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CCCCCXCV.

Executoires de dépens en Normandie prennent hypotheque du jour de l’introduction du procez, et non de la condamnation pour les jugemens donnez au-dit païs de Normandie.

Cet Article est contraire à l’Ordonnance de Moulins, Article 53 suivant lequel l’hypotheque pour les dépens ne commence que du jour de la condamnation, quia potius officio Judicn, quêm jure obligationis debentur. l. Ediles. S. Item sciendum. D. de Edil. et l. Cum quem temerè.

D. de re judic. et c’est pourquoy nos Reformateurs ont ajoûté que les dépens prennent hypotheque du jour de l’introduction du procez, pour les jugemens donnez au païs de Nor mandie ; car ailleurs ils ne sont mis en ordre que du jour de la condamnation. Voyea Brodeau sur MrLoüet , l. ff. n. 25. Charondas en ses Pandectes du Droit François, l. 2. c. 37. Les Romains ne donnoient pas aux Jugemens et Sentences le droit d’hypotheque elle n’étoit. acquise que par la saisie et par l’execution faite, ob causam judicati, suivans le Tit. du C. si in ausa judicati pignus captum sit ; mais en France l’on a estimé que leur faveur et leur autorité ne devoit pas être moindre que celle des conventions faites par deuant Notaires. bien que plusieurs soient condamnez aux dépens, ils ne sont tenus régulierement que chacun pour leur pant, etiam si consoii criminis essent ; car quoy que pour les interests et pour la reparation du crime ils soient condamnables pour le tout, toutefois, dit la l. Properandum de his qui ad Ece. conf. in eo quod quisque eorum difputationem litis subiit, nihil est peccati cum defensio sit juris naturalis ; mais quand l’on condamne à une certaine somme pour tous interests et dépens, la condamnation est solidaire sur tous les accusez.

Par un ancien Arrest du mois de Mars 1537. celuy qui ne s’étoit rendu caution que de la plainte, ne fut declaré responsable que du principal et des dépens jugez devant le premier

Juge, et non de ceux de la cause d’appel ; mais celuy qui est caution de payer le jugé est garand de tout l’évenement du procez.

Deux particubers avoient été condamnez aux dépens par Arrest ; l’un s’accommoda, et le demandeur en taxe voulant assujertir l’autre condamné à payer tous les frais de la taxe, il s’en défendit par cette raison, que le demandeur en avoit confondu la moitié par la composition qu’il avoit faite : Par Arrest en la Chambre de l’Edit du 22. d’Avril 1606. aprés un Consulatur fait en la Gnand. Chambre, il fut dit que la taxe y venoit entière On n’est pas recevable à verifier le contraire. de ce que la partie a juré ca taxant les dépens, mais il faut empescher le serment.

Suivant l’ancien usage aprés les quatre mois on pouvoit être contraint et par corps au payement l’un executoire de dépens : Par l’Ordonnance de 1667. l’on ne peut obtenir la condamnation. par corps aprés les quatre mois, si l’executoire n’excede la somme de deux cens livres ; mais on a revoqué en doute si cette Ordonnance devoit être suivie pour les dépens jugez en matiere criminelle, parce que suivant le Code Criminel on en doit user en matiere criminelle comme en matiere civile. Hobey avoit obtenu contre Robert Drieu un executoire de dépens montant à cent cinquante-sept livres pour un procez d’injure ; aprés les quatre mois il fît juger la condamnation par corps ; sur l’opposition de ce particulier, Neel son Avocat s’aidoit de lOrdonnance Civile et Criminelle : Je répondois pour Hobey que comme les procez pour injures ou pour de legers excez ne sont pas de longue suite, la condamnation de dépens demeureroit presque toûjours inutile à celuy qui auroit gagné sa Cause, à cause de l’insolvabilité des condamnez, si l’on ne pouvoit pas les contraindre par corps : Les dépens tiennent lieu d’interest en matiere criminelle, et la condamnation en est d’autant plus juste que laccusé s’est engagé volontairement à plaider en commettant un crime, au lieu qu’en matiere civile on est souvent forcé de se défendre, ou bien l’on a été engagé mal à propos par un mauy ais conseil : L’Ordonnance Civile ne devoit point être pratiquée en matiere criminelle : l’Article du Code Criminel ne decidoit point la question, il vouloit dire seulement que pour obrenir les dépens ou pour les faire taxer l’on en useroit comme en matiere civile ; et en effet l’Article par lequel les contraintes par corps ne doivent avoir lieu que quand les dépens excedent deux cens livres n’est pas sous le Titre des Dépens, mais sous celuy des Contraintes, et par corps : Par Arrest en la Chambre de la Tournelle du 3. d’Avril 1675. l Opposant fut debouté de son opposition.

Berault Beraul sur cet Article a romarqué que cette question fut agitée à l’Audience de la Cour le 18. Mars 1603. de sçavoir si lors que par le Contrat l’on s’est obligé à quelque chose à peine de tous dépens, dommages et interests, si les dépens qui sont jugez a faute d’accomplir le Contrat ont hypotheque du jour du Contrat, et que la Cause fut appointée au Conseil : Cela fait bien connoître qu’en Normandie on a beaucoup de peine à juger des interests ; car en l’espece proposée par Berault la demande des interests étoit foit raisonnable, car il y a grande difference entre les interests qui sont demandez pour l’inexecution d’un Contrat de bonne foy, et les interests qui sont demandez et qui resultent d’une obligation pour prest, ay remarqué sur l’Article precedent quelle étoit la Jurisprudence du Parlement de Paris. touchant Phypotheque des interests, lors que par le Contrat on avoit employé la clause à peine de tous dépens, dommages et interests. Cela donna lieu à cette contestation. Feu Nicolas du Tot, Ecuyer sieur d’Orgueil, et son frere ainé dont il étoit heritier, s’étoient obli gez envers un Tailleur d’habits de Paris, lequel les fit ajourner au Châteler de Paris pour e voit condamner aux interests, ce qui fut jugé par Sentence du Châtelet de l’année 1648. et en 1658. le sieur du Tot fit une transaction avec le tuteur des enfans de ce Tailleur, par daquelle il s’obligea de luy payer deux mille huit cens livres, tant pour le principal que pour sles interests et dépens ; et aussi ce tuteur fit condamner le sieur du Tot aux interests du jour de la demande. Au decret de la terre d’Orgueil les nommez Beaujan et le Cauchois qui avoient pousé les filles heritières de ce creancier opposerent pour être colloquez du principal et de six cens livres qui restoient pour les ingerests, comme du jour de la premiere obligation et condamnation qui fut en 1648. Charles Gruin Ecuyer, sieur des Boides, et les autres créanciers consentoient l’hypotheque de 1648. pour le principal de l’obbigation, mais pour les inte-rests, ils foûtenoient qu’ils n’avoient hypotheque que du jour de la condamnation, c’est à dirt en l’année 1658. ce qui fut jugé de la sorte. Sur l’appel de Beaujan et de Cauchois, Durand eur Avocat representoit que par la jurisprudence du Parlement de Paris, les interests ont hypotheque du jour de l’obligation, et là-dessus il s’aidoit des raisons et des Arrests rapportez par Mr Loüet et par MeBrodeau , 1. D. n. 42. d’où il concluoit que s’agissant d’une obligna tion et d’une condanmation jugée à Paris, il falloir suivre la regle du Parlement de Paris, ce qu’il confirmoit par l’Article 70. du Reglement de 1666. par lequel les Contrats passez à Paris, quoy qu’ils ne soient pas Controllez ont hypotlreque sur les biens situez en Normandie. du jour qu’ils ont été reçûs devant Notaires ; en tout cas, il ajoûtoit qu’il devoit avoir hypotheque dés l’année 1648. qu’il avoit fait condamner ledit sieur du Tot aux interests. Je ré-pondois pour le sieur des Bordes que cette question devoit cre décidée plûtost par nôtre

Coûtume dont la disposition étoit certaine que par la jurisprudence du Parlement de Paris qui est incertaine, comme on l’apprend par le témoignage même des Auteurs que l’on avoit citez ; et puis que suivant cet Article les executions de dépens n’ont hypotheque que du jour de l’introduction du procez, il y avoit d’autant moins de difficulté à juger que les interests ne peu-ent être colloquez que du jour de la demande, qu’en Normandie on ne juge aucuns interesta des obligations pour prest, bien qu’ils soient demandez. On apprend de Mr Loüet qu’autreçois cette question avoit été jugée diversement : Qu’il fut décidé pour les dépens qu’ils avoient hypotheque du jour du Contrat contre le sentiment de du Moulin qui ne donnoit hypotheue que du jour de la condamnation : Pour les interests on ne les jugeoit du jour du Contrat Mornac que lors qu’il y avoit cette clause, à peine de tous dépens, dommages et interests, et cette jurisprudence a été suivie tres long-temps, comme on l’apprend de Mr le Prêtre et de Mornao, ur la Loy Lucius Titius de Pign. et Hypothecis ; Mais Brodeau ajoûte qu’enfin l’on a jugé l’hypotheque du jour du Contrat, quoy que cette clause à peine de tous dépens, dommages et inte-ests n’y fût pas employée ; par cette raison que ea que sunt ex usu communi semper inesse videntur. Mais je répondois que cette jurisprudence ne devoit point être reçûë, car il y a grande différence entre les interests qui sont dûs ex natura contractus, et les interests qui resultent d’une obligation pour prest. Il est juste que les interests qui sont dûs par la nature du Contrat comme en étant de l’essence ayent la même hypotheque que le Contrat, parce qu’ils entrent en la place de la chose promise et convenuë : L’acheteur qui est dépossedé du fonds qu’on luy a verendu, et dont le vendeur ne le peut mettre en possession, est colloqué pour les interests d’éviction du jour du Contrat, quia in Contractu venditionis aut locationis nemo pracisè tenetur ad actum, et toutes les promesses qui consistent en fait se resolvent en interests, lors qu’elles ne sont oint executées, sed loco rei quae prastari non potest, succedit id quod interest, et comme cet interest procede de la nature du Contrat, et qu’il en fait partie, l’hypotheque en est acquise du pur du Contrat.

Il n’en est pas de même des interests qui proviennent d’une obligation pour prest bien loin qu’ils soient de l’essence du Contrat, ils sont contraires à sa nature, nam mutui substantia est, ut sit officium gratuitum : L’argent est sterile de soy, il ne peut produire d’interests, et comme dit une Loy, usura naturâ non pervenit, sed jure percipitur, l. Si navis, 8a. ff. de rei vind.

Les interests sont si étrangers et accidentaux à l’obligation que la convention en seroit usufaire et illicite, et par les regles qui s’observent à Paris, les interests d’une obligation ne sont oint dûs, nec ex conventione, nec ex morâ : Il ne suffit pas que le debiteur soit en retardement, ce n’est pas assez qu’ils ayent été demandez, il faut en avoir condamnation, et solo ju-dicis officio veniunt, c’est le decret seul du Juge qui leur donne l’être, c’est de cette cause nouvelle qu’ils procedent, ce qui produit par la même raison une nouvelle obligation qui ne peut avoir une hypotheque avant qu’elle soit née et qu’elle ait commencé d’être ; cette condamnation ne peut pas avoir plus d’effet qu’une convention legitime : C’est un usage notoire en Normandie que si le creancier constituë en rente son obligation, il conserve son hypothe. ue pour son obligation du jour qu’elle a été faite, mais pour les arrerages il n’en est colloqué que du jour qu’ils sont prononcez. On objecte qu’encore que les interests soient dûs ex petitione, ils ne pourroient neanmoins être dûs sans l’obligation, d’où l’on infere que n’étant qu’accessoires ils suivent la nature de l’obligation : Mais j’ay fait voir qu’encor qu’ils ne soient ondez que sur l’obligation, ils sont neanmoins étrangers et même contraires à la nature de l’obligation, et qu’ils n’ont lieu qu’en vertu de la condamnation. pour la seconde question, je répondois qu’encore que cette condamnation d’interests eût été jugée à Paris, elle ne pouvoit être executée hypothecairement en Normandie contre la disposition de la Coûtume, qu’il falloir faire différence entre les actions personnelles et réelles, nter statuta quae personam respiciunt aut rem ; Que quand il s’agit de la condition et de l’état de la personne, la Coûtume de son domicile doit être considerée, laquelle a son étenduë par tout : Par exemple, que comme on est majeur en Normandie à vingt ans, si un Normand contractoit de choses même qui sont situées sous la Coûtume de Paris où la majorité n’est parfaite qu’à vingt-cinq ans, le Contrat seroit valable : On peut dite la même chose de ce qui concerne la forme des Contrats ou des Testamens, ils sont valables par tout quant à la forme si l’on y a observé toutes les solemnitez prescrites par la Coûtume des lieux où ils ont été passez, et s’est pourquoy on a jugé en ce Parlement que les Contrats passez à Paris n’étoient point sujets au Controle pour avoir hypotheque sur les biens de Normandie, mais pour les actions. réelles, les pactions passées ailleurs bien que solemnelles et conformes à la Coûtume des lieux où elles ont été faites, ne peuvent valoir contre l’autorité de la Coûtume du lieu où sont situez les biens que l’on pretend y être hypothequez, quia statuta clauduntur territorio ; la stipu-ation de la moitié des biens en doüaire portée par un Contrat de mariage fait à Paris où cette paction est legitime, seroit nulle en cette Province, parce que la femme ne peut avoir que le tiers, et c’est nôtre usage que nonobstant la communauté stipulée par un Contrat fait à Paris, elle n’est point reçué en cette Province sur les acquests qui y seroient situez. Sil s’agissoit de sçavoir si la condamnation d’interests pour une obligation est valable, et peut être executée sur les biens de Normandie ; il est cettain que pour décider une question on considereroit l’usage. de Paris, parce que l’obligation ayant été faite à Paris ce seroit une action petsonnelle, mais étant question d’hypotheque sur des biens situez en Normandie, la Coûtume du lieu doit être referée à celle de Paris. Voyez Mr d’Olive , 1. 7. c. 25. de ses Questions ; à Tolose on a jugé le contraire de ce qui s’observe à Paris. Voyez Me Mainard au leu cité parBrodeau -Pour la troisième question qu’ils devoient avoir hypotheque dés l’année 1648. on répond ue par la transaction les deux mille huit cens livres étoient promis tant pour le principal que pour les interests et dépens ; or étant colloquez de cette somme ils ne pouvoient plus se servil de la Sentence de 1648. pour les interests qui n’étoient dûs et ne procedoient que de cette omme de deux mille huit cens livres qui composoit les interests et le capital precedent, et esquels n’étoient dûs qu’en vertu de la condamnation qu’ils avoient obtenuë en 1653. cessant a quelle ils ne les pourroient demander, car étant payez de ce qui leur étoit dû en vertu de la Sentence de 1648. et en ayant transigé en 1658. ces nouveaux interests étoient une nouvelle obligation qui ne pouvoit avoir hypotheque que du jour qu’elle avoit commencé d’être ; la Gause ayant été plaidée le 6. de Mars 1674. elle fut appointée au Conseil.

Arrest du 27. de Février 1636. au Rapport de Mr de Vigneral en la Chambre des Enquetes, sur ce fait : En l’année 1607. Pierre Boutin avoit prété cinq cens livres à Pierre Chopin son beau-frere, pour employer au rachapt d’une rente et au retrait d’une terre, sans en stipuler aucuns interests. Deux ans aprés Boutin fit sommation à Chopin de luy rendre son argent à protestation de le faire condamner en ses interests ; sur cette action les Parties avoient été relées à écrire, et Boutin abandonna cette action jusqu’en l’année 1623. c’est à dire pendant dix-neuf ans, et pour en avoir condamnation des interests, il alléguoit que puisque Chopin avoit utilement employé les deniers qu’il luy avoit prété, il n’étoit pas juste qu’il en profitast, et que ledit Boutin n’en tirast aucun benefice, que suivant la disposition du Droit, l. Julianus, J. veniunt. ff. de action. empt. lors que quelqu’un a vendu une tetre veniunt usurae à die tradi. tionis, cûm enim emptor re fruatur, aquissimum est usuras pretii pendere, bien qu’il n’y eût aucune stipulation ny interpellation de la part du vendeur, ny de retardement de la part de l’acquereur : Chopin au contraire disoit qu’il y avoit différence entre les Contrats de bonne foy et les Contrats de droit étroit, que les Contrats de rente étoient de bonne foy, et que les interests étoient dûs ex pacto, vel ex morâ ; mais que le Contrat de prét étoit stricti juris, à cause duquel les interests n’étoient pas dûs s’ils n’étoient stipulez, l. cûm ultra cod. de non. numer. pecun. les Jurisconsultes payens désiroient une stipulation pour avoir des interests ; cette stipulation seroit vicieuse s’il n’y avoit alienation du principal, ou s’il y avoit alienation, les interests n’en étoient dûs que suivant l’Article 60. de l’Ordonnance d’Orléans, pour faire condamner un debiteur aux interests d’une obligation, il les faut demander et en obtenir condamnation, autrement une simple protestation ne suffit pas. Or au fait dont il s’agit Boutin s’étoit contenté d’une imple protestation : Par l’Arrest Boutin fut évincé des interests. Voyez Loüet etBrodeau , l. I. n. 6. et suivans.