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CCXV.

La garde royale est quand elle échet pour raison de fief noble tenu nuëment et immediatement de luy. Et a le Roy par priuilege special que non seulement il fait les fruits siens des fiefs nobles immediatement tenus de luy et pour raison desquels on tombe en sa garde : mais aussi il a la garde et fait les fruits siens de tous les autres fiefs nobles, rotures, rentes et reüenus tenus d’autres seigneurs que luy mediatement ou immediatement : à la charge toutesfois de tenir en estat les édifices, manoirs, bois, prez, iardins, estangs et pescheries, payer les arrerages des rentes seigneuriales, foncieres, et hypoteques qui échéent pendant la garde, et de nourrir et entretenir bien et deuëment les enfans selon leur qualité, ange, facultez et famille : et sont ceux ausquels le Roy fait don desdites gardes suiets ausdites charges, et d’en rendre conte au profit des mineurs.

Sile domaine du Roy est engagé la garde-noble ne passe pas par cet engagement auec les autres droits cedez et transferez : parce que ce droit est inceslible comme porte l’arrest de la Cour sur la modification de l’article 331. de l’ordonnance de Blois. Vide Choppinum de dom. lib. 3. tit. 1 9. nu. 11. Et est ce droit de regalibus que sunt inalienabilia come dit du Moullin tit. des fiefs S. 1. glo. 5. nu. 83. et 54.

Quant aux solemnitez qu’il faut obseruer pour mettre vn mineur en la garde du Roy : apres qu’on a obtenu de luy don de la garde il faut prendre en la châbre des Contes commission narratiue de l’écheance de la garde, qui s’addre sse ordinairement au Viconte ou Bailly du lieu ou les biens sont assis : et est par icelle mandé informer appellé le procureur du Roy et les parens et amis des mineurs quand et à cause dequoy échet ladite garde, de la valeur du bien et reuenu de lasuccession, quels fiefs il y a, quelles chaiges, quel nombre d’enfans, de quelage et de quel sexe, s’il y a aucuns patronnages d’Eglise et autres points exprimez en ladite commission : et ce fait apres l’information faite et rapportee alachambre proceder a la crice et subhastation de ladite garde-noble sur ceitainprix et adiudication d’icelle par l’aduis des officiers. Laquelle informationveuë enladite chambre celuy qui a le don du Roy sera preféré deuant tout autre à auoir ladite garde au prix qu’elle aura esté encherie : et s’il veut se l’afera adiuger audit prix ou autre tel prix modéré qu’il plaira à ladite chambre et apres se pourra derechesretirer par deuers le Roy et obtenir don de ladite fnance, lequel dont il faudra faire passer et enteriner en ladite chambre.

Mais ordinairement le prix de l’adiudication est si petit que les frais de la poursuite d’en auoir le don excederoyent la valeur dudit prix, si ce n’est aux successions des princes et grands seigneurs. Apres la lettre d’adiudication leuëc il la faut presenter au receueur du domaine pour faire recette du prix d’icelle adiudication et le coucher en ses contes. Aucunesfois ceux qui veulent auoir lagarde-noble d’aucuns mineurs ne prennent don du Roysce qui aduient aux gardes qui ne sont de grande valeur, ) mais seulement obtiennent commission de la chambre des Contes pour informer comme dessus est dit, crier et subhaster laditegarde, et estre procedé à l’adiudication d’icelle. Et faut noter qu’en adiudication de garde les patronnages d’Eglise sont ordinairement resenrnez au Roy. Et bien qu’vn patronnage êcheé au lot d’vne doüairière elle ne pourra neanmoins presenter ains le Roy, ainsi iugé par arrest au conseil du 13. Féurier rçoé, entre le presenté par le Roy et le presenté par Guillemette Mahietveusue. Et par arrest du 11. Auril 1510. entre Ieanne de Crosuille veufuede Raoul de Breully appellante et le procureur general du Roy intimé, fut iugé que le patronnage de Chanecy releuant du Roy n’auoit peu estrc mis au lot de ladite veufué au preiudice du droit de garde-noble ouuert, et fut le benefice adiugé au presenté par le Roy. Et par autre arrest donné au conseil le 4.. Mars 1556, entre Archer et Campront fut le presenté par le Roy. preféréau prosenté par la veufue qui auoit doüaire sur le fief tombé en la garde du Roy. Mais si en la succession écheué aux mineurs estans en la garde du Royyaplusieurs patronnages et que par le partage qui se fait d’icelle succession entre lesdits mineurs et la veusue pour son doüaire tobent au lot d’icelle aucuns fiefs dont dependent quelques patronages d’Eglise, c’est à ladite veufue à y presenter la vacation écheant, quiaius presentandi est in fructu glo., fin. in cap. cum Berioldus de re iud, pourueu’que leslots n’ayent esté faits en fraude du droit du Roy, c’est à sçauoir qu’aux lots des mineurs yait des patronnages à l’equipoldent. Ainsi fut iugé par arrest du 3. Aurilirsré, au profit d’un nommé Desbuats presenté parla doüaitière à la cure d’Quuille, et par arrest du 6. Iuin 1522. pour le fait de la cure de saint Martin de la Champagne, laquelle ayant vaqué un nommé Cahagne s’y estoit fait pouruoir par le Roy à droit de garde de la damoiselle d’Estouteuille mineure à laquelle appartenoit le patronnage.

D’autrepart la dame d’Estouteuille veufne et doüairiere, au lot de laquelle estoit ledit patronnage, y auoit presenté vn nomme Potier, lequel estoit empesché per le procureur du Roy qui soustenoit que les patronnages ne pouuoient estre baillez aux doüairieres estans reseruez au Roy, neanmoins fut ledit Potier maintenu.

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MAIS AVSSI IL a LA GARDE ET FAIT LES FRVITS SIENS DE TOVS LES AVTRES FIEFS NOBLES, ROTVRES, RENTES ET REVENVS TENVS D’AVTRES SEIGNEVRS.

Arrest fut donné à l’audience au Parlement de Roüen le 20. Féurier 1597, entre la dame duchesse de Longueuille d’une part et la dame d’Asserac d’autre, par lequel fut iugé qu’encore que ladite dame d’Asserac eust du Roy la garde-noble de ses enfans à cause des fiefs à eux appartenans au pays de Bretagne tenus et mouuans de sa maiesté, cela n’empeschoit pas que ladite dame de Longueuille ne iouyst comme gardaine noble de la terre de Fougeres en Costentin tenuë et mouuante de ladite dame de Longueuille à cause de sa Chastellenie de Hambie pendant la minorité desdits enfans, comme ne pouuant la garde noble de ladite dame d’Asserac estre estenduë hors les pays de Bretagne au preiudice du droit des seigneurs acquis par la Coustume de Normandie, plaidans maistre François Eschard et maistre Anthoine Turgot.


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ET D’EN RENDRE CONTE AV PROFIT DE8 MINEVRS.

Sur ce estâ sçanoir si celuy auquel le Roy a fait don d’unegarde-noble ayant accomplyles charges portees par la Coustume, prendra leluiplus a son profit, ou bien sera tenu le rendre et payer aux mineurs : Anciene ment il n’estoit tenuen rendre conte, et suiuant ce fut iugé par art. du 14. Féurier 1509. que Guyon de la Haye lequel auoit eu don du Roy de la garde-noble de Iacques Paynel mineur d’ans pour remunerationde seruices, n’estoit tenu à rendre conte de la iouyssance par luyeué des fiefs et héritages dudit Paynel, seulement fut ordonné qu’il seroit tenu acquitter ledit Paynel de toutes les charges deuës sur et a cause de ses héritages, et le recompenser de toutes les demolitions, ruines et empirances aduenuës és edifices, bois et héritages dudit Paynel durant ladite garde, et des dommages acause de ce aduenus et ensuiuis, Autre pareil arrest du 28., Auril 1509. ou 1514. entre Charlotte du Puits et

Iean le Grand Et de fait le RoyFrançois I. usant de ce droit fist plusieurs dons de garde-nobles sans suiettion de rendre conte : Toutesfois depuis ayant commiseration des pauures orphelins tombans en sa garde il voulut conseruer leur bien, de sorte qu’il ne fist plus dons de garde-noble qu’à la charge de rendre bû et loyalconte, et de payer le reliqua aux mineurs venusen’age : et fut apres luy ainsifait et pratiqué par le Roy Henry, et depuis par les Royssubsecutifs. Qui semble estre l’intention de nostre Coustume ou est notamment apposee cette charge de rendre conte, qui n’emporte pas seulement charge par le gardain de representer le conte de son administration, mais aussi de payer le reliqua suyuant la l. siquis ita S. questio ff. de manum. testa. D’autre part on peut dire que ce n’estl’intentionde la Coustume d’assuiettir legardain à puyer le reliqua : car elle nedit pas simplement de rendre conte, mais d’enrendre conte, ce qui se refere aux charges mentionnees en cet article, desquelles la Coustume requiert qu’il rende conte et monstre qu’il lesait accomplies, ce qu’ayant fait il aura le surplus : ce qui s’infère de ce que la Coustume dit qu’il fait les fruits siens, ce qui ne seroit pas les faire que de les rendre comme est tenuvn simple tuteur.

Que si le gardain estoit tenu comme d’une tutelle la Coutume en auroit fait mention et luy auroit donné ce nont de tugeur : et si ainsi estoit ce don seroit plus onereux que profitable, et seroit contre la nature d’vndon par lequel le donateur pretendgratifier le donataire et exercer enuers luy quelque liberalité, Nullum beneficium dico esse id quod cui facias non placet, dit Terence. Mais on peut repliquer contre le gardain qu’aux lettres de don de la garde-noble y a charge par le donataire de payer lereliqua aux mineurs, et que ladifférence de luy et du tuteur est, qu’il fe pourra éiouyr des deniers pupillaires tant que la garde durerasans estre tenu les remployer, et sans qu’à faute de remploite d’iceux il soit tenu aux interests pupillaires comme seroit vn tuteur. a laquelle opinion i’enclinerois plustost, combien que pour la grand’diuersité d’aduis que l’ay veüe sur cette question, ne se puisse encores donner resolution asseurce qu’il ne soit interuenu arrest de la Cour. Sur ce point est à loüer la iustice de la chambre des Contes, laquelle, quand plusieurs parens s’y presentent pour la verification du don qu’ils ont eu du Roy de la garde noble a de coustume preferer les plus proches, ensuiuant en cela l’ordre de l’a tutelle et presumant auoit esté telle l’intention du Roy, et ainsi que le Roy la accordé aux Estats de Normandie sur la requisition qu’ils en ont faitte cu deuant à sa Maiesté.