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ARTICLE XXIX.
L Es Seigneurs peuvent faire prendre leurs Prevôts, Receveurs & Meuniers un mois aprés leur charge expirée, pour leur faire rendre compte, & les retenir prisonniers jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte ou baillé plege de compter : toutefois s’ils n’ont que Basse Justice ils ne les peuvent détenir en leurs prisons que vingt-quatre heures, & aprés sont tenus de les renvoyer ès prisons du Roy ou de la Haute-Justice dont ils dépendent.
Si les Prevôts, Receveurs & les Meuniers des Seigneurs, tant Hauts Justiciers que Bas Justiciers, sont refusans de rendre leur compte à leur Seigneur de leur recette un mois aprés leur charge finie & expirée, ils peuvent être arrêtez & constituez prisonniers à la requête du Seigneur, & ils resteront en prison jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte ou donné caution solvable de compter & payer avec cette difference néanmoins que les Seigneurs Bas Justiciers ne peuvent detenir ces prisonniers plus de vingt quatre heures dans leurs prisons, aprés le-quel temps ils sont obligez de les renvoyer dans les Prisons Royales ou en celles du Seigneur Haut Justicier d’où la Basse Justice releve, au lieu que les Hauts Justiciers peuvent détenir leurs Prevôts, Receveurs ou leurs Meüniers dans leurs Prisons jusqu’à ce qu’ils ayent rendu compte ou donné caution ; ce qui marque que le Seigneur Haut Justicier n encore en ce cas plus de pouvoir que le Seigneur Bas Justicier.
Il n’est pas permis aux Seigneurs de faire ces emprisonnemens de leur autorité privée & sans garder aucune formalité de Justice, il saut une condamnation ou du moins il faut que cela se fasse en vertu de l’Ordonnance de leurs Juges & dans l’étenduë de la Seigneurie ; car hors la Seigneurie il faudroit que la Sentence de condamnation ou l’Ordonnance du Juge subalterne fût accompagnée & soutenue d’un Pareatis du Juge Royal ; car enfin un seigneur n’a qu’une action pour faire condamner son Prevôt-Receveur ou son Meunier à lui rendre compte ; il est vrai qu’il a la contrainte par corps contr’eux, mais encore faudroit-il qu’il y intervint une Sentence ou Ordonnance de condamnation pour pouvoir mettre ces comptables en prison : Cependant il faut demeurer d’accord que les Seigneurs en usent tout autrement, & qu’ils font arrêter & constituer prisonniers leurs Prevôt-Receveur ou leur Meunier par leur Sergent sans Sentence, ni Ordonnance ni figure de proces ; ce qui n’est pas trop régulier, il y a beaucoup d’in-conveniens dans de pareils emprisonnemens ; c’est pourquoi il seroit plus à propos que cela se fit de l’autorité du Iuge, & non par la seule disposition de cet Article, qui à la vérité donne la contrainte par corps, mais il conviendroit qu’elle fût prononcée par le Juge avant de pouvoir emprisonner.
Les Seigneurs, soit Hauts Justiciers, ou Bas Justiciers, ont droit de prison, & ils doivent en avoir ; rout autre particulier n’a point droit de Prison ni de Chartre privée : le droit de Prison est une émanation de la Justice, ainsi les Rois en concedant aux Seigneurs de Fief des Justices sur leurs vassaux & hommes de Fief, ils leur ont accordé par une conséquence nécessaire le droit de Prison au Prevôt sans recette & non comptable, ne peut être condamné par corps. ni être arrété ni constitué prisonnier à la requête du Seigneur, d’autant qu’il n’y a que la recette qui rend le Prevôt comptable & contraignable par corps, tant pour la reddition de son compte que pour le reliquat de son compte ; mais à l’égard du Meunier, il est toujours comptable, soit pour sa recette, foit pour les fermages du Moulin, avec néanmoins cette difference que si le Meunier avoit pris le Moulin à ferme ou loyer, le Seigneur pourroit seulement lui demander à la fin du bail qu’il fût tenu de compter des fermages ou loyers sur la représentation de ses quittances, & même le Meunier qui auroit pris le Moulin à titre de Fermier ou Locataire moyennant une certaine somme de deniers ou en grain par an, ne pourroit être condamné par corps à remplir le prix ou la redevance de son bail, à moins qu’il n’y eût une stipulation de contrainte par corps par le bail, laquelle stipulation est permise pour les baux des heritages, terres & biens de campagne.
Un Prevôt-Receveur ou Meunier comptable envers son Seigneur, n’est pas seulement tenu & par corps de rendre compte de sa recette, mais encore de payer le reliquat de son compte.
Quoiqu’un Ecclesiastique qui seroit homme de Fief & rentier envers la Seigneurie, & domicilié dans l’etenduë de la Seigneurie, ne puissé pas être forcé d’être Prevôt : Receveur à cause de son caractere, néanmoins s’il avoit accepté cette Charge volontairement, il s’exposeroit à la contrainte par corps pour la reddition & le payement du reliquat du compte, parce que par cette acceptation volontaire il auroit agit comme un laic.
Les Seigneurs sont obligez de faire rendre compté aux Prevôts-Receveurs & aux Meuniers comptables dans trois ans du jour de leur Charge finie, aprés lequel temps ils y seroient non recevables ; Arrest du même Parlement du 23 May 1606.
Le Prevôt-Receveur doit faire les deniers bons, des arrérages des rentes & redevances certaines, exigibles & non contestées, contenuës en sa commission ou état que les hommes de Fief lui ont mis és mains lors de son élection ; car s’il justifioit que les rentes & redevances lui ont été contestées par les rentiers ou par d’autres Seigneurs, & qu’il a fait ses diligences, même dénoncé les empéchemens au Seigneur, il seroit décharge à ce égard, de plus si le Prevôt-Receveur étoit devenu insolvable, les hommes de Fief, qui l’auroient élu, seroient responsables en leur nom & chacun personnellement, mais non solidairement, envera de Seigneur.
Sitôt que le Prevôt-Receveur ou le Meünier comptable a presenté & affirmé son compte, ou donné caution de rendre son compte & en payer le reliquat, si aucun y a, le Juge doit le mettre en liberté, sans que le Prevôt-Receveur ou Meünier comptable soit tenu de garder prison pendant l’appurement du compte.
Les Seigneurs sont obligez de fournis des alimens aux Prevots-Receveurs ou Meusniers emprisonnez à leur requête, tant qu’ils seront en prison, même par avance & de mois en mois, sinon le Juge, aprés les Sommations ordinaires faites au Seigneur qui auroit fait faire l’emprisonnement, ne pourroit pas se dispenser de les mettre en liberté, à peine de prise à partie & de tous dépens, dommages & interêts en son propre & privé nom ; car ce seroit un dény de Justice évident.
Les Juges des Hautes Justices & des Basses Justices, ne peuvent être élus Prevôts Receveurs, quand même ils seroient Hommes du Fief ; ils peuvent encore moins être Fermiers ou Receveurs des Seigneurs dont ils sont Officiers.
Le Prevôt-Receveur d’une Seigneurie ne pourroit pas contraindre ni executer les Fermiers du Domaine non fieffé appartenant au Seigneur, ni le Juge du Seigneur connoître de l’opposition qui seroit formée par les Fermiers du Domaine non fieffé à l’execution de leurs meubles & effets, parce que la Charge du Prevôt-Receveur ne s’étend que sur le Domaine fieffé, c’est-a-dire sur les rentiers & redevables envers la Seigneurie.
Le Seigneur peut faire condamner & contraindre, même par corps, le Prevôt-Receveur à vuider ses mains en les siennes à sur & à mesure qu’il a reçû les rentes & redevances, sans qu’il soit tenu d’attendre la fin de la Recette.
Nonobstant que par l’Ordonnance de 1667. art. 34. la contrainte par corps soit abrogée, sinon dans les cas y marqués, néanmoins la contrainte par corps portée par cet article de nôtre Coûtume demeure en son entier.