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DCII.

Argentré L’Or et l’Argent en quelque espece qu’il soit, en vaisseaux, monnoyé ou en nasse, pourvû qu’il vaille plus de vingt livres, Chevaux de service, Francs Chiens, Oyseaux, Vvoire, Corail, Pierrerie, Ecarlate, le Vair, le Gris, et les Peaux Zebelines qui ne sont encores appropriées à aucun usage d’homme, les Trousseaux des Draps entiers liez, et tous les Draps de Soye entiers, et tout le Poisson Royal qui de luy vient en terre sans aide d’homme, appartient au Roy ; en quoy n’est comprise la Balaine, et toutes autres choses appartiennent au Seigneur du fief.

La Coûtume ayant donné le Varech au Seigneur lors qu’il ne se presente personne dans l’an et jour pour le reclamer, elle en fait le partage en cet Article entre le Roy et les Seigneurs ; mais ce partage est fort inégal, car elle attribué au Roy tout ce que le Varech peut troduire de plus utile et depplus precieux, et ce qui reste au Seigneur ne peut être de grande valeur, et par cette raison le Roy a peu d’interest à leur disputer ce droit, non plus que Amiral, ayant fait voir cy-devant que ce qui luy appartient par les Ordonnances est different du Varech.

L’ancienne Coûtume donnoit les mêmes choses au Duc de Normandie ; car aprés avoir dit qu’aprés l’an et jour le Varech remaindra tout en paix au Seigneur de fief, elle ajoûte que le Duc n doit avoir aucunes chases qui efpecialement luy appartiennent par l’ancienne dignité de la Duché, en quelque terre que le Varech soit trouvé ou arrive Il faut neanmoins remarquer que toutes ces choses n’appartiennent au Roy que quand elles ne sont point reclamées dans l’an et jour, le Roy n’ayant point en ce cas plus de prerogatiles que le Seigneur de fief, et nos Rois ne sont pas moins equitables que les Empereurs Romains, qui eurent en horreur ce profit que le Fise voudroit faire de la calamité d’autruys

Entre les choses que cet Article attribué au Roy à l’exclusion des Soigneurs feodaux, il en excepte celles qui sont appropriées à usage d’homme : De ces paroles naissent deux difficulJez ; la première, si dans les choses qui ne sont point encore appropriées à usage d’homme Argentré l’on doit comprendre l’Or et l’Argent monnoyé, les Chevaux de service, Francs Chiens, Oyseaux, Vvoire, Corail, Pierrerie, Ecarlate, et les Peaux Ecbelines, lors que toutes ces choses ne sont plus en leur forme naturelle, ou que par l’art elles ont été appliquées à l’usage et au service de l’homme, ou si l’on doit rapporter et faire la liaison de ces paroles, qui ne sont point encori appropriées à usage d’homme, avec celles qui precedent immediatement, à sçavoir les Peaux le. belines, en sorte qu’il n’y eût que les Peaux Lcbelines qui fussent exceptées lors qu’elles auroient été appropriées à usage d’homme : Il semble que ces paroles, qui ne fout point encore appropriées â usage d’homme, ont leur relation et leur liaison avec tout ce qui precede ; car quel pretexte de les restreindre aux Peaux Cebelines seulement, si les Chevaux et les Chiens ont été dressez, si l’Vvoire, le Corail et les Pierreries ont été mises en oeuvre, et si l’Ecarlate a été employée en meubles ou habits à usage d’homme ; Et la Coûtume marque afsez son insention lors qu’elle donne au Roy les Trousseaux de Draps entiers, et tous les Draps de Soye entiers ; car ces termes sont limitatifs, et le Roy ne peut demander les Trousseaux de Draps. s’ils ne sont entiers, d’où il s’ensuit que s’ils ne sont entiers ils ne luy appartiennent point ; et par la même raison l’on peut induire que toutes les autres choses que la Coûtume donne au Roy ne luy appartiennent qu’à cette condition, qu’elles n’ayent point été appropriées à usage d’homme : D’autre part l’on peut dire qu’en admettant cette explication le Roy n’auroit pas grand avantage si toutes les choses énoncées dans cet Article ne luy appartenoient point lors qu’elles auroient été employées pour l’usage des hommes : Mais je répons que les prerogatives du Roy pour le droit du Varech ne laisseroient pas d’être importantes puis qu’il auroit les Argentré thevaux et les Chiens qui n’auroient point été dressez, tout l’Or et l’Argent en masse, l’Vvoire, le Corail et les Pierreries qui n’auroient point été travaillées et mises en oeuvre, l’Ecarlate et les Peaux Xebelines qui n’auroient point été employées en hardes et habits, avec le Vair, le Gris, et les Trousseaux des Draps de laine et de soye entiers, avec tout le Poisson Royal La seconde difficulté consiste à sçavoir à qui appartiendront toutes ces chofes qui ne seront point encore appropriées à usage d’homme : On peut dire en faveur des Seigneurs feodaux que le droit de Varech n’est attribué qu’au Roy ou aux Seigneurs des fiefs dont les mouvances s’étendent sur le bord de la Mer : Or la Coûtume les ôtant au Roy il s’enfuit qu’ils doivent être ajugez aux Seigneurs de fief.

L’on allégue au contraire qu’il n’y a pas d’apparence que la Coûtume ait fait cette exception en faveur des Seigneurs de fief, et qu’elle les ait plus considerez que le Roy, mais son intention a été de les donner à ceux qui les ont trouvées : Ce qui paroit nettement par l’Article DCIII. où la Coûtume ne met au nombre des choses gayves que celles qui ne sont apropriées à aucun usage d’homme : Il faut dire de même, que le droit de Varech ne con-siste qu’aux choses qui ne sont point appropriées à usage d’homme, et par consequent tout ce qui est approprié à usage d’homme n’étant point compris sous le nom de Varech et de choses gayves, le Roy ny les Seigneurs ne les peuvent reclamer, mais ils doivent demeurer à l’inventeur conformément à la disposition du Droit Romain, qui a suivi en ce point le premier droit des Gens.

Il y a neanmoins plus de vraysemblance à l’égard du droit de Varech, que la Coûtume n’a fait la distinction contenuë dans cet Article que pour regler sur toutes ces choses les droits du Roy et des Seigneurs, et par consequent que tout ce qu’elle ne donne pas au Roy doit appartenir aux Seigneurs feodaux ; car dans les Articles precedens en disposant du Varech elle n’avoit parlé que des Seigneurs du fief sur lequel il étoit trouvé : Elle leur en avoit commis la garde, la visitation, et la vente, de sorte que si elle fût demeurée en ces termes tout le droit de Varech eût appartenu au Seigneur du fief ; mais en cet Article elle limite son droit en réservant au Roy certaines choses : Or en confidérant cet Article comme une exception, tout ce qui n’est point attribué au Roy doit demeurer aux Seigneurs feodaux, et l’inventeur n’en a plus profité depuis que les Seigneurs feodaux en ont fait un droit Seigneurial, I semble malaisé d’entendre ce que nos Reformateurs ont voblu dire par ces paroles, Tout de Poisson Royal qui de luy vient en terre sans ayde d’homme. Il seroit tidicule de lexpliquer comme a fait Me JosiasBerault , à sçavoir que par le Poisson Royal l’on entend l’Eturgeon, et tout autre poisson beau et grand, qui soit digne d’être presenté à la table du Roy. Godefroy convient qu’il n’est pas bien aisé de déclarer ce que la Coûtume comprend sous l’appellation de Poisson Royal, et que quelques-uns la restreignent au Dauphin et à l’Eturgeon, et que d’autres y ajoûtent le Saumon et le Marsoüin ; mais l’ancienne Coûtume fait comprendre fort aisé-ment ce que l’on doit entendre par ces mots le Poisson Royal, car elle s’est exprimée en cette maniere, que tout poisson qui par luy viendra on qui aura été pris à terre appartient au Roy ; c’est à dire que tout le poisson qui s’échouë et qui demeure à see sur le sable lors que la Mer est retirée, appartient au Roy sans distinction ; et afin de rendre la chose encore plus claire nôtre Coûtume y a ajoûté ces paroles, et qui de luy vient à terre sans ayde d’homme. Il n’y a donc que le poisson qui vient à terre et sans aucune ayde d’homme qui appartienne au Roy, les autres qui se prennent par l’industrie des hommes ne luy sont point attribuez, et parce que ce poisson qui de luy vient à terte appartient au Roy, on l’a appellé Royal par cette raison, qu’il luy étoit particulièrement reservé par l’ancienne dignité du Duché, comme dit l ancien Coûtumier. Le Glossateur de l’ancienne Coûtume sur ces paroles, et tout poisson, dit que c’est à entendre tout poisson Royal, comme l’Eturgeon et autres semblables. Nos Reformateurs ont fait passer de la Glose dans le Texte ce mot de Royal, ce qui a fait naître la difficulté ; car si l’on eût dit simplement que tout poisson qui par luy vient à terre on qui est ris à terre sans aucun ayde d’homme, l’on auroit aisément compris que le poisson que la Coûtume attribué au Roy privativement aux Seigneurs de fief est celuy qui s’échouë et qui vient à terre sans l’ayde et sans l’industrie des hommes, et que c’est par cette seule raison u’il est appellé Royal, parce qu’il appartient au Roy à l’exclufion des Seigneurs de fief.