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DE SERVITUDES.
D Ans tout ce TItre la Coûtume ne parle que des Servitudes, que les Jurisconsultes appellent Urbaines, et elle ne fait aucune mention des Servitudes Ru-stiques, à la réserve des Chemins dont elle dit un mot dans le dernier Article touchant leur largeur seulement. La Coûtume de Paris n’en dit pas davantage, Celle d’Anjou, Traité des unes et des autres, Article 449. et suivans. La connoissance des Servitudes Rustiques n’étant pas moins necessaire que celle des Servitudes Uibaines, il ne sera pas inutile aprés avoir expliqué la difference des unes et des autres, de dire quelque chose des Servitudes Rustiques qui sont le plus en usage et les plus ordinaires.
Les personnes et les choses étoient libres et exemptes de Servitudes par le droit de la ro ture ; l’avarice et l’ambition ont détruit cette liberté, et introduit l’esclavage sur les personnes et la Servitude sur les biens.
Les Servitudes réelles peuvent avoir eu quelquefois un principe plus raisonnable, parce qu’elles ont été établies en divisant les terres, ou pour le bien commun de la société civile, ou les particuliers les ont consenties volontairement pour leurs commoditez reciproques mais il y en a plusieurs qui n’ont d’autre origine que la violence et l’autorité des personnes puissantes.
Les Servitudes sont distinguées en trois espères, les personnelles, les réelles et les mixtes : L’on définit la Servitude personnelle, celle qu’une personne doit à une autre personne, que debetur persona à persona. Elle fut introduite par le Droit des Gens, et par le Droit Civil contre l’ordre de la nature, l. 4. t0. 1. D. de statu hom. Elle procedoit ordinairement de ces trois causes, lors qu’une personne majeure de vingt ans se vendoit elle même pour être esclave, lors qu’un affranchy étoit privé de sa liberté pour son ingratitude, ou lors que l’on perdoit la liberté pour des crimes : La connoissance de cette matiere étoit autrefois fort necessaire et fort importante, le Droit Romain contenant plusieurs Titres sur ce sujet ; mais ils sont maintenant hors d’usage, parce que la Servitude personnelle est entièrement abolie, et qu’il n’en reste plus que quelque image pour les personnes de main-morte.
Il y a neanmoins quelques autres Servitudes que l’on appelle personnelles, parce qu’elles regardent principalement la personne comme les droits d’usufruit, d’usage et d’habitation, quoy qu’elles soient plûtost mixtes, comme je le remarqueray dans la suité.
La Servitude réelle est celle que l’on impose sur un fonds pour la commodité d’un autre fonds voisin, que debetur à re rei, est jus quoddam pradio inharens, quod dominantis utilitatem auget, et alterius libertatem seu jus diminuit. Elle est aussi appellée Prediale, parce qu’elle ne peut être stipulée que par celuy qui possede un fonds, l. 1. D. comm. prad. Les Servitudes mixtes sont celles qui ne sont purement personnelles ny purement réelles, mais qui participent des unes et des autres étant dûës à la personne par la chose, que à re peronae debentur, comme le droit d’ufufruit, d’usage et d’habitation qui finissent avec la personne.
L’on distingue les Servitudes réelles selon la qualité des choses à qui elles sont dûës, nam prediorum alia sunt Urbana, alia rustica, et en consequence il y a des Servitudes Uibaines et des Servitudes Rustiques, qui ne different pas à cause du lieu, mais à cause de la matiere, que ton loco, sed materiâ distinguuntur, I. Urbana de verb. signif. La Servitude Uibaine est celle que predio Urbano debetur, et l’on appelle Vrbana pradia les bâtimens qui sont destinez pour la demeure et habitation en quelque lieu qu’ils soient situez, soit dans les villes ou aux champs.
L’on appelle Pradia Rustica les fonds sur lesquels il n’y a aucun batiment, quoy qu’ils soient dans les villes, comme une cour, un jardin, et les terres vuides à la campagne, l. Fundi vit. de verb. signif. ainsi les Servitudes Urbaines sont celles qui sont dûës à cause des maisons, et les Rustiques celles qui sont attachées à des lieux non édifiez, distinctione scilicet non à loco sumpta, sed à materia vel genere
Quelques-uns neanmoins les distinguent plûtost par leur fin, et ea sola adificia Vrbanorum prediorum numero esse, que habitandi causa parata sunt, sed que ruri adificantur ad fructus reponendos magis esse, ut Predia Rustica censeantur ; et c’est le sentiment de Cepola de Seroit. Vrb. prad. c. 11. n. 2. et de Vulieius ad 5. 1. instit. de priot. Vrb. prad. que les groniers destinez pour serrer les fruits, inter Pradia Rustica habentur. Cepola estime aussi que les Moulins doivent être plûtost comris entre les Servitudes Rustiques qu’entre les Urbaines, mais pour faire le discernement en-re ces Servitudes, l’on considere plûtost la qualité du fonds à qui elle est dûé que celle du fonds qui la doit.
L’on fait encore une troisième division des Servitudes réelles ; il y en a de continuës et peretuelles, d’autres dont l’usage est discontinu. Une Servitude est continuë et perpétuelle, lors que l’execution en est continuë et perpetuelle, que perpetuam causam habet, & absque humana et continua opera semper est in usu, sive actu, sive porentiâ ut aqueductus, altius non tol-lendi, usuefructas et jurisdictio, et quoy qu’en quelques-unes de ces Servitudes il soit necesfaire que le fait de l’homme intervienne comme pour l’usufruit, neanmoins parce que ces sor-tes de Servitudes fe peuvent posseder solo anims, elles sont mises au rang des Servitudes coninuës.
Une Servitude est reputée discontinuë, que non semper est in usu actualiter, nec potentialiter, sed necessariù requirit interpositionem et factum hominis, quod non potest esse continuum : Toutes fortes de Servitudes ont véritablement une cause continuë et perpétuelle, mais elles n’ont pas toutes une possession continuë ; au contraire l’usage en est souvent discontinué, nemo enim tam perpetuâ tamque continenter ire potest ut nullo momento possessio ejus interpellari videatur, l. Servitutes praediorum, 14. de Servit. Par exemple, l’on ne peut pas passer incessamment par un che-min, ny puiser continuellement de l’eau dans un puits Les Servitudes Uibaines et Rustiques sont de plusieurs espèces et en grand nombre : Je remarqueray quelques-unes des Rostiques, puis que nôtre Coûtume les a passées sous silence, et premièrement celle du droit de chemin et passage sur le fonds d’autruy : Mais comme cette Servitnde peut être ddé par dedans une maison aussi bien que par dessus un héritage, elle peut tre reputée Urbaine et Rustique, selon la qualité de la chose à qui elle est dûé, ou fut laquelle elle est demandée, l. Iter, D. comm. pred. l. Seroitutes que in superficie, S. si domo, de Seroit. Vrb. Prad
Cette Servitude non plus que les autres ne peut être dûe qu’en vertu d’un TItre, et lors que par ce Titre les conditions et la maniere dont l’on en doit user sont exprimées, il les aut garder sans les pouvoir étendre au delâ de leurs termes.
Si le passage a été stipulé et consenty sans marquer l’heurs, ny désigner la maniere ou le lieu par où l’on pourra passer ; cette Servitude peut recevoir beaucoup de difficultez dans l’execution, car à l’égard de l’heure l’on peut douter si celuy à qui le passage sera dû par une court, une allée, ou un escalier, y pourra passer en tout temps de jour et de nuit ; lors que celuy qui pretend cette faculté ne la point expressément stipulée, il semble qu’il n’en doit user qu’aux heures convenables, congruis horis, n’étant pas juste qu’une court, ou une maison demeure ouverte à toutes les heures de la nuit, et que ceux qui l’habitent restent exposez à la mercy des voleurs et des assassins, et autres gens de mauvaise vie, Nocte vagatur adulter.
Et. c’est pourquoy le Jurisconsulte en la l. Iter, communia prad. D. décide que non seulement l’on peut n’accorder un droit de passage qu’à condition de n’en user que de jour, mais même que cette convontion est necessaite pour le repos public. Iter nihil prohibet sic constitui, ut quis nierdia duntaxat tat, quod fere cirra pradia Vrbana etiam necessarium est. D’où l’on pout induite que quand même la faculté de passer de jour et de nuit auroit été donnée, ce seroit toûjours vec cette condition tacite d’en user avec moderation. Au contraire, l’on tépond que si l’on ne pouvoit passer que de jour, cette Servitude deviendroit inutile la meilleure partie du temps, et sur tout en hyver, où il seroit mal-aisé de ne passer que de jour, les emplois que l’on a et la necessité des affaires ne permettant pas-que l’on puisse se renter de si bonne heure en sa maison, que celuy qui a bien voulu s’imposer cette Servitude la doit souffrir sans restriction, et l se doit imputer s’il a negligé de prendre ses precautions et de mieux expliquer son intention, et ne l’ayant pas fait l’on doit presumer qu’il a donné une pleine liberté d’en user selon que l’on en auroit besoin. Cepola, de Servit. Vrb. prad. c. 36. traitant cette question, estime que l’on ne doit pas expliquer si étroitement le TItre, et que pourvû que l’on n’en abuse point et qu’il n’y ait aucun peril, le passage doit être permis de jour et de nuit ; il seroit à propos de limiter cette liberté jusqu’à une certaine heure du soit, comme de neuf heures ; quand le TItre ne fait point mention que l’on pourra passer à toutes heures, que si cette faculté a été exprimée, chacun peut avoir une clef de la porte de la maison pour n’être pas obligé de la laisser ouverte pour éviter par ce moyen à tous inconveniens. si par le titre de la constitution de la servitude l’on n’a point declaré de quelle manlere l’on pourra passer, ny designé le lieu par lequel l’on doit souffrir le passage, ny sa largeur, ny si s’est pour y passer à pied, à cheval, ou avec chevaux et charettes, comment sera-l’il permis d’en user ; Il semble que l’on peut passer par tout, parce que l’héritage entier est sujet à cette servitude, et le proprietaire n’y peut rien faire qui en empesche l’usage ; Il n’est pas juste nean-moins de souffrir que celuy à qui le passage est dû en puisse abuser, le propriétaire peut luy esigner un chemin, dont il doit se contenter pourvû qu’il soit accessible, quoy que ce ne oit pas l’endroit le plus commode, parce que les servitudes ne s’étendent point, et qu’il luy doit suffire d’avoir un passage commode, bien qu’il le pût être davantage en un autre lieu Que s’il n’est point fait mention de la largeur du passage, ny de la manière que l’on s’en pourra ervir, l’on doit examiner quelle a été l’intention vraysemblable des Contractans, et la fin pour laquelle le chemin a été stipulé et promis ; que si ces circonstances ne donnent point assez de lumière, il faut en cette obscurité favoriser le fonds servant, quod minimum sequendum est, et ne donner qu’un simple chemin à pied. Toutes ces difficultez sont décidées en la l. Cerio geueri 13. 8. Si totus de Seroit. prad. rust. D. Si totus ager itineri vel actui servit. Dominus in eo gro nihil facere potest quo servitus impediatur, que itâ diffusa est, ut omnes gleba fundi serviant : At si iter actusve sine ulla determinatione legatus est modo determinabitur, et quà primum ita determinatum est, ea servitus consistit, cetera partes libere sunt ; igitur Arbiter dandus est qui utroque casu viam determinare debet, latitudo actus itinerisve ea est que demonstrata est ; quod si nihil actum est hoc ab Arbitro statuendum est
L’on peut bien accorder passage par un même lieu à plufieurs personnes, comme l’on peut ermettre à plusieurs de puiser de l’eau dans un même puits, pourvû toutefois que ces dernieres concessions ne diminuent ou n’empeschent point le droit du premier, I. Lucio, D. de aqua quotid. et cistern.
que si le droit de passage n’est point dû, ou n’a point été réservé, et que neanmoins la maison ou le fonds qui a été partagé ne soit point accessible qu’en passant sur la pottion du coheritier ou de l’associé, pourra-l’on les contraindre de donner passage en les desinteressant L’on ne peut regulierement forcer personne à vendre son bien en tout ou partie, ny à le rendre sujet à quelque charge, l. Nec emère. C. de jure delib. si ce n’est en deux cas, ou pour l’od tilité publique, ou en faveur de la Religion ; et bien loin que celuy avec lequel je n’ay point contracté puisse m’imposer cette Loy de luy donner un passage, il ne le pourroit pas même bien qu’il eût acheté de moy le fonds à cause duquel il en auroit besoin, l. In vendendo 66.
D. de contrah. empr. In vendendo quedam etiam si non dicantur veniunt, quedam ita demum si dicta sint, veluti viam, iter, actum : Idem in servitutibus pradiorum urbanorum : Sur quoy les Inerpretes font cette distinction, ou l’on n’a point contracté avec celuy dont on veut obtenir la liberté du passage, ou bien l’on a contracté avec luy : Au premier cas il paroit injuste que eluy avec lequel je n’ay point eu affaire me force à constituer fut moy une servitude Au second cas l’on fait encore cette distinction, ou il s’agit d’une joüissance, ou d’une proprieté.
Celuy qui a vendu ou donné un usufruit, est aussi censé avoir donné ou vendu le passage dont on a besoin, parce qu’autrement l’usufruit seroit inutile, si l’on n’en pouvoit recueillir les fruits qu’en passant sur le fonds du vendeur ou du donateur ; l’on peut ajoûter que ce passage est dù à l’usufruitier jure quodam commoditatis potius quam servitutis ; mais quand on a vendu la proprieté de l’héritage à cause duquel le passage est demandé, tunc non venit servitus, nisi ex-vressè fuerit constituta, etiam si sine aditu res vendita effet omnino inutilis, D. l. In vendendos D. de contrah. empt. Et c’est le sentiment deBoerius , Decis. 322. et de Cepola, de Servit. Vran. Prad. c. 38. n. 3. L’on convient néanmoins qu’il n’en seroit pas de même si l’héritage avoit été légué par testament, car l’on presumeroit que le testateur l’auroit légué pour en user en la même maniere qu’il faisoit, 1. Testatori, D. si Servit. vindic. ce qui est fondé sur cette maxime, qu’in ultimis voluntatibus interpretatio fit laxior quam in contractibus, l. In testamentis Le regul. jur
Mais nonobstant ces distinctions l’on est tenu de donner passage lors que le fonds pour lequel il est demandé est tellement enclavé entre les terres du voisin qu’il est inaccessible, d’ailleurs en payant neanmoins et en desinteressant le propriétaire. Ce que l’on prouve par argument de la Loy, Si locus. 5. Cum via, D. quemadm. Servit. amitt. oül est décidé que si le chemin public a été perdi par inondation, ou par quelqu’autre accident l’on est tenu d’en bailler une autre, et quoy que cette Loy ne parle que du chemin public, par une equité naturelle elle doit être étenduë aux particuliers, chacun étant tenu d’accommoder son voisin quand il n’en souffre aucun dommage.
Cela a été jugé par plusieurs Arrests rapportez par Mr Loüer, l. C. n. 1. fondez sur cette raison que c’est une servitude naturelle procedant de la nature et de la situation du lieu, que par consequent le voisin est tenu de souffrir. Et par la Loy unique de glande leg. D. si ex tua arbore glans in meum fundum ceciderit in ea intra triduum colligenda vim fieri veto, ce qui montre. que pour cueillir ses fruits l’on peut entrer sur le fonds d’autruy, etiam sine fpeciali servitute, parce qu’elle est naturelle et dépend de la chose même.
Là-dessus l’on a fait cette question, si celuy qui peut aborder par eau sur son héritage pouvoit contraindre son voisin de luy en accorder un sur le sien s La raison de douter étoit que l’on n’est tenu de souffrir cette servitude que dans une nécessité absoluc, et dans l’impossibiité de passer par aucun autre endroit ; mais quand cela se peut faire en quelque maniete que ce soit, quoy que ce passage soit incommode, ce n’est point une raison suffisante pour impovier une charge facheuse à son voisin, nulla enim necessitas excusatur quae potest non esse necessitas, comme disoitTertullien , celuy à qui l’on doit un chemin ne pent passer à travers des bleds et des vignes, pourvû qu’on luy defigne un passage qui soit commode : Non enim per Villam ipsam nec per medias vmeas ire, agere ipse si nendus est, cum id aqut commode per abram viam facere possit, l. Si cui simplici S. D. de l. an tut. à plus forte raison celuy qui n’a ancun droit et qui Masuer ne peut l’obrenir que par grace, est mal fondé à pretendre que son voisin luy doit fournir sacommodité : Masuer dit la même chose, Titre des Prescriptions, n. 2. Si quis petat viam sibi constitus in fundo proximiori, si meperiatur alibi habere viam, non aoditur dato quod sit sibi prolixior vel remotior. Mais l’on répond que cela se doit entendre d’un chemin libre et seur par lequel on puisse passer ordmairement et commodément, et sans peril de la personne ; ce qui peut être dit d’un aeassage par eau, loquel est presque toûjours dangereux, et c’est pourquoy la Loy use de ces termes, aeque commode, pour montter que le passage doit être aussi commode : Suivant ces oaisons, par un Arrest du Parlement de Paris rapporté par le Commentateur de Ms Loüer, l. C. n. 1. il a été jogé que celuy qui avoit une pottion d’Isle et de Pré, en laquelle il ne pouvoit aller par terre, sinon en passant au travers de l’lsle de son voisin, le pouvoit forcer de luy livrer un chemin, justo pretio. VoyezCoquille , Quest. 74. et de la Lande sut l’Article 251. de la Coûtume d’Orléant
Lors que le droit de passage n’est dû que par la raison de la nécessité, c’est toûjours sous ces deux conditions, d’en faire une recompense raisonnable à celuy qui le souffre, et que ceuy qui s’en doit servir ne le puisse faire qu’avec le moins de dommage qu’il sera possible sans pouvoit passer à travers les Prairies, les Vignes ou les Bleds ; que si le chemin a été marqué et accepté, celuy à qui il est dû n’en peut demander un autre, mais celuy qui le doit à la liberté de le changer et d’en bailler un autre, pourvû qu’il soit également commode L’on fait en suite cette question, si l’on peut entrer dans l’héritage d’autruy sans son congé, a finon en cas de necessité : L’on répond que cela n’est point permis, I. Per agrum, C. de Servit. et aqua per agrum quidem alienum, qui servitutem non debet ire, agere vicino minime licet, et le proprietaire a droit de s’y opposer et de repousser celuy qui entreprendroit d’y passer contre ses défenses ; et le Droit Romain donne une action pour s’en plaindre en la l. Si quis injuriarum, S. Si quis mé D. de injur. Si neanmoins il n’a point fait de défenses, son action n’est point reçûë, pourvû qu’il n’en ait point reçû de dommage : La Loy Dious de Servit. Prad. Rust. ne défend de pasver ou d’entrer dans l’héritage d’autruy que quand il ne l’a pas agreable, invito domino Il n’est pas toutefois toûjours necessaire de faire des défenses pour empescher le passage sur ses terres : Elles sont en défense de plein droit, quand elles sont closes de murs ou de haye, ou qu’il n’y a aucun chemin, et que l’on ne peut y passer sans causer du dommage au proprietaire. Pour les maifons l’entrée en est perpetuellement interdite, et qui domum alienam invito domino introierit, actio injuriarum in eum competit. l. Qui in domum D. de injur. Il y a neanmoins quelques exceptions à cette Regle, qui sont remarquées par Capola de Servit. Praed. Rust. c. 1. n. 27. et j’en viens de remarquer un exemple, en ce qu’il est permis dans les trois jours d’ens rer dans l’héritage d’autruy pour recueillir ses fruits.
Il ne suffiroit pas pour se maintenir dans un droit de passage d’alléguer que l’on en est en possesfronicar la Coûtume n’admettant aucune Servitude sans Titre, l’on allégueroit inutilement la pos-session, outre que l’on souffre quelquefois un passage par grace et par honnêteté que l’on a pour ses voifins, ou pour le mauvais état du chemin public et ordinaire, et par consequent il ne seroit pas juste que ce que l’on n’a obtenu que jure familiaritatis aut merae facultatis, servist de retexte pour acquerir une Servitude, puis qu’ils n’ont pas usé de ce passage en vertu d’un droit qui leur appartint, mais par grace ou par necessité, et en attendant que le chemin ordinaire fût reparé. Eum qui propter incommoditatem rivi, aut propterea quia via publica interruptâ rat, per proximi vicini agrum fecerit, quamvis id frequenter fecit, non videtur omnino usum. Itaque inutile esse interdictum non quasi precario usum, sed quasi nec usum, l. 1. 8. 6. D. de itin. acti rin. La Coûtume d’Orléans, Article 251. y est expresse, si par les héritages qui sont situex sur, et à l’endroit des chemins empirez et mauvais, on passe et repasse, cela n’attribué aucun droit de themin et de voye publique par lesdits héritages, par quelque temps que ce soit.
La difficulté consiste souvent à sçavoir, si c’étoit en vertu d’un droit de Servitude, ou par une simple souffrance, ou parce que le chemin ordinaire étoit perdu ou inaccessible que l’on s’est servy du passage ; Mais la décision de cette difficulté n’est pas mal-alsée, en Normandie. où les Servitudes ne se peuvent acquerir sans Titre, car toutefois et quantes que la constitution de Servitude ne paroit point, ou qu’elle n’est point fondée sur la Loy ou sur la Coûtur me, il est vray de dire que l’on n’a passé par le lieu contentieux, que par la souffrance et par la civilité du proprlétaire, jure familiaritatis vel simplicis facultatis.
Entre les Servitudes, celle des eaux n’est pas la moins importante, et les questions qui en resultent tant pour les maisons que pour les héritages, sont souvent tres-difficiles à regler, quoy que les Jurisconsultes et les Empereurs Romains ayent fait plusieurs Reglemens sur cette matière, nulla est Servitus, de qua sint tot constitutiones, dit Mr Cujas en son Paratl. C. de Servit. et aqua, comme on le peut remarquer par les TItres du Digeste et du Codes Pour l’éclaircissement de cette matière, il faut suivre la distinction que le Droit Romain a faite inter aquam pluviam & aquam perennem, l’eau de pluye qui tombe du Ciel et l’eau vive et perpétuelle. Le Jurisconsulte en la l. 1. D. de aqua et aqu. pluv. arc. définit l’eau de pluye en cette manière : Aquam pluviam dicimus, qua de celo cadit et que imbre excrescit, et l’autre espèce d’eau est que perennis est, et cette eau se divise in quotidianam et astivam, Tit. de aquae quotid. et est. D
L’eau de pluye fait naître plusieurs contestations entre les voisins, tant pour les maisons que pour les héritages. Pour les maisons à cause des égoûts et goutieres, pour sçavoir qui doit porter les eaux qui tombent du Ciel.
Les égouts et goutieres sont des Servitudes Urbaines qui consistent en un droit de faire écouler et égouter l’eau de son batiment en l’héritage d’autruy, et de faire ce que le Droit Romain appelle Servitutem stillicidii avertendi, ce qu’il ne m’est pas permis de faire sans Titre, et le voisin n’est pas aussi tenu de souffrir que l’eau qui tombe directement du Ciel dans ma court s’écoule par la sienne, et à faute de Titre il peut être contraint de faire couler l’eau qui tompe sur mon toit dans ma court, ou par quelqu’autre endroit qui ne soit point incommode aux voisin. Le Droit Romain neanmoins y a fait cette difference, que quand l’égout stillicidium étoit posé et placé sur l’héritage d’autruy, et que l’ouvrage étoit destiné pour cet effet, en ce cas ce n’étoit pas une Servitude, ny une simple souffrance, mais un acte de vraye possession et saisine, ce que l’on appelle stillicidium immissum, et ce droit se pouvoit acquerir par possessions
L’autre espèce d’égout étoit celuy qui s’avançoit en l’ait sur lhéritage voisin, mais qui ne reposoit et n’étoit porté sur iceluy : Ce qui s’appelloit projectum, et c’est de cette façon que sont ordinairement placées les goutieres lors que l’on a droit de faire porter et tomber l’eau dans la court du voisin, et ce droit se pouvoit aussi acquerir par possession, Servitutes que in supersicie consistunt possessione retinentur, quia facto quodam possidentur, l. Servitutes que 2o. D. de Servit. Vrb. prad. La goutiere que l’on avoit placée pouvoit être démolie dans l’an par celuy sur lequel l’entreprise avoit été faite, mais celle qui n’étoit pas posée, mais seulement avancée sur le fonds d’autruy, ne pouvoit être ôtée que par l’autorité du Juge. VoyezCoquille , sur la Coûtume de Nivernois, sur l’Article 2 du Titre des Maisons. DuMoulin , en sa Note sur l’Article 230. de la Coûtume de Blois, par lequel vuës et égoûts ne portent point de saisine à celuy qui les a sur autruy, sinon qu’il ait Titre, dit que cela se doit entendre de simplici stillicidio in aréa, idest non quiescente in fundo vicini, sive pendeat supra fundum vicini, sive non pen-deat, sed in illud stillat, secus de incorporato et inadificato visibiliter vel qniescente in fundo vicini, per l. in vendendo D. de contrah. empt.
L’on ne peut apporter de changement à cette servitude ny la rendre plus incommode et plus onereufe qu’elle n’a été stipulée et promise : par exemple, si l’eau tomboit de dessus toute la couverture sans canaux ny goutieres dans la cour du voisin, l’on ne pourroit pas la faire couler par des canaux, parce qu’elle s’écouleroit avec plus de rapidité et en plus grande abondance, si antea ex tégula cassitaverit stillicidium, postea ex tabulato, vel ex alia materia cassitare non potest, l. Seroitutes, 2o. S. Si antea de Servit. Vrb. Prad. De même si par la consti-tution de la Servitude la goutiere ne devoit avoir que deux pieds de jettée, on ne pourroit laugmenter ; mais son demande si l’on peut hausser ou abbaisser le batiment qui a le droit d’égoût sur le fonds voisin : Le Jurisconsulte en la l. Servitutes, 2o. 8. Pradium eod. répond que l’on peut bien hausser la maison à qui la servitude est dûé, mais que l’on ne peut l’abbaisser, et il en rend cette raison qu’en la haussant la servitude en est moins incommode, parce que ant plus l’eau tombe de haut elle fait moins de mal, et au contraire elle tombe en plus grande abondance et avec plus de violence lors que la goutière est moins élevée, parce qu’elle tombe toûjours en un même endroit, ce qui dégrade la court, au lieu qu’étant élevée elle est dissipée et épanduë par les vents, stillicidium quoquomodo acquisitum altius tolli potest, levior enim fit ee facto servitus, cum quod ex alto cadit levius & interdum direptum, nec perveniat ad locum servientem, inferius demitti non potest, quia fit gravior servitus, idest pro stillicidio flumen.
L’on ne peut changer l’endroit où elle a été placée, pour peu que le fonds servant en soit endommagé, étant une regle certaine que l’on peut n’en rendre la condition de son voisin neilleure, mais que l’on ne peut l’empirer ; 1. Dicta, l. 20. 8. stillicidium. Dans la même Loy l’on fait cette question, si la maison fujette au port d’eaux avoit été ruinée et depuis rebatie en la même maniere qu’elle étoit auparavant, si la goutiere pourroit être remise : et le Jurisconsulte répond que le droit en subsiste encore, 5. Si sublatum, eod-Quoy que le droit de port d’eaux et d’égoûts soit ordinairement une charge onereuse, et que par consequent l’on désire plûtost de s’en décharger que de la continüer, elle peut neanmoins quelquefois être avantageuse, et comme lors que dans les païs où l’on manque d’eau, l’on en a besoin pour remplir les citernes, en ce cas au lieu d’acquerit un droit d’égoust stillitidii avertendi, l’on stipule une obligation de ne détourner point les égoûts et goutieres, stilli-cidii non avertendi.
Comme la pluye qui tombe sur les terres peut causer du dommage, elle peut aussi apporter de l’utilité, cela produit deux differentes actions, l’une de la part de celuy à qui elle nuit contre le proprietaire du fonds superieur d’où elle découle ; l’autre de la part de celuy à qui elle est utile, contre celuy qui possede l’héritage d’enhaut, et qui l’empesche de couler dans celuy qui est au dessous, hac actio vel superiori adversus inferiorem competit, ne aquam que natura fluat opere tacto inhibeat per suum agrum decurrere, & inferiori adversus superiorem ne aliter aquam immittat quà fluere naturae solet, ae. l. 8. Sciendum de aqua et aqu. plu. arcend. Le Droit Romain appelle ces deux actions aquae pluvia arcendae & aquae pluviae non arcendae : Il faut voit en quel cas eiles peuvent être intentées
Lors que l’action est formée par celuy qui possede le fonds qui est au dessous, ou le dommage dont il se plaint procede de la nature du lieu, ou par le fait du voisin à qui appartient se fonds superieur ; le mal est causé par la nature du lieu, lors qu’elle n’a point d’autre cours que celuy qu’elle a naturellement, et en coulant d’un lieu plus haut en un autre qui est plus bas, en ce cas quelque incommodité que le voisin en souffre, il n’a point d’action, parce qu’à parler proprement ce n’est pas l’eau, mais la nature du lieu qui luy fait ce dommage, nunquam competit hac actio, cum ipfius natura loci nocet, ut verius quis dixerit non aqua, sed natura loci nocer. l. 1. 5. hnic illud. eod.
Ce dommage causé par l’eau de pluye est reputé proceder du fait d’autruy, lors que par quelque travail il a fait couler l’eau autrement qu’elle n’avoit accoûtumé de couler naturellement, l. l. 5. 1. de aqua et aqu. plu. arcend. Cependant pour donner ouverture à cette action Il ne suffit toûjours que le voisin reçoive de la perte et de l’incommodité par l’ouviage qui a été fait ; car si tout ce qu’un propriétaire fait pour cultiver sa terre et pour empescher que ses bleds ou ses herbes ne soient gâtées et pourries par l’eau qui resteroit dans son champ n’est point défendu, celuy qui en reçoit du prejudice n’a point d’action pour le faite reparer, ita demum pluviae arcendae actio locum hubet, si aqua pluvia, vel que pluvia crescit noceat non na turaliter, sed opere facto, nisi agri colendi causa id factum sit. 8. in summa, D. l. 1. De sorte que bi quelqu’un fait des rigoles ou des ouvertures pour faire écouler l’eau et pour la conservation de ses fruits, il ne peut en être inquieté, quecumque frugum, fructuumque recipiendorum causâ fiunt extra hanc esse causam. S.Labeo , ead. l. Si au conttaire il luy étoit utile de retenir l’eau dans se terre et de l’empescher de s’écouler sur le fonds inferieur il le pourroit faire, pourvû qu’il n’entreprenne rien sur son voisin, prodesse enim sibi quisque, dum alii non noceat, non prohibetur. et quand même elle seroit utile à celuy qui seroit au dessous, il ne le pourroit contraindre’en laisser le cours libre afin qu’elle arrosast son fonds, par cette raison que cette action n’a dieu que quand ce qui a été fait peut nuire, et non pas lors que l’on n’est privé que d’une commodité, hec actio locum habet, si aqua pluvia noceat, non si non prosit, nemo enim cogi potest ut vicino prosit ; mais quelque liberté qu’un proprietaire puisse avoir d’ameliorer son fonds, I ne doit le faire quoy que son voisin en souffre du dommage, il ne le doit faire que sous ces deux conditions, que ce soit pour son utilité et qu’il ne le puisse autrement, D. l. 1. 8. 5. et qu’en usant de son droit il ne le fasse point par un motif de nuire à son voising Pour la décision de ces questions le Jurisconsulte dans la l. 1. 5. Denique eod. dit que l’on doit premièrement considerer les titres et les conventions qui ont été faites entre les voisins, si agris lex dicta sit, servanda est : En second lieu il faut avoir égard à la nature du lieu, agri naura servanda est ; car c’est une loy naturelle que le fonds inferieur doit servir au superieur et en porter les incommoditez, parce qu’il en est recompensé par la graisse de la terre qui découle dessus toute entière, hoc incommodum naturaliter pati inferiorem agrum à superiore com-pensareque debere, cum alio commodo, sieut enim omnis pinguedo terra ad eum decurrit, ita etiam aquae sincommodum ad eum defluere : Et enfin si la chose ne peut être reglée ny par les titres ny par la nature du lieu, que l’antiquité doit tenir lieu de loy, nam tria sunt per quae inferior locus sueriori servit, lex, natura loci, vetustas, que semper pro lege habetur, l. In summa, eod.
L’eau vive et perpétuelle est si necessaire pour la fertilité et l’embellissement des terres, et pour la commodité de la vie même, que ce n’est pas sans raison que ceux qui en possedent les sources veulent toûjours en demeurer les maîtres et s’en conserver l’usage entier : Il est bien juste qu’ils s’en servent pour toutes leurs necessitez ; mais c’est une question assez ordinaire, si celuy qui auroit la source dans son fonds pourrcit en détourner ou arrêter le cours du prejudice de ceux qui sont au dessous, quoy que de temps immemorial ils fussent en possession de prendre cette eau pour arroser leurs terres, et que mêmes en consequence de cette pos-session ils eussent fait batir un Moulin qui leur demeureroit inutile si l’on pouvoit les priver de l’usage de cette eau
Les raisons pour l’affirmative sont, que suivant le droit naturel chacun peut et doit disposer à sa volonté de ce qui luy appartient : Il est bien défendu de nuire ou de causer du dom-mage à autruy, mais l’on ne peut jamais être contraint de rendre sa condition meilleure ny ne faire quelque chose par la seule raison qu’elle luy seroit utile, nemo ulla actione cogi potest ut vicino prosit, sed ne noceat, l. 2. de aqua et aqu. plu. arcend. Les Loix sont expresses sur ce sujet, si en foüissant dans mon héritage je détourne la source de la fontaine qui étoit sur le vôtre quelque dommage que cela vous apporte, soit que vos prairies en demeurent assechées Marcel et steriles, ou bien que vos canaux et vos jets d’eau en soient ruinez, vous n’avez point neanmoins d’action pour me forcer à remettre les choses au premier état, l. 1. 5. Denique Marcels lus, de aqua et aqu. plu. arcend. Si je coupe les veines du puits que vous avez dans vôire maison, quelque commode qu’il vous soit pour tout vôtre aeénage vous n’êtes pas reçû à vous laindre du dommage que je vous ay causé : In damo mea puteum aperio, quo aperto venae putai qui precisa sunt, an tenoaris : AitTrebatius , non teneri me damni infacti, neque enim existimaen peris mei vitio damnum tibi dari in ea re, in qua jure meo usus sum. l. Fluminum, a4. S. Itera videamus. D. De damno infect. L’on ne doit accuser quelqu’un de faire du tort lors qu’il se sert de ses droits, et l’on a si peu de raison d’empescher cette liberté, que suivant la Loy Proculus au même Titre, Cum qui jure quid ut suo facit, quamvis damni infecti promisisses vicino, noi amen eum teneri ex stipulatione : Par exemple, si vous aviez une maison proche de la mienne, et que je l’eusse offusquée et privée de ses jours en élevant mon bâtiment comme j’avois droit de le faire, vous êtes tenu de le souffrir, quia non videtur is damnum facere qui ao veluri lucre quo adhuc utebatur, prohibetur : multumque interesse utrum damnum quis faciat in lucro, quod adhuc faciebat, uti prohibeatur. l. Proculus 26. de damn. infect.
L’on ne donne pas seulement cet avantage à celuy qui est le maître de la source, qui caput Equae possidet, mais aussi le proprietaire du fonds qui est au dessous, et par lequel l’eau de la ontaine s’écoule peut la détourner au prejudice de celuy qui est encore plus bas, pourvû qu’il n’apporte point de dommage au fonds supetieur, comme il est décidé en la Loy 1. S. IlludLabeo . De aqua quotit. et estiv. Si donc celuy qui n’a d’autre avantage que d’être au dessus, quuy qu’il n’ait point la fource peut conduire ou il veut l’eau qui passe sur sa terre, à plus forte raison le maître de la source doit avoir cette faculté, et toutefois et quantes que l’on ne passe ou que l’on n’entreprend rien fut autruy l’on peut faire du sien tout ce que l’on veut, in sue enim hactenus alii facere licet, quatenus in alienum nihil immittat.
On allégue aussi pour la negative des Loix qui semblent déaeider le contraire, le S. Ductus aque de la l. Hoc jure de aqua quot. et estiv. y est formel : Ductus aquae cujus origo memoriam excessit jure constituti loco habetur. Quand une fontaine a eu son cours libre et sans avoir été in-terrompu depuis et avant un temps qui excede toute mémoire d’homme, cette longue posession fait presumer un droit et un titre, n’étant pas vraysemblable que durant un si long intervalle le proprietaire de cette fontaine n’eût eu sujet quelquefois de la retenir ou de la détourner si les conventions faites avec le possesseur de lhéritage inferieur ne luy avoient fait obstacle ; mais en tout cas une longue Coûtume vaut de titre, personne n’étant recevable à vouloir changer ce qui est étably par une Coûtume immemoriale, vetustas vicem legis obtinet sibi, 5. Vlt. de aqua et aqu. plu. arcend. et la Loy suivante en rend cette raison, minuendarum scilicet litium causa. Le cours des eaux est du Droit public que les parrituliers ne peuvent changer, non seulement pour les fleuves et pour les rivieres, mais aussi pour les fontaines, si manifestè docere possis jus aquae ex vetere more arque observatione per certa loca profluentiamtilitatem certis fundis irrigandi causa exhibere, Procurator noster ne quis contra veteren formam atque solemnem morem innovetur, providebit. l. 7. C. de Seroit. et aqua. La Loy Si quis liuturno, si Servit. vind. le décide expressément, si quis diuturno usu & longa possessione jus aque lucendae nactus est, non est et necesse docere de jure Cette question est plus aisée à décider par les principes du Droit Romain qui admet la prescription pour les Servitudes par la possession, et quasi possession de dix et de vingt années, que par nôtre Coûtume qui ne permet point de prescrire une Servitude sans Titre ; les senimens des Docteurs étans differens sur la question que je viens de traiter, pour les concilier lon a fait ces distinctions où le Seigneur qui possede la source du ruisseau ou de la fontaine détourne leau sans necessité et sans aucune utilité, et par le seul motif de faire déplaisir à son voisin, et cela ne luy doit point être permis, mais seulement s’il le fait pour rendre sa terre plus fertile, si non animo vicino nocendi, sed suum agrum meliorem faciendi id fecit. l. 1. 5. Denique Marcellus de aqua et aqu. plu. et ult.
Mais comme il seroit malaisé de penetrer dans la pensée d’un homme et de découvrir son intention, et que d’ailleurs l’on ne doit jamals presumer cette volonté de mal faire si elle n’est apparente, et qu’au contraire l’on doit croire qu’il a usé de son droit plûtost pour son utilité que par malice ; suivant la l. Merito, pro socio, D. il me semble qu’il faut s’arrêter à cette distinction, où le proprietaire du fonds inferieur s’oppose à l’innovation que le Seigneur superieur a faite, jure Servitutis, aut jure cujusdam facultatis s’il pretend une Servitude : Mr Duval, de reb dub. tract. 6. estime qu’il suffit pour prouver le titre de cette Servitude d’avoir fait quelque acte qui ne se puisse faire, citra jus Servitutis, comme d’avoit fait un conduit dans le fonds superieur, de lavoir curé et reparé, et c’est aussi le sentiment des Interpretes du Droit ; mais cette possession pour longue qu’elle soit ne sera pas suffisante, il faut suivant nôtre Coûtume justifier un titre ; de sorte s’il n’allégue d’autre droit que cette faculté qu’il a euë par le passé, il ne peut empescher que celuy qui est le maître de la source n’en dispose comme il luy plaira, suivant la l. Proculus, et la l. Fluminum, que j’ay rapportées cy-devant.
Selon les Interpretes du Droit Civil la plus grande difficulté consiste à sçavoir si lon a possedé jure Servitutis, aut jure simplicis facultatis, aut familiaritatis : Mais la possession sans tites d’une Servitude étant inutile en Normandie et n’acquerant aucun droit, lon ne peut douter que le titre manquant l’on n’ait possedé jure facultatis aut familiaritatis. si toutefois les deux héritages de haut et de bas avoient appartenu à une même personne. et que depuis il eût aliené le fonds superieur, cet acquereur ne pourroit pas le priver de Jusage de l’eau pour le fonds qu’il auroit retenu, quoy qu’il n’eûr pas retenu ce droit, parce qu’il l’est pas vraysemblable qu’il ait vendu sans cette condition, ce qui est conforme à la l. Binas à dex. de Servit. Vrb. Praed. et il faut refoudre en ce cas la même chose que la Coûtume a fait en l’Article DClX. qu’en faisant partage entre coheritiers et personniers, legvûes et les égouts demeurent comme ils sont lors du partage : ce qu’il faut pareillement observer pour les eaux qu’un coheritier ou un associé seroit tenu de laisser au même état qu’ils étoient lors oui partage.
Puis que l’on ne peut empescher celuy qui est le maître de la source de détourner ses eaux du préjudice de son voisin, teignons que Sempronius possede un héritage sur lequel coulent et assent les eaux qui décendent du fonds de Titius : Sempronius poutroit : il encore détoutner sles eaux au préjudice de Tiberius qui est au dessous de luy ; Car il n’a pas le même avantage ue Titius, parce qu’il ne s’en peut servir que par sa permission : Mais Tiberius n’a pas la même obligation à Sempronius. C’est pourquoy il ne peut pas disposer d’une eau qu’il n’a que par le benefice et par la souffrance d’autruy : l’on répond que l’eau étant une fois entrée dans son fonds, il en est le maître, et que Tiberius n’ayant aucun droit de Servitude sur le fonds de Sempronius, il peut librement disposer de tout ce qui est en iceluy, quoy que Tiberius en souffre du dommage ; et tout le temperament que l’on poutroit apporter dans l’euité, seroit de défendre à Sempronius de la détoutner, si cela luy étoit inutile, et qu’il cau-last un dommage considérable à Tiberius.
Supposant comme nous avons fait que le Seigneur de l’héritage inferieur ne puisse forcet celuy qui possede le fonds superieur à luy donner de l’eau, il reste cette difficulté, si lors que les eaux décendent en trop grande abondance, celuy qui est au dessous aura action contre ceuy qui est au dessus pour l’obliger à les retenir, afin qu’il n’en souffre aucune incommodité. ou au contraire si le proprietaire du fonds superieur le pourta contraindre de faire des trenchées dans sa terre, des fosses et des canaux pour recevoir l’eau, et en tout cas s’il ne sera pas tenu de souffrir qu’elle s’écoule par dessus fon héritage : Pour refoudre cette question, il faut considèrer la situation naturelle du lieu. Car c’est une Loy naturelle que le fonds inferieur serve au superieur, de sorte que celuy qui est au dessous est indispensablement obligé de recevoir l’eau qui décend sur son fonds : Agri enim natura servanda est ; ce qu’il doit supporter par cette raison qu’il en est en quelque sorte recompensé, parce que son fonds en est rendu plus sertile comme je l’ay remarqué cy-devant
Mais si les deux héritages sont dans une situation si égale que l’on ne puisse y remarquer de difference, auquel des deux imposera, l’on une Servitude s ; En ce cas, suivant le Droit Romain, on considere de quelle manière l’on en a usé de toute ancienneté : Vetustas loci infpicienda est, qua vicem legis obtinet, dirimendarum scilicet litium causa, l. ln summa. de iqua et aqu. plu. arcend.
Que si le different qui est mû pour le port et la descente de l’eau ne peut être reglé, ny par les Titres, ny par la nature du lieu, ny par l’ancien usage, en ce cas l’on ne peut faire écouler et descendre l’eau sur le fonds du voisin contre sa volonté ; l. Aquam, C. de servit. et aqua.
Tay parlé jusqu’à present de la maniere dont l’on doit en user entre voisins pour le cours des eaux, lors qu’il n’y a point de Servitude ou de sujetion établie par Titre, d’un héritage sur l’autre : Il n’y a pas moins de difficulté pour regler lusage de ces Servitudes, quand les conditions n’en sont pas exprimées par le Titre. Ces Servitudes consistent principalement en un droit d’aqueduc, ou en un droit de puiser de l’eau à un puits, ou à une fontaine, ou au droit de mener ses bestiaux à quelque abbreuvoir.
L’Aqueduc est un droit de conduire et de faire couler l’eau du fonds superieur sur celuy qui est au dessous ; et ce droit peut être accordé à un ou plusieurs personnes, pourvû qu’il y ait assez d’eau pour les fournir. l. 2. 8. aque ductus, de Servit. Prad. Rust. Le proprietaite pourra même aprés une premiere concession la donner à d’autres, pourvû que cela n’altere et ne diminuë point le droit des premiers, l. 2. 8. Si aquae hauslâs. Par le Titre de la constitution de cette Servitude où l’on a exprimé la quantité de l’eau, que l’on pourra prendre, le temps, le lieu et la maniere dont l’on en doit user, l’aqueduc sera fait, et en ce cas toutes les conditions employées dans le Titre doivent être gardées, ou bien le Tetre est general sans avoit rien déclaré, et cette omission donne lieu à plusieurs contestations.
Quoy que la quantité d’eau que l’on fera couler par l’aquedue ne soit pas designée, néanmoins le Seigneur du fonds dominant en doit user de telle maniere que le fonds servant n’en demeure pas infructueux et sterile : Car comme dit la Loy Praeses, C. de Servit. et qu. durum & crudelitati proximum effet ex tuis pradiis aqua agmen ortum sitientibus agris tuis ad aliorum usum vicinorum propagari, et l’on doit presumer équitablement que celuy qui a constitué sur son fonds cette Servitude, no l’a fait qu’à cette condition qu’on laisseroit de leau autant qu’il seroit besoin pour ses usages et commoditez, et c’est une condition naturellement attachée à toutes les Servitudes Rustiques que l’on ne peut s’en servir que selon la nécessité du fonds dominant, in quantum ad ipsum fundum opus sit, l. Ergo in fine D. de Servit. Prad. Rust.
Si le temps où l’on pourra conduire leau par laqueduc n’est point limité, lon peut douter si on le pourra faire en tout temps, à toutes heures de jour et de nuit, en été et en hyver, ou bien en l’une de ces deux saisons seulement ; car il y a deux genres d’eau, quotidiana et estiva ; l’eau quotidienne est celle non qui coule toûjours, mais dont l’on se peut servir en tout temps, tant en étéqqu’en hyver, bien toutefois que l’on ne s’en ferve pas toûjours : L’eau esti vale est celle ou qui ne coule qu’en été, ou dont l’on ne peut se servir qu’en été : Aqua autem estiva non jure difert, sed ex proposito utentis, et ex natura locorum discernitur, l. 1. 8. 43. de aqua quot. et aestiv.
Il est certain que si la Servitude est accordée sans limitation du temps, on peut conduire l’eau dans l’aqueduc à toutes heures et en toutes saisons ; mais si le temps en est reglé, l’on ne eut s’en servir que suivant le Titre, l. Si que diuturna, non de aqu. quot. et estiv Il en est de même du lieu où l’aqueduc peut être fait, car si celuy qui doit souffrir cette sujettion n’a point marqué l’endroit, tout son fonds y sera sujet, de aqua quot. et estiv. sans toutefois en mal user, car cette condition est toûjours sousentenduë, comme il est décidé en la c. Si cuj. 9. D. de Servit. pour le droit de chemin, ou encore que quelqu’un ait consenty indeciniment un droit de passage sur son fonds ; celuy qui a ce droit est tenu d’en user raisonnablement : Si cui simplicius via per fundum cedatur vel relinquatur in infinito scilicet, pet quamlibet ejus partem ire, agere licebit civiliter, nam quedam in sermone tacitè excipiuntur. Mais celuy à qui la Servitude est dûe ayant agreé l’endroit qui luy étoit marqué, ne peut plus en demander un autre, comme il est décidé dans la même Loy, non amplius mutandi ejus potestatem haber.
La maniere dont l’on doit user de cette Servitude, est que l’on n’en peut prendre que pour le besoin, comme je l’ay déja dit, sans pouvoir céder le droit que l’on a à cause d’un héritage pour un autre héritage, parce que cette Servitude qui est dûë à un héritage, n’est que pour autant qu’il en a besoin, et non point pour la necessité qu’un autre en pourroit avoir, ne in meam partem fundi aliam quam ad quam servitus acquisita sit, uti ea possit. l. Ex meo 24. de Servit.
Pred. Rust.
si l’on n’a point reglé la maniere dont l’aqueduc sera fait et construit, il peut le faire de canaux de terre, de bois, de plomb, ou d’autre matière, et le conduire par tout où il voudra, si l’endroit ne luy a pas été designé, licere fistulam suam vel fictilem, vel cujustibet generis in vivo ponere, que latius aquam exprimeret, & quod vellet in bono facere, dum ne domino pradii aquagium deterius facerit. l. Quintus 15. de Servit. Prad. Rust. Et l’on ne pourroit pas neanmoins faire un aqueduë de pierre s’il n’y en avoit une promission expresse, parce que c’est la coûtume de conduire l’eau par des canaux sousterrains, comme il décide en la l. Si prius 17. 8. recte placuit. D. aqu. plu. arcend.
Pour la reparation de l’aqueduc, elle doit être faite par celuy auquel il appartient, nam in omnibus Servitutibus refectis ad eum pertinet qui sibi Servitutem adserit, non ad eum cujus res Servit. l. Et si forte 6. S. Etiam ; Si Servit. vend. Celuy qui a la joüissance et l’usufruit de la chose qui doit la Servitude, est tenu de la reparer et de la faire curer, et non point le proprietaire, l. Si pendent. 5. Si quid cloacarii. D. de usufr.
Comme toute sorte d’eaux, quoy qu’elles soient vives et perpetuelles, ne peuvent pas être conduites par des canaux, parce qu’étant trop profondes et comme submergées dans la terre, elles ne peuvent s’élever et couler par dessus comme les eaux des puits POINaeV au lieu d’un aqueduë ou d’un conduit l’on peut stipuler un droit de puiser de l’eau, jus aquae haustus, l. 1. S. 6. de aqua quot. et esti7. non seulement dans les puits, mais aussi dans les fontaines, et même dans toutes sortes d’autres eaux.
Si l’on a droit de prendre de l’eau dans un puits qui soit dans l’enclos d’une court ou d’une maison, sera-t’il, permis d’y venir à toutes heures de jour et de nuit : L’on tépond que si par le Titre le temps n’est point reglé, il ne paroit pas raisonnable de donner la liberté d’y puiser la nuit, puis qu’il est aisé durant le jour de se fournir de l’eau dont on aura besois, et il n’en est pas de même comme d’un droit de passage, parce que l’on a besoin de passer à toutes heures.
Enfin, il y a une Servitude que le Droit Romain appelle pecoris ad aquam appulsus, qui consiste en une faculté de pouvoir passer sur le fonds de son voisin pour mener ses bestiaux à l’a-breuvoir. Les Jurisconsultes Trebatius et Marcellus ont agité cette question, si celuy qui a ce droit d’abreuvoir peut y mener des bestiaux en tel nombre qu’il veur Trebatius estimoit s’il y en menoit en plus grande quantité qu’il ne falloir, que l’on pouvoit impunément empescher out le bestail d’entrer dans l’abreuvoir. Parce, disoit-il, que junctùm pecus et pecori cui adpulsus debeatur totum corrumpat pecoris adpulsum. Marcellus au contraire étoit d’avis que l’on ne devoit pas l’empescher pour tout, mais seulement pour ce qui excedoit, parce que les bêtes se pouvoient sepater, ce qui parut plus raisonnable : l. 1. 5. Trebatius de aqua quotit. et estiv.
Le droit de paturage est aussi une Servitude Rustique ; elle doit être fondée sur un Tiitre, et elle ne s’acquiert point par prescription, mais il se forme souvent de grandes contestations. entre ceux qui ont droit de paturage touchant la manière dont chaque particulier en doit user, comme j’ay déja traité cette matiere sur le Titre de Banon et Défends, je n’y ajoûteray que peu de chose
Pour la décision des difficultez qui s’offrent, si le Titre et l’établissement du droit de paturage paroit, il en faut suivre les dispositions ; que s’il ne contient aucun reglement, et que le droit de paturage soit accordé en termes generaux, l’on demande s’il est permis d’y faire aturer toutes sortes de bestiaux et autant que l’on veut : Pour prouver l’affirmative l’on dit ue celuy qui veut excepter quelque chose en accordant un droit general, est tenu de la déclater, ne si generale jus seroire dictum erit, aut nihil valeat, quia incertum sit qua ser-vitus excepta sit, aut omnis seroitus imponi debeat. l. In tradendis. 7. Communia Prad. Neanmoin. les bêtes étant de différente nature, il est certain qu’il y en a qu’il n’est pas permis d’y mener parurer : La Coûtume en l’Art. XLXXXIV. en excepte les chévres, les porcs et autres bêtes mal-faisantes ; et j’ay rapporté sur ledit Article un Arrest par lequel il est défendu de mener paître les moutons dans les prairies.
Il est encore certain par les raisons que j’ay rapportées sur l’Artlele CLXXXII. que l’on ne peut pas envoyer paturer dans les Communes autant de bestail que l’on veut, mais seulement à propottion des terres que l’on possede dans la Paroisse.
Il n’est point permis de mettre dans les paturages publics et particuliers, des bêtes qui soient sttaquées de maladies contagieuses qui pourroient infecter et gâter les autres.
Morbida facta pecus totum corrumpit ovile,
Ne maculet socias est separanda grege.
Les autres usagers ont droit de les expulser et même de demander la reparation du dommage qu’ils en ont souffett, si le maître des bêtes qui n’ignoroit point leur maladie n’a pas laissé de les y envoyer.
Le propriétaire du fonds sujet au droit de paturage ne peut pas en changer la culture et le reduire en terres labourables, ny même en praities, à moins que de laisser la même liberté que l’on avoit auparavant ; car c’est une maxime que le proprietaire du fonds servant, quoy qu’il le rende plus fertile et meilleur en le changeant de culture, ne peut faire ce changement s’il fait préjudice à celuy qui a le droit de parurage ; que s’il ne luy fait aucun tort il peut en user à sa volonté ; mais celuy à qui la Servitude est duë, pourra-t’il changer le fonds servant de nature en le rendant meilleur ; On peut dire que cela luy doit être permis à sexemple de Jusufruictier qui peut rendre plus belle la maison dont il joüit par usufruit : AEquissimam, S. Fructuarius in princ.
D. de usufr. pourvû que le proprietaire du fonds servant n’y soit point interessé.
Quoy que le proprietaire d’un fonds sujet au droit de paturage ne puisse pas en changer la nature, si néanmoins il l’avoit fait en sorte que l’on ne pût plus joüir de ce droit, celuy auquel il étoit dû pourroit-il demander que les choses fussent remises au premier état, ou s’il auroit seulement ses dommages et interests : Si pareillement quelqu’un avoit bâty sur un fonds où il n’avoit point de droit, ou s’il faisoit quelque chose qui fût nuisible à son voisin, seroit-il enu de démolir : Sur cela l’on fait ces distinctions, ou celuy qui a droit de paturage a formé empeschement contre l’entreprife que l’on vouloit faire, et en ce cas si l’on n’a pas laissé de passer outre, nonobstant les défenses qui avoient été faites, il faut reparer l’innovation et remettre les choses au premier état, ou il n’a fait aucune complainte ny dénonciation, et en ce cas il ne peut demander la démolition, paraee que l’on presume qu’il a relaché ses actions, remittentibus actiones suas non est dandus regressus, l. Quaeritur. S. 8i operis. D. de Edil. Ed. mais il peut seulement demander son dédommagement, quibus ex causis fiat novi operis nuntiatio, quae pertona nuntient, quibus nuntietur, et in quibus locis fiat. v. l. 1. D. de oper. novi nuntiat.
Bien que le droit de paturage ne soit point étably par titre, il n’est pas neanmoins toûjours défendu de mettre paturer ses bestiaux sur les terres d’autruy, nous en avons un exemple et l’Article LXXXII. où les prez et les terres vuides et non cultivées ne sont point en défens depuis la Sainte Croix en Septembre jusqu’à la my-Mars : Il y a même un usage tout particulier dans le païs de Caux ; car aprés la récolte faite, si les proprietaires des terres laboura-bles n’ont point de troupeau, les voisins qui en ont se cantonnent entr’eux, en sorte que les bergers des uns et des autres ne peuvent outrepasser leurs cantons, ou comme ils les appel. lent leurs tournées, bien toutefois que les uns ny les autres ne soient point proprletaires des terres sur lesquelles ils envoyent paturer leurs troupeaux lors qu’elles ne sont point ensemencées. Ge qui est fondé sur un ancien usage pour éviter les querelles entre les bergers, quoy que suivant l’Aricle 82. les terres labourables n’étans point en défens aprés la recolte, il fût en la liberté d’un chacun d’y envoyer paturer son bétail : mais cessant l’autorité de la Loy ou de l’Usage, il n’est point permis de faire paturer ses bêtes dans l’héritage d’autruy,. Venditor, 13. 8. Si constat comm. Pred.
DCVII.
Droiture de servitude de vûës égouts de maisons, et autres choses semblables, par la Coûtume generale de Normandie, ne peut être acquise par posses-sion ou joüissance, fût-elle de cent ans sans titre : mais la liberté se peut raquerir par la possession de quarante ans continuels contre le ttre de servitude.
Cet Article contient deux dispositions remarquables ; la premiere, que lon ne peut acquerir une Servitude sans titre, et que la possession que l’on en auroit euë pour longue qu’elle fût, et même immemoriale et de cent années seroit inutile, si elle n’est fondée sur un titre : la seconde, que la liberté se peut reacquerir par quarante années contre le titre de Servitude.
Les Servitudes semblent être imprescriptibles de leur nature, l. Sequitur, s, ult. D. de usucap.
Servitutes, de Servit. D. la raison est que ce sont droits incorporels qui ne peuvent être possedez, l. Seraus. S. Incorporales de adquir. rer. dom. Or sans possession il ne peut y avoir de prescription, sine possessione eaque continuata nulla est prescriptio. l. sine possessione. D. de usucap.
Et c’est la véritable cause pour laquelle la Loy Scribonia rejettoit la prescription ; car les Romains. n’estimoient pas que la prescription fût contraire à l’utilité publique, et ce n’étoit pas leur dessein de favoriser la liberté des héritages, ce qui a été le motif de nos Coûtumes ; mais ils ne pouvoient se persuader que suivant les principes de leur droit, la prescription se pût acquerir sans possession, usucapionem sine possessione induci ;Connan . l. 4. c. 12.
Par l’ancien Droit Romain la prescription fut admise pour les Servitudes Urbaines ; car encore qu’il n’y eût point de possession l’on estimoit qu’il y avoit toûjours une quasi possession : mais par la Loy Scribonia et par la jurisprudence du moyen âge cette prescription fut rétranchée, Vinnius quest. jur. l. 1. quest. 3.
Pour les Servitudes Rustiques l’on ne les pouvoit acquerir par ces deox raisons : la première, que c’étoient des droits incorporels, quoy qu’ils fussent artachez à des choses corpo-relles, l. Servitutes, 14. D. de Servit. La seconde raison qui est tirée de cette même Loy, est que l’usage de ces Servitudes Rustiques n’est pas continu, et qu’il est interrompu : par exemple, l’on ne passe pas incessamment par un chemin, et l’on ne puise de l’eau à une fontaine ou à un puits que lors que l’on en a besoin : De sorte que les Servitudes Rustiques ne peuvent avoir une possession continuë et certaine, nemo tam perpetub, et tam continenter ire potest, ut possessio servitutis nullo modo interpellari videatur : Or pour acquerir par la voye de la prescription, la possession doit être continuë et sans aucune interruption ; au contraire dans les Servitudes Urbaines la possession est toûjours continuë Il faut neanmoins remarquer que cette maxime que les Servitudes ne se pouvoient prescrire ne s’entendoit que de la prescription de deux années, laquelle autrefois avoir lieu pour les immeubles ; car elle se pouvoit acquerir par une possession de dix années entre presens, et de vingt années entre absens, diuturno & longo usu acquiruntur, l. Si quis diuturno. D. Si Servit. vindic. et en la l. 1. C. de Servit. et adquir. longi temporis consuetudinem vicem servitutis obtinere ciendum est, modo si is qui pulsatur nec vi, nec clam, nec precariâ possidet, ce qui a lieu pour toutes sortes de Servitudes, tamque quarum usus aliquando interrumpitur, ut itineris & viae quam aliis quibuscumque, l. 1. 5. ult. de aqua plu. arcend. l. Apparet de itin. act. priv. mais ce n’étoit pas tant jure prescriptionis quam diuturni remporis, qui faisoit le titre et la constitution de la servitude. Et Ulpian en ladite l. Si quis diuturno, ajoûte que non est necesse de jure suo docere.
Accurse Les Interpretes du Droit ne s’accordent pas fut lexplication de ces mots, de jure suo : Accurse et plusieurs autres l’ont entendu en cette maniere, de jure, idest, titulo, & sic fpeciale est in servitutibus, ut sine titulo prascribantur. Duaren ne peut approuver cette explication, lib. 1. disput. c. 24. et il estime que cette possession de dix ans entre presens, et de vingt ans entre absens, ne peut servir pour prescrire, si ces deux choses ne s’y rencontrent, le titre et la ponne foy, l. Nullo, C. de rei vindic.
Accurse quoy que l’opinion d’Accurse soit la plus suivie, celle de Duaren n’a pas laissé d’être approuvée par nôtre Coûtume, et par la pluspart des autres Coûtumes de France qui n’admet-tent aucune prescription de Servitudes Urbaines et Rustiques par la possession, quelque longue qu’elle soit, sans faire différence entre les Servitudes Urbaines et Rustiques : Car quoy que la Coûtume semble n’avoir exclus la prescription que pour les Servitudes de vûës et d’égouts, et autres choses semblables, qui sont des Servitudes Urbaines ; néanmoins son inten-tion est, et l’usage general l’a confirmé, que toutes sortes de Servitudes ne peuvent être acquises par une possession sans titre : Cette difficulté s’étant presentée en la Chambre des En-quêtes, la Cour procedant au Jugement du procez d’entre Jean Chufles et de Guillaume Longuer, à cause d’un droit de Servitude pretenduë par ledit Longuet sur une pièce de Pré appartenant audit Chofles, pour y faire passer ses bêtes de harnois ; la matière mise en deliberation, tout considéré, la Cour déclara que le premier Article du Titre de Servitudes se doit entendre de toutes sortes de Servitudes Uibaines et Rustiques, et que les unes et les autres ne se peuvent acquerir sans titre par possession de quelque temps que ce soit, par Arrest du 13. Juin 1611.
La longue possession non seulement ne suffit point, mais même elle ne fait point ptelumet e titre, et parce que quelques Docteurs ont été de ce sentiment, que quelque generale quesoit la dispolition qui exclut la prescription, néanmoins la centenaire n’y est point comprise. parce que vim habet constituti, & ideo non solum est prascriptio, sed etiam titulus, & hujusmodi exceptio temporis immemorialis nunquam censetur exclusa, etiam per legem prohibitivam per quecumque verba universam quamcumque prascriptionem excludentia ;Molin . Cons. 26. n. 24. La Coû-tume en cet Article conformément à celle de Paris, Article 186. pour faire cesser cette difficulté a prudemment ajoûté ces paroles, fût-elle de cent ans : Et c’est pourquoy bien qu’on al-légue une possession immemoriale, on n’est pas admis à la prouver pour établir une Servitude : ainsi jugé pour le sieur de Houteville pour les manans et habitans de Platemare, qui pretendoient avoir droit d’envoyer paturer leurs bestiaux dans les prez dudit sieur de Houteville aprés la premiere herbe coupée, et qu’ils en étoient en une possession immemoriale.
Toutes choses étant naturellement libres, et le retour de chaque chose à son premier état étant si facile, les Loix ont introduit des moyens pour tecouvrer la liberté que l’on avoit perduë. En cet Article la Coûtume admet la prescription de la liberté contre la Servitude aprés quarante ans de non joüissance ; de sorte que si durant ce temps l’on n’a point exercé le droit de Servitude sur le fonds lequel y étoit sujet, il en demeure entièrement affranchi, Casius, sur le Titre de Servit. Vrban. Prad. n. 15. dit que libertas servitutis nihil aliud est quâm gladius per quem servitutis jus interficitur.
Suivant le Droit Romain une Servitude se perdoit par deux principaux moyens, confusione, et non utendo, sive usucapione libertatis, qui est celuy que la Coûtume approuve en cet Article : Elles se perdent aussi presque par autant de moyens que l’usufruit excepté par la mort naturelle on civile : jura pradiorum morte vel capitis diminutione non perire vulab traditum est. l. Jura, quemadm. serv. amitt.
La Servitude s’éteint par la confusion lors que le fonds servant et le fonds dominant viennent entièrement en la main d’une même petsonne, l. 1. quemadm. serv. amitt. ce qui est fondé sur cette regle que res sua nemini seroit. Mais pour donner lieu à cette confusion, il faut que le fonds servant soit entièrement retourné au Seigneur dominant ; car si l’on ne possedoit qu’une partie du fonds servant, la servitude subsisteroit sur l’autre partie, l. Vt pomum, 8. 8. 1. de servit. nam cum per partes retineatur servitus, non confunditur ;Connan . l. 4. c. 12.
Quoy que la prescription de la liberté contre la Servitude soit si favorable, et que suivant et Article elle puisse se tacquerir par quarante années, cela ne laisse pas de recevoir de la dificulté dans l’usage et dans la pratique : Premierement, l’on objecte comment une Servitude peut se perdre par le defaut de possession, puis qu’elle ne se peut acquerir par la possession, car par la raison des contraires, ce que le non usage opere pour la perte d’une Servitude, i le doit operer pour la possession et pour l’usage ; mais on répond que continua mea negligentia sse potest ut non utar : Diligentia mea ut semper utar fieri non potest, justè igitur amisit servitutem qui continuo bienno non atitur :Connan . l. 4. c. 12. En second lieu, ces deux questions peu-vent naître souvent : La premiere, comment le droit de Servitude se perd, et comment la liberté se peut acquerir ; et la seconde, si l’on peut s’affranchir de toutes sortes de Servitudes par Je moyen de la prescription.
L’on peut perdre une Servitude comme les autres biens par le defaut de possession, et par non usage pendant dix années entre presens, et vingt années entre absens suivant le Droit Romain, et par quarante années suivant cet Article : L’on ne doit punir neanmoins que la faute et la negligence du propriétaire, car si par quelque force majeure ou par quelque empeschement insurmontable il n’avoit pû user de son droit, on ne luy pourroit imputer de l’avoit abandonné, si par exemple le chemin par où il devoit aller avoit été inondé par la riviere, ou que les sources de la fontaine où il pouvoit prendre de l’eau avoient été assechées et taries durant plusieurs années, il ne seroit pas privé de son droit, si par aprés la riviere retournoit en son lit naturel, ou que la fontaine recommençast à courir, l. Et Atilicinus 35. de Servit. Rust.
Prad.
Il suffit aussi de retenit la Servitude en partie, parce qu’elle est individuë, pro parte retineri, pro altera parte amitti non potest, c’est assez de passer par un endroit d’un chemin ou de le faire couler l’eau sur une partie de l’héritage pour conserver ces Servitudes, l. stillicidii, 5. UIt. quemadm. Servit. amitt. parce que je m’en peux servir selon ma commodité, et comme je le trouve à propos
Si j’ay droit de passage sur deux héritages qui appartiennent à une même personne, je conserve ma possession, quoy que je n’aille que par dessus un seul, si nullo usus sum tota amittitura uno tota servatur, mais si ces deux héritages étoient possedez par deux differentes personnes, la liberté seroit acquise à l’égard du fonds sur lequel je n’aurois point passé ; que si la Ser-Celsus itude étoit dûë à deux personnes conjointement sur un même lieu, la possession de l’un serviroit à l’autre, l. Celsus, eod-
Mais si deux voisins avoient droit de prendre de l’eau d’une même source en la conduisant d’abord par les mêmes canaux, et que la faisant couler separément aprés qu’elle seroit décenduë. sur leurs héritages, la possession que l’un auroit euë ne profiteroit point à l’autre.
Si celuy qui a droit de chemin à pied, à cheval, à charue et charette y passe seulement à sed durant le temps prefix pour la prescription de la liberté, sera-l’il censé avoir conservé le droit d’y passer à cheval et avec charette ; L’on fait cette distinction, que si ces droits ont été donnez par Titres separez, le droit de l’un ne se conserve point par la possession de l’au tre ; mais s’ils sont compris sous un même Titre, il suffit d’y avoit passé à pied pour conserver le droit d’y passer à cheval et avec charettes,Connan . l. 4. c. 12. ainsi celuy qui a roit de prendre de l’eau à une fontaine ne le conserve pas s’il n’en a point usé quoy qu’il ait ét é souvent à cette fontaine, et si is qui haustum habet per tempus quo Servitus amittitur, ad fontem erit, nec aquam hauserit iter quoque amisit, l. 17. eod. La raison est que n’ayant ce passage que pour prendre de l’eau, lors qu’il n’y va point pour cela, il y va sans aucun droit ; et par consequent cela ne luy peut servir pour retenir un droit dont il ne veut point user, nam oportet aut tota Servitute, aut parte ejus uti, ut ipsa retineatur. At aditus ad fontem non est pars aquae haustus, sed quiddam extrinsecum, sine quo tamen subsistere non potest,Connan . ibid. Celuy qui passe par un autre chemin que celuy qui luy a été marqué et designé conserve son droit, quia non aliud, sed plusquam est constitutum facit : Si toutefois je ne vous avois permis de passer que par un certain fonds, bien que vous fussiez allé par un autre, cette posses-sion vous seroit inutile. Il en est de même de celuy qui ne pouvoit prendre de l’eau qu’à une certaine fontaine, et qui auroit été puiser à une autre, non fert hujus Servitutis natura, ut ex alia qua quam cui impositum id juris est haurias, aut ducas.Connan . ibid. En un mot c’est une maxime en Droit, que qui non it, vehit, aquam haurit, aut ducit cum id ipsum et liceat, haud dubium est uin non utatur Servitute, et par consequent l’on ne se puisse affranchir, d’une Servitude.
Cela est sans doute pour les Servitudes Rustiques, mais la grande difficulté consiste à sçavoir si la liberté se peut acquerir, per non usum, pour les Servitudes Urbaines dont la nature consiste presque toûjours ; non pas que celuy à qui la Servitude Urbaine est duë fasse quelque chose, mais plûtost que celuy qui la doit ne fasse et n’entreprenne rien contre la constitution de la Servitude : Par exemple, celuy qui a droit d’empescher son voisin d’élever sa maison ou qu le peut obliger de boucher ses vûës, ne peut jamais perdre son droit, per non usum, et par prescrition, parce que durant tout le temps que celuy qui ne peut hausser sa maison, ny ôter les vûës à on voisin ne fait rien de contraire, le Seigneur du fonds dominant ne peut former d’action, et l’on ne peut encore luy reprocher qu’il neglige son droit, ou qu’il le laisse prescrire ; au contraire il possede toûjours, comme Ulpian le décide fort bien en la l. Et si forte, S. Sciendum. i servit. vend. Sciendum est in his servitutibus possessorem effe juris eundem & petitorem : Et si forte non habeam adificatum altius in meo, adversarius meus possessor est : Nam quum nihil sit innovatum ille possidet, et aedificantem me prohibere potest. Il est donc impossible que la liberté se puisse cquerir ou prescrire par la raison que celuy à qui elle est dûë n’a rien fait, puis que non seulement il n’avoit pas besoin de faire quelque chose, mais qu’il doit être censé avoir toûjouts possedé lors que l’on n’a rien entrepris qui luy fasse perdre le droit qu’il avoit. Ea servitus amitti non potest, cujus aut nullum exercitium est, aut meo est ut nonnihil faciat vicinus.Connan . bid. Il est donc necessaire pour se décharger d’une Servitude Urbaine, que celuy qui la doit entreprenne et fasse quelque acte contraire, qu’il ôte de dessus sa muraille le sommier qu’il étoit tenu de porter, ou qu’il éleve sa maison ; car s’il n’est point troublé dans les quarante ans, la servitude est éteinte par la prescription.
Ces differences sont fort nettement exprimées dans la l. Hac autem jura. 6. de servit. urb. rad. Hac autem jura Urbanorum scilicet pradiorum, et rusticorum certo tempore non utendo pereunt, nisi quod hac dissimilitudo est, quod non omnino non pereunt non utendo, sed ita si vicinus si-mul libertatem usucapiat, veluti si ades mez adibus meis serviant ne altius tollantur, ne luminibus edium earum officiat, et ego per statutum tempus fenestras meas prefixas habuero, ita, demum jus meum amitto, si tu per hoc tempus ades tuas altius sublatas habueris : Alioqui si tu nihil novi fece ris retineo servitutem. La Loy si quis alia, S. Fin. quemad. servit. amitt. en rend cette raison que non potest videri vicinus tuus usucepisse libertatem adium suarum, qui jus tuum non interpellavit : Et la Glose sur cette Loy hec autem jura, que je viens de citer, dit que in prescribenda ibertate necessarium est factum utentis, natura enim harum servitutum Urbanarum est, non ut quid agat is cui servitus debetur, sed ut nihil agit is qui servitutem debet.
Pour un plus grand éclaircissement de cette matiere, il est necessaire d’expliquer quelques différences essentielles d’entre les Servitudes Rustiques et les Servitudes Urbaines. Toutes les Servitudes Rustiques consistent en action, et l’on ne peut s’en servir ny en tirer aucun profit et commodité qu’en agissant ou en faisant quelque ouvrage : Elles sont de deux especes ; il y en a qui n’ont point besoin de main d’homme, que nullum opus requirunt, ce que l’on peut posseder aussi-tost qu’on en a le droit, comme d’un droit de chemin, de puiser de l’eau de mener son bétail à un abreuvoir ; l’on peut joüir de ces Servitudes naturellement et sans faire aucun pouvrage dés le moment qu’elles sont acquises, et c’est pourquoy l’on peut prescrire la liberté contre celuy qui n’en use point, quoy qu’il en eût la faculté : Il y en a d’autres dont on ne e peut servir quoy qu’on en ait la faculié, qu’en faisant quelque chose : Par exemple, l’on de peut avoir un aqueduc qu’en travaillant auparavant à faire les conduits, et à poser les canaux pour faire couler l’eau où l’on s’en veut servir : Or en ces sortes de Servitudes la pre-scription ne commence à courir qu’aprés que l’ouvrage necessaire a été fait, parce que ce qui n’est point encore ne peut être prescrit, mais aprés l’achevement d’iceluy la prescription court contre celuy qui ne s’en sert point, si partem fundi vendendo lege caverimus, per eam partem in reliquum fundum meum aquam ducerem, & statutum tempus intercesserit antequam rivum meum face-tem, nullum jus amitto, quia nullum iter aquae fuerit, sed manet mihi jus integrum : quod si fecissem iter, nec usus essem amittam, l. 19. quemadm. servit. amiti La nature des Servitudes Urbaines est fort differente, elles sont aussi de deux especes : pour les premieres l’on n’a pas besoin d’agir ny de faire aucune chose pour en avoit l’usage, mais on les possede aussi-tost qu’elles sont consenties : par exemple, celle de ne pouvoir élever son batiment, de n’ôter point les vûës dés le moment qu’elle m’est acquise, je la possede et j’en joüis entierement tandis que vous ne m’y donnez aucun empeschement, et que vous n’entreprenez point de bûtir, et de m’ôter le jour et la lumiere, et il faut pour interrompre ma possession que vous baiissiez ou que vous bouchiez mes vûës, autrement je joüis toûjours de mon droit, et je ne le puis perdre quoy que je ne fasse tien, et que je demeure perpetuelsement en repos. Il y a d’autres Servitudes Urbaines qui véritablement desirent quelque acte et quelque fait de lhomme pour les établir et les faire subsister ; mais aprés qu’elles sont établies elles demeurent et durent en un même état, quoy que le possesseur d’icelles n’agisse et ne fasse tien sans se pouvoir perdre par le temps, Servitutes quae in superficie consistunt possestione retinentur : Nam si fortè ex adibus meis in ades tuas tignum immissum habuero, hoc ut im-missium habeam per causam rigni possideo habendi consuetudine. Idem eveniet, si menianum in tuum immissum habuero, aut stillicidium in tuum projecero, quia in tuo aliquo utor et quasi facto quodam possideo, l. Servit. 20. de Serait. Vrb. Prad
fais puis que pour les Servitudes Urbaines celuy à qui elles sont dûës les conserve par la seule souffrance de celuy qui les doit, comment la liberté se peut-elle acquerir : L’on s’en peut affranchir en faisant un acte contraire à la Servitude : par exemple, si mon voisin avoit droit de placer ses sommiers sur les murailles de ma maison, et qu’aprés les y avoir posez je les fisse ôter et bouchasse les trous, et qu’il n’en eût point formé de complainte dans les temps. fataux, ma maison demeureroit déchargée de cette Servitude ; Si rigni immissi edes tuae servitutem debent, et ego ejecero tignum, ita demum amitto jus meum, si foramen unde exemptum est tignum obturaveris, et per constitutum tempus ita habueris : alioquin si nihil novi feceris integrum jus suum permanet. l. Hec autem jura de Servit. Vrb. Pred. Suivant ces Maximes du Droit Romain, il a été donné Arrest sur ce fait
Un particulier avoit acquis une maison sujette à plusieurs Servitudes, comme de ne pouvoir batir d’écuries, de ne pouvoir garder de fumier, et autres Servitudes de pareille qualité Cet acquereur vendit depuis cette maison sans déclarer ses sujettions à l’acquereur qui disposa ensuite de cette maison à un autre : Cent années s’écoulerent depuis la premiere vente qui voit été faite sans expression des Servitudes : Mais lors que le dernier acquereur voulut barir ne écurie, le possesseur de la maison pour laquelle on avoit stipulé toutes ces droitures, s’y opposa en vertu du Contrat qui contenoit toutes les clauses susdites : Le dernier acquereur ayant appellé son vendeur, tous les acquereurs retournerent de garand en garand ; et enfin l’on donna Sentence au profit du dernier acquereur dont le Contrat fut dissous, et son vendeur condamné au remboursement du prix de la vente, et à l’égard des autres acquereurs qu’ils seroient remboursez sur le prix de leurs Contrats ; car par les uns la maison avoit été venduë mille livres, et par les autres deux mille livres : Sur l’appel de cette Sentence l’on discuta ces deux points ; le premier, s’il pouvoit y avoir prescription vâ le long temps qui s’étoit écoulé depuis le premier Contrat, et que dans ceux qui avoient été faits depuis l’on n’avoit fait aucune mention de ces Servitudes, et que par consequent l’on avoit pû en reaquerir la liberté par quarante années suivant cet Article : Mais ces raisons ne paroissoient pas fort considérables contre celuy ui n’avoit point eu de part dans tous ces Contrats, et l’on ne pouvoit pas dire que l’on eût prescrit son droit, puis qu’au contraire la stipulation de son Contrat avoit été perpétuellement executée ; le proprietaire du fonds sujet n’ayant jamais attenté au contraire, de sorte que dans tous les momens où l’on n’avoit rien entrepris contre son Contrat, il étoit vray de dire qu’il avoit paisiblement jouy de sa Setvitude, n’ayant point eu besoin de faire aucune interpellation lors que lon n’entreprenoit rien qui pût détruire son droit. Cela est expressément décidé dans la l. Et si fortè 6. 8. Si servit. vend. Sciendum in his servitutibus possessorem eum juris & petitorem, et si fortè non habeam altius edificatum in meo, adversarius meus possessor est, nam cum nihil sit innovatum ille possidet, et edificantem me prohibere potest Le second point que l’on agita, fut de sçavoir si l’on jugeroit également le recours des gatans : L’on disoit que la vente ayant été faite par differens prix, le recours devoit avoir lieu à proportion ; l’on répondoit au contraire qu’il étoit juste de juger également le recours et les inte-
rests contre les garans, parce que l’argent pouvoit être plus rare au temps de la premiere vence, ou à cause des meliorations qui pouvoient avoir été faites : Par Arrest du premier Juin 1680. au Rapport de Mi des Alleurs Puchot, la Sentence fut cassée, entant que pour les garanties. et en consequence de la resolution du Contrat, l’on jugea un recours égal qui fut de cinq mille livres, prix du dernier Contrat.
Il reste encore à éclaircir cette difficulté, si l’on fe peut affranchir par le temps d’une Servitude dont l’usage n’est pas certain et continu ; Car encore qu’il soit vray que les Servitudes doivent avoir des causes continuës et perpétuelles, l. Foramen, de serit. urb. prad. neanmoins la possession et l’usage n’en est pas toûjours continu et perpetuel, et principalement pour les Servitudes Rustiques, l. Servitutes, 14. de Servit. Or ne pouvant la possoder et m’en servir coninuellement, mais seulement lors qu’il m’est commode ou nécefsaire, l’on ne doit pas m’impu-ter de negligence pour avoir usé de ces Servitudes selon leur condition naturelle : Comme il l’auroit pas été raisonnable que ces Servitudes se perdissent par un même temps que celles dont l’usage est perpetuel et continu, on ne pouvoit acquerir la liberté que par un temps qui excedât toute mémoire d’homme ; mais la disposition de cet Article étant generale, et la Coûtume n’ayant fait aucune distinction entre les Servitudes, l’on peut douter si les Servitudes discontinuës peuvent être exceptées : Mais il me semble que quoy que ma diligence ne doive pas être assez grande pour m’en servir continuellement, au moins ma negligence ne doit pas aller jusqu’à ce point de ne m’en servir point durant l’espace de quarante années ; et comme par le Droit Romain lors que par le Titre de la Servitude l’on ne s’en pouvoit servir qu’en certains temps ou en certaines saisons, l’on doubloit le temps requis pour prescrite la liberté contre les Servitudes continuës, l. Vlt. C. de Servit. et aqu. c est assez donner de loisir d’empescher la prescription pour les Servitudes discontinuës que de prolonger le temps jusqu’à qua-tante années.
L’on ne perd point la liberté de passer par un chemin public pour n’y avoir point passé par quelque temps que ce soit, l. Viam, D. de via publica ; et par la l. lter, 4. quemadm. seruit. amirt. la liberté de passer par un chemin qui conduit à un lieu destiné pour un cimetiere ne peut être empeschée, quoy que l’on ait été tres-long-temps sans y passer.
DCVIII.
Quiconque a le fonds peut faire batir et édifier dessus, et par dessous sondit héritage, et y faire puits, cave, ou autres choses licites, s’il n’y a titre au contraire.
Cet Article est fondé sur cette Maxime generale, que cujus est solum ejus est coelum, altitudoque edium suarum saluberrima, l. Vlt. 5. ult. D. quod vi aut clam, l. Altius, l. Edibus de servit. et aqu. C. Nous trouvons neanmoins une exception à cette regle, en la l. Si cui ades de leg. 3.
Si cui ades locate sunt, is omne habebit id adificium quod supra solum earum edium erit, hoc tamen falsum est, cum Dominus binarum adium aliquod conclave quod et supra concamerationem alterarum edium sit, in usum alterarum converterit.
En consequence de cette regle qui a le sol, doit avoir le dessus et le dessous : L’on a fait cette question si une cave étant au dessous d’une maison, et laquelle cave l’on avoit acquise par un Tître particuliûr, et dont l’on étoit en joüissance étant decretée, le proprietaire étoit obligé de s’y opposer, comme pour un droit de Servitude : Par Arrest du Parlement de Paris rapporté par MrBouguier , l. 5. n. 3. et parTronçon , sur l’Article 187. de la Coûtume de Paris, il a été jugé que le proprietaire n’avoit point besoin de s’opposer au decret de la maison, quia non possidebatur jure servitutis, sed jure proprietatis, comme une part et portion separée de ladite maison, sine qua ades esse intelligebantur. Que si cette cave n’eût été possedée que par un Titre particulier de proprieté, il auroit fallu s’opposer comme à un droit de Servitude à cause de l’Art. 187. de la Coûtume de Paris, par lequel celuy qui a le sol, doit avoir le dessus et le dessous.
L’on a fait cette question si les Servitudes imposées sur une maison avec Titre fe perdent par le decret, lors que le possesseur du fonds à qui elles étoient dûës ne s’y est point opposés sans que l’on puisse la demander à l’avenir : Par la Jurisprudence du Parlement de Paris l’on a fait différence entre les Servitudes occultes et les Servitudes apparentes ; il a été jugé que les decrets couvrent les premieres et non les secondes, parce que l’état des lieux et la science de l’adjudicataire équipollent à une opposition, ce que l’on confirme par l’autorité de la Loy : et a que commendandi, D. de contrah. empt. Si ita in promptu res sit, ut emptor eam non ignoraret, veuti si quis hominem effossis luminibus emat, mais pour les Servitudes cachées comme l’adjudica-taire peut en pretendre une juste cause d’ignorance, elles se perdent faute d’opposition.
Cette question seroit plus douteuse en Normandie où les decrets ne purgent point les droits réels et fonciers, mais seulement les hypothecaires ; car les droits réels ne se perdans point faute le s’opposer, il n’y a pas plus de necessité de le faire pour une Servitude que pour une rente fonciere, qui est une espèce de Servitude, laquelle neanmoins subsiste et dure aprés le decreta quoy que le proprieraire ne l’ait point demandée, Article DLXXV. mais l’adjudicataire qui le trouve chargé d’une Servitude qui luy étoit inconnuë peut-il en demander la defalcation, ou que les derniers emportans deniers rapportent jusques à concurrente de la défalcation, comme il peut demander la diminution d’une rente fonciere ou Seigneuriale dont il n’auroit pas eu connoissance.
MrLoüet , l. S. etRicard , sur l’Article 188. de la Coûtume de Paris, disent avoir été jugé que l’adjudicataire par decret d’une maison qui avoit des vûës surcalle du voisin étoit tonu de les retiter, encore que le proptiotaire de la maison voisine ne se fût point opposé u acret : Brodeau au même lieu estime que le droit de Servitude se peut acquerir par une adjudication sans Titre, comme de vûës et d’égouts dont les marques anciennes se rencontroient lors qu’il n’y a point eu d’opposition de la part duaropriétaire, parce que ce silrnce est un tacite acquiescement qui fait présumer un Titre perdu : Mais pour le faire valoir, il faudroit que ces anciennes marques fussent si certaines et si demonstratives, qu’elles équipolassent à un Titre.
L’on peut regulierement batir sur son fonds à telle hauteur que l’on veut, encore bien que e voisin en soit incommodé, nullus enim injuriam facere videtur qui suo jure utitur. l. Nullus de reg. jur. et le voisin n’a point d’action pour s’en plaindre, quand même ses vûës seroient enierement bouchées, l. Cum eo, de Servit. Prad. Rust. cum eo qui obscurat vicinas ades quibus non serviat, nulla competit actio
Cette regle reçoit quelques exceptions : La première, si par les Reglemens de la Police il n’étoit pas permis d’élever les maisons que jusqu’à une certaine hauteur, l. 1. C. de edif. prrt. et ibi glos. MrCujas , sur la I. Domum 61. de reg. jur. dit qu’en matière de bâtimens, il faut faire cette distinction, que celuy qui refait sa maison doit garder sa premiere forme, et en ce cas potest officere vicino, ut antea officiebat, où il ne la garde pas et avance son bâtiment plus avant, et alors il ne peut incommoder son voisin, qui vicinorum luminibus officere, aliudve quid facere vellet contra eorum commodum, sciat se formam & statum antiquum adificiorum se custodire debere, I. Qui luminib. D. de Serait. Vrb. Prad.
La seconde exception est, s’il n’y avoit Titre contraire, l. Inter Servitutes, cum sequ. de Servit. Vrb. Prad. La troisiéme, lors que le proprietaire légue l’usufruit de l’une de ses maisons, en ce cas l’heritier ne peut pas élever si haut les maisons joignantes, qu’elles bouchent les vûes et rendent par ce moyen l’usufruit inutile, l. Si i qui Binas edes, D. de usufr. La quatriéme, que si le proprietaire n’éleve sa maison qu’à dessein de nuire à son voifin, en ce cas comme les Loix ne favorisent jamais la malice, cela ne luy seroit pas permis, I. Domum, D. de reg. jur. l. 1.
S. Denique, D. de aequ. plu. Arcend. et ibi glos. Il faut neanmoins suivant le sentiment des Docteurs pour donner lieu à cette exception, qu’il paroisse certainement que le voisin n’entre-prend cet ouvrage que par un pur motif de haine et de malice, autrement l’on doit presumer plus favorablement de ses intentions, l. Pro merito, D. pro socio Il y a encore une exception en la Loy dernière, 5. Vlt. C. de Servit. et aqu. où il est défendu de batir proche de son voisin, si cela empesche le vent necessaire pour nettoyer les grains, ita adificium extollere juxta aream, ut ventus excluderetur & palea hujusmodi obstaculis secerni à Justinien frugibus non possunt, mais cela fut introduit par Justinien en faveur de l’agriculture, quoy que quelques Interpretes entendent cette Loy, lors qu’il y a Servitude de ne point hausser son bariment.
Les maisons des Romains étoient baties en forme d’isses, et les voisins étoient tenus de laiser quelque espace entre leurs voifins. MrCujas , l. 1. c. 4. de ses Observat. dit que l’on ne sçavoit pas precisément combien de pieds il falloit laisser, mais que Sextus Pompeius avoit écrit que cet espace qu’on laissoit entre les maisons s’appelloit Ambitus, et qu’il contenoit deux pieds et demy, afin que l’on pût aller à l’entour de la maison pour la reparer. Est autem inula quod proprio ambitu constas. Ce qui étoit fort commode pour ceux qui vouloient reparer leurs maisons, et par ce moyen l’on évitoit les questions qui arrivent souvent entre les voisins pour le tour d’échelle. Voyez Mr Duval, deReb . dub. Tract. 8.
En France les maisons ne sont separées que par leurs murailles de clôture, et par les pinons, et l’on peut batir joignant l’héritage de son voisin et sans intervale. Cela fait naître cette question, si le voisin est tenu de souffrir le passage et le tout d’échelle, lurs qu’il faut couvrir et reparer : Par la disposition du Droit, les voisins sont tenus de prêter cette souffrance quand cela ne se peut faire autrement, l. Refectionis, S. uni. D. comm. pred. l. Vni. de glande leg. l. Si quis sepulchrum, de Relig. et sumpt. fun. et si l’on y donnoit de l’empeschement, c’étoit une espèce de violence, 1. Veteres, D. de itin. act. pri2. l’on pouvoit y être con-traint par la consideration de l’utilité publique, ne rutela adificiorum neglecta publicus urbis aspectus ruinis adificiorum deformetur, l. 1. D. de tigno juncto. à condition toutefois de les desinte-resser : Ce qui a été jugé par un Arrest rapporté parGodefroy , sur l’Article DCVII. par plusieurs Coûtumes de France : Melun, Article 203. Etampes, Article 84. Orléans, Art. 240. lors que quelqu’un fait redifier ou reparer sa maison, le voisin est tenu de luy donner le passage pour le faire, laudanda est, vel etiam amanda vicinitas retinens veterem officii morem.
Cette patience du voisifi n’attribué aucun droit, car ce n’est qu’une tolerance et une simple faculté autorisée par les Loix pour l’utilité publique, l. Qufecumque, 5. 1. de public. in rem.
Et c’est pourquoy celuy à qui l’on fait cette grace doit en user de sorte qu’il n’incommode son voisin que le moins qu’il pourra, qu’il ne fasse aucune entreprife, et qu’il repare le dommage qu’il aura fait : La Coûtume d’Orléans est expresse sur ce sujet, Article 240. Quand aucun fait édifier et reparer en son héritage, son voisin est tenu de luy donner et prêter patience à ce faire, en reparant et amendant en diligence par celuy qui édifie ce qu’il auroit rompu, démoly et gâté à sondit voisin ; et ne peut pour raison de ce acquerir droit de possession contre et lu prejudice de celuy qui a donné ou souffert ladite patience, de reparer ou édifier : : C’est aussi le sentiment de Godefroy sur l’Article DCVII. que le voisin est tenu de souffrir le tour d’échelle.
Si par le moyen de la couverture d’une maison, l’eau qui tombe du Ciel, incommode le voisin, le proprietaire de cette maison fera tenu de la détourner, car encore qu’elle tombe naturellement du Ciel, et que chacuu puisse batir sur son fonds à sa volonté, il ne le peut nean-noins au dommage d’autruy ; il en seroit autrement lors que l’eau qui tomberoit directement du Ciel viendroit à s’écouler par son égoust et pente naturelle sur l’héritage voisin ; en ce cas comme il n’y auroit rien du fait de l’homme, chacun doit supporter avec patience l’incommodité qui luy est causée par cette voye, l. 1. 5. ult. D. de aqua plu. arcend. et quand même l’on feroit écouler par des conduits et égoûts feau qui tomberoit en trop grande quantité sur la terre, quoy que cela fût nuisible au voisin, il n’auroit pas d’action pour s’en plaindte, si lon ne peut donner un autre cours à cette eau, l. 1. 8. de eo, et 5. apudLabeonem , D. de aqua et aqu. plu. ce que j’ay remarqué sur l’Article precedent. l est permis de planter aussi bien que de bâtit sur son héritage ; mais encoreque lon puisse batir joignant son voisin, on n’y peut pas planter sans y laisser un intervalle : Suivant la Loy dernière, fin. reg. il étoit permis de planter les oliviers et les figuiers à neuf pieds, et les autres arbres à cinq pieds. Cette Loy a été prise de celles deSolon , qui ordonnent la même chose, comme Plutarque l’a remarqué en sa vie-
Nôtre Coûtume n’a rien ordonné sur ce sujet ; ce que nos Reformateurs ne devoient pas ômettre, puis que les Plants sont si communs en Normandie, et que son terroir a des qualitez si singulieres pour la production tant des arbres fruictiers que des grands arbres.
Il me semble que pour regler avec connoissance éloignement et la distance entre les arbres que lon plante et les terres voisines, l’on doit considerer la differente qualité des arbres et des terres ; l’ombre du sapin et du haître est plus nuisible que celle du chesne, et celle du chesne l’est encore plus que celle des pommiers et des poiriers ; les ormes et les fresnes causent moins d’incommodité par leurs ombrages que par leurs racines qui pullulent extrémement et qui s’étendent fort loin, et à l’égard des terres qui en sont voisines, les herbages et les prais en re-soivent beaucoup moins de dommage que les terres en labour, et la vigne que la terre qui est ensemencée, parce que les vignes ont besoin pour la maturité de leurs raisins de toutes les douces influences du Ciel.
Il seroit donc à propos pour empescher le dommage que peut causer la plantation des arbres, de considerer la qualité des arbres et la nature du fonds qui en est voisin, et qui peut en recevoir de l’incommodité ; les Jurisconsultes Romains dans cette Loy, fin. reg. ont fait ce discernement pour quelques arbres ; les oliviers et les figuiers ne pouvoient être plantez qu’à neuf pieds, les autres arbres à cinq ; mais il seroit encore nécessaire d’éloigner plus loin que de cinq pieds la plantation de certains arbres. La Coûtume d’Orléans, Article 259. ne permet pas de planter les ormes, noyers ou chesnes dans le vignoble d’Orléans, plus prés des vignes de son voisin que de quatre toises, ny de planter hayes vives plus prés de l’héritage de son voisin que de pied et demy ; mais comme a remarqué de la Lande Commentateur de cette Coûtume, elle est imparfaite n’ayant rien ordonné touchant les poiriers, pommiers et autres. arbres.
L’usage le plus universel de cette Province est de planter toutes sortes d’arbres sans distinction à lept pieds de la terre voisine ; cette distance ne seroit pas assez grande pour le vigno-ble à qui le moindre ombrage apporte beaucoup de dommage.
Il ne suffit pas de sçavoir à quelle distance l’on peut planter, il n’est pas moins important de connoître comment l’on doit tenir les arbres lors qu’ils sont devenus grands, afin que par leur ombre, par leurs racines et par leurs branches, ils ne causent de l’incommodité sur tout aux terres qui sont ensemencées.
Lors que l’arbre jette si loin ses rameaux qu’ils s’étendent sur le fonds d’autruy, le proprietaire est tenu de les ébrancher jusqu’à quinze pieds de hauteur au dessus de terre, que arbor x agro tuo in agrum illius impendit, si per te stat quominus pedes quindecim à terra jam altius coerceat tunc, quominus illi ita coercere, lignaque sibi habere liceat eum fieri utto, l. 1. 6. 7. de arbor. cad. D.
Il est intervenu un Arrest sur ce fait : Charles Gondoüin intente action contre Jean Gondoüin, pour faire dire ou qu’il ébrancheroit deux noyers qu’il disoit s’étendre sur son héritage, ou qu’il en auroit les fruits qui tomboient sur iceluy. Jean Gandoüin s’en défendoit par ces sieux raisons : La premiere, qu’il y avoit un chemin entre leurs héritages, et ce point de fait étoit constant ; car aprés la Cause jugée devant les premiers Juges, on avoit fait dresser un Procez Verbal, par lequel il paroissoit qu’il y avoit neuf pieds d’une haye jusqu’à l’autre, et que le chemin avoit fix pieds : Il disoit en second lieu, que Charles Gondoüen ayant acquis de son pere cet héritage, et les noyers étans dés lors au même état, il n’avoit pas droit de demander qu’ils fussent ébranchez, et alléguoit pour preuve l’Article DClx. et pour les fruits qui tomboient sur l’héritage dudit Charles Gondoüin, il consentoit qu’il les prist, si justice le trouvoit à propos ; Par Sentence du Vicomte et du Bailly, Charles Gondoüin fut debouté de son action ; dont ayant appellé, de l’Epiney son Avocat rapporta les dispositions du Titre, de ced. arbor. D. suivant lesquelles lors que les branches s’étendent sur le fonds du voisin, il faut les émonder à quinze pieds de hauteut. Je répondis pour Jean Gondouin que dans la question generale et dans le fait particulier sa Cause étoit juste, que par la disposition du Droit Romain, il étoit permis de planter à cinq pieds de fonds de son voisin : Or il étoit constant par le Procez Verbal que ledit Charles Gondoüin avoit fait dresser qu’il y en avoit neuf, que le Titre de cad. arbor. ne s’entendoit que quand les arbres n’étoient pas plantez dans l’eloignement ordonné par les Loix ; et ainsi y ayant un chemin entre deux et neuf pieds d’espace, l’Appellant n’en pouvoit recevoir aucun dommage, et qu’il n’avoit entrepris ce Procez que par animosité, vû sur tout que l’héritage de l’Appellant étoit en herbage et non en terre de labour, et qu’ayant acquis cet héritage du pere de l’Intimé, sept ou huit ans auparavant, auquel semps les arbres étoient au même état, il étoit non recevable à son action, et qu’enfin le dommage dont il se plaignoit étoit imaginaire, et pour les fruits que c’étoit l’usage qu’ils appar-ins-sent au proprietaire de l’arbre, quoy qu’ils tombassent sur le fonds voisin : Par Arrest du premier d’Aoust 1669. la Sentence fut confirmée ; aprés la prononciation de l’Arrest l’Avocat de l’Appellant demanda les fruits, disant que l’Intimé ne le pouvoit empescher puis qu’il les avoir offerts, néanmoins il en fut refusé.
Cet Atrest ne fut pas donné sur la question generale, mais sur les circonstances particulieres ; en effet, le lendemain l’on donna un Arrest contraire que je rapporteray dans la suite.
Si les racines de l’arbre avoient penetré dans la terre voisine, le propriétaire ne pourroit pas les arracber de son autorité privée, il seroit obligé de le faire ordonner par le Juge, l. Si plures, S. 1. D. arbor. furtim. ces. Mais aujourd’huy l’on ne garde plus cette formalité, et chacun peur couper les racines qu’il trouve sur son fonds.
Lors que l’arbre pend sur une maison et qu’il l’incommode, ou que les racines luy nuisent et l’endommagent, on peut contraindre le voisin à qui il appartient de l’ôter et de le dérainer, l. 1. D. de arb. cad. et l. Cum proponas. C. de interd. et l. Penult. C. de aquaeductu. Le Droit Romain fait cette difference entre-les arbres qui endommagent les maisons, et ceux qui nuisent aux fruits et aux terres ; que pour les premiers il ne suffit pas de les ébrancher, nais il faut les artacher, et pour les autres il suffit de les ébrancher jusqu’à quatre pieds de hauteur, l. 1. 8. 9. de arbor. cad.
La contestation la plus ordinaire est de sçavoir si le voisin doit avoir les fruits qui tombent sur son fonds, ou s’il est tenu de les rendre au proprietaire de l’arbre ; Le Droit Romain permettoit au proprietaire de les cueillir dans les trois jours, autrement l’on presumoit qu’il les avoit abandonnez : Si fructus ex arbore mea in euum fundum decidant, licitum est mihi tertio quoque die colligere, postea pro derelicto habeo, & sic vicino cedere, quod si me id facere vetat, latur actio de glande legenda, et l. Julianus. S. Glandes, D. ad exhib. Par le Droit Saxon les branches qui pendent sur le fonds du voisin luy appartiennent, comme aussi les fruits ; et si les buanches causent du dommage au voisin il les peut couper. Voyez le S. Si Titius, n. 5. instit. de rer. divil
Si un arbre est planté proche et joignant l’héritage d’autruy, et qu’il s’étende sur luy, et qu’il y prenne sa noutriture, il est reputé commun entre les voisins suivant la décision du S. Ex diverso instit. de rer. divis. Et ideo propè confinium arbor pofita si etiam, in vicini fundum radices egerit communis fit.
La maniere dont on en use en Normandie n’est pas certaine ; Par un. Atrost donné en la Chambre des Enquêtes au Rapport de M’Lamy, le 22. de Mars 1629. entre Bpssip et oznard.
Il fut dit que las fruits des branches d’un arbre qui s’étendoient sur le fonds vomin.-seroient garingez par moitié : L’Artest des Gondoüin que je viens de rapporter ne doit point être tiré en consequence, par la raison que j’en ay remarquée, et voicy le fait de l’Arrest qui fut donné e lendemain deuxième d’Aoust 1660. Un particulier demanda à son voisin les fruits de quelques poitiers qui tomboient sur son héritage, et il offroit de prouver qu’il étoit en possession de les avoir ; le voisin reconnoissoit qu’en l’année 1664. il luy en avoit donné, et que même en l’année derniere lors qu’il les cueillit il l’avoit averty pour luy en donner, mais hors cela bl dénioit toute possession, voulant prouver de sa part que c’étoit l’usage que le proprietaire avoit les fruits de ses arbres quoy qu’ils tombassent sur le fonds du voisin. Le Juge de Beaumont avoit debouté le Demandeur de son action, dont ayant appellé, de Cahignes son Avocat se fondoit sur la possession, et que ces arbres incommodoient son fonds, et que Sil en avoit l’incommodité il étoit juste qu’il en eût le profit. Theroude pour IIntimé citoit en sa faveur la I. Unique de glande leg. que l’usage étoit conforme au Droit Romain, ce qu’il offroit prouver et il s’aidoit de l’Arrest de Gondoüin : Par lArrest la Sentence fut cassée, et les fruits qui comboient sur le fonds du voisin luy furent ajugez. Les Juges témoignerent que dans l’Arrest des Gondoüin ils s’étoient fondez sur le fait particulier, et qu’ils n’avoient pas entendu juger la question generale.
Ces deux Arrests, dont l’un donna la moitié des fruits au voisin, et l’autre les luy ajugea tous entiers, peuvent être soûtenus de part et d’autre : On peut dire pour le premier qu’il n’est pas possible que les branches qui s’étendent sur le fonds du voisin ne luy causent quelque incommodité ; mais comme le droit de voisinage oblige les voisins à souffrit quelque in-commodité les uns pour les autres, il semble équitable de donner une pottion des fruits à celuy qui souffre le dommage et qui traite son voisin favorablement, en ne le contraignant pas de couper et de retrancher les branches de son arbre : On peut dire pour le second Arrest que le proprietaire doit être content de ce qu’on ne l’oblige pas d’ébrancher son arbres qu’il ne doit pas incommoder son voisin sans le desinteresser en quelque façon et que son fonds ne luy devant aucune Servitude il n’avoit aucun droit d’y entrer pour emporter ce qui se trouvoit sur iceluy.
Il faut avoüer que la Loy Romaine avoit beaucoup d’honnêteté en permettant au propriefaire de l’arbre d’aller ramasser ses fruits dans le champ prochain ; mais si le voisin ne vou-loit pas en user si civilement, ce seroit à mon avis assez le desinteresser que de luy donner tane à corrs e il iés Phi’hE gag.
DCIX.
En faisant partage et division entre coheritiers ou personniers de chose commune, dont l’une partie sert à l’autre, les vûes et égouts demeurent comme ils sont lors du partage, si par les lots et partages il n’est expressément dit du contraire.
Cet Article est fort équitable, car si aprés les partages un des coheritiers ou des associez pretendoit ôter ou diminuer les vûës et les égouts qui sont sur le partage de son coheritier ou de son associé les choses ne seroient plus égales, et il faudroit proceder à de nouveaux partages ; mais l’on presume que les parties sont demeurées tacitement d’accord que les choses subsistassent en l’état qu’elles étoient lors de la division, l. Binas ades, D. de Servit. Prad.
Vrban. et l. Quod conclave de damno infecto.
La Coûtume ne s’étant expliquée que pour les vûës et pour les égouts, il s’enfuit que pour les autres Servitudes qui étoient lors du partage, elles ne subsistent plus en l’état qu’elles étoient lors qu’il n’en est rien exprimé : Par exemple, une maison qui consistoit en trois étages a été divisée en trois portions sans aucune expression de Servitude, nonobstant cette omis-sion ceux qui possedent les parties superieures de la maison pretendent avoir passage par l’égage inferieur, se fondans sur ce qu’auparavant cette division le proprietaire en usoit de cette manière, et que suivant cet Article aprés le partage ou la division entre coheritiers les Servitudes demeurent en l’état qu’elles étoient, et quoy que la Coûtume n’ait parlé que des vûës et égouts, la raison étant pareille pour les autres Servitudes, il faut suivre sa disposition pour celles-là comme pour les autres, ce qui est conforme au Droit Romain, l. Binas edes, D. de Serbit. Vrban. Prad. Le propriétaire de la partie inferieure allégue pour sa défenfe que toutes choses sont libres de leur nature, et que l’on ne peut pretendre de Servitude sur un fonds si elle n’est exprimée, que la Coûtume n’ayant excepté de la regle generale que les vûës et les égouts, elle la confirmée pour toutes les autres Servitudes dont elle n’a point fait mentiona qu’aprés tout il y avoit grande différence entre la Servitude de vûë et d’égout et celle de passage ; la premiere ne cause le plus souvent aucune incommodité, et comme elle subsistoit lors du partage, on ne pourroit les ôter sans faire une innovation et sans changer l’état des choles le droit étant acquis dés le moment du partage, parce qu’il subsistoit déjamais un droit de passage est fort incommode, parce que l’usage en est presque continuel, et pour joüir de ce droit de passage qui ne subsistoit point lors que l’on a partagé il faut innover et entreprendre de passer sur le fonds d’autruy : aussi la l. Si via constitui, at. 8. Uva-cumque, de Servit. Prad. Rust. décide expressément le contraire. Pour refoudre cette question il faut dire que ce passage n’est point dû au coheritier s’il ne la point retenu, mais qu’il luy doit être accordé en dédommageant
Il faut dire de même du droit de puiser de reau au puits qui servoit à toute la maison auparavant la division d’icelle ; car Celuy au lot duquel il sera compris n’est point tenu de souffrit cette Servitude si elle n’a été erpressément réservée, quand même on offriroit de le desinteresser, parce que l’on peut en aller puiser ailleurs, quoy qu’on le fasse avec plus d’incom-modité
Outre les vûës et les égouts qui doivent demeurer comme elles étoient lors du partage, il y a encore d’autres Servitudes qui doivent subsister en l’état qu’elles étoient lors de la division : par exemple, si les sommiers sont portez sur la portion du coheritier, ce coheritier n’auta pas d’action pour les luy faire ôter suivant la l. Binas ades, S8. et la suivante D. de Papinien iervit. Vrban. Prad. Binas quis ades una contignatione junctas utrasque diversis legavit, nullam invicem habituros actionem, jus non effe immissum habere ; Papinianus répondit, et afin que l’on ne pût objecter que cela ne devoit avoir lieu qu’entre des legataires, parce que l’on presume que l’intention du testateur a été, ut contignationes sicut erant starent ; la Loy suivante ajoûte idem esse si duobus ades cesserint.
peut naître plusieurs difficultez touchant les repatations de la maison qui a été partagée et divisée : L’on pratique ordinairement que chacun doit entretenir la portion qui luy appartient ; celuy qui a la partie inferieure, les murailles et le premier étage ; et celuy qui a le lessus, le comble et la couverture. Les Coûtumes de Nivernois, Titre des Maisons, Art. 3.
Auxerre, Art. 116. Orléans, Art. 257. Berry, des Servitudes réelles, Art. 15. et 16. et plusieurs autres en disposent à peu prés de cette manière : Mais Coquille sur cet Art. 3. de la Coûtume de Nivernois, estime que si la muraille venoit à manquer dés le fondement sans la faute de celuy à qui le bas appartient, elle devroit être rebâtie à frais communs par tous les proprietaires, parce que le tour, tant le haut que le bas, est une même chose, et que cette division du haut et du bas n’est pas proprement une division de la proprieté, mais un accomnodement pour la facilité de la joüissance, de sorte que celuy qui possede le bas et celuy qui possede le haut sont tous deux seigneurs du total par moitié indivise ; ainsi ce qui concerne la nouvelle structure est à la charge de tous deux, ce qui me paroit équitable.
DCX.
Tout mur et paroy auquel sont construites armaires, fenêtres, ou corbeaux, attribuent le mur à celuy du côté duquel sont lesdites armaires, ou fenêtres, sinon en cas qu’il s’en trouvât des deux côtez, auquel cas ledit mur est censé metoyen.
Les murs qui font les separations des maisons et des héritages donnent oecasion à beaucoup de procez, soit pour sçavoir s’ils sont metoyens, ou s’il est permis d’y faire des vûës ou des ouvertures, oyde les hausser sans le consentement du voisin, et c’est le sujet de cet Article, et des suivans.
La Coûtume déclare en cet Article les marques qui donnent à connoître qu’un mur est meroyen : La Coûtume d’Orléans s’en exprime à peu prés en la même manière : D’autres Coûtumes désirent d’autres marques ; mais il appartient principalement aux Maçons de juger si un mur est metoyen ou s’il ne l’est pas : C’est pourquoy par la Coûtume de Paris, Art. 184. en toutes matieres sujettes à visitation les parties doivent convenir en jugement de Jurez ou Experts, et gens à ce connoissans : Cependant pour ne rendre ces Experts tout à fait les maîtres, cette Coûtume ajoûte que tout mur auquel sont construites armaires, fenêtres et corbeaux attribuent le mur à celuy du côté duquel sont lesdites armaires, sinon en cas qu’il s’en trouvât des deux côtez, auquel cas il est cense metoyen. La Coûtume de Châlons, Article 135. est conforme à la nôtre. Capola de Servit. Prad. Vrban. c. 40. donne plusieurs moyens pour connoître si un mur est metoyen ou s’il ne l’est pas, et le principal est le même dont la Coûtume se sert : Voyez Coû. Instit. du Droit François, Titre des Servitudes réelles : Parl’Article 111. de la Coûtume de Paris, tous murs separans cours et jardins sont reputez metoyens, s’il n’y a titre au contraire ; et par le Droit Romain, in dubio paries communis est. l. In pariete de damne nfect. Comme en Normandie la plus grande partie des terres est enclose de fossez, il eût été fort utile aprés avoir enseigné les moyens de connoître et de discerner fi un mur étoit meroyen, de déelarer en mêne temps comment l’on peut juger si un fossé est commun ou s’il ne l’est pas, ou si la proprieté en appartient à un seul. La Glose sur la l. 2. 8. Praterea. de aqu. plu. arcend. dit que le fossé de deux héritages appartient en commun, à ceux qui sont des deux côtez.
Mais l’argument que l’on tire ab arbore in confinio positâ, aut à lapide in utrumque fundum se exrendente, n’est pas concluant ; la difference est grande entre l’arbre qui prend sa nourriture du fonds, et la pierre qui s’étend sur l’un et sur l’autre héritage, et le fossé qui les separe. En Normandie comme en plusieurs autres lieux, le fossé est censé appartenir à celuy du côté duquel est le jet de la terre. Que si le jet est des deux côtez, ou qu’il n’y ait aucune apparence de. jet, il est reputé commun. Nous n’avons sur ce sujet aucune décision en la : Coûtume d generale ; mais par l’Article 4. des Usages Locaux de la Vicomté de Vernon, il est dit que la lante douve ou jettée du fossé appartient à celuy du côté duquel elle est jettée et plantée, s’il n’y a tirre, borne ou possession au contraire : C’est inutilement que l’on a remarqué cet Usage comme Cocal en la Vicomté de Vernon, puis qu’il est general par toute la Province.Tronçon , sur l’Article 211. de la Coûtume de Paris, par lequel les murs qui separent les courts et jardins. sont reputez communs, dit que dans cette Coûtume la difficulté est grande pour les hayes vives qui separent les courts et jardins ; par la raison dudit Article elles seront reputées me-toyennes, s’il n’y a Titre au contraire, ou quelque marque de heurt et jet de fossé. Il ne resoud point cette difficulté, mais il cite la l. Id quod, S. 1. de per. et con. rei ven. Régulière-ment si celuy qui pretend la haye ne justifie point qu’elle soit plantée sur son héritage, elle est reputée commune.
DCXI.
De tout mur metoyen chacun des voisins auquel il appartient, peut s’aider et percer ledit mur tout outre, pour asseoir ses poutres et sommiers, en bouchant les pertuis, même pour asseoir les courges, et consoles des cheminées à fleur dudit mur : et est tenu en édifiant le tuyau ou canal de ladite cheminée, laisser la moitié dudit mur entier, et quatre pouces en outre pour servir de contrefeu. Et ne pourra le voisin mettre aucuns sommiers contre ny à l’endroit de ladite cheminée qui aura été premierement bâtie.
Licet tignum immittere in parietem communem, et si socius id fieri prohibeat adversus eum datur interdictum ; uti possidetis, & actio pro socio, et communi dividundo, l. Si ades i2. D. com. muni divid.
Il est permis de se servir d’une chose commune lors qu’on le fait pour l’usage auquel elle est destinée, ces sortes de murs n’étant pas faits seulement pour separer les mailons, mais aussi pour servir à la commodité des proprietaires. La Coûtume de Paris, Article 207. permet bien au voisin d’asseoit les poutres de sa maison dedans le mut metoyen, mais c est à condition de faire mettre jambes, parpaignes, et corbeaux suffisans pour porter lesdites poutres ; Ce qui doit être gardé par tout lors que les murs n’ont pas assez d’épaisseur pour porter une grande charge suivant la l. Sed ita, D. de damno infect. la muraille est teputée suffisante, si utrarumque adium onera quaee modo jure imponantur communis paries ferre possit, et par l’Art. 208. de la même Coûtume, l’on ne peut loger les poutres que jusqu’à la moüié de l’épaisseur dudit mur, et au point du milieu.
DCXII.
En tout mur metoyen le voisin ne peut sans le consentement de son voisin faite vûës, ne contre iceluy faire égouts ou citernes : ne peut aussi le hausser en son integrité ; mais bien se pourra aider de ladite moitié et la hausser si ainsi est que le mur soit assez fort et épais pour commodément porter la structure, et servir aux choses pour lesquelles il est haussé.
Régulièrement en chose commune l’on ne peut rien faire contre le gré l’un de l’autre, in re communi nemo dominorum jure facere quicquam alteri invito potest, l. Sabinus. D. com. divid. cela sur tout doit être garde fort exactement pour les vûes, à cause des incommoditez que l’on en peut recevoir à moins que le copropriétaire ou le Seigneur de l’héritage voisin n’y donne son ronsentement, et encore que les vûës fussent à sept pieds de hauteur et à verre dormant ; car cela n’est permis que dans les vûës dont on a la proprieté entière : Il y a neanmoins des Coûtumes qui le permettent, comme celle du Maine, Article 463. Anjou, Article 455. mais cela ne se peut sans une disposition expresse de la Coûtume, ou la permission du propriétaire. Cela est défendu par l’Article DexV. de nôtre Coûtume.
Non seulement l’on ne peut faire de vûës en un mur metoyen, on ne le peut aussi hausser : La Coûtume de Paris, Article 195. donne cette liberté au voisin de hausser à ses dépens e mur metoyen, pourvû toutefois que le mur soit suffisant pour porter le rchaussement. Nôtre Coûtume est plus équitable, en ce qu’elle permet au voisin de s’aider de sa moitié, pourvû gue le mur soit assez épais pour porter la structute ; car pourquoy priver le copropriétaire de se moitié du mur, comme il arriveroit si le plus diligent pouvoit hausser le mur metoyen si haut que bon luy sembleroit, ce qu’il ne feroit peut-être que pour incommoder son voisin. a Rome la hauteur des bâtimens étoit limitée, et les particuliers ne les pouvoient pas hausser à leur volonté, l. 1. C. de edific. priv. Sous les Empereurs Auguste et Trajan la hauteur des maisons Strabo fut reglée à soixante pieds. Smabo, l. 1. Sextus Aurelius Victorin Frajano. Il n’est pas permis de faire des entrées de caves ou des degrez qui entreprennent sur la rue publique, ny de faire aux maisons des avances et faillies sur les ruës ; et par l’Article 95. de l’Ordonnance d’Orléans, il est commandé d’abatire toutes faillies et avances sur las ruls publiques : Pour éviter les innovations et les entreprises que l’on pourroit faire sur un mut metoyen, la Coûtume de Pa-tis, Article 203. défend aux Maçons d’y toucher sans y appoller les voisins qui y ont interest.
DCXIII.
Contre-mur metoyen aucun ne peut faire chambres aisées ou citernes, sinon en faisant bâtir contre-mur de trois pieds d’épais en bas et au dessous du rez de terre, pierre, chaux et sable tout à l’entour de ladite fosse destinée ausdites chambres ou citernes.
Plusieurs Coûtumes ordonnent la même chose, cela étant necessaire pour la santé et l’honnêteté, et afin que ces sortes d’ouvrages n’endommagent le mur metoyen, et ne portent préjudice au voisin par leur puanteur ; et comme il n’importe pas moins au public que ces lieux soient curez et nettoyez pour éviter l’infection, les proprietaires sont obli-gez de le faire lors qu’elles sont pleines, publice salutis et securitatis interesse cloacas et loca putida purgari, 1. De pupillo 5. S. 8i quis rivos, D. de oper. nov. nuntiat. Mais il arrive fouvent de a difficulté, pour sçavoir comment et aux dépens de qui ces lieux doivent être curez lors qu’ils sont commsshs : La Coûtume d’Orléans est singulière fut ce fujet, Article 249. elle veut que quand il y a puits, égouts ou latrines communes entre deux parties, les curages se doivent faire aux dépens des parties y ayant droit. Et si la vuidange est faite par l’héritage de l’une des parties, les auires parties seront tenuës confecutivement d’endurer la vuidange Un Particulier de Lyons ayant baillé sa maison à loyer à un Maréchal qui faisoit sa forge de ladite maison, dont la cheminée n’étoit que d’argille, le proprietaire de la maison voisine joi-gnant ladite cheminée craignant un incendie, à cause que la cheminée étoit en mauvais état, mit en action le proprietaire de cette maison occupée par le Maréchal, pour se voir condamner à faire faire ladite cheminee de pierre, brique ou moüaillon, fuivant cet Article, et jusqu’à ce qu’il y eût satisfait, le demandeur concluoit que défenses devoient être faites au Maréchal de travailler ; ce qui ayant été jugé par le Vicomte : Sur l’appel du proprietaire la Sentence fut confirmée, par Arrest du 4. de Mars 1652. plaidans Lyout, Heroüet et Theroude.
DCXIV.
Qui veut faire forge, four ou fourneau contre le mur metoyen, doit laisser demy-pied de vuide d’intervalle entre deux du mur, du four ou forge, et doit être ledit mur de pierre, brique ou moüaillon
Il n’est pas toûjours permis de faire dans son héritage tout ce que l’on veur, lors que cela nuit au voisin, sur tout il est défendu de faire des forges ou des fourneaux contre le mur metoyen, qu’en les barissant de telle maniere qu’ils ne puissent endommager la paroy voisine, et qu’il n’en arrive aucun incendie : Cela est décidé par le Droit Romain, 1. Quidam. Hiberus de Servit. Vrban. Prad. et par la l. Fin. D. Fin. Reg. Quoy que la muraille fût faite à chaux et à sable, il falloit laisser une espace de deux pieds : Par la Coûtume de Paris, Article 190.
Qui veut faire forges, four, ou fourneaux contre le mur metoyen, doit laisser demy-pied de vuide et intervalle entre deux du mur, du four, ou forge, et doit être ledit mur d’un pied d’époisseur : Suivant cet Article, il faut laisser les mêmes intervalles ; mais au lieu d’un pied d’épaisseur, le mur doit être de pierre, brique ou moüaillon.
DCXV.
En mur metoyen ne peut l’un des voisins sans l’accord et consentement de l’autre, faire fenêtre ou trous pour vûës en quelque manière que ce soit, à verre dormant ny autrement.
Cet Article est pris mot à mot de l’Article 199. de la Coûtume de Paris : On n’a pas le même droit de faire dans un mut metoyen, tout ce que l’on pourroit faire dans une muraille dont on auroit la proprieté toute entière : Il étoit bien défendu par l’Article DeXII. de faire vûës en mur metoyen, sans le consentement du voisin ; mais l’on pouvoit encore douter s’il seroit permis d’en faire à verre dormant ; Pour lever cette difficulté, la Coûtume déclare que l’on ne peut faire fenêtres ou trous pour vûës en quelque maniere que ce soit à verre dornant ny autrement, ce que nous avons imité du Droit Romain ; Eos qui jus luminis immitrendi non habuerunt aperto pariete communi nullo jure fenestras immisisse respondi : l. Eos, D. de Seroit. vrb. Prad, et en la l. Altius. C. de Servitut. in pariete tuo si fenestram Julianus fecisse convinicatur sumptibus suis opus tollere et integrum parietem restituere compellatur La Coûtume de Paris, Article 201. dit que verre dormant est verre attaché et scelle en platre qu’on ne peut ouvrir ; Quelques autres Coûtumes l’appellent verre mort. Meaux, Article 76.
Melun, Article 190. ce doit être un verre épais, à travers duquel les yeux ne puissent penetrer.
DCXVI.
Toutefois si aucun a mur à luy seul appartenant, joignant sans moyen à l’heritage d’autruy il peut en iceluy mur avoir fenêtres lumieres ou vûës, pourvû qu’elles soient sept pieds en haut, tant au premier que second étage, le tout ferré et vitré, sans qu’il puisse ouvrir, et que cela puisse préjudicier son voisin voulant batir contre, s’il n’y a Tître particulier au contraire.
Quoy que chacun puisse user de ce qui luy appartient à sa volonté, on doit empescher l’incommodité que le voisin en reçoit, l. Proculus. D. de dam. infect. Neanmoins on a moderné certe liberté pour le bien et pour le repos de la Société Civile : Les Loix fyant sagement orlonné que les droits de Cité qui conservent les hommes sont préférables aux interests et aux desseins des particuliers, et par cette raison publique il n’est pas permis aux Habitans des Villes dont les maisons sont joignantes les unes aux autres d’user de leurs héritages, en sorte qu’ils causent de l’incommodité à leurs voisins, particulierement en y faisant des ouvertures pour s’y donner des vûës ; les anciens neanmoins n’étoient pas si difficiles, car Harmenopale a remarqué que neque legibus cavetur, neque ex veterum adificiorum ratione licet colligere, ne in ades vicini ateat adspectus, necveteres hanc injuriam putasse, nulla enim veteres illi invidia laborabant.Harmenop . l. 2. c. 4. l. Eos, D. de Servit. Vrb. Prad. le proprietaire du mur joignant sans moyen à l’héritage. l’autruy, ne peut avoir que cecum parietem, comme l’appelleHarmenopale , c’est à dire une muraille sans ouverture jusqu’à une certaine hauteur ; car il y a différence inter jus luminum, & jus prospectus. Le droit de vûé jus prospectus consiste en cette liberté d’avoir une ouverture ur l’héritage d’autruy pour y régarder : Le droit de clarté jus luminum sert seulement pour recevoir la lumière sans régarder
Sur cela les Interpretes de Droit ont fait cette Question, si celuy qui ne peut hausser se maison, quia debet servitutem altius non tollendi, pourroit planter des aibres : La Loy Rdificia, 9. de Servit. Vrb. Prad. dit que la plantation d’un aibre n’est point contre la Servitude, altius non tollendi, mais quelle seroit contre la Servitude, ne officiatur prospectui edificia quae Servituem patiuntur altius non tollendi, viridaria supra eam altitudinem habere possunt : At si de prospecta sunt, et obstatura, non possunt
Cette prohibition neanmoins de faire ouverture à son mur lors qu’il est joignant sans moyen à l’héritage d’autruy n’est pas indefinie, car le propriétaire peut avoir des vûes, pourvû qu’eles soient suivant cet Article sept pieds en haut, tant au premier qu’au second étage, et qu’el-les soient ferrées et vitrées sans les pouvoir ouvrir. La Coûtume de Paris donne encore moins de liberté au proprietaire, il ne peut avoir de fenêtres ou de vûës qu’à neuf pieds de haut quant au premier étage : Et c’est presque une Loy generale par toute la France que l’on ne peut aire de vûës dans son mur, qu’à sept, huit, ou neuf pieds de hauteur, pour éviter les querelles enire les voisins, et afin que chacun puisse joüir dans sa maison d’une honnête liberté L’Empereur Eenon en la l. Quo ex pace frui, 5. 3. C. de priv. Ad. ne permettoit pas de faire les vûës luciferas, nisi sex pedum servato ab imo pavimento in altum intervallo : Par la Coûtume de Paris, Article 200. l’on ne peut avoir lumieres ou vûës qu’à neuf pieds de haut au dessus du res de chaussée de terre quant au premier étage, et quant aux autres étages, de sepr pieds au dessus du res de chaussée, le tout à fermaille et verre dormant : Par l’Article 455. de la Coûtume d’Anjou, l’on peut faire vûë sur soy, et ny eût-il que demy pied à y voit ; et sur son voisin se peut faire fenêtres ou vûës à sept pieds de haut, qui seront grillées et entées à verre dormant : L’on a demandé si cet Article devoit avoir lieu pour les vûës que l’on voudroit avoir sur les héritages voisins, mais sur lesquels il n’y auroit point de bâtimens que fort éloignez : Il n’y a pas d’apparence d’étendre cet Article si loin, il ne doit être entendu que des maisons pour n’incommoder pas le proche voisin. Le Parlement de Paris l’a jugé de la sorte, par Arrest rap-porté dans la troisième partie du Journal des Audiences, l. 2. c. 23. et que l’Article 202. de la Coûtume de Paris conformément à celuy-cy devoit être expliqué de cette manière.
Puis que la Coûtume défend d’ouvrir la muraille pour y avoit des vûës, lors qu’elle joint sans moyen à l’héritage d’autruy, elle devoit ordonner en même temps quel espace de terre le proprietaire devoit laisser entre son héritage et celuy de son voisin pour y pouvoir faire des fenêtres.
L’Empereur Eenon en cette même Loy, ex quo pace frui, 5. 2. dont je viens de parler, ne manqua pas de prevenir cette difficulté, faisant défense d’élever sa maison ny d’y faire des fenêtres, nisi duodecim pedes relinquat intermedios inter utramque domum La Coûtume de Paris a eu aussi cette prevoyance par l’Article 202. Aucun ne peut faire vues droites sur son voisin, ny sur places à luy appartenantes, s’il n’y a six pieds de distance entre ladite vue et l’héritage du voisin, et ne peut avoir bées de côté s’il n’y a deux pieds de distance Tronçon sur cet Article dit que cette Coûtume appelle vûë droite celle qui est libre, et vié bée celle qui donne seulement un jour, lumen, idest ut celum videatur. D’autres Coûtumes ordonnent un espace beaucoup moindre ; celle du Perche, Titre 14. Article 217. permet à toutes personnes de faire vûës en sa maison, pourvû que le regard soit sur soy, et n’y eût-il du sien qu’un pied de terre ; et par celle d’Anjou, Article 455. l’on peut faire vuës sur soy, et n’y eût-il que demy pied à voir.
Bérault a agité cette question, et suivant son sentiment il suffiroit de laisser deux pieds seulement. Il me sembleroit raisonnable de faire la distinction contenuë dans l’Article 202. de la Coûtume de Paris, à sçavoir que pour faire des croisées et avoir des fenêtres ouvertes et des vûës droites, comme parle cette Coûtume, il faudroit une distance de cinq ou six pieds ; mais pour n’avoir des vûës que de côté il suffit que la distance ne fût que de deux pieds.
DCXVII.
Il est loisible à un voisin contraindre par Justice son voisin à faire réfaire le mur metoyen et édifice corrompu menaçant ruine, et d’en payer chacun sa part, selon la portion qu’ils ont audit mur ou édifice metoyen : et s’il n’est metoyen, le proprietaire peut être contraint à le redresser ou abattre.
Cet Article est imité de la Loy Edibus, D. de damno infecto ; et de la Loy Si ut proponit de adif. priv. C. et nous l’avons pris mot pour mot de l’Article 205. de la Coûtume de Paris, et il contient deux dispositions : Par la premiere, il est loisible àa un voisin de contraindre par Justice Son voisin à faire réfaire le mur meroyen, et édifice cortompu menaçant ruine, et l’en payer sa part : Et par la seconde, si le mur n’est metoyen le propriétaire peut être contraint à le redresser ou abatre.
En consequence de ces paroles, contraindre en Justice, il ne faut pas s’imaginer que le voisin puisse commencer par une execution de biens pour contraindre son voisin à contribuer à la reparation du mut metoyen, il le doit requerir, comme dit la Coûtume de Bretagnes.
Art. 350. testato convenire, le faire sommer d’y fatisfaire, et en cas de refus il semble que l’inrention de la Coûtume soit que le consoit l’y fasse condamner par Justice, si toutefois la ne-cessité de reparer étoit si pressante que le voisin n’eût pas le temps de dénoncer le peril ou de faire la sommation, le voisin qui auroit avancé les frais ne laisseroit pas d’avoir action pour les repeter ; mais en ce cas il faudroit en faire faire l’estimation, c’est pourquoy le plus seur est d’interpeller le voisin de contribuer, et à son refus de faire dresser un Procez verbal de état de la chose, et de faire bannir au rabais les reparations si elles sont assez considérables pour y garder cette formalité ; car s’il ne s’agissoit que de simples reparations il suffiroit de commer le consort et de prendre quitrances des ouvriers. Si le voisin refuse de payer ou qu’il n’ait pas dequoy payer, de quelle maniere pourra-t’on indemniser le voisin : L’on fait cette distinction si c’est une chose qui ne porte aucun fruit, comme une muraille, en ce cas elle doit demeurer entière à celuy qui a repaté : que si la chose produit quelque fruit, comme un edifice ou un moulin, celuy qui ne veut point rembourser doit perdre les fruits qui demeurent à celuy qui a avancé les frais jusqu’à concurrence de ce qu’il luy a coûté avec les in-terests, autrement il ne seroit pas desinteressé entièrement ; Bretagne, Art. 350. Par le Droit Romain si un associé ou un consort avoit avancé de fargent pour la reparation ou le rétablisement de la chose commune, l’on donnoit quatre mois à l’associé pour le rembourser en ayant les interests, que s’il ne le faisoit pas le fonds étoit ajugé à celuy qui avoit avancé les frais, l. Cum duobus. S. Idem répondit Socius, D. pro socio. l. Si ut proponis, C. de edif. priv.
Il me paroitroit juste que le consort ou le coheritier pût toûjours rentrer en la possession de son fonds, en dédommageant pleinement son associé.
Comme il arrive souvent que dans les villes les maisons sont partagées de telle manière, que l’un a le bas et l’autre le dessus, cela cause souvent de la contestation, pour sçavoir comment chacun doit contribuer aux reparations. J’ajoûteray quelque chose à ce que j’ay dit sur Article Delx. Plusieurs Coûtumes ont réglé cette difficulté : Pour ce qui concerne le corps du bariment, suivant l’Article 257. de la Coûtume d’Orléans, celuy qui a le bas est ienu de toûtenir et d’entretenir les édifices étans au dessous du premier plancher, ensemble le premier dlancher ; et celuy qui a le dessus est tenu de soûtenir et d’entretenir la couverture, et autres édifices qui sont sous irelles jusques audit premier plancher.
La condition de celuy qui a le bas de la maison est la plus onereuse, eur il doit entretenir les murailles d’alentout jusqu’au premier étage, et c’est cetto Servitude que le Droit appelle Servitutem oneris ferendi, ce qui engage le proprietaire d’entretenir toûjours en bon état les murallles destinées à supporter toute la charge du batiment, l. Eum debere, D. de Seroit.
Vrban. Prad. Il est vray que le possesseur de la partie superieure ne doit pas surcharger le fonde Cujas outre mésure, autrement il seroit responsable du dommage qui seroit causé par cette surcharge, 1. Cujus, D. eod. mais il peut s’en servir selon raison et autant que la condition de la chose le peut souffrir, etiam de servitute que oneris ferendi causa impofita erit actio nobis cometit, ut & onera ferat, et edificia reficiat ad eum modum ejus qui servitute imposita comprehensus est-l. Et si S. 5. 1. D. de Servit. Vrb. Prad
Mais on fait cette question touchant l’escalier, s’il doit être entretenu par le détenteur seul de la partie superieure, ou si tous deux doivent y contribuer lors qu’il n’en est rien exprimé par les partages ; Par la Coûtume de Montargis, Chap. 10. Art. 13. la repatation de s’escalier et montée doit être faite aux dépens de celuy à qui le haut appartient, cela est juste si luy seul se sert de l’escalier, et s’il en a toute la commodité ; mais si le possesseur du bas s’en sert aussi jusqu’à son premier étage il doit y contribuer à proportion de l’usage qu’il en a Pour le pavé de la rué étant devant la maison, la dépense en doit être acquitée par moitié dors qu’il n’en est rien dit par les partages.
Dans la derniere partie de cet Article, la Coûtume dispofe que si le mur n’est metoyen, le propriétaire peut être contraint de le redresser, ou abatre ; cela n’a lieu toutefois que quand il menace ruine : Si le propriétaire ne voulant ou ne pouvant redresser son mur le fait abatre, pourra-l’il être contraint par aprés à le redifier : L’on peut induire des termes de cet Article que le propriétaire n’est point obligé de réfaire un nouveau mur ny de se clorre s’il ne veut ; car si cela étoit, au lieu de condamner simplement le propriétaire d’abatre son mur, la Coûtume auroit obligé de le reparer ou de le redifier : mais s’il étoit vray qu’un voisin peut contrain. dre son voisin à se clorre, la Coûtume se seroit expliquée d’une autre maniere, et il auroit fallu concevoir l’Article en ces termes, que se proprietaire peut être oontraint d’abatre son mus lors qu’il menace ruine et d’en construire un autre en sa place : L’on répond que ne s’agissant en cet Article que de reparations necessaires à faire aux muts qui servent de separations entre les voisins, elle prescrit ce qui doit être fait pour les reparer lors qu’ils sont meroyens et lors qu’ils ne le sont pas ; quoy qu’un voisin n’ait pas droit régulierement de contraindre son voisin de reparer ses maisons ou ses murailles, néanmoins lors qu’elles menacent ruine, et que par seur chute il pourroit en être incommodé, en ce cas la Coûtume veut que le propriétaire puisse être contraint d’abatre son mur pour éviter aux inconveniens qui en poutroient arrivermais au surplus elle n’a pas dérogé au Droit commun, suivant lequel un voisin peut contrain-dre son voisin de se clorre.
L’on peut dite que la disposition de cet Article est impar faite ; car aprés avoir reglé de quelle maniere on en devoit user pour les murailles qui servent de separation entre voisins, il eût été soit à propos d’ajoûter comment l’on en doit user lors qu’il n’y a ny mutailles, ny fossez, ny hayes qui fassent separation entre les voisins, sur tout pour les maisony des villes, qui pour la seureté des habirans doivent être nécessairement closes et fermées. Nos Reformateurs ont emprunté la meilleure partie des Articles contenus en ce Titre des Servitudes, de la Coûtume Reformée de Paris, et je ne sçay comment ils n’ont point inseré dans leur nouvelle Coûtume les Articles 209. et 210. de celle de Paris, parce qu’ils sont fort necessaires, et que l’omission qui en a été faite a fait naître souvent des procez par l’Article 209. de la Coûtume de Paris, chacun peut contraindre son voism és villes et fauxbourgs de la Vicomté et Prevôté de Paris à contribuer pour faire faire clôture, faisant separations de leurs maisons, courts et jardins assis esdites villes et fauxbourgs ; et l’Article suivant déclare que hors les villes et fauxbourgs on ne peut contraindre son voisin à faire mur de nouvel separant les courts et jardins, mais bien les peut-on contraindre à l’entretenement et refection necessaires des murs anciens, si mieux le voisin n’aime quiter le droit de mur et la terre sur equel il est assis.
Mr Josias Berault a dit sur cet Article que nous suivons l’Article 209. de la Coûtume de Paris, quoy que la nôtre n’en ait fait aucune mention, et cela paroit juste pour les villes à cause de la necessité qu’il y a de se clorte, et par consequent les voisins y doivent être égaement tenus, pour les maisons, courts et héritages des champs nous pratiquons aussi l’Article 210. de la même Coûtume, comme il a été jugé sur ce fait entre deux habitans de Bourg d’Elbeuf : L’un d’iceux pretendoit qu’Elbeus étant un grand Bourg l’on en devoit user comme en la Coûtume de Paris : l’autre au contraire soûtenoit que la Coûtume de Normandie n’ayant fait aucune regle sur cette matière, chacun demeuroit en liberté d’en user à sa volonté ; mais qu’aprés tout la Coûtume de Paris luy étoit favorable, vû que par l’Art. 2r0.
qui sert d’exception au precedent, il est expressément porté que hors les villes et fauxbourgs. l’on ne peut contraindre son voisin à faire mur de nouvel separant les courts et jardins ; or Elbeul n’étant point une ville, il ne pouvoit suivant cet Article être contraint à faire mur de nouveaul et ce qui rendoit sa Cause plus infaillible, étoit que son héritage n’étoit pas dans le corps du Bourg : Le Juge d’Elbeuf ayant donné Sentence conformément à ces raisons par Arrest en la Chambre de l’Edit du 12. Mars 1665. la Sentence fut confirmée ; plaidans de l’Epiney pour’Appellant, et moy pour l’lntimé
Suivant cet Arrest, il faut tenir pour Maxime que dans les Villes l’on peut contraindre un Godefroy voisin à se clorre, mais qu’ailleurs il n’y est point obligé. Godeftoy, sur cet Article propose cette difficulté, si celuy-qui a fait des clôtures et des fossez aux champs, peut être contraint de les reparer ou de les démolir ; L’opinion de ceux qui tiennent l’affirmative luy semble plus plausible ; parce, dit-il, que laissant la haye de bout ; l’autre voisin seroit empesché de noutir ucune plante au fossé qu’il feroit sur les héritages adjacens, et que sa haye portant ombrage. aux héritag et voisins, et les rendant moins fertiles, il est juste qu’il porte les frais de l’entreenement : Mais la Maxime étant cettaine que pour les héritages l’on ne peut être contraint de se clorre, un voisin peut laisser déchoir la haye ou le fossé qu’il a fait, ou le démolir entierement, et le voisin n’a point d’action pour s’en plaindre, parce qu’ayant été en sa liberté de ne faire pas de fossé, il peut le laisser remplir ou le démolir comme il trouve à propos n’étant pas obligé pour la commodité de son voisin de faire des frais poûr l’entretenit, et si le voisin veut être clos, il doit en faire la dépense : Et c’est aussi constamment l’usage en cette Province, que le proprietaire ne peut être contraint de reparer les fofsez qu’il a faits aux champs, nemo enim cogi potest ut vicino prosit, sed ne noceat : In summa, 3. ltem Varus, D. de aqua, et aqu. plu. arcend. Si neanmoins le voisin vouloit reparer à ses frais le fossé, le propriétaire seroit tenu de le souffrir, comme il est décidé dans ce même Paragraphe, mihi actio competit advessus vicinum, si velim aggerem restituere, qui factus quidem mihi prodesse potest, ipsi èrèe nihil nociturus est, hec aequitas suggerit et si jure deficiamur. érault atreste encore sur cet Article qu’il fe pratique dans la ville de Roüen, que celuy qui a un mur joignant immediatement entre son voisin, peut être contraint de faire une contreparoy de hauteur de sept pieds : Je ne sçay pas si cela se pratiquoit de son temps, mais cela n’est plus en usage ; il seroit injuste et incommode aux proprietaires de faire ces contreparois qui seroient d’ailleurs inutiles.
Si le voisin veut reparer sa muraille et qu’il ne le puisse sans passer sur l’héritage de son voisin, ou sans le dédommager, ce voisin est obligé de le permettre en reparant le dommaJe qui peut avoir été fait, l. Si quis sepulchrum, D. de Relig. et sumpt. fun. l. Julianus, S. glans.
D. Ad exhib. Coûtume de Bretagne, Article S59.
DCXVIII.
Relais ou armaires ne font marques de proprieté, du côté dont elles sont faites, si elles ne font accompagnées de pierre de taille traversant tout le mur.
DCXIX.
Quand aucun met hors de ses mains partie de sa maison, ou une maison qui a vûë et égouts, ou autre servitude sur un autre qu’il retient à soy, il doit specialement et nommément déclater quelles Servitudes il retient sur l’héritage qu’il met hors de ses mains, ou quelles il constituë sur le sien, tant pour l’endroit, grandeur, hauteur, mesure, que espèce de Servitude : autrement l’heritage vendu demeurera libre au prejudice du vendeurs.
DCXX.
Et pour le regard de la maison retenuë par le vendeur, les choses demeureront en l’état qu’elles étoient.
Cet Article comme plusieurs autres de ce Tître est conforme à l’Article 21s. de la Coûtume de Paris et au Droit Romain, in tradendis unis ab eo qui binas ades habet species servitutis exprimenda est. l. In tradendis, l. Quidquid D. Communia.
Par Arrest donné au Rapport de Me Btice le 7. de Juillet 1666. il a été jugé qu’un Particulier qui avoit fieffé une partie de sa maison, et l’autre qu’il avoit gardée ayant vûës sur celle qu’il avoit fieffée, sans avoir retenu ce droit de Servitude, ne pouvoit être forcé de boucher ses vûës : L’Arrest donné en faveur de Pernelle, Chapelain de Sainte Catherine de Roüen ; la raison de décider étoit fondée sur cet Article, et l’on ne devoit presumer que celuy qui fiefroit une partie de sa maison eût voulu se faire un préjudice si notable sans une expression par-ticulière.
DCXXI.
En division d’héritage entre coheritiers, si une court et un puits leur sont communs pour passer et repasser par la court, et puiser de l’eau au puits, le proprietaire pourra faire clorre de muraille la court, et fermer de portes ; parce que les coheritiers pour leur usage auront chacun une clef des serrures : et ne pourra ladite servitude être possedée par autre personne que par celuy ou ceux lesquels possedent les héritages, à cause desquels est dûë ladite servitude.
DCXXII.
Tout Chemin Royal doit avoir pour le moins quatre toises, et ne peuvent les proprietaires faire, plants et fofsez qui l’étrecissent.
Le Droit Romain et plusieurs Coûtumes de France ont fait distinction entre les chemins : viarum omnium non est una et eadem conditio : Siculus Flaccis, l. 6. de condit. agrar. Ulpian en la l. 2. S. Viarum, D. ne quid in loco publ. Viarum quadam publice, quedam privata, quadam vicinales : publicas vias dicinus, quas Graci ôacixindc, nostri Pratorias, alii Consulares appellant. Private sunt quas agrarias quoque dicunt. Vicinales sunt que in Vicos ducunt, quod ita verum est, si non ex coliatione privatorum agrorum constituta sunt.
Bouteiller en sa Somme Rurale n’en fait que de deux espèces, de Traverse et de Chemin Royal. Traverse, dit-il, est un chemin qui traverse d’un Village à un autre, et est commun à tous, pour gens et pour bêtes, et pour charroy, si doit contenir de large, comme plusieurs Coûtumes sont d’accord jusqu’a vingt ou vingt-deux pieds. Item, chemin Royal, si est le grand chemin qui va d’un Païs à un autre, et d’une bonne Ville à un autre, et doit contenir quarante pieds de large, jur l’amende de soixante sols au Roy.
Pour les Chemins Vicinaux que la Coûtume de Bretagne appelle Voyes et Routes, Ariicle 54. Mr d’Argentré les définit en cette matiere, en sa Note 4. sur ledit Article, que ce sont les adresses de grand chemin à autre, ou à Bourg, ou à Paroisse, et où n’y a Marché, et lesquelles ne portent jusques aux Villes marchandes, et demeurent courtes : Et en la Note 5. il appelle Villes marchandes, celles où il y a Foires et Marchez, in quibus mercatus et Nundinae certis diebus exercentur.
Plusieurs Coûtumes de France ont divisé les chemins à peu prés en la même maniere Nôtre Coûtume en cet Article ne parle que du Chemin Royal qu’elle ordonne être de quatre toises pour le moins, c’est à dire de vingt-quaire pieds. En effet, c’est la moindre largeur qu’il puisse avoir ; la pluspart des Coûtumes disposent qu’ils doivent être de trente et quarante pieds : Et quelques-unes font différence entre les grands chemins qui traversent par les forests et ceux des terres labourables : Par celle de Valois, Article 197. le Chemin Royal qui conduit de Cité en Cité, doit contenir trente pieds de largeur en terre labourable, et en bois quarante pieds ; l’Artidle 272. de la Coûtume de Senlis contient la même disposition.
Bien qu’en cette Province nous ayons comme ailleurs diverses sortes de chemins, néanmoins nôtre Coûtume ne parle que du Chemin Royal et de sa largeur, laissant dans l’incer-itude celle des autres chemins.
Les Coûtumes de Clermont en Beauvoisis, Art. 226. et suivans, et celles de Valois, Art. 194 et suivans, se sont mieux expliquées touchant la diversité des chemins. La Coûtume de Clermont fait cinq manières de chemins communs ; le premier nommé Sentier, qui porte quatre pieds de largeur, et l’on ne doit point y mener de charette ; le second s’appelle Carriere, et a huit pieds de largeur, et y peut-on bien mener charettes l’une aprés l’autre, et bétail en cordelle, non autrement ; le troisième s’appelle Voye, et contient seize pieds de largeur, et y peut-on bien mener et chasser sans arrêter bétail de Ville à autre. Item, le quaitième se nomme Chemin, qui contient trente-deux pieds de largeur, par lequel toutes marchandises et oestiaux y peuvent être menez : Item, le cinquième le nomme le Grand Chemin Royal, qui contient soixante et quatre pieds de largeur : La Coûtume de Valois ne fait que quatre espece de chemins.
Nous ne faisons que de trois sortes de chemins, le Chemin. Royal, le chemin de Traverse et les Chemins qui servent dans le voisinage : La laigeur du Chemin Royal est reglé par cet Article ; les chemins de traverse qui vont d’une Ville ou d’un Bourg à un autre, doivent être ordinairement de seize pieds de largeur : Pour les chemins vicinaux, la largeur en est differente ; et c’est particulierement à cette espèce de chemin que nous pouvons appliquer la distinction du Droit Romain entre, iter, actum & viam. Nous appellons Sentier, le chemin pour passer à pied, et il suffit qu’il soit large de deux pieds et demy, iter est jus eundi, ampulandi hominis : Mais ces fentiers lors qu’ils dépendent de la convention des oarties, ils peuvent être plus ou moins larges, selon qu’il est permis de passer à pied et à cheval Éc’est pourquoy ces sentiers peuvent comprendre et iter, et actum, qui est jus agendi jumentum, et pour cela il suffit de quatre pieds. La voye vicinale sert ordinairement pour passer chevaux et charettes : via est jus aut eundi, & agendi & ambulandi ; et ce chemin vicinal peut être plus ou moins darge selon la concession, comme dit la Loy Via, de Servit. Prad. Rust. Via constitui, vel latior octo pedibus vel angustior potest ; cat suivant la Loy des douze Tables, Viae latitudo in porrectum octo pedes habebat in anfractum, id est, ubi flexum est, sedecim ; parce que pour faire passer deux charettes il faut l’espace de huit pieds ; mais il n’est pas necessaire que ces chemins qui ne servent que pour le voisinage ayent toûjours huit pieds de largeur, il suffit qu’ils ayent quatre ou cind pieds s’il n’y a Titre contraire.
La Coûtume de Boulogne a réglé particulierement la largeur de toutes sortes de chemins, Article 157. et suivans : Le Chemin Royal doit contenir soixante pleds de largeur, et tous chemins se doivent mefuter au pied du Roy ; le chemin traversant au chemin croisier, doit contenir trente pieds de largeur ; le chemin que l’on dit Châtelain vingt pieds ; le chemin forain quinze pieds ; le chemin pour issuc de Ville volontaire onze pieds ; le chemin sentier appellé Sente, sur lequel l’on peut seulement aller à pied et à cheval, et mener et ramener ses bêtes, cinq pieds ; une Pied-Sente est un chemin privé, qui n’est pas soûmis à tous usages, et doit contenir deux pieds et demy, par lequel l’on peut seulement aller à pied, et non point y mener et ramener des betes.
Suivant cet Article, il n’est point permis aux proprietaires dés héritages voisins, de faire plants et fossez qui étressissent les chemins ; et par l’Article 356. de l’Ordonnance de Blois, afin qu’il n’y soit fait aucune entreprise, ils doivent être plantez et bordez d’arbres, comme ormes, noyers ou autres ; mais en nos jours par une politique nouvelle, nous avons vâ des Commissaires departis faire abattre tous les grands arbres qui étoient plantez sur les chemins, pretendans que par leurs ombrages ils devenoient mauvais et inaccessibles ; mais on pouvoit viter ces inconvenient en faisant couper seulement les branches.
Pour empescher toute usurpation sur les chemins, quelques Coûtumes ont introduit quelques autres moyens, en obligeant les proprietaires de laisser l’espace de trois rayes contre le abourage.
Lors que les chemins publics sont devenus si mauvais qu’il est impossible de s’en servir, il est permis de passer sur les terres qui y aboutissent, et le proprietaire ne peut l’empescher jusqu’à ce qu’il les ait reparez, cum via publica vel fluminis impetu, vel ruina amissa est, vicinus proximus viam prastare debet, l. Si locus 14. 8. cum via quemad. serv. amitt. La raison est, ditPontanus , sur l’Article 17. de la Coûtume de Blois, que celuy qui passe ou qui conduit son chariot sur le fonds d’aûtruy pour l’incommodité du chemin public, id non vastandae rei alicujus animo, sed cogente necessitate facere intelligitur, pourvù toutefois qu’il le fasse avec la moin-dre perté pour le proprietaire, et qu’il soit vray que le chemin ordinaire soit inaccessible, qua de causa teste Hogin. lib. de Limitib. agr. veteres habebant januas villarum semper patentes, ut per eas populus transitum inveniret, Siculus Flaccus, de condit. agr De la Lande sur l’Article 251. de la Coûtume d’Orléans, dit que quand la voye publique est tellement ruinée qu’on ne la peut reparer, le proprietaire qui souffre le chemin sur ses terres, devroit en être desinteressé par le Fisc ou par le general des Habitans : La Glose sur le 5. Cum via que je viens de citer, avoit formé cette question, et resolu qu’encore que le cise y pût être obligé suivant la l. 2. C. de Servit. quae pro pram. liber. ac4. Neanmoins le contraire s’observe, et c’est aussi le sentiment de de laLande .
Cette reparation des grands chemins a fait naître deux grandes contestations pour sçavoir qui doit faire cette reparation, et quel Juge en doit prendre connoissance : Pour la décision de la première difficulté, on allégue ordinairement la doctrine de Bartole sor la l. Per Bithyniam. C. l. 10. de immunit. nemin. conced. où il fait distinction entre les chemins publics et les chemins particuliers, inter viam publicam, & viam privatam, entre les ruës d’une ville et les chemins qui sont au dehors des villes : Les ruës des villes doivent être reparées par les proprietaires des maisons chacun en droit soy, pour les chemins qui sonturer dehors ils doivent être entretenus aux dépens de toute la communauté de ceux qui possedent des héritages aboutissans sur lesdits chemins, et pour cet effet faire une collecte à proportion des terres que l’on possede pro jugerum numero vel capitum, que possidere noscuntur, D. l. Per Bithoniam : munitio enim viarum vel aggerum debet fieri expensis pro quantitate patrimonii possessorum ;Bartolus , ibid. Mais la pluspart des Docteurs y ajoûtent cette restriction, que s’il se fait des levées pour la reparation des chemins ils en doivent être déchaigez. Ainsi dans les lieux uù il se leve des deniers pour l’entretien des Ponts et Chaussées le Roy est tenu de les tenir en bon état ; que si les Seigneurs Châtelains ou Hauis-Justiciers ont le droit de Peage, c’est à eux d’en faire la dépense : Car suivant la regle, qui sentit commodum, debet ferre incommodum, et en quelques lieux les Seigneurs sont même obligez de donner ordre pour la seureré des chemins, et d’empescher qu’il ne s’y fasse de vols, autrement ils sont tenus d’en répondre : mais hors ces cas ceux qui possedent les terres voisines et aboutissantes aux chemins publies, sont contraints de bes reparer et de les rendre accessibles à leurs frais.
Pour les chemins privez le Jurisconsulte en la l. 2. ne quod in loc. publ. D. dit que viae privatae dupliciter accipi possunt, vel he que sunt in agris, quibus imposita est servitus, ut ad agrum alterius ducant, vel he que ad agros ducunt, per quas omnibus permeare liceat, in quas exitur de via Consulari, & sic post illam excipit via, vel iter, vel actus ad villas ducens. Hec ergo quae post Consularem & excipiunt in villas, vel alias colonias ducentes putem etiam publicas esse.
Suivant cette Loy nous avons aussi dans les villages deux soites de chemins, les uns pour la commodité de tous les habitans d’un village, et nous mettons ces chemins au nombre des chemins publics, de sorte que les proprietaires des terres qui aboutissent sur iceux sont aussi tenus de les reparer et de les tenit en bon état ; mais si quelqu’un impose simplement un dioit de passage sur son fonds, en permettant à son voisin de passer par dessus pour aller sur son héritage, en ce cas celuy qui souffre cette servitude n’est pas obligé d’entretenir ce chemin pour celuy auquel il est dû, sed tantum debet prestare patientiam, il suffit qu’il le souffre, l. 3. in princip. de usufr. et l. Refectionis, D. comm. prad.Bartol . ind. l. Per Bithyniam.
MrLoüet , l. C. rapporte un Arrest par lequel l’on a fait cette distinction : La reparation des chemins a toûjours été jugée si necessaire, que les personnes privilegiées et l’Eglise même n’en ont point été exemptes ; l. Ad instructiones, C. de Saer. Eccles. et l. 4. de privil. Domus Aug.Pontan , Ad Art. 17. Cons. Bles. Loüet etBrodeau , l. C. n. 2. La reparation des chemins publies et partieuliers est une charge des proprietaires et non des locataires et fermiers : Il n’en seroit pas de même de celuy qui joüit à droit d’emphyteose ou de fieffe, parce qu’il a le domaine utile, l’usufruitier, y seroit pareillement obligé ; l. Si pendentis, S. Si quid cloacar.
D. de usufr. et le mary pour le bien de sa femme Pour la competence des Juges il y a toûjouts eu beaucoup de contestation pour les grands chemins entre les Juges Royaux et les Officiers des Seigneurs Hauts-Justiciers : Les Juges Royaux pour s’attribuer la connoissance des reparations des grands chemins dans les Seigneuties des Hauts-Justiciers se sont fondez : principalement sur cette raison, que ces chemins sont appellez Royaux, et que le fonds en appartient au Roy.
Mais quoy que la distinction des chemins Royaux et de traverse soit véritable et bonne, lors qu’il sagit de regler leur largeur, elle n’est point considérable lors qu’il est question de la Jurisdiction et de la Police, dautant que les chemins pour être appellez Royaux ne. sont pas plus au Roy que les chemins de traverse et les autres : Ils ne sont appellez Royaux que pour être plus grands et plus publies : En effet les Romains ne faisoient difficulté de leur donner ce nom, quoy qu’ils n’eussent pas de Rois, et que même ils eussent tant d’aversion pour tout ce qui ressentoit la Royauté : Aussi plusieurs Coûtumes, et presque tous nos bons Auteurs, attribuent aux Hauts-Justiciers la Jurisdiction et la Police des chemins Royaux qui sont dans leur détroit, parce qu’ils ont la premiere Seigneurie publique, mais la Surintenance et la Police generale en appartient au Roy.
Quelque soin que l’on prenne de rendre les chemins publies assez larges, il y en a beauoup neanmoins où la rencontre de deux chariots ou de deux carrosses causent de l’embar-Accurse pas ; cela a donné lieu à Accurse de traiter cette question en sa Glose sur la l. 1. 85. Hoc interdictum, D. ne quid in loc. publ. lequel de deux chatiots est obligé de ceder à l’autre : Et son sentiment qui a été suivi par plusieurs autres, est que l’on doit céder à celuy qui est entré le premier dans le chemin, par cette raison que id quod in usus publicos destinatum primo occupanti conceditur : mais la pratique de cette décision seroit mal-aisée, car il n’y auroit pas moins de contestation pour sçavoir qui seroit entré le premier, ou qui seroit le plus avancé dans les chemins qui ont une grande étenduë. Il est plus à propos que si cela se rencontre dans un chemin plat, celuy qui est moins chargé cede à celuy qui l’est davantage ; que si c’est dans une montagne, sans doute celuy qui monte est obligé de reculer comme luy étant plus facile.Pontanus , sur l’Article 17. de la Coûtume de Blois, traite aussi la question pour les Processions de deux Paroisses, et son sentiment est que si l’une n’a point de prerogative sur fautre, celle qui est la plus avancée doit lemporter.
FIN.