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DCIII.

Les choses gayves sont qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme ne reclamées par aucun : et doivent être gardées par an et jour, et renduës à ceux qui feront preuve qu’elles leur appartiennent.

La Coûtume aprés avoir décidé à quelles personnes les choses jeitées et poussées en terre par les flots de la Mer qu’elle appelle Varech doivent appartenir, elle dispose en cet Article des choses qui sont trouvées sur la terre, et qui ne sont reclamées par aucun.

L’on apprend par cet Article ce que l’on doit entendre par les choses gaytes.

La signification de ce mot gaytes dont la Coûtume se sert pour exprimer les choses abandonnées est assez connuë ; car les Anciens disoient guesver et guerpir pour signifier delaisser et abandonner, et dans les vieux Praticiens les choses efpaves et les terres vacantes sont nommées gauces ou guesves, de ce mot Allemand nerpen ou guerpen, qui signifie quitter et ceder, de Loyseau sorte que guesver et guesvement sont pris pour déguerpir et déguerpissement. Voyez Loyseau Argentré du Déguerp. l. 1. c. 2. Argentr. Art. 58. not. 1. n. 5. De laLande , sur la Coûtume d’Oreans, Art. 128.

La pluspart des Coûtumes usent du mot diefpaves ou epaves, qui est un ancien mot François et qui signifie les choses mobiliaires qui ne sont reclamées par aucun, on l’étend même jusqu’aux immeubles delaissez par les batards et aubains ; et par un ancien Extrait de la Chambre des Comptes de Paris rapporté par Baquet en son Traité d’Aubeine, Chap. 3. n. 24. efpaves sont hommes et femmes nés hors le Royaume de si lointains lieux que l’on ne peut au Royaume avoir connoissance de leurs nativitez, et quand ils sont au Royaume ils peuvent être dits espaves ; mais espave dans sa propre signification sont les bêtes ou les meubles garez dont l’on ne connoit point le Seigneur, pecora expavefacta seu pavore in devia ablata, Argentré Argentr. Art. 57. En ce sens on pourroit deriver le mot d’espaves de l’lsalien, spaventato Cet Article ne repute pas pour choses gayves toutes les choses égarées ou abandonnées, il en excepte celles qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme, lur quoy l’on peut faire la même difficulté que j’ay remarquée sur l’Article precedent, à sçavoir à qui doivent appartenir ces choses qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme ? Les raisons alléguées en faveur des Seigneurs feodaux pour le droit de Varech ne peuvent faire de décision pour les choses gayves, car le droit de Varech appartient generalemecturer Seigneur du fief sur lequel il est trouvé, à l’exception des choses qui sont reservées au Roy. mais les choses qui ne sont appropriées à aucun usage d’homme n’étant point reputées choses gayves, et par l’Article suivant ne donnant au Seigneur que les choses gayves, celles qui sont appropriées à usage d’homme n’étant point de cette qualité, le Seigneur n’y peut rien pretendre, mais elles appartiennent à l’inventeur : Me Josias Bérault rapporte un Arrest qui l’a jugé de la sorte. Un pauvre garçon nommé Hérisson ayant trouvé sept ou huit pieces d’ors les Officiers du Prieur de Grandmont, Seigneur feodal du lieu où cet or avoit été trouvé, le luy avoient ajugé comme une chose gayve : Sur l’appel les Officiers du Buteau des Pauvres ayant aussi reclamé ces pièces d’or, par Arrest elles furent ajugées à l’inventeur : Il est vray qu’il fut ajoûté sans que cela pût prejudicier aux droits des uns ny des autres pour l’avenir.

Mais la question a été prejugée par un Arrest donné sur ce fait : Quelques particuliers travaillans à curer la Riviere de Robec, qui traverse une partie de la ville de Roüen, trouverent un Diamant d’une valeur considérable, ils le vendirent aussi-tost à un Orfevre qui leur en paya six vingts livres : Les Gardes du Métier d’Orfevre jaloux du bon marché que cet Orfevre en avoit eu le faisirent entre ses mains, et l’ajournerent devant le Vicomte de Roüen pour se voir condamner en amende pour la faute par luy commise d’avoir acheté ce Diamant au lieu de le saisir et de l’arréter : Les Echevins de la ville de Roüen pretendirent que ce Diamant ayant été trouvé dans la Rivière de Robec qui appartenoit à la Ville leur devoit être ajugé, et ils disoient par Greard leur Avocat que le Varech et les choses gayves n’étoient point un droit Royal, que par cet Article et par l’Article CXCIV. ils étoient reputer un dhoit febdal, de sorte que tout ce qui étoit trouvé sur le fief d’un seigneur luy devoit être ajugé ; et bien ue la Rivière de Robec ne fût pas dans la mouvance d’un fief, neanmoins étant dans l’enceinte de la Ville elle en avoit la proprieté ; que le Roy n’y avoit aucun droit, parce que la Coûtume en l’Article suivant donne les choses gayves au Seigneur feodal seulement, et même que par l’Article DCII. le Roy ne doit avoir les Pierrenies que quand elles ne sont point appropriées à usage d’homme, et qu’aprés tout cela n’avoit lieu que pour le Varech et non pour les choses gayves.

Le Receveur du Domaine ne manqua pas de se presenter, se fondant sur l’Article 602. qui donne au Roy les Pierreries, que les paroles de ce même Article, qui ne sont poiut appropriées ai usage d’homme, ne pouvoient être rapportées qu’aux Peaux Ecbelines, ce qui paroissoit par l’ordre et la maniere qu’elles étoient écrites : Car pour montrer qu’elles n’avoient pas leur liaison avec le mot de Pierreries, c’est qu’entre ces mots Pierreries et Peaux Cebelines l’on y avoit entremélé l’Ecarlate, le Vair, le Gtis : Et bien que par l’Article DCIV. les choses gayves soient données au Seigneur du fief dans le territoire duquel elles ont été trouvées, cela ne se doit entendre que des choses gayves qui ne sont point reservées au Roy par l’Arricle 602. Le Quesne pour l’Otfevre qui avoit acheté le Diamant soûtenoit que lon marché devoit subsister, ce Diamant n’étant point une chose gayve puis qu’il étoit approprié à usage. d’homme : Castel pour les Gardes du Métier d’Otfevre reprochoit à cet acheteur qu’il n’avoit pas dû traiter de ce Diamant, et que suivant leurs Statuts les forfaitures leur appartenoient : Les Echevins pour rendre leur Cause plus soûtenable déclarerent que s’il plaisoit à la Cour leur ajuger ce Diamant ils le donnoient à l’Hopital : Par Arrest donné en l’Audience de la Grand. Chambre le 6. Mars 1676. le Diamant fut ajogé aux Echevins, et ordonné aprés leur declaration qu’il seroit gardé par an et jour, à commencer du jour qu’il avoit été trouvé, et en-cas qu’il ne se presentât personne qu’il seroit vendu au profit de l’Hopital, lequel fut condamné de rendre dés le lendemain à l’Orfevre les six vingts livres qu’il avoit payées, avec vringt livres pour ses frais.

Il est certain que toutes les Parties qui pretendoient ce Diamant n’y avoient aucun droit : car quand la ville de Roüen auroit la proprieté de la Rivière de Robec, il n’y a point de Loy ny de Coûtume qui donne le Varech ou les choses gayves au proptietaire du fonds sur lequel la été trouvé : a l’égard du Receveur du Domaine il en étoit exclus par la disposition de la Coûtume contenuë dans cet Article et dans le suivant ; par cet Article ce qui est approprié à usage d’homme n’est point reputé chose gayve, et par le suivant les choses gayves n’appartiennent au Seigneur que lors qu’elles sont trouvées sur son fief : Or la ville de Roüen étant en Franc. Aleu, et le Roy n’y ayant point de fief, les choses gayves ne luy peuvent appartenir.

Il est vray que par lArticle DCVII. si celuy qui reclame dans l’an et jour la chose gayve ne prouve point qu’elle luy appartienne elle demeure au Roy ; mais cela s’entend lors qu’elle est trouvée sur le fief du Roy, autrenient cet Article détruiroit celuy par lequel les choses gayves sont données au Seigneur du fief. Pour les Orfevres leur pretention étoit ridicule, aussi la Cour le prejugea de la sorte en donnant ce Diamant à l’Hopital qui n’y pretendoit rien, la déclaration des Echevins n’ayant été faite qu’en desespoir de Cause.

Or puis que tous ces Pretendans étoient mal fondez en leur demande, ce diamant devoit appartenir à celuy qui l’avoit trouvé, suivant la disposition du Droit Romain qui donne les choses trouvées et abandonnées au premier oecupant, comme étant retournées à leur premiere condition suivant le Droit des Gens. S. Fere igitur instit. de rer. divi 5. Et cette Jurisprudence devoit être suivie particulièrement en cette rencontre, où ce Diamant avoit été trouvé en bourgage où le Roy ny les Seigneurs ne peuvent exercer aucun droit feodal, et ce droit de choses gayves ne pouvant être reputé un droit de souveraineté : En effet si les Particuliers qui l’avoient trouvé se fussent presentez en la Cause on n’auroit pû le leur refuser, et la Cour le prejugea de la sorte en condamnant l’Hûpital à rendre à l’Otfevre le prix qu’il en avoit déboursé, et vingt livres pour ses frais ; car cet Otfevre n’avoit pas la même faveur que les inventeurs, et ce qui porta la Cour à le priver du profit de son marc et, fut qu’il avoit acheté ce Diamant contre les Statuts de son Métier.

Par cet Arrest et par celuy remarqué parBerault , la Cour a encore prejugé que l’or monnoyé et les Pierreries mises en oeuvre sont reputées choses appropriées à usage d’homme, et que par conséquent le Roy ne les doit avoir à droit de Varech, ny les Seigneurs de fief comme choses gayves.

Les choses gayves ou espaves ne doivent pas être ajugées d’abord au Roy ou aux Seigneurs, la Coûtume les oblige à les garder par an et jour pour donner le loisir à ceux qui les ont perduës de les pouvoir reclamer : Plusieurs Coûtumes ne donnent que quarante jours, mais ceux qui en sont saisis sont obligez de les faire proclamer par trois divers Dimanches aux Prones de la grande Messe Paroissiale ; mais la Coûtume prolongeant jusqu’à un an et jour le droit de reclamer les choses perduës, le seigneur n’est point obligé de faire des proclamations. Par a difpofition du Droit celuy quifs emparoit de quelque chose qoi ne luy appartenoit pas étoit obligé de marquer pas quelque acte pour éviter le soupçon de larcin qu’il ne la prenoit que pour la rendre à celuy à qui elle appartenoit, qui alienum quid jacent softusit, si nefeit cujus effet, sit tamen tulit quasi redditurus et qui desiderasset, vel qui ostendisset rem suam esse, videamus an furti obligetur, et non puto obligari, cum solent plerique etiam hoc facere, ut libellum proponant contiuentem invenisse & redditurum et qui desideraverit : hi ergo ostendunt non furandi animo fecisses l. 47. 8. 8. D. furti. C’est de-là que nous avons appris l’usage des Proclamations.