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DCI.

Et où aucun ne se presentera dans l’an et jour pour le reclamer, le Varech appartient au Seigneur, sans que puis aprés il en puisse être inquieté.

Il n’étoit pas raisonnable que le Seigneur feodal demeurar perpotuellement chargé du Varech, c’est pourquoy la Coûtume limite le temps de cette garde à un an et jour, et aprés ce emps il demeure au Seigneur sans en pouvoit être inquieté, parce que l’on presume que le ropriétaire l’a abandonné. Par l’Article 16. de la Jurisdiction de la Matine, si le Marchand poursuit la restitution de sa marchandise dans l’an et jour de la perte d’icelle, elle luy doit être restituée en payant les frais du sauvement : Ce terme d’une anuée est imité du Droit Civil, en la l. 2. C. de Naufrag. le Parlement de Paris en verifiant l’Ordonnance de 1543. qui donnoit un pareil delay, restreignit le delay d’un an à deux mois, ce qui fut suiut par l’Art. 21. de l’Ordonnance de 1584. mais nonobstant cette Ordonnance nôtre Coûtume a été approuvée par le Roy, comme conforme au Droit Civil et aux anciennes Ordonnances. Ce qui s’observe aussi au Parlement de Bordeaux, suivant les Arrests remarquez par Clerac des Us et Coûtumes de la Mer, sur l’Art. 30. des Jugemens d’Oleron.

Cet Article a donné le Varech au Seigneur lors qu’il n’est point reclamé par le proprietaire : Par la disposition du Droit Civil les choses jettées sur terre par la Mer et les debris d’un naufrage appartenoient aux possesseurs des héritages sur lesquels elles étoient trouvées lors qu’elles n’étoient point reclamées, et que les maîtres d’icelles habuerant pro derelicto : quecumue res ex nave extracta est, non ante ejus incipit efse qui extruxit quâm Dominus eam pro dere-licto habere coeperit, l. 58. D. de adquir. rer. domin. Et quoy que les droits du Fisc eussent une grande étenduë et de grandes prerogatives, néanmoins les Empereurs Romains ne s’attribuerent point le debris des naufrages au prejudice des proprietaires, ny même de ceux qui les avoient trouvez, comme je l’ay remarqué cu-dessus

Je ne doute point que cette Coûtume qui donne le droit de Varech au Seigneur n’ait tiré son principe des fiefs, et qu’il ne soit en usage dés le temps de leur établissement, soit que les premiers Normans ausquels les fiefs tomberent en partage par la distribution qui leur en ut faite par le Duc Roul ou par ses Successeurs, s’en soient mis en possession comme d’un droit adherent et dépendant des fiefs, lors qu’ils ont leur extension sur les rivages de la Mer, ou qu’il leur eût été accordé par les infeodations, à la réserve de certaines choses que les Ducs se reserverent, et dont le Roy s’est conservé la possession.

On peut prouver par le Commentateur de l’ancienne Coûtume que le droit de Varech est purement feodal ; car sur ces paroles, le Duc en doit avoir aucunes choses qui especialement luy appartiennent, par l’ancienne dignité du Duché il dit que crla raucbe et regarde davantage le fait de Justice et le droit d’icelle, et est mieux et vient plus specialement par raison de Justice que par naison de Majesté du Duc et ce peut apparoir ; car si-tost qu’il est arrioé, le sieigneur en quel fiel il est arrive le doit insinuer, et cet Auteur, fut ce fondement que ce droit ne doit pas être considéré comme un droit de souveraineté, mais comme un simple droit qui est dû à raison du fief, entreprend de prouver que le Haut-Jufticier en doit avoit a connoissance.

Il y a si long-temps que les Seigneurs de fief en sont en possession, qu’il en est fait mention dans nôtre ancienne Coûtume établie en Angleterre par Guillaume le Conquérant. Briton qui a recueilly les anciennes Loix d’Angleterre dans son Chapitre de Trouveures, explique le troit de Varoch de la même maniere qu’il est en ce Titre, ce qui prouve son antiquité ; et guanfort de Prarogat. Regis Angliae, c. 11. 2 écrit ces paroles : Rex haber Varechum per totum regnum, Balenas et Sturgiones captos in mari, vel alibi infra regni metas, exceptis quibusdam privilegiatis per Regem.

Mais soit que ce droit soit purement feodal, ou qu’il ait été accordé par les infeodations lors que la Normandie fut reünie à la Couronne, les Seigneurs de cette Province ne manqueent pas à demander la confirmation de leur droit de Varech, ce qu’ils firent employer dans la Chartre Normande ; Et toutefois nonobstant cette longue et paisible possession, l’on a tenté plusieurs fois d’y donner atteinte par l’Artiele 11. de l’Ordonnance de 1543. et par les Articles 20. et 21. de celle de l’année 1584. qui furent faites en faveur de l’Amital de France, le siers du Varech quand il n’étoit point reclamé devoit appartenir à l’Amiral ; mais ces Ordon. nances n’ont point été reçûës en Normandie, et par l’Arrest de vérification d’icelles il fut dit que ces Articles qui attribuoient le tiers du Vatech à l’Amital seroient observées selon la Coûtume de Normandie, ce qui a été tellement executé que ce droit n’a jamais été pretendu par aucun des Amiraux de France ; et aussi depuis ces Ordonnances Henry III. confirma la Charte Normande, par laquelle le droit de Vatech est entièrement conservé aux Seigneurs ausquels il appartient ; et lors que la Coûtume de Normandie fut reformée par les Ordres de Henry III. et que les Cahiers que les Etats de la Province avoient arrêtez luy furent presentez, aprés avoir été vûs et examinez en son Conseil, Sa Majesté declara qu’elle les con-firmoit, et qu’elle vouloit qu’ils fussent executez, à la réserve de quelques Articles qui sont marquez dans la Declaration, dont il n’y en a aucun qui soit dans le Titre de Varech.

L’on peut encore ajouter pour soûtenir le droit des Seigneurs qu’il y a difference entre le Varech et ce qui est accordé à l’Amiral par les Ordonnances de 1543. et 1584. elles ne donnent le tiers à l’Amiral que des choses qui se tirent de Mer à terte et choses de flo, lors que les marchandises peries sont allées au fonds de la Mer, et qu’elles ont été peschées à flo en la Mer, comme parle l’Ordonnance ; mais le Varech ne consiste qu’en ce qui est jetté à erre par la Mer, ou si proche de terre qu’un homme de cheval y puisse toucher de sa lance.

Les Seigneurs feodaux ont droit de Varech, mais ils n’ont pas droit de Vraich, comme quelques-uns l’ont pretendu, voulans empescher leurs vassaux et les habitans de leurs Paroisles de l’amasser et de le porter sur leurs terres. Ce qui a été jugé en faveur des habitans des Paroisses voisines de la Mer, rapporté par Berault sur l’Article CCCCCXCVI. par cet Arrest la liberté fut conservée à un chacun de prendre du Vraich aux lieux où il croit, lors que la Mer est retirée. Cette pretention des Seigneurs étoit peut-être fondée sur ce que nos Commentaeurs se sont imaginez que le mot de Varech venoit de celuy de Vraich, d’où ils inferoient qu’ayant troit de Varech ils avoient aussi droit de Vraich ; mais cette etgmologie n’est pas véritable.

Jacques Jalot Ecuyer sieur de S. Remy, ayant fait faire des défenses aux habitans de S. Remy. de prendre du Vraich, qui est une herbe qui croit au bord de la Mer, et dont les Laboureurs se servent pour engraisser leurs terres, les habitans de S. Remy furent maintenus en la liberté d’enlever le Vraich et de le porter sur leurs terres, par Arrest du 18. May 1624.

En l’année 1635. l’on tenta par une autre voye de priver ces misérables païsans de ce present que la Mer leur fait : On mit le Vraich en Party, et le Traitant le faisoit brûler et re-duire en cendres qu’il vendoit cherement, et pour en profiter seul il fit faire défenses à toutes personnes d’en enlever ny de s’en servir : Sur les plaintes qui en furent faites au Parle-ment, la Cour donna Arrest le 14. Decembre 1635. contre le nommé Piley et le Partisan, par lequel défenses furent faites au Partisan de le brûler, ny d’en empescher l’usage aux Riverains.