de la femme de luy faire valoir, le con-sentement qu’elle a prété aux Contrats ne pouvant avoir que cet effet de l’obliger à discuter les biens de son mary, et non point pour la priver du benefice de la Loy en cas qu’on ne luy adique aucuns biens : On répondoit que par le Contrat d’échange on avoit suffisamment pourvû à la conservation de son bien, et on avoit pleinement satisfait à l’intention de la Coûtume, et qu’on ne pouvoit imputer à l’acquereur que depuis cette femme par son imprudence et par son propre fait s’étoit privée de la recompense qui luy appartenoit. Il fut jugé suivant les conclusions de la femme, au Rapport de Mr du Val en 1624.

Cette question étoit difficile. Il est vray que les Coûtumes étant réelles l’acquereur étoit obligé d’assûter un remploy ; mais il n’étoit tenu de le faire que suivant la Coûtume de Normandie ; or si cette femme y avoit eu son domicile, elle n’auroit jamais perdu le remploy qui luy avoit été donné, Mais étant mariée et domiciliée sous une Coûtume qui la rendoit capaple de contracter de son bien, elle n’étoit pas récevable à implorer le secours de la Coûtume de Normandie qui luy étoit étrangere : Cet acquereur voulant traiter d’un bien d’une femme qui est en Normande, il a fait ce que la Loy luy prescrivoit ; il luy a fourny un autre fonds, que ss cette femme qui n’étoit point sujette à la Coûtume de Normandie a contracté de puis selon la Loy de son domicile, si elle a voulu se servir de la liberté qu’elle luy donnoit, et qu’en ce faisant elle ait perdu son bien par son propre fait, elle doit s’imputer son malheur sans en faire porter la peine à un acquereur qui avoit pour sa seureté exactement suivy tout ce que la Loy de son païs luy prescrivoit, et il seroit étrange que cette femme qui n’a rien fait que suivant sa Coûtume qui a disposé valablement de son bien pût retourner contre un acquereur qui avoit fait de son côté tout ce que la Loy de son domicile luy ordonnoit : quand on permet en Normandie à une femme de rentrer en la possession de son bien quoy qu’elle en ait consenty la vente, c’est que le consentement contient toûjours cette condition qu’elle puisse avoit sa recompense sur les biens de son mary, cessant quoy tous les Contrats qu’elle fait sont de nul effet, et en cela l’acquereur n’est point trompé, parce qu’il ne peut ignorer cette condition, mais il n’en est pas de même quand la femme par la Coûtume de son domicile peut aliener son bien et qu’elle peut le vendre sans aucune esperance de recours : en ce cas comme elle s’en prive volontairement et par son propre fait et sans en pouvoir être empeschée par l’acquereur, elle n’est pas recevable à le luy quitter, elle seroit obligée de remettre les choses au premier état, et puis qu’elle ôte à l’acquereur les moyens de rentrer en la possession du fonds qu’il luy avoit baillé, il ne luy reste aucune action contre luy ; mais la con-servation du bien des femmes dont nôtre Coûtume prend un soin si particulier l’emporta sur toutes ces considerations.

C’est le plus seur en ces rencontres de demander un remplacement en Normandie : Comme on le pratiqua sur ce fait. En l’année 1648. Pierre Viel, Bourgeois d’Elbeuf, se constitua en cent livres de rentes au profit d’Alexis le Metez, Bourgeois de Roüen, par Contrat passé devant les Tabellions de Roüen : Le Merez ceda cette rente à un nommé Gaillard son gendre, Bourgeois de Paris, lequel laissa deux filles qui furent mariées à Guillaume de la Folie et à Denis Dandin demeurans à Paris. En l’année 1675. Loüis de Flavigny ayant acquis quelques héritages de Nicolas Viel, il fut chargé d’acquitter les cent livres de rente qui étoient dûs aux representans du Merez, qui étoient lesdits de la Folie et Dandin, et lors qu’ils demanderent à Flavi-gny les arrerages de leur rente, il leur offrit aussi le principal en baillant par eux caution ou remplacement à cause que cette rente étoit le bien dotal de leurs femmes ; ils pretendirent devant le Juge d’Elbeuf où l’action fut portée, qu’étant domiciliez à Paris et faisant signer leurs femmes au Contrat de rachapt, ils n’étoient point obligez de bailler de caution ny de remplacement ; mais ayant été condamnez de bailler remplacement ou caution dans le Bailliage de Roüen, ils s’en porterent appellans à la Cour : De Lespiney et Maurry leurs Avocats disoient que par la jutisprudence du Parlement de Paris, les rentes constituées se partageoient suivant pa Coûtume du domicile du creancier, et ils pretendoient même qu’en fait de partage on l’avoit jugé de la sorte en Normandie par l’Arrest de Billon que j’ay remarqué sur l’Article CCLXII. et par celuy des heritiers du sieur du Bouley que j’ay aussi rapporté sur l’Article CCCXXIY. et par ce moyen faisant subsister cette rente en la personne du creancier, c’éroit un bien sujet à la Coûtume de Paris, suivant laquelle la femme pouvoit vendre et engager ses propres sans pouvoir troubler les acquereurs, l’Iniimé n’avoit rien à craindre ; car quand il s’agit de la capacité de contracter, on considère la Coûtume du lieu où l’on contracte ; de sorte que la femme se trouvant capable de contracter par la Coûtume de Paris, et cette rente ne subsista nt qu’en la personne du creancier, la Coûtume de Normandie n’étoit point considerable en cette rencontre, puis que le mary et la femme ne contractoient point dans son térritoire ny de choses qui fussent dans sa dépendance ; ils ajoûtoient que la Dame de Jussac ayant été colloquée pour sa dot à l’ordre et distribution des deniers de la terre d’Herouville située en Nor-mandie decretée sur son mary, elle en avoit été remboursée sans avoir baillé aucun remplace ment ayant fait voir aux Juges que suivant l’avis des Avocats du Parlement il n’y avoit lieu de luy demander son remplacement. Je répondis pour Flavigny que l’on ne pouvoit contester ces deux principes ; le premier qu’encore que la femme ait consenty à la vente de son bien, ne anmoins que suivant les Articles CCCCexXXIX. et CCCCexL. elle peut rentrer en la possession d’iceluy lors que les acquereurs ne luy peuvent fournir un remplacement valable sur les biens du mary ; et la seconde que les Coûtumes sont réelles, et que les particuliers ny peuvent déroger par aucune paction en quelque lieu qu’ils contractent, de sorte qu’en faisant voir que cette rente étoit un véritable immeuble assis en Normandie, et que les Articles 539. et 540. de la Coûtume contiennent une disposition réelle, il faudra necessairement suivre la Coûtume de Normandie.

L’on ne peut douter que cette rente ne soit un immeuble assis en Normandie, puis que non seulement le Contrat y a été passé, que le creancier y étoit domicilié, et que le debiteur y avoit tous ses biens ; mais principalement puis que suivant l’usage notoire et constant de cette Province, les rentes constituées ne sont point attachées à la personne du creancier, et qu’au contraire elles suivent la nature et les conditions des biens affectez à la rente : D’où il s’ensuit que tous les biens de l’obligé étans en Normandie, cette rente y doit avoir necessairement sa situation, et comme l’on demeuroit d’accord que l’alienation que feroit une femme mariée à Paris d’un héritage situé en Normandie ne pourroit subsister sans un remplacement valable : Par la même raison cette rente étant reputée un immeuble, le rachapt n’en peut être fait avec seurété qu’en stipulant un remplacement ; ce qu’on allégue de l’usage de Paris pour le partage des rentes n’est point considérable puis que nos Maximes sont contraires, et tant s’en faut que par les Arrests que l’on a citez l’on ait suivi la Jurisprudente de Paris ; on a maintenu l usage observé de tout temps en Normandie, comme on le peut remarquer par les raisons ui servirent de motifs à ces Arrests ; aprés tout il ne s’agit pas de partage, mais de sçavoir si des femmes mariées à Paris peuvent aliener leurs immeubles de Normandie sans bailler remplacement ; Or comme les Appellans peuvent changer de domicile, il arriveroit que s’ils renoient demeurer en Normandie cette rente reprendroit la nature d’un bien de Normandie, ce qui donneroit lieu à ces femmes de s’attaquer à l’Intimé, et il ne suffit pas de dire que quand il s’agit de la capacité de contracter l’on considère le temps du Contrat, car cette Maxime n’est véritable que quand il s’agit du fait de la personne et non de la realité des Coûtumes, parce que toutes les Loix ont deux objets, la personne et les biens ; il est vray ue la capacité de la personne se regle par la Coûtume du lieu où l’on contracte, parce que les Coûtumes n’ont de puissance sur les personnes que quand elles contractent dans l’etenduë. de leur térritoire ; mais quand il s’agit de realiser les Contrats et de les executer sur des immeubles, on ne considere plus le domicile des contractans ny le lieu où les Contrats ont été passez, mais la Coûtume du lieu où les biens sont assis, dautant que chaque Coûtume est malresse dans son païs et ne peut être forcée de suivre une autre Loy que celle qu’elle a établie.

La Coûtume a fait cette distinction à l’égard des Contrats que les femmes peuvent faire de seurs immeubles ; par l’Article CCCCeXXXVIII. elle déclare les femmes capables de contracter pourvû que ce soit du consentement de leurs maris, et cette disposition concerne la personne : par les Articles 539. et 540. elle prescrit les conditions sous lesquelles elle leur permet la vente de leurs propres, si les biens de la femme sont alienez elle en aura recomense sur les biens de son mary, et où elle ne pourroit en avoir recompense elle peut s’adres-ser sur les détenteurs de ses biens, et ce sont là des dispositions réelles ausquelles on ne peut déroger ; de sorte que l’acquereur d’un immeuble assis en Normandie appartenant à une femme mariée ne peut jamais être asseuré qu’en stipulant un remplacement valable. L’exemple de la Dame de Jussac ne fait point de décision, elle étoit de Paris, et comme il avoit été en sa liberté de placer ou de ne placer pas sa dot en Normandie, elle avoir aussi la même liberté de la reprendre, et en la reprenant jure quodam, postliminii elle devenoit un bien de Paris qui n’étoit plus sujet à la Coûtume de Normandie ; mais qu’il n’en étoit pas de même des biens qui étoient originairement de Normandie et lesquels s’y trouvent encore situez : Enfin je m’aidois de l’Arrest cy-dessus pour montrer la nécessité de stipuler un remplacement valable. Durand pour Viel, garand de Flavigny, s’aidoit des mêmes raisons, et citoit un Arest donné en 1662. au Rapport de Mr de la Place, par lequel il fut jugé que les rentes con-stituées sur des personnes dont les biens étoient situez en la Province du Mayne seroient partagez suivant la Coûtume du Mayne ; ce qui prouvoit qu’en Normandie les rentes se parta-gent selon la nature des biens des obligez : La Cour, suivant les Conclusious de Mr le Guerchois Avocat General, par Arrest du S. Mars 1679. mit lappellation et ce dont étoit appellé au neant, entant que l’on avoit ordonné que la caution ou le remplacement seroit baillé dans e Bailliage de Roüen, et en reformant ordonna que les Appellans seroient tenus de bailler caution ou remplacement en Normandie.

Non seulement la femme peut demander sur les biens de son mary la recompense de ses biens alienez, cette action appartient aussi à ses heritiers : Dans les autres Coûtumes on met en probleme si cette recompense appartient à l’heritier au propre ou à l’heritier aux meubles ; par la jurisprudence du Parlement de Paris cette action est reputée mobiliaire, et par consequent elle passe à l’heritier aux meubles :Loüet , l. R. n. 30. Ricard sur la Coûtume de Pa-ris, Article 232. En Normandie cette question est superslué ; comme le propre doit toûjours être remplacé, aussi la demande qu’on en fait au mary appartient toûjours sans difficulté à l’heritier au propre maternel

si la dot a été mal remplacée et que les biens du mary ayent été decretez, on a mâ la uestion si la femme étoit recevable à retourner contre les acquereurs à faute de les avoir appellez au decret ; mais par Arrest du 4. de Decembre 1629. au Rapport de Mr de Civile entre Sara Dubosc et le sieur de Moy, il fut dit qu’ils ne pouvoient opposer à la femme cette fin de non recevoir.

Le mary qui s’est obligé de remplacer les deniers dotaux de sa femme en fonds de terre n’est pas censé avoir satisfait à cette condition en les constituant en rente. Le Maître Bourçois du Havre avoit acheté du sieur le Noble Medecin et de la Demoiselle sa femme une maison moyennant la somme de quatre mille deux cens livres, le Contrat contenoit cette clause expresse que le sieur le Noble seroit tenu de remplacer cette somme en fonds de terre pour renir le nom, côté et ligne de sa femme : Le sieur le Noble au lieu de suivre la Loy de son Conrat constitua les deniers en rente, et il employa par le Contrat que le rachapt de cette rente ne poutroit être fait qu’en la presence du Maître, la rente luy tenant lieu de remplacement : Le Maître n’étant pas content de ce remploy fit condamner par le Vicomte et par le Bailly se Noble à luy en fournir un en fonds de terre : Sur l’appel du sieur le Noble, le Féyre conduoit que les rentes étant un immeuble, il avoit assez suffisamment accomply et executé la clause du Contrat. Je répondois pour le Maître que les rentes étoient vérit-blement reputées mmeubles, mais ce mot de reputées marquoit assez nettement qu’elles ne l’étoient que par fiction, de sorte que quand on avoit expressément stipulé un remplacement en fonds de terre, cela ne se pouvoit entendre que d’un héritage qui ne peut perir ny changer, et non point l’une rente constituée qui n’a point de situation ny de subsistance certaine ; autrement il en arriveroit mille inconveniens : Le debiteur d’une rente ayant perpetuellement la liberté de la racheter, il faudroit aussi perpetuellement changer de remplacement, et l’acquereur seroit toûjours chargé du soin et de l’inquietude de pourvoir à sa seureté, mais l’intimé ayant prevû cet embarras, il a desiré expressément un remplacement en fonds de terre, et il n’est pas au pouvoir de l’appellant d’en bailler un d’une autre nature et de le frustrer de l’effet de sa prevoyance : Par Arrest du 28. de May 1659. en la Chambre de l’Edit on mit sur l’appel hors de Cour.

Par l’Article 121. du Reglement de 1E66. la femme ou ses heritiers peuvent demander que partie des héritages hpothequez à sa dot lon alienez luy soient baillez à dûè estimation pou le payement d’icelle sans être obligez de les faire decretter, si mieux n’aiment les heritiers du mary ou les creanciers luy restituer ses deniers dotaux : Cet Article du Reglement n’expliquoit point si la femme pouvoit faire cette demande aprés la saisie réelle des biens de son mary ; Mais on a jugé qu’elle y étoit recevable même aprés l’interposition du decret, parce qu’en ce faisant on gagnoit le Treizième et les frais de la consignation.

Cela est raisonnable lors que la femme est la première creanciere pour la dot : Car quand il se rencontre nombre de dettes anterieures, il n’y a pas lieu d’accorder cette distraction au prejudice des créanciers, parce qu’on les priveroit de pouvoir encherit à leur pro-fit particulier, ou en tout cas elle seroit tenuë de leur donner caution de les faire colloquer de seurs créances sur le surplus des autres héritages ; mais en ce faisant il se formeroit beaucoup de contestations sur la solvabilité des cautions, ce qui produiroit des longueurs infinies ; c’est pourquoy cet Article du Reglement ne doit être executé que quand il n’y a point de creanciers anterieurs, cela a été jugé de cette manière en cet espèce : Dame Françoise-Susanne de Bourfaut veuve de Jacques Mancel, sieur d’Eraines avoit été subrogée à la saisie du decret des terres du Bois-Baril et d’Eraines, ayant appartenu à son mary : Elle demanda que du nombre des héritages saisis il luy en fût delivré jusqu’à concurrence de ses deniers dotaux : Auparavant que l’on eût prononcé sur cette Requête, outre la premiere enchere qu’elle avoit mise lors de la première Adjudication, elle en mit une seconde à son profit particulier aux Assises suivantes. Depuis elle fut deboutée de sa Requête dont elle n’appella point sur le champ, mais au jour de la dernière Adjudication elle déclara qu’ayant été réfusée de sa Requête, sur l’allegation des creanciers que l’estimation des terres se feroit difficilement, elle consentoit de pren-dre une terre sur le prix de l’Adjudication qui en seroit faite, et qu’en cas que les creanciers anterieurs ne fussent pas colloquez sur le surplus du bien, alors le tout demeureroit decreté : Les créanciers n’ayant point consenty sa demande, elle appella de la Sentence qui l’a-voit deboutée de sa Requête : Maurry son Avocat pretendoit qu’ayant fait sa demande avant l’interposition du decret, elle étoit admissible suivant l’Article 121. du Reglement de 1666. à demander du fonds non aliené, que les creanciers en recevoient du benefice, puis que par cette voye on évitoit le Treizième et les frais de la consignation en acceptant son offre de prendre des terres sur le prix de l’Adjudication qui en seroit faite, et qu’en cas qu’ils ne fussent pas payez ur le surplus du bien le tout demeureroit decreté, ce qui les mettroit entièrement à couvert et hors d’interest. L’appellante alléguoit aussi que les dettes anterieutes de sa dot étoient beaucoup au dessous de la valeur du bien qui demeuroit ajugé, ce qui faisoit que ces offres là ne pouvoient être refusées que par une opiniâtreté tout à fait condamnable. Je défendis pour De-moiselle Marie le Mancel, veuve de Henry du Chapelet, sieur de S. Laurens, et pour Gab : iel du Chapelet son fils, intimez, et fis connoître que toutes ces offres quoy que specieuses n’étoient en effet que des illusions : Il est vray qu’au commencement elle pouvoit demander la delivrance d’un fonds pour le remboursement de sa dot ; mais au lieu de prendre cette voye, elle avoit elle même poursuivi le decret et mis des encheres generales et particulieres, ce qui la rendoit non recevable : Car si son enchere n’étoit point couverte et qu’elle demeurast adjudicataire elle obrenoit ce qu’elle demandoit, que si d’ailleurs les creanciers anterieurs étoient payez, elle pouvoit demander qu’il luy fût delivré du fonds jusqu’à concurrence de sa dot, et que par ce moyen on éviteroit le Treizième et les frais de la consignation, mais en consequence de ses encheres elle s’étoit engagée envers les créanciers, parce que son enchere n’étant point couverte, elle demeuroit adjudicataire et obligée de consigner le prix entier de son adjudication ; et par cette raison il étoit fort important que l’on ne procedast pas aux encheres sur ses offres. S’il luy étoit permis de prendre une partie des choses ajugées, il ne se trouveroit point d’adjudicaires parce qu’elle pourroit les priver du benefice de leur adjudication ; s’ils avoient, bon marché de quelqu’une des terres elle en voudroit avoir le profit, ainsi ils feroient le marché pour elle, ce qui détourneroit les encherisseurs. Il étoit donc plus raisonnable que vù l’état des choses le decret fût parfait, ce que neanmoins elle pouvoit empescher en payant les creanciers anterieurs de sa dot : Par Arrest en la Grand. Chambre du 19. de Janvier 1674. la Sentence fut confirmée, et néanmoins ayant aucunement égard à ses oftres, il fut dit qu’il luy seroit baillé des héritages jusqu’à concurrence de sa dot, en ayant dans trois mois les creantiers anterieurs en deniers comptants, et que jusqu’à ce ellene pourroit entrer en possession des héritages.

Cet Artiole donne à la femme la recompense de la dot alienée sur les biens de son mary mais il s’est mû une question pour sçavoir comment elle étoit obligée de prendre cette recompense, et si on la pouvoit forcer de prendre des héritages pour son remplacement, ou si cela étoit à son choix : Pierre de Semilly pour s’acquiter de ce qu’il devoit à Antoine de Semilly son coheritier luy vendit deux cens livres de rente qui appartenoient à Demoiselle Anne de S. Pièrre sa femme : Elle ratifia ce Contrat, mais dans la suite le mauvais ménage de son mary l’ayant obligée de se separer, elle fit arrest entre les mains des debiteurs de ses sentes qui avoient été alienées par son mary, et comme elle avoit ratifié la vente, Antoine de Semilly soûtint que pour son remplacement elle devoit prendre des heritages appartenans à son mary à düé estimation, ce qu’il fit ordonner de la sorte. Sur l’ap-pel de ladite Demoiselle, Greard son Avocat remontra qu’il est vray que par l’Article 121. du Reglement de 1666. la femme peut demander qu’il luy soit baillé en payement de sa dot des oiens de son mary non alienez, mais il ne s’enfuit pas qu’elle puisse être forcée d’en prendre contre sa volonté, c’est un avantage et une faculté qui luy est donnée d’ena prendre si elle trouve que cela luy soit commode ; mais quand elle n’y trouve pas son avantage elle peut faire saisir réellement les biens du mary pour être recompensée de son bien qui a été aliené, car autrement il seroit facheux à une femme de prendre pour sa recompense un bien qui ne l’accommoderoit pas, et de s’exposer aux frais et aux hazards d’une estimation qui pourroit être à son desavantage ; elle souffroit déja un assez grand prejudice par l’alienation de son bien le sorte qu’il est raisonnable ou qu’on luy rende le prix que l’on en a reçû, ou qu’elle rentre en la possession d’iceluy : Il est vray que le mary ou ses créanciers en peuvent souffrir de la perte, mais il est plus raisonnable qu’elle soit portée par le mary que par la femme : Et quand la Coûtume dispofe que la femme a la recompense de sa dot sur les biens de son mary, on ne doit pas entendre ces paroles comme si la femme pour sa recompense étoit obligée de prendre de l’héritage du mary, mais puis que le mary a touché de l’argent en vendant le bien de sa femme, la recompense qui est dûe à la femme n’est autre chose que la restitution des deniers que l’on a reçûs par la vente de son bien. Theroude Avocat pour le sieur de Semilily pretendoit que cette femme agissoit contre son propre interest, et qu’il luy étoit plus commode de prendre du fonds à dûé estimation que de decreter son mary, ce qu’elle ne pour-roit faire sans beaucoup de peines et de frais, que l’on expliquoit mal l’intention de la Coûtume, car la femme ayant consenti à la vente de son bien et en ayant accepté le remploy sur ceux de son mary, ce remploy et cette recompense qui luy est dûé ne peut être que des oiens du mary même qui se trouvent en essence ; en tout cas il demandoit d’être envoyé en ossession des biens du mary jusqu’à concurrence de ceux de la femme : Par Arrest du 5. de Mars 1677. en l’Audience de la Grand-Chambre, la Cour en infirmant la Sentence ermit à la femme de decreter pour sa recompense, si mieux l’acquereur n’aimoit luy rendre ses rentes, auquel cas il étoit permis de prendre possession des biens du mary jusqu’à concurrence de ce qui luy étoit dû-

Par Arrest en la Grand. Chambre du premier de Decembre 1657. entre Hué et Asselin, i fut jugé qu’estimation seroit faite de l’integrité des biens du mary, dont il étoit saisi lors de ses épousailles, pour sur le non aliené être baillé le doüaire et le remploy de la dot à la femme, et le surplus être saisi par les créanciers. Il seroit inutile en ce cas de faire des lots, parce gue la femme pouvant prendre du non aliené pour sa dot, il falloit necessairement en venir. à estimation. Aussi l’Art. 121. semble autoriser l’estimation : Et c’est maintenant un usage con tant que la femme n’est point obligée de saisir et de faire ajuger par decret les biens de son mary pour le remboursement de fes deniers dotaux, lors qu’il reste en sa succession des iens non alienez ; mais quand les biens ont été vendus par le mary, les acquereurs ne peuvent être dépossedez par la femme que par la voye hypothecaire.

La Coûtume n’auroit pas pourvû suffisamment à l’indemnité de la femme, si elle n’avoit encore ajoûté qu’elle doit avoir recompense du juste prix que ses biens valoient. La Coûtume nous apprendra dans l’Article suivant de quel temps ce juste prix doit être estimé.

La recompense de la juste valeur des choses alienées pouvoit demeurer inutile à la femme, si elle n’avoit eu cette recompense que du jour de l’alienation, parce que le mary pourroit avoir créé plusieurs dettes depuis son mariage : C’est par cette raison que la femme a sa recompense du jour de son Contrat de mariage et celebration d’iceluy, pourvû toutefois qu’il fait été reconnû suivant le Reglement de l’année 1600. qui ne donne hypotheque aux Contrats de mariage que du jour de la reconnoissance ; en quoy il n’est point contraire à cet Ar-ticle, mais il l’explique en ordonnant que l’on n’ait point d’égard aux Contrats de mariage en tant que pour l’hypotheque que du jour qu’ils sont reconnus. En effet nul Contrat n’est executoire s’il n’a les marques de l’autorité publique, et la reconnoissance en est requise justément comme une forme nécessaire pour prevenir les abus et les fraudes, ce qui a lieu également pour le pere et pour le mary, suivant l’Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 27. d’Avril 1644. En l’année 1627. un particulier en matiant sa fille à de la Ruë, luy donna pour lot cent cinquante livres de rente qu’il pourroit raquitter toutefois et quantes moyennant deux mille livres. En 1628. de la Rué s’obligea en soixante et dix livres de rente envers le sieur de la Conterie qui en fit cession à des Isles ; et en 1629. le pere racheta la dot de sa fille entre les mains de son mary : Cette femme se fit separer de biens en 1640. et elle fit des lots dans lesquels elle mit en charge sa rente dotale. En 1641. des Illes fit saisir les meubles étant dans la maison de cette femme pour les arrerages des soixante et dix livres de rente : Les meubles furent reclamez par la femme comme étant separée de biens, et ce lot luy étant demeuré par non choix, des Isles luy objecta que son Contrat de mariage n’étant point reconnû elle ne pouvoit avoir d’hypotheque que du jour qu’il a été rendu notoire par le rachapt fait par son peré de sa rente dotale, ce qui étoit posterieur à sa creance. Par l’Arrest il fut dit à bonne cause l’execution, ce qui étoit conforme à un autre Arrest donné en la Grand. Chambre au Rapport de Mr Baudry le 22. de Novembre 1642. L’on disoit en faveur de la femme que suivant cet Article, elle a la recompense de sa dot du jour du Contrat de mariage ou celebration d’iceluys D’où elle concluoit qu’étant mariée avant le Contrat dudit des Isles, elle luy étoit preférables Car pour l’Arrest de 1600. il n’avoit pû détruire un Article de Coûtume, et quand il s’agit de l’interpretation d’une Loy, on ne doit pas en considerer les termes seulement, mais son ins sention et sa cause. On apprend le motif de ce remplacement de 1600. par sa preface, on vouloit éviter que l’on ne fist revivre des dettes acquittées au prejudice des creanciers lors que des peres avoient donné par le Contrat de mariage, et quoy que les promesses fussent quittes on supposoit des Contrats sous signature privée sans endossement, et en vertu d’iceux on se rendoit maître des biens du mary : C’est pour éviter cet abus que la Cour ordonna la reconnois-sance des Contrats de mariage ; mais il falloir faire distinction pour les biens sur lesquels on pretendoit une hypotheque ; si c’étoient ceux du pere la reconnoissance du Contrat étoit necessai-re, mais elle ne l’est point quand l’hypotheque est pretenduë sur les biens du mary, parce que le mary ne commet aucune fraude en reconnoissant devant les Tabellions qu’il a reçû ce qu’on luy avoit promis ; et quoy qu’une femme ne puisse perdre sa dot, il arriveroit neanmoins que par la negligence de son pere ou de son mary elle en seroit privée, quoy qu’elle ne fût pas en pouvoir d’agir contr’eux pour les obliger à le reconnoître.

La dot si favorable suivant les Articles CCCCCXL. et CCCCCXLII. deviendroit neanmoins d’une condition pire que les autres biens non dotaux de la femme ; parce que l’on don-ne recompense à la femme sur le mary s’il est solvable ou sur les acquereurs, sans consideren li le Contrat de mariage a été reconnû ; et de la dot reçûë par le mary nulle recompenses s’il n’est pas solvable, que si la datte sous signature privée ne fait point foy, la celebration la fait toute entière. Dans les tutelles si l’acte d’institution ne paroissoit point le reliqua du compté pre ndroit hypotheque du jour de la mort du pere. Ainsi quoy que la datte du Contrat de mariage ne soit pas constante de soy, la celebration la rend notoire, certaine et authentique. La Coûtume le déclare expressément par cette conjonctive du jour du Contrat de mariage ou celebrapration d’iceluy, ce qui veut dire que pour les Contrats qui seront en forme authentique, la recompense aura hypotheque de ce jour-là ; mais pour ceux qui ne sont point reconnûs l’hypotheque ne commencera que du jour de la celebration. Ainsi le motif de l’Arrest cessant, n ce cas il ne peut nuire à la femme. Il fut dit pour les créanciers que l’Arrest de 1600. est general et ne fait point de distinction entre le pere et le mary, et comme par le Reglement la Cour a eu pour but d’empescher que l’on ne fit revivre des dettes, il doit avoir lieu en l’un et en l’autre cas, puisque cela se peut aussi bien faire à l’égard du mary qu’à l’égard du pere, en supposant un Traité de mariage qui porteroit la promesse et la reception d’une somme plus grande ; et cet Article ne doit avoir de lieu que quand la datte du Contrat est cer-taine et qu’elle n’est point contestée ; ce qui ne peut être pour un Contrat sous seing privé Terrien auquel on n’est point tenu d’ajoûter foy, suivant le style de proceder rapporté par Tertiens I. 7. c. 4. Il n’est pas de la dot comme du doüaire, cettuy-cy est acquis du jour de la celes oration, parce qu’il se gagne au coucher qui suit immediatement la celebration ; mais pour la dot, la celebration n’est point considérable, elle n’empescheroit pas l’abus et la fraude que li Cour a voulu prevenir en supposant d’autres Contrats de mariage.

La derniere partie de cet Article est la plus difficile et la plus importante, la Coûtume y donne à la femme pour le remploy de sa dot alienée une hypotheque du jour du Contrat de mariage ou de la celebration d’iceluy.

Il paroit par cet Article et par l’Article CCCCCXLII. que la femme pour le remploy de ses biens alienez n’a pas une même hypotheque, car la Coûtume en fait de deux espèces ; la premiere qu’elle appelle dor, et la seconde dont il est fait mention : En l’Article 542. cont siste en d’autres biens qui luy appartiennent, soit à droit de succession, donation, acquisition, ou autrement. On peut alléguer pour raison de cette difference que la Coûtume constituë entre la dor et les autres biens de la femme, que la dot est en quelque façon de ressence du mariage, que c’en est une suite et un effet, et qu’ils ont une correlation l’une à l’autre, nec mnatrimonium erat sine dote, nec dos sine matrimomio ; et dautant que par le Droit Romain la dot étoit inalienable, la Coûtume donnant ce pouvoir au mary de l’aliener du consentement de sa femme, pour empescher qu’elle ne soit prejudiciée par cette hberté qu’elle accorde à fon maty, elle luy en donne en même temps un remploy sur les biens de son mary ; et afit que ce droit de remploy ne luy fust pas rendu inutile, elle luy en accorde l’hypotheque du jour de son Contrat de mariage, ou de la celebration d’iceluy Puis donc que la femme a des hypotheques differentes selon la diverse nature de ses biens, et que celle de la dot est plus avantageuse et plus privilegiée que celle des autres biens, il est absolument necessaire de sçavoir ce qui compose la dot de la femme, et quelle sorte de bien doit être reputé dotal.

Bérault sur cet Article estime que la dot s’entend des immeubles dont la femme étoit saisie lors de son mariage, bien qu’ils ne soient pas specifiez dans le Contrat. Godefroy appelle dor lhéritage ou rente donnée en faveur de mariage pour renir le nom, côté et ligne de la femme, ou qu’elle possede lors d’iceluy, et que partant ce que la femme possede sine matrimonio, dos tion est, parce que la dot a sa relation au mariage.

Il est tres-certain que la véritable dot consiste en ce qui appartient à la femme lors de son mariage, et qui est destiné pour tenir son nom, côté et ligne, ou en ce qui luy a été promis et donné en faveur de mariage et lors du Contrat. C’est neanmoins un usage certain. en Normandie que la dot ne consiste pas seulement en ce qui appartient à la femme lors qu’elle e matie, mais qu’on l’etend encore à tout ce qui luy échet à droit successif en ligne directe conststant le mariage, soit immeuble ou meuble, entant que pour la pottion que le mary est renu d’en remplacer suivant l’Article CCCXC. la raison est que la succession des peres et des meres est si bien reputée le propre bien des enfans qui leur doivent succeder, qu’à cause de cette espérance certaine qu’ils ont de les posseder quelque jour, ils en sont reputez les martres et les proprietaires du vivant même de leurs pere et mére.

Les termes de l’Article 542. donnoient lieu de douter de cette vérité ; car il contient que pour les autres biens appartenans à la femme, soit par succession ou autrement, s’ils ont été alienez elle n’a hypotheque pour sa recompense que du jour de l’alienation : D’où l’on infetroit que la Coûtume ayant mis difference entre les biens qui apparrenoient à la femme par succession, sans distinguer si cette succession étoit directe ou collaterale, l’on ne pouvoit reputer pour dot ce qui luy appartenoit à droit successif, soit en ligne directe ou collaterale : Et quoy que cette objection fût apparente, puis qu’il n’est pas permis de se servir de distinctions. lors que la Loy n’en a point fait, néanmoins l’on a trouvé tant de justice à mettre au rang de la dot tout ce qui venoit à la femme en ligne directe, que lusage s’en est établi sans aucune opposition.

Cette hypotheque, dit cet Article, commence du jour du Contrat de mariage, ou du jour de la celebration d’iceluy, sur quoy nos deux Commentateurs proposent des difficultez qui meritent d’être examinées. Me Jofias Berault demande si entre le Contrat de mariage et la celebration d’iceluy le mary oblige ses biens à un tiers, sçavoir qui sera preféré du creancier ou de la femme ; Cet Auteur répond qu’il y a apparence de dire que la femme sera preferable, et que par les mots de cet Artiele conjointement mis, l’intention de la Coûtume est que sil y a un Contrat de mariage l’hypotheque prenne pied du jour d’iceluy, et Sil n’y en a oint, du jour de la celebration.

Cette réponse est véritable, quoy que Berault n’ait point distingué entre les Contrats de mariage qui sont reconnus et ceux qui ne le sont pas : Il est vray que si le mary avoit reçû a dot de sa femme et qu’il fût question de la préférence entr’elle et les créanciers de son mary, que la femme ne viendroit en ordre que du jour de la reconnoissance de son Contrat de mariage, et que la celebration d’iceluy ne luy acquerroit aucune hypotheque ; mais il n’en est pas de même de la recompense qu’elle pretend pour l’alienation faite de ses biens durant e mariage, car pour lhypotheque il n’importe que le Contrat de mariage ait été reconnu ou qu’il ne fait point été, il n’est pas même nécessaire qu’il y ait un Contrat de mariage, car s’il n’y en a point la Coûtume supplée à ce defaut du jour de la celebration d’iceluy, et il n’est pas mal-aisé de rendre la raison de cette différence.

Quand la Cour par son Reglement de 1600. a ordonné que les Contrats de mariage n’eusfent hypotheque que du jour de la reconnoissance, elle la prudemment ordonné de la sorte pour éviter aux fraudes, et afin qu’un maey accablé de dettes ne supposast pas un Contrat ous signature privée, par lequel il confesseroit qu’il auroit été payé d’une dot considérable, en consequence dequoy si sa femme acqueroit hypotheque du jour de son Contrat de mariage quoy que non reconnu, tous les creanciers de ce mary posterieurs à ce Contrat seroient frustrez de leurs dettes ; c’est donc soit à propos que pour prevenir ces tromperies l’on ne fait commencer lhypotheque de la dot que du jour de la reconnoissance du Traité de mariage.

Mais ces Contrats ne peuvent être suspects, et ces fraudes ne peuvent être pratlquées pour le remploy des biens de la femme alienez par son mary : Il faut véritablemeft que le Contrat de la vente soit passé ou reconnu devant Notaires et en bonne forme, afin que l’on puisse sçavoir le véritable prix de la vente ; mais parce que le mary n’a eu ce pouvoir de disposer du bien de sa femme qu’en consequence du mariage, et que ce n’est que par la consi-deration de fautorité matitale qu’elle a consenti à l’alienation ; nos Reformateurs ont estimé u’il étoit raisonnable de luy donner hypotheque pour sa recompense du jour que le mariage la engagée sous les loix d’un mary, et en ce faisant l’on ne peut supposer de dettes ny feindre que l’on ait reçû plus que le véritable prix de la vente, car lon ne peut demander que celul qui est employé par le Contrat, lequel doit être en bonne forme : Il est neanmoins inévitable qu’en faisant remonter l’hypotheque au jour du Contrat de mariage ou de la celebration d’is celuy il en arrive de grands inconveniens, mais on ne remédieroit pas à ces desordres quand il seroit necessaire, pour acquerir hypotheque du jour du Contrat de mariage qu’il fût reconnu, et l’on ne peut s’en garantir qu’en ne donnant cette hypotheque que du jour de l’alie-nation, comme je le montreray dans la suite : Ainsi le véritable sens de cet Article est que la femme pour le remploy de ses biens alienez par son maty a hypotheque du jour du Con trat de mariage s’il y en a un, quoy qu’il ne soit point reconnu ou passé devant Notaires, on s’il n’y en a point du jour de la celebration du mariage.

Mr Jacques Godefroy n’ayant point fait cette difference, il s’est fort embatrassé sur l’explication de ces paroles, du jour du Contrat de mariage, ou de la celebration diceluy. Il a crû qu’en consequence du Reglement de 1600. il falloit necessairement ou que les Contrats de mariage fussent reconnus et en bonne forme, ou que la Cour eût abrogé cet Article : mais il est aisé de concilier le Reglement de 1600. avec cet Article, en remarquant que la reconnoissance des Contrats de mariage est necessaire, lors que la femme demande la repetition de ses deniers dotaux reçûs par son mary, et qu’elle pretend être mise en ordre du jour de son Contrat de mariage, car en ce cas pour acquerir cette hypotheque le Contrat doit être en la forme prescrite par le Reglement de 1600. mais cet Article parle de la vente des biens de la femme ; or pour avoir recompense du prix de cette vente il est necessaire de le justifier par un Contrat en bonne forme, et néanmoins pour l’hypotheque il suffit pour l’avoir de marquer le jour que le mariage a été arrété, ou celuy auquel il a été célèbré.

Ce même Auteur pretend qu’il n’y a pas moins de difficulté pour sçavoir s’il est requis que la celebration concoure avec le Contrat pour engendrer ladite hpotheque s Et il répond fort bien que cela n’est point necessaire, parce que le droit est acquis à la femme du jour du Contrat, et il pouvoit ajoûter que cette disjonctive, ou, marque assez clairement que la dot peut commencer en deux divers temps, ou du jour du Contrat, ou de celui de la celebration Là-dessus Godefroy se fait cette objection, en demandant à quelle fin l’on a ajoûté ces paroles, ou de la celebration diceluy : Il répond foit à propos que c’est pour montrer qu’où il n’y a point de Contrat, l’hypotheque a lieu du jour de la celebration ; mais en même temps. il trouve une grande difficulté à accorder cette réponse avec le Reglement de 1600. car si l’hypotheque, dit-il, a lieu du jour de la celebration sans Contrat, pourquoy ne l’aelle point aussi quand il y a un Contrat, puis que le defaut de Contrat n’ajoûte rien à la celebration ; Et par ronsequent pour faire valoir cette clause, ou celebration d’iceluy, l’on doit la faire concutrer avec le Contrat, ou qu’en tout cas les Contrats sous signature privée étant realisez par la celebration doivent avoir hypotheque du jour d’icelle, ou que le Reglement de 1600. a annullé cette claui-se, ou celebration d’iceluy : Tout l’embarras de cet Auteur procede de l’erreur où il étoit tombé, que l’hypotheque de la femme pour la recompense de ses biens alienez ne pouvoit commencer du jour du Contrat de mariage s’il n’avoit été reconnu ou passé devant Notaires.

Quoy que les dispositions de nôtre Coutume soient tres-sages et tres-équitables, l’on peut deanmoins trouver quelque chose à rédire à ce qu’elle décide en cet Article, en ce qu’elle fait remonter l’hypotheque des biens de la femme alienez par son mary jusqu’au jour de son mariage ou de la celebration d’iceluy : Car aprés l’experience que nous en avons tous les jours l’on ne peut douter qu’il ne fût tres-utile de n’accorder cette hypotheque que du jour des Contrats ausquels la femme a consenty, nonobstant même qu’elle eût stipulé cette hypoheque par son Contrat de mariage. Cette jurisprudence ne favorise-t’elle pas les fraudes et P’ouvre-t’elle pas la porte à des trompeurs dont l’on ne peut jamais se garantir quelque precaution dont l’on puisse user ; Un mary aprés avoir engagé son bien à ses créanciers, ou aprés en avoir traité avec des acquereurs de bonne foy pour les déposseder, vendra le bien de sa femme et en mettra les deniers à couvert, et en suite par le moyen d’une separation de biens qu’il fera obtenit à sa femme, et de cette hypotheque que la Coûtume luy donne du jour de lon Contrat de mariage et qui ne peut être prescrite durant iceluy, les acquereurs de ce mary se trouveront dépoüillez tout d’un coup d’un bien dont ils croyoient être assûrez en vertu d’une possession paisible de cinquante ou soixante années.

Ce desordre est incomparablement plus grand chez nos voisins : La Coûtume de Paris Article 232. donne à la femme le remploy de ses propres alienez par son mary de son consen-tement ce qu’elle n’avoit pas avant la reformation de cette Coûtume, parce que la femme étoit presumée avoir consenti à cette alienation pour son profit, les deniers qu’elle recevoit servans à augmenter la communauté où elle prenoit part. Les Coûtumes de Blois et d’Oreans donnent aussi une action de remploy ; mais toutes ces Coûtumes ne reglent point de quel jour l’hypotheque de ce remploy doit commencer, lors qu’il n’a point été stipulé par le Contrat de mariage : Les uns soûtiennent que ce doit être du jout du Contrat de mariage, les autres du jour de la vente et du consentement prété par la femme. La Coûtume de Paris ne don nant qu’une simple action, l’hypotheque n’en doit commencer que du jour qu’elle a été introduite. Tronçon sur l’Article 232. de cette Coûtume cite deux Arrests par lesquels il a été jugé que l’hypotheque du remploy des biens de la femme, quoy que non stipulé doit avoir lieu du jour du Contrat de mariage ; mais pour les dettes ausquelles elle s’est obligée avec son mary qu’elle n’a hypotheque sur ses biens que du jour des Contrats : De laLande , sur l’Article 232. de la Coûtume d’Orléans conforme à celle de Paris, dit que la premiere jurisprudence du Parlement de Paris qui ne donnoit hypotheque à la femme que du jour du consentement par elle prété à l’alienation de ses propres a été reprise ; et que l’hypocheque n’est acquise aux femmes. que du jour seulement qu’elles ont vendu leurs propres, ou suby des obligations avec leurs maris ; supposé qu’il n’ait point été passé de Contrat de mariage, ou y en ayant un qu’il n’a pas été convenu qu’en cas de vente des propres de la femme et qu’elle s’obligeast avec son mary elle auroit droit de remploy et seroit acquitée de ses deniers ; car en ce cas en vertu de la clause de son Contrat de mariage, elle seroit mise en ordre du jour de son Contrat, mais qu’à faute de l’avoir stipulé, elle n’est colloquée que du jour de la vente ou de son obligation.

Dans la seconde partie du Journal des Audienoes du Parlement de Paris, l. 3. c. 30. il y a un Arrest qui établit ces Maximes que la fomme pour ses conventions matrimoniales, sou que le remploy ait été stipulé ou non, elle a son hypotheque du jour de fon Contrat de matiage ; mais pour les sommes où elle se trouve obligée avec son mary, si l’indemnité n’en a soint été stipulée, qu’elle n’est colloquée que du jour des Contrats qu’olle en a souserits. Il siemble neanmoins que cette jurisprudence ne soit pas universolle et nettame à l’égard des indemnitez des dettes que la femme a contractées avoc son mary ; car dans la quatrième partir du Journal du Palais, l’Auteur remarque que soit qu’il y eût olause dd’indemnité dans le Contrat de mariage ou qu’il n’y en eût pas, l’on a donné un effot netroactif à icette hypotheque du jour du Contrat de mariage, et que c’est un tortent auquel tout le monde ss’est laissé emporver sans raison.

L’on n’a pas besoin de beaucoup de discours pour découvrir et faire marquer les icon toniens qui naissent de ces Maximes. Car supposant ces deux points comme on les obferve : Paris, que la prescription des biens du mary ne court point pondant le martage au préjudioe de la femme, et que pour son indemnité des dettes où elle a parlé pour et avec son mary, elle a son hypotheque du jour de son Contrat de mariage : Il ost impossible que lion puisse ontracter avec seurété avec un homme marié quelque precaution que l’on y puisse apporter, et quelque solvable qu’il soit ; lors que l’on a traité avec luy, s’il fait obliger fa femme aux derres qu’il a contracté par aprés, quelque ancienne que soit une creance, quelque longue que soit une possession, la femme est préférable à tous ces Contrats, parce que l’hypotheque qu’on luy donne a un effet retroactif au jour de son mariage.

Cela parut si déraisonnable à Mr d’Argentré , que lors de h reformation de la Coûtume ll fit ajoûter à l’Article 439. que la femme n’auroit la recompense de ses propres alienez sur les iens de son mary que du jour de l’alienation, hicarticulus, dit-il, novi jums est, et monente me additus, cum graves sape controversias motas de eo meminissem, & diversa judicata parum pronâ Tho-mide : Ce qu’il fit comme luy même le témoigne pour arrôter le cours des opinions de ceux qui vouloient que la femme eût l’hypotheque du jour de son matiage.

Que si l’on objecte qu’il seroit injuste que la femme souffrist la perte de son bien par la complaisance et l’affection qu’elle auroit euë pour son mary, ou par la contrainte dont on auroit usé pour obtenit son consentement, l’on répond que les femmes s’engagent volontaire-ment dans l’assurance qu’elles ont de ny rien perdre, et que d’ailleurs sans courir aucunes nis ques elles trouvent moyen de continuer leurs dépenses, ce qu’elles ne feroient si aisément si leur consentement leur étoit prejudiciable.

En Normandie quand l’on ne donneroit pas à la femme pour la recompense de ses bient alienez l’hypotheque du jour de son Contrat de mariage, elle n’auroit rien à craindre, et ceux qui auroient contracté avec son mary seroient en seurété par ces deux considerations ; la premiere que la femme ne peut en aucune maniere ny pour quelque cause que ce soit contracter des dettes pour et avec son mary, et par ce moyen elle n’a aucune indemnité à pretendre sur ses biens, et les créanciers du mary sont, asseurez que par cette voye elle ne peut rien faire qui leur puisse nuire : La seconde confidération est que si la femme ne peut être recompensé e sur les biens de son mary, elle retourne contre les derenteurs de ses immeubles qui ne peuvent luy opposer son fait et son consentement, parce qu’il n’est valable qu’en cas qu’elle ne perde rien avec son mary : De sorte que la femme n’a point d’interest que son hypotheque pour le remploy de ses propres alionez ait un effet retroactif au jour de son mariage ; au contraire en ne luy donnant que du jour de l’alienation elle ne troubleroit point les acquereurs des biens de son mary qui sont beaucoup plus favorables que ceux qui ont contracté des biens de la femme, parce qu’ils n’ont point ignoré qu’elle ne pouvoit rien perdre et qu’elle avoir toûjours son recours contr’oux en cas d’insolvabilité du maty : Ce qui fait qu’il est beaucoup plus juste de leur faire ponter la perte qu’aux acquereurs des biens du mary qui ne sont dépossedez que par fraude, ou en vertu de Contrats posterieurs à leurs acquisitions.

Cependant comme ils n’ont pas lieu de se défondre lors que la femme les attaque et qu’elle eur demande le remploy de ses propres alienez, ne pouvant pas retourner sur les détenteurs de ses immeubles qu’aprés la discussion des biens de son mary, on a trouvé raisonnable lors que les acquereurs des biens du mary étoient dépossedez par sa femme, de leur accorder une subrogation à ses droits et actions pour ne pas troubler ceux qui avoient contracté avec luy par une vente posterieure qu’il feroit des biens de sa femme, comme il a été jugé sur ce fait. ean Duchesne et Françoise Sieurrin sa femme avoient vendu une demie acro de terre du ropre de ladite Sieurrin à Mr Jean Bernard Morin Avocat en la Cour, et par le même Conrat il donna à sa femme un remplacement sur un héritage qu’il avoit engagé auparavant à Robert Vastine pour seureté d’une rente dont il l’avoit cautionné, les immeubles de Duchesne ayant été saisis réellement pour une dette posterieure de son mariage, Françoise Sieurrin demanda la diftraction du remplacement qui luy avoit été donné comme ayant hypotheque du jour de son Contrat de mariage, ce qui luy fut accordé par le Vicomte Baillival de Plasnes. Robert Vastine qui étoit creancier de Duchesne avant la vente qu’il avoit faite de l’héritage de sa femmeu sieur Morin, conclud contre luy qu’il luy devoit quitter et ddlaisser cette demie acre de terré ou en consigner le prix, quoy qu’elle n’eûr pas appartenu au mary, mais à sa femme, parce qu’il l’avoit acquise depuis le Contrat que ledit Vastine avoit fait avec le mary et la femme, demandant pour cet effet une subrogation aux droits et actions de la femme : Le sieur Morin empeschoit cette subrogation par cette raison, qu’il avoit acquis le bien de la femme de son consentement, et qu’elle ne pouvoit le troubler ny rentrer on la possession de son propre qu’elle avoir vendu, qu’en cas que son remplacement ne luy pût être fourny sur les biens de son mary ; ce qu’elle avoit obtenu ayant été maintenuë en la possession du fonds qui luy avoit été paillé pour remploy au prejudice dudit Vastine. De sorte qu’il ne pouvoit pas demander une subrogation aux droits et actions de cette femme puis qu’elle n’en pouvoit exercer aucune contre uy n’ayant rien à luy demander, parce que non seulement elle ne l’inquiettoit pas, mais aussi qu’elle avoit choisi le droit d’hypotheque qui luy étoit acquis, en consequence duquel elle avoit obteno son remploy, et qu’en tout cas il ne pourroit le déposseder que par la voye hypothecaire : Par Arrest en la Grand-Chambre du 30. Juillet 1669. la Cour permit audit Vastine de se pourvoir par la voye hypothecaire sur la demie acre de terte venduë audit Morin par ledit Sieurrin ; plaidans Maurry et Durand.

Cette jurisprudence est fort équitable, car l’on conserve à la femme par cette voye l’hypotheque qui luy est acquise suivant cet Article, mais en même temps on considere cette hypotheque comme un privilege qui est artaché à sa personne ; de sorte que celuy qui conracte conjointement avec la femme et le mary ne doit pas joüir de cette pcorogative au pre-judice de ceux qui ont contracté auparavant avec le mary : Ce qui peut être soûtenu par ces gaisons, que les fommes étant souvent contraintes par l’autorité de leurs maris à consentir à falienation de leurs propres, il est raisonnable de leur on asseurer le remploy du jour qu’elles sont entrées sous leur puissance, mais il isuffit de pourvoir à leur indemnité sans faire aussi cet avantage à leurs créanciors ou à ceux qui ont acheté leurs propres ; car ne ouvans de leur chef avoir hypotheque sur les biens du mary que du jour de leurs Contrats, l’intervention de la femme ne doit pas operet un droit plus ancien, parce qu’ils n’ont pas la même faveur personnelle, et en tout cas si la femme est indemnisée aux dépens des biens lu mary, il est beaucoup plus équitable de subroger à ses droits l’ancien creancier que le osterieur, quoy qu’il le soit aussi de la fomme lors qu’il pretend exercor ses droits sur les piens du mary, en ce faisant l’on évite les desordres et les fraudes que les maris voudroient pratiquer au prejudice de leurs créanciers ; car pouruû qu’il fût solvable lors qu’ils ont traité avec luy il ne leur importe pas qu’il aliene les bions de sa femme puis qu’ils sont obligez de luy delaisser leurs acquisitions, ou si elle prend les biens de son mary pour son rempioy ils ont recompense comme subrogez à ses droits sur ses propres vendus.

Mais l’on objectera qu’il est étrange que oeluy qui n’est creancier que du mary seul puisse demander une sobrogation sur les biens de la femme qui ne luy fut jamais obligée ; cette objection ne fait point de peine, car la femme se faisant recomponser sur les biens du mary l’une dette posterieure au prejudice des creanciers anterieurs s’ils luy delaissent le fonds qu’ils ont acquis, par un privilege particulier et contre le droit : commun qui prefere toûjours les anciens creanciers, ils doivent entrer en sa place pour reprendre le fonds qui a donné lieu au remplacement qu’elle s’est fait ajuger sur les biens de son mary.

Il étoit fort necessaire d’introduire cette, subrogation pour maintenir les acquereurs de bonns toy, surtout lors que ceux dont ils ont acquis les biens n’ont point leur domicile en Nornandie ; car pouvans vendre non seulement les propres appartenans à leurs femmes, mais les femmes aussi pouvans s’engager pour leurs maris, si l’hypotheque pour leur indemnité avoit un effet rettoactif au temps du Contrat de mariage, et que les creanciers de la femme pûssent exercer ses droits, il seroit perpetuellement en la liberté des maris et des femmes de ruiner leurs créanciers ; mais en subrogeant les creanciers et les acquereurs du mary à reprendre sur les propres de la femme les sommes dont elle s’est fait rembourser sur les biens de son mary, non seulement la femme est indemnisée, mais aussi l’ordre des hypotheques est fidellement gardé entre les créanciers