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J URISDICTION ; le mot de JURISDICTION doit être pris ici pour le pouvoir que les Juges ont reçû du Roi pour décider les contestations & differends de ses Sujets dans les affaires qui sont de leur compétence.

La Jurisdiction se divise en Jurisdiction Royale &, Jurisdiction de Seigneurs, qu’on appelle quelquefois Jurisdiction subalterne.

Quoique l’art. 37. de notre Coutume fasse mention d’une Moyenne Justice Seigneuriale, sans même marquer en quoi elle consiste, néanmoins en Normandie il n’y a à proprement parler que de deux sortes de Justices Seigneu riales, la Haute & la Basse ; aussi il est rare de trouver dans cette Province des Moyennes Justices, on n’y connoit que des Justices Hautes & des Basses Justices.

Ces Justices sont bornées au territoire de la Seigneurie à laquelle il a plû au Roi d’accorder une Justice ; car toutes les Justices Seigneuriales sont émanées de l’autorité & concession du Roy.

Les Seigneurs ne peuvent exercer ces sortes de Justices, ils sont obligez de les faire exercer par des Officiers qu’ils y commettent à titre onereux ou titre gratuit ; & ces Officiers doivent être reçûs par le Bailly Royal, ou son Lieutenant, du Bailliage où se porte immédiatement l’appel des Sentences renduës dans ces Justices.

Comme les Jurisdictions sont en France patrimoniales, on ne peut proroger une Jurisdiction, c’est-à-dire se donner des Juges ; il faut plaider devant son Juge naturel & competent.

Le Juge Royal ne peut prévenir le Juge Haut-Justicier dans les affaires dont la connoissance appartient de droit au Haut-Justicier, même sous prétexte de négligence de la part du Haut-Justicier.

Il n’y a que le Parlement qui puisse regler une compétence contestée, & donner des Juges, soit juges Royaux, soit iuges subalternes ; c’est pourquoi il faut dans ce cas interjetter appel comme de Juge incompétent & de deni de renvoi, qui sera porté & relevé immédiatement au Parlement, qui faisant droit sur l’appel donnera des Juges compétens aux Parties ; faire le contraire, c’est tomber dans l’abus ; car il arrive souvent qu’effrayé qu’on est d’une d’une pareille condamnation ; on prend le parti de plaider devant un Juge incompetent pour ne pas payer une amende. Si on ne veut pas aller contre les bon nes regles en fait de Jurisdiction, on ne doit pas tolerer les condamnations d’amende pour distraction de Jurisdiction ; c’est cependant à quoi les premiers Juges ne manquent jamais, car on est obligé d’aller au Parlement se faire décharger de cette condamnation d’amende & à demander des Juges.

Avant l’établissement du Parlement de Roüen il y avoit une Cour Superieure sous le titre D’ECHIQUIER, qui étoit à proprement parler les Grands Jours qui se tenoient dans cette Province ; on y portoit les appellations des Sentences des premiers Juges.

Ce Tribunal acommencé sous Philippe Auguste, & a duré jusques en 1499. que Loüis XII. établit le Parlement de Roüen pour toute la Province de Normandie.

Il faut pourtant convenir que l’Echiquier particulier qui étoit à Alençon pour toute l’étenduë du Bailliage d’Alençon, subsista jusques au decés de Marguerite, soeur unique du Roy François I. qui arriva en 1513, lorsque le Duché d’Alençon retourna à la Couronne, & fut soumis au ressort du Parlement de Roüen.

Il est bon de remarquer ici en passant qu’encore à present on suit en Angleterre le Droit Coutumier de Normandie en beaucoup de choses ; la raison est que Guillaume Duc de Normandie aprés avoir conquis en 1066, le Royaume d’Angleterre, voulut qu’à l’avenir les Anglois n’eussent point d’autres Loix que les Loix Normandes & la même Police, que les Actes publics fussent faits & dressez en Langue Normande, & qu’on plaidoit en Langue Normande, Loix qui s’y sont conservées, du moins en plusieurs rencontres.