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ARTICLE XXV.

O Nt aussi la connoissance du bruit du Marché, c’est à sçavoir s’il intervient quelque bruit audit Marché le Senechal en peut connoître, pourvû qu’il n’y ait sang ni playes, & en lever amende.

Bruit.

Sous ce mot sont entenduës les rixes, querelles, altercations, batteries & differends qui peuvent arriver dans un Marché ou dans une Foire entre les Marchands ou autres.

Du Marché, Les mots de Marché & de Foire ne sont pas synonimes & ne signifient pas la même chose ; le Marché se tient presque routes les semaines de l’année, aù lieu que les Foires se tiennent seulement une ou deux fois par an dans un certain. lieu.

Les jours de Foire sont privilegiez tant pour les Billets & Promesses qui s’y passent pour marchandises, que pour la franchise, immunité & sauf-conduit, car les Marchands allans ou venans à une Foire, ne peuvent être arrêtez ni emprisonnez pour dettes, mais bien pour crimes.

Il n’y a que le Roy qui puisse eriger une Foire ou un Marché, & en donner la concession à un Seigneur du Fief, & ce en vertu de Lettres Patentes au Grand Sceau, & dûëment enregistrées au Parlement, Chambre des Comptes, & ailleurs où besoin sera, comme on l’a ci : dessus remarqué ; & l’enregistrement ne doit être fait qu’apres une information de commodo & incommodo.

Senechal.

En Normandie le mot de Senechal ne se donne plus qu’au principal Juge des Justices des Seigneurs, soit Hautes, Moyennes ou Basses Justices ; il n’y a point de Senechaux Royaux en Normandie.

Dans le cas de cet Article le juge Bas Justicier a une espèce de Jurisdiction criminelle ; cette competence va à connoître de toutes les querelles, rixes, batteries, injures, juremens, vols, larcins & autre s délits commis dans & pendant la Foire ou le Marché du Seigneur, & non hors le Fief, ou hors la Foire ou le Marché, ou apres la Foire ou le Marché ; c’est ainsi que le porre cet Article par ces termes : c’est à sçavoir s’il interuient quelque bruit audit Marché, le Senechal en peut connoître.

Pourvû qu’il n’y ait ni sang ni playes.

Car s’il y a playes où sans répandu, le Juge Bas Justicier ne pourra plus connoître du fait, ce seroit le Juge Royal, c’est-à-dire le Bailly du ressort ; il faut encore ajouter que si le Juge Royal avoit prévenu le Juge Bas Justicier sur le bruit de la Foire ou Marché, ce seroit à lui à en connoître, quand bien même il n’y auroit ni plaie ni sang répandu, Et en lever amende.

L’amende est un fruit de Jurisdiction & non de Fief ; ainsi si un Seigneur de Fief n’avoit point de Jurisdiction ou justice, il ne pourroit prétendre de condamnation d’amende en sa faveur.

Par la Sentence que le Juge Bas Justicier rendra dans le cas de cet Article, il peut non-seulement condamner celui qui a délinqué à des peines pécuniaires, mais encore à d’autres, même afflictives suivant la qualité du fait, en gardant toutefois les formalitez de l’Ordonnance, & étant assisté de Juges Graduëz ennombre suffisant, comme aussi en quelqu’amende envers le Seigneur ; cette amende sera arbitraire & doit être reglée sur les circonstances du fait.

L’amende prononcée pour crime ou delit, peut être executée sur le champ. contre le condamné par emprisonnement de sa personne ; ainsi l’amende qui seroit prononcée par le Juge Bas Justicier dans le cas de cet Article, emporteroit la contrainte par corps, & le condamné pourroit être arrété à l’instant de la prononciation de la Sentence faute de payement.

a l’occasion du même mot d’amende, on peut encore observer qu’il est défendu à tous Officiers tant Royaux que subalternes, d’être Receveurs ou Fermiers des amendes, où de participer directement ou indirectement aux Fermes des amendes ; Ordonnance d’Orléans, art. 81. & Blois, art. 132. Ce fut sur ce fondement qu’un Acte de Societé entre un Procureur du Roy & un Receveur du Domaine du Roy pour raison du Domaine, fut declaré nul par Arrest du Parlement de Roüen du 22 Février 1533, & même le Procureur du Roy fut interdit des fonctions de sa Charge pendant un an, & condamné en 10 liv. d’amende : il faudroit porter la même décision contre un Procureur Fiscal qui s’associeroit avec le Receveur ou Fermier du Seigneur pour raison des droits utiles de la Terre & Seigneurie.

Les Receveurs des amendes sont tenus de poursuivre & faire le recouvrement des amendes dans trois ans, aprés lequel temps ils ne peuvent plus faire de poursuites contre le condamné, & ils sont responsables en leur propre & privé nom des amendes faute de poursuites dans les trois ans.

L’amende en matière criminelle, principalement dans les grands crimes, appartient au Fermier du Domaine du Roy ou du Seigneur, au temps du crime commis, & non à celui qui est le Fermier au temps de la condamnation ; mais dans les matieres du petit criminel ou en matière civile, l’amende appartient au Fermier au temps de la condamnation ; & si une Sentence qui contient une condamnation d’amende est confirmée purement & simplement par Arrest, l’amende appartient au Fermier au jour de la Sentence, & non au Fermier au jour de l’Arrest, par la maxime de droit que qui confirmat, nihil dat.

Il n’y a point d’amende sans condamnation, quand même elle seroit portée par l’Ordonnance ou la Coûtume, il faut que le Juge la prononce & qu’il y condamne celui qui la mérite ; car la peine d’amende n’est point encouruë ipso facto nec ipso jure.

Comme l’Eglise n’a point de territoire, un Official ou autre Juge d’Eglise ne peut en aucun cas condamner en l’amende, pas même un Ecclesiastique, il y auroit abus dans son jugement, il peut seulement condamner en une aumône.

L’amende n’emporte point peine d’infamie en matière civile, mais bien en matière criminelle, de la même manière qu’en matiere civile la condamnation en une aumone est infamante & emporte note d’infamie, mais non en matiere criminelle.

Le Roy n’a hipoteque sur les biens de ses sujets pour le payement des amendes que que du jour du jugement de condamnation à l’amende ; Déclaration du Roy du 13 Iuillet 1700. Il seroit juste d’étendre cette disposition aux amendes prononcées par les Juges subalternes en faveur des Seigneurs dans les cas que ces Officiers peuvent condamner en l’amende.