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ARTICLE Il.

C Onnoit aussi en première instance de toutes matieres héréditaires & personnelles entre personnes Nobles, de Fiefs nobles & leurs appartenances, entre toutes personnes soit Nobles ou Roturieres :

Dans cet Article & les deux suivans, notre Coûtume regle la Jurisdiction du Bailly en matière civile.

Matieres héréditaires, sont des actions immobiliaires, réelles, ou hypotecaires, qui ont pour objet une chose ou un droit immobiliaire, comme l’action personnelle ou mobiliaire qui est une action qui tend à une chose ou à un droit mobiliaire & personnel ; quant à l’action mixte, c’est celle qui participe de l’action personnelle & de l’action heréditaire.

Le Bailly connoit de toutes ces matieres & actions entre toutes personnes Nobles, à l’exclusion du Vicomte ; mais si une personne Noble fait assigner un Roturier, ce sera le Vicomte qui connoîtra de la contestation comme Juge naturel des Roturiers, par la maxime que Actor sequitur forum Rei ; mais entre Nobles, le Bailly seul connoit de leurs contestations, tant en demandant qu’en défendant.

Il y a une disposition semblable dans l’Edit de Cremieu, art. 4. & 5. Elle porte que les Baillis & Senéchaux Royaux connoitront des affaires des Nobles privativement à tous autres Juges Royaux, bien entendu en défendant contre un Roturier, ou que la contestation soit entre Nobles. Il y a même la Declaration du Roi du 24 Fevrier 1537, donnée en interpretation de l’Edit de Cremieu ; par laquelle les Juges Hauts-Justiciers sont maintenus & gardez à connoitre des Procès des Gentilshommes domiciliez dans l’etenduë de leur Haute-Iustice, sans pouvoir demander leur renvoy devant le Bailly ou Sénéchal, ce qui s’entend lorsque la contestation est entre deux ou plusieurs Nobles ; car si elle étoit entre un Gentilhomme & un Roturier, & que le Roturier y fût défendeur, il faudroit que le Gentilhomme suivit la Jurisdiction du Roturier, soit le Vicomte, soit le Juge Haut-Justicier, chacun en droit foi.

Par Nobles on n’entend pas seulement les Nobles d’origine & d’extraction, mais encore ceux qui sont annoblis par leurs Charges ou autrement, & autres qui joüissent des Privileges & prérogatives des Nobles, comme sont les Secretaires du Roi, les Officiers des Cours Souveraines, & autres.

Les Ecclesiastiques étant dans les Ordres sacrez ou mineures, & tenant rang d’Ecclesiastiques, ont le même Privilege ; cependant l’Inventaire d’un Prêtre Roturier d’extraction, des meubles & effets trouvez aprés son decés, appartient au Vicomte à l’exclusion du Bailly. Arrét du Parlement de Roüen du 16 Novembre 1645.

, privativement & à l’exclusion du Juge-Vicomte, tant en demandant qu’en défendant, & soit entre personnes Nobles ou entre un Noble & un roturier, ou entre deux ou plusieurs Roturiers possedans Fief ou Terre noble ; parce que dans ce cas deux choses concourent, la Noblesse de la personne & la Noblesse du Fiel & Terre qui donne lieu à la contestation, soit que la contestation regarde le corps du Fief & Terre noble, soit qu’elle concerne seulement ses appartenances & dépendances, tel que sont la Foi & Hommage, les Aveux, Treisiémes, Reliefs, Rentes & Redevances seigneuriales, & autres Droits seigneuriaux dependans de la Terre noble ou Fief noble ; en un mot il n’y a que le Bailly qui puisse connoitre de ces sortes de contestations entre toutes personnes, soit Nobles soit Roturieres, & tant en demandant qu’en défendant, & jamais le Vicomte, à moins qu’il ne fût question de partager un Fief ou une Terre noble, faisant partie de la succession d’une personne Roturiere, & que les parties fussent Roturieres ou que le défendeur au partage fût Roturier ; car en ce cas, la connoissance du partage appartiendroit au Vicomte, & non au Bailly, par la raison que dans ce cas on ne considere point la qualité feodale pour la Jurisdiction, & qu’il suffit que l’action en partage soit personnelle pour obliger le demandeur à suivre la Jurisdiction du défendeur, qui est de condition roturière ; mais il faut pour cela que le Roturier soit défendeur à la demande en partage ; car s’il étoit demandeur & que le défendeur fût Noble, le Bailly connoitroit de la contestation, & non le Vicomte.

Sur ce même principe, s’il étoit question de fermages d’un Fief ou Terre noble entre le Seigneur & son Fermier, & que le Seigneur fut le demandeur & le Fermier défendeur, ce seroit au Vicomte à connoître de la contestation, & non au Bailly ; mais quant à la discussion sur des faisies & arrêts des fermages des Terres & héritages roturiers appartenans à une personne Noble ou d’une saisie executoire de ses meubles, elle appartient au Bailly, tant en demandant qu’en défendant, & non au Vicomte. Arrét du Parlement de Roüen, en forme de Reglement, du 18 janvier 1655, parce que cette discussion forme une action personnelle dont le Bailly doit seul connoitre comme Juge naturel des Nobles, sans que la qualité des Terres & héritages puisse en ces cas changer cette maxime generale.

Il n’y a de plus que le Bailly qui puisse connoitre des contestations au sujet des Plaids Royaux du Domaine du Roi, & non le Vicomté, de quelque qualité que soyent les Terres & héritages qui donnent lieu au differend, Nobles ou Roturiers Arrêt du même Parlement du premier Juin 1618.