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ARTICLE XXXIV.

L E Seigneur doit tenir son Grenier ouvert pour recevoir les rentes en grain, du jour qu’elles lui sont duës ; & ne pourra lever l’amende sinon aprés le jour des Plaids, qu’il sera tenu faire termer un mois aprés le terme échù ; & si le Seigneur refuse de recevoir le grain, le vassal se pourra retirer à la Justice ordinaire pour prendre extrait de la valeur du grain du temps que l’offre de payer a été faite, pour assujettir ledit Seigneur à recevoir le prix de l’évaluation dudit grain ; & seront tenus les Seigneurs d’avoir chacun en leur Seigneurie un étalon de leur mesure jaugé & marqué du Jaugeur Royal, dont le Seigneur & les vassaux conviendront.

Le Seigneur doit tenir son Grenier ouvert pour recevoir les rentes en grain du jour qu’elles lui sont dûës.

Cette disposition fait entendre qu’en Normandie les rentes & redevances seigneuriales en grain, sont de droit portables & non requérables, s’il n’y a titre au contraire, puisque la Coûtume dit dans cet Article que le Seigneur doit tenir son Grenier ouvert pour y recevoir les rentes qui lui sont dûës en grain ; donc à contrario sensu si ces rentes n’étoient pas portables, en vain & inutilement le Seigneur seroit-il astraint de tenir son Grenier ouvert pour les y recevoir.

C’est au iour de l’écheance de s rentes & redevance s en grain, que le Seigneur est dans l’obligation absolué & indispensable de tenir son Grenier ouvert pour y recevoir les rentes & redevances en grain, qui y seront apportées, & non auparavant.

Ce Grenier ne peut être que dans l’etenduë du Fief & de la Seigneurie, car s’il étoit hors le Fief les Vassaux ou Censitaires ne seroient point tenus d’y aller, ni y porter ou faire porter les rentes & redevances seigneuriales en grains ; mais quant aux autres rentes & redevances seigneuriales qui ne sont point en grain, mais en argent, volailles ou autres especes, il faudroit suivre le titre originaire & primordial de la création de la rente & redevance pour savoir s’il y est dit qu’elle sera portable ou requerable, & au défaut du titre, suivre l’usage & la possession ; mais en Normandie toutes les rentes & redevances seigneuriales sont de droit portables s’il n’y a ni titre ou possession au contraire ; parce qu’on présume que les rentes & redevances seigneuriales ont été imposées au vassal ou censitaire pour une marque de superiorité en la personne du Seigneur sur le vassal ou censitaire, & de sujetion, de respect & de réverence en la personne du vassal ou censitaire au Seigneur ; ce qui ne peut mieux être Caracterisé qu’en obligeant un vassal ou censitaire de porter à son seigneur les arrérages des rentes & redevances qu’il doit à son Fief, soit en grain ou autres especes, même en argent, sans attendre que le Seigneur vienne ou envoie les querir : il est plus à propos d’obliger les vassaux ou censitaires de porter ou faire porter ces rentes au Seigneur & en son manoir étant sur le Fief, & à l’égard des rentes & redevances en grain, elles seront portées dans le Grenier du Seigneur.

Et ne pourra lever l’amende sinon aprés le jour des Plaids, qu’il sera tenu de faire termer un mois après le terme échu.

C’est. à-dire que si le vassal ou censitaire ne paye la rente & redevance seigneuriale dans le mois à compter du jour de l’écheance, il pourra être condamné en l’amende de as sols un denier envers le Seigneur par le Juge tenant ses Plaids, qui seront à cet effet fixez & tenus pour tout délay un mois aprés l’écheance de la rente & redevance seigneuriale ; mais avant ce temps-là le Seigneur ne sera point tenu de faire aucunes poursuites contre son vassal ou censitaire, ni lever l’amende, c’est-à-dire faire condamner le rentier en l’amende de la Coûtume.

De plus si le Seigneur n’a point de Grenier ouvert au temps marqué, ou s’il n’a point fait termer, publier & marquer le jour des Plaids pour le payement des rentes & redevances, le Vassal ou Censitaire ne pourra être condamné en l’amende.

Et si le Seigneur refuse de recevoir le grain, le Vassal se pourra retirer à la Justice ordinaire pour prendre extrait de la valeur du grain du temps que l’offre de payer a été faire, pour assujetir ledit Seigneur à recevoir le prix de l’évaluation dudit grain.

C’est donc une décision que si le Seigneur refuse de recevoir les grains qui lui sont offerts par son Vassal ou Censitaire, & que son Vassal ou Censitaire à porté ou fait porter dans le grenier du Seigneur au temps de l’échéance des rentes & redevances Seigneuriales, & dans le délai marqué par la Coûtume, il est permis au Vassal ou Censitaire de se retirer en la Justice ordinaire, c’est-à-dire en la justice Royale, pour y lever un extrait de l’appréciation & valeur des gros fruits au temps des offres qui ont été faites au Seigneur, pour ensuite lui offrir les grains en argent sur le pied de cette appréciation & évaluation ; ce que le Seigneur ne pourra pas refuser si les offres ont été bien faites ; car de telles offres doivent être réelles, par écrit & par un exploit en forme, afin qu’elles soient certaines : elles doivent en outre être faites au Seigneur en son principal manoir de la Seigneurie & en temps convenable, autrement les offres ne seroient pas valables, & non seulement le Vassal ou Censitaire seroit tenu d’offrir au Seigneur les arrerages des rentes & redevances en deniers suivant l’appréciation des gros fruits, & de les payer en grain, mais encore il pourroit être condamné en l’amende ; car dans ce cas le Vassal ou Censitaire est reputé être en demeure, retardement & en faute.

Ces termes Que le Vassal pourra se retirer en la Justice ordinaire pour prendre extrait de la valeur du grain, sont entendre clairement qu’il n’y a que le Juge Royal qui puisse faire d’office l’appréciation & évaluation des gros fruits pour servir de regle dans tout le ressort de sa Jurisdiction ; Arrests du Parlement de Roüen en forme de reglement des 28. May 1619. & 18. Janvier 1665. Ces appréciations se font tant par les Vicomtes que les Baillis, elles sont portées au Greffe : il est encore constant que la Justice ordinaire de tous les Sujets du Roy, est la Justice Royale ; car les Seigneurs n’ont des Justices que de Concession Royale, & ces Justices ne sont, pour ainsi dire, que des Justices empruntées.

Il faut ici remarquer qu’en cas d’offres valables de la parr du Vassal ou Censitaire de payer à son Seigneur les arrerages des rentes & redevances en grain qu’il doit à la Seigneurie, & lesquelles offres ont été mal-à propos & sans cause de Normandie, Tit. I. Art. XXXIV.

légitime refusées par le Seigneur, ces rentes & redevances seront payées en argent sur le pied de l’evaluation des gros fruits au temps des offres ; mais si le Vassal ou Censitaire n’a point payé les rentes & redevances ni fait d’offres valables, il payera les arrerages des rentes & redevances en argent sur le pied de l’évaluation faite sur un prix commun, résultant de l’appretiation generale faite par le juge Royal, du plus haut, médiocre & bas prix de l’année, si mieux n’aime le Seigneur en être payé sur le prix qu’elles valoient au temps de l’échéance ; Arrest du même Parlement du 19. Avril 1687.

Le Seigneur n’est point obligé de recevoir ses rentes & redevances Seigneuriales aprés le temps marqué par la Coûtume qu’en payant par le Vassal ou Censitaire l’amende, bien entendu si elle a été prononcée ; autrement le Seigneur ne pourroit faire que ses reserves par sa quittance de se pourvoir en temps. & lieu, pour faire condamner le Vassal ou Censitaire en l’amende ; car si le Seigneur recevoit le payement de sa rente & redevance purement & simplement, & sans reserve de l’amende encourue, prononcée ou non prononcée, il seroit censé avoir remis l’amende.

Une tierce personne peut offrir au Seigneur une année d’arrerages d’une rente & redevance seigneuriale pour le Vassal ou Censitaire, & ces offres mettroient le Vassal à couvert de l’amende, quoique faires par unc tierce personne & sans procuration, pourvù toutefois & non autrement que de pareilles offres soient accompagnées de toutes les conditions requises & necessaires en pareil cas, & qu’elles ne soient point desavoüées.

Le Vassal ou Censitaire ne peut obliger le Seigneur de recevoir en argent une rente ou redevance qui est en grain ou en autre espèce ; car les tentes & redevances seigneuriales doivent être payées dans l’espèce de leur création ; Arrest du même Parlement du 24 Janvier 1523.

Lorsque la rente est duë simplement en grain sans faire mention de la qualité du grain, elle doit être payée du grain cru sur la terre affectée specialement à la rente & redevance, & le Seigneur ne peut refuser ce grain tel qu’il soit, pourvû qu’il soit bien vané & netoyé, & non pourri & gâté par la faute & malice du Laboureur : mais au cas que l’héritage affecté specialement à la rente & redevance ne pût produire de grain, ou qu’il n’en eût point produit l’année coutante, la rente ou redevance seroit payée en autre grain entre le meilleur & le moindre.

Le mot de Bled n’est pas si generique que le mot de Gruin ; car le mot de grain comprend toutes sortes de grains, aù lieu que dans l’usage de la Province de Normandie sous le terme de Bled, on entend communément du Froment ; il faut en cela suivre l’usage du lieu ; c’est pourquoi le mot de Bled, employé simplement dans un Contrat ou autre Acte, doit être entendu suivant l’usage & la manière du lieu où l’on a contracté.

Et seront tenus lesdits Seigneurs d’avoir chacun en leur Seigneurie un étaion de leur mesure jaugé & marqué du Jaugeur Royal, dont les Seigneurs & leurs Vassaux conviendront.

C’est une obligation à chaque Seigneur d’avoir dans son grenier & dans sa Seigneurie une mesure étalonnée, jaugée & marquée, non pas par son Juge, mais par le Jaugeur Royal, à l’effet de mésurer les rentes & redevances en grain duës à sa Seigneurie ; ces mesures dépendent de l’usage, il y en a de plus grandes & de plus petites ; en Normandie on se sert ordinairement de Boisseaux & demi Boisseaux, dans de certains endroits suivant les titres ou la possession on mesure comble ou ras ; on garde ordinairement au Greffe de la Justice Royale l’étalon des mesures pour y avoir recours dans l’occasion ; en d’autres lieux c’est aux Hôtels de Ville où l’on met l’étalon des mésures, elles sont ordinairement de cuivre, & quelquefois de bois ; c’est sur ces mésures qu’on re-gle toutes les autres, soit pour les grains, soit pour les boissons ; elles doivent être marquées aux Armes du Roy.

Etalonner.

Etaloy du Roy c’est la mesure sur laquelle on étalonne & on marque aux Armes du Roy les autres mésures ; & l’Etalonneur est l’officier qui a droit d’étalon-ner les mesures ; nôtre Coûtume dans cet article appelle cet Officier Jaugeur & Marqueur.