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Varron disoit qu’entre les plus anciennes choses du Monde estoyent les citez et les loix : parce que les hommes estans d’un naturel sociable et ayans affaire les vns des autres s’estoyent assemblez pour viure ensemble, et auoyent basty maisons pour retirer leurs personnes et leurs biens, et de plusieurs maisons prochaines se formerent villages et villes. Mais dautant que la malice humaine poussoit les vns à rompre ceste société ciuile on inuentavn ciment pour l’entretenir : c’est asçauoir les loix et coustumes, lesquelles quand elles sont bonnes et bien obseruées rendent les Republiques perdurables si elles ne sont renuersées par des accidés ausquels toutes choses humaines sont sujettes. Or tout ainsi qu’en toutes maisons on ne garde pas vne mesme forme d’oeconomie, mais celle que chaque pere de famille estime estre chez soy la plus conuenable, ainsi diuerses loix sont gardées endiuers pays, voire par fois en vn mesie sont receus autres reglemens en vn quartier qu’en autre : comme il se void aux prouinces de France, lesquelles sont regies par loix particulieres et statutaires, outre les Ordonnances generales de nos Roys, ausquelles tous sont sujets obeir, encores qu’elles permettent que chacun viue selon les coustumes de sa prouince, non autremert que le premier mobile emporte les cieux inserieurs sans toutesfois qu’il les priue de leur mouuement particulier. Or il y a différenceentre la Coustume et l’Vsage. La Coustume est un droit introduit par les meurs et commun usage de long tens gardé et ob serué du peuple. L’ysage est le stile et manière de pratiquer les loix et coustumes. L’origine et l’antiquité de ce droit ou Coutume qui s’est obserué depuis long tem s en la prouince de Normandie n’est pas certaine. Et comme la veuë de l’homme ne peut pas facilement reconnoistre ce qui e st sort essoigné, il se faut contenter d’imiter les peintres, qui ne nous representent les choses essoignées que par vmbrage et obseurité. Pour en parler donc par s’raysemblance on peut dire qu’à l’exemple des victorieux, qui plantent ordinairement leurs loix aux pays par eux conquis, les Normans qui vindrent conquesi er la Normandie yestablirent les loix de leur pays, et ainsi fist apres Raoul, Guillaume le conquérant Duc de Normandie, qui bailla aux Anglois par luy subjuguez les loix des Normans en langage Normand. Ces loix ou coutumes n’estoyent du comencementeserites, leulement elles furent redigées par escrit par quelque praticien du tems du Roy saint Louys, ainsi qu’il appert par le proême de son liure, ou il permet au lecteur de corriger ce qui mérite correction. Pareillement aux autres prouinces y auoit peu de Coustumes escrites iusques au tés de Charles VII. lequel pour éuiter a la confusion et incertitude des iugerriens et aux preuues infinies, ordonnaque les coustumes, usages et stiles de tous les pays de ce Royaume seroyent redigez par escrit, accordez par les coustumiers, praticiens et gens de chacundesdits pays, et apres veus par son Conseil. Ce que le Roy Henry III. a voulu estre fait en ceste prouince et que tous procez sondez en Coustume seroyent iugez selon le Coustumier arresté, redigé par éscrit et publié, et deffences d’alléguer autre Coustume, comme le procez verbal le porte. Dont on peut demander s’il s’offre quelque cas qui ne soit aux termes de nostre Coustume, à quoy on aurarecours pour le iugere De se regler sur le droit Romain ce seroit reconnoistre les loix Romaines et s’y sousmettre, qui ne nous obligent aucunement dautant que le Royaume n’est sujet a l’Empire cap. per venerabilem qui fil. sint. leg. et ne les suyuons sinon en tant qu’elles sont trouuees conformes à la raison. Ce fut pourquoy les François s’opposerent a Charlemagne qui vouloit faire introduire en France les loix de l’Empire. Et quand les priuileges des Vniuersitez des Loix ont esté verifiés aux Parlemens, on y a tousiours adiousté ceste modification. Sansreconnoistre que le droit Romain ait sorce de loy en France. D’auoir aussi recours a l’ancien liure Coustumier sembleroit estre contre le procez verbal de la Coustume reformée, qui porte que tout ce qui est dudit ancien Coustumier a esté abrogé. Mais parce qu’il adiouste que c’est dautant que ce qui est en vsage a’esté employé en la Coustume reformee, ou bien y a esté pourueu par les Ordonnances, il y auroit apparence de dire que ce qui ne seroit decidé par ladite Coustume reformee, deuroit prendre sa decision premierement de l’Ordonnance : et si on ne l’y pouuoit trouuer, et qu’on peust tirer quelque esclaircissement ou resolution dudit vieil Coustumier, il ne sembleroit inconuenient de le prendre dudit liure contenant l’ancienne vsâce et Coustume de la prouince qui est nostre droit municipal, le quel est en ce cas considérable, ainsi qu’il est remarqué in proemio concordatorum de la Pragmatique Sanction, laquelle demeure en son ancien vsage et obseruance en ce qui n’est abrogé, innoué oudecidé par lesdits concordats : à l’exéple des Ordonnances anciennes lesquelles n’etans specialement reuoquees ou moderees doiuentestre gardees et obseruées comme veut l’Ordonnance de Moulins art. 1. Quod enim non mutatur cu stare prohibetur. l. Pracipimus C. de Appel. cap. Quamquam de elect. in 6.
On deriue ce mot de Normandie de North et man qui signifie en langage Danois et Allemand homme du pays du North, parce que les Normans sont venus du pays de Noruegue, Dannemarch, et autres pays du North. Ceste nation merueilleusement belliqueuse s’estant débordee de ce pays la vint faire de grands exploits d’armes tant par mer que par terre en diuerses contrées de la France, et auoyent pris pié principale. ment és pays d’Artois, Theroüenne et autres pays bas, et en la Neustrie sous les regnes de Charlemagne, Charles le Chauue et Charles le simple : lequel ceda la Normandie a Baoul premier Duc, à lacharge qu’ils releueroyent en hommage lige de la Couronne de France. Lors ils donnerent leur nom à la terre de leur conqueste l’appeilans la Normandie qui auparauant s’appelloit Neustrie.
Cequi fut confirmé par le mariage de sa soeur Gillette ou Gillon auec Raoul, le. quel se faisant baptiser se fit nommer Robert, et fut le premier Duc de Normâdie. Il donna de grands biens aux Eglises de ceste prouince, y establit quelques loix, et l’exempta et rendit pure de larcins : si bien que les laboureurs laissoyent leurs charrues et autres outils de labourage aux chams sans qu’aucun osast les enleuer. Et ayant vn iour fait pendre avne potence plantee sur vn grand chemin proche de la ville de Rouen en la forest de Roumare des anneaux d’or, ils y demeurerent sans que personne yosast attenter, d’ou ladite forest a pris son no.
Ainsi estoit-il si redouté par la bonne iustice qu’il rendoit a ses sujets, que mesme en son absence ceux qui reclamoyent son nom faisoyent accourir vn chacun aleur secours, d’ou est venu la clameur de haraoul ou haro que nous auons encor en vsage, laquelle vn docte poete du pays aexprimée par cesvers qu’il composaal’entree du sieur de loyeuse au gouuernement de Normandie,
Nam que justitiam Rollonis nesciat ora, Cuius adnuc post fata fidem per vota ciemus, Et iustas querulo clamore lacessimus vmbrasDunombre de ces vaillans Ducs de Normandie a esté Guillaume le conquetant, ayant conquis l’Angleterre, et l’ayant tousiours depuis dominée par sa postérité, laquelle y regne encor a present. Le dernier des Ducs de Normandie a esté Iean sans terre qui fut aussi Roy d’Angleterre, etant issu dudit Raoul. Mais pour auoir tué Artur Duc de Bretagne son neueu vassal de la Couronne de Frâce, ses Duchez de Normandie et de Guyenne furent confisquées au Roy Philippe Auguste par arrest de l’an 1202. qui a ce droit s’en empara et les reunit a sa Couronne, et par la reddition de Rouen promist maintenir les Normas en leurs anciennes franchises et libertez, comme il se void par la Charte aux Normans inserée à la fin de nostre Coustumier. Depuis les Anglois s’estans emparez de la Normandie du tems de Charles VI. la possederent enuiron trente ans, et en furent chassez par Charles VII. en l’an 1450. Durant lequel tems la plus part des gentils-hommes Normans, comme aussi Angeuins et Poiteuins quitterent leurs biens et leurs maisons ne voulans obeir a l’Anglois, et se retirerent au pays de l’obeissance du Roy Charles où ils faisoyent la guerre pour son seruice.
Les Normans ont rendu leur nom fort célèbre par leurs grands exploits de guerre, et le seroit encor dauantage s’ils eussent esté aussi curieux d’escrire leurs cestes que de les mettre a execution. Mais leurs plus signalez actes furent les conquestes qu’ils firent enuiron l’an 1031. sous la conduitte de leur chef Guischard, des Royaumes de Naples et de Sicile, de la Poüille et Calabre, et de la plus part de la Grece. Et au voyage de la terre saincte et conqueste du Royaume de Hierusalem, où estoit chef principal Godefroy de Buillon, les Normans. estans allez sous la conduite de Robert leur Duc et de Tancred, eurent grand part aux victoires obtenuës sur les infidelles. La vertu de ces anciens princes et capitaines fut suvuie par grand nombre de Gentils, hommes de Normandie, dont le catalogue se void encorentre lesmains de plusieurs hommes curieux. Et non seulement les Ducs de Normandie se sont rendus illustres par les armes, mais aussi par leur charité et pieté au restablissement qu’ils ont fait de quelques Papes en leurs sieres, et des Empereurs en leurs Empires, des Roys en leurs Royaumes, et des Ducs et Comtes en leurs Seigneuries : ayans aussi fait paroistre leur deuotion et religion par vne infinité de bons et saints actes, specialement en la fondation et dotation de plusieurs Monasteres, edification de grand nombre de beaux temples qui se voyent encor en ceste prouince pour seruir de tesmoignage et de monimens à la posterité.
Nos Roys ont tousiours tenu la Normandie pour vn des plus beaux fleuront de leur couronne, et l’ont estimée digne d’auoir pour Gouuerneurs sous leur autorité des grands seigneurs, mesmes des princes du sang. Entre lesquels a esté du temps de nostre feu Roy Henry IIII. Monseigneur le Duc de Montpensier, par le decez duquel fut a Monseigneur le Dauphin son fils baillé le gouuernement de ceste Prouince, et iceluy ayant succedé a son père à la Royauté, fut mis pour Gouuerneur Monseigneur le Comte de Soissons, sur la sagesse et valeur duquel la Normandie s’eit tenue fort asseurée, et apres son décez la Reine Regente mère du Roy a pris le gouuernement de cette prouince, dont les lettres ont esté leuës à l’audience de la Cour le vint neufieme de Nouembre mil six cens douze.
1ANCIENS RESSORS ET ENCLAVES D’ICELVY.
La Chronique de Normandie porte qu’anciennement le pays et Duché de Normandie s’estendoit iusques à laville de Dunquerque quieit par de la Calais et Grauelines versla mer prez le Comté de Flandres, comprenant en soy les pays et Comtez de Ponthieu, Boullenois, d’Oye, Guynes, et Theroüenne.Freux autrefois estoit de la Normandie, Chasteauneuf en Timerais, Mortagne, Bellesme, Chaumont, Magny, Pontoise, Eu : Mais maintenant pour le temporel ils ressortissent au Parlement de Paris : et pour les tailles, gabelles et autres telles matieres ( excepté Freug et la ville de Pontoiseyen la Cour des Aydes à Roüen : comme aussi fait Nogent le Rotrou, et l’accroissance de ladite ville de Pontoise. Or il est dit icy LEs ARCIENS R ESSORrs affin de ne preiudicier aux droits de la prouince.