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ARTICLE XX.
L Esdits Juges Hauts Justiciers ne peuvent connoître des Lettres de Remission, de Repits, ni des Lettres pour être reçû au Bénéfice de Cession, ni pareillement des causes de crimes de Leze-Majesté, Fausse-Monoye, & autres cas Royaux.
En matière de Lettres Royaux, c’est à dire Lettres qui s’obtiennent en la grande Chancellerie ou grand Sceau, ou aux petites Chancelleries ou petit Sceau, il y en à de deux sortes de Lettres de Rémission, les unes sont Lettres de Grace, les autres sont Lettres de Justice.
Les Lettres de Grace, sont celles qui dépendent de la pure bonté ou liberalité. cu Roi, & que le Roi peut fuser sans faire violence, ni contrevenir au droit commun, telles sont les Lettres de Rémission, Abolition, Pardon, Rappel de Ban, Dons, Dispenses, Priviléges, Concessions, & autres graces selon les circonstances des affaires, tant en matière criminelle qu’en matière civile.
Les Lettres de Justice sont celles qui sont fondées sur le droit commun, & qui portent Mandement de rendre la justice aux Sujets du Roi avec connoissance de cause sur l’enterinement de ces sortes de Lettres ; telles sont les Lettres de Relevement, Rescision ou restitution, de benefice d’âge, d’émancipation, de relief d’appel ou d’anticipation, de compulsoire, de Requête civile & autres Lettres de cette qualité.
Les Lettres Royaux, pour être admis au benéfice de cession de biens ou pour pouvoir par une femme se faire séparer de biens d’avec son mari, ne sont plus en usage en Normandie, non plus que dans les autres Provinces du Royaume ; la simple action ou demande soûtenuë de moyens, est suffisante.
Les Lettres de Grace sont de la seule competence des Juges Royaux pour renterinement d’icelles ; & en Normandie, c’est le Bailly qui en connoit, & non le Vicomte, quoiqu’il soit Juge Royal ; c’est done au Bailly auquel ces Lettres doivent être adressées ; car quant aux Juges Hauts Justiciers, ils ne peuvent pareillement connoître des Lettres Royaux de grace, soit pour l’enterinement, foir pour leur exécution ; mais à l’égard des Lettres Royaux de Justice, les Juges Hauts Justiciers, même les Vicomtes dans les affaires de leur competence & incidemment, en peuvent connoître, tant par rapport à l’enterinement qu’à l’égard de l’exécution de ces Lettres, & l’adresse leur en est faite dans ces cas.
Lettres de Rémission.
Les Lettres de Rémission sont celles qui sont accordées par le Roi pour les homicides involontaires seulement, ou qui sont commis dans la nécessité d’undéfense legitime.
Les Lettres d’Abolition sont celles par lesquelles le Roi abolit un crime qui de soi n’est pas rémissible ; il y a des abolitions particulieres, il y en a de generales pour une communauté ou pour une Province.
Les Lettres de Pardon sont accordées pour les cas où il n’échet point peine de mort, mais il faut cependant avoir recours en ce cas à l’autorité du Prince pour lui demander des Lettres de pardon ; on peut les obtenir aux petites Chancelleries, au lieu que les Lettres de Remission & d’Abolition ne peuvent s’obtenit qu’au grand Sceau.
Les Lettres de Rémission, Abolition ou de Pardon, obtenuës par Gentilshommes, doivent être adressées & portées au Parlement du ressort du lieu où le crime n éte commis art. 12. du tit. 16. de l’Ordonnance de 1670, à moins que le crime n’eut été jugé de la competence des Juges Presidiaux. a l’égard des Lettres de Rémission, d’abolition, ou de pardon, obtenûës par gens de condition roturiere, l’adresse doit en être faite aux Baillis résortissans nuement au Parlement, dans le ressort desquels le crime a été commis, à l’exclusion & privativement aux Baillis. des lieux où il y a Siege Presidial, à moins que le crime n’eût été commis dans le ressort de leur Bailliage ; Declaration du Roy du mois de Fevrier 1703. Il faut voir à cet égard le titre 16. de l’Ordonnance de 1670.
De Répis.
Les Juges Hauts Justiciers ne peuvent pareillement connoître des Lettres d’abolition, pas même de celles de Pardon.
Les Lettres de Répit, sont celles par lesquelles on accorde un délay à un débiteur malheureux & de bonne foy, à l’effet de vaquer à ses affaires, pendant lequel délay le créancier ne pourra exercer contre lui aucune exécution sur ses biens ni de contrainte par corps contre sa personne, du jour de la signification qui en aura été faite au créancier ; art. 3. du Tit. 9. de l’Ordonnance de 1673. Ces Lettres s’obtiennent au grand Sceau.
Or
Or pour pouvoir les obtenir, il faut que le debiteur mette au Greffe de la Jurisdiction un état de lui certifié de tous ses biens & effets tant meubles qu’immeubles, & de ses dettes passives, & qu’il représente aux créanciers ses Livres & Registres dont & dequoi il sera tenu d’attacher le Certificat sous le contre-scel des Lettres de Répit ; art. ibidem ; & si cet état se trouve frauduleux, le débiteur demeure déchû des Lettres de Répit, sans même être recevable à en obtenir d’autres, ni au benéfice de cession, art. 2. ibidem.
Il y a une Déclaration du Roy du mois de Decembre 1699, qui a ajoûté de nouvelles formalitez à l’obtention & enterinement de ces Lettres, afin de mieux arrêter les abus d’un remede qui de soi & dans sa première destination, est innocent & favorable à un débiteur, auquel on ne peut rien réprocher dans on commerce que du malheur.
Si un debiteur faisoit un Contrat d’atermoyement avec ses créanciers, par lequel ils lui donneroient non seulement quelque delay pour payer, mais encore lui seroient quelque remise, il ne faudroit point en ce cas de Lettres Royaux pour faire homologuer ce Contrat, le consentement de tous les créanciers suffiroit, ou le consentement des deux tiers des Créanciers, non pas par rapport aux personnes, mais par rapport aux sommes dûës aux créanciers ; art. S. du tit. 11, de Ordonnance de 1633.
Les Lettres de Repit ne pourront être de plus de cinq ans, art. 4. Tit. 6. de l’Ordonnance de 1680.
Ce titre contient encore d’autres dispositions sur les Repits, on y aura recours dans l’occasion. pendant le temps accordé par les Lettres de Repit, la prescription ne court point contre un créancier.
Ni des Lettres pour être reçû au benefice de cession.
Ces Lettres ne sont plus en usage, on peut être reçû au benefice de cession de biens par une simple demande formée par le débiteur prisonnier & écroüé par ses Créanciers, ou qui pour cet effet s’est rendu volontairement prisonnier.
On appelle benefice de cession de biens, une déclaration qu’un debiteur malheureux fait en prison & par écrit, par laquelle il demande qu’Acte lui soit donné de ce qu’il cede, délaisse & abandonne à ses créanciers tous & un chacun ses biens generalement quelconques & sans en rien reserver, tant meubles qu’immeubles, laquelle déclaration & abandonnement suffisent pour procurer le benefice de cession & la liberté au prisonnier, sans que ce débiteur soit tenu de donner un état de ses effets, biens & dettes actives ni passives à ses créanciers, certifié de lui, parce qu’il leur abandonne tout ce qu’il a.
Quoique la cession de biens soit un benefice de la Loy & une voye de droit pour pouvoir procurer la liberté à un malheureux debiteur, néanmoins il ne faut pas que la justice reçoive aucune atteinte de la trop grande facilité qu’on auroit pour des débiteurs de mauvaise foi, qui quelquefois n’abandonnent leurs biens que pour s’ouvrir un chemin à la fraude & à la tromperie, pourr ne point paver leurs dettes & se conserver clandestinement & secrettement dans leurs biens sans rien débourser ; d’un autre côté, il ne faut pas observer à la rigueur les Ordonnances, les Coûtumes & la Jurisprudence des Arrêts, qui rejettent la cession de biens dans de certains cas ; il est de l’humanité de suivre plûtot les raisons qui animent ces Loix, que les termes dans lesquels elles s’expliquent, aussi toutes les fois qu’on s’aperçoit que la mauvaise fortune oblige le débiteur à venir au triste benefice de la cession de biens, & de ceder à une dure nécessité, la justice lui doit tendre les bras & le recevoir en sa protection.
Il y a néanmoins des cas où des dettes privilegiées pour lesquelles la cession de biens n’a point lieu par exemple un Facteur est exclus de ce benefice contre son commettant ; Arrests du Parlement de Roüen des 6 May 1653. & 8 Juin 1655. Un condamné à une amende pecuniaire, ou à des dommages & interêts, ou interets civils, ou à des dépens en matière criminelle ; Arrests du même Parlement des 16 Ianvier & 2 May 1609. & 26 Ianvier 1668. Le principal obligé contre la caution & fidejusseur ; Arrests du même Parlement des 3 Février 1622. & 11 Decembre 1652. & 29 Avril 1653. Les Bouchers, les Marchands de Poisson & les Boulangers. qui achetent des bestiaux, du poisson ou du bled des Marchands Forains en Foire, Marché ou ailleurs, sans jour ni terme, un Maître de Monnoye condamné à rendre des espèces qu’il avoit deniées à celui qui les lui avoit confiées, les dépositaires de biens de Justice, les tuteurs pour reliquat de leur compte, les stellionataires, ceux qui ont eu le maniement des deniers Roiaus, les Revenderesses à la Toilette, les Marchandes Lingeres & autres Revenderesses publiques, & tous débiteurs frauduleux, un Fermier n’est point pareillement recevable au benefice de cession de biens ; Arrest du même Parlement du S Janvier 1659. ni encore moins si un débiteur est en banqueroute frauduleuse & ouverte, car bien loin de pouvoir jouir de ce benefice, il pourroit être poursuivi criminellement & puni de mort ; Article 2. de Titre 11, de l’Ordonnance de 1673. Un Banquier ou un Agent de Change ne pourroit pas non plus jouir de cette prérogative légale.
Nul ne peut demander à être admis au benefice de cession de biens, qu’il ne soit actuellement prisonnier & écroüé.
Le benefice de cession de biens libere le débiteur de la contrainte par corps. seulement, mais non pour ses biens meubles & immeubles, tant présens que ceux à venir.
La cession de biens n’emporte point note d’infamie, parce qu’elle est volontaire & que c’est un benefice de la Loy ouvert aux malheureux débiteurs pour les racheter de la prison ; cependant on ne peut pas s’empécher de dire que dans ce cas sucgillatur fama, de manière qu’un homme qui auroit fait cession de biens, auroit de la peine à se faire pourvoir d’une Charge de Judicature & à prétendre aux dignitez d’une Compagnie ou Communauté, ou municipales, comme d’Echevin, ou il faut être omni exceptione major.
On ne suit pas aujourd’hui à la rigueur la formalité du Bonnet Verd contre ceux qui ont fait cession de biens, les nouvelles Ordonnances n’en font aucune mention ; on a considéré depuis l’ancienne Jurisprudence qui étoit tres précise à cet égard, qu’il étoit bien dur & bien triste qu’un débiteur malheureux & non coupable, lequel aiant été forcé pour avoir sa liberté d’abandonner tous ses biens à ses Créanciers, fût encore exposé à la risée du peuple par des marques honteuses de son infortune ; d’ailleurs l’experience a fait connoître qu’un Marchand ou Commerçant ou autre débiteur, ne trouvant le remede de la cession de biens dans la vûé de se procurer sa liberté qu’aux dépens de son honneur, aimoit mieux se retirer dans les païs étrangers & chez les Etrangers, que de trainer dans son païs avec douleur les restes d’une vie honteuse, ce qui devenoit un mal general pour le commerce du Royaume, cependant en Normandie on ne s’écarte encore à présent que difficilement de la formalité du Bonnet Verd ; dans les Villes où il y a un Pilory, on y fait faire trois tours à ce débiteur en présence d’un Huissier ou Sergent, dont il est dressé Procés verbal.
Par une Déclaration du Roi du mois de Novembre 1772. toutes cessions & transports sur les biens des Marchands qui font faillite, sont nuls s’ils ne sont faits dix jours au moins avant la faillite publiquement connuë, & les Actes & Obligations passez devant Notaires & les Sentences renduës contr’eux, n’acquereront aucune hypoteque ni privilege sur les créanciers chirographaires, si les Actes & Obligations ne sont passez & les Sentences renduës dix jours avant la faillite publiquement connuë.
Ni pareillement des causes de crimes de Lese-Majesté, soit divine ou humaine, soit au premier chef, soit au second chef Il n’y a que le Bailly Royal qui puisse connoître de ce crime, & non le Juge Haut-Justicier.
Fausse Monnoye, soit fabrication, alteration ou exposition de Fausse Monnoye, circonstances & dépendances.
Les Juges Haut Justiciers ne peuvent prendre connoissance de ce crime, c’est le Bailly.
Il y a cependant les Prevôts des Maréchaux hors l’etenduë des Villes de leur résidence, art. 12. du titre 1. de l’Ordonnance de 1670. & le Prevôt General de la Monnoye qui en peuvent connoître, bien entendu s’ils préviennent les Baillis.
Roiaux ; mais jamais les Juges Hauts Justiciers ne peuvent connoître de ce fait.
Et autres cas Royaux.
Les cas Royaux sont de la seule competence du Bailly, & non du Vicomte ni des Juges Hauts justiciers ; l’Article 11. du tit. 1. de l’Ordonnance de 1670. fait une énumeration des principaux cas Royaux, & nous les avons rapportez sur l’Article 13. de nôtre Coûtume, où nous renvoions pour éviter la répetition qui est toujours ennuyeuse en quelque ouvrage que ce soit.