Si vous souhaitez signaler des coquilles dans ce passage, vous pouvez écrire à Morgane Pica (ingénieure d'étude du projet), en précisant l'URL et le titre du passage.


CCLVIII.

Le pere peut en mariant ses filles les reseruer à sa succession et de leur mere pareillement.

Quelques uns estiment que le pere ne peut reseruer sa fiile à sa succession autrement qu’en la matiant par argument de l’art. 252. en ces mots, quand ils la marierent, et des articles 255. et 259. et qu’il ne la peut reseruer à sa succession partestament, dautant que ce seroit vne institution d’heritier qui n’a lieu en

Normandie : mais bien que le pere peut limiter le mariage de sa fille jusques à la valeur du partage pour en iouyr du iour de son decez ou les freres ne la voudroyent receuoir à partage. Mais la plus part tiennent qu’il la peut reseruer de son viuant soit par donation, declatation iudiciaire ou autre acte authentique n’excedant la legitime coustumiere pourueu qu’elle n’ait esté marice, comme il est dit sur l’art. 252.

Sur ce on peut mouuoir cette question, sile pere, apres auoir fait les accords de sa fille et le traitté de mariage portant la clause de reserue a sa successiony est preuenu de mort auant que voir la persection dudit mariage, sçauoir si la filde prenant le partyaelle destiné par son pere, se pourra éiouyr d’icelle clauses On peut dire contre elle qu’il n’a pas esté plainement satisfait à la Coustume qui ne permet la reserue qu’en mariant, et ne dit pas en l’accordant. N’ayant donc esté actuellement mariee par le pere, bien qu’elle le soit du depuis, tanquam ex desectis conditionis elle ne pourroit pretendre part à la succession, ains retombes roit en la main du fière ou des parés pour luy estre par eux baillé seulement iariage auenant. Mdis on dira que ce mot, en mariant, n’a pas esté par la Coutume apposé pour condition, ains parce que le pore fait peu souuent telle reserue sinon en mariant sa fille : Et est considérable l’intentionvray semblable de laCoustume, qui a permis cette reserué au pere en matiant sa fille pour luy faire trous uer meilleur party, lequel ayant esté par luy choisi et agrcé, ce seroit vne impieté de frauder apres sa mort son intention et volonté le maringe se contractant apres selon le dessein du pere, qui est l’opinion de d’Argentré sur la Coustume de Bretagne tit. de donations art. 224. pa. 763. Et quand le peré luy auroit voulu donner purement le tiers de son bien soit à condition de mariage ou autrement, il l’auroit peu faire. qui seroit autant que la reseruer, bien qu’elle ne fust que donataire, à plus forte raison la faire heritiere pro ca parte à condition d’vn party qu’il luy auroit choisi : en quoy y a plus d’equité.

Arrest s’est donné au conseil au rapport de monsieur Turgot le 2. Mars 1610. entre damoiselle Ieanne le Poupet veusue de feu Iacques de Mauconuenant appellante d’vne part, et Christode Thomas sieur de Hercla, Claude Caluys.

Pierre du Siquet et Charles le Poupet ayans épousé les filles du premier mariage dudit de Mauconuenant intimez d’autre part, dont le fait estoit tel. Ledit de Mauconuenant n’ayant pour tous enfans que quatre filles, en mariant l’aisnee audit Thomas par le traité de mariage luy auoit donné cent liures de rente racquitable au double prix pour don heredital a tenir le nom costé et ligne d’icelle en attendant sa succession : et luy baille à iouyr un bois taillis, de la coupe duquel ledit Thomas dispose auant le decez du pere. a la seconde fille il donne cinquante liures de rente racquitable pour sa part et portion hereditaire en attendant sa succession. a la troisième il fait autre don. Restant la quatrième a marier ledit pere se remarie à ladite le Poupet, et de ce second mariage à des enfans masses, à sçauoir Iacques et Richard. Durant lequel secondmariage il marie sa quatrième fille et luy fait aussi quelque d’on d’immeuble. Depuis par son testament il establit sa femme tutrice des enfans de ce second matiage, et luy dont ne pouuoir de renoquer par les voyes de iustice lesdites donations comme ex. cessiues, Sur ce se presentent deux questions, l’vne touchant le partage desdites filles, l’autre sur le doüaire de ladite veufue. Lesdites filles du premiermariageauoient pretendu par deuantle iuge auoir tout ce qui leur auoit esté donné parleur traitté de maiiage, bien qu’il excedast le tiers des biens du pere, en consideration que lors il n’auoit aucuns enfans masles, et que sous cette asseurance leurs maris auoient contracté mariage auec elles. Ladite veufue comme tutrice desdits enfans masles disoit que lors d’iceux traittez de mariage estant le pere veuf non cogitalat de secundis nuptiis, nec de liberis masculis, mais s’attendoit que lesdites filles luy deussent seulles succeder : que les donations se reuoquent per superuenientiam liberorur, ergoper natiuitatem masculorum il falloit reuoquer icelles donations, et deuoient les filles se contenter du mariage auenant : qu’il est yray semblable que le pere leur eust baillés il eust pésé deuoir auoir des masles, et qu’au pis aller lesdites donations cûme excessiues se deuoyent reduire ad legitimum modum, à sçauoir au tiers. Pretédoit aussi icelle tutrice que lacoupe dudit bois taillis appartenoit a sesdits enfans et que les deniers d’iceluy leur deuoient estre adiugez Ladite veufue en son propre nom demandoit doüaire sur tous les biens donnez ausdites filles, se fondant sur la reuocation d’icelles donations, cosequemment tous lesdits biens donnez estoient retournez in dominium du mary, quien estoit redeuenu seigneur lors dudit second mariage. Par sentence du Bailly de saint Sauueur Leudelin du 21. léurier 1609, auoit esté adiugé ausdits maris et leurs femmes la tierce partie des meubles et immeubles de la successiondudit de ffunt, laquelle a cette fin auoit esté ordonné estre partagce entre eux et les enfans sortis dudit second lit, et à ce moyen lesdites donations faites par ledit de ffunt declarces reuoquces, et ordonné qu’ils rapporteroient les meubles à eux donnez par ledit de ffunt par leurs traitez de mariages pour estre partagez quec les autres meubles appartenans ausdits mineurs. Et pour le regarddudit bois taillis dit à tort l’action de ladite veusue, et icelle coupe de boisadiugee audit Thomas, ladite veufue deboutée du doüaire par elle pretendusur le tiers adiugé ausdits de ffendeurs, duquel doüaire ledit tiers estoit declaréexemt, fors pour la portion appartenant audit le Poupet, sur laquelle ledit doüaire estoit adingé à ladite veufue, comme estant le mariage fait depuis celuydiicelle veusue auec ledit deffunt, laquelle sentence a esté confitmée par ledit arrest.

Autre arrest fut donné sur vn tel fait. Robin Cadiot auoit promis en mariage faisantde Maiguérite sa fille auec Duquesuey quelque somme de deniers, et peanmoins accordé qu’elle peust reuenir a partage s’il decedoit sans hoirs males, Long-tems apres auenu le decez dudit Robin delaissces deux filles de léan Cadiot son fils decedé deuant luy, ladite Marguerite demande partage ausdites filles heritieres dudit Iean : lesquelles difent que ladite conlition de reuenir àpartage ne pouuoit estre auenuë en tant qu’elles representoient ledit Iean leur pere, qui estoit tout autant que s’il estoit encor viuant. Surquoy fut dit à bon necause l’action de ladite Murguerite par arrest du 13. Mars 1504. Semblable. arrest du to. Ianuier 1513. entre Anne de Chasteauvillain sieur du Til et le Cote de Roissy.

Arrest fut donné le 14. Auril 1606. entre monsieur Me. Laurés Restaut sieur de Fortmonuille conseiller en la Cour d’vne part, et damoiselle Anthoinette Rste staut sa seur d’autre part sur vntel fait. Le testament de feu sieur de Lortmonuille peré des parties portoit cette clause, Pour ma fille Anthoinette ie veux et entens que Dieu luy faisant la grace de paruenir en ange, elle soit pourueuë en maison de gens de bien et de bonne vie par l’auis principalement de sa mere, en apres de son frere et en concorde, et qu’il luy soit donné dix mil escus sol, et accoustremens conuenables, dont du tout ordonnera madite femme, à laquelle seule ie prie qu’elle execute le present mon testament, et luy ay donné et donne pouuoir de l’augmenter, diminuer ou retrencher comme il luy plaira et verra estre à faire. Ladite damoiselle soeur s’estant mariée à l’acc de vint six ans à M. de Brinon conseiller en la Cour, demandoit partage, disant que son pere ne luy auoit peu constituer dot par testament, ny par iceluy limiter son mariage à vne petite somme, mais seulement en la mariant. D’ailleurs que le testament apres vint ans n’estoit valable, quoy que soit renoçoit audit don test amé, taire, et veu son age demandoit sa legitime et son partage : et encas qu’on ne luy adiugeast en plus auant que la somme mentionnee audit testament la demâdoit en espèces d’e scus comme portoit ledit testament. Monsieur de lortmonuille se deffendoit d’icelles demandes disant que le pere pouuoit par son testament arbitrer le mariage de sa fille laquelle estoit par la excluse de pretendre en plus outre selon Bart. in l. 70. litio centum S. titiogenero de condit. et demonst. offtant payer ladite somme en monnoye courante et la consigner contant entre les mains de personne soluable pour y estre iusqu’à ce qu’il se seroit trouué lieu de la remployer. Surquoy la Cour par ledit arrest sans auoir égard à la demande de partage pretendu par ladite damoiselle condamna ledit sieur de Fortmonuille suiuant son obeissance dans la quinzaine à payer entre les mains dudit sieur de Briron en or ou argent ayant cours suiuant l’Edit du Roy la somme de trenté mil liures.

1
1

ET DE LEVR MERE PAREILLEMENT.

Plusieurs estiment que le pere peut en mariant ses filles les reseruer aussi à la succession de leur mèrc quand ores elle sera decedee. Et ainsi a esté autresfois iugé par arrest du 9. léurier 1513. au profit du Conte de Montreuel en Champagne contre les heritiers de méssire Iacques d’Estouteuille, et par autre arrest du 29. Iuillet 1605. au rapport de monsieur Cauellier, entre Florent Louuel fils et heritier de deffunt Cardin Louuel et heritier en partie de defs funte Florence Lamyraude sa mère appellant du Bailly de Roüen ou son lieutenant d’vne part, et Marguerite et Marion Louuel ses soeurs filles desdits Cardin et Florence d’autre part. Par les traittez de mariages desdites filles ledit Cardin leur pere auoit donné à ladite Marguerite trois cens liures et à ladite Marion six cents liures, sans en ce comprendre les parts et portions qui pouuoient reüenir ausdites filles de la maison nommee la Faucille assise en la ville de Roüen de la succession de leur mère defunte en laquelle ledit Cardin estoit lors demeurant comme ayant trouué ladite defunte sa semme saisie de ladite maison à elle appartenant. Par la sentence dont estoit appellé auoit esté adiugé partage ausdites Louuel sur ladite maison comme y ayans esté reseruées lors de leurs mariages par leur pere apres le décez de leur meré, en ce faisant condemné ledit Florent mettre és mains de ladite Mation puisnée en lasuccession les lettres concernans la proprieté de ladite maison pour en faire lots. Sur l’appel à la Cour par ledit Florent il disoit que le pere n’auoit peu reseruer ses filles et n’y auoit par ledit traitté stipulation expresse de reserue à la succession ains seulement vne simple reserue d’action. Secondement que lors dudit traitté la mère : stant decedéc le frere auoit esté incontinent saisi de la succession et ius erat ei quasitum, consequemment le pere né luy auoit peu preiudicier. En troisiesme lieu disoit que la reserue s’entend ad ius futurae successionis et non pas à vne succession ja écheué, et n’est pas comme en la rescrue que fait le pere du viuant de la mere qui se fait dautant que constante matrimonio est veluti dominus rerum dotalium, et outre que le consentement tacit de la mere interuient àla declaration du pere. Ce neanmoins fut la sentence confirmée et sans depens de la cause d’appel.

Il a esté donné autre arrest en la chambre de l’Edit au rapport de monsieur duMoucel le dernier Iuillet 1612. entre Iean et Iacques le Cresp et Catherine le Viconte fille de defunt Iean le Viconte et damoiselle Françoise Houel, et Antoine Dampierre frere vterin d’icelle Catherine. Sur-ce que ledit le Viconte stipulant pour ladite Catherine sa fille luy auoit par sentence du Baill, deCaen ou son Lieutenant à Vire du 22. Decembre 1601. fait adiuger partage. en fond iusques au tiers sur la terre du Fueillet écheué audit Dampierre de la succession de ladite Houel leur mére, laquelle terre auoit esté dépuis venduë. pariceluy Dampierre ausdits le Cresp. Sur l’appel de cette sentence à la Cour parledit Dampierre par ledit arrest elle a esté cassée et en reformant adiugé à ladite Catherine le Viconte droit de mariage auenant sur la succession de ladite Houel sa mère.

Mais si la mere estoit encorviuante, il y auroit plus de doute si le pere pourroit reseruer sa fille à la succession d’icelle mére contre le gré d’icelle, ou n’ay antconsenti le mariage. On pourroit dire que par la le mary disposeroit des biens de sa femme contre son gré et consentement, qui seroit contre l’art. 538. et qu’il ne peut pas mesmes poursuyuir les actions reelles d’icelle, sinon auec elle ou ayant d’elle procuration : à plus forte raison ne pourroit-il pas contre son consentement faire cette reserue où il est question de l’vniuersité d’vne succession. Qu’il y auroit plus d’apparèce de permettre à la femme disposer de ses biens à l’endroit de ses enfans contre le consentement du mary par argument del’art. 285. mais parce que le cas dudit art. est special on n’en doit tirer consequence à d’autres cas. Et dautant que la Coustume parle icy indistinctement et permet au pere de reseruer sa fille à la succession de la mére sans distinguer si c’est du consentement d’icelle ou contre son gré, et elle est viuante ou non, il y a plus de raison de dire qu’il suffit à cette reserue de la volonté du pere, euius iudicium praponderare debet. Que s’il est bien permis au pere de reseruer sa fille à la succession de la mère apres le décés d’icelle, auquel tems il ne peut plus estre assisté de son consentement et volonté et n’est plus seigneur des biens dotaux, il y a autant ou plus de raison de luy donner ce pouuoir du viuant d’elle contre son gré et consenteme nt, attendu que ce n’est pas la proprement vne alienation ains plustost un departement des biens de la mère a ses enfans, lequelfaisant le pere il ne suit que le droit commun et la raison naturelle.

C’est vne autre queition, si le pere en matiant sa fille la pent faire renoncez àla succession de sa mere. Surquoy s’est donné arrest au conseil le 26. Mars IS6s. entre Nicolas Auril oncle et heritier de Iacques du Busc, ledit Iacques fils et seul heritier de Vsabeau Langlois fille et heritière de Marguerite Langlois d’vne part, et Desir de la Campagne et Iean Turgis heritiers à cause de Marthe et Marie Langlois leurs femmes filles du second mariage dudit Iacques Langlois chargez de garantie pour vn nommé Raullin auquel ils auoyent vendu les maisons dont estoit question. Ledit Iacques Langlois durant son premier matiage d’entre luy et Marguerite Auril, dût estoit sortie ladite Vsabeau, auoit acquis de ux maisons assises en cette ville de Roüen, dont partant la moitié appartenoit a cette femme de laquelle estoit heritière ladite Vsabeau sa fille, Ledit Langlois s’estant apres le décés de ladite Marguerite remarié et de ce secondmariage procreé deux filles, sçauoir est lesdites Maîthe et Marie, il marie. ladite Vsabeau à Guillaume du Buse, et par le traitté de maiiage proniet donner aux futurs mariez douze cens cinquante liures pour toutes choses, sçauoir esthuit cens liures contant, et pour les quatre cens liuies restans s’estoit obligé en quarante liures de rente, laquelle il auoit consignée et assise sur tous ses biens pour tenir le nomcosté et ligne de ladite Vsabeau et pour estre son vray dot matrimonial, à condition de racquitter cette rente toutesfois et quantes. Et à ce moyen auoit fait renoncer ladite Vsabeau et son mary à tout ce qu’ils luy eussent peu demander à cause de la succession de ladite Marguerite Auril mere, et demeuroit aussi dechargé de dix liures de rente qu’il deuoit à ladite fille du don de sa mere. Et auoit esté aussi accordé par ledit Langlois pere, qu’en cas qu’il decedast sans hoirs masses ladite Vsabeau peust reuenir à partage auec les autres filles dudit second mariage en rapportant ladite somme de douze cens liures. De ce mariage dudit Guillaume du Buse, et de ladite Vsabeau Langlois sort Iacques du Buse, auquel succede ledit Nicolas Auril son oncle : lequel prend vne clameur de loy apparente pour reüendiquer la moitié desdites deux maisons comme ans appartenu à droit de conquest à ladite Marguérite Auril qui l’auoit transmise à ladite Vsabeau sa fille, ladite Vsabeau audit lacques du Buse son fils, et ledit du Buse audit Nicolas Auril son oncle, Pai ledit arrest fut dit à bonne cause ladite loy apparente, ledit Auril enuoyé comme propriétaire en possessio de la moitié desdites deux maisons, et lesdits Turgis et de la Campagne vendeurs condamnez à la restitution des fruits perçeuz ou empeschez perceuoir depuis l’exploit de ladite loy apparente : sur ce deduites les meliorations et impenses vtiles et necessaires faites sur lesdites maisons, et sur lesdites meliorations les degrademens si aucuns y auoit. Et ordonné aussi qu’il auroit payement et continuation à l’aduenir de ladite rente de dix liures.