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CCCCCXL.

Et où la femme ne pourroit avoir sa recompense sur les biens de son mary elle peut subsidiairement s’adresser contre les detenteurs dudit dot, lesquels ont option de le luy laisser, ou luy payer le juste prix à l’estimation de ce qu’il pouvoit valoir lors du decez de son mary.

La signature de la femme n’asseure point l’acquereur si le mary n’a point dequoy fournit le remploy des biens alienez, et tout l’avantage qu’il tire du consentement prété par la femne, est que ce consentement lengage à discuter les biens de son maty avant qu’elle puisse le déposseder, elle n’est toutefois obligée qu’à discuter les biens assis en Normandie suiant les Arrests remarquez par Bérault.

Le nommé Michel vendit l’héritage de Gratienne Autoyere sa femme à Corboran de Grocol, qui donna pour remplacement une rente qui appartenoit à sa femme ; les biens de Michel ayant été saisis réellement et ajugez ; sa femme avoit interpellé l’acquereur de la faire colloquer du prix de son bien aliené, ce qui n’ayant pû être fait elle demanda à rentrer en a possession de son fonds : L’acquereur luy objectoit qu’elle devoit s’arrêter au remploy qu’il luy avoit baillé ; ce qui fut jugé par le Vicomte et par le Bailly : Sur l’appel je concluois pour lette femme qu’il avoit été mal jugé par deux raisons : La premiere, que quand la Coûtume avoit parlé d’un remplacement, elle entendoit parler d’un remplacement de pareille nature que la chose alienée et non pas d’une rente constituée sujette à mille difficultez, qu’un fonde étoit beaucoup plus utile à la femme, quia multa commoda inde percipiuntur prater aunuum relitum ; mais quand cette raison ne seroit pas valable, la seconde étoit sans réponse, à sçavoit que la rente que l’acquereur avoit baillée pour remploy appartenoit à sa femme ; la Cour ayant rrdonné que les pieces seroient vûës, par Arrest du 16. d’Aoust 1649. en infirmant les Senences, la femme fut renvoyée en possession de son fonds : L’Arrest fondé sur ce que la rente ppartenoit à la femme de l’acquereur ; puisque par cet Article l’acquereur a le droit de retenit de fonds en payant la valeur d’iceluy, il peut bien donner pour remploy une rente constituée la femme quand elle l’accepte et qu’elle signe au Contrat.

Ine femme poursuivant l’acquereur de son bien de luy en payer l’estimation ou de luy en abandonner la possession, il accepta de payer la valeur du fonds ; mais il demanda que le second nary ou la femme si elle étoit separée de biens eût à luy donner caution, ne voulant pas tomber Terrien dans le malheur de perdre encore une troisième fois ses deniers ; et là-dessus l’acquereur s’aidoit de ce qui se trouve dans Tertien, l. 4. c. 29. des Rachapts de rente que lors de la verifi-cation et la déclaration, il fut dit que pour les rentes qui appartenoient à des femmes mariées, les deniers en seroient baillez aux maris s’ils étoient notoirement solvables, et que s’ils ne l’étoient point l’argent seroit déposé en main Bourgeoise, et le remploy fait aprés y avoir appelé les proches parens d’icelle. Par Arrest du 5. d’Aoust 1645. en la Chambre des Enquêtes au Rapport de Mr de la Place, il fut dit qu’à faute de bailler caution les deniers seroient prochmez en Justice ou à caution : La femme avoit signé au Contrat de vente fait par son premier mary.

En 1599. de S. Germain et la nommée Sauvegrain sa femme vendirent aux Chanoines de Coutance quarante livres de rente appartenans à la femme : En 1600. le Canu obligé à cette ente en fit le rachapt aux mains desdits Chanoines, cette femme ayant renoncé à la succession de son mary, et ayant été dépossedée par decret du remplacement que les heritiers du mary luy avoient baillé, elle interpella les Chanoines de se presenter au decret et de la faire payer, à faûte dequoy elle rentreroit en possession de sa rente : On luy accorda acte de cette protestation, les Chanoines n’userent de leur part d’aucunes défences. Cette femme n’ayant pû être mise en ordre, elle poursuivit les Chanoines de la faire porter ; Sur l’appel d’une retention jugée par le Juge de Vallognes, Philippes Belot Ecuyer, sieur de Calouville, et Jacques du Lancey héritiers de cette femme donnerent Requête pour l’évocation du principal : Les Chanoines pretendoient qu’on n’avoit point d’action contr’eux ayant valablement acheté cette rente, et le rachapt leur en ayant été fait suum receperant, et il n’y avoit point lieu à la condition : Je répondois pour les sieurs Belot, et du Lancey, qu’il falloit faire distinction entre les Contrats où la femme avoit consenty, et ceux qui avoient été faits sans son gréement ; à l’égard des premiers ils étoient bons, et la femme n’atiroit pû s’adresser contre le Canu, parce qu’il luy auroit objecté sa signature au Contrat, ce qui lavoit autorisé à racheper la rente entre les mains des acquereurs. Et à l’égard des Chanoines elle ne pou-voit pas directement les déposseder, ne pouvant prendre d’autre conclusion contr’eux que de luy foutnir un remplacement : Or les Inuimez heritiers de la femme ayant fait cette diligence, mais les biens du mary ne s’étant pas trouvez fuffisans pour la fournir, ils pouvoient suivant pos Article leur demander leur rente ou la vraye valeur. Ils objectoient inutilement que suum receperant, car ils n’avoient reçû le rachapt qu’en consequence du Contrat de vente, mais cette vente ne pouvant fubsister qu’en fournissant un remplacement, il étoit vray de dite que suum non receperant : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 2. de Juillet 1664. les Chanoines furent condamnez au payement de la rente tant en principal qu’arrerages.

Il se mût en suite une autre contestation touchant le prix auquel ils seroient tenus de payerles arrérages, et combien d’années on en pouvoit demandes ; car cette rente avoit été consti-rude au denier dix, et ayant été rachetée les Chanoines concluoient qu’ils ne la devoient plus qu’au denier quatorze, de la même maniere que si elle avoit été rachetée entre les mains du mary ; et pour les arrerages que l’on ne pouvoit en demander que cinq années avant l’action qui fut en 1663. Au contraire. les intimez soûtenoient qu’il leur en étoit dû cinq années du jour que les Chanoines avoient été interpellez de faire porter la rente au decret des biens du mary : Car dés ce moment là les acquereurs n’étoient plus en bonne foy ne pouvans alléguer qu’ils eussent payé les arrerages d’une rente qu’ils pretendoient ne devoir pas : Par un second Arrest du S. de Juillet ensuivant ils furent condamnez aux arrerages du jour de l’interpellation à raison du denier quatorze.

L’on remarque par cet Article les precautions que la Coûtume a prises pour empescher que les biens des femmes ne soient dissipez par leurs matis ; on peut conclure de-là que tous les engagemens de la femme pour les dettes de son mary constant le mariage sont nuls et de nul effet, jusques-là même que la ratification qu’elle en feroit aprés la mort de son mary seroit inutile, parce qu’elle feroit reputée et passeroit pour un cautionnement : on l’a jugé de la sorte au Parlement de Patis en une Cause évoquée de ce Parlement. Dame Renée de Belocier durant son mariage avec Messire Tenneguy de Lombelon, Baron des Essarts, étoit intervenuë ivec ledit sieur son mary en plusieurs Contrats de constitutions de rente, dont Messire Pierre de Monmorency, Seigneur de Loresse, et Dame Loüise de Lombelon son épouse étoient aussi intervenus cautions ; ces grands emprunts et les autres dettes contractées par ledit sieur des Essarts ayant ruiné sa mailon, ladite Dame de Belocier fut contrainte aprés le décez de son mary de tenoncer à sa succession ; quoy que cette renonciation la mit à couvert de toutes letres, néanmoins les Sieur et Dame de Loresse luy firent ratifier les indemnitez que son mary et elle leur avoient baillées pour la décharge desdites constitutions de rente, et en consequence lors que ladite Dame se presenta au decret des biens de son mary devant le Juge le Moulins pour avoir delivrance de ses dot et doüaire, les Sieur et Dame de Loresse l’empescherent en verto de ces actes d’indemnité ; mais ladite Dame de Belocier en ayant obtenu des Letttes de restitution elles furent entérinées, et ses droits luy furent ajugez par Sentence du Juge de Moulins, dont lesdits Sieur et Dame de Loresse ayant appellé et fait renvoyer la Cause au Parlement de Paris, ils difoient qu’ils ne contestoient point que suivant la Coûtume de Normandie la femme mariée ne pût engager son bien, mais qu’ils pretendoient être hors la these generale ; car ils demeuroient d’accord que si la Dame des Essarts aprés a mort de son mary esit reclamé contre : les Contrats qu’elle avoit passez elle y auroit été pien fondée, mais qu’elle n’avoit pas tenu cette conduite, et au lieu de reclamer contre les Contrats et les indemnitez elle les avoit ratifiez lors qu’elle étoit en pleine liberté, de sorte qu’il ne s’agissoit plus que de sçavoir si ladite Dame lutimée dans le temps de sa liberté a pû s’obliger tout de nouveau ; lesdits Appellans soûtiennent qu’elle l’a pû faire de la même maniere que les mineurs peuvent aprés leur majorité approuver ce qu’ils ont fait en minorité, et que des caprifs ayant recouvert leur liberté peuvent ratifier ce qu’ils ont fait dans le temps de leur captivité. La Dame des Essarts répondoit que les Contrats faits par le mary et la femme sont pons et valables, mais c’est à cette condition qu’elle soit recompensée sur le bien de son mary, autrement elle peut de plein droit et même sans Lettres de restitution rentrer en la possesfion de ses biens alienez : D’où l’on peut tiret cette consequence qu’elle ne peut pas s’obli-ger pour ny avec son mary, vendre ny engager ses biens si les deniers ne sont convertis à son profit, suivant les Articles CCCCCXXXIX. et CCCCexI. de la Coûtume de Normandie, et quand’aux indemnitez qu’elle a baillées dans le temps qu’elle étoit veuve et maîtresse de ses actions, dont les femmes en Normandie sont incapables durant le mariage, tels actes ne peurent faire revivre les obligations contractées dutant le mariage qui étoient de soy nulles, d’au-tant plus qu’elles ont été faites sans cause et sans aucun benefice pour ladite Dame, et que les deniers dont elle s’est obligée de décharger les cautions de son mary avoient été consumez plus de quinze ans auparavant : Par Ariest en la Grand-Chambre, au Rapporti de Mr du Laurent, du 8. de Juillets 167a. la Sentence fut confirmée.

La Coûtume supplée par les dernieres paroles de cet Article ce qu’elle avoit omis dans le precedent touchant le temps pour regler l’estimation du bien de la femme aliené par son marys suivant cet Article l’estimation se doit faire sur ce qu’il peut valoir lors du décez de son mayy : Il étoit juste de regler le prix de ce jour-là, puis que c’est alors que l’action est ouverte à la semme pour repeter sa dot, ce qu’elle ne peut faire auparavant, parce que la joüissance en ppartient à son mary : Si neanmoins la femme étoit separée de biens, comme elle pourroit gir pour la restitution de ses biens dotaux, elle pourroit encore alors faite estimer sa dot du our de sa separation, suivant l’Arrest rapporté par Bérault.

Mr Jacques Godefroy propofe cette question, si l’acquereur des biens de la femme offrant de payer l’estimation de son acquisition suivant sa valeur au temps du decez du mary, la femme pourroit forcer l’acquereur à luy payer le prix qu’il l’auroit achetée : Et il conclud en faveur de la femme, parce que cette estimation du juste prix au temps du decez de son mary est ordonnée en sa faveur, et par consequent que ce qui est introduit en sa faveur ne peut être retorqué contr’elle ; le party de l’acquereur me paroit plus équitable, car ce n’est pas feulement en faveur de la femme que la Coûtume a condamné l’acquereur à payer l’héritage sur de prix qu’il pouvoit valoir lors du décez du mary, elle a eu égard que c’est le temps où il retourne à la femme, et que c’est par consequent de ce jour-là qu’il en faut estimer le prix ue l’acquereur en doit payer s’il veut en demeurer proprietaire, et il ne seroit pas juste que sil avoit acheté son plaisir ou sa commodité on la luy fist payer encore une fois, et la femme ne peut demander que la vraye valeur de son fonds.