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DE BREF DE MARIAGE ENCOMBRÉ.
E terme de-Bref. signifie l’ancienne Formule dont on se servoit en toutes sortes d’actions, et les Anglois s’en servoient comme nous La disposition de l’ancienne Coûtume-étoit plus complete sur cette matière, elle ne traitoit pas seulement des biens de la femme, elle parloit aussi de la personne du mary et de la femme, et de l’autorité maritale : Elle disoit que le mary a seigneurie sur sa femme, que les femmes ne peuvent rien avoir pour elles que tout ne soit à leurs maris, qu’elles ne pouvoient faire aucun marché le nulle possession sans le consentement de leurs maris, ny rien vendre tant comme il vive, ne encombrer arrière de luy qu’il ne puisse rappeller : mais de ce que la femme est à la poste de son mary i peut disposer delle, et de ses choses et de ses heritages, et ne peut femme rappeller ce qu’il fait ny être oûye tant qu’il vive en derriere de lux, mais ils doivent être ouyes ensemble de toutes les choses ui appartiennent à elle.
Et touchant la puissance que le mary avoit sur la personne de sa femme, elle disoit qu’aucun n’étoit tenu de faire loy pour simple bature qu’il eût faite à sa femme, mais qu’elle devoit être oùye seulement s’il la mehaigne ou luy creve les yeux, ou luy brise les bras. C’étoit là sans doute une Coûtume barbare et qu’il étoit juste d’abolir, comme ont fait nos Reformateurs mieux instruits dans les Loix de l’humanité et de l’amour conjugal. Et cettains Auteurs sont ridicules quand ils écrivent que l’on ne défendoit anciennement aux femmes de couper leurs cheveux que par ce motif, ut mariti in illis aliquid invenirent, unde possent eas attrahere & ligare. Il étoit néanmoins important de n’abaisser pas si fort l’autorité mâtitale, comme on a fait en quelques rencontres où l’on a eu trop d’indulgence pour des femmes libertines et capricieuses.
Ce TItre tépond à celuy du Droit Romain, de rei uxoriae actione, nam ut dotis repetendae causa rei uxoriae actio comparata est ; Aussi ce Tiire contient les moyens par lesquels la femme aprés la mort de son mary peut reprendre ses biens ou rentrer en la possession d’iceux quand ils ont été alienez sans son consentement : Ces deux Titres ont encore cette conformité que a femme peut avoir d’autres biens outre sa dot, et pour la repetition ou recompense desuels lors qu’ils ont été alienez par son mary, elle n’a pas le même privilege ny une pareille uypotheque que pour sa dot.
L’Article CCCCeXLII. nous en fournit un exemple : Et quant aux autres biens imméubles appartenant à la femme autres que la dot, soit à droit de succession, donation, acquisition ou autrement, s’ils sont alienez par le mary ou par la femme ensemble, ou par la femme du consentement et autorité de son mary, et que l’argent provenant de la vente n’ait été converti, comme dessus est dit, elle doit avoir sa recompense sur les biens de son mary, mais l’hpotheque prend seulement du jour de l’alienation ; ce qui nous marque une différence entre la dot et les autres biens de la femme, ce que j’expliqueray plus amplement sur cet Article-là.
I est incertain si dans les premiers siecles les femmes apportoient quelque chose en dot à Moise leurs maris : On peut inferer par l’exemple des Patriarches qu’avant la Loy de Moise Je n’étoit point la Coûtume : Abraham et Isaac envoyerent des presens à Rebecca, et il n’est fait aucune mention que lon donnât quelque chose à cette fille : Jacob servit long-temps. out ses femmes, et Sichem aprés avoir violé Dina disoit à son pere et à ses freres, augete dotem ut vultis.
Les Politiques ont aussi mis en probleme lequel étoit le plus utile que les femmes fussent dotées ou qu’elles ne le fussent pas ; Megadarus dans Plaute in Aulularia étant prest d’épouser la fille d’un pauvre homme donnoit cet avis aux autres : Si meo exemplo cateri agant concordior crit civitas et invidiâ minore utemur. Illa nos magis metuent ac ipsas minori sumptu alemus, et
Lyeurgue fit cette réponse à celuy qui luy demanduxt la raison de son ordonnance que les illes ne fussent point dotées, qu’il l’avoit fait afin que les pauvres filles ne restassent point à narier, et que les tiches ne fussent trop recherthées et ne devinssent trop superbes, mais Moise l’usage contraire a prevalu. Dans la Loy de Moise il est souvent parlé de la dot, et les Loix Romaines ont décidé qu’il étoit de l’interest de la Republique que les temmes ne soient pas sans dot. C’est un ancien Proverbe, qu’en bien de femme il ny faut planter que des choux. lu nunc Carthaginis alts
randamenta locas, pulchramque uxorius urbem
Extruis, heu ; regni, rerumque oblite tuarum.
CCCCCXXXVII.
Bref de mariage encombré.
Bref de mariage encombré équipole à une reintegrande, pour remettre les femmes en possession de leurs biens moins que dûëment alienez durant leur mariage, ainsi qu’elles avoient lors de l’alienation : et doit être intenté par elles ou leurs heritiers dans l’an de la dissolution du mariage, sauf à eux à se pourvoir aprés l’an et jour par voye proprietaire.
L’Article 445. de la Coûtume de Bretagne contient une pareille dispositlon. En cet Article la Coûtume enseigne à la femme l’action qu’elle doit exercer pour rentrer en la possession de ses biens moins que dûëment alienez, et elle limite le temps dans lequel elle doit obtenir ce Bref de mariage encombré.
On jugeoit autrefois que le Bref de mariage encombré étoit personnel, et qu’il n’appartenoit point aux heritiers ou aux autres parens de la femme, quoy qu’ils eussent obtenu ce bref dans le temps prefix, uam quod datur persona non transit ad heredes, l. Vnius C. de privil. dotal. mais la Coûtume a étendu cette action aux heritiers, et par cet Article le bref de mariage doit être intenté par la femme ou ses heritiers dans l’an de la dissolution du mariage.
La Coûtume ne permet pas seulement aux femmes de rentrer en la possession de leurs biens moins que dûëment alienez durant leur mariage, elle leur donne encore cet avantage d’en pouvoir reprendre la possession de la même manière qu’elles l’avoient lors de l’alienation, de forte qu’on ne peut luy objecter aucune prescription suivant la regle non valenti ageré, qui doit avoir lieu en cette rencontre, comme je l’ay dit sur l’Article CCCCCxxI Non seulement la femme est remise en possession de son bien moins que deuëment aliené au même état qu’il étoit lors de l’alienation ; mais c’est aussi une Maxime en droit que si le mary a été négligent à exiger ce qui étoit dû à sa femme il en est responsable, l. Nupta. 3. 1. et ibid.
Cujac . ff. solut. matr. ou si sçachant que le debiteur étoit insolvable, nomen fecutus sit. l. Prooittendo. S. 1. D. de jur. dotal.
Par un Arrest du 17. de Mars 1638. au Rapport de Mr de Vigneral donné sur un partage de la Chambre des Enquêtes, en la Grand. Chambre au profit d’une femme nommée Eudes, il fut jugé que la vente faite par le mary du bien de sa femme, en son absence quelque ratification exprefse que la femme en eût faite lors qu’elle étoit veuve étoit nulle, parce que la ra-dification ne pouvoit valider un Contrat nul. Suivant cette doctrine de duMoulin , que si confirmabile sit nullum, pariter & confirmatio nulla est. D. nec invalidum validatur. Non enim fit ad finem difponendi, sed solum ad finem approbandi. confirmabile, si tale est et non alifer, nam natura confirmationis est robur addere confirmato et non extendere, de feud. 8. gl. 43. n. 3. et S. 8. n. 87. et sequent. C’est aussi la disposition de la I. Denique, S. scio, D. de minor : en ces mots Initio inspecto, et quoy qu’on alléguast une prescription, il fut tenu pour constant qu’elle ne pouroit avoir cours contre une femme mariée
comme la femme par le bref de mariage encombré peut rentrer en possession de son fonds moins que dûëment aliené, on demande si cette action a lieu contre le pere ou les freres lors qu’ils ont racheté la dot qu’ils avoient constituée et que la femme n’a point signé au Contrat, ou si en ce cas elle est tenuë de diseuter auparavant les biens du mary ; Les sieurs Barons de la Haye du Puits avoient payé la dot de leur seur au sieur de Mouneville ; lors qu’elle fut veuve elle en fit la demande à ses freres, qui la voulurent obliger à se pourvoit sur les biens de son mary qui étoient plus que suffisans pour la payer : Par Atrest en la Chambre de l’Edit eIle en fut dispensée, par cette raison que c’étoit une alienation de son bien qu’elle n’étoit point obligée d’agréer puis qu’elle n’avoit point signé au Contrat Par le Contrat de mariage d’Anne Mauduit avec Loüis de Guerpel on ceda à de Guerpel trois cens livres de rente pour partie de la dot promise à sa femme, et il declara qu’il remplaçoit cette somme et celle de dix-huit cens livres sur tous ses biens : par le même Contrat la femme demeur, separée de biens d’avec son maty : Depuis les biens du sieur de Guerpel
Sfurent saisis régllemens, et postnrieupement. à cotte saisie François, lenSueur Ecuyor, rsieus de Vaupoteau, debiteur de la rente de trois rcens livres en fit le rachapr ; le Contrat contenoit &es termes : Fut present : Lquis de Guerpel, tane en son nom que, comme ; porteur. de Procunation d’Anne Mauduit sa femme sogarée de biens d’atec luyy, et aveci promosse de luy faire ratifier et à de Guerpel, sieur de Montchauvel, lesquels reconnoissent auoir roçù le iraobapt de la inante, et puoneruent d’en faire. le remploy, dans six orois : Le sieur de Vaupoteau ctant : depuis exxcuté en ses biens pour les arrerages de cette rente, il soûtint que la rente ayant été cédée au mary par a mère et les freres il avoit pû valablement la racherer entre leurs mnains, et que les freres avoient pû donner au mary le pouvoir d’en toucher les deniers, saaif le necours de leur seeur rontre son mary ou contre ses freres : Par Sentence du Juge de Verneüil on prononça à tort l’execution. Sur l’appel je dis pour cette Demoiselle qu’encore que le mary parût être le propriétaire de la rente, néanmoins la liberté d’en disposer luy en étoit ôtée par la separation civile qui étoit stipulée par la derniere. clause du Contrat, que les dernieres pactions dérogeoient aux premieres, et qu’in ambiguis pro dote respondendum ; par la separation de biens l’alienation de la dot étoit absolument interdite au mary, et dans le même temps qu’il paroissoit qu’on en laissoit la disposition au mary, elle en reprenoit neanmoins la possession si le sieur de Vaupoteau avoit fait ce rachapt aprés lamort du mary il seroit nul sans diffichlté ; on pouvoit dire qu’il avoit fait la même chose, puis qu’à cet égard le mary étoit mort civilement.
En ces matières la mort civile a le même effet que la naturelle, in omnibus aquiparantur : Et quand même la separation de biens n’auroit pas été stipulée par le Contrat de mariage, les biens du mary étant saisis réellement lors que ce rachapt fut fait il étoit interdit de disposes du bien de sa femme, le decret des higns du mary le faisant reputer mort civilement. Aussi le sieur de Vaupoteau même avoit si bien. tconnu que le mary n’avoit pas une qualité suffisante qu’il avoit luye-même stipulé la presence et la ratification de la femme, ce qu’elle n’avoit oint fait. Maurry pour le sieur de Vaupoteau insistoit aux termes du Conttat, suivant lesquels la rente avoit été cédée au mary, et que par oonsequent il en avoit la disposition : Par Arrest en la Grand-Chambre du 15. de Decembre 1671. la Cour an infirmant la Sentence prononça à bonne cause l’execution.
La dot des femmss est si fort asseurée par la Coûtume et par nos Maximes, que ceux qui en sont chargez lors qu’ils veulent s’en liberer n’y sçauroiont apporier trop de prepautions, et c’est pourquoy il leur est permis de travailler à leur seursté. Le Vasseur étant poursuivi par Me le Pointrel Avocat du Roy au Neuschâtal pour recevoir le rachapt d’une rente faisant partie de la dot de sa femme, ou d’en bailler caution ou de fournir un remplacement, il offrit d’imputer cette somme fut son don mobil qui consistoit au tiers de tous les biens de sa femme, dont il n’avoit encore reçû aucune chose, et cette somme étant au dessous du tiers sil n’étoit point tenu de la remplacer ny de bailler caution : Le Pointrel répondoit qu’il pouroit avoir des creanciers ausquels ce tiers pouvoit être affecté, que l’on ne sçavoit pas même s’il n’en étoit point payé, quoy qu’il en soit il n’étoit point obligé de s’exposer à ces risques, et s’agissant de la dot d’une femme qui ne peut jamais être perduë il avoit interest de s’asseurer, le Vicomte du Neuschâtel l’avoit jugé de la sorte : Par Arrest en la Chambre des acations du 20. d’Octobre 1654. elle fut confirmée, plaidans Theroude et de Cahagnes, Cette action de mariage encombré doit être intentée dans l’an de la dissolution du mariage, mais comme le mariage est dissous par la separation de bions entant que pour les effets civils. l’on demande si la femme qui n’a point agy dans l’an de la separation est excluse de prendre cette voye aprés le decez de son mary ; On peut luy objecter qu’elle n’a demandé la separation que pour tentrer en la possession de ses biens, et pour en avoir la disposition au preju-dica de son mary ; de sorte qu’ayant eu qualité et pouvois, de déposseder les detenteurs de son bien, et ne l’ayant pas fait dans le temps qui luy étoit ordonné et par la voye qui luy étoit prescrite, elle ne peut plus agir que par la voyé proprietaire : On répond que la Coûtume luy permettant de se pourvoir par bief de mariage encombté dans l’an de la dissolution du mariage, le mariage ne doit point être censé disfous par la simple separation de biens, mais seulement par la mort naturelle du mary ; c’est de ce temps-là seulement que les liens de l’autorité maritale sont véritablement dissous et rompus, et c’est par consequent de ce tempalà seulement qu’elle est devenue parfaitement libre et qu’elle a pû s’opposer et détruire ce que son défunt mary avoit fait à son prejudice.
Berault en sa Preface sur ce Titre a dit que la femme qui se rend héritière de son mary et qui prend part-aux meubles et conquests ne peut former l’action de mariage encombré, parce que sa qualiré d’heritiere fengage à la garantie envers les acquereurs, ce qu’il donfirme par un Arrest qui h jugé de la sorte. Godefroy ne peut approuver le sentiment de Béraulo, et il se fonde sur un Arrest remarqué par Terrien contraire que Berault a cité, et sur l’Artir ele CCCLXV. par lequel la femme prenant part aux conquests de son maty demeure neannoins entière à demander sa dot sur ses autres biens, en cas qu’il ait été consigné, et il ne çait, dit-il, comment accorder cette contrarieté, si l’on ne dit que la derniere opinion est peciale en faveur de la dot consignée, secus autem in aliis casibus.
Il est cortain que la femme qui se rend’hentière de fon mary est obngée diefîtreténir tous ses faits, et qu’elle ne peut troubler les detenteors de ses biens qui ont contracté avec son mary, dautant qu’ils auroient un reoouts contrielle, ce qui n’est point contraire à l’Art. 365. qui ne s’entend que des heritiers du mary, à l’égard desquels la femme dont la dot a été confignée a droit de prendre part aux meubles et conquests fairs par son mary sans confondre en sa personne le remploy on la restitution de ses biens dotaux bien qu’elle en soit he-ritière, et sans contribuer à ce remploy pour la part qu’elle prend suivant la Coûtume en la succession de son mary ; mais à l’égard des acquereurs ou des créanciers elle s’oblige envers eux, et contracte une obligation personnelle par l’adition d’hereffité de son mary.
Si la femme n’a point obtenu le bref de mariage encombré dans la dissolution du mariage, la Coûtume luy permet de se pourvoit par une autre voye, sçavoir par la voye proprietaire, ce qu’elle peut faire dans les quarante ans du jour de la dissolution du mariage.
CCCCCXXXVIII.
Contrats d’alienation du bien de la femme, quand sont vallables.
Quand le mary du consentement de sa femme, ou la femme de l’autorité et confentement de son mary, ont vendu et aliené, les Contrats sont bons et vallables, et n’y sont la femme ny ses heritiers recevables, cessant minorité, dol, fraude, deception d’outre moitié de juste prix, force, menaces, ou crainte telle qui peut tomber en l’homme constant ; car la seule reverence et crainte maritale n’est suffisante.
Les Coûtumes de Bretagne, Article 438. et d’Anjou, Article 510. sont conformes à cet Justinien Article, et l’une et l’autre Coûtume sont contraires au Droit Romain qui défendoit absolument l’alienation des biens de la femme, 1. de fundo dotal. D. et c. Et Justinien ajoûta encore à cette prohibition que les fonds dotaux ne pourroient être alienez nonobstant le consentenent de la femme, l. 1. 8. et cum lex. C. de rei lex. act. mais cette alienation des biens do-taux n’est point prejudiciable à la femme, car elle ne peut subsister et avoir son effet si la femme n’en est recompensée
Pour rendre cette alienation valable deux conditions sont nécefsaires ; la premiere, qu’ellé soit faite par l’autorité et consentement du mary, ou par le mary du consentement de sa semme ; et la seconde, que la femme soit majeure, et que l’alienation soit faite sans fraude et sans dol, deception d’outremoitié de juste prix, force, menaces, ou crainte telle qui peut tomber en l’homme constant, car la seule reverence et crainte maritale n’est pas suffisante.
La femme peut vendre par l’autorité de son mary : Cette autorité du mary n’est pas la cause véritable et immediate de la validité de la vente, mais elle rend la femme habile et capa-ple de vendre ; car étant en la puissance de son mary cette autorssation est necessaire pour valider tous les Actes et Contrats qu’elle passe, de la même maniere que le congé et le consentement du pere est requis pour confirmer tout ce qui est fait par le fils de famille : Ce n’est pas sans cause que la Coûtume désire l’autorité et le consentement du mary, ces paroes ne sont point inuilles, l’autorité régarde le droit et le pouvoir du mary ; pluris est autoris tas quim simplex consensus : autoritas si quidem majorum est qui jus potestatis in illam cui eam pratant habent, inferiorum autem est consensus :Pontanus , Article 3. de la Coûtume de Blois. Ce n’est qu’une simple approbation de l’acte, et encore qu’il ne pûst subsister sans ce confentez ment il differe néanmoins, selon quelques Docteurs, en ce point de l’autorité, que la personne doit être autorisée lors qu’il contracte, au lieu que l’on peut donner par aprés son cont sentement à ce qui a été fait, sciendum est autoritâtem in ipfo actu exigi, idest dum ipsum negotium geritur, aut saltem incontinenti, l. obligari. 5. tutor. de autor. prest. consensum vero sine que camersi actus subsistere non possit, non tamen necessario in ipfo actu intervenire oportet :Pontan . ibid.
Balde sur le C. edoceri. col. 3. ext. de rescript. dit qu’il y a des Confats qui sont in potentiâ convalescentiae, c’est à dire qu’encore que dans leur principe ils soient puls ils pleuvent venit en convalescence en les faisant approuver par ceux dont le consentement est necessaire. Il y des Contrats qui ne peuvent venir en convalescence, in potentiâ convalescentia non sunt, et qui ne peuvent être confirmez par un consentement sobsequent, l. Receptum commun. prad. par exemple, la vente faite par la femme sans l’autorité du mary né peut point être validée, parce que toute la force ou la validité du Contrat consiste en cette autorisation : Autoritas mariti est adeo simplicis naturae, ut neque diem neque intercapedinem ullam recipiat, in ea quippe gotius actus vis et fundamentum consistit, tum et substantia originis : que si le mary avoit vendu le bien de sa femme sans son consentement ce Contrat n’est pas entièrement valable, parce que le mary n’est pas absolument le maître des biens de sa femme, mais il est en état de convalescence par le consentement que la femme y peut donner par aprés ; car tous les actes qui ne sont defectueux que par le defaut de consentement peuvent être confirmez par un consentement subsequent, qui est appellé par nos Jurisconsultes consenjus accedens, l. 8i autem plures, et ibiBart . de aqua pluv. arc. l. Ratam de solut. D.
MBoyer , sur l’Art. 4. 1. de l’Etat des personnes, de la Coûtume de Berry, estime qu’il n’importe que le mary ait autorisé sa femme en passant le Contrat ou depuis, se fondant sur le Chap. Cum ita veteri ext. de elect. et sur la l. 1. 5. prodest quor. legat. Pontanus combat son opinion par autoritez et par raisons ; car à l’égard de ce Chap. Cum in vetere, et le S. prodest, il en fait voir la difference en ce qu’en ces loix-là le consentement n’étoit requis que par fotme de conseil, m modum consilii & simplicis voluntatis ; mais quand il s’agit d’autoriser la temme, consensus, dit-il, autorisabilis ad integrandam personam requiritur, & ideo qui autoritatem prestat non dicitur consentire, sed consensus autorem effe ; et pour montrer que cette autorité est de l’essence du Contrat, il se sert de trois raisons qu’il emprunte de Balde ; la premiere, que l’autorisation du mary est le fondement de l’acte ; la seconde, que c’est une solemnité introduite par la Coûtume que dat esse rei, et qui la fait subsister ; et la troisiéme, que c’est un acte legitime qui ne doit point demeurer en suspens et dépendre d’un évenement incertain, si le mary autorisera sa femme ou ne l’autorisera pas.
Mais nonobstant tous ces raisonnemens, pour prouver que l’autorisation se doit faire in ipso negotio, et que ce n’est pas assez de ratifier par aprés ce qui a été fait, l. Obligari. 5. Tutor. p-de autorit. et consens. tut. il faut faire cette distinction, que quand l’autorisation est requise pour la solemnité ad integrandam legitimandamque personam, pour rendre la personne habile à contracter l’autorisation doit accompagner l’acte et se faire par un même Contrat ; mais si l’autorisation est seulement necessaire pour l’interest de celuy qui doit consentir, il n’est pas besoin que cette personne intervienne en même temps, parce qu’elle peut par aprés confirmer l’acte et le ratifier : Or l’autorisation du mary n’est pas requise comme une forme ne cessaire, mais seulement afin que les femmes manées ne puissent contracter au prejudice du respect et de l’autorité maritale, ny donner atteinte au droit que le mary a d’être le maître des actions de sa femme et de joüir des fruits de son héritage, en quoy elle luy feroit toit si elle en pouvoit disposer sans son autorité
C’est encore une question si cette autorisation doit être expresse, et si elle seroit suffisamment suppleée par la presence du mary. Le Pape Innocent sur le Chap. Consuetudine de con-suer. remarque qu’autoritas que debet interponi à marito, debet formaliter inscribi in contractu per verbum, autoriso, et puis que verbis interponitur autoritas, l. 2. de autorit. et consens. tut. il faut que le Contrat fasse mention de l’autorisation faite par le mary : Il est certain que la seule presence du mary ne suffiroit pas, mais encore que le terme d’autorisation n’y fût pas expressément employé, pourvû qu’il eût parlé au Contrat en sorte qu’il parût avoir approuvé ce que fa femme auroit fait cela suffiroit, valet autoritas ejus qui se probare dicit id quod agitur, hoc enim est autorem fieri. l. 3. D. de autorit. et consens. tut. et comme le droit ne doit pas consister en subtilitez et en pointilles, il suffit que le mary ait autorisé tacitement sa femme ; car il y a deux sortes d’autorisation, l’une expresse, et l’autre tacite : l’autorisation est expresse lors que le mary déclare en termes formels qu’il autorise sa femme : l’autorisation tacite est celle qui n’est pas faite en termes exprés de bouche ny par écrit, mais qui resulte neanmoins assez expressément de quelque action du mary.
Cette autorisation du mary n’est pas necessaire lors que la femme est poursuivie criminellement pour delit, mais elle ne pourroit faire une poursuite criminelle sans cette autorisation. si le mary vend le bien de sa femme son consentement est requis, mais il ne se presume point par la seule presence, car la simple presence in prajudicantibus nusquam pro consensu hasetur, jusques-là même que quand cette presence seroit confirmée et soûtenuë par la figna-ture de la femme cela né suffiroit pas ; car quoy que la signature presuppose le consentement puis qu’elle n’est désirée que pour cet effet, néanmoins la Coûtume voulant expressément que la vente soit faite du consentement de la femme le Contrat doit en faire une mention expresse. Mr d’Argentré , Art. 419. vet. con. gl. 1. a crû que si mulier subscripserit contractui, hoc sufficienter probari consensum & obligationem, quia subscriptio pro cujusque interesse postulata assensum importat, cum non alio usu esse possit subscriptio : mais la Coûtume de Bretagne potte en termes generaux, si le mary et la femme vendent : mais suivant cet Article, si le mary vend il faut que ce soit du consentement de sa femme, autrement on presume qu’elle a signé plûtost pour la trainte et reverence maritale que par une volonté libre, qui alienae potestati subjecti sunt tacere ex reverentia judicantur. l. Si fundum. C. de reb. alien. non alien. Le pere, le maître et le maty étant armez de toute l’autorité que la Nature et la Loy leur mettent en main, on régarde comme un effet de leur puissance une signature qui n’est point gûtenuë ny confirmée par un consentement exprés, et c’est en ce cas que l’on peut dire velle non creditur qui obsequitur mperio mariti. La Coûtume de Paris, Art. 223. pour lever cette difficulté dit que la femme mariée ne peut vendre, aliener ny hypothequer ses héritages sans l’autorité et consen tement xprés de son mary ; et par la raison d’identité si le mary vend le bien de sa femme, il doit de faire par son consentement exprés.
Mais quoy que le mary ne puisse vendre valablement sans le consentement de sa femme, et qu’elle ait action pour se pourvoir contre le Contrat, cela s’entend quand elle veur s’en plaindre comme étant fait à son prejudice ; car s’il luy étoit avantageux l’acquereur ne pourroit pas pretendre pour raison de ce defaut qui ne concerne que l’interest de la femme que le Contrat fût nul, pourvû que le mary et la femme voulussent l’entretenir ; les loix qui sont faites en faveur de la femme ne pouvant pas être retorquées contre elle et étant en sa liberté d’y renoncer.
Le mary de sa part qui auroit vendu sans le consentement de sa femme ne pourroit pas inquieter celuy qui auroit contracté avec luy pour raison du defaut de consentement de sa fem-me, car le Contrat subsisteroit à son préjudice durant la vie de sa femme si elle n’étoit point separée d’avec luy.
L’autorité du mary majeur ne seroit pas suffisante pour autoriser sa femme mineure ; son consentement et son autorité n’ont pas le pouvoir de rendre la femme habile à contracter quand elle est mineure : Et c’est pourquoy cet Article ajoûte que les Contrats faits par l’autorité et le consentement du mary sont bons et valables cessant minorité ; Mais on demande si l’autorité du mary mineur vaut à la femme majeure : l’affirmative a été décidée par un Arrest du Parlement de Paris rapporté parMontholon , Arrest 113. et par Mi lePrêtre , Cent. 2. c. 61. et l’autorisation faite par un mary mineur pour la vente du bien de sa femme majeure fut déffirée bien faite ; la raison est que pour cette autorisation l’âge n’est point considérable, mais la seule puissance et autorité du mary dont on veut conserver l’interest, son consentement n’étant pas re-quis pour l’imbecillité de sa femme, mais seulement à cause de la qualité de mary : et ce qu’on dit que qui non potest vendere, nec vendenti consentire, s’entend pour vendre le bien, in quo quis plenum jus habet : Mais un mary quoy que mineur peut mettre sa femme en liberté pour disposer de son bien étant majeure et capable de le vendre, sa seule qualité de femme mariée luy ôtant cette liberté, et l’autorité du mary n’étant pas de la substance du Contrat, mais de la forme seulement, il suffit une fois que le mary luy donne cette autorité : On en trouve un exemple en la l. 2. D. de manumiss. vind. Si minor sit annis vigenti fructuarius an consentire libertati possit, et puto consentiendo ad libertatem pervenire posse. Surquoy la Glose fait cette re-marque, quod potest alii consentire in eo quod ipse facere non potest.
Cependant cette doctrine ne seroit peut-être pas suivie en cette Province, où la Coûtume ne permet qu’avec beaucoup de précaution l’alienation du bien des femmes, et où la femme ne peut au refus de son mary vendre par autorité de Justice, sinon pour les causes contenuës en l’Art. CCCCCXLI. et puis que le consentement du mary doit intervenir necessairement, la personne qui doit le donner doit être capable de le faite, ce qu’un mineur ne peut point aussi Monthelon et Mr le Prêtre ont remarqué qu’aprés la prononciation de l’Arrest, Mr le premier President avertit les Avocats que si le mary se plaignoit et qu’il se fist relever, la Cour en délibereroit sans que l’Arrest fist préjudice à la question : il n’est donc pas vray de dire que l’autorisation du mary ne soit requise pour la forme, et que son censentement ne fait point la vente et n’est point de la substance du Contrat, parce que si ce n’étoit qu’une simple formalité, le mary ne seroit pas recevable à s’en relever, et en tout cas il y seroit bien fondé s’il souffroit quelque préjudice en consequence du consentement qu’il auroit donné à la vente.
L’on agita cette question en l’Audience de la Grand. Chambre le 9. de Juin 1676. si la semme ayant été autorisée par son mary à prendre une succession, et ayant ensuite presenté des lots à sa coheritière signez d’elle et de son mary, la choisie faite par le mary seul étoit valable : La succession de Mr de Camprond étant échuë à Marie Camprond, femme de Michel le Bouleur et à Diane de Camprond, femme de Bertrand Larcher. Diane le Bouleur fut autorisée de la prendre au refus de son mary de l’accepter, les lots et la choisie fut par elle faite en sa presence et signée d’elle. Depuis la succession de la mere étant aussi échué elle fut encore autorisée par son mary pour l’accepter, et elle en fit et signa des lots : Le sieur Bouleur mary de la soeur ainée les choisit avec le mary seul de Diane de Camprond et sans y appeller, ce qui luy donna lieu de soûtenir contre le Bouleur que la choisie étoit nulle, qu’elle n’avoit pû être faite en fon absence et auparavant que de luy avoir déclaré s’Il acceptoit les lots en la maniere qu’ils luy avoient été presentez ; cela fut jugé par Sentence du Juge d’Avranches Sur l’appel Durand pour le Bouleur soûtenoit que nonobstant l’autorisation de la femme, le mary seul avoit pouvoir et qualité de proceder à la choisie, que ces Lettres d’autorisation n’étoient qu’une formalité superfluë sans effet et de nul usage, et qu’aprés tout les lors luy ayans été presentez et n’ayant point voulu les blamer, il pouvoit proceder à la choisie d’iceux en l’absence du mary et de la femme : Je répondois pour Diane de Camprond que par la jurispru dence Françoise la femme étant absolument en la puissance de son mary, nullam habebit agendi vel sistendi in judicio legitimam personam : Cependant comme il n’étoit pas raisonnable que le mary abusast de son autorité et pût blesser irreparablement les interests de sa femme : La Loy luy donnoit un moyen pour travailler à la conservation de son bien en la rendant capable par des Lettres d’autorisation de sister en jugement et de proceder en son nom lors qu’elle n’avoit pas sujet de demander la separation de biens : Il est vray que cette autorisation n’avoit pas toute l’etenduë que les Praticiens avoient voulu luy donner, car ils étoient dans cette erreur de croire que cette autorisation mettroit le mary à couvert de toutes les mauvaises procedures qu’il feroit sous le nom de sa femme, et que les condamnations que l’on obtrendroit contre sa personne ne seroient point executoires contr’elle ; mais puis que nonobstant l’autorifation Il retient et fait son profit des joüissances du bien de sa femme, on n’a pas trouvé raisonnable qu’il pûr plaider impunément sous le nom de sa femme ; mais l’autorisation ne faisse pas d’être nécessaire à l’effet de rendre la femme capable de pouvoir agir en son nom pour la conservation de ses interests, de sorte qu’on n’avoit pû faire cette choisie sans son consentement, puis qu’elle avoit fait et signé les lors et qu’il s’agissoit de la proprieté de son bien, nam per divisionem pervenitur ad alienationem : Or le mary ne peut aliener le bien de sa femme sans son con-sentement ; et quant à l’autre raison de l’appellant qu’il pouvoit faire la choisie en son absence, on répondoit qu’il auroit dû auparavant passer sa déclaration qu’il n’entendoit point blamer les lots, et jusqu’à ce qu’il eût fait cette déclaration elle pouvoit les augmenter ou les diminuer comme elle entendoit le faire ayant reconnu que la valeur n’en étoit pas égale : Par l’Ar-rest la Sentence fut confirmée.
Tronçon propose cette question de la Coûtume de Paris sur l’Article 225. si le mary qui a fait cession de biens est capable d’autoriser sa femme : L’on peut dite que le mary n’a point ce pouvoir uia non habet legitimam personam standi in judicio, mais on répond que le mary pour avoir fait cession, de biens ne cesse pas d’être mary et ne pert pas l’autorité maritale. En cette Province cette difficulté arriveroit rarement, car la femme d’un cessionnaire ne manqueroit pas à se faire separer de biens, et même elle le seroit de plein droit, la cession de biens étant une mort civile, ce qui la rendroit incapable d’aliener, quoy que le mary y donnast son consentement.
On apporte deux exceptions à la disposition generale de cet Article, l’une à l’égard de la femme separée, l’autre à l’égard de la femme qui est marchande publique ; l’on pretend que a femme separée de biens ne peut contracter de son bien, quoy qu’elle soit autorisée de son mary ; et pour l’autre qu’elle peut l’engager sans le consentement et l’autorité de son mary En Normandie la separation de biens a un usage bien different de celuy de Paris, suivant la jurisprudence du Parlement de Paris remarquée par Mr Loüer et son Commentateur, l. F. n. 30. a femme separée peut aliener ses immeubles étant autorisée par son mary, mais en Normandie l’on ne doute point que les alienations faites par la femme separée, quoy que ce soit de l’autorité de son mary ne soient nulles : Le Reglement de la Cour de l’année 1600. ayant déclaré les Contrats faits par la femme separée nuls et de nul effet, l’autorité du mary ne peut les valider : la separation est un remede de la Loy pour conserver le bien de la femme, et non pour luy donner la liberté de l’aliener, l. Vbi adhc. C. de jur. dotal. et la cause de la separation étant le mauvais ménage du mary, son autorisation est inutile pour faire une chose con-traire à la fin principale de la separation ; ce seroit la rendre entièrement illusoire, car le marv en l’autorisant poutroit luy faire aliener tout son bien, et on l’engageroit par cette voye à distuter les biens de son mary. On pourroit dire pour l’acquereur que suivant cet Article le con-rat de vente est valable, et qu’il suffit à la femme qu’on luy indique des biens suffisans pour porter le remplacement de ses biens alienez, que la separation ne change point la qualitédde la femme et ne la prive point de contracter par l’autorité de son mary : La question ayant été plaidée en l’Audience de la Cour et apointée, elle fut depuis jugée au Rapport de Mr de Caradas le 23. de Juillet 1636. entre Heusé, le Févre et Duchemin ; et l’acquereur fut condam-né de payer à la femme la vraye valeur de son fonds aliené, et elle fut dispensée de discuter les biens de son mary, et en payant le fonds luy fut ajugé sans le recours contre son mary.
Quoy qu’on ne doutast plus de cette Maxime, néanmoins les Juges furent partagez là-dessus en la Chambre des Enquêtes en 1658. Mr Clement Rapporteur soûtenoit que la femme étoit interdite d’aliener nonobstant qu’elle fût autorisée par le mary : M’Baudry compartiteur pretendoit que le Contrat étoit bon, mais en jugeant le partage en Grand. Chambre, il passa out d’une voix à l’avis de Mr Clement.
En effet la femme separée est si absolument incapable d’aliener son bien, que par Arrest onné en l’Audience de la Chambre de l’Edit le 14. de May 1651. il fut jugé qu’elle n’avoit oû engager ses immeubles, quoy qu’on alléguât que largent luy avoit été baillé pour parvenir à sa separation, et l’héritière de la femme fut déchargée aprés sa déclaration qu’elle aban-connoit les meubles et les acquests.
Il faut observer que l’on pretendit faire différence entre les ventes faites avant le Reglement de 1600. et les alienations qui avoient été faites depuis. Ester de Perey, femme civis ement separée d’avec Guillaume du Vivier Ecuyer son mary, avoit fait plusieurs alienations. de ses héritages en l’année 1599. de l’autorité de son mary : aprés sa mort Laurens de Cussi son petit-fils fit condamner les acquereurs à luy en quiter la possession, par Sentence du Juge de Bayeux : Sur l’appel par Fouquet acquereur, Heroüet son Avocat disoit que la vente étant anterieure au Reglement de 1600. qui défend aux fommes separées l’alienation de leurs biens elle devoit subsister, le Reglement ne pouvant avoir lieu que pour les Contrais qui seroient faits à l’avenir, qu’auparavant cette loy les femmes separées disposoient de leurs biens de la même sorte que si elles n’eussent point été mariées. Je répondois que ce Reglement n’avoit point introduio un droit nouveau, et qu’auparavant les femmes separées étoient dans une generale interdiction, ce qu’on apprenoit par les remontrances de Mr le Procureur General qui donnerent lieu à ce Reglement qui ne fut fait que pour expliquer cet Article qui parle en termes generaux des femmes mariées et pour ôter toute l’ambiguité : Par Arrest du 25. de Mars 1656. la Sentence fut confirmée
Autre Arrest au Rapport de Mr de la Basoge, du S. d’Avril 1648. sur ce fait : Entre Fortin Appellant et la nommée Granger, ayant épousé en premieres nopces le nommé le Reculé. En 1592. le pere et les frères de cette femme luy donnerent en faveur de mariage vingt livres de rente ; aprés avoir obtenu des Lettres de separation elle vendit conjointement vec son maty cette rente à Fortin, sans prendre néanmoins la qualité de femme separée en 1608. les biens de ses freres étant saisis réellement et ajugez elle s’opposa pour avoir le principal et les arrerages de cette rente ; mais Fortin son cessionnaire la fit debouter de son opposition dont elle n’appella point, et Fortin à son droit reçût les deniers ; mais en 1636. elle fit appeller Fortin devant le Vicomte de CaEn aux fins de luy indiquer des biens ayant appartenu à son mary pour être payée de sa rente et de vingt-neuf années d’arrerages, Fortin fut condamné à la continuation de la rente et au payement des arrerages du jour de l’action : Sur l’appel le Bailly cassa la Sentence, et condamna Fortin au payement de tous les arrerages depuis le jour qu’il avoit reçû le rachapt de la rente ; Fortin Appellant soûtenoit que cette rente ne pouvoit être payée par luy comme elle l’auroit été sur les frètes de cette femme, parce qu’ayant changé de main avant les quarante ans ce n’étoit qu’une rente constituée à prix d’argent, dont elle n’auroit pû demander que cinq années aux heritiers de son mary s’il en avoit reçu le rachapr ; et à son égard il étoit acquereur de bonne foy, et par consequent il avoit fait les fruits sient, et à die tantum litis contestata incoepit esse malae fidei possessor, que cette femme avoit usé de dol ayant celé sa qualité de femme separée, non est autem indulgendum malitiis et çalliditati : Ladite Granger pour sa justification alléguoit que sa separation étant publique et notoire Fortin n’avoit pû l’ignorer, qu’il n’étoit plus en bonne foy du jour qu’elle s’étoit opposée au decret des biens de ses freres, ayant connu par cette opposition que la vente qu’elle luy. avoit faite étoit nulle vû sa qualité de femme separée, et que l’intervention de son mary n’avoit pû la valider : Par l’Arrest on n’ajugea que cinq années d’arretages.
En jugeant l’invalidité des alienations qui sont faites par la femme separée, quoy qu’autos trsée par son mary il reste cette difficulté, si elle peut reprendre son héritage ou si l’acquereur peut le srenir en luy payant la vraye valeur d’iceluy : Quand la femme non separée vend par l’autorité de son mary, elle ne peut troubler les acquereurs qu’aprés la discussion des biens du mary ; que si la femme est separée et qu’elle ait contracté sans l’autorité du mary, il est sans doute que la femme peut rentrer en la possession de son fonds, parce qu’il y a une nullité precise au Contrat, mais quand l’autorité du mary est intervenue quoy que le Contrat ne soit pas valable, il semble que cette invalidité n’a d’autre effet que de dispenser la femme separée de discuter les biens du mary, et que l’acquereur peut se maintenir en possession de son acquest en payant à la femme la vraye valeur de son fonds. Cela fut jugé par l’Arrest de Heusé de l’an 1636. dont je viens de parler ; neanmoins ces Contrats étant nuls et défendus par les Reglemens, ils ne peuvent empescher la femme de rentrer en la possession de son héritage.
Il y a souvent plus d’imprudence et de mauvais ménage à acquerir qu’à vendre, s’il arrivoit que par de mauvaises acquisitions la femme separée engageast son bien et l’hypotequast à des dettes, on demande si elle seroit restituable contre ces Contrats : Pierre Alorge désirant s’accommoder d’un héritage qui étoit à sa bien-seance, obligea Barbe Haïs sa femme separée de piens d’avec luy de prendre en échange une partie de son bien qui consistoit en rentes, terres et naisons ; et par un autre Contrat elle acheta le surplus ; mais au lieu d’argent comptant elle s’obligea d’acquitter Breant son vendeur de quelques rentes, à quoy n’ayant point satisfait, ce Breant étant executé, il saisit les biens de cette femme pour sa garantie ; elle se pourvût par cettres de rescision contre les Contrats d’échange et de vente, alléguant pour moyens qu’elle n’avoit passé ausdits Contrats que par les pressantes inductions de son mary, et qu’elle souffroit une pette considérable par cette mauvaise et inconsidérée acquisition qui causeroit infaile iblement la perte de sa dot si elle subsistoit, et comme elle ne pouvoit aliener ou diminuer son bien en vendant, elle ne pouvoit aussi l’hypothequer en acquerant si mal à propos ; à quoy fut répondu par l’acquereur que les Contrats faits par cette femme luy étoient si peu desavantageux qu’il en consentiroit volontiers la resolution si les choses étoient entières ; mais ayant disposé d’une partie des biens qu’il avoit eus par échange cela l’engageroit en des interests d’éviction : Par Arrest du 10. de Decembre 1671. il fut dit qu’auparavant de faire droit l’estima-tion des héritages seroit faite, et sur ce que l’on objectoit que par l’Art. 127. du Reglement de 1666. les Contrats qui ont été faits par les femmes separées peuvent être executez sur leur meubles et sur leurs acquests, et sur le revenu de leurs immeubles : On répondoit que le mot de revenu ne pouvoit être entendu de la dot, autrement la separation deviendroit inutile si la gemme separée pouvoit engager le revenu de sa dot, qui n’est ôtée au mary que pour la faire subsister, et la separation ne luy est accordée qu’à l’effer de luy en donner la joüissance, ce mot de revenu ne peut donc être entendu que des immeubles autres que la doù : plaidans de Lespiney et Barate : Autre Arrest du 1. de Juin 1658. au Rapport de Mr Labbé entre les nommez Robillatd, par lequel un Contrat d’échange fait par une femme separée de biens fut dé-laré nul, quoy qu’on alléguast que le contr’échange étoit d’égale valeur, et que par consequent elle étoit hors d’interest-
La separation une fois jugée ne peut être aneantie par le consentement de la femme : Une femme nommée Roquemont s’étoit fait separer de biens dans un temps où son mary étoit poursuivy criminellement, il pretendoit que cette separation n’avoit été obtenue que dans le dessein de mettre son bien à couvert ; et en effet aprés avoir été déchargé de l’accufation la gmme avoit passé sa déclatation qu’elle renonçoit à cette separation ; mais s’étant pourvûc contre cette déclaration : Par Arrest du 24. de Février 1644. sans avoir égard à cette déclaration, la separation fut confirmée, plaidans Pilastre et Paulmier.
Il est juste qu’un mary mauvais ménager soit privé du pouvoir que la Coûtume luy donne sur les biens de sa femme, mais il seroit contre l’ordre et la bien seance que le mary se foumit à la conduite de sa femme, et c’est pourquoy bien qu’un homme eût consenti par son Contat de mariage de ne point aliener ses biens que par l’avis de sa femme, on jugea que cette action étoit incivile ; et la vente faite par le mary seul à charge de faire ratifier sa femme fut declatée valable nonobstant que la femme n’eût point ratifié, sans avoir égard à cette plause incivile par laquelle le mary s’étoit imposé une servitude honteuse sans cause et sans nécessité, n’ayant aucune foiblesse d’esprit qui méritât de le mettre en curatelle, de sorte u’il n’avoit consenti à cette curatelle que par une bassesse de courage qui repugnoit à la dinnité de son sexe et à l’ordre de la natute, qui avoit mis les femmes en la puissance et en a curatelle de leurs maris, et non les maris en celle de leurs femmes : Par Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 7. d’Aoust 1663. donné lors que Mr le Duc de Montausier Gouverneur de Normandie y vint prendre seances
C’est donc une jurisprudence certaine en cette Province que la femme separée de biens, soit qu’elle soit autorisée par son mary ou qu’elle ne le soit pas ne peut aliener ny hvpotheguer ses immeubles : Et en cela nôtre Usage est different de celuy du Parlement de Paris, oû a femme separée ne peut seule faire aucune obligation, donation ou Contrat qui affecte l’imneuble et emporte alienation perpétuelle ; mais elle est capable de faire tous ces actes par autorité et du consentement de son mary ; VoyezLoüet , l. F. n. 30.Ricard , Article 124. de la Coûtume de Paris.
Il faut neanmoins observer que toutes sortes d’alienations faites par la femme separée ne ont pas nulles : Si les deniers ont été employez utilement par elle et à l’acquit de ses dettes, elle ne peut pas demander la resolution du Contrat ; cela fut jugé en la Chambre des Enquêtes le 20. de Juillet 1630. au Rapport de Mr Bigot, et que le Reglement qui défend aux femmes mariées l’alienation de leurs immeubles ne s’entend point de celles dont les deniers ont été employez à l’acquit de leurs dettes, si elles ont contracté par le consentement de leurs maris.
Par Atrest du 16. de Mars 1665. au Rapport de Mr Btice, il fut aussi jugé qu’une femme separée de biens n’étoit point obligée de remployer les deniers qui luy étoient dûs à raison d’une vente d’héritage faite par son pere, dont la succession luy étoit échûè depuis sa sepaation ; l’Arrest fondé sur ce que ce n’étoit qu’une somme mobiliaire qui n’étoit point sujette remploy.
La femme separée peut aussi revendre ce qu’elle a acquis depuit sa separation, suivant les Arrests remarquez par Bérault ; mais on a fait difficulté pour l’héritage qu’elle avoit retiré à droit de sang. Demoiselle Françoise de Btiory, femme de Jean Cauver sieur de Valun, et eparée de biens d’avec luy, avoit retiré à droit de sang la Baronnie de Nehou qui avoit été venduë par la Dame sa mère ; elle en fit revente conjointement avec son mary quelques anées aprés à Messire Jacques de Harcour Baron d’Olonde ; mais aprés la mort de son mary elle obtint des Lettres de récision contre ce Contrat, qu’elle fonda sur cette raison que somary n’avoit pû l’obliger à vendre son bien, et qu’elle avoit renoncé à sa succession, qu’o-de pouvoit pas soûtenir que ce fût un acquest dont elle auroit pû disposer, parce que les heritages retirez à droit de sang sont reputez propres et non acquests : La défense portée par le Tître De prad. minor. sine decr. non alien. s’entend également des héritages qu’ils ont acquis comme de leurs propres : Par Arrest en la Grand. Chambre du 10 de Juin 1660. les Lettres de récision furent enterinées, et la Demoiselle de Briory renvoyée en la possession de la Terue de Nehou : Je plaidois pour la Demoiselle de Valun, et Maunourry pour le sieur de HarcourDepuis le sieur de Harcour s’étant pourvû par Lettres de Requête Civile, Maurry represen-Aristote roit que suivant l’opinion d’Aristote la Loy pour generale qu’elle soit peut recevoir des exceptions, parce qu’il peut arriver des cas imptevûs qui rendroient sa disposition injuste ; et quoy que le Reglement de l’année 1600. prononce la nullité des Contrats de vente que la femme teparée a faits de son bien de l’autorité de son mary, elle n’est pas si precife qu’on ne puisse la moderer selon les circonstances du fait : aprés tout que le Reglement ne devoit avoir lies de pour les propres de la femme et non pour les acquests, car il pouvoit arriver qu’elle n’en feroit la revente que pour s’acquiter des deniers qu’elle auroit empruntez pour cet effeti et pour avoir acheté cette Terre avant sa separation elle n’en avoit pas moins la disposition, la prohibition de la Loy ne s’étend point à ces sortes de biens, qu’il n’y avoit point d’appasence de les mettre au nombre des propres. Il est vray que suivant l’Art. CCCLXXXIII. chéritage rétiré par clameur de bourse à droit de lignage tient nature de propre et non d’acquest, mais c’est un propre fictif et imparfait que la Coûtume a introduit en faveur des li-gnagers et pour exclure les heritiers aux acquests, mais à l’égard de celuy qui avoit fourny les deniers pour retirer l’héritage on ne pouvoit pas dire que ce ne fût un acquest, et que par consequent la femme même qui les avoit retirez en pouvoit disposer : Enfin la Demoiselle de Valun avoit été forcée de vendre par une nécessité indispensable, que l’utilité y étoit évidente, ayant chargé le sieur de Harcour d’acquiter plusieurs dettes, à quoy il avoit sativfait en la meilleure partie, quoy que la Défenderesse eût fait plaider le contraire lors de la premiere plaidoirie, la forme même ne manquoit pas à ce Contrat, puis que l’on representoit des procurations de parens qui avoient jugé à propos de vendre cette Terre. Je répondois pour Nicolas Cauver Ecuyer, sieur de Gichebert, héritier de sa mere, que ce n’étoit pas moins par l’ordre de la Nature que par la disposition des Loix Divines et Humaines que la femme est soûmise à l’autorité de son mary, et cette autorité ne s’étend pas moins sur ses biens que sur sa personne mais comme cet empire n’a eu pour cause et pour fondement que cet amour et cette assistance que les conjoints se doivent reciproquement, lors que l’un manque à ce devoir la Loy comme l’arbiire Souverain de leur commun sort prend le party du plus foible, et donne à la femme de secours et la protection qu’elle devoit recevoit de son mary : C’est par cette raison qué les divorces ont été introduits, qui se pratiquoient au commencement avec tant de rigueur qu’ils causoient la dissolution entière du lien conjugal, de sorte que la femme ne reprenoit pas seulement ses biens, mais son coeur et ses affections.
Mais paroissant trop dur qu’une amitié si legitime fût aneantie par la seule confideratiom du mauvais ménage du mary, on se contenta de châtier la mauvaise conduite du mary en le privant de l’administration des biens de sa femme ; et neanmoins les Legislateurs connoissant bien la foiblesse et l’imprudence des femmes, ils trouverent à propos de ne leur accorder que la joüissance de leur bien, mais aussi de leur interdire la disposition de la proprieté, c’est la décision expresse de la I. Ubi adhuc, C. de jure dotal. qui est comme l’original et le modelle de ce Reglement si équitable qui fut fait par la Cour en l’année 1600. Ubi adhuc constitute matrimonio maritus ad inopiam sit deductus, et mulier sibi prospicere velit resque sibi suppositas pro gote et ante nuptias donationem, resque extra dotem constitutas tenere, non obesse ei matrimonium constitutu sancimus, sed posse eas res vindicare, ita tamen ut eadem mulier nullam habeat licentiam easdem res alienandi vivente marito, sed fructibus earum tam sui quam mariti & filiorum si quos babeat abutatur.
On voulut neanmoins étendre la separation de biens au delâ de sa véritable fin, la femme separée abusant de sa liberté. se flatoit qu’elle avoit une pleine disposition de son bien tant pour la proprieté que pour l’usufruit. La Coûtume de Paris sembloit donner quelque pretexte à. cette erreur, ayant dit que la femme mariée ne peut vendre uy s’obliger si elle n’est separée, d’où l’on inf troit qu’elle pouvoit vendre et s’obliger quand elle est separée ; mais cette erreur s’étant glissée dans cette Province cela donna lieu au Reglement de l’année 1600. par lequel défenses sont faites aux femmes separées d’aliener durant leur mariage leurs immeubles à peine de nullité, si ce n’est pour redimer leurs maris de prison pour cause non civile, ou pour la nourriture d’elles, de leurs maris ; ou de leurs enfans, ausquels cas aprés l’assemblée et la dediberation des parens et l’Ordonnance des Juges les alienations auront lieu et seront valables.
Or il est manifeste que le Contrat fait par la Demoiselle de Valun peche contre tous les chefs de ce Reglement, et qu’il est vieieux et nul en sa matiere et en sa forme, ainsi quod nullum est, nullum producit effectum, quand la Loy prononce la nullité de quelque acte in totum corruit, & totaliter afficit, et que pour le détruire il n’est pas même nécessairde e se pourvoir par Lettres de récision, nam hi actus pro non factis nec dictis habentur, sine ullo juris effectu ne nomine quidem, aut appellatione contractus digni.
On ne pouvoit pas faire passer pour un acquest ce que la Coûtume déclare si expressément être un propre : Et en effet, il en a toutes les qualitez, il appartient à l’heritier au pro-pre au prejudice de l’heritier aux acquests. Quand le retrait est fait par le mary, la femme n’y urend aucune part, il retourne à la ligne de celuy qui a fait le retrait, aussi la Coûtume n’a point dit qu’ils sont reputez propres, mais qu’ils tiennent lleu de propre pour nous, à prendre qu’ils le font par nature et non point par fiction. Dans le Titre De prad. minor. sine decr. non alien. Leurs biens profectifs ne sont pas moins inalienables que ceux qu’ils possedent au droit de leurs ayeux. Duaren dans son commentaire sur la l. Si constante matr. D. sol. matr. dit que quelques speculatifs avoient formé cette question si cette Loy devoit être gardée pour les biens donnez à la femme par un étranger comme pour la dot donnée par le pere, et il refoud que bec adeb dffficilem explicationem non habent, si quis omnia ad conservationem & favorem mulieris Justinien tanquam ad scopum referat. Mais Justinien a levé toute la difficulté par cette Loy Ubi adhuc, par laquelle il défend à la femme d’aliener non seulement sa dot, res suppositas pro dote, sed etiamante nuptias donationem resque extra dotem constitutas, qui étoient des biens profectits, et par con-equent de véritables acquests, et là-dessus les Docteurs établissent cette Maxime que non lices alienare bona extra dotem, licet non sint privilegiata ut dos.
Aussi la prohibition portée par le Reglement de 1610. est generale ; elle comprend indistinctement tous les biens que la femme possede au temps de sa separation, ce qui exclud toute distinction : Premierement, la Cour n’a point usé du mot d’héritage, mais de celuy d’immeuble dont la signification est beaucoup plus difuse et plus universelle, parce qu’elle comprend toutes sortes d’immeubles : En second lieu, la Loy Ubi adhuc ayant fait de deux sortes de biens appartenans à la femme, ce Reglement qui en est tité mot à mot comprend aussi une interdiction generale de tout ce qui appartient à la femme tant de ses biens dotaux que de ce qui peut luy appartenir d’ailleurs ; la raison est pareille pour les uns et pour les autres. Le Reglement n’a eu pour fon unique motif que la conservation de tous leurs biens ; si neanmoins la femme pouvoit vendre ce qu’elle avoit acquis avant sa separation, sa condition seroit plus deavantageuse étant separée que si elle ne l’étoit pas, car en vendant depuis sa separation elle n’a point de recompense sur les biens de son mary, au lieu que si elle n’étoit point separée elle auroit un remplacement sur ses biens
Quant à la nécessité de vendre et à l’utilité que l’on pretend que ce Contrat apportoit à la Demoiselle de Valun, on répond qu’ayant emprunté de l’argent pour parvenir au rettait de cette terre, elle en avoit laissé tomber des arrérages durant le desordre des affaires de son mary qu’elle avoit été obligée d’assister, mais elle pouvoit aisément les acquitter de son revenu, et prés tout quand il y auroit eu necessité de vendre, l’alienation ne pouvoit être faite qu’en gardant les formes portées par le Reglement, et tant s’en faut que ce Contrat luy fût utile, lle en recevoit un prejudice notable cette terre ayant été venduë beaucoup au dessous de sa juste valeur, et ce qui étoit encore plus facheux le sieur de Harcour n’avoit point acquitré les arrerages des rentes dont il avoit été chargé : Par Arrest en la Grand. Chambre du 18. d’Aoust 1662. La Cour sur les Lettres de Requête Civile mit les parties hors de Cours Si la femme separée est interdite de vendre son bien, elle ne peut aussi renoncer au doüaire qui luy appartient sur les biens de son mary : Mais enfin, il est vray qu’en la Chambre des Enquêtes au Rapport de Mr du Fay le 8. de Mars 1638. on jugea le contraire sur des circontances particulieres, une femme separée avoit renoncé à prendre doüaire sur les biens qui étoient vendus par son mary, et reconnu qu’il en restoit assez pour fournit son doüaire, la transaction ayant été passée en 1605. et son mary étant mort en 1609. elle ne se pourvût conre cette transaction qu’en 1635. aprés avoir tacitement ratifié ce Contrat par plusieurs Actes et par son long silence ; Par l’Arrest elle fut deboutée de ses Lettres de recision, la raison de douter étoit que par le Reglement de 1600. les femmes separées ne peuvent disposer de leurs immeubles que par autorité de Justice, et suivant les formes prescrites, qu’elle avoit signé feule cette transaction ; et par la l. Cum hi de transact. D. on ne peut transiger de futuris alimentis.
La raison de décider fut qu’elle ne s’étoit point pourvûé dans les dix ans, qu’il n’étoit pas de cet usufruit comme de la dot, et que quand une femme ne pourroit pas transiger de tout son loüaire, elle pourroit y renoncer en partie. Cet Arrest ne peut être tité en consequence, et l est sans difficulté que cette renonciation exigée d’une femme, soit qu’elle fût separée ou non ne l’excluroit pas de son doüaire sur les choses venduës, si les autres biens du mary n’étoient pas suffisans pour le fournit
La femme separée est encore incapable de cautionner son mary : Arrest du 3. d’Aoust 1660. ane femme separée de biens étant intervenuë caution pour la dette de son mary elle fut déchargée de son cautionnement, mais elle fut condamnée et par corps à representer les meu-bles saisis qu’elle avoit pris en sa garde comme depositaire des biens de Justice, sauf à elle à y pretendre ses droits ; Plaidans Lyout pour la femme et moy pour les créanciers : Ce qui fut jugé par le dernier chef de cet Arrest n’est pas sans difficulté, car la femme separée étant ncapable de s’obliger, l’on ne devoit pas l’établir gardienne des biens de son maty, vù principalement que cette garde de meubles produisoit contr’elle une condamnation par corps : Aussi Brodeau en son Commentaire fut Mr Loüer, l. F. n. 30. est d’avis que la femme separée ne seut être constituée gardienne des biens de Justice, et sur la même l. F. n. 11. il rapporte un Arrest du Parlement de Paris par lequel il a été jugé qu’une femme mariée qui s’étoit renduë. gardienne des biens saisis étoit recevable au benefice de cession : Il y a moins de doute quand on la constitue gardienne des biens de son mary, car elle n’a pas le pouvoir de luy resister lors qu’il s’en faisit et qu’il les enleve.
La faveur du commerce a introduit cet usage general en France, que la femme marchande publique n’a point besoin pour s’engager d’autre autorité ou consentement que de la liberté que le mary luy donne de trafiquer publiquement
Pour sçavoir comment une femme peût être reputée marchande publique : La Coûtume de
Paris, Article 235. l’explique nettement, la femme n’est pas reputée marchande publique pour debiter la marchandise dont son mary se méle ; mais elle est reputée marchande publique quand elle fait marchandise separée et autre que celle de son mary : et par l’Article suivant elle déclare l’engagement que la femme marchande publique contracte, sçavoir qu’elle peut s’obliger sans son mary touchant le fait et dépendance de ladite marchandise.
La Coûtume de Nivernois de l’année 1534. 1. des Gens Mariez parloit plus generalement, semme mariée ne peut contracter sinon qu’elle fut marchande publique, ou fist autre negotiation son mary le sçachant. Orléans, Article 186. Blois, Article 18i. En effet dans la société des gens mariez il peut y avoir d’autres affaires que de marchandise, par exemple si le mary faisoit quelques receptes ou tenoit des fermes, et qu’à son vù et sçû sa femme s’entremist de faire la recepte, d’écrire en son journal, achetât ou vendit, qui seroit le même exercice de son marys pourroit-on douter, dit Coquille en sa Question 103. qu’en ces cas la femme ne pût obliger son mary : Car il n’est pas necessaire qu en chacun de ses actes le mary vienne autoriser sa temme, il suffit à celuy qui avoit traité avec elle de justifier que le mary a employé sa femme pour faire toutes ces choses-là ; sa seule parience est d’un effet aussi grand que s’il luy avoit donné un pouvoir general, 1. Vlt. D. quod cum eo-
Cela peut être vray pour obliger le mary ; mais cet employ de la femme dans le negoce de son mary n’engageroit pas les biens de la femme, il faut donc nécessairement pour être habile à contracter comme marchande publique sans l’autorité de son mary, qu’elle fasse une marchandise separée et autre que celle de son mary.
En Normandie on a donné divers Arrests touchant la validité des obligations faites par les temmes marchandes publiques, et principalement sur cette question si elles peuvent engager et hypothequer leur dot : Elle fut décidée par un Arrest du 20. de Novembre 1630. au Rapport de Mr Blondel, lequel Arrest neanmoins ne se trouva point sur le Registre entre la veuvé-Tabouret et le tuteur des enfans de Vatier : On disoit que les biens d’une femme separée sont inalienables, que ne pouvant les vendre elle ne peut par consequent les hypothequer. Il est vray que les marchandes publiques peuvent obliger leurs meubles et leurs marchandises, parce qu’elles sont tacitement autorisées par leurs maris quand ils leur souffrent de trafiquer ; mais les maris ne peuvent jamais les autoriser pour aliener ou engager leurs immeubles lors qu’els les sont separées. La marchande peut obliger ses meubles comme les fils de famille et les esclaves pouvoient obliger leurs pecules ; filiifamilias obligari nec patrem obligare possunt, nisi pe-culio tenus, quod aequitate constitutum est, 5. 10. de action. aux Instit. Le creancier répondois qu’il étoit avantageux aux femmes marchandes publiques qu’elles pussent s’obliger à cause du profît qu’elles faisoient en leur trafic, que si elles peuvent bien s’obliger par corps, à plus forte raison elles peuvent hypothequer leurs immeubles. Il fut dit par l’Arrest que l’on pouvoit de-cteter la dot de la femme pour les obligations qu’elle avoit contractées comme marchande publique durant la vie de son mary d’avec lequel elle étoit separée de biens. Mais ce decret se faisoit sur des mineurs qui paroissoient heritiers du pere et de la mere, ce qui levoit toute la difficulté, car il est sans doute que la femme marchande publique peut engager les biens du maY y ; ainsi les enfans étant heritiers de l’un et de l’autre, on pouvoit decreter les biens tant du côté paternel que du côté maternel
Mais par un Arrest du 3. de Decembre 1657. donné en la Chambre de l’Edit au Rapport de Mr Deshommets, entre Mahieu et le Jeune, il fut dit qu’une femme marchande publique et separée de biens pouvoit sans l’autorité de son mary engager ses immeubles pour marchandise aussi bien que ses meubles, et que c’étoit une exception au Reglement de 1600.
Depuis le contraire a été jugé, que la femme marchande publique ne pouvoit engager ny ny pothequer ses biens dotaux : La Cause en fut plaidée en l’Audience de la Grand-Chambre entre Anne de la Garde, veuve de Mr Jean Guilbert Procureur en la Cour, Appellante du Sailly de Roüen, et Jean de la Riviere tuteur des enfans d’Elisabeth de la Riviere, femme de David His son mary, Intimé : L’on representoit pour l’Appellante que si cette liberté que lon accordoit à la femme marchande publique ne produisoit point d’obligation sur sa dot c’étoit luy donner le moyen de tromper ses créanciers ou luy ôter le moyen de trafiquer, dautant que n’y ayant point de seureté on ne voudroit point negocier avec elle, que l’on ne pouvoit se servir contr’elle de l’exemple des esclaves, car ils n’avoient d’autres biens que leur pecule, de sorte que l’on n’étoit point trompé lors que l’on contractoit avec eux, chacun sçachant et connoissant les biens sur lesquels ils pouvoient mettre à execution leurs créances. On réponloit pour les enfans que la Coûtume de Normandie ayant pris un soin si particulier de con-erver le bien des femmes, ce seroit mal comprendre son intention que d’en permettre Paienation ou l’engagement aux femmes mariées sous pretexte de commerce, qui leur apportoit rrdinairement plus de dommage que d’utilité : La Cause ayant été appointée au Conseil, par Arrest au Rapport de Mr Busquet du 9. de Juillet 1670. la Sentence fut confirmée, quoy qu’il fût constant au procez que la femme étoit marchande publique et qu’elle avoir une boutique de lingere, et que l’obligation fût causée pour vente de toiles On a donné depuis un Arrest qui peut faire encore douter de la Maxime, et rendre cette
Jurisprudence problematique : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 9. de Mars 1667. Judith le Boulanger marchande lingere fût condamnée personnellement au payement de plusieurs obligations, quoy qu’elles fussent conçûës sous le nom de Jonas Piedelou son mary : Cette femme étoit Maîtresse lingere et faisoit grand commerce de toile, les obligations étoient au nom du mary, comme aussi les factures : Les affaires du mary étant tombées en desordre la femme fut condamnée au payement des cedules, dont ayant appellé et obtenu incidemment des Lettres de restitution contre quelques obligations où elle avoit signé et contre sa signature à l’acte d’attermoyment que son mary avoit fait avec ses créanciers : De l’Epiney concluoit à son appel et à ses Lettres, par cette raison que les factures et les envois des marchandises étoient au nom du mary, que luy seul avoit signé les obligations, et que par consequent l’on devoit presumer que luy seul avoit fait le commerce : Je répondois pour les creanciers que sa qualité de Maîtresse lingere faisoit voir qu’elle étoit marchande publique, et bien que les obligations eussent été signées par le mary elle n’étoit pas moins obligée ayant fait son profit des marchandises, et son mary n’étant que comme son commis, tanquam institor : Par l’Arrest elle fut deboutée de son appel et de ses Lettres.
Cette même affaire fut encore portée en l’Audience de la Grand. Chambre le 22. de Decembre 1671. entre Loüis des Ormeaux et François Fulgent, et Estienne Piedelou, et ladite Judith le Boulanger sa mere, et par Arrest il fut jugé qu’elle avoit pû engager les deux tiers le sa dot ; Plaidans de Meherent, Greard, de Cahagnes, et Theroude. Il y avoit du fait particulier, le mary et la femme avoient fait banqueroute, et par un accord fait avec leurs creanciers ils leur avoient fait perdre la moitié de leurs dettes : Tout le bien ne valoit que saize mille livres, et les dettes montoient à vingt-six mille livres : On crût qu’il y avoit de a mauvaise foy et du crime, et ces circonstances prevalurent dans l’esprit des Juges. Mr le Guerchois Avocat General representa que le fait particulier devoit decider cette sorte de Cause, et il cita deux Arrests pour deux femmes qui s’étoient renduës adjudicataires des biens de Justice : Il fut jugé contre la femme du Normand, Vicomte de Vernon, qu’elle avoit pû obliger sa dot, et même son corps pour une folle enchere, parce que l’on y remarqua de la traude et de la malice ; au contraire la Demoiselle de Soquentot qui s’étoit renduë adjudicataire de la Terre de la Mare fut déchargée à l’égard de ses biens dotaux et pour sa personne de la folle enchere qui luy étoit demandée, parce que l’on remarqua qu’elle avoit été surprise et que lon avoit abusé de son nom ; mais sans ces circonstances particulières, c’est l’o-pinion la plus commune et la plus conforme à la Coûtume et aux Maximes de cette Province, que les dettes contractées par la femme marchande publique ne peuvent être acquitées sur ses biens dotaux ; ainsi la femme marchande publique n’a point plus de liberté de disposer de ses biens que la femme qui est separée ; l’une et l’autre peuvent disposer de leurs meubles et de leurs acquests, et pour leur revenu elles ne poutroient pas l’engager entierement, et il faudroit toûjours en laisser une portion pour leur subsistance ; mais ny la femme separée ny a marchande publique ne peuvent engager ny aliener leurs biens dotaux quoy que leurs maris les autorisent et y prétent leur consentement, Plusieurs Coûtumes considerent le commerce en deux manieres ; ou il se fait par le mary, et en ce cas la femme n’est point obligée à ses dettes ; ou la femme fait elle-même un commerce separé de celuy de son mary, et en ce cas elle s’oblige valablement quoy qu’elle ne soit point autorisée par son miry ; l’approbation tacite que le mary donne à son commerce en luy souffrant de negocier est une autorisation ge-nerale pour tous les actes qui en dépendent, et cette autorisation presumée a le même effet que si le mary étoit present et qu’il signât au Centrat.
Quelques Coûtumes neanmoins y mettent de la difference : Par celles de Poictou, Laon et Rheims, la femme en cas de marchandise peut être convenuë, mais elle ne peut pas agir sans l’autorité du mary : Suivant les autres comme en celle de Berry, elle peut être convenuë et elle peut convenir, mais elle ne peut obliger son mary sans son consentement : Les autres enfin comme Nivernois, Auxerre, Orléans, Biois et Paris disposent qu’elle peut agir, qu’elle peut tre convenuë et obliger son mary, ce qui a donné lieu à ce proverbe que le tablier oblige le mary : Coquille en ses Institutions du Droit François a dit que la marchandise publique vaut ne separation, que la femme qui l’exerce apit et oblige valablement les biens de son mary, parce qu’il en souffre et qu’il en profite ; et non seulement elle oblige ses biens, mais elle oblie aussi sa personne de la même façon qu’elle s’est engagée ; de sorte que si elle a contracté Fresne ne obligation par corps, il peut être contraint par l’emprisonnement de sa personne : Ainsiagé au Parlement de Paris, par Arrest rapporté par du Fresne en son fournal des Audiences, l. 2. c. 4. et par Ricard sur l’Article 234. de la Coûtume de Paris. Cette Jurisprudence est fondée sur la faveur du commerce, et comme le mary profite du gain qui provient du negoce de sa femme, et qu’il est le maître des meubles lors qu’elle n’est point separée, il est juste qu’il soit astreint aux obligations contractées par sa femme qui concerne le trafic dont elle se méles nam ex qua persona quis lucrum capit, ejus factum prestare debet, l. 149. De Regul. jur. Il en est responsable comme un marchand de son facteur ou commissionnaire, l. 1. de instit. act. Agnés du Moustier femme d’un nommé Fichet, maître Platrier à Roüen, faisoit commerce de toiles, aprés la mort du mary, le fils d’un premier matiage fut constitué tuteur aux enfans du second it, et en cette qualité il fut poursuivy par plusieurs lingeres creancieres d’Agnés du Moustier qui ne rapportoient neanmoins d’autres preuves de leurs creances que de certains Registres escrits de la main de ladite du Moustier, et la reconnoissance qu’elle avoit faite que leurs deman-des étoient legitimes : L’affaire portée en l’Audience de la Chambre de l’Edit, je dis pour les creanciers que ladite du Moustier n’avoit pas seulement obligé son corps et ses biens, mais aussi ceux de son mary, puis qu’il luy avoit permis de faire négoce publiquement et à son vû et sçû, ce qui étoit d’autant plus raisonnable qu’il en avoit eu tout le profit étant le maître de tous les biens de sa femme. Theroude concluoit contre les heritiers du mary qu’ils étoient obli gez de décharger sa partie et d’acquitter toutes ses dettes puis que ses biens appartenoient à tion mary. Greard pour le tuteur des enfans du mary se défendoit par cette raison qu’il ne paroissoit aucune obligation par écrit, que la reconnoissance de ladite du Moustier n’étoit point considérable pouvant être faite par intelligence et pour des dettes supposées qu’elle partageroit ensuite avec les creanciers. Il ne convenoit pas même qu’elle eût fait marchandise par le consentement de son mary. La Cour par Arrest en la Chambre de l’Edit du 20. de Février 1658. ondamna et par corps Agnés du Moustier au payement des dettes, et déclara les meubles et immeubles du mary affectez au payement d’icelles, et que les meubles saisis seroient vendus. et les deniers payez aux creanciers de ladite du Moustier : Bérault a rapporté un Arrest par lequel une veuve marchande qui faisoit marchandise fut déchargée de la condamnation par corps, parce qu’elle ny étoit pas expressément obligée ; mais il suffit que l’obligation soit de telle nature qu’elle emporte de soy, et sans une stipulation particulière une obligation par corps, tel-les que sont toutes celles qui sont conçuës pour marchandises ; et en cette matière une femme dibre et non mariée n’a point plus de privilege qu’un homme : Aussi le contraire a été jugé en plus forts termes par l’Arrest dont je viens de parler, car il n’y avoit pas même d’obligation du fait de ladite du Moustier.
Nôtre Coûtume est presque la seule qui ne traite point de cette matière ; nous avons neanmoins le même usage comme on le peut remarquer par l’Arrest dont je viens de parler : Et la femme marchande publique peut obliger ses biens et ceux de son mary, mais toutefois cela ne luy donne pas la liberté de perdre sa dot ; la Coûtume a régardé les femmes comme un sexe fragile qui peut être aisément surpris et trompé : La Loy les met en la curatelle de leurs maris, ce qui preserve entierement leurs biens : Elles peuvent véritablement les aliener du consentement de leurs maris : Mais pour faire subsister ces alienations, il faut qu’elles en trouvent le remplacement sur les biens de leurs maris, autrement elles ont action pour les reprendre des mains des acquereurs.
Il n’y a que deux exceptions à cette Regle comme on le verra dans la suite : Le crime par elle commis, et l’extrême nécessité du mary, de la femme et de ses enfans ; hors ces deux cas la dot est inalienable et les enfans sont en seureté. Mais la Coûtume n’a point parlé du fait de marchandise, et ce cas n’eût point été obmis si elle avoit eu cette intention que par le neoce la femme pût obliger ses biens dotaux,
On oppofe que la femme marchande publique s’oblige par corps, et que l’obligation par corps est plus importante que celle des biens. On répond que quand. on condamperoit la femme par corps lors qu’elle s’y est obligée pour le bien du commerce et pour la seurété publi-que, il ne s’ensuivroit pas qu’elle pût engager sa dot ; les mineurs qui font marchandise se peuvent obliger par corps suivant les Arrests remarquez par MrLoüet , et toutefois il ne s’ensuit pas qu’ils puissent aliener leurs biens.
Mais quand la femme pourroit engager ses immeubles, ce ne seroit qu’en cas que le bien du mary fût suffisant pour en porter le remplacement, autrement l’obligation est nulle, car la quaité de marchande publique ne peut operer au plus qu’une separation ou un agréement tacite du mary de tous les actes qu’elle a faits concernans son commerce, comme si luy-même voit signé, que si le mary ou la femme avoient vendu ou s’étoient obligez conjointennt, or en ce cas le remplacement en seroit asseuré à la femme ; d’ailleurs le mary en cette Province est le maître absolu de tous les meubles : Tout ce que la femme ménage, tout ce qu’elle cquiert est pour le compte et pour l’utilité du mary ; et par cette raison il n’est pas juste que on bien en souffre, s’il en étoit autrement toutes les femmes pourroient être ruinées aisément, il n’y auroit point de mary lequel pour se rendre maître du bien de sa femme ne luy vermit de negocier et de faire un commerce separé du sien.
Les Atheniens avoient une Loy tres-sage, ils ne permettoient point aux femmes de faire Pithou commerce au dessus de la valeur de six boisseaux d’orge : Voyez Isidor. l. 9. C. ult. Pithoi ur la Coûtume de Troyes, t. 5. Article 8o. En Normandie on est si fort prevenu de cette opinion que la femme ne peut perdre sa dot que si elle avoir accepté une succession onereuse, elle seroit restituable à l’effet que sa dot ne peût être affectée aux dettes : Arrest en l’Audience de la Grand. Chambre du 5. Juillet 1635. pour la nommée Gaillard veuve, appellante et demanderesse en Lettres de Requête Civile et de restitution contre les actes faits par son mary qui avoit accepté pour elle une succession, dont les créanciers la vouloient assujettir aux dettes vû qu’elle avoit pris part aux meubles de son mary, ce qui la rendoit nom recevable à blamer l’adition d’heredité qu’il avoit faite en son nom ; et par l’Arrest elle fut déchargée de la poursuite des créanciers en rapportant les meubles qu’elle avoit eûs de la succession de son mary.
Non seulement le mary qui permet à sa femme de faire un commerce separé du sien s’engage aux dettes qu’elle contracte, mais il est aussi tenu d’acquitter celles où elle étoit obligée lors qu’il l’épousa. C’est la disposition expresse de plusieurs Coûtumes que qui épouse la femme épouse les dettes : et la Coûtume de Blois, Article 180. use de ces termes que qui épouse une semme, l’épouse cum honore et onère. Cette Regle est fondée sur ces deux raisons ; La premiere que regulierement tous les meubles de la femme appartiennent au mary, et qu’ainsi les dettes s’acquittant ordinairement aux dépens des meubles, le mary qui en profite doit en avoir la charge. Suivant cette Regle, cujus est commodum ejus esse debet & incommodum : On allégue pour seconde raison que le mary a la joüissance des biens de sa femme, et que de ce revenu il doit payer les dettes de sa femme.
Comme cette obligation où l’on engage le mary d’acquitter les dettes contractées par sa femme avant son mariage, est fondée principalement sur le gain qu’il fait des meubles de sa emme, il seroit juste de l’en décharger s’il n’en profitoit point, comme il arrive lors que la semme les reserve à son profit, ou bien que l’inventaire en a été fait. Cependant comme la püissance des biens de sa femme luy resteroit encore, il est malaisé de l’exempter de cette charge, que par la separation de biens ou par une stipulation expresse de son Contrat de mariage.
On a aussi plusieurs fois agité cette question si le bien de la femme pouvoit être obligé pour les dépens que l’on auroit obtenus contre le mary, qui défendoit les interests et le bien de sa semme ; Il se trouve des Arrests contraires ; par un Arrest donné en la Chambre des Enquêtes de 23. de Novembre 1644. au Rapport de Mr d’Anviray, entre Me Guillaume le Miere, Curé de Thorigny appellant, et Remy Bailly, Gilles Jeanne et autres, il fut jugé que les dépens obrenus contre le mary dans la suite d’un procez qu’il avoit entrepris pour le bien de sa femne, quoy qu’il l’eûr fait de son consentement, et que même elle fût employée dans les actes com-me presente qu’ils seroient pris sur les biens du mary, et que la femme pouvoit rentret en la possession de son fonds que son mary avoit vendu pour le payement de deux cens livres à laquelle on avoit reglé ces dépens : Autre Arrest du 17. de Juillet 1664. pour Demoiselle de Launoy, veuve de Mr Bigars, sieur du Ménil-sous-Vienne, et les heriitlers dudit sieur de Bigars : Ce mary avoit entrepris un procez contre le sieur Maineville pour les honneurs de l’E-glise du Ménil-sous-Vienne, qu’il pretendoit à cause d’un fief appartenant à sa femme, mais en étant déchù avec dépens et étant mort, incontinent aprés ses heritiers concluoient contre sa veuve qui avoit renoncé à sa succession, que ces dépens devoient être payez par elle mais ils furent deboutez de leur demande : Dans l’espèce de cet Arrest, il n’y avoit pas lieu de condamner la femme, parce que c’étoient les heritiers du mary qui pretendoient une recomense des dépens jugez contre le mary. Or il est cettain que c’est toûjours au mary à payer les dépens ; et la question consiste en ce pgint, à sçavoir si lors que le mary est insolvable les dépens pouvent être demandez à la femme lors que le procez a été formé pour la défense et our la conservation de son bien
Au contraire par Arrest du 3. de Mars 1634. une femme separée de biens fut condamnée à payer les dépens que l’on avoit obtenus contre son mary avant sa separation, pour avoir soûtenu qu’une rente de cent livres pour laquelle on decretoit le bien de sa femme n’étoit point dûë, parce qu’on ne representoit point la minute du Contrat, mais cette minute ayant été trouvée on le condamna aux dépens : Sa femme s’étant fait separer de biens elle soûtint qu’elle n’étoit point tenuë de ces dépens-là, qu’autrement un mary poutroit ruiner sa femme par de nauvaises procedures : Le créancier luy objectoit que le mary étoit le maître des actions actives et passives de sa femme, qu’il pouvoit sister pour elle en Jugement, et la condamnation principale jugée contre luy étoit executoire sur les biens de la femme, la condamnation de dépens suivoit le principal, qu’il en étoit de même que des dépens jugez contre le tuteur qui peuvent être exigez sur les pupilles, sauf leur recompense sur leur tuteur s’il a mal geré, sur tout il falloit considerer si le mary habuit justam litigandi causam ; or au fait dont il s’agissoit le mary tachoit de décharger le bien de la femme du payement d’une rente : Par Arrest u Rapport de Mr de Montaigu la femme fut condamnée à payer les dépens. Les Parties. étoient le Peigné, Bessot et sa femme : Voyez un pareil Arrest sur l’Att. CCCLXXXII.
Nonobstant cet Arrest on jugea le contraire le 12. de Janvier 1668. plaidans le Quesne et Maurry le jeune, et que la femme n’étoit point obligée de payer les dépens jugez contre son mary quoy que le procez fût mû pour la conservation du bien de la femme, et que c’est au mary seul à faire les frais du procez puis qu’il a la joüissance de son bien, et quand il seroit insolvable il ne peut engager le bien de sa femme par une mauvaise procedure : les Parties étoient Boivin et Marencour, femme du Breton. Il ne semble pas raisonnable que le creancier souffre la perte de ses dépens aprés avoir gagné son procez, et pour reduire les choses dans l’ordre le creancier quand il s’agit du bien de la femme ne doit pas convenir le mary seul, il doit aussi mettre la femme en Gause et linterpeller de faire sa déclaration si elle enrend le soûtenir ; en ce cas la Partie ayant pris toutes les precautions necessaires si le mary est insolvable le creancier ne doit pas en porter la peine, quand il n’a pas été en son pouvoit de se mettre à couvert d’un mauvais procez : mais quand la femme n’a point été appellée u procez, et qu’outre cela le mary n’a point eu justam litigandi causam, et qu’il paroit de la mauvaise procedure, le mary ne peut faire prejudice à sa femme : Cela fut jugé de la sorte en la Chambre de Tournelle, le 17. de Decembre 1667. Lempereur, creancier de Marie.
Carré, avoit poursuivi le Carpentier son mary qui s’étoit défendu et avoit produit une transaction fausse, ce qui le fit condamner aux interests et aux dépens : Lempereur ayant saisi les biens de la femme à cause que le mary étoit insolvable il soûtenoit son execution bonne, parce que le procez avoit été entrepris pour le bien de la femme, et que soi mary comme son curateur l’ayant défenduë ces dépens devoient être payez par elle ; au contraire la femme luy objectoit qu’elle n’avoit point été appellée au procez, et que ces dépens-là resultoient pour la pluspart d’une procedure criminelle où elle n’avoit aucune part, et à laquelle son mary seu avoit donné lieu : Par lArrest on luy accorda main-levée de ses biens failis, plaidans Hurarc et le Carpentier.
La Coûtume permet au mary de vendre l’héritage de sa femme de son consentement, néanmoins elle ne donne ce pouvoir au mary que quand il a moyen de la recompenser sur ses biens, car à ce defaut elle peut rentrer en la possession, le but general de la Loy étant que a femme ne le puisse perdre : De là nait cette difficulté, si le mary peut vendre les bois de haute-fûtaye étant sur le bien de sa femme, pourvû qu’elle y donne son consentement ; Le mary s’aidoit de cet Article, et puis que le bois est immeuble il concluoit qu’il le pouvoit vendre : Cela luy étoit contredit par la seur et presomptive héritière de la femme sinon en baillant caution, car il falloit faire différence entre le fonds de la femme et les bois, quand le fonds est vendu la femme quoy qu’elle y ait consenty n’en souffre point de dommage, parce que si le remploy n’en peut être pris sur le bien du mary elle rentre en possession de son heritage : Cela ne se pourroit pas faire pour les bois de haute-fûtaye étant vendus, et le mary n’ayant point de bien pour fournir le remploy il ne resteroit aucun moyen à la femme pour se recompenser. Je répondois pour le mary que l’asseurance du remploy s’y rencontroit entierement, parce que sa femme luy avoit donné le tiers de ses biens pour son don mobil ; par Sentence du Juge des lieux on avoit permis au mary de vendre le bois à la caution de son lon mobil, ce qui fut confirmé par Arrest en la Chambre de l’Edit du 7. de May 1653. Sans. lette feureté on n’auroit pas permis au mary de vendre les bois de haute-fûtaye étant sur e bien de sa femme.
Le mary n’ayant l’administration du bien de sa femme que durant le mariage, il semble que la femme n’est pas obligée d’entretenir le bail fait par son mary, si elle y étoit tenuë ce seroit une espèce d’alienation que le mary auroit faite de son bien, la l. Si quis domum. ff. locari l’a décidé pour l’usufruitier ; le contraire a été jugé plusieurs fois, et notamment par Arrest du 13. de Janvier 1639. contre un nommé du Bose qui vouloit expulser le fermier auquel son pere avoit fait bail du bien de sa mere constante matrimonio, et que la Loy si quis domum ne venoit pas à propos en cette occasion, car elle parle d’un simple usufruitier, mais le mary est en quelque façon Dominus dotis constant le mariage ; plaidans Barate et Lesdos.
Le Beneficier qui est pourvû per obitum n’est pas tenu d’entretenir le bail fait par le precedent Titulaire ; on a demandé si un simple. &conome avoit le même pouvoir : Mr Boutaus Evéque d’Evreux avoit fait bail à quelques particuliers de biens dépendans de son Evéché, Aprés sa mort l’econome fit un bail de ces mêmes choses à un autre, mais par un prix beaucoup plus grand ; sur la preférence entre ces deux fermiers celuy de l’oeconome fut mainenu par une Sentence confirmée par Arrest du premier de Février 1663. plaidans Aubout et Lyout. La Coûtume de Paris, Art. 227. y est expresse ; Peut le mary faire baux à loyer de six ans, pour héritages assis à Paris, et à neuf ans pour héritages assis aux champs, et au dessous sans fraude, si le mary le fait pour un plus long-temps il ne laisse pas d’être obligé de l’entretenir ant qu’il vit :’Ex contractu locationis heredes etiam obligantur. I. Viam veritatis, C. locato.
Ce n’est pas assez que le Contrat porte que la femme y ait consenty, il faut qu’elle ait été capable de donner ce consentement, c’est à dire qu’elle fût majeure, et neanmoins dans cette espece on n’eut point d’égard à la minorité. Le Tessier n’ayant point voulu prendre une succession échûë à la nommée Tessier sa femme, elle se fit autoriser en Justice pour acquiter les dettes de cette succession, elle vendit une maison qui en faisoit partie : Cette femme ayant assé en un second mariage demanda à rentrer en la possession de cette maison à cause qu’elle étoit mineure lors de la vente, ce qui la rendoit nulle suivant cet Article, et quoy que les dix ans fussent passez on ne pouvoit se prevaloir de cette fin de non recevoir contr’elle, vû qu’elle étoit in nexu mariti, et par consequent dans l’impuissance de poursuivre ses droits, et la prescription n’a cours que du jour que l’empeschement a cessé : On luy répondoit que quand elle eût été véritablement mineure, elle étoit indigne du benefice de restitution s’étant déclarée majeure, et comme ceux qui ont obtenu un benefice d’âge ne sont point restitnables, ne hi qui cum illis contrahunt principali rescripto circumseripti esse videantur, l. 1. C. de his qui ven. ctat. impetr. Aussi cette femme ayant obtenu des Lettres d’autorisation et fait les ctes d’une personne majeure elle ne pouvoit plus alléguer sa minorité, et qu’enfin elle ne étoit point pourvûë dans les trente ans de son âge, l’exception qu’elle étoit sous la puissance de son mary n’étant point valable puis qu’elle étoit autorisée, et par consequent capa-ble d’agir pour tous les actes qui dépendoient de cette succession, l’acquereur ayant été mainrenu par Sentence, elle fut confirmée par Arrest du 14. de Decembre 1645.
Le consentement prété par la femme doit être volontaire et sans contrainte, car les Conrats exigez par force sont nuls. Nos Jurisconsultes font de deux espèces de contrainte, una precisa est, que nos itaqapmpellit agere aliquid, ut in nobis non sit utrum agamus : hec vis omnino impedit consensum & voluntatem, altera conditionalis et causativa est, que mixtam habet voluntatem. Siquidem voluntus in nobis est, attamen metu quodam voluntas illa olicitur, c’est une volonté libre et neanmoins contrainte. Pour parvenir à la récision du Contrat sur le pretexte de force et de crainte, la Coûtume demande une crainte telle qui tombe en l’homme constant, autrement si la seule reverence maritale étoit suffisante toutes les femmes se serviroient de cette excuse : Quando metus prasumatur, videMenoch . de Prasumpt. l. 4. prasumpt. 4. n. 36.
CCCCCXXXIX.
Hypotheque du remplacement du dot.
Si le dot de la femme a été aliené en tout ou partie, et que les deniers ne soient convertis à son profit elle aura recompense du juste prix sur les biens de son mary, du jour du Contrat de mariage et celebration d’iceluy.
Cet Article contient trois décisions fort importantes : La premiere, que si les deniers provenans de l’alienation des biens de la femme n’ont point été remployez, elle peut en deman-der recompense sur les biens de son mary : La seconde, que cette recompense luy est dûë sur die juste prix de la valeur de ses héritages : Et le troisiéme, que pour cette recompense, elle a ny potheque sur les biens de son mary du jour de son Contrat de mariage.
I n’est pas necessaire que le remploy soit stipulé, il est dû de plein droit : En quoy paroit la sagesse de nôtre Coûtume qui n’a jamais permis que le mary pût rendre sa femme malseureuse en dissipant son bien, ou en se l’appropriant par la vente qu’il en feroit sans luy en faire aucune recompense : Elle permet bien au mary de disposer du bien de sa femme par son consentement ; il peut bien recevoir le rachapt des rentes qui luy sont dûës, mais c’est toûjours à cette condition que le mary en fasse le remploy sur ses biens, et s’il arrivoit que ce mary n’eût pas dequoy le remplacer, la prevoyance de la Loy passe encore plus avant, le consentement que la femme avoit prété à l’alienation de son bien devient inutile à l’acquereur, et nonobstant iceluy elle rentre en la possession de ses biens alienez sans aucune restitution de deniers, bien que son mary les eût reçûs de son consentement.
La condition des femmes matiées n’étoit pas autrefois si heureuse : La pluspart des Coûtumes de France ne leur donnoient aucune action pour demander le remploy de leurs propres alienez par leurs maris, lors qu’ils avoient fait cette alienation de leur consentement, car par aucune jurisprudence soit du Droit Romain ou du Droit Coûtumier, le mary n’a jamais eu le pouvoir d’aliener les propres de sa femme sans son consentement ; mais en France le mary ne pouvoit se lever assez matin pour vendre le bien de sa femme, dautant qu’il n’étoit point robligé d’en faire le remploy, s’il n’avoit été expressément siipulé par le Contrat de mariage : Le temps ayant fait paroître les inconveniens de ce mauvais usage, la nouvelle Coûtume de Paris, Article 232. et plusieurs autres ont corrigé cet abus, et le remploy des biens de la femne alienez durant le mariage se prend sur les effets de la communauté, ou au defaut sur les propres du mary, encore que le remploy n’ait point été stipulé. En païs de droit écrit l’alienation du fonds dotal est nulle, même du consentement de la femme ; la raison est qu’il n’y a oint de communauté, et que par consequent la femme ne peut profiter de cette alienation et n’en pouvant profiter elle est toûjours presumée faite par l’autorité du mary ; mais cette liberté fondée sur ce que la femme est presumée faire cette alienation à son profit, et pour augmenter par le moyen des deniers qu’elle en reçoit, la communauté où elle prend part. La Coû-tume de Normandie tient une voye metoyenne entre le Droit écrit et les autres Coûtumes de France : Elle donne véritablement à la femme la liberté d’aliener ses immeubles par l’autorité de son mary ; c’est toutefois à cette condition de ne pouvoit jamais profiter des deniers provenans de cette alienation, car si elle se rend héritière aux meubles et acquests de son mary elle ne peut en demander le remploy aux autres heritiers qu’en confondant sa part à proportion de ce qu’elle a prix en la succession : Elle ne peut encore faire annuller l’alienation ny troubler les acquereurs qu’en renonçant à la succession de son mary : La Coûtume luy donne un avantage qu’elle n’a pas dans les autres Coûtumes ; c’est qu’en cas que les biens du mary ne soient pas suffisans de luy foutnir son remploy ; elle peut déposseder les acquereurs bien qu’elle ait parlé aux Contrats ; et par la Coûtume de Paris elle peut bien demander le remploy de ses propres, mais encore que le mary soit insolvable elle ne peut troubler les aequereurs lors que la vente a été faite de son consentement.
Mr Cujas en sa consultation vingt-huitième estime que la femme peut remettre son droit d’hypotheque qui luy est acquis sur les biens de son mary, et que cette remise est valable et ne peut être revoquée, parce qu’elle ne ressent ny la donation ny le cautionnement, nec donatoni, nec intercessioni similis est ; Bartole et plusieurs autres Interpretes du Droit sur la l. Ja-bemus, C. ad Senat. Consult. Velleian. sont de ce sentiment, que si cette remise avoit été faite par la femme durant le mariage elle seroit nulle : Et Mr Cujas demeure d’accord que l’opinion de Bartole seroit plûtost suivie, car si la femme étant en pleine liberté avoit renoncé à l’hygotheque qui luy appartenoit sur les biens de son mary, cette renonciation seroit bonne dau-ant qu’étant capable de contracter et d’aliener son bien, elle avoit pû se departir de ses droits.
Il ne suffit pas que les deniers ayent été convertis par le mary en acquisition d’autres heritages, il faut que sa femme ait agreé ce remploy : Berault sur cet Article a dit que si des de niers de l’alienation le mary en a fait un acquest avec déclaration que les deniers procedoient de cette alienation, cet acquest appartiendroit à la femme. Cela est véritable lors que la femme a accepté ce remploy, autrement elle peut le refuser, la déclaration seule du mary ne suffit pas, l’acceptation de la femme est necessaire ; mais lors qu’elle s’en contente et que le mary n’a rien fourny du sien, bien que le fonds soit de plus grande valeur, les heritiers du mary ne peuvent pas repeter la plus valeur ; le mary n’est point reputé faire un avancement à sa femme en acquérant pour elle à vil prix et à bon marché, parce qu’il ne luy en coûte rien et que ses biens n’en sont point diminuez ; et l’opinion de Berault n’est point véritable que de l’héritage cquis par le mary des deniers provenans de la vente des propres de la femme, elle n’en doit avoir que jusqu’à la concurrence de la somme provenuë de la premiere Il y a neanmoins certains cas où la femme pourroit aliener son bien sans en pouvoir demander recompense à son mary, en voicy un exemple. Une femme nommée Mazier par son Contrat de mariage avec le sieur de Monblaru avoit retenu la faculté de disposer du tiers de ses immeubles ; elle usa de cette faculté et vendit quelque héritage au sieur de Normanville, aprés sa mort sans enfans, les nommez Mazier soûtenoient que la vente étoit nulle pour avoir été faite sans l’autorité du mary ; et qu’en tout cas si elle étoit jugée valable la recompense luy en étoit dûë sur les biens du mary : Ces heritiers furent deboutez de leurs conclusions, tant contre l’acquereur que contre les heritiers du mary : Sur l’appel ils disoient que c’étoit un immeuble de la femme vendu constant son mariage, et que par consequent la recompense luy en étoit dûë sur les biens du mary, suivant cet Article que la faculté retenue par la femme étoit considérable, pactis enim privatorum juri publico derogari non potest, et si cela étoit permis toutes les femmes se reserveroient ce pouvoir. Il est vray qu’en se mariant elle auroit pû donner le tiers de son bien, mais n’ayant point fait ce qu’elle pouvoit faire en un temps oû elle étoit de condition libre, elle n’avoit pû user de son droit depuis qu’elle étoit passée sous la puissance d’un maty, cette vente n’ayant été faite apparemment que pour tourner à son profit : Le sieur de Normanville acquereur étant son amy particulier, ce mary devoit êtré content des meubles qu’il avoit eus, et qui valoient plus de douze mille livres : Cloüet pour le sieur de Normanville, et de l’Epiney pour le sieur de Monblaru répondoient que cette clause du Contrat de mariage étoit legitime, et qu’en vertu d’icelle la femme avoit eu le pouvoir d’exercer cette faculté constant son mariage sans l’autorité de son mary, lequel n’étoit point tenu de faire le remploy d’une alienation que la femme avoit pû faire malgré luy, et disposer des deniers à sa volonté ; et quand même il auroit profité des deniers, il ne devroit pas être chargé du remploy, parce que la femme auroit pû luy en faire un don par son Contrat de mariage, et en ce cas en vertu de la faculté qu’elle avoit recûë on donneroit un effet retroactif au temps du Contrat de mariage : Par l’Article CCCCXVII. la femme peut se reserver la faculté de tester ; elle peut done aussi se reserver le pouvoir de vendre : Par Arrest du 15. de Juillet 1666. la Sentence fut confirmée.
Nous tenons aussi cette Maxime qu’il ne se fait de remploy de Coûtume à Coûtume ; de forte que le bien d’une femme situé dans une autre Province ayant été vendu par son mary elle ne pourroit en demander le remplacement sur ses immeubles situez en Normandie, cela fut jugé par Arrest du mois de Mars 1620. sur un partage de la GrandeChambre. Un homme et une femme matiez en Normandie avoient vendu constant leur mariage quelques héritages appartenans à la femme situez en Picardie ; cette femme en ayant demandé le remploy on mut cette question, si en consequence du domicile que les mariez avoient en Normandie ce remploy étoit dû sur les biens de Normandie ou au moins sur ceux que le mary possedoit en Picardie, vû que la Coûtume de Picardie ne dispose rien touchant ce remploy : Il fut jugé qu’il n’étoit dû aucun remploy.
Autre Arrest sur ce fait. Anne le Breton, femme de Mignouffet, possedoit des biens situez en la Coûtume de Dreux. En 1600. Mignouflet acquit tant pour luy que pour sa femme des erres situées à Evreux, lesquelles il donna pour remploy des biens de sa femme qu’il, avoit alienez depuis : nonobstant ce remploy il en vendit une partie à Chevalos. Aprés la mort de Mignoufler et de sa femme, le tuteur d’Antoine Mignoufler leur fils mineur étant poursuivi pour les dettes du pere, il déclata renoncer à la succession sans avoir pris neanmoins l’avis des parens, et accepta seulement la succession de sa mère : Damonville ayant fait saisir réellement les héritages de Mignouflet et compris en sa saisie ceux que Mignouflet avoit venduë. en 1608. les détenteurs et Antoine Mignouflet luy donnerent quelque argent pour l’obliger se desister de sa poursuite. En 1619. Antoine Mignouflet en vertu de Lettres de Loy aparente ajourna Chevalot et Tassot aux fins de luy delaisser les tertes qu’ils avoient acquiles en 1608. et qui avoient été baillées auparavant à sa mere pour remplacement de ses biens alienez ; les acquereurs luy objectoient qu’il étoit heritier de son pere, et qu’il en avoit fait acte par l’accord qu’il avoit passé avec Damonville, que la renonciation declarée par son tuteur n’étoit pas considérable ayant été passée sans deliberation de parens et hors la Jurisdiction du mineur : Et enfin que par la Coûtume de Dreux le mary n’est point tenu de remplacer le bien de sa femme, que tout remploy est dû aut ex jure aut ex conventione : Il n’étoit point dû ex jure, puis que la Coûtume de Dreux ne fordonnoit point : Il n’étoit point dû ex contuntione, le Contrat de mariage ne portant aucune stipulation de remploy : Mignouflet répondoit que si la Coûtume de Dreux n’accordoit point à la femme le remploy de ses biens, elle ne éfendoit pas au mary de le luy donner, et par consequent il avoit pû être fait, sur tout sur un bien situé en Normandie, où suivant la Coûtume le remploy est dû à la femme sans aucune convention, mais par le seul benefice de la Loy, et ipfo jure, que le mary agnoverat bonam fidem, et n’avoit pas voulu s’entichir aux dépens de sa femme. Le Juge d’Evreux avoit dit à tort l’action : Sur l’appel les Juges en la Chambre des Enquêtes se trouverent partagez, ce 15. de Juin. 1629. et le partage ayant été terminé en la Grand. Chambre l’11. de Juiller ensuivant la Sentence fut cassée, et en reformant il fut dit à bonne cause l’action, saut la plus valeur des héritages.
Les acquereurs paroissoient favorables, puis que fuivant la Coûtume de Dreux où les biens tienez de la femme étoient fituez la femme ne peut demander de remploy : et quoy que le nary eûit fait une declaration de remploy, toutefois comme il n’y étoit point obligé et que sa femme ne l’avoit point accepté il demeuroit le maître de cet héritage qu’il avoit acquis et une déclaration de remploy faite sans obligation et sans necessité ne le privoit point d’en disposer librement ; mais on répondoit que le mary ne pouvoit détruire ce qu’il avoit fait.
On a donné Arrest dans cette espece qui se peut offrir souvent : Une femme mariée au Perche et qui possedoit des terres en Normandie conjointement avec son mary et suivant les formes prescrites par la Coûtume de Normandie les bailla en échange contre d’autres héritages situez au Perche : Depuis ce mary et sa femme vendirent et échangerent en partie les heritages qu’ils avoient eus en contr’échange. Par la Coûtume du Perche les Conrats faits en cette maniere sont bons et valables, et la femme n’en peut gemander la récision : Et c’est pourquoy cette femme ne pouvant se pourvoir contre ces Contrats et ne trouvant aucuns biens en la possession de son mary, forma action contre les possesseurs de son bien assis en Normandie, pour faire dire qu’ils luy indiqueroient des biens appartenans à son mary, ou qu’elle rentreroit en la possession de ses héritages ; car les Coûtumes étant réelles il faut suivre celle du lieu où les héritages alienez sont assis, on ne pouvoit dire que par l’échange on luy ait donné un remploy suffisant puis qu’il se trouve aliené et qu’elle n’y peut rien pretendre, il tomboit en charge à l’acquereur du bien de la femme de luy faire valoir, le con-sentement qu’elle a prété aux Contrats ne pouvant avoir que cet effet de l’obliger à discuter les biens de son mary, et non point pour la priver du benefice de la Loy en cas qu’on ne luy adique aucuns biens : On répondoit que par le Contrat d’échange on avoit suffisamment pourvû à la conservation de son bien, et on avoit pleinement satisfait à l’intention de la Coûtume, et qu’on ne pouvoit imputer à l’acquereur que depuis cette femme par son imprudence et par son propre fait s’étoit privée de la recompense qui luy appartenoit. Il fut jugé suivant les conclusions de la femme, au Rapport de Mr du Val en 1624.
Cette question étoit difficile. Il est vray que les Coûtumes étant réelles l’acquereur étoit obligé d’assûter un remploy ; mais il n’étoit tenu de le faire que suivant la Coûtume de Normandie ; or si cette femme y avoit eu son domicile, elle n’auroit jamais perdu le remploy qui luy avoit été donné, Mais étant mariée et domiciliée sous une Coûtume qui la rendoit capaple de contracter de son bien, elle n’étoit pas récevable à implorer le secours de la Coûtume de Normandie qui luy étoit étrangere : Cet acquereur voulant traiter d’un bien d’une femme qui est en Normande, il a fait ce que la Loy luy prescrivoit ; il luy a fourny un autre fonds, que ss cette femme qui n’étoit point sujette à la Coûtume de Normandie a contracté de puis selon la Loy de son domicile, si elle a voulu se servir de la liberté qu’elle luy donnoit, et qu’en ce faisant elle ait perdu son bien par son propre fait, elle doit s’imputer son malheur sans en faire porter la peine à un acquereur qui avoit pour sa seureté exactement suivy tout ce que la Loy de son païs luy prescrivoit, et il seroit étrange que cette femme qui n’a rien fait que suivant sa Coûtume qui a disposé valablement de son bien pût retourner contre un acquereur qui avoit fait de son côté tout ce que la Loy de son domicile luy ordonnoit : quand on permet en Normandie à une femme de rentrer en la possession de son bien quoy qu’elle en ait consenty la vente, c’est que le consentement contient toûjours cette condition qu’elle puisse avoit sa recompense sur les biens de son mary, cessant quoy tous les Contrats qu’elle fait sont de nul effet, et en cela l’acquereur n’est point trompé, parce qu’il ne peut ignorer cette condition, mais il n’en est pas de même quand la femme par la Coûtume de son domicile peut aliener son bien et qu’elle peut le vendre sans aucune esperance de recours : en ce cas comme elle s’en prive volontairement et par son propre fait et sans en pouvoir être empeschée par l’acquereur, elle n’est pas recevable à le luy quitter, elle seroit obligée de remettre les choses au premier état, et puis qu’elle ôte à l’acquereur les moyens de rentrer en la possession du fonds qu’il luy avoit baillé, il ne luy reste aucune action contre luy ; mais la con-servation du bien des femmes dont nôtre Coûtume prend un soin si particulier l’emporta sur toutes ces considerations.
C’est le plus seur en ces rencontres de demander un remplacement en Normandie : Comme on le pratiqua sur ce fait. En l’année 1648. Pierre Viel, Bourgeois d’Elbeuf, se constitua en cent livres de rentes au profit d’Alexis le Metez, Bourgeois de Roüen, par Contrat passé devant les Tabellions de Roüen : Le Merez ceda cette rente à un nommé Gaillard son gendre, Bourgeois de Paris, lequel laissa deux filles qui furent mariées à Guillaume de la Folie et à Denis Dandin demeurans à Paris. En l’année 1675. Loüis de Flavigny ayant acquis quelques héritages de Nicolas Viel, il fut chargé d’acquitter les cent livres de rente qui étoient dûs aux representans du Merez, qui étoient lesdits de la Folie et Dandin, et lors qu’ils demanderent à Flavi-gny les arrerages de leur rente, il leur offrit aussi le principal en baillant par eux caution ou remplacement à cause que cette rente étoit le bien dotal de leurs femmes ; ils pretendirent devant le Juge d’Elbeuf où l’action fut portée, qu’étant domiciliez à Paris et faisant signer leurs femmes au Contrat de rachapt, ils n’étoient point obligez de bailler de caution ny de remplacement ; mais ayant été condamnez de bailler remplacement ou caution dans le Bailliage de Roüen, ils s’en porterent appellans à la Cour : De Lespiney et Maurry leurs Avocats disoient que par la jutisprudence du Parlement de Paris, les rentes constituées se partageoient suivant pa Coûtume du domicile du creancier, et ils pretendoient même qu’en fait de partage on l’avoit jugé de la sorte en Normandie par l’Arrest de Billon que j’ay remarqué sur l’Article CCLXII. et par celuy des heritiers du sieur du Bouley que j’ay aussi rapporté sur l’Article CCCXXIY. et par ce moyen faisant subsister cette rente en la personne du creancier, c’éroit un bien sujet à la Coûtume de Paris, suivant laquelle la femme pouvoit vendre et engager ses propres sans pouvoir troubler les acquereurs, l’Iniimé n’avoit rien à craindre ; car quand il s’agit de la capacité de contracter, on considère la Coûtume du lieu où l’on contracte ; de sorte que la femme se trouvant capable de contracter par la Coûtume de Paris, et cette rente ne subsista nt qu’en la personne du creancier, la Coûtume de Normandie n’étoit point considerable en cette rencontre, puis que le mary et la femme ne contractoient point dans son térritoire ny de choses qui fussent dans sa dépendance ; ils ajoûtoient que la Dame de Jussac ayant été colloquée pour sa dot à l’ordre et distribution des deniers de la terre d’Herouville située en Nor-mandie decretée sur son mary, elle en avoit été remboursée sans avoir baillé aucun remplace ment ayant fait voir aux Juges que suivant l’avis des Avocats du Parlement il n’y avoit lieu de luy demander son remplacement. Je répondis pour Flavigny que l’on ne pouvoit contester ces deux principes ; le premier qu’encore que la femme ait consenty à la vente de son bien, ne anmoins que suivant les Articles CCCCexXXIX. et CCCCexL. elle peut rentrer en la possession d’iceluy lors que les acquereurs ne luy peuvent fournir un remplacement valable sur les biens du mary ; et la seconde que les Coûtumes sont réelles, et que les particuliers ny peuvent déroger par aucune paction en quelque lieu qu’ils contractent, de sorte qu’en faisant voir que cette rente étoit un véritable immeuble assis en Normandie, et que les Articles 539. et 540. de la Coûtume contiennent une disposition réelle, il faudra necessairement suivre la Coûtume de Normandie.
L’on ne peut douter que cette rente ne soit un immeuble assis en Normandie, puis que non seulement le Contrat y a été passé, que le creancier y étoit domicilié, et que le debiteur y avoit tous ses biens ; mais principalement puis que suivant l’usage notoire et constant de cette Province, les rentes constituées ne sont point attachées à la personne du creancier, et qu’au contraire elles suivent la nature et les conditions des biens affectez à la rente : D’où il s’ensuit que tous les biens de l’obligé étans en Normandie, cette rente y doit avoir necessairement sa situation, et comme l’on demeuroit d’accord que l’alienation que feroit une femme mariée à Paris d’un héritage situé en Normandie ne pourroit subsister sans un remplacement valable : Par la même raison cette rente étant reputée un immeuble, le rachapt n’en peut être fait avec seurété qu’en stipulant un remplacement ; ce qu’on allégue de l’usage de Paris pour le partage des rentes n’est point considérable puis que nos Maximes sont contraires, et tant s’en faut que par les Arrests que l’on a citez l’on ait suivi la Jurisprudente de Paris ; on a maintenu l usage observé de tout temps en Normandie, comme on le peut remarquer par les raisons ui servirent de motifs à ces Arrests ; aprés tout il ne s’agit pas de partage, mais de sçavoir si des femmes mariées à Paris peuvent aliener leurs immeubles de Normandie sans bailler remplacement ; Or comme les Appellans peuvent changer de domicile, il arriveroit que s’ils renoient demeurer en Normandie cette rente reprendroit la nature d’un bien de Normandie, ce qui donneroit lieu à ces femmes de s’attaquer à l’Intimé, et il ne suffit pas de dire que quand il s’agit de la capacité de contracter l’on considère le temps du Contrat, car cette Maxime n’est véritable que quand il s’agit du fait de la personne et non de la realité des Coûtumes, parce que toutes les Loix ont deux objets, la personne et les biens ; il est vray ue la capacité de la personne se regle par la Coûtume du lieu où l’on contracte, parce que les Coûtumes n’ont de puissance sur les personnes que quand elles contractent dans l’etenduë. de leur térritoire ; mais quand il s’agit de realiser les Contrats et de les executer sur des immeubles, on ne considere plus le domicile des contractans ny le lieu où les Contrats ont été passez, mais la Coûtume du lieu où les biens sont assis, dautant que chaque Coûtume est malresse dans son païs et ne peut être forcée de suivre une autre Loy que celle qu’elle a établie.
La Coûtume a fait cette distinction à l’égard des Contrats que les femmes peuvent faire de seurs immeubles ; par l’Article CCCCeXXXVIII. elle déclare les femmes capables de contracter pourvû que ce soit du consentement de leurs maris, et cette disposition concerne la personne : par les Articles 539. et 540. elle prescrit les conditions sous lesquelles elle leur permet la vente de leurs propres, si les biens de la femme sont alienez elle en aura recomense sur les biens de son mary, et où elle ne pourroit en avoir recompense elle peut s’adres-ser sur les détenteurs de ses biens, et ce sont là des dispositions réelles ausquelles on ne peut déroger ; de sorte que l’acquereur d’un immeuble assis en Normandie appartenant à une femme mariée ne peut jamais être asseuré qu’en stipulant un remplacement valable. L’exemple de la Dame de Jussac ne fait point de décision, elle étoit de Paris, et comme il avoit été en sa liberté de placer ou de ne placer pas sa dot en Normandie, elle avoir aussi la même liberté de la reprendre, et en la reprenant jure quodam, postliminii elle devenoit un bien de Paris qui n’étoit plus sujet à la Coûtume de Normandie ; mais qu’il n’en étoit pas de même des biens qui étoient originairement de Normandie et lesquels s’y trouvent encore situez : Enfin je m’aidois de l’Arrest cy-dessus pour montrer la nécessité de stipuler un remplacement valable. Durand pour Viel, garand de Flavigny, s’aidoit des mêmes raisons, et citoit un Arest donné en 1662. au Rapport de Mr de la Place, par lequel il fut jugé que les rentes con-stituées sur des personnes dont les biens étoient situez en la Province du Mayne seroient partagez suivant la Coûtume du Mayne ; ce qui prouvoit qu’en Normandie les rentes se parta-gent selon la nature des biens des obligez : La Cour, suivant les Conclusious de Mr le Guerchois Avocat General, par Arrest du S. Mars 1679. mit lappellation et ce dont étoit appellé au neant, entant que l’on avoit ordonné que la caution ou le remplacement seroit baillé dans e Bailliage de Roüen, et en reformant ordonna que les Appellans seroient tenus de bailler caution ou remplacement en Normandie.
Non seulement la femme peut demander sur les biens de son mary la recompense de ses biens alienez, cette action appartient aussi à ses heritiers : Dans les autres Coûtumes on met en probleme si cette recompense appartient à l’heritier au propre ou à l’heritier aux meubles ; par la jurisprudence du Parlement de Paris cette action est reputée mobiliaire, et par consequent elle passe à l’heritier aux meubles :Loüet , l. R. n. 30. Ricard sur la Coûtume de Pa-ris, Article 232. En Normandie cette question est superslué ; comme le propre doit toûjours être remplacé, aussi la demande qu’on en fait au mary appartient toûjours sans difficulté à l’heritier au propre maternel
si la dot a été mal remplacée et que les biens du mary ayent été decretez, on a mâ la uestion si la femme étoit recevable à retourner contre les acquereurs à faute de les avoir appellez au decret ; mais par Arrest du 4. de Decembre 1629. au Rapport de Mr de Civile entre Sara Dubosc et le sieur de Moy, il fut dit qu’ils ne pouvoient opposer à la femme cette fin de non recevoir.
Le mary qui s’est obligé de remplacer les deniers dotaux de sa femme en fonds de terre n’est pas censé avoir satisfait à cette condition en les constituant en rente. Le Maître Bourçois du Havre avoit acheté du sieur le Noble Medecin et de la Demoiselle sa femme une maison moyennant la somme de quatre mille deux cens livres, le Contrat contenoit cette clause expresse que le sieur le Noble seroit tenu de remplacer cette somme en fonds de terre pour renir le nom, côté et ligne de sa femme : Le sieur le Noble au lieu de suivre la Loy de son Conrat constitua les deniers en rente, et il employa par le Contrat que le rachapt de cette rente ne poutroit être fait qu’en la presence du Maître, la rente luy tenant lieu de remplacement : Le Maître n’étant pas content de ce remploy fit condamner par le Vicomte et par le Bailly se Noble à luy en fournir un en fonds de terre : Sur l’appel du sieur le Noble, le Féyre conduoit que les rentes étant un immeuble, il avoit assez suffisamment accomply et executé la clause du Contrat. Je répondois pour le Maître que les rentes étoient vérit-blement reputées mmeubles, mais ce mot de reputées marquoit assez nettement qu’elles ne l’étoient que par fiction, de sorte que quand on avoit expressément stipulé un remplacement en fonds de terre, cela ne se pouvoit entendre que d’un héritage qui ne peut perir ny changer, et non point l’une rente constituée qui n’a point de situation ny de subsistance certaine ; autrement il en arriveroit mille inconveniens : Le debiteur d’une rente ayant perpetuellement la liberté de la racheter, il faudroit aussi perpetuellement changer de remplacement, et l’acquereur seroit toûjours chargé du soin et de l’inquietude de pourvoir à sa seureté, mais l’intimé ayant prevû cet embarras, il a desiré expressément un remplacement en fonds de terre, et il n’est pas au pouvoir de l’appellant d’en bailler un d’une autre nature et de le frustrer de l’effet de sa prevoyance : Par Arrest du 28. de May 1659. en la Chambre de l’Edit on mit sur l’appel hors de Cour.
Par l’Article 121. du Reglement de 1E66. la femme ou ses heritiers peuvent demander que partie des héritages hpothequez à sa dot lon alienez luy soient baillez à dûè estimation pou le payement d’icelle sans être obligez de les faire decretter, si mieux n’aiment les heritiers du mary ou les creanciers luy restituer ses deniers dotaux : Cet Article du Reglement n’expliquoit point si la femme pouvoit faire cette demande aprés la saisie réelle des biens de son mary ; Mais on a jugé qu’elle y étoit recevable même aprés l’interposition du decret, parce qu’en ce faisant on gagnoit le Treizième et les frais de la consignation.
Cela est raisonnable lors que la femme est la première creanciere pour la dot : Car quand il se rencontre nombre de dettes anterieures, il n’y a pas lieu d’accorder cette distraction au prejudice des créanciers, parce qu’on les priveroit de pouvoir encherit à leur pro-fit particulier, ou en tout cas elle seroit tenuë de leur donner caution de les faire colloquer de seurs créances sur le surplus des autres héritages ; mais en ce faisant il se formeroit beaucoup de contestations sur la solvabilité des cautions, ce qui produiroit des longueurs infinies ; c’est pourquoy cet Article du Reglement ne doit être executé que quand il n’y a point de creanciers anterieurs, cela a été jugé de cette manière en cet espèce : Dame Françoise-Susanne de Bourfaut veuve de Jacques Mancel, sieur d’Eraines avoit été subrogée à la saisie du decret des terres du Bois-Baril et d’Eraines, ayant appartenu à son mary : Elle demanda que du nombre des héritages saisis il luy en fût delivré jusqu’à concurrence de ses deniers dotaux : Auparavant que l’on eût prononcé sur cette Requête, outre la premiere enchere qu’elle avoit mise lors de la première Adjudication, elle en mit une seconde à son profit particulier aux Assises suivantes. Depuis elle fut deboutée de sa Requête dont elle n’appella point sur le champ, mais au jour de la dernière Adjudication elle déclara qu’ayant été réfusée de sa Requête, sur l’allegation des creanciers que l’estimation des terres se feroit difficilement, elle consentoit de pren-dre une terre sur le prix de l’Adjudication qui en seroit faite, et qu’en cas que les creanciers anterieurs ne fussent pas colloquez sur le surplus du bien, alors le tout demeureroit decreté : Les créanciers n’ayant point consenty sa demande, elle appella de la Sentence qui l’a-voit deboutée de sa Requête : Maurry son Avocat pretendoit qu’ayant fait sa demande avant l’interposition du decret, elle étoit admissible suivant l’Article 121. du Reglement de 1666. à demander du fonds non aliené, que les creanciers en recevoient du benefice, puis que par cette voye on évitoit le Treizième et les frais de la consignation en acceptant son offre de prendre des terres sur le prix de l’Adjudication qui en seroit faite, et qu’en cas qu’ils ne fussent pas payez ur le surplus du bien le tout demeureroit decreté, ce qui les mettroit entièrement à couvert et hors d’interest. L’appellante alléguoit aussi que les dettes anterieutes de sa dot étoient beaucoup au dessous de la valeur du bien qui demeuroit ajugé, ce qui faisoit que ces offres là ne pouvoient être refusées que par une opiniâtreté tout à fait condamnable. Je défendis pour De-moiselle Marie le Mancel, veuve de Henry du Chapelet, sieur de S. Laurens, et pour Gab : iel du Chapelet son fils, intimez, et fis connoître que toutes ces offres quoy que specieuses n’étoient en effet que des illusions : Il est vray qu’au commencement elle pouvoit demander la delivrance d’un fonds pour le remboursement de sa dot ; mais au lieu de prendre cette voye, elle avoit elle même poursuivi le decret et mis des encheres generales et particulieres, ce qui la rendoit non recevable : Car si son enchere n’étoit point couverte et qu’elle demeurast adjudicataire elle obrenoit ce qu’elle demandoit, que si d’ailleurs les creanciers anterieurs étoient payez, elle pouvoit demander qu’il luy fût delivré du fonds jusqu’à concurrence de sa dot, et que par ce moyen on éviteroit le Treizième et les frais de la consignation, mais en consequence de ses encheres elle s’étoit engagée envers les créanciers, parce que son enchere n’étant point couverte, elle demeuroit adjudicataire et obligée de consigner le prix entier de son adjudication ; et par cette raison il étoit fort important que l’on ne procedast pas aux encheres sur ses offres. S’il luy étoit permis de prendre une partie des choses ajugées, il ne se trouveroit point d’adjudicaires parce qu’elle pourroit les priver du benefice de leur adjudication ; s’ils avoient, bon marché de quelqu’une des terres elle en voudroit avoir le profit, ainsi ils feroient le marché pour elle, ce qui détourneroit les encherisseurs. Il étoit donc plus raisonnable que vù l’état des choses le decret fût parfait, ce que neanmoins elle pouvoit empescher en payant les creanciers anterieurs de sa dot : Par Arrest en la Grand. Chambre du 19. de Janvier 1674. la Sentence fut confirmée, et néanmoins ayant aucunement égard à ses oftres, il fut dit qu’il luy seroit baillé des héritages jusqu’à concurrence de sa dot, en ayant dans trois mois les creantiers anterieurs en deniers comptants, et que jusqu’à ce ellene pourroit entrer en possession des héritages.
Cet Artiole donne à la femme la recompense de la dot alienée sur les biens de son mary mais il s’est mû une question pour sçavoir comment elle étoit obligée de prendre cette recompense, et si on la pouvoit forcer de prendre des héritages pour son remplacement, ou si cela étoit à son choix : Pierre de Semilly pour s’acquiter de ce qu’il devoit à Antoine de Semilly son coheritier luy vendit deux cens livres de rente qui appartenoient à Demoiselle Anne de S. Pièrre sa femme : Elle ratifia ce Contrat, mais dans la suite le mauvais ménage de son mary l’ayant obligée de se separer, elle fit arrest entre les mains des debiteurs de ses sentes qui avoient été alienées par son mary, et comme elle avoit ratifié la vente, Antoine de Semilly soûtint que pour son remplacement elle devoit prendre des heritages appartenans à son mary à düé estimation, ce qu’il fit ordonner de la sorte. Sur l’ap-pel de ladite Demoiselle, Greard son Avocat remontra qu’il est vray que par l’Article 121. du Reglement de 1666. la femme peut demander qu’il luy soit baillé en payement de sa dot des oiens de son mary non alienez, mais il ne s’enfuit pas qu’elle puisse être forcée d’en prendre contre sa volonté, c’est un avantage et une faculté qui luy est donnée d’ena prendre si elle trouve que cela luy soit commode ; mais quand elle n’y trouve pas son avantage elle peut faire saisir réellement les biens du mary pour être recompensée de son bien qui a été aliené, car autrement il seroit facheux à une femme de prendre pour sa recompense un bien qui ne l’accommoderoit pas, et de s’exposer aux frais et aux hazards d’une estimation qui pourroit être à son desavantage ; elle souffroit déja un assez grand prejudice par l’alienation de son bien le sorte qu’il est raisonnable ou qu’on luy rende le prix que l’on en a reçû, ou qu’elle rentre en la possession d’iceluy : Il est vray que le mary ou ses créanciers en peuvent souffrir de la perte, mais il est plus raisonnable qu’elle soit portée par le mary que par la femme : Et quand la Coûtume dispofe que la femme a la recompense de sa dot sur les biens de son mary, on ne doit pas entendre ces paroles comme si la femme pour sa recompense étoit obligée de prendre de l’héritage du mary, mais puis que le mary a touché de l’argent en vendant le bien de sa femme, la recompense qui est dûe à la femme n’est autre chose que la restitution des deniers que l’on a reçûs par la vente de son bien. Theroude Avocat pour le sieur de Semilily pretendoit que cette femme agissoit contre son propre interest, et qu’il luy étoit plus commode de prendre du fonds à dûé estimation que de decreter son mary, ce qu’elle ne pour-roit faire sans beaucoup de peines et de frais, que l’on expliquoit mal l’intention de la Coûtume, car la femme ayant consenti à la vente de son bien et en ayant accepté le remploy sur ceux de son mary, ce remploy et cette recompense qui luy est dûé ne peut être que des oiens du mary même qui se trouvent en essence ; en tout cas il demandoit d’être envoyé en ossession des biens du mary jusqu’à concurrence de ceux de la femme : Par Arrest du 5. de Mars 1677. en l’Audience de la Grand-Chambre, la Cour en infirmant la Sentence ermit à la femme de decreter pour sa recompense, si mieux l’acquereur n’aimoit luy rendre ses rentes, auquel cas il étoit permis de prendre possession des biens du mary jusqu’à concurrence de ce qui luy étoit dû-
Par Arrest en la Grand. Chambre du premier de Decembre 1657. entre Hué et Asselin, i fut jugé qu’estimation seroit faite de l’integrité des biens du mary, dont il étoit saisi lors de ses épousailles, pour sur le non aliené être baillé le doüaire et le remploy de la dot à la femme, et le surplus être saisi par les créanciers. Il seroit inutile en ce cas de faire des lots, parce gue la femme pouvant prendre du non aliené pour sa dot, il falloit necessairement en venir. à estimation. Aussi l’Art. 121. semble autoriser l’estimation : Et c’est maintenant un usage con tant que la femme n’est point obligée de saisir et de faire ajuger par decret les biens de son mary pour le remboursement de fes deniers dotaux, lors qu’il reste en sa succession des iens non alienez ; mais quand les biens ont été vendus par le mary, les acquereurs ne peuvent être dépossedez par la femme que par la voye hypothecaire.
La Coûtume n’auroit pas pourvû suffisamment à l’indemnité de la femme, si elle n’avoit encore ajoûté qu’elle doit avoir recompense du juste prix que ses biens valoient. La Coûtume nous apprendra dans l’Article suivant de quel temps ce juste prix doit être estimé.
La recompense de la juste valeur des choses alienées pouvoit demeurer inutile à la femme, si elle n’avoit eu cette recompense que du jour de l’alienation, parce que le mary pourroit avoir créé plusieurs dettes depuis son mariage : C’est par cette raison que la femme a sa recompense du jour de son Contrat de mariage et celebration d’iceluy, pourvû toutefois qu’il fait été reconnû suivant le Reglement de l’année 1600. qui ne donne hypotheque aux Contrats de mariage que du jour de la reconnoissance ; en quoy il n’est point contraire à cet Ar-ticle, mais il l’explique en ordonnant que l’on n’ait point d’égard aux Contrats de mariage en tant que pour l’hypotheque que du jour qu’ils sont reconnus. En effet nul Contrat n’est executoire s’il n’a les marques de l’autorité publique, et la reconnoissance en est requise justément comme une forme nécessaire pour prevenir les abus et les fraudes, ce qui a lieu également pour le pere et pour le mary, suivant l’Arrest donné en la Chambre des Enquêtes le 27. d’Avril 1644. En l’année 1627. un particulier en matiant sa fille à de la Ruë, luy donna pour lot cent cinquante livres de rente qu’il pourroit raquitter toutefois et quantes moyennant deux mille livres. En 1628. de la Rué s’obligea en soixante et dix livres de rente envers le sieur de la Conterie qui en fit cession à des Isles ; et en 1629. le pere racheta la dot de sa fille entre les mains de son mary : Cette femme se fit separer de biens en 1640. et elle fit des lots dans lesquels elle mit en charge sa rente dotale. En 1641. des Illes fit saisir les meubles étant dans la maison de cette femme pour les arrerages des soixante et dix livres de rente : Les meubles furent reclamez par la femme comme étant separée de biens, et ce lot luy étant demeuré par non choix, des Isles luy objecta que son Contrat de mariage n’étant point reconnû elle ne pouvoit avoir d’hypotheque que du jour qu’il a été rendu notoire par le rachapt fait par son peré de sa rente dotale, ce qui étoit posterieur à sa creance. Par l’Arrest il fut dit à bonne cause l’execution, ce qui étoit conforme à un autre Arrest donné en la Grand. Chambre au Rapport de Mr Baudry le 22. de Novembre 1642. L’on disoit en faveur de la femme que suivant cet Article, elle a la recompense de sa dot du jour du Contrat de mariage ou celebration d’iceluys D’où elle concluoit qu’étant mariée avant le Contrat dudit des Isles, elle luy étoit preférables Car pour l’Arrest de 1600. il n’avoit pû détruire un Article de Coûtume, et quand il s’agit de l’interpretation d’une Loy, on ne doit pas en considerer les termes seulement, mais son ins sention et sa cause. On apprend le motif de ce remplacement de 1600. par sa preface, on vouloit éviter que l’on ne fist revivre des dettes acquittées au prejudice des creanciers lors que des peres avoient donné par le Contrat de mariage, et quoy que les promesses fussent quittes on supposoit des Contrats sous signature privée sans endossement, et en vertu d’iceux on se rendoit maître des biens du mary : C’est pour éviter cet abus que la Cour ordonna la reconnois-sance des Contrats de mariage ; mais il falloir faire distinction pour les biens sur lesquels on pretendoit une hypotheque ; si c’étoient ceux du pere la reconnoissance du Contrat étoit necessai-re, mais elle ne l’est point quand l’hypotheque est pretenduë sur les biens du mary, parce que le mary ne commet aucune fraude en reconnoissant devant les Tabellions qu’il a reçû ce qu’on luy avoit promis ; et quoy qu’une femme ne puisse perdre sa dot, il arriveroit neanmoins que par la negligence de son pere ou de son mary elle en seroit privée, quoy qu’elle ne fût pas en pouvoir d’agir contr’eux pour les obliger à le reconnoître.
La dot si favorable suivant les Articles CCCCCXL. et CCCCCXLII. deviendroit neanmoins d’une condition pire que les autres biens non dotaux de la femme ; parce que l’on don-ne recompense à la femme sur le mary s’il est solvable ou sur les acquereurs, sans consideren li le Contrat de mariage a été reconnû ; et de la dot reçûë par le mary nulle recompenses s’il n’est pas solvable, que si la datte sous signature privée ne fait point foy, la celebration la fait toute entière. Dans les tutelles si l’acte d’institution ne paroissoit point le reliqua du compté pre ndroit hypotheque du jour de la mort du pere. Ainsi quoy que la datte du Contrat de mariage ne soit pas constante de soy, la celebration la rend notoire, certaine et authentique. La Coûtume le déclare expressément par cette conjonctive du jour du Contrat de mariage ou celebrapration d’iceluy, ce qui veut dire que pour les Contrats qui seront en forme authentique, la recompense aura hypotheque de ce jour-là ; mais pour ceux qui ne sont point reconnûs l’hypotheque ne commencera que du jour de la celebration. Ainsi le motif de l’Arrest cessant, n ce cas il ne peut nuire à la femme. Il fut dit pour les créanciers que l’Arrest de 1600. est general et ne fait point de distinction entre le pere et le mary, et comme par le Reglement la Cour a eu pour but d’empescher que l’on ne fit revivre des dettes, il doit avoir lieu en l’un et en l’autre cas, puisque cela se peut aussi bien faire à l’égard du mary qu’à l’égard du pere, en supposant un Traité de mariage qui porteroit la promesse et la reception d’une somme plus grande ; et cet Article ne doit avoir de lieu que quand la datte du Contrat est cer-taine et qu’elle n’est point contestée ; ce qui ne peut être pour un Contrat sous seing privé Terrien auquel on n’est point tenu d’ajoûter foy, suivant le style de proceder rapporté par Tertiens I. 7. c. 4. Il n’est pas de la dot comme du doüaire, cettuy-cy est acquis du jour de la celes oration, parce qu’il se gagne au coucher qui suit immediatement la celebration ; mais pour la dot, la celebration n’est point considérable, elle n’empescheroit pas l’abus et la fraude que li Cour a voulu prevenir en supposant d’autres Contrats de mariage.
La derniere partie de cet Article est la plus difficile et la plus importante, la Coûtume y donne à la femme pour le remploy de sa dot alienée une hypotheque du jour du Contrat de mariage ou de la celebration d’iceluy.
Il paroit par cet Article et par l’Article CCCCCXLII. que la femme pour le remploy de ses biens alienez n’a pas une même hypotheque, car la Coûtume en fait de deux espèces ; la premiere qu’elle appelle dor, et la seconde dont il est fait mention : En l’Article 542. cont siste en d’autres biens qui luy appartiennent, soit à droit de succession, donation, acquisition, ou autrement. On peut alléguer pour raison de cette difference que la Coûtume constituë entre la dor et les autres biens de la femme, que la dot est en quelque façon de ressence du mariage, que c’en est une suite et un effet, et qu’ils ont une correlation l’une à l’autre, nec mnatrimonium erat sine dote, nec dos sine matrimomio ; et dautant que par le Droit Romain la dot étoit inalienable, la Coûtume donnant ce pouvoir au mary de l’aliener du consentement de sa femme, pour empescher qu’elle ne soit prejudiciée par cette hberté qu’elle accorde à fon maty, elle luy en donne en même temps un remploy sur les biens de son mary ; et afit que ce droit de remploy ne luy fust pas rendu inutile, elle luy en accorde l’hypotheque du jour de son Contrat de mariage, ou de la celebration d’iceluy Puis donc que la femme a des hypotheques differentes selon la diverse nature de ses biens, et que celle de la dot est plus avantageuse et plus privilegiée que celle des autres biens, il est absolument necessaire de sçavoir ce qui compose la dot de la femme, et quelle sorte de bien doit être reputé dotal.
Bérault sur cet Article estime que la dot s’entend des immeubles dont la femme étoit saisie lors de son mariage, bien qu’ils ne soient pas specifiez dans le Contrat. Godefroy appelle dor lhéritage ou rente donnée en faveur de mariage pour renir le nom, côté et ligne de la femme, ou qu’elle possede lors d’iceluy, et que partant ce que la femme possede sine matrimonio, dos tion est, parce que la dot a sa relation au mariage.
Il est tres-certain que la véritable dot consiste en ce qui appartient à la femme lors de son mariage, et qui est destiné pour tenir son nom, côté et ligne, ou en ce qui luy a été promis et donné en faveur de mariage et lors du Contrat. C’est neanmoins un usage certain. en Normandie que la dot ne consiste pas seulement en ce qui appartient à la femme lors qu’elle e matie, mais qu’on l’etend encore à tout ce qui luy échet à droit successif en ligne directe conststant le mariage, soit immeuble ou meuble, entant que pour la pottion que le mary est renu d’en remplacer suivant l’Article CCCXC. la raison est que la succession des peres et des meres est si bien reputée le propre bien des enfans qui leur doivent succeder, qu’à cause de cette espérance certaine qu’ils ont de les posseder quelque jour, ils en sont reputez les martres et les proprietaires du vivant même de leurs pere et mére.
Les termes de l’Article 542. donnoient lieu de douter de cette vérité ; car il contient que pour les autres biens appartenans à la femme, soit par succession ou autrement, s’ils ont été alienez elle n’a hypotheque pour sa recompense que du jour de l’alienation : D’où l’on infetroit que la Coûtume ayant mis difference entre les biens qui apparrenoient à la femme par succession, sans distinguer si cette succession étoit directe ou collaterale, l’on ne pouvoit reputer pour dot ce qui luy appartenoit à droit successif, soit en ligne directe ou collaterale : Et quoy que cette objection fût apparente, puis qu’il n’est pas permis de se servir de distinctions. lors que la Loy n’en a point fait, néanmoins l’on a trouvé tant de justice à mettre au rang de la dot tout ce qui venoit à la femme en ligne directe, que lusage s’en est établi sans aucune opposition.
Cette hypotheque, dit cet Article, commence du jour du Contrat de mariage, ou du jour de la celebration d’iceluy, sur quoy nos deux Commentateurs proposent des difficultez qui meritent d’être examinées. Me Jofias Berault demande si entre le Contrat de mariage et la celebration d’iceluy le mary oblige ses biens à un tiers, sçavoir qui sera preféré du creancier ou de la femme ; Cet Auteur répond qu’il y a apparence de dire que la femme sera preferable, et que par les mots de cet Artiele conjointement mis, l’intention de la Coûtume est que sil y a un Contrat de mariage l’hypotheque prenne pied du jour d’iceluy, et Sil n’y en a oint, du jour de la celebration.
Cette réponse est véritable, quoy que Berault n’ait point distingué entre les Contrats de mariage qui sont reconnus et ceux qui ne le sont pas : Il est vray que si le mary avoit reçû a dot de sa femme et qu’il fût question de la préférence entr’elle et les créanciers de son mary, que la femme ne viendroit en ordre que du jour de la reconnoissance de son Contrat de mariage, et que la celebration d’iceluy ne luy acquerroit aucune hypotheque ; mais il n’en est pas de même de la recompense qu’elle pretend pour l’alienation faite de ses biens durant e mariage, car pour lhypotheque il n’importe que le Contrat de mariage ait été reconnu ou qu’il ne fait point été, il n’est pas même nécessaire qu’il y ait un Contrat de mariage, car s’il n’y en a point la Coûtume supplée à ce defaut du jour de la celebration d’iceluy, et il n’est pas mal-aisé de rendre la raison de cette différence.
Quand la Cour par son Reglement de 1600. a ordonné que les Contrats de mariage n’eusfent hypotheque que du jour de la reconnoissance, elle la prudemment ordonné de la sorte pour éviter aux fraudes, et afin qu’un maey accablé de dettes ne supposast pas un Contrat ous signature privée, par lequel il confesseroit qu’il auroit été payé d’une dot considérable, en consequence dequoy si sa femme acqueroit hypotheque du jour de son Contrat de mariage quoy que non reconnu, tous les creanciers de ce mary posterieurs à ce Contrat seroient frustrez de leurs dettes ; c’est donc soit à propos que pour prevenir ces tromperies l’on ne fait commencer lhypotheque de la dot que du jour de la reconnoissance du Traité de mariage.
Mais ces Contrats ne peuvent être suspects, et ces fraudes ne peuvent être pratlquées pour le remploy des biens de la femme alienez par son mary : Il faut véritablemeft que le Contrat de la vente soit passé ou reconnu devant Notaires et en bonne forme, afin que l’on puisse sçavoir le véritable prix de la vente ; mais parce que le mary n’a eu ce pouvoir de disposer du bien de sa femme qu’en consequence du mariage, et que ce n’est que par la consi-deration de fautorité matitale qu’elle a consenti à l’alienation ; nos Reformateurs ont estimé u’il étoit raisonnable de luy donner hypotheque pour sa recompense du jour que le mariage la engagée sous les loix d’un mary, et en ce faisant l’on ne peut supposer de dettes ny feindre que l’on ait reçû plus que le véritable prix de la vente, car lon ne peut demander que celul qui est employé par le Contrat, lequel doit être en bonne forme : Il est neanmoins inévitable qu’en faisant remonter l’hypotheque au jour du Contrat de mariage ou de la celebration d’is celuy il en arrive de grands inconveniens, mais on ne remédieroit pas à ces desordres quand il seroit necessaire, pour acquerir hypotheque du jour du Contrat de mariage qu’il fût reconnu, et l’on ne peut s’en garantir qu’en ne donnant cette hypotheque que du jour de l’alie-nation, comme je le montreray dans la suite : Ainsi le véritable sens de cet Article est que la femme pour le remploy de ses biens alienez par son maty a hypotheque du jour du Con trat de mariage s’il y en a un, quoy qu’il ne soit point reconnu ou passé devant Notaires, on s’il n’y en a point du jour de la celebration du mariage.
Mr Jacques Godefroy n’ayant point fait cette difference, il s’est fort embatrassé sur l’explication de ces paroles, du jour du Contrat de mariage, ou de la celebration diceluy. Il a crû qu’en consequence du Reglement de 1600. il falloit necessairement ou que les Contrats de mariage fussent reconnus et en bonne forme, ou que la Cour eût abrogé cet Article : mais il est aisé de concilier le Reglement de 1600. avec cet Article, en remarquant que la reconnoissance des Contrats de mariage est necessaire, lors que la femme demande la repetition de ses deniers dotaux reçûs par son mary, et qu’elle pretend être mise en ordre du jour de son Contrat de mariage, car en ce cas pour acquerir cette hypotheque le Contrat doit être en la forme prescrite par le Reglement de 1600. mais cet Article parle de la vente des biens de la femme ; or pour avoir recompense du prix de cette vente il est necessaire de le justifier par un Contrat en bonne forme, et néanmoins pour l’hypotheque il suffit pour l’avoir de marquer le jour que le mariage a été arrété, ou celuy auquel il a été célèbré.
Ce même Auteur pretend qu’il n’y a pas moins de difficulté pour sçavoir s’il est requis que la celebration concoure avec le Contrat pour engendrer ladite hpotheque s Et il répond fort bien que cela n’est point necessaire, parce que le droit est acquis à la femme du jour du Contrat, et il pouvoit ajoûter que cette disjonctive, ou, marque assez clairement que la dot peut commencer en deux divers temps, ou du jour du Contrat, ou de celui de la celebration Là-dessus Godefroy se fait cette objection, en demandant à quelle fin l’on a ajoûté ces paroles, ou de la celebration diceluy : Il répond foit à propos que c’est pour montrer qu’où il n’y a point de Contrat, l’hypotheque a lieu du jour de la celebration ; mais en même temps. il trouve une grande difficulté à accorder cette réponse avec le Reglement de 1600. car si l’hypotheque, dit-il, a lieu du jour de la celebration sans Contrat, pourquoy ne l’aelle point aussi quand il y a un Contrat, puis que le defaut de Contrat n’ajoûte rien à la celebration ; Et par ronsequent pour faire valoir cette clause, ou celebration d’iceluy, l’on doit la faire concutrer avec le Contrat, ou qu’en tout cas les Contrats sous signature privée étant realisez par la celebration doivent avoir hypotheque du jour d’icelle, ou que le Reglement de 1600. a annullé cette claui-se, ou celebration d’iceluy : Tout l’embarras de cet Auteur procede de l’erreur où il étoit tombé, que l’hypotheque de la femme pour la recompense de ses biens alienez ne pouvoit commencer du jour du Contrat de mariage s’il n’avoit été reconnu ou passé devant Notaires.
Quoy que les dispositions de nôtre Coutume soient tres-sages et tres-équitables, l’on peut deanmoins trouver quelque chose à rédire à ce qu’elle décide en cet Article, en ce qu’elle fait remonter l’hypotheque des biens de la femme alienez par son mary jusqu’au jour de son mariage ou de la celebration d’iceluy : Car aprés l’experience que nous en avons tous les jours l’on ne peut douter qu’il ne fût tres-utile de n’accorder cette hypotheque que du jour des Contrats ausquels la femme a consenty, nonobstant même qu’elle eût stipulé cette hypoheque par son Contrat de mariage. Cette jurisprudence ne favorise-t’elle pas les fraudes et P’ouvre-t’elle pas la porte à des trompeurs dont l’on ne peut jamais se garantir quelque precaution dont l’on puisse user ; Un mary aprés avoir engagé son bien à ses créanciers, ou aprés en avoir traité avec des acquereurs de bonne foy pour les déposseder, vendra le bien de sa femme et en mettra les deniers à couvert, et en suite par le moyen d’une separation de biens qu’il fera obtenit à sa femme, et de cette hypotheque que la Coûtume luy donne du jour de lon Contrat de mariage et qui ne peut être prescrite durant iceluy, les acquereurs de ce mary se trouveront dépoüillez tout d’un coup d’un bien dont ils croyoient être assûrez en vertu d’une possession paisible de cinquante ou soixante années.
Ce desordre est incomparablement plus grand chez nos voisins : La Coûtume de Paris Article 232. donne à la femme le remploy de ses propres alienez par son mary de son consen-tement ce qu’elle n’avoit pas avant la reformation de cette Coûtume, parce que la femme étoit presumée avoir consenti à cette alienation pour son profit, les deniers qu’elle recevoit servans à augmenter la communauté où elle prenoit part. Les Coûtumes de Blois et d’Oreans donnent aussi une action de remploy ; mais toutes ces Coûtumes ne reglent point de quel jour l’hypotheque de ce remploy doit commencer, lors qu’il n’a point été stipulé par le Contrat de mariage : Les uns soûtiennent que ce doit être du jout du Contrat de mariage, les autres du jour de la vente et du consentement prété par la femme. La Coûtume de Paris ne don nant qu’une simple action, l’hypotheque n’en doit commencer que du jour qu’elle a été introduite. Tronçon sur l’Article 232. de cette Coûtume cite deux Arrests par lesquels il a été jugé que l’hypotheque du remploy des biens de la femme, quoy que non stipulé doit avoir lieu du jour du Contrat de mariage ; mais pour les dettes ausquelles elle s’est obligée avec son mary qu’elle n’a hypotheque sur ses biens que du jour des Contrats : De laLande , sur l’Article 232. de la Coûtume d’Orléans conforme à celle de Paris, dit que la premiere jurisprudence du Parlement de Paris qui ne donnoit hypotheque à la femme que du jour du consentement par elle prété à l’alienation de ses propres a été reprise ; et que l’hypocheque n’est acquise aux femmes. que du jour seulement qu’elles ont vendu leurs propres, ou suby des obligations avec leurs maris ; supposé qu’il n’ait point été passé de Contrat de mariage, ou y en ayant un qu’il n’a pas été convenu qu’en cas de vente des propres de la femme et qu’elle s’obligeast avec son mary elle auroit droit de remploy et seroit acquitée de ses deniers ; car en ce cas en vertu de la clause de son Contrat de mariage, elle seroit mise en ordre du jour de son Contrat, mais qu’à faute de l’avoir stipulé, elle n’est colloquée que du jour de la vente ou de son obligation.
Dans la seconde partie du Journal des Audienoes du Parlement de Paris, l. 3. c. 30. il y a un Arrest qui établit ces Maximes que la fomme pour ses conventions matrimoniales, sou que le remploy ait été stipulé ou non, elle a son hypotheque du jour de fon Contrat de matiage ; mais pour les sommes où elle se trouve obligée avec son mary, si l’indemnité n’en a soint été stipulée, qu’elle n’est colloquée que du jour des Contrats qu’olle en a souserits. Il siemble neanmoins que cette jurisprudence ne soit pas universolle et nettame à l’égard des indemnitez des dettes que la femme a contractées avoc son mary ; car dans la quatrième partir du Journal du Palais, l’Auteur remarque que soit qu’il y eût olause dd’indemnité dans le Contrat de mariage ou qu’il n’y en eût pas, l’on a donné un effot netroactif à icette hypotheque du jour du Contrat de mariage, et que c’est un tortent auquel tout le monde ss’est laissé emporver sans raison.
L’on n’a pas besoin de beaucoup de discours pour découvrir et faire marquer les icon toniens qui naissent de ces Maximes. Car supposant ces deux points comme on les obferve : Paris, que la prescription des biens du mary ne court point pondant le martage au préjudioe de la femme, et que pour son indemnité des dettes où elle a parlé pour et avec son mary, elle a son hypotheque du jour de son Contrat de mariage : Il ost impossible que lion puisse ontracter avec seurété avec un homme marié quelque precaution que l’on y puisse apporter, et quelque solvable qu’il soit ; lors que l’on a traité avec luy, s’il fait obliger fa femme aux derres qu’il a contracté par aprés, quelque ancienne que soit une creance, quelque longue que soit une possession, la femme est préférable à tous ces Contrats, parce que l’hypotheque qu’on luy donne a un effet retroactif au jour de son mariage.
Cela parut si déraisonnable à Mr d’Argentré , que lors de h reformation de la Coûtume ll fit ajoûter à l’Article 439. que la femme n’auroit la recompense de ses propres alienez sur les iens de son mary que du jour de l’alienation, hicarticulus, dit-il, novi jums est, et monente me additus, cum graves sape controversias motas de eo meminissem, & diversa judicata parum pronâ Tho-mide : Ce qu’il fit comme luy même le témoigne pour arrôter le cours des opinions de ceux qui vouloient que la femme eût l’hypotheque du jour de son matiage.
Que si l’on objecte qu’il seroit injuste que la femme souffrist la perte de son bien par la complaisance et l’affection qu’elle auroit euë pour son mary, ou par la contrainte dont on auroit usé pour obtenit son consentement, l’on répond que les femmes s’engagent volontaire-ment dans l’assurance qu’elles ont de ny rien perdre, et que d’ailleurs sans courir aucunes nis ques elles trouvent moyen de continuer leurs dépenses, ce qu’elles ne feroient si aisément si leur consentement leur étoit prejudiciable.
En Normandie quand l’on ne donneroit pas à la femme pour la recompense de ses bient alienez l’hypotheque du jour de son Contrat de mariage, elle n’auroit rien à craindre, et ceux qui auroient contracté avec son mary seroient en seurété par ces deux considerations ; la premiere que la femme ne peut en aucune maniere ny pour quelque cause que ce soit contracter des dettes pour et avec son mary, et par ce moyen elle n’a aucune indemnité à pretendre sur ses biens, et les créanciers du mary sont, asseurez que par cette voye elle ne peut rien faire qui leur puisse nuire : La seconde confidération est que si la femme ne peut être recompensé e sur les biens de son mary, elle retourne contre les derenteurs de ses immeubles qui ne peuvent luy opposer son fait et son consentement, parce qu’il n’est valable qu’en cas qu’elle ne perde rien avec son mary : De sorte que la femme n’a point d’interest que son hypotheque pour le remploy de ses propres alionez ait un effet retroactif au jour de son mariage ; au contraire en ne luy donnant que du jour de l’alienation elle ne troubleroit point les acquereurs des biens de son mary qui sont beaucoup plus favorables que ceux qui ont contracté des biens de la femme, parce qu’ils n’ont point ignoré qu’elle ne pouvoit rien perdre et qu’elle avoir toûjours son recours contr’oux en cas d’insolvabilité du maty : Ce qui fait qu’il est beaucoup plus juste de leur faire ponter la perte qu’aux acquereurs des biens du mary qui ne sont dépossedez que par fraude, ou en vertu de Contrats posterieurs à leurs acquisitions.
Cependant comme ils n’ont pas lieu de se défondre lors que la femme les attaque et qu’elle eur demande le remploy de ses propres alienez, ne pouvant pas retourner sur les détenteurs de ses immeubles qu’aprés la discussion des biens de son mary, on a trouvé raisonnable lors que les acquereurs des biens du mary étoient dépossedez par sa femme, de leur accorder une subrogation à ses droits et actions pour ne pas troubler ceux qui avoient contracté avec luy par une vente posterieure qu’il feroit des biens de sa femme, comme il a été jugé sur ce fait. ean Duchesne et Françoise Sieurrin sa femme avoient vendu une demie acro de terre du ropre de ladite Sieurrin à Mr Jean Bernard Morin Avocat en la Cour, et par le même Conrat il donna à sa femme un remplacement sur un héritage qu’il avoit engagé auparavant à Robert Vastine pour seureté d’une rente dont il l’avoit cautionné, les immeubles de Duchesne ayant été saisis réellement pour une dette posterieure de son mariage, Françoise Sieurrin demanda la diftraction du remplacement qui luy avoit été donné comme ayant hypotheque du jour de son Contrat de mariage, ce qui luy fut accordé par le Vicomte Baillival de Plasnes. Robert Vastine qui étoit creancier de Duchesne avant la vente qu’il avoit faite de l’héritage de sa femmeu sieur Morin, conclud contre luy qu’il luy devoit quitter et ddlaisser cette demie acre de terré ou en consigner le prix, quoy qu’elle n’eûr pas appartenu au mary, mais à sa femme, parce qu’il l’avoit acquise depuis le Contrat que ledit Vastine avoit fait avec le mary et la femme, demandant pour cet effet une subrogation aux droits et actions de la femme : Le sieur Morin empeschoit cette subrogation par cette raison, qu’il avoit acquis le bien de la femme de son consentement, et qu’elle ne pouvoit le troubler ny rentrer on la possession de son propre qu’elle avoir vendu, qu’en cas que son remplacement ne luy pût être fourny sur les biens de son mary ; ce qu’elle avoit obtenu ayant été maintenuë en la possession du fonds qui luy avoit été paillé pour remploy au prejudice dudit Vastine. De sorte qu’il ne pouvoit pas demander une subrogation aux droits et actions de cette femme puis qu’elle n’en pouvoit exercer aucune contre uy n’ayant rien à luy demander, parce que non seulement elle ne l’inquiettoit pas, mais aussi qu’elle avoit choisi le droit d’hypotheque qui luy étoit acquis, en consequence duquel elle avoit obteno son remploy, et qu’en tout cas il ne pourroit le déposseder que par la voye hypothecaire : Par Arrest en la Grand-Chambre du 30. Juillet 1669. la Cour permit audit Vastine de se pourvoir par la voye hypothecaire sur la demie acre de terte venduë audit Morin par ledit Sieurrin ; plaidans Maurry et Durand.
Cette jurisprudence est fort équitable, car l’on conserve à la femme par cette voye l’hypotheque qui luy est acquise suivant cet Article, mais en même temps on considere cette hypotheque comme un privilege qui est artaché à sa personne ; de sorte que celuy qui conracte conjointement avec la femme et le mary ne doit pas joüir de cette pcorogative au pre-judice de ceux qui ont contracté auparavant avec le mary : Ce qui peut être soûtenu par ces gaisons, que les fommes étant souvent contraintes par l’autorité de leurs maris à consentir à falienation de leurs propres, il est raisonnable de leur on asseurer le remploy du jour qu’elles sont entrées sous leur puissance, mais il isuffit de pourvoir à leur indemnité sans faire aussi cet avantage à leurs créanciors ou à ceux qui ont acheté leurs propres ; car ne ouvans de leur chef avoir hypotheque sur les biens du mary que du jour de leurs Contrats, l’intervention de la femme ne doit pas operet un droit plus ancien, parce qu’ils n’ont pas la même faveur personnelle, et en tout cas si la femme est indemnisée aux dépens des biens lu mary, il est beaucoup plus équitable de subroger à ses droits l’ancien creancier que le osterieur, quoy qu’il le soit aussi de la fomme lors qu’il pretend exercor ses droits sur les piens du mary, en ce faisant l’on évite les desordres et les fraudes que les maris voudroient pratiquer au prejudice de leurs créanciers ; car pouruû qu’il fût solvable lors qu’ils ont traité avec luy il ne leur importe pas qu’il aliene les bions de sa femme puis qu’ils sont obligez de luy delaisser leurs acquisitions, ou si elle prend les biens de son mary pour son rempioy ils ont recompense comme subrogez à ses droits sur ses propres vendus.
Mais l’on objectera qu’il est étrange que oeluy qui n’est creancier que du mary seul puisse demander une sobrogation sur les biens de la femme qui ne luy fut jamais obligée ; cette objection ne fait point de peine, car la femme se faisant recomponser sur les biens du mary l’une dette posterieure au prejudice des creanciers anterieurs s’ils luy delaissent le fonds qu’ils ont acquis, par un privilege particulier et contre le droit : commun qui prefere toûjours les anciens creanciers, ils doivent entrer en sa place pour reprendre le fonds qui a donné lieu au remplacement qu’elle s’est fait ajuger sur les biens de son mary.
Il étoit fort necessaire d’introduire cette, subrogation pour maintenir les acquereurs de bonns toy, surtout lors que ceux dont ils ont acquis les biens n’ont point leur domicile en Nornandie ; car pouvans vendre non seulement les propres appartenans à leurs femmes, mais les femmes aussi pouvans s’engager pour leurs maris, si l’hypotheque pour leur indemnité avoit un effet rettoactif au temps du Contrat de mariage, et que les creanciers de la femme pûssent exercer ses droits, il seroit perpetuellement en la liberté des maris et des femmes de ruiner leurs créanciers ; mais en subrogeant les creanciers et les acquereurs du mary à reprendre sur les propres de la femme les sommes dont elle s’est fait rembourser sur les biens de son mary, non seulement la femme est indemnisée, mais aussi l’ordre des hypotheques est fidellement gardé entre les créanciers
CCCCCXL.
Et où la femme ne pourroit avoir sa recompense sur les biens de son mary elle peut subsidiairement s’adresser contre les detenteurs dudit dot, lesquels ont option de le luy laisser, ou luy payer le juste prix à l’estimation de ce qu’il pouvoit valoir lors du decez de son mary.
La signature de la femme n’asseure point l’acquereur si le mary n’a point dequoy fournit le remploy des biens alienez, et tout l’avantage qu’il tire du consentement prété par la femne, est que ce consentement lengage à discuter les biens de son maty avant qu’elle puisse le déposseder, elle n’est toutefois obligée qu’à discuter les biens assis en Normandie suiant les Arrests remarquez par Bérault.
Le nommé Michel vendit l’héritage de Gratienne Autoyere sa femme à Corboran de Grocol, qui donna pour remplacement une rente qui appartenoit à sa femme ; les biens de Michel ayant été saisis réellement et ajugez ; sa femme avoit interpellé l’acquereur de la faire colloquer du prix de son bien aliené, ce qui n’ayant pû être fait elle demanda à rentrer en a possession de son fonds : L’acquereur luy objectoit qu’elle devoit s’arrêter au remploy qu’il luy avoit baillé ; ce qui fut jugé par le Vicomte et par le Bailly : Sur l’appel je concluois pour lette femme qu’il avoit été mal jugé par deux raisons : La premiere, que quand la Coûtume avoit parlé d’un remplacement, elle entendoit parler d’un remplacement de pareille nature que la chose alienée et non pas d’une rente constituée sujette à mille difficultez, qu’un fonde étoit beaucoup plus utile à la femme, quia multa commoda inde percipiuntur prater aunuum relitum ; mais quand cette raison ne seroit pas valable, la seconde étoit sans réponse, à sçavoit que la rente que l’acquereur avoit baillée pour remploy appartenoit à sa femme ; la Cour ayant rrdonné que les pieces seroient vûës, par Arrest du 16. d’Aoust 1649. en infirmant les Senences, la femme fut renvoyée en possession de son fonds : L’Arrest fondé sur ce que la rente ppartenoit à la femme de l’acquereur ; puisque par cet Article l’acquereur a le droit de retenit de fonds en payant la valeur d’iceluy, il peut bien donner pour remploy une rente constituée la femme quand elle l’accepte et qu’elle signe au Contrat.
Ine femme poursuivant l’acquereur de son bien de luy en payer l’estimation ou de luy en abandonner la possession, il accepta de payer la valeur du fonds ; mais il demanda que le second nary ou la femme si elle étoit separée de biens eût à luy donner caution, ne voulant pas tomber Terrien dans le malheur de perdre encore une troisième fois ses deniers ; et là-dessus l’acquereur s’aidoit de ce qui se trouve dans Tertien, l. 4. c. 29. des Rachapts de rente que lors de la verifi-cation et la déclaration, il fut dit que pour les rentes qui appartenoient à des femmes mariées, les deniers en seroient baillez aux maris s’ils étoient notoirement solvables, et que s’ils ne l’étoient point l’argent seroit déposé en main Bourgeoise, et le remploy fait aprés y avoir appelé les proches parens d’icelle. Par Arrest du 5. d’Aoust 1645. en la Chambre des Enquêtes au Rapport de Mr de la Place, il fut dit qu’à faute de bailler caution les deniers seroient prochmez en Justice ou à caution : La femme avoit signé au Contrat de vente fait par son premier mary.
En 1599. de S. Germain et la nommée Sauvegrain sa femme vendirent aux Chanoines de Coutance quarante livres de rente appartenans à la femme : En 1600. le Canu obligé à cette ente en fit le rachapt aux mains desdits Chanoines, cette femme ayant renoncé à la succession de son mary, et ayant été dépossedée par decret du remplacement que les heritiers du mary luy avoient baillé, elle interpella les Chanoines de se presenter au decret et de la faire payer, à faûte dequoy elle rentreroit en possession de sa rente : On luy accorda acte de cette protestation, les Chanoines n’userent de leur part d’aucunes défences. Cette femme n’ayant pû être mise en ordre, elle poursuivit les Chanoines de la faire porter ; Sur l’appel d’une retention jugée par le Juge de Vallognes, Philippes Belot Ecuyer, sieur de Calouville, et Jacques du Lancey héritiers de cette femme donnerent Requête pour l’évocation du principal : Les Chanoines pretendoient qu’on n’avoit point d’action contr’eux ayant valablement acheté cette rente, et le rachapt leur en ayant été fait suum receperant, et il n’y avoit point lieu à la condition : Je répondois pour les sieurs Belot, et du Lancey, qu’il falloit faire distinction entre les Contrats où la femme avoit consenty, et ceux qui avoient été faits sans son gréement ; à l’égard des premiers ils étoient bons, et la femme n’atiroit pû s’adresser contre le Canu, parce qu’il luy auroit objecté sa signature au Contrat, ce qui lavoit autorisé à racheper la rente entre les mains des acquereurs. Et à l’égard des Chanoines elle ne pou-voit pas directement les déposseder, ne pouvant prendre d’autre conclusion contr’eux que de luy foutnir un remplacement : Or les Inuimez heritiers de la femme ayant fait cette diligence, mais les biens du mary ne s’étant pas trouvez fuffisans pour la fournir, ils pouvoient suivant pos Article leur demander leur rente ou la vraye valeur. Ils objectoient inutilement que suum receperant, car ils n’avoient reçû le rachapt qu’en consequence du Contrat de vente, mais cette vente ne pouvant fubsister qu’en fournissant un remplacement, il étoit vray de dite que suum non receperant : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 2. de Juillet 1664. les Chanoines furent condamnez au payement de la rente tant en principal qu’arrerages.
Il se mût en suite une autre contestation touchant le prix auquel ils seroient tenus de payerles arrérages, et combien d’années on en pouvoit demandes ; car cette rente avoit été consti-rude au denier dix, et ayant été rachetée les Chanoines concluoient qu’ils ne la devoient plus qu’au denier quatorze, de la même maniere que si elle avoit été rachetée entre les mains du mary ; et pour les arrerages que l’on ne pouvoit en demander que cinq années avant l’action qui fut en 1663. Au contraire. les intimez soûtenoient qu’il leur en étoit dû cinq années du jour que les Chanoines avoient été interpellez de faire porter la rente au decret des biens du mary : Car dés ce moment là les acquereurs n’étoient plus en bonne foy ne pouvans alléguer qu’ils eussent payé les arrerages d’une rente qu’ils pretendoient ne devoir pas : Par un second Arrest du S. de Juillet ensuivant ils furent condamnez aux arrerages du jour de l’interpellation à raison du denier quatorze.
L’on remarque par cet Article les precautions que la Coûtume a prises pour empescher que les biens des femmes ne soient dissipez par leurs matis ; on peut conclure de-là que tous les engagemens de la femme pour les dettes de son mary constant le mariage sont nuls et de nul effet, jusques-là même que la ratification qu’elle en feroit aprés la mort de son mary seroit inutile, parce qu’elle feroit reputée et passeroit pour un cautionnement : on l’a jugé de la sorte au Parlement de Patis en une Cause évoquée de ce Parlement. Dame Renée de Belocier durant son mariage avec Messire Tenneguy de Lombelon, Baron des Essarts, étoit intervenuë ivec ledit sieur son mary en plusieurs Contrats de constitutions de rente, dont Messire Pierre de Monmorency, Seigneur de Loresse, et Dame Loüise de Lombelon son épouse étoient aussi intervenus cautions ; ces grands emprunts et les autres dettes contractées par ledit sieur des Essarts ayant ruiné sa mailon, ladite Dame de Belocier fut contrainte aprés le décez de son mary de tenoncer à sa succession ; quoy que cette renonciation la mit à couvert de toutes letres, néanmoins les Sieur et Dame de Loresse luy firent ratifier les indemnitez que son mary et elle leur avoient baillées pour la décharge desdites constitutions de rente, et en consequence lors que ladite Dame se presenta au decret des biens de son mary devant le Juge le Moulins pour avoir delivrance de ses dot et doüaire, les Sieur et Dame de Loresse l’empescherent en verto de ces actes d’indemnité ; mais ladite Dame de Belocier en ayant obtenu des Letttes de restitution elles furent entérinées, et ses droits luy furent ajugez par Sentence du Juge de Moulins, dont lesdits Sieur et Dame de Loresse ayant appellé et fait renvoyer la Cause au Parlement de Paris, ils difoient qu’ils ne contestoient point que suivant la Coûtume de Normandie la femme mariée ne pût engager son bien, mais qu’ils pretendoient être hors la these generale ; car ils demeuroient d’accord que si la Dame des Essarts aprés a mort de son mary esit reclamé contre : les Contrats qu’elle avoit passez elle y auroit été pien fondée, mais qu’elle n’avoit pas tenu cette conduite, et au lieu de reclamer contre les Contrats et les indemnitez elle les avoit ratifiez lors qu’elle étoit en pleine liberté, de sorte qu’il ne s’agissoit plus que de sçavoir si ladite Dame lutimée dans le temps de sa liberté a pû s’obliger tout de nouveau ; lesdits Appellans soûtiennent qu’elle l’a pû faire de la même maniere que les mineurs peuvent aprés leur majorité approuver ce qu’ils ont fait en minorité, et que des caprifs ayant recouvert leur liberté peuvent ratifier ce qu’ils ont fait dans le temps de leur captivité. La Dame des Essarts répondoit que les Contrats faits par le mary et la femme sont pons et valables, mais c’est à cette condition qu’elle soit recompensée sur le bien de son mary, autrement elle peut de plein droit et même sans Lettres de restitution rentrer en la possesfion de ses biens alienez : D’où l’on peut tiret cette consequence qu’elle ne peut pas s’obli-ger pour ny avec son mary, vendre ny engager ses biens si les deniers ne sont convertis à son profit, suivant les Articles CCCCCXXXIX. et CCCCexI. de la Coûtume de Normandie, et quand’aux indemnitez qu’elle a baillées dans le temps qu’elle étoit veuve et maîtresse de ses actions, dont les femmes en Normandie sont incapables durant le mariage, tels actes ne peurent faire revivre les obligations contractées dutant le mariage qui étoient de soy nulles, d’au-tant plus qu’elles ont été faites sans cause et sans aucun benefice pour ladite Dame, et que les deniers dont elle s’est obligée de décharger les cautions de son mary avoient été consumez plus de quinze ans auparavant : Par Ariest en la Grand-Chambre, au Rapporti de Mr du Laurent, du 8. de Juillets 167a. la Sentence fut confirmée.
La Coûtume supplée par les dernieres paroles de cet Article ce qu’elle avoit omis dans le precedent touchant le temps pour regler l’estimation du bien de la femme aliené par son marys suivant cet Article l’estimation se doit faire sur ce qu’il peut valoir lors du décez de son mayy : Il étoit juste de regler le prix de ce jour-là, puis que c’est alors que l’action est ouverte à la semme pour repeter sa dot, ce qu’elle ne peut faire auparavant, parce que la joüissance en ppartient à son mary : Si neanmoins la femme étoit separée de biens, comme elle pourroit gir pour la restitution de ses biens dotaux, elle pourroit encore alors faite estimer sa dot du our de sa separation, suivant l’Arrest rapporté par Bérault.
Mr Jacques Godefroy propofe cette question, si l’acquereur des biens de la femme offrant de payer l’estimation de son acquisition suivant sa valeur au temps du decez du mary, la femme pourroit forcer l’acquereur à luy payer le prix qu’il l’auroit achetée : Et il conclud en faveur de la femme, parce que cette estimation du juste prix au temps du decez de son mary est ordonnée en sa faveur, et par consequent que ce qui est introduit en sa faveur ne peut être retorqué contr’elle ; le party de l’acquereur me paroit plus équitable, car ce n’est pas feulement en faveur de la femme que la Coûtume a condamné l’acquereur à payer l’héritage sur de prix qu’il pouvoit valoir lors du décez du mary, elle a eu égard que c’est le temps où il retourne à la femme, et que c’est par consequent de ce jour-là qu’il en faut estimer le prix ue l’acquereur en doit payer s’il veut en demeurer proprietaire, et il ne seroit pas juste que sil avoit acheté son plaisir ou sa commodité on la luy fist payer encore une fois, et la femme ne peut demander que la vraye valeur de son fonds.
CCCCCXLI.
Cas auquel elle ne peut avoir recompense.
Si le dot a été vendu par la femme pour redimer son mary n’ayant aucuns biens, de prison, de guerre, ou cause non civile, ou pour la nourriture d’elle, de son mary de ses pere, mere, ou de ses enfans en extréme nécessité, elle ne le pourra retirer, sauf le recours de la femme sur les biens du mary où il parviendroit à meilleure fortune, et non sur les biens des acquisiteurs.
Quelque favorable que puisse être la cause de la dot, celles qui sont exprimées en cet Article et pour lesquelles on a permis l’alienation le sont encore davantage : Le Velleian même ne forme point d’obstacle, et si la femme emprunte de l’argent pour acquitter les dettes de son pere, et que les deniers y ayent été actuellement employez, la pieté paternelle l’emporte sur tout autre consideration, ne scilicet pater ejus propter solutionem vexaretur, non ent tuta Velleiano, l. Si pro aliquo ar. 8. Ad Senat. Consult. Velleian
Les Docteurs tiennent unanimement que l’obligation d’un fils de famille mineur pour retirer son père de prison est valable : Et ces Docteurs non plus que les Arrests du Parlement de Paris ne distinguent point entre la cause de l’obligation si elle est civile ou criminelle : M Loüer, l. a. n. 9. rapporte un Arrest par lequel il a été jugé que le creancier pour la rançon du pere étoit preférable aux enfans qui avoient renoncé à sa succession, tant pour le doüaire que pour la restitution de la dot et autres conventions matrimoniales : Et Monthelon en cite un autre, par lequel un mineur qui s’étoit obligé pour retirer son pere de prison fut déclaré non receable en ses Lettres de restitution, Arrest 130
Toutes ces Maximes sont pieuses et charitables : Cependant cet Article ayant expressément liffité les cas ausquels l’alienation de la dot est permise ; je douterois fort que hors les cas qui sont exprimez, une alienation des biens dotaux pût être soûtenuë. En la Chambre de la Tournelle le 30. de Juillet 1635. la Demoiselle de Mainiere ayant demandé la permission de ven-dre quelque partie de son bien pour subvenir aux frais du procez criminel que l’on faisoit à son mary qui étoit prisonnier, Mr le Procureur General s’y opposa, disant que la Coûtume ne per nettoit ces alienations que pour retirer son mary de prison, ce qui s’entend de la detention our des interests jugez et non point des frais de procedure : La consequence en seroit perilleuse, on dépoüilleroit aisément une femme de son bien sur ce pretexte ; la Cour appointa la cause au Conseil,
Cet Article ne prescrit point de solemnitez pour ces sortes d’alienations ; il est neanmoins d’un usage notoire que pour y parvenir il faut un decret du juge et une déliberation de parens : Et par Arrest du 13. d’Aoust 1638. au Rapport de Mr Duval Coupeauville, la vente du bien d’une femme faite par un mary aprés en avoir obtenu la permission du Juge, et qui étoit causée pour subvenir à la nourriture de la femme fut déclarée nulle, et les heritiers renvoyez en la possession de l’héritage vendu ; l’Arrest fondé sur ces deux raisons, premierement que la emme n’y avoit point signé, sa signature étant necessaire à peine de nullité, et la seconde que femme étoit morte dés le lendemain de la vente causée pour alimens.
Une femmelen l’absence de son mary acheta un tonneau de Sidre que le Marchand fit apporter en la maison du mary où il fut consumé par la famille : elle se fit depuls sepater de piens, et le Marchand l’ayant poursuivie pour le payement de son sidre, disant qu’il le luy avoit livré pour la nourriture d’elle, de son mary, et de ses enfans, et que par consequent suivant cet Article elle avoit pû y obliger tous ses biens : La femme répondoit qu’il devoit connoître sa condition, et que n’étant pas separée elle ne pouvoit s’obliger, que tout ce qu’elle avoit tacheté étoit pour son mary et pour son compte, et il s’aidoit inutilement de cet Article qui n’a lieu que dans la necessité du mary ; et aprés tout il eût fallu un decret de Justice pour pouvoir engager son bien : Par Arrest du 30. de May 1656. la femme fut absoute de la demande du creancier
Mais l’autorité du mary sera-telle necessaire pour ces sortes de ventes de la même manière qu’elle est requise par l’Article CCCCCXXXVIII. pour les autres alienations ;S. Augustin . Augustin en son Epitre 199. remontroit à une femme qu’elle ne pouvoit disposer d’aucune chose sans la permission de son mary. Nihil de tua veste, nihil de tuo auro, vel argento, vel quacunque petuniâ, aut rebus ullis terrenis tuis sine arbitrio ejus facere debuisti. Il semble neanmoins que quand la vente est faite pour les causes exprimées dans cet Article, l’autorité du mary n’est pas absoument necessaire, elle est abondamment suppleée par l’autorité du Juge et par la déliberation des parens ; l’amour et la charité maritale couvrent ce defaut, quia justa & honesta causa est, I. Mutus, Sd. 8. 5. D. de jure dot. il y en a une décision formelle dans la Coûtume d’Auvergne, c. 1. des Donat. Article 7. VoyezLoüet , l. a. n. 6. et le President Fabry en son Code defin. 16. et 21. La femme peut s’obliger en l’absence de son mary pour doter sa fille, parce qu’elle y est naturellement obligée.Mornac . Ad l. 2. D. Ad Senat. Consult. Velleian. Tronçon lur la Coûtume de Paris, Article 223.
CCCCCXLII.
Hypotheques du remplacement des biens de la femme autres que les dotaux.
Et quant à tous autres biens immeubles appartenans aux femmes, autres que leur dot, soit à droit de succession, donation, acquisition ou autrement, s’ils sont alienez par la femme et le mary ensemble, ou par la femme du consentement et autorité de son mary, et que l’argent provenant de la vente n’ait été converty au profit de la femme, comme dessus est dit, elle doit avoir sa recompense sur les biens de son mary, mais l’hypotheque prend seulement pied du jour de l’alienation : et où le mary seroit non solvable, subsidiairement contre les detenteurs desdits biens, lesquels en seront quittes en payant le juste prix d’iceux, eu égard à ce qu’ils valoient lors du Contrat.
Cet Article est tiré mot pour mot de la l. Fin. 8. fin. C. qui potior. in pign. hab. La dot avoit de grands privileges, hec autem, dit la l. tantùm ad dotem sancimus non ad ante nuptias donationem, quam suo tempore servire disponimus & habere inter creditores sui temporis ordinem.
Mr d’Argentré dit que par les Coûtumes de France il n’y a plus de difference entre les biens de la femme : Nôtre Coûtume toutefois y en met une fort importante lors qu’il est question de leur hypotheque ; car pour la dot lors qu’elle a été alienée par le mary du consentement de sa femme, elle en a le remploy sur les biens de son mary du jour de son Contrat de mariage, et pour ses autres biens qui lui sont venus par succession, donation, acquisition ou autrement, l’hypotheque ne lui en est donnée que du jour de l’alienation, et en cela la femme n’en souffre aucun prejudice ; car quoy que la disposition de cet Article soit avantageuse pour ceux qui ont contracté avec le mary depuis le mari ge, neanmoins la femme ne court aucune risque pour ses biens non dotaux quoy qu’elle n’en ait recompense que du jour de la vente, parce que si son mary se trouve insolvable elle retourne sur les dérenteurs de ses biens alienez.
Cette distinction de biens est fort équitable et fort necessaire, et sans doute nos Reformateurs firent reflexion que la disposition de l’Article CCCCCXXXIX. causeroit trop de trou-bles, et seroit trop favorable au mary qui voudroit tromper ceux qui auroient contracté avec luy sur l’asseurance des biens qu’il possedoit et qui n’étoient point encore chargez de dettes, si on luy donnoit une plus grande étenduë ; car l’on ne peut pas dire que cette hypotheque qu’ils donnoient par cet Article 530. fût en faveur des femmes, et pour empescher ue le consentement qu’elles donnoient à la vente de leurs biens ne leur fût prejudiciable, uis que par l’Article suivant elles avoient droit de reprendre la possession de ces biens quand leurs maris étoient insolvables : ainsi cette hypotheque à qui son donnoit un effet retroactif au jour du mariage ne profitoit qu’aux acquereurs des biens dotaux en les preférant à tous les creanciers posterieurs du mariage ; or l’on ne peut pas dire qu’ils méritassent plus de grace en acquerant d’une femme qui n’étoit point maîtresse de ses actions, et qui ne pouvoit venre que sous une condition indispensable de ne perdre rien, que des creanciers et des acque-reurs qui contractoient avec un mary qui étoit le maître absolu de ce qu’il vendoit, et sans être tenu d’en faire aucune recompense à qui que ce soit : On jugea donc qu’il étoit juste de n’accorder cette prerogative qu’à la véritable dot, et non aux autres biens de la femme pour ne tomber pas dans les abus, et les inconveniens que l’on voit arriver ailleurs en consequence des maximes que l’on y fuit et que j’ay remarquées sur l’Article 539. qui rendent la condition de ceux qui traitent avec un homme fort incertaine et fort mal asseurée ; mais par le moyen de cette distinction d’hypotheques ils n’ont qu’à s’asseurer contre l’alienation que le mary peut faire de la dot et comme elle est presque toujours certaine, les femmes ne succedant point en Normandie, et par consequent n’ayant ordinairement d’autres biens dotaux que ce qui leur ut donné par leur Contrat de mariage, la precaution des creanciers ou des acquereurs du mary n’est pas mal-’aisée à prendre.
Mais quel remede pourroit-on trouver contre ce torrent auquel on se laisse emporter sans raison, comme ils l’avoüent eux-mêmes, si la femme ou ses creanciers qui pretendroient exercer ses droits étoient preférables pour des dettes qu’elle pourroit contracter pour son mary, à des créanciers ou des acquereurs legitimes qui auroient contracté cinquante ou soixante ans auparavant ; C’est donc avec beaucoup de prudence que cet Artide ne donne l’hypotheque à la femme pour ses biens autres que la dot que du jour de l’alienation.
Il est vray que cet Article étoit de nul usage à l’égard des dettes que la femme domiciliée en Normandie pourroit contracter avec son mary, parce qu’elles seroient nulles et de nul effeti mais il étoit fort important et fort necessaire lors que les conjoints vivoient sous des Coûtumes où la femme a qualité de s’obliger et que le mary avoit des biens en Normandie, car en ce cas quelque indemnité que la femme stipule par son Contrat de mariage l’hypotheque n’a point d’effet retroactif, elle n’en peut être recompensée sur les biens de son maty que du jour des Contrats où elle a souserit ; la raison est que les Coûtumes sont réelles, et que pour les choses qui sont dans leur détroit il faut suivre leur disposition, de sotte que l’hypotheque Legale ou Coûtumière ne peut être détruite par la conventionnelle, les particuliers ne pouvant renverser le droit public, ny faire par leurs pactions qu’il n’ait point lieu, mais sur tout l’égard de ceux qui n y sont point appellez : ainsi ceux qui achetent des biens situez en Normandie ne doivent regarder pour leur asseurance que la Loy de la Province, c’est le se ul oracle qu’ils doivent consulter sans se mettre en peine des autres Coûtumes qui n’ont ny orce ny autorité hors leur térritoire : Or étant incontestable que l’indemnité stipulée par la femme, quoy qu’elle soit portée par son Contrat de mariage n’est point un bien dotal, parce ue la dot ne consiste qu’en ce que la femme apporte à son mary, ou qui luy vient en ligne directe, et la Coûtume ne donnant l’hypotheque pour les biens non dotaux, il est d’une consequence neceffaire que jamais la femme ne peut être recompensée de la vente de ses biens ou des dettes qu’elle a contractées pour son mary que du jour de l’alienation, autrement cet Article ne serviroit que de piege à ceux qui acheteroient des biens assis en Normandie ; car quoy qu’ils n’eussent qu’à se mettre à couvert de l’hypotheque de la véritable dot, sans se mettre en peine des alienations que le mary pourroit faire des autres biens de sa femme, ny des autres Contrats qu’elle pourroit souscrire pour luy ou avec luy, puis que l’hypotheque en seroit posterieure sur les biens qui se trouveroient en Normandie, neanmoins la Coûtume de Normandie demeureroit sans effet si les conjoints par mariage n’étoient pas dans son tesritoire, quoy que la chose hypothequée y fut située, l’on convient que s’il s’agissoit de la va-lidité des actes faits par la femme il ne faudroit considerer que la Loy de son domicile : mais en est autrement lors qu’il s’agit de leur execution sur des biens situez en des Coûtumes qui ont contraires, car alors ce qu’il y a de réel ne peut avoir effet que conformément à leurs dispositions : aussi tant s’en faut que la femme ou ses creanciers qui voudroient exercer ses droits pour avoir recompense ou de la vente de ses biens non dotaux ou des dettes qu’elle a contractées avec son mary du jour de son Contrat de mariage, que suivaut l’Arrest que j’ay remarqué sur l’Article 530. il a été jugé que l’acquereur des biens du mary lors qu’il est dépossedé pour le remploy de la véritable dot est subrogé aux droits de la femme pour en avoir recompense hypotbecaire sur les biens de la femme au prejudice de l’acquereur d’iceux : D’oû il resulte que les creanciers exerçant les droits de la femme, bien loin d’avoir hypotheque du jour du Contrat de mariage en vertu de l’indemnité que l’on auroit stipulée, que même acquereur des biens du mary autoit sa recompense sur les biens de la femme au prejudice de ses créanciers posterieurs.
CCCCCXLIII.
Quand femme peut agir de son chef et les cas du desaveu du mary.
Femme peut pour injure faite à sa personne rendre plainte en Iustice, et la poursuivre encore qu’elle soit desavoüée par son mary, et la doit le Iuge recevoir pourvû que l’injure soit atroce, et où elle décherroit et seroit condamnée aux dépens, le mary ne sera tenu en répondre, sinon jusques à la concurrence des fruits du bien de la femme ; et où les fruits ne seroient fuffisans, la condamnation sera portée sur les biens de la femme autre que la dot.
Par cet Article et par le suivant nous apprenons en quel cas la femme peut intenter des actions sans l’aveu de son mary : La Coûtume ne déclare point si le mary peut plaider pour les interests de sa femme sans son aveu et sans sa procuration ; l’ancienne Coûtume, l. 2. c. 1. du Mary et de la Femme, disoit qu’ils devoient être oüis ensemble de toutes choses qui appartiennent à la femme ; mais Terrien ajoûte que cela s’entend de cas heredital où le mary ne peut agir ny défendre sans procuration de sa femme ; mais comme il est le maître des meubles Il est aussi le maître et le seigneur des actions mobiliaires et possessoires procedans du côté de sa femme, lesquelles il peut intenter sans elle : Le nom de seigneur est un nom d’honneur commun au mary et à la femme, utque ille dominus, ita et hec domina, et en la l. Titia, S. 1. le annuis leg. Domina sanctissima scio te de amicis men curaturam ne quid eis desit Par la dilposition du droit le fils de famille quoy qu’il fût en la puissance de son pere pouroit poursuivre la reparation de l’injure qu’il avoit reçûë, si son pere en negligeoit la ven-eance où s’il étoit absent, l. Si longius, 5. 1. D. de judic. l. Filiusfam. D. de obligat La Demoiselle de Pont-Olivier étant à la suite d’un procez pour son mary, elle fut rencontrée dans les ruës par fa partie qui luy profera des injures dont ayant rendu plainte elle obtint une condamnation d’interests et de dépens. Elle en fit une cession à son frère lequel en vertu de cette cession et de l’Arrest de la Cour ayant requis execution sur les biens du con damné, il demanda à compenser cette condamnation contre les dettes qu’il portoit contre le mary de cette femme, pretendant que n’étant point separée d’avec son mary, la condamnation qu’elle avoit obtenuë luy appartenoit ayant été même poursuivie à ses dépens, et par consequent le profit luy en devoit revenir ; le cessionnaire ayant appellé en garantie sa cedante, elle soûtint que les interests appartenoient à elle seule l’injure ayant été faite à sa person-ne feule, ayant poursuivy la reparation sans l’aveu de son mary, et moyennant l’argent qui luy avoit été prété par son frere. La femme suivant cet Article peut poursuivre l’injure faite à sa personne, et puis que son frerte avoit avancé les deniers necessaires pour obtenir sa reparation, il étoit raisonnable qu’il en fût remboursé. Nonobstant ces raisons le Juge ayant prononcé à bonne cause l’opposition et demande en compensation, la Sentence fut confirmée en l’Audience de Tournelle le 18. de Février 1668. plaidans Greard, de l’Epiney et Theroude.
CCCCCXLIV.
Et où la femme seroit poursuivie pour méfait, ou médit, ou autre crime, son mary en sera tenu civilement, s’il la défend : et s’il la desavouë et elle est condamnée, la condamnation sera portée sur tous les biens à elle appartenans, de quelque qualité qu’ils soient, si les fruits n’y peuvent suffire-
Cet Article est contraire au Droit Civil, les Docteurs traitans cette question si le mary est tenu de payer l’amende à laquelle sa femme a été condamnée, font cette distinction entre les biens de la femme, les dotaux et les parafernaux, pour les premiers ils ne pouvoient être arrêtez pour le delit commis par la femme, parce que le mary n’étant le maître, il ne doit point souffrir la perte de son droit pour la faute commise par sa femme, l. In rebus, D. de jure dot. l. Doce ancillam de rei vind. et la Glose sur la l. Qginque legib. D. de bon. damnat. Mais pour les parafernaux comme le mary n’en avoit ny la proprieté ny l’usufruit, ils pouvoient être pris pour les peines et pour les amendes jugées contre la femme, l. Vlt. C. de pact. convent. Cette différence des biens de la femme étant abrogée par nos usages, suivant plusieurs Coûtumes, ils ne peuvent être saisis pour les fautes personnelles de la femme, mais suivant cet Article.
En matiere criminelle si le mary desavouë sa femme, il n’est point tenu des condamnations jugées contr’elle ; mais en matiere civile, quoy qu’au refus du mary la femme se fasse autoriser, Il peut être poursuivy pour les dépens. La raison est que l’autorisation sert bien pour la rendre Loyseau capable de sister en jugement, mais le mary nonobstant cette autorisation continuant la joüissance. de son bien doit payer les dépens :Loyseau , du Déguerpissement, l. 2. c. 4. n. 14. 2 ort bien prouvé que c’étoit un crime de soûtenir le contraire, parce que le mary joüissant des sens de sa femme, et à cause de sa puissance maritale en étant comme Seigneur, il est raionnable qu’il paye les dettes des biens ausquels sa femme succede et dont il perçoit les fruits : Quia bona non dicuntur nisi deducto are alieno, et as alienum onus est universi patrimonii. Cette pinion a été suivie et confirmée par plusieurs Arrests de ce Parlement, et nommément par un Arrest du 16. de Juillet 1659. en la Chambre de l’Edit, plaidans Pilastre et Dehors En 162s Helie fit ajourner la Demoiselle Vassi, veuve de François le Cerf, pour reconnoire une obligation faite par cette Demoiselle avant son mariage pour cinquante-deux boisseaux de bled : Elle desavoüa que ce fût son fait, en tout cas elle soûtenoit qu’elle devoit être payée par l’heritier de son mary, comme étant une dette mobiliaire contractée avant son mariage, que son mary étoit tenu d’acquitter. Le Cers se défendit par cette raison que cette obligation étant sous seing privé ne pouvoit passer pour avoir été faite avant le mariage ; cette femme par mtelligence avec Helie ayant pû luy donner telle datte qu’elle a voulu, que si cela étoit admissible une veuve pouvoit charger la succession de son mary de telles dettes qu’il luy plairoit : Le Juge ayant debouté la femme de la garantie qu’elle pretendoit ; par Arrest la Sentence fut confirmée, au Rapport de Mr le Noble le 2 de Mars 1629.
Du Moulin et d’Argentré traittent cette question, si le defaveu fait par la femme de son Seigneur poutroit nuire au mary, et putant prajudicio mariti non posse, cujus sunt fructus, nec dos constante matrimonio prajudicio mariti committi potest, l. Si marito, l. Inter eos, S. Bonis, D. de Sdejuss. Suivant cet Article si la femme est poursuivie pour crime, quoy que le mary le desavouë, la condamnation est portée sur tous les biens à elle appartenans de quelque qualité qu’ill soient, si les biens ne peuvent suffire.Argentré , Article 476. Mol. de feud. 8. 43. gl. 1. n. 4 et sequent.
CCCCCXLV.
Estant le mary absent, la femme peut intenter action de nouvelle dessaisine de son héritage qui luy a été arrêté.
Non seulement en cas d’absence ou de separation, la femme est capable d’agir pour les interests, mais aussi si elle souffroit la perte de son bien. Le nommé Die Marchand Portugais ne pouvant payer ses créanciers, ses meubles qui étoient de grande valeur furent vendus ; il luy en resta seulement pour quatre on cinq cens livres qui furent saisis par un autre creancier. Sa femme quoy qu’elle ne fût point separée s’opposa à cette saifie, et les Parties ayant été ouyes en la Cour, Carue pour cette femme se plaignoit qu’on vouloit enlever le reste de la fortune de son mary, ce qu’elle avoit interest d’empescher pour la conservation de ses droits, que la faillite de son mary valoit de separation et luy donnoit ouverture à la demande de ses conrentions matrimoniales, pour être colloquée en son ordre, n’étant pas de pire condition qu’us tranger qui pourroit s’opposer, que si elle souffroit la vente de ces meubles il ne luy resseroit plus aucun moyen de se faire payer de fa dot qui étoit de six cens livres, et on ne pouvoit as aussi luy disputer ses parafernaux : Canu pour le creancier la soûtenoit non recevable n’étant point separée : Par Arrest du 10. de Février 1631. en la Grand. Chambre, la Cour ordon-na qu’au principal les Parties seroient ouyes devant le Conseiller Commissaire, et cependant qu’elle auroit main-levée des choses saisies à la caution de ses droits.