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ARTICLE V.
A U Vicomte ou son Lieutenant appartient la connoissance des Clameurs de Haro civilement intentées, de Clameurs de Gageplege pour chose roturière, de vente & dégagement de biens, d’interdits entre Roturiers, d’arrêts, d’execution, de matieres de namps & oppositions qui se mettent
pour iceux namps, de dation, de tutelles & curatelles de mineurs, de faire les inventaires de leurs biens, d’oüir les comptes de leurs tuteurs & administrateurs, de venduës de biens desdits mineurs, de partage de succession, & d’autres actions personnelles, réelles & mixtes en possessoire & propriété, ensemble de toutes matières de simple deresne entre Roturiers & choses roturieres, encore qu’esdites matieres échée vûë & enquête.
Cet article & les six suivans établissent la Jurisdiction du Vicomte privativement aux Baillis, Dans cet Article il y a quinze cas de la competence du Vicomte.
Vicomte., 1 quasi Vices gerens Comitis, ) Ce Comte étoit un Seigneur & une homme d’épée. Nous avons encore à présent des Terres érigées en Vicomtez & dont les Seigneurs s’appellent Vicomtes.
En Normandie Vicomte est le Juge des Roturiers, comme le Bailly est le Iuge des Nobles ; le Vicomte est un Iuge Royal, Gradué & de Robe-longue, mais subalterne au Bailly : dans les autres Coûtumes le Prevôt, Châtelain ou Viguier sont les Officiers que nous appellons en Normandie Vicomtes. Le Vicomte a son Lieutenant pour juger en son absence, maladie, récusation ou autres empéchemens ; ce Lieutenant est aussi un Officier de, judicature comme le Vicomte.
Appartient la connoissance des Clameurs de Haro civilement intentées.
Le Haro vient & tire son origine de Raoul ou RoIlo, premier Duc de Normandie, qui au rapport deDudo , liv. 2. de moribus & actis Normanorum, invectâ cette voye de droit pour mieux discipliner & contenir la Province de Normandie dans son devoir, in terra suae ditionis banrum, id est interdictum misit it nullus fur vel latro esset neque asiensum malae voluntatis et praeberet, cette voye de droit est particulière en Normandie, nulle autre Coûtume du Royaume n’en parle.
La Clameur de Haro est un pouvoir légal donné par la Coûtume, de traduire la personne sur laquelle le Haro est fait, devant le Vicomte ou son Lieutenant, pour y comparoir à l’instant & sur le champ, sans Mandement ni Permission d’aucun Juge ; la Clameur de Haro suffit & sert de Mandement ou Permission de Justice.
Le Vicomte ou son Lieutenant ne connoit de la Clameur de Haro qu’au cas que le Haro soit intenté en matière civile roturière, & que les Parties soient Roturieres, du moins le Defendeur en Haro ; car si le Haro est fait pour matiere criminelle, ou pour chose noble, ou entre Nobles, ou si le Défendeur en Haro est Noble, c’est au Bailly à connoître de la Clameur de Haro, & non au Vicomte, car nonobstant que la Coûtume par cet Article attribuë la connoissance de la Clameur de Haro au Vicomte, cela ne se doit entendre que dans les matieres qui sont de la compétence.
La Clameur de Haro, par rapport au Bailly, à lieu tant en matiere civile, qu’en matiere criminelle, & entre toutes sortes de personnes de l’un & l’autre sexe, Nobles ou Roturieres, Ecclesiastiques ou Religieux.
De Clameurs de Gageplege.
On appelle Clameur de Gageplege une Complainte contre le trouble fait dans la proprieté ou possession d’un héritage ou autre immeuble par voye de fait, ou clandestinement ou autrement ; & c’est à peu pres l’interdit du Droit Romain, qui ét aut clam possidetis, dont l’effet étoit d’empécher toutes nouvelles entreprises.
Pour parvenir à la Clameur de Gageplege, il faut présenter une Requête au Juge, tendante a ce que le trouble soit réparé, & que le demandeur soit reintegré & maintenu dans la possession & propriété de Lhéritage ou autre immeuble qui donne lieu à la Clameur de Gageplege, avec restitution de fruits, & cependant que défenses serons faites au deffendeur de rien faire ni entreprendre au préjudice de la Clameur de Gageplege, à peine de tous dépens, dommages & interêts ; au bas de laquelle Requête le Juge met son Ordonnance portant soient parties appellées au principal, & cependant faisons défenses d’attenter ni rien fuire ni entreprendre ait préjudice & nonobstant la Clameur de Gageplege.
La Clameur de Gageplege n’a pas seulement lieu pour les terres & héritages ou autres immeubles, mais encore pour les servitudes, les dixmes & droits incorporels ; on peut même se servir de cette voye de droit pour raison d’un usufruit d’héritages, & d’une universalité de meubles.
Le Vicomte peut seulement connoître de la Clameur de Gageplege en matiere roturiere & entre personnes de condition roturiere, ou si le deffendeur à la Clameur de Gageplege est roturier ; car si la Clameur de Gageplege étoit intentée pour chose noble, ou entre Gentilshommes & personnes Nobles, ou que le deffendeur fût Noble, ce seroit au Bailli à connoitre de la Clameur de Gageplege.
La Clameur de Gageplege n’a point lieu en matiere criminelle, mais seulement en matière civile.
En matière de Clameur de Gageplege, tant le demandeur que le défendeur sont tenus avant toutes choses de donner caution bonne & solvable, pour repondre des dépens dommages & interêts envers celui qui par l’évenement aura gain de cause, c’est cautio judicatum solui ; &c’est de là d’où derive le mot de Gageplege, comme qui diroit caution, nantissement, sureté ; mais on n’use gueres de cette rigueur, cela dépend beaucoup des circonstances de l’affaire.
Si on veut former opposition à la Clameur de Gageplege, il faut la former dans l’an & jour que la Clameur de Gageplege aura été intentée & signifiée, à peine de nullité de l’opposition, en ce qu’on ne serait pas recevable dans l’opposition.
En cas d’opposition à la Clameur de Gageplege dans le temps, il faudra commencer à faire droit sur le possessoire, sauf dans la suite à se pourvoir au petitoire aprés que le possessoire aura été jugé, executé & parfourni ; car en matière de Clameur de Gageplege comme en matière de Complainte le possessoire & le petitoire ne peuvent être accumulez. Article 5. du Tit. 19. de l’Ordonnance de 1667.
La Clameur de Gageplege n’est pas une action entièrement réelle, elle est mixte, c’est-à-dire en partie réelle & en partie personnelle ; aussi cette action est sujete aux Lettres de Committimus. Arrêts du Parlement de Roüen des 7 Mars 4707, 15 Mars 1611 & 2 Décembre 1625 : elle est réelle, comme rendante à rentrer en possession d’un héritage ou autre chose qui tombe dans le Clameur de Gageplege, & elle est personnelle ; eût égard à la personne qui fait le trouble. & la nouvelle entreprise.
Vente & Dégagement de biens, C’est ce qu’on appelle en droit actio pignoraaeitiae directa, qui est connée au débiteur pour apres la dette payée pouvoir retirer la chose qu’il avoit donnée en nantissement ou gage à son créancier en lui faisant le prét & pour sureté de la somme prêtée.
Il y a aussi l’action appellée en droit actio pignorasstia contraria, laquelle appartient au créancier pour être autorisé par le Juge à faire vendre le meuble ou autres choses données en nantissement ou gage, faute de payement aprés trois sommations faites au débiteur de payer la dette & de retirer le gage ou nantissement, mais il est d’usage que le débiteur peut dans la huitaine retirer les choses venduës en rendant l’argent à ceux qui les ont achetées, aprés laquelle expirée le débiteur ne seroit plus recevable en ses offres ; car cette huitaine est fatale.
Comme le créancier ne peut jamais prescrire le gage ou nantissement, le possedant
& le tenant non suo sed alieno nomine, c’est. à-dire pour & au nom du débiteur à qui le nantissement ou gage appartient. L’action directe de vente & dégement de biens, est imprescriptible de la même maniere que le débiteur ne peut de son côté opposer de prescription contre la dette ; parce que tant que le créancier est nanti du gage & que le gage dure & subsiste, le nantissement tient Pour ainsi dite lieu de payement, l’action contraire de vente & degagement de biens est imprescriptible.
Si le gage ou nantissement produisoit des revenus, des fruits, arrérages ou interéts, ils appartiendroient au débiteur, les impenses & frais déduits, & ils iroient en d’éduction de la dette.
Les Contrats prégnoratifs & d’antichrese sont inconnus en Normandie, & il n’y a nuls interêts d’une somme mobiliaire, à moins qu’il n’y ait aliénation du principal ou que la dette fût causée pour chose qui rapporteroit des fruits & revenus ; en sorte que la maxime est constante en Normandie, que hors ces cas on n’adjuge point d’interets d’une somme mobiliaire, neque ex mora, neque ex petitione, & à die petitio mis, nec ex judicios une somme de cette qualité est toujours sterile.
Le Vicomte ou son Lieutenant connoit de cette action dans les biens roturiers, entre roturiers, ou si le défendeur est de condition roturière ; car si le défendeur étoit Noble, ou que toutes les Parties fussent Nobles, la connoissance en appartiendroit au Bailly.
D’interdits entre Roturiers.
Ce mot d’interdit dans nôtre Coutume, comme en Droit Romain, veut dire une Ordonnance de Iuge, par laquelle il défend ou permet de faire quelque chose selon les occurences des affaires, jusqu’à ce que les Parties ayent été entenduës.
Le Vicomte peut rendre de pareilles Ordonnances entre personnes roturieres & pour choses roturieres, & non entre Nobles ou pour choses nobles, ou que le défendeur fût noble ; il faudroit se pourvoir devant le Bailly.
S’il y a opposition à ces Ordonnances, il faudra les porter devant le Juge qui aura été en droit de les rendre.
En matière d’interdits comme en complainte, le possessoire doit être vuidé avant de pouvoir venir au pétitoire ; car le possessoire & le petitoire ne peuvent être accumulez en fait d’interdit.
D’arrêts, d’executions de biens.
Il y a beaucoup de différence entre un arrét & une execution ; l’arrét est une simple saisie, ou un arrét qu’on fait entre les mains du débiteur de notre débiteur pour la sûreté & conservation de notre du, au lieu que l’execution est une saisie des meubles & effets mobiliers de notre debiteur ou condamné.
Il saut un titre pour saisir & arrêter ou pour executer ; mais quant à la simple saisie & arrêt, il n’est point necessaire d’avoir un titre executoire & paré, un simple billet ou promesse avec une Ordonnance ou Mandement du Juge, suffit ; à l’égard de l’execution, elle ne peut être faite qu’en vertu d’un titre paré & exeCutoire, comme Contrat, Obligation ou autre Acte passé devant Notaire, ou d’une Sentence, Arrét ou Jugement ; il faut même que la chose pour laquelle on execute soit certaine & liquide, & que l’execution soit précedée d’un commandement, à peine de nullité.
Il y a, en outre la saisie gagerie, la saisie par Brandon, & la saisie réelle, Il y a quelques Villes d’arrêts en Normandie, comme dans les Villes de Roüen, Dieppe & Louviers ; c’est un Privilege qu’ont les Bourgeois & Habitant de ces Villes de pouvoir faire arrêter les Forains par un Huissier ou Sergent sans titre paré ni executoire, ni condamnation, ni ordonnance de Justice pour dette ; & dans ce cas on donne assignation aux Parties à heure présente & sur le champ pour faire décider & juger la contestation, si faire se peut ; mais si l’affaire ne peut pas être sommairement terminée & qu’elle merite discussion, le Juge ordonne que le débiteur sera relaxé & mis en liberté, ou les choses arrêtées renduës au debiteur, en donnant par lui bonne & suffisante caution, ce Privilege n’a lieu que contre les Forains & en faveur seulement des Habitans & Bourgeois des Villes qui ont cette prérogative, & non de Bourgeois à Bourgeois.
Le Vicomte ou son Lieutenant connoit des saisies & arrêts & des saisies & executions dans les affaires de sa competence, c’est-à-dire entre roturiers & pour choses roturieres, ensemble des oppositions qui y sont formées.
De matières de Namps & d’oppositions qui se mettent pour iceux Namps.
Le mot de Namps, vient de nantium qui signifie pignus ; il en est parlé dans les Loix de Henry premier, Roy d’Angleterre, chap. 2. & dans celles de Guillaume le Batard, chap. 42.
Par le mot de Namps on entend donc des meubles ou autres effets mobiliers donnez en nantissement ou gage, ou des meubles, bestiaux ou autres effets mobiliers saisis, pignori capta ; on dit nantir, c’est-à-dire donner nantissement ou saisir & mettre en main de Justice.
Cette matiere, ensemble les oppositions mises sur les Namps, sont de la competence du Vicomte ou son Lieutenant pour choses roturieres ou entre Roturiers, Il y a deux sortes de Namps, Namps vifs qui sont les bestiaux, & Namps morts qui sont des meubles meublans ; il y a un Edit de François premier de 1547. où il est parlé de ces Namps.
De dations de tutelles & curatelles de mineurs de faire faire les inventaires de leurs biens, d’oüir les comptes de leurs tuteurs & curateurs & de venduës de biens desdit ; mineurs.
Tutelle se dit à proprement parler des mineurs non émancipez ou non âgez de vingt-cinq ans, & la curatelle se dit des mineurs émancipez par Lettres du Prince.
Quoique par l’Article premier du Regiment du y Mars 1673, les peres & ayeuls soient tuteurs naturels & legitimes de leurs enfans & petits enfans, & que par le même Article, conforme en cela à l’Article 237 de la Coûtume generale, le frère ainé soit tuteur naturel & legitime de ses frères & soeurs, néanmoins il est vrai de dire que ces tutelles, comme toutes les autres, sont datives & quelles doivent être déferées autore Pretore, & acceptées en Justice ; ce qui est au moins une confirmation faite en Justice de la tutelle déferée de droit aux peres & ayeuls & au frère ainé, si ce n’est pas une nomination de leurs personnes & une dation de la tutelle ; aussi les peres & ayeuls ni le frere ainé ne sont pas tuteurs si naturels, que les parens ne puissent pour justes causes en nommer un autre.
Le Vicomte est le Juge des tutelles des mineurs roturiers, & le Bailly des mineurs nobles.
La dation de tutelle appartient aux Juges du domicile des mineurs ; & ce domicile est celui que les pere & mere avoient lors de leurs déces.
Les Juges Hauts-Justiciers peuvent aussi connoître & déferer les tutelles des enfans mineurs domiciliez dans l’etenduë de leurs Hautes-Justices, soit que les mineurs soient de condition roturière ou noble.
Les Juges tant Royaux que Hauts-Justiciers sont obligez de pourvoir les enfans mineurs de tuteurs, & les Procureurs du Roy & Procureurs Fiscaux, chacun en droit soi, doivent en faire la poursuite d’office, si les parens sont négligens de faire proceder à l’élection & nomination d’un tuteur, ou s’il ne paroissoit point de parens.
Il fait voir le Reglement general du y Mars 1673. au sujet des tutelles, qu’on trouvera à la fin de ce Commentaire, avec le Reglement de 1666, & les observations que nous avons faites dessus.
Le Reglement du 7 Mars 1673 a été fait par le Parlement de Roüen ; parce que les tutelles sont d’autant plus importantes dans la Province de Normandie, que les nominateurs & parens déliberans, sont garants subsidiairement de leur nomination & de la solvabilité, gestion & maniment des tuteurs ; aussi ce Reglement a beaucoup applani de difficultez sur cette matière, ce qui va nous dispenser de nous etendre à ce sujet ; nous allons seulement donner la décision de quelques difficultez non prevuës ou survenuës dépuis le Reglement de 1673.
On ne connoit point de tuteurs honoraires en Normandie, il n’y a que des tuteurs onéraires ; il y a cependant quelquefois des tuteurs consulaires qui sont pour le conseil des affaires concernant la tutelle.
Il y a ordinairement douze parens convoquez pour la dation & nomination d’un tuteur, six paternels & six maternels ; & au défaut de parens, on auroit recours à des amis ou à des voisins ; mais en ce cas ces sortes de nominateurs ne seroient point garants de leur nomination.
Les Ecclesiastiques, même les Prêtres qui n’ont point de benefices à charge d’ames, peuvent être nommez tuteurs ; Arrest du Parlement de Roüen du 24 Janvier 1662 ; mais ils ne seroient point contraignables par corps pour le reliquat du compte de tutelle.
L’action en condescente est reçue en Normandie lorsqu’il y a lieu d’ordonner la condescente sur une autre que celui qui avoit Ete nomme tuteur ; mais c’est toujours aux risques, perils & fortunes de celui qui avoit été originairement nommé, lequel demeure subsidiairement garant & obligé envers le mineur ; Arrét du même Parlement du 28 Novembre 1671.
L’action de condescente n’a point lieu entre femmes, ni lorsque le tuteur nominé par les parens a commencé à gerer & administrer la tutelle.
Il y a des excuses pour n’être point tuteur, soit celles fondees sur une exemption attribuée à une Charge, soit celles fondées sur l’âge de soixante & dix ans complets, maladie ou infirmitez incurables, ou autres empéchemens legitimes.
Un mari ne peut être obligé d’accepter la tutelle de mineurs parens de sa femme ; car en Normandie les tutelles doivent suivre l’ordre des successions.
La destitution d’un tuteur peut être demandée par les parens nominateurs, s’ils craignent qu’il soit ou qu’il ne devienne insolvable, si mieux il n’aime donner caution de sa gestion, administration & maniment.
Si un tuteur avoit fait un emploi des deniers de son mineur sans avis de parens, non-seulement il en seroit garant, mais encore les parens nominateurs en seroient eux-mêmes garants.
Un tuteur est tenu aux interêts des deniers pupillaires, non remplacez & qui sont oisifs és mains du tuteur ; il est même tenu aux interêts des interets an favorem minorum, & contre la maxime generale de la Province de Normandie, qui veut qu’il ne soit dû aucuns interêts des sommes mobiliaires, même par condamnation.
La charge de tuteur consiste tant en l’éducation du mineur qu’en la conservation de ses biens.
La minorité cesse en Normandie à vingt ans accomplis, parce que dans cette Province toute personne née en Normandie, soit mâle ou femelle, est censée majeure à vingt ans accomplis, & peut aprés cet âge vendre & hipotequer ses biens, meubles & immeubles sans espèrance de restitution, sinon pour les causes pour lesquelles les majeurs peuvent être restituez ; Article 38. du Reglement de 1666.
Un mineur n’est point obligé de se pourvoir dans les dix ans du jour de la Transaction par lui passée en majorité avec son tuteur sur le compte de tutelle, mon vifis rabulis nec disjunctis ratio nibus ; parce que la mauvaise foi du tuteur & la surprise par lui faite à son mineur, tire cette espèce de la disposition generale de l’Ordonnance, qui veut qu’on se pourvoie dans les dix ans par Lettres du Prince contre un acte passé en majorité, du jour de l’acte ; le procedé du tuteur en pareil cas passe pour un crime & un vol fait par un tuteur à son mineur, que la prescription de dix ans ne peut effacer ; d’ailleurs il ne seroit pas juste de restraindre les moyens qu’un mineur pourroit avoir pour faire réparer la surprise qui lui auroit été faite par son tuteur, & faire casser & annuller une pareille Transaction ; Arrests du Parlement de Normandie des 26 Fevrier 1670, & 3o Janvier 1674. Mais cette prérogative accordée à un mineur, est restrainte & n’a lieu que contre le tuteur personnellement, & non pas contre ses heritiers, à moins que l’action n’eût. été commencée contre le tuteur duquel ils sont heritiers ; autrement il faudroit se pourvoir contre eux dans les dix ans du jour de la Transaction passée en majorité ; car enfin il est de l’interét publie que le repos des familles. soit assuré, cependant si une semblable Transaction avoir été confirmée par plusieurs Actes subsequens, elle ne pourroit plus être attaquée par le pupille, quoi-qu’elle fut nulle dans son principe ; Arrét du même Parlement du 15 Mars 1671.
De dation de curatelle des mineurs.
Il faut prendre ici le terme de curatelle pour tutelle, & c’est en ce sens que la dation de curatelle des enfans mineurs roturiers est de la competence du Vicomte ; car à l’égard des curatelles qui se déferent par Lettres du Prince, à l’effet d’émanciper un mineur par avis de parens, & dans lequel cas on donne un curateur aux causes au mineur émancipé, c’est le Bailly qui en connoit, même entre Roturiers, & non le Vicomte, par la raison que la connoissance des Lettres Royaux est attribuée au Bailly entre toutes personnes, même celles qui sont roturieres privativement au Vicomte.
Mais s’il étoit question de donner un curateur à l’interdiction d’un majeur pour imbecillité ou pour prodigalite, il faudroit suivre la condition de la personne qu’on voudroit faire interdire, pour en attribuer la connoissance au Bailly ou au Vicomte, si la personne étoit noble, ce seroit au Bailly à en connoître, & si au contraire elle étoit de condition roturière, ce seroit le Vicomte.
Le mineur, quoiqu’émancipé, non plus que l’interdit, ne peuvent ester à droit ssans leur curateur aux causes.
Outre les Lettres du Prince d’émancipation, il faut l’avis des parens tant paternels que maternels, pour faire homologuer les Lettres d’émancipation, car l’émancipation ne doit être ordonnée qu’en connoissance de cause, & authore praetore.
Les parens qui ont nommé un curateur à l’émancipation, ne sont garens de rien envers le mineur émancipé, quand même le curateur deviendroit insolvable, non plus que de la nomination d’un curateur à un interdit.
De faire faire l’inventaire de leurs biens.
La première chose qu’un tuteur doit faire aprés sa nomination, est de faire proceder à l’inventaire des meubles, effets, titres, papiers & enseignemens de la succession ouverte & donr le mineur peut se porter heritier, & s’il y a des meubles meublans, les faire vendre avec les formalitez requises & necessaires, aprés la confection & clôture de l’inventaire.
Si l’inventaire est dans les regles, sans recelez ni divertissemens, le tuteur n’est comptable que du contenu en l’inventaire & du prix de la vente des meubles inventoriez, s’ils sont vendus, lequel prix aprés qu’il a été réçû des adjudicataires, par l’Huissier ou Sergent qui a fait la vente, doit être mis és mains du tuteur dans huitaine du jour de la huitaine qui est accordée à l’Huissier ou Sergent pour se faire payer des adjudicataires, à peine d’y être contraint par corps & de tous dépens, dommages & interêts en son propre & privé nom, C’est au Vicomte à faire faire l’inventaire des biens des mineurs roturiers, & au Bailly si les mineurs sont nobles, bien entendu si ces Juges en sont requis, il est permis au tuteur ou aux parens du mineur de le faire faire par un Notaire ; car il est expressément deffendu à tous Juges, tant Roiaux que ceux des Seigneurs, de s’ingerer à faire les inventaires des biens des mineurs s’ils n’en sont requis, Arrêts du Parlement de Roüen des 13 Fevrier 1608, & 5 Fevrier 1610 D’ouir les Comptes de leurs tuteurs & administrateurs.
C’est au Vicomte à entendre les comptes de tutelle des mineurs, si les Cyans compte sont de condition roturière ; car s’ils étoient nobles, ce seroit au Bailly à ouir le compte de leur tuteur, sans que la connoissance puisse leur en être ôtée en vertu de Lettres de Committimus, Lettres de Gardegardiennes, de Scolarité ni autres, pas même par évocation ; art. 1. du Tit. 29. de l’Ordonnance de 1667.
Cette même Ordonnance & au même titre, prescrit les formalitez de la reddition des comptes de tutelle & tout ce qui en dépend. De venduës de biens desdits mineurs.
La vente des meubles est une vente mobiliaire, & la vente des immeubles se fait par saisie réelle & décret, le tout avec les formalitez de Justice, telles qu’elles sont reglées par la Coûtume ou par l’Ordonnance. c’est le Vicomte qui connoîtra de ces ventes si les mineurs sont roturiers ; car s’il sont nobles ou que les immeubles fussent nobles, la vente des meubles & la vente des immeubles ne pourroient être faites que par le Bailly.
De partage de Succession.
L’action en partage d’une succession roturiere & entre roturiers, est de la competence du Vicomte, mais si la succession est noble, soit par rapport aux biens, soit par rapport aux personnes, la connoissance en appartient au Baillis & se sera le Juge du lieu dans lequel la personne de cujus bonis agitur, est decedée, qui connoîtra du partage ; cependant cette action est sujete au droit de Committimus, comme étent une action mixte, partie réelle & partie personnelle.
Une demande en partage ne peut être formée par un mineur, mais un partage peut être provoqué par majeur contre un mineur ; & alors le mineur as sistera au partage par le ministere d’un tuteur ad hoc, c’est-à-dire à l’effet du partage, parce que nemo invitus manet in societate.
Il y a des partages provisionnels & des partages definitifs ; ceux : là ne sont pas incommutables, au lieu que ceux-ci le sont, à moins qu’ils ne soient combattus & détruits par les voyes de droit.
Et des autres actions personnelles, réelles & mixtes en possessoire & propriété.
Ces trois sortes d’actions tant pour raison du possessoire que du petitoire, appartiennent au Vicomte entre roturiers & pour biens & choses roturieres, hors les cas dont la competence est expressement attribuée au Bailli, comme si c’est entre nobles, ou que le noble soit défendeur, ou pour chose noble, ou pour Lettres Royaux.
Si cependant on obtenoit incidemment des Lettres de Relevement ou Rescision contre un Contrat, Obligation, Billet, Promesse ou autre Acte, il faudroit les adresser au Vicomte saisi de la contestation principale, pour par lui être fait droit sur le tout.
Cet Article propose trois sortes d’actions, la personnelle, la réelle & la mixte, la personnelle procede d’un contrat ou quasicontrat, & ou d’un délit ou quasidelit ; la réelle provient du fonds, héritage ou autre immeuble réel ; la mixte participe de l’action personnelle & de l’action réelle ; ces trois sortes d’actions peuvent être intentées devant le Vicomte tant pour le petitoire que pour le possessoire si les Parties ou les choses sont de sa competence, sans néanmoins pouvoir accumuler le petitoire & le possessoire si la contestation a commencé par le possessoire ou complainte.
Ensemble de toutes matières de simple Deresne entre roturiers & des choses roturieres, encore quesdites matieres êchée en vuë & enquête.
Le mot Deresne est un mot Normand, dont on ne peut pas trouver l’étimologie ; quoiqu’il en soit, il signifie suivant quelques Auteurs une action simple par laquelle on demande ou on deffend quelque chose sans les formalitez requises dans l’introduction des autres actions ; suivant d’autres, c’est une action pour se purger & se décharger d’une demande personnelle ou cas imposé & mis en avant par le demandeur ; selon plusieurs autres, & dont l’opinion est la plus probable, l’action de Deresne comprend toutes les matieres où il y a preuve à faire par vûës & montrées, serment, enquête & preuve testimoniale, en demandant ou défendant ; il est rare de voir une action intentée sous le titre d’action de Deresne, pour ne pas dire que cette action est inusitée ; le Vicomte en connoissoit dans les affaires de sa compétence, comme le Bailli dans les cas de sa competence, Les vuës & montrées sont abrogées par l’Ordonnance de 1667 Tit. S. Art. 3. cependant on ordonne souvent que plan figuratif sera dressé d’une terre, héritage, maison, riviere, fontaine, ruisseau & autre immeuble dont la preuve git en description, plan ou tableau, outre les autres preuves qui peuvent en être faites tant par enquêtes qu’autrement.
Il n’y a plus d’enquêtes par turbes, elles ont été abrogées par la même Ordonnance, Tit. 3. mais on a quelquefois recours aux actes de notoriété, qui s’obtiennent des premiers Juges sur l’usage en certaines choses, on y fait signer les Avocats, Procureurs & Praticiens du Siege, on en prend aussi d’aucune fois des Procureurs & Avocats Genéraux d’un Parlement ou autres Cours Souveraines.